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Héritages glaciaires würmiens et enregistrements karstiques dans la bordure occidentale des Bauges (Alpes du Nord, France)

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117
Livre 2 | Le karst des Bauges
Héritages glaciaires würmiens et
enregistrements karstiques dans la bordure
occidentale des Bauges (Alpes du Nord, France)
quation avec la géométrie des conduits).
Il est montré que le karst (en surface comme
sous terre) a enregistré le passage des glaciers
au cours du Würm, se traduisant par des formes
et des dépôts étagés sur 1 000 m de dénivella-
tion. Entre 1 000 et 1 500 m NGF, les dépôts et les
formes de la cuvette glaciokarstique du Mariet
sont des témoins des phases les plus anciennes
(MIS 4, Marine Isotopique Stage 4) mais aussi
des plus récentes (MIS 2). Vers 700 m NGF, des
replats dans la vallée du Chéran entre le Châte-
lard et Lescheraines, marquent un ancien niveau
de base. À la même altitude, des conduits kars-
tiques ennoyés contiennent des concrétions da-
tées (MIS 5). Plus bas, entre 500 et 690 m NGF, le
karst actuel, et en particulier ses conduits épi-
noyés, présentent un fonctionnement hydrody-
namique encore sous l’influence de ces héritages
glaciaires passés.
À travers le cas du karst des Bauges occiden-
tales et de l’influence des glaciers tempérés isérois
fini-quaternaires, il est possible de mieux analyser
RÉSUMÉ : Les relations qui unissent les héri-
tages glaciaires au karst sont analysées ici autour
du cas de la bordure occidentale des Bauges, du
plateau de la Féclaz, de la montagne de Bange, de
la cluse du Chéran et du Semnoz. Soumis durant
le Quaternaire à une série d’invasions glaciaires
allochtones provenant des Alpes internes (débor-
dement du glacier de l’Isère), le karst des Bauges
a enregistré ces crises par des morphologies
de surface spécifiques, une réorganisation des
conduits souterrains et des dépôts détritiques
et chimiques. L’analyse proposée ici repose sur le
croisement de trois approches complémentaires :
(i) une analyse géomorphologique des objets
(synthèse de réseaux karstiques, géométrie de
conduits spéléologiques, cartographie de formes
de surface) ; (ii) une étude des dépôts souter-
rains (caractérisation des nappes de galets flu-
vio-glaciaires, datation U/Th des spéléothèmes)
et (iii) une analyse des réajustements hydrody-
namiques en cours dans les systèmes karstiques
(spatialisation des hydrogrammes de crue et adé-
Stéphane JAILLET1, Edwige PONS-BRANCHU2, Isabelle COUCHOUD1, Sylvain COUTTERAND1,
Fabien HOBLÉA1, Johan BERTHET1, 3, Jean-Jacques DELANNOY1, Philip DELINE1, Pierre-
Allain DUVILLARD1, Christian DODELIN4, Lorna FOLIOT 2, Christophe GAUCHON1,
Kim GENUITE1, Olivier LANET6, Patrick LESAULNIER4, Gilles MENARD1, José MULOT,
Jacques NANT4, Stéphane LIPS5, Emmanuel TESSANNE4 et Matthieu THOMAS7
Conduit épinoyé de la grotte de
Prérouge. Photo M. Thomas.
1 Laboratoire EDYTEM, Univ.
Grenoble Alpes, Univ. Savoie Mont
Blanc, CNRS, pôle Montagne,
73376 Le Bourget-du-Lac, France
2 Laboratoire des Sciences du Climat
et de l’Environnement, LSCE/IPSL,
CEA-CNRS-UVSQ, Université Paris
Saclay, 91191 Gif-sur-Yvette, France
3 Styx 4D, Savoie Technolac,
73376 Le Bourget-du-Lac
4 Spéléo Club de Savoie et Comité
départemental de Spéléologie de
la Savoie, 67 rue saint François
de Sales, 73000 Chambéry
5 Groupe Spéléologique Vulcain, 36
rue Sidoine Apollinaire, 69009 Lyon
6 CDS 74, Maison des Sociétés,
74801 La Roche-sur-Foron
7 Karst3e, Morion, 73190 La Thuile
Photo page de gauche : José Mulot
dans les conduits étroits du Trou
des Casses. Photo S. Jaillet.
118 KARST2018 | Karstologia Mémoires n° 20
Figure 1 : Englacement maximum
wurmien dans les Alpes françaises
du Nord et flux glaciaires identifiés
[extrait COUTTERAND, 2010].
Localisation du secteur étudié
sur la bordure occidentale des
Bauges (rectangle rouge).
Würm Glacial Maximum (WGM)
stage in the northern french Alps
and glacier flows [COUTTERAND
2010]. Location of the studied site
on the western Bauges massif.
phases glaciaires et permettent ainsi d’apporter
une vision renouvelée des héritages glaciaires fi-
ni-quaternaires des Alpes françaises du Nord.
MOTS-CLÉS : KARST, HÉRITAGES GLACIAIRES, WÜRM,
BAUGES OCCIDENTALES, ALPES DU NORD (FRANCE).
la diversité des réactions des conduits des grands
réseaux souterrains (système Prérouge – Prépou-
lain en rive gauche du Chéran, système Bange –
Eaux Mortes en rive droite). Les réajustements im-
médiats ou différés, par comblement ou incision,
s’expriment diversement selon les altitudes et les
ABSTRACT: WÜRMIAN GLACIAL INHERI-
TANCE AND KARST RECORDINGS IN THE WEST-
ERN EDGE OF THE BAUGES (NORTHERN ALPS,
FRANCE).
We study here the relationships between
karst and glacier inheritances in the western
Bauges massif (Northern Alps, France), from
the Féclaz plateau and the Bange Mountain, to
the Semnoz Mountain and the cluze du Chéran.
During quaternary period, allochtonous glaciers
from the internal Alps (Isère glacier) invaded the
Bauges massif. Its karst registered those events,
generating specific morphologies, endokarstic
reorganization, detritic and chemical deposits.
We propose here a combined analysis based
on three approaches: i) a geomorphological
analysis of the objects (karstic drains, surface
cartography), ii) a study of the subterranean
deposits (fluvio-glacial deposits, U/Th datings
of speleothems), and iii) an analysis of hydro-
dynamic evolution, inside and outside the karst
systems.
Endokarst and exokarst registered glacier
invasions during isotopic stages 2 and 4, lead-
ing to deposits and morphologies that can be
seen on about 1000 m (between 500 and 1500
above sea level (a.s.l). Between 1000 m and 1500
m (a.s.l), the Mariet depression and the Semnoz
cap contain deposits and morphologies that tes-
tify old glacial phases (MIS 4), and more recent
ones (MIS 2). Near 700 m a.s.l, terraces deposits
inside the Chéran valley reveal a old base level.
At the same altitude, endokarstic vadose drains
contain concretions dated from the MIS 5 isoto-
pic stage. Down the valley, between 500 m and
700 m a.s.l, the current karst has developped a
hydrodynamic way of functioning that can be
linked to glacier inheritances.
Through the western Bauges karst and gla-
cier influence at the end of the Quaternary era, it
is possible to understand how karst (Prépoulain,
Prérouge, Bange and Eaux-Mortes systems), re-
acts to those glacier invasions). Immediate en-
dokarstic reorganization or later ones (incisions
or deposits) lead to different morphologies ac-
cording to their altitudes and can be considered
to a new proxy to study the last Quaternary gla-
ciation in the northern French Alps.
KEYWORDS: KARST, GLACIER INHERITANCES, WÜRM,
BAUGES MASSIF, NORTHERN FRENCH ALPS.
Secteur étudié
119
Livre 2 | Le karst des Bauges
datations 14C à ~45 ka incite à rechercher une
nouvelle approche pour éclairer cette probléma-
tique. Dans cette perspective, le karst constitue
un objet à très fort potentiel [AUDRA et al., 2007].
Connu pour être un enregistreur exceptionnel
des variations environnementales [PALMER, 2007],
il est sollicité aujourd’hui pour des approches va-
riées, depuis des reconstitutions paléogéogra-
phiques sur du temps long comme pour des ana-
lyses paléo-environnementales sur des échelles
plurimillénaires à saisonnières. Tantôt analysées
pour ses formes souterraines [SLABE, 1995], tan-
tôt pour ses dépôts qu’ils soient détritiques ou
chimiques [KLIMCHOUK et al., 2000], il constitue
une archive précieuse, souvent complémentaire,
parfois unique. Les relations entre karstification
et influence glaciaire ont déjà été analysées avec
succès en Italie [BINI et al., 1998], en Suisse [HÄU-
SELMANN, 2002], dans le Jura [LIGNIER et DESMET,
2002], en Patagonie chilienne [JAILLET et al., 2008]
ou plus récemment en Espagne [BALLESTEROS et
al., 2017] pour ne citer que quelques cas. Dans
les Préalpes calcaires, le karst a enregistré les in-
vasions glaciaires, notamment dans le Vercors et
en Chartreuse [AUDRA, 1994 ; DELANNOY, 1984 et
2002]. À la grotte Vallier (Vercors), le paléomagné-
tisme a montré des aimantations inverses, ce qui
repousse à plus de 700 ka l’âge des concrétions
scellant ici des dépôts associés au glaciaire [AU-
DRA et ROCHETTE, 1993].
Le karst des Bauges occidentales compte
parmi les plus importants ensembles spéléolo-
giques de France [CDS 73, 1993 ; BIGOT, 2004].
Un demi-siècle d’exploration spéléologique a
permis la découverte et la cartographie de très
grands réseaux souterrains. Ils appartiennent à
trois ensembles hydrokarstiques majeurs se dé-
veloppant dans les calcaires urgoniens, du sud
au nord : (i) : le système de la Doria totalisant 371
phénomènes karstiques et 82 km de conduits
dont 48 km pour le réseau Garde/Cavale/Perrin et
21 km pour le réseau Doria/Pleurachat [DURAND,
2015 ; BOURGEOIS, ce volume], (ii) le système de
Prérouge totalisant 70 km sur 171 cavités, dont
55 km pour le seul réseau de Prérouge/Bange/
Prépoulain [BOURGEOIS, ce volume] et (iii) le sys-
tème des Eaux Mortes totalisant 9 km dont 5 km
pour le seul réseau Bange-Eaux-Mortes [LANET,
Dès 1912, Combaz avait montré l’importance
des glaciations anciennes quaternaires
dans la région de Chambéry et en Bauges
[COMBAZ, 1912]. Un siècle plus tard, Coutterand
[2010] propose une synthèse cartographique
détaillée de l’englacement maximal würmien des
Alpes du Nord (figure 1). Il discute notamment le
problème des retraits et avancées glaciaires sur
les bassins du Rhône, de l’Arve, de l’Isère au cours
du Würm. Mais les modèles d’évolution proposés
en Suisse et en France ne convergent pas [IVY-
OCHS et al., 2008]. En Suisse, les datations réalisées
par luminescence ou 14C militent pour une exten-
sion maximale würmienne au dernier maximum
de froid, c’est-à-dire au Würm récent (22-25 kA,
MIS 2, Marine Isotopique Stage 2) [SCHLÜCHTER,
2004]. Dans les Alpes françaises du Nord (Alpes
occidentales), l’extension maximale würmienne
est attribuée à un Würm plus ancien (supérieur à
40 kA) [MONJUVENT et NICOUD, 1988]. Le problème
d’une extension maximale würmienne non syn-
chrone est depuis débattu. Schoeneich [1998] a
proposé une revue des arguments et discuté le
problème et Triganon et al. [2005] ont proposé
une chronologie würmienne pour le glacier du
Rhône. Sur la base d’une analyse pétrographique
(identification des blocs erratiques et reconnais-
sance de minéraux lourds), Coutterand [2010] a
pu démontrer que l’ensemble des flux glaciaires
allochtones qui traversent le massif des Bauges
est isérois. De fait, il montre ainsi qu’une part im-
portante du lobe lyonnais (médiane et septen-
trionale) est alimentée par le bassin glaciaire de
l’Isère [COUTTERAND et al., 2009] (figure 1).
Le massif des Bauges occupe une position
centrale stratégique pour résoudre cette contro-
verse. En effet, selon l’altitude des glaciers qua-
ternaires isérois, les glaces envahissent ou non
ce massif par des cols dont chacun constitue un
seuil à la pénétration extérieure. Appartenant aux
Préalpes, les Bauges ne recèlent, à part quelques
éléments molassiques, que des éléments carbo-
natés. Tous les dépôts cristallins, tous les blocs
erratiques non sédimentaires, en particulier en
altitude constituent ainsi des témoins potentiels
de ces invasions glaciaires.
La difficulté à identifier de nouvelles cibles
(indigence des dépôts glaciaires) et la limite des
Introduction
Etape D.III Paléo-surface de Lescheraines (700 m)
?
LEG
Dent d’Arclusaz
(2041m)
Col du Frêne
(950 m)
Mt. Colombier
(2045 m)
Mt. Margériaz
(1845 m)
Mt. Semnoz
(1702 m)
La Biolle (831 m)
La Charvaz (1161 m)
Lac du Bourget
(232 m)
Grand Arc
(2484 m)
500
1000
1500
2000
2500
Vallée de l’Isère
(290 m)
Glacier isérois WGM
010km
WNW ESE
Karst des
Bauges
occidentales
Mariet (1000 m)
Figure 2 : Coupe de synthèse du
massif des Bauges entre la vallée
de l’Isère au droit d’Albertville
et la vallée du Rhône au droit de
Belley. L’englacement maximum
laisse quelques nunataks dans
le massif des Bauges. Le karst
des Bauges occidentales est en
position stratégique, au droit
de la ligne d’équilibre glaciaire
(LEG à 1 250 m NGF), en partie
sous la glace au WGM.
Synthetic cross-section of the
Bauges massif near Albertville
city, between the Rhône valley
and the Isère valley. During
the WGM, only a few nunataks
were visible inside the Bauges
massif. Its karst is strategic
because it is positioned directly
under the glacier equilibrium
line (LEG), near 1 250 m a.s.l.
120 KARST2018 | Karstologia Mémoires n° 20
deux objets (karstique et glaciaire) pour chercher
à contraindre l’évolution fini-quaternaire de ce
secteur (figure 2). C’est l’objet du présent article
qui se veut une analyse des objets karstiques et
des enregistrements glaciaires des Bauges occi-
dentales. Au sud de cet ensemble, à propos du
karst de la Doria, Wilhelm [2007] mentionne le
rôle des glaciers dans l’évolution du réseau. Plus
au nord, pour le système de Prérouge, Mugnier
[1965 et 1979] et Hobléa [1999] mentionnent
des empreintes glaciaires dans le Trou des Casses
(dépression du Mariet). La question des héritages
glaciaires dans le karst de la cluse du Chéran est
abordée par Jaillet [2013] mais sans contrainte
chronologique. Il semble donc temps de réinter-
roger cette question en cherchant à obtenir de
nouvelles données de terrain.
Après (partie I) une présentation du karst de
la bordure occidentale des Bauges (limité pour la
présente étude aux deux systèmes de Prérouge
et des Eaux mortes, encadrant la cluse du Ché-
ran), nous ordonnerons les marqueurs karstiques
de l’englacement selon une grille altitudinale
(partie II). Les éléments du réajustement kars-
tique postglaciaire seront analysés (partie III) et
un modèle d’évolution du secteur sera proposé
(partie IV).
2013]. Cet ensemble spéléologique s’étend sur
30 km et sur une surface d’environ 100 km2 ce qui
donne une densité approximative de l’ordre de
1,5 km de galeries par km2 et ceci sur un espace
assez considérable.
À l’échelle du massif des Bauges, en ajoutant
l’ensemble des conduits connus dans les calcaires
valangiens, l’ensemble spéléologique du Margé-
riaz et les autres massifs plus modestes, 1 271
phénomènes souterrains et 266 km de conduits
sont aujourd’hui reconnus [BOURGEOIS, ce vo-
lume ; Robert Durand, communication person-
nelle].
Cet ensemble karstique, organisé selon un
axe NNE-SSW s’étage en outre sur plus de 1 000 m
de dénivellation (globalement entre 500 m et
1 600 m NGF). Or, les flux glaciaires, eux, s’écou-
laient d’est en ouest, dans des gammes altitudi-
nales similaires (figure 2). Au WGM (Würm Glacial
Maximum), la ligne d’équilibre glaciaire est éva-
luée à 1 250 m NGF [COUTTERAND, 2010], ce qui
laisse entendre que, dans l’ensemble du secteur,
le glacier est tempéré et que les écoulements
karstiques sous-glaciaires sont toujours pos-
sibles. Cette bonne connaissance des extensions
glaciaires et du potentiel spéléologique est une
opportunité. Il y a là une possibilité de croiser ces
M
M
B
BM
M
B
B
Creux 222
Aff. Espoir
La Benoîte
Creux Loret
Invalides Gd Tétras
Grotte de l’Ours
Scierie Prérouge
WGM
WGM
WGM
WGM
DIII
Litorne
Crêt de l’Aigle
Col de
Leschaux
Roc des
Boeufs
Cimeteret
(Margériaz)
Tou r d es
Ebats
Compartiment du Semnoz
Compartiment de Bange
Compartiment d’Arith
Compartiment de Saint François
Montagne
de Bange
Mariet
La Culaz
Mont
Chabert
M
B
Chevauchement frontal
des Bauges
Chevauchement
du Margériaz
Calcaires barrémiens
à faciès urgonien
Marno-calcaires
de l’Hauterivien
Calcaires valanginiens
(Fontanil)
Réseau karstique
Surface paléo-lac Lescheraines
WGM - Maximum d’extension wurmien
DIII - Etape de retrait
Remplissage glaciaire et fluvio-glaciaire
Niveau 700m
Niveau 700m
La composition des
coupes est réalisée à
partir des fonds
disponibles sur
www.geoportail.gouv.fr,
l’habillage des structures
géologiques est réalisée à partir des
informations (coupes et plans)
disponibles sur www.geol-alp.com, par
Maurice Gidon. Les extensions glaciaires
sont reprises des travaux de Coutterand (2010).
Les réseaux karstiques sont tirés des travaux de
synthèses du Spéléo-Club de Savoie, de
l’Association Spéléologique Aix-les-Bains le Revard et le
Groupe Spéléologique des Troglodytes de Novel.
Synthèse et réalisation : S. Jaillet 2017.
400
600
800
1000
1200
1400
1600
10 2345678910
km
400
600
800
1000
1200
1400
1600
10 2345678910
km
400
600
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10 2345678910
km
400
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800
1000
1200
1400
1600
10 2345678910
km
N
W
W
S
E
E
SUD NORD
Figure 3 : Coupes synthétiques successives, du sud au nord, des ensembles
géologiques de la bordure occidentale des Bauges. Les systèmes
karstiques étudiés se développent essentiellement dans les ensembles
carbonatés de l’Urgonien et ont subi l’influence de l’englacement maximal
(WGM) et des épisodes fluvio-lacustres associés à la déglaciation.
Synthetic cross-sections of the western Bauges massif. Karstic
systems are essentially developped inside the urgonian limestone
and have been affected by the Würm Glacial Maximum (WGM)
and the fluvio-lacustrian phases linked to deglaciation.
121
Livre 2 | Le karst des Bauges
de Bange et le synclinal du Mariet qui commande
un relief structural magnifique. C’est dans cet en-
semble que se développe une partie importante
du réseau de Prérouge (branche de Bange ou
des Argonautes). Le synclinal du Mariet n’est pas
reconnu au sud, décalé d’une part par le décro-
chement de Montagny et surtout évasé par une
terminaison péri-synclinale identifiable dans le
compartiment d’Arith (figure 3). C’est dans ces
deux compartiments de Bange et d’Arith que le
développement spéléologique est maximal.
Au nord, la vallée du Chéran recoupe la struc-
ture anticlinale Semnoz/Bange en une cluse élo-
quente de 6 km de long et de 1,4 km de large
dans sa zone étroite. Au nord de cette cluse se dé-
veloppe le compartiment du Semnoz (figures 3
& 4). Comme précédemment, le vaste anticlinal
structure le relief et c’est sur le flanc oriental, le
mieux conservé que se développent des cavités
comme la grotte de l’Ours ou le gouffre Germinal.
Les données structurales commandent ainsi
la nature des reliefs et la géométrie des comparti-
ments calcaires dans lesquels se développent les
réseaux souterrains. Les écoulements karstiques
obéissent à cette organisation avec quelques
complexités locales.
B. Une organisation des
écoulements souterrains
L’organisation hydrogéologique est structu-
rée de part et d’autre de la cluse du Chéran en
deux systèmes principaux dans les calcaires ur-
goniens et un système dans les calcaires valan-
giniens. Étudiées dès les années 1970 [LEPILLER,
1976 ; Lemordant, 1977], on estime aujourd’hui
que ces unités se caractérisent ainsi [DENAVIT,
2005 ; HOBLÉA, 1999 et 2013] :
(i) Système des Eaux mortes. Il sourd à
l’étiage à 600 m NGF au Nant de la Combe et en
crue à 650 m NGF à la grotte des Eaux Mortes. Il
draine les calcaires urgoniens de la rive droite du
Chéran. Le bassin d’alimentation karstique est es-
timé à 12,3 km2 ;
(ii) Système de Prérouge. Il sourd à 577 m à
la source du Moulin et à la grotte de Prérouge
(580 m NGF) en crue. Il draine les calcaires urgo-
niens de la rive gauche du Chéran. Le bassin d’ali-
mentation karstique est estimé à 20,7 km2.
(iii) Système de Bourbouillon. Il sourd au
Pont de l’Île (555 m NGF) et à Bourbouillon (556 m
NGF). Il draine les calcaires valanginiens de la rive
gauche du Chéran et, nous allons le voir, une par-
tie des calcaires urgoniens de cette même rive.
Le bassin d’alimentation karstique est estimé à
34,3 km2.
En rive droite, le système Bange/Eaux Mortes
est essentiellement connu par le réseau de la
Ce karst se développe essentiellement
dans les calcaires urgoniens et pour par-
tie dans les calcaires valanginens. Le relief
est conforme et commandé ici par la structure
anticlinale de la bordure occidentale des Bauges
[LANSIGU et HOBLÉA, ce volume]. L’organisation
des écoulements karstiques est structurée par ce
canevas tectonique et par le niveau de base que
constitue ici le Chéran.
A. Données géologiques et
géomorphologiques
Le massif des Bauges appartient aux chaînes
subalpines plissées. La partie occidentale, pré-
sentée ici, est essentiellement organisée à la fa-
veur d’un important anticlinal : l’anticlinal Bange/
Semnoz. Celui-ci est compliqué localement par
le synclinal du Mariet, conséquence de l’anticli-
nal de rampe [HUGOT, 2012]. L’ensemble de cette
structure chevauche et domine la dépression
molassique de l’Albanais située plus de 1 000 m
en contrebas, vers l’ouest [DOUDOUX et al., 1982].
Le chevauchement frontal des Bauges marque
la limite géologique entre les deux unités (fi-
gure 3). Vers l’est, le chevauchement du Mar-
gériaz marque la limite orientale de cette unité
géologique. Ce lourd anticlinal Bange/Semnoz
commande un relief conforme typique. Le Sem-
noz, comme la montagne de Bange, est un mont,
la cuvette du Mariet un val. Vers le sud, la struc-
ture se complexifie et les reliefs structuraux sont
moins clairs.
Deux failles importantes et la vallée du Ché-
ran séparent cette unité morpho-structurale en
quatre compartiments distincts (figures 3 & 4).
Au sud, le compartiment de Saint-François est
une unité pentée vers l’est. La dalle calcaire urgo-
nienne proprement dite y accueille un réseau ex-
ploré récemment : le creux 222 [COLLECTIF ASAR,
2018]. Cette unité est limitée au nord par la faille
de Prépoulain. Celle-ci est un décrochement dex-
tre orienté est-ouest marqué dans le paysage par
un escarpement de ligne de faille caractéristique
(figure 4). Au nord de cette faille, le comparti-
ment d’Arith (appelé parfois dalle de Prépoulain)
offre une surface structurale pentée vers l’est et
dans laquelle se développe une part importante
du réseau de Prérouge (branche dite Prépoulain
ou Héspérides). Cette unité est limitée au nord
par la faille de Montagny. Celle-ci, comme la
faille de Prépoulain, est un décrochement dextre
orienté WSW-ENE marqué aussi dans le paysage
par un important escarpement. Au droit de cette
faille se développe la fameuse salle Fitoja. Cette
faille est la limite sud du troisième comparti-
ment structural présenté ici : le compartiment de
Bange (figures 3 & 4), caractérisé par l’anticlinal
I. Le karst de la bordure occidentale des Bauges
122 KARST2018 | Karstologia Mémoires n° 20
Ruisseau d’Aillon
Ruisseau St. François
Nant de Glapigny
Le Chéran
. 998
1434 .
. 683
. 579
. 679
. 664
. 674
. 1311
. 1230
. 1446
. 1217
. 550
. 580
. 545
692 .
. 1262
. 1646
. 897
. 1702
. 1555
. 1026
. 765
. 798
. 864
. 858
. 821
930 .
. 637
. 622
. 603
. 837
. 1119
. 1370
. 580
. 698
. 690
. 691
. 590
. 930
. 665
. 560
550 .
880 .
Esc. de faille de Montagny
Esc. de faille de Prépoulain
BLOC DE
SAINT FRANCOIS
BLOC DE
PREPOULAIN
DALLE DU
MARGERIAZ
BLOC DE
BANGE
BLOC DU
SEMNOZ
Gouffre des
Campagnols Goliath
Creux de la
Benoîte
Pic Noir
Creux du
Loret
Litorne
Grand
Tet ras
Casses
Invalides
Grotte de
Prérouge
Grottes de
Bange
Grotte de l’Ours
Germinal
Creux 222
Grottes des
Eaux Mortes
Pierre du Frère Grotte de
la Scierie
Bourbouillon
Grotte des
Rochettes
Puits du Pendule
Puits Michel
Dent de Gonvi
Tourbière des
Creusates
L’Abîme
La
Charnia
Pt du
Diable
Fitoja
Col de Leschaux
S10
S8
S11
Source du
Pissieu
Lot du Bois
Attily
Dalphins
Mollard
La Taillette
Bialles
Pallud
Lovat
Mégoz
Arith
C. Epine
Villaret
coupe 1
coupe 2
coupe 3
coupe 4
01km
N
Figure 10
123
Livre 2 | Le karst des Bauges
la montagne de Bange avec les cavités de la Li-
torne, du Pic Noir, des Invalides et du Grand Tétras
constitue l’autre branche, plus au nord (figure 4).
Ces deux unités sont, on l’a dit, séparées par la
faille de Montagny, important accident affectant
l’anticlinal Bange/Semnoz. Ces deux ensembles
hydrographiques souterrains hiérarchisés con-
fluent à l’aval de la salle Fitoja pour rejoindre
l’exutoire du système : la grotte de Prérouge. Une
grande partie des écoulements provient de l’ali-
mentation par infiltration dans les fissures du la-
piaz (montagne de Bange et bois de Prépoulain),
tandis que sur les amonts extrêmes du système,
on note une alimentation par des pertes (Regué-
raz, Benoite…) ce qui confère à ce karst un carac-
tère binaire [HOBLÉA, 1999]. Le passage de la faille
et de la salle de Fitoja mérite attention. En effet, le
décrochement affecte une série plissée. De fait, le
décrochement, faille à composante horizontale,
met en connexion les séries calcaires de chacun
des deux compartiments (figure 6). Il se produit
alors un phénomène étonnant de « croisement
hydrogéologique » assez rare dans la nature (fi-
gure 4). En effet, les eaux qui s’infiltrent dans les
calcaires urgoniens du compartiment de Bange,
cherchent à rejoindre la base de ces calcaires et
filent vers le sud (direction générale qu’imposent
le pendage et la gouttière du synclinal du Mariet).
Ces écoulements souterrains butent sur la faille
de Montagny qui met localement en contact
les marno-calcaires de l’Hauterivien (compar-
timent de Bange au nord) et les calcaires urgo-
niens (compartiment de Prépoulain au sud). Les
eaux profitent de ce contact pour passer dans le
compartiment le plus au sud et continuent ain-
si leur cheminement, toujours dans les calcaires
urgoniens, en direction de la grotte-émergence
grotte de Bange (5 km) (à ne pas confondre avec
la montagne de Bange qui se présente en face,
en rive gauche). Les développements spéléolo-
giques sont essentiellement reconnus par explo-
ration en plongée ou en post-siphon [GROUPES
DÉTUDES HYDROLOGIQUES DU SEMNOZ, 1984]. Étu-
dié pour l’hydrogéologie dès les années 1970 [LE-
PILLER, 1976 et 1980 ; MATHEVET, 2002 ; MATHEVET
et al., 2004 et 2008], le système est l’objet d’explo-
rations récentes [LANET, 2013]. Des écoulements
en zone noyée et épinoyée y sont identifiés. Sur le
plateau, aucune cavité à développement vertical,
provenant du Semnoz ne jonctionne avec l’aval
du système malgré les explorations importantes
menées depuis la fin des années 1960 [COLLECTIF,
2011]. Plus récemment, l’exploration du gouffre
Germinal est venue compléter la connaissance du
secteur [MANIGLIER et LESAULNIER, 2015]. Le collec-
teur du système se développe sur deux niveaux,
l’un calé à la côte de la grotte des Eaux Mortes
et l’autre une quarantaine de mètres en contre-
haut, calé au niveau de l’entrée sud de la grotte
de Bange. Notons qu’il existe aussi coté Prérouge
un dispositif similaire avec une dénivellation
importante entre le S10 perché et le S9 situé en
contrebas de 70 m environ. Nous y reviendrons.
En rive gauche, le système Prérouge/Prépou-
lain est en quelque sorte le « karst symétrique » du
système Bange/Eaux Mortes, mais bien plus com-
plexe et bien plus important en développement.
Il est intégralement organisé sur deux comparti-
ments urgoniens à pendage est (figure 3), vers la
vallée du Chéran et la dépression de Lescheraines
[HOBLÉA, 1999 ; JAILLET, 2013]. Le panneau Prépou-
lain avec les cavités de la Benoite et du Goliath,
mais aussi la branche Héspérides de Prérouge
constitue une unité importante. Le panneau de
Figure 4 : Carte de synthèse du secteur
étudié, présentant notamment le relief, les
morphologies structurales et glaciaires, les
réseaux karstiques et les replats fluvio-
lacustres. Voir légende figure suivante. Le
fond raster en niveau de gris provient du
modèle numérique de terrain de l’IGN. Les
réseaux hydrographiques sont reproduits à
partir de la carte IGN 1/25 000. Les pendages,
les failles et les limites des dépôts glaciaires
sont repris de la carte géologique 1/50 000.
Les limites d’englacement proviennent des
cartographies de Coutterand [2010]. La
topographie du système Eaux Mortes est
celle synthétisée par Olivier Lanet [2013].
Le système de la Benoite et les cavités de
la montagne de Bange sont repris de la
synthèse de Denys Bourgeois [Spéléo-Club
de Savoie, 2011], complété pour le post S10
par les données de S. Lips et M. Tessanne. Le
pointage des cavités sur Bange/Prépoulain
est repris de la synthèse de G. & M. Yoccoz
[1991]. Le pointage des cavités sur Semnoz
est repris de Speleo-Drack [COLLECTIF,
1971]. La grotte de l’Ours et Germinal sont
repris des publications du GSTN [1986 et
MANIGLIER & LESAULNIER, 2015]. Le creux 222
est repris des données de l’ASAR [2018].
Topographie & hydrographie
Géologie et structure
Héritages glaciaires
Puits du Pendule
Lacustre et fluviative
Karst
. 560
. 1446
. 637
692 .
Réseau hydrographique
de surface
(pérenne / temporaire)
Escarpement rocheux
Talus important
Gorge
Talus mineur
Point cotés
(surface)
Point coté
(endokarst urgonien)
Point coté
(endokarst valanginien)
Point coté
(cote 700 T.sup)
Signe de pendage
Escarpement de faille
(avec indication de
décrochement)
Limite maximale
englacement würmien
Roches moutonnées
rabotage glaciaire
Direction des
flux glaciaires WGM
Dépression
glacio-karstique
perché
Till indifférencié
Dépression importante
dolines
Entrée de cavité
gouffre
Réseau spéléologique
(calcaires urgoniens)
Réseau spéléologique
(calcaires valanginiens)
Ecoulement souterrain
calcaires urgoniens)
Ecoulement souterrain
calcaires valanginiens)
Source karstique
Replat
sup.
Terrasse
fluviatile méd.
Terrasse
fluviatile inf.
680 / 630
700
670 / 580
690
T.s up
T. m ed
T. inf
T.sup
T. med
T. inf
Temps
Replats et terrasses Limite maximale
du paléo-lac
Talus bordier de
la terrasse médiane
Cône de déjection
post-glaciaire
Figure 5 : Légende de la carte
de synthèse (fig. 4).
Synthetic map legend (fig. 4)
Synthetic map of the studied
sector. Topography, structural
and glacier morphologies, karstic
systems, fluvial and lake deposits
can be seen on the maps. Raster
shaded map comes from IGN
Digital Elevation Model (DEM),
hydrographical systems come
from IGN 1/25 000 geographical
map, structural and geological
data come from 1/50 000 BRGM
geological map. Englacing limits
come from Coutterand [2010]
cartographies. Eau-Morte system
topography: Olivier Lanet [2013].
Benoite system, Bange system:
Denys Bourgeois [SPELEO-CLUB
DE SAVOIE, 2011]. Post S10 data:
Lips and Tessanne. Bange/
Prepoulain geolocalisation: G. &
M. Yoccoz [1991]. Semnoz caves
geolocalisation: Speleo-Drack
[1971]. Ours and Germinal caves:
GSTN publication [1986 and 2015].
Creux 222: ASAR data [2018].
124 KARST2018 | Karstologia Mémoires n° 20
passent par un secteur de gabarit métrique tout
au plus.
Plus à l’ouest, le phénomène inverse se pro-
duit. Des écoulements souterrains du compar-
timent méridional (Prépoulain) passent dans le
compartiment septentrional (Bange). En effet, des
colorations injectées dans des pertes au contact
des calcaires urgoniens et des marno-calcaires
hauteriviens résurgent dans les calcaires valangi-
niens, à la source de Bourbouillon, dans la vallée
du Chéran (figure 4). C’est le cas des pertes du
secteur Creusates, Teppe de la Cha [LEMORDANT,
1977 ; NAJIB, 2000] ou de la perte de la Benoite
[LEPILLER, in CDS 73, 1993]. La faille de Montagny,
met en effet en contact les calcaires urgoniens du
compartiment de Prépoulain avec les calcaires
valanginens du compartiment de Bange et au-
torise ainsi cette connexion étonnante (figure 6).
Ainsi une partie des écoulements du comparti-
ment de Prépoulain échappe au système de Pré-
rouge, au moins à l’étiage et rejoint les calcaires
de Prérouge. Ces eaux proviennent essentielle-
ment des écoulements souterrains de la cuvette
du Mariet (figure 4) et du flanc sud de la mon-
tagne de Bange avec comme cavité importante
le Grand Tétras [FANTOLI, 1982 et 1986]. Ce faisant,
au passage de la faille, un formidable affouille-
ment est rendu possible (figure 6). Cet affouille-
ment affecte les marno-calcaires de l’Hauterivien
et explique la genèse de la plus grande salle
souterraine de Savoie, la salle Fitoja, explorée en
1980 depuis le creux de la Litorne [NANT, 2016]. La
découverte et l’exploration du gouffre FE (Fitoja
Express) autorisent aujourd’hui un accès plus aisé
[SIÉGEL, 2016]. Ainsi la totalité des écoulements
du compartiment septentrional passe au sud,
par cette faille et au droit de la salle Fitoja. Aux
dimensions importantes de cette salle (largeur :
40 m, hauteur : 60 m, longueur : 400 m), s’oppose
le gabarit modeste des conduits qui engouffrent
les eaux à l’aval. Celles-ci s’enfoncent sous la salle,
contre la faille, dans un secteur très ébouleux et
?
Würm Glacial Maximum
Till
??
R
a
b
o
t
t
a
g
e
g
l
a
c
i
a
i
r
e
700
600
800
900
1000
1100
1200
1300
Bloc structural
de Bange
Bloc structural
de Prépoulain
Trou FE (900m)
Salle Fitoja
(H:60xL:40)
Ecoulement vers Prérouge
Ecoulement vers Bourbouillon
Gde Gorge (930m)
Montagny
Décrochement
dextre
Creux du
Gd Tétras (985m)
0 500 m250
Echelle des hauteurs : x 2
Calcaires
urgoniens
Calcaires
urgoniens Calcaires
valanginiens
Marno-calcaires
hauteriviens
NordSud
Figure 6 : La faille de Montagny est un important décrochement dextre
séparant le compartiment de Bange du compartiment de Prépoulain. La
structure étant plissée, les ensembles calcaires urgonien et valangien se
retrouvent en contact. La totalité des écoulements de l’ensemble Mariet/
Bange franchit cette faille au droit de la salle de Fitoja dont les dimensions
s’expliquent par l’affouillement des marno-calcaires de l’Hauterivien. À
l’inverse, plus à l’ouest de la coupe présentée ici, des écoulements dans les
calcaires urgoniens de la dalle de Prépoulain se perdent dans les calcaires
valanginiens et rejoignent le système de Bourbouillon. Coupe réalisée à partir
des données de la carte géologique [GIDON et al., 1970] et des topographies
spéléologiques de Fantoli [1982], CDS 73 [1993], Nant [2016] et Siegel [2016].
Montagny fault is a major dexter detachment separating
Bange bloc from Prépoulain bloc. The folded structure
and the urgonian and valanginian limestone are put into
contact by the fault. The entire hydrographic system of the
Mariet depression goes through that fault near the huge
Fitoja room. On the western part of the cut, water flow goes
from urgonian limestone to valanginian one (Bourbouillon
system). That cross-section was made using geological
data [GIDON et al., 1970], speleological data from Fantoli
[1982], CDS73 [1993], Nant [2016] and Siegel [2016].
125
Livre 2 | Le karst des Bauges
glaces allochtones transitant au nord, au sud
et au sein du massif des Bauges était alimentée
par les flux isérois (figure 1). À ce titre, et dans
la mesure où le massif subalpin des Bauges est
sédimentaire, tout dépôt originaire des Alpes
internes signe potentiellement une invasion gla-
ciaire. Dans la mesure où le massif est ceinturé de
crêtes et de cols aux altitudes connues, ces cols
constituent des seuils permettant ou non l’inva-
sion glaciaire selon l’altitude du glacier isérois.
Coutterand [2010] distingue deux interpré-
tations dans la littérature : des auteurs partisans
de puissantes diffluences alpines et des auteurs
partisans de diffluences limitées. Perrier [1960]
considère que la vallée du Noyer, située au nord
du col de Plaimpalais (1 173 m), aurait été le siège
d’une diffluence du glacier alpin à l’intérieur des
Bauges (figure 7). De même Gidon et al. [1969] re-
marque la présence d’une moraine fraîche, avec
blocs cristallins, entre 1 250 et 1 280 m d’altitude
sous la Tour des Ébats au Revard (figure 3). Pour
Zamolo [1980], les glaces « alpines » würmiennes
ont atteint dans la région de Chambéry une alti-
tude maximale « proche de 1 200 m » ce qui « im-
plique un débordement du glacier par les cols du
Marocaz et des Prés », confirmé par des moraines
à éléments cristallins au col des Prés (1 135 m) (fi-
gure 7). Dans les Bauges orientales, des placages
morainiques à plus de 15 % d’éléments alpins ont
été identifiés jusqu’à 1 200 mètres d’altitude [DU-
RAND, 1988 ; DUSSEAU, 1992]. BEAUDEVIN [2001] en-
visage dans sa reconstitution paléogéographique
du bassin de l’Isère que la surface du glacier wü-
rmien a pu atteindre l’altitude de 1 750-1 800 m
sur Albertville. Selon Dusseau, si les dépôts
contemporains de cette diffluence iséroise par la
très haute vallée du Chéran ne sont plus visibles,
c’est parce qu’ils ont été entièrement repris par
valanginiens et le collecteur de Bourbouillon,
à la faveur de la faille de Montagny [LEPILLER, in
CDS, 1993 ; HOBLÉA, 1999 et 2013 ; HOBLÉA et al.,
2008], Pourtant, spéléologiquement, les creux de
la Benoite et du Goliath sont des cavités connec-
tées à la grotte de Prérouge et se développent
entièrement dans les calcaires urgoniens. Sur la
figure 4, on distingue les réseaux spéléologiques
appartenant aux calcaires urgoniens (en rouge)
des réseaux spéléologiques des calcaires valan-
giniens (en rose). De même, les écoulements ka-
rstiques rejoignant un exutoire dans l’Urgonien
(Prérouge) sont indiqués en flèche rouge alors
que les écoulements rejoignant un exutoire dans
le Valanginien (Bourbouillon) sont indiqués en
flèche rose (figure 5). Ainsi, les réseaux Benoite/
Goliath sont représentés en rouge mais avec des
flèches roses (figure 4).
L’ensemble des trois systèmes karstiques
présentés ici drainent vers la cluse du Chéran les
calcaires urgoniens et valanginiens de la bordure
occidentale des Bauges. La complexité des com-
partiments structuraux et des pendages guidant
ces écoulements et les contacts par faille rendent
délicate la délimitation des unités hydrogéolo-
giques et sans doute en ce domaine des travaux
complémentaires restent à conduire.
C. Les héritages glaciaires
dans les Bauges
En position centrale dans la diffluence isé-
roise du dernier maximum würmien, le massif
des Bauges occupe une place stratégique pour
étudier l’englacement alpin. En effet, Coutterand
[2010] a pu démontrer, par des analyses de mi-
néraux lourds et des reconnaissances pétrogra-
phiques de blocs erratiques, que la totalité des
010km
N
F
l
u
x
g
l
a
c
i
a
i
r
e
i
s
é
r
o
i
s
Emprise fig. 4
Glacier
local
Figure 7 : Transfluences et
diffluences du glacier isérois au
WGM, dans le massif des Bauges,
par les cols méridionaux, d’après
les données de Nicoud [1973],
Hobléa [1986], Dusseau [1992] et
Doudoux et al. [1999]. Compléments
et synthèse, Coutterand [2010].
Transfluences and diffluences
of the Isère glacier that invade
the Bauges massif by low
mountain passes during the
WGM phase. Data from Revil
[1913], Nicoud [1973], Hobléa
[1986], Dusseau [1992] and
Doudoux et al., [1999]. Synthesis
and adds: Coutterand [2010].
126 KARST2018 | Karstologia Mémoires n° 20
périphériques : vallée de l’Isère, cluse d’Annecy.
De ce fait, l’intérieur du massif des Bauges aurait
connu uniquement une glaciation würmienne
autochtone. Les glaciers locaux, tels ceux du
haut Chéran, sont estimés comme « relative-
ment puissants ». Seules, deux langues de glace
alpines (glacier de l’Arve ?) auraient pénétré dans
les Bauges occidentales, via le col de Leschaux
(897 m) au-dessus du bassin annécien, et dans
la basse vallée du Chéran depuis l’Albanais (fi-
gure 7). Ici les auteurs n’ont pris en compte que
des éléments de la déglaciation finale.
le glacier local du haut Chéran au Würm récent.
Seul un témoin aurait été conservé à 990 m d’al-
titude au lieu-dit les Jarses, révélé par l’ouverture
de la piste menant dans le val d’Arclusaz au début
des années 1990.
D’autres auteurs sont partisans de diffluences
limitées des glaciers alpins. Nicoud [1973] parle
des dépôts alpins würmiens issus du col du Frêne
(950 m) (figure 2 & 8), la glace alpine n’ayant pas
dépassé selon lui, les 1 100 m d’altitude. Pour
Doudoux et al. [1998] et Nicoud et al. [1993]
les glaciers « alpins » sont restés, au cours de la
dernière glaciation, cantonnés dans les vallées
II. Les marqueurs karstiques des invasions glaciaires
Fort de ces éléments, on comprend combien
il semble opportun de rechercher dans les
Bauges, les marques de ces différentes inva-
sions et phases glaciaires. Ces éléments, recher-
chés dans la bordure occidentale des Bauges
s’expriment sous la forme de morphologies de
surface (figure 9) et souterraines, mais aussi de
dépôts.
A. La dépression
glaciokarstique du Mariet
Vers 1 000 m NGF, la dépression du Mariet
compte parmi les plus vastes dépressions topo-
graphiques en contexte calcaire des Préalpes
françaises. D’une largeur de moins d’un kilo-
mètre d’est en ouest, elle s’étend sur une lon-
gueur d’environ deux kilomètres du nord au sud.
La surface du bassin-versant endoréique est éva-
luée à 6,5 km2, c’est-à-dire environ un tiers de la
surface du bassin d’alimentation de Prérouge, et
donc la quasi-totalité du compartiment structu-
ral de Bange, au nord de la faille de Montagny.
L’intérêt de cette dépression, est qu’elle conserve
entre 1 500 et 1 000 m NGF les formes et les dé-
pôts associés autant aux héritages glaciaires qu’à
la dynamique karstique.
Vers 1 500 m NGF, au sommet du versant
occidental de la cuvette, on identifie une série
de dépressions perchées, semi-circulaires, de
quelques centaines de mètres d’extension et qui
pourraient constituer d’anciens cirques glaciaires
(figure 10). Bien que les indices de terrain restent
indigents (rabotage glaciaire inexistant du fait de
la lithologie, moraine frontale non identifiée), la
géométrie des formes et leur raccordement à l’al-
titude maximale du dernier maximum würmien
(WGM), milite en ce sens. Ces dépressions per-
chées se développent dans les marno-calcaires
de l’Hauterivien, sous les calcaires urgoniens, la
série présentant ici un pendage est, de l’ordre de
30°. Le drainage actuel de ces dépressions est as-
suré, vers l’est, par des écoulements sporadiques
sur ces marno-calcaires. Au contact des calcaires
sus-jacents, ces écoulements se perdent pour re-
joindre le système karstique de Prérouge, 1 000 m
plus bas. Dans un cas uniquement, une cavité a
pu être explorée : le Creux du Loret. D’un déve-
loppement de 2 410 m et d’une profondeur de
434 m [YOCCOZ et YOCCOZ, 1988], le gouffre s’or-
ganise à l’aval de la perte selon la direction du
pendage. Il est possible, mais non démontré pour
l’heure, que cette cavité ait été active lors de la
phase glaciaire et qu’elle ait drainé, pour partie,
les écoulements s’organisant sous le (ou au front
du) glacier perché.
Les deux versants est et ouest de la cuvette
présentent des surfaces structurales dégradées,
en partie démantelées par le rabotage glaciaire
et la dissolution des calcaires en surface. Sur une
dénivellation de l’ordre de 300 m, ces deux ver-
sants raccordent les points hauts aux points bas
de la dépression avec un cortège de morpholo-
gies karstiques de surface éloquentes : lapiaz nu,
lapiaz sous couvert forestier, karst à banquettes,
banquettes karstiques avec blocs déplacés,
ruelles karstiques démantelées (figure 10). Ces
dernières peuvent parfois être rattachées à des
conduits spéléologiques rabotés dont il ne sub-
sisterait que la semelle des tronçons déconnec-
tés. C’est le cas par exemple du conduit principal
du creux de la Pierre du Frère, sous la montagne
de Bange. Dans d’autres cas plus spectaculaires,
ce sont de véritables sillons sous glaciaires au-
jourd’hui remodelés en ruelles karstiques qui
sont identifiés, ici dans la partie nord et la partie
sud de la cuvette (figure 10). Ces ruelles comblées
d’un placage de matériel allochtone témoignent
de l’invasion glaciaire iséroise dans la cuvette.
Vers 1 000 m NGF, dans la partie orientale de la
cuvette, s’étend un replat karstique très déman-
telé. Sur le terrain, il ne s’agit que d’un ensemble
de lapiés sous forêt, plus ou moins empâtés par
des dépôts détritiques. Ceux-ci peuvent être
d’origine glaciaire (allochtone) ou être le produit
d’altération des calcaires urgoniens. Cette sur-
face mal conservée n’en constitue pas moins un
replat plus ou moins continu, difficile à suivre sur
127
Livre 2 | Le karst des Bauges
et d’un kilomètre de long. Les dépôts identifiés
en surface vont des argiles aux blocs, ces der-
niers pouvant être métriques, et se concentrent
dans les points bas de la cuvette. Le réseau hy-
drographique est orienté d’ouest en est. En par-
tie anthropisé sur certains tronçons, il rejoint une
vingtaine de pertes et dolines alignées sur un axe
nord sud sur une distance de 650 m.
Des profils tomographiques [JAILLET et al.,
soumis] ont permis de mieux contraindre la
géométrie du corps sédimentaire qui occupe
la dépression. Le cœur de la dépression accuse
une accumulation importante plus épaisse au
nord qu’au sud. Au nord, elle doit atteindre une
soixantaine de mètres et au sud, une trentaine
de mètres au maximum. En l’absence de forage,
il est difficile d’identifier les types de matériaux
constituant ce remplissage et considérons ici l’en-
semble comme un remplissage glaciaire et post-
glaciaire indifférencié. Cependant, eu égard à la
cartographie réalisée en surface et aux résultats
des profils ERT, il pourrait être possible, à terme,
de distinguer les unités glaciaires des unités post-
glaciaires [JAILLET et al., soumis].
Sous la cuvette du Mariet, les formes souter-
le terrain, mais qui est reconnaissable, sur MNT
ou carte détaillée. Cette surface est très karstifiée
et plusieurs cavités ont pu y être explorées. Sans
preuve formelle, il serait possible de rattacher
cette géométrie à un paléo-poljé. Il correspon-
drait alors à un paléo-fonctionnement de la dé-
pression, à une époque ancienne, possiblement
préglaciaire.
Le cœur de la cuvette est, entre 985 et 1 050 m
NGF, un espace où se concentrent les dépôts im-
perméables et où de fait, s’organisent les écou-
lements de surface (figure 10). C’est dans ce sec-
teur que se concentrent les activités agricoles et
les chalets d’alpage. La cartographie détaillée
permet de montrer l’existence de replats étagés
au sein de cette cuvette. Ils s’organisent en 3 en-
sembles principaux : (i) un ensemble supérieur,
dans la partie occidentale et se développant vers
1 030 m NGF, (ii) un ensemble médian, dans la
partie centrale vers 1 015 m NGF et enfin un en-
semble inférieur, vers 1 000 m NGF. Vers 985 m
NGF, dans la partie orientale du cœur de la dé-
pression, le fond de la cuvette constitue une zone
humide. L’ensemble de cet espace constitue un
ombilic glaciaire d’environ 400 à 500 m de large
Figure 8 : La transfluence du col du
Frêne permet au glacier isérois (dans
la Combe de Savoie) de déborder
dans les Bauges (ici le tronçon de
vallée de Sainte Reine à Ecole).
Pour autant les dépôts glaciaires
allochtones restent difficiles
à identifier, recouverts par les
formations de pente postglaciaires.
Limite d’englacement WGM, d’après
Coutterand, 2010. Photo S. Jaillet.
The transfluence of the Frêne
pass allows the Isérois glacier
(from the Combe de Savoie) to
overflow into the Bauges (here
the stretch of valley from Sainte
Reine to Ecole). Nonetheless,
allochthonous glacial deposits
remain difficult to identify, covered
by postglacial slope formations.
WGM limit, after Coutterand, 2010.
Figure 9 : La rive droite de la cluse du
Chéran présente des morphologies
de rabotage glaciaire éloquente.
Ces formes moutonnées affectent
les surfaces calcaires jusque vers
1 300 m d’altitude. À la faveur
d’accident structuraux, on note
une série de sillons sous-glaciaires
(flèches pointillées blanches). Au
pied de l’escarpement urgonien,
au toit des marno-calcaires de
l’Hauterivien, se développent
les grottes de Bange et de l’Eaux
Mortes. Photo S. Jaillet.
The right side of the cluse du
Chéran reveals glacier abrasion
morphologies which can be seen
on the limestone surfaces near
1300 m a.s.l. Near the tectonic
marks, subglacial incisions are
visible in the landscape. The
Bange and Eau-Morte springs
are located at the bottom of
the urgonian limestone cliff.
128 KARST2018 | Karstologia Mémoires n° 20
MARIET 02
MARIET 01
Gal. Lagopède
. 858
. 821
930 .
Collecteur des Etiorneaux
Gal. Niverolles
?
Siphon
des Dopés
Siphon des
Gélinotes
Rivière figée
Epouvantail à Moineaux
Rivière Gors Noblois
Tic et Tac
Gratte-Culs
Glacier isérois
Casses
Invalides
Moines
Loret
Pic Noir Grand Tétras
Litorne
Géographe
Pierre du Frère
C
l
u
s
e
d
u
C
h
é
r
a
n
M
o
n
t
a
g
n
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B
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n
g
e
D
é
p
r
e
s
s
i
o
n
d
u
M
a
r
i
e
t
1246 .
. 1212
1100
1050
1050
1100
1150
1200
1000
1150
1200
1250
1250
1300
1300
1350
. 1041
. 1056
. 1246 . 821
Tic et Tac
Le Loret
Calcaires à faciès urgonien
Marnes de l’Hauterivien
Calcaires Fontanil / marnes Valanginien
Remplissage glaciaire indifférencié
Replat karstique (paléo-poljé ?)
Replats étagés (sup. / médian / inf.)
Cirque glacio-karstique
Sillon sous glaciaire dans ruelle karstique
Dolines et pertes
Surface lapiazée nue
Surface lapiazée à remplissage glaciaire
Karst à banquette avec dépôts associés
Points cotés (surface / sous terre)
Toponyme de surface / souterrain
Gouffres inventoriés
Endokarst (conduits spéléologiques)
Signe de pendage
Escarpement majeur (crêt)
Réseau hydrographique
Courbes de niveau (eq. 5m)
Zone humide
Canyon post-glaciaire
0 500m
129
Livre 2 | Le karst des Bauges
de reconnaître plusieurs kilomètres de conduits
souterrains : les creux de la Litorne et du Pic Noir
[CDS 73, 1993]. Ces deux cavités rejoignent le
collecteur principal des Etiornaux. Celui-ci fran-
chit la faille de Montagny (figure 6), générant la
salle Fitoja à 700 m NGF. Enfin, les écoulements
rejoignent le système épinoyé de Prérouge et
l’exutoire du système à 580 m NGF.
À 983 m NGF, au nord du lac du Mariet, souvre
le trou des Casses (figure 10). L’entrée est un ef-
fondrement de quelques mètres de diamètre
recoupant un méandre spéléologique s’écou-
lant d’est en ouest. Le conduit s’enfonce sous la
dépression du Mariet en suivant le pendage (ici
de l’ordre 30°) vers l’ouest. Des nappes de ga-
lets injectés dans le karst sont reconnues dans
le conduit. Ces nappes sont elles-mêmes recou-
vertes par une séquence argilo-limoneuse possi-
blement varvée. En deux endroits du réseau, ces
dépôts détritiques scellent des dépôts chimiques
(concrétions ou coulées stalagmitiques). Ils sont
attribués à des phases glaciaires [MUGNIER, 1965 ;
HOBLÉA, 1999]. La coupe 1 est identifiée au droit
du carrefour principal de la cavité (figures 11 &
12). Le conduit (à 30 m de profondeur), provient
possiblement d’une paléo-perte aujourd’hui
scellée par le remplissage qui occupe la cuvette
du Mariet. Cette coupe avait fait l’objet d’une da-
tation par la méthode U-Th (alpha, CERAK, Mons)
et avait donné un âge ante quem à ces dépôts
détritiques de 39,8 ka ± 3,3 [HOBLÉA, 1999]. Dans
le contexte général des synthèses sur l’englace-
ment alpin, cette unique date U-Th sur coulée
stalagmitique revêtait un enjeu important et bien
que jugée correcte, il paraissait nécessaire de la
raines prennent le relais et sont marquées à la
fois par des dynamiques strictement karstiques
et des influences glaciaires.
B. Deux cavités ayant enregistré
les invasions glaciaires dans
la cuvette du Mariet
Au droit de la cuvette, les cavités se déve-
loppent à partir des pertes décrites précédem-
ment. Si, d’un point de vue spéléologique, il ne
s’agit que de deux cavités connues (trou des
Casses et gouffre des Invalides), d’un point de
vue karstique, à chaque doline ou perte, corres-
pond bel et bien un drain qui rejoint un collec-
teur plus important (figure 10). D’ailleurs, l’ex-
ploration spéléologique du gouffre des Invalides
permet de remonter les affluents depuis le drain
collecteur et ceux-ci buttent sous les dolines, ou
à proximité immédiate. Plus au sud, le trou des
Moines est un puits effondré (tronqué), recou-
pant un méandre. Il est pour l’heure, non connec-
té à ce système de dolines. Ces cavités présentent
toutes un dispositif de drainage original. Elles se
développent d’abord vers le nord puis les écoule-
ments obliquent et repartent en direction du sud
vers la faille de Montagny et ensuite le système
de Prérouge (figure 4). Dans la partie méridionale
de la dépression du Mariet, ce sont des méandres
spéléologiques, c’est-à-dire des galeries géné-
ralement étroites et hautes avec écoulements
à surface libre et incision fluviatile linéaire dans
la masse calcaire. Ces méandres se développent
entre 950 et 800 m d’altitude environ. Deux ca-
vités principales ont été explorées et ont permis
Figure 10 : Carte géomorphologique
à 1/10.000 de la dépression du
Mariet. Le fond topographique
est repris de la carte de course
d’orientation (FFCO) et du MNT IGN
25 m, les contours géologiques
de la carte géologique n° 701.
Les réseaux karstiques et les
entrées de cavités sont repris de la
synthèse spéléologique du Comité
départemental de spéléologie
de la Savoie (CDS 73). La légende
est inspirée de la RCP77.
Geomorphological map at
1/10,000 of the Mariet depression.
The topographical background
is taken from the Orienteering
Map (FFCO) and the DEM IGN
25 m, the geological contours
of the geological map n ° 701.
The karstic networks and the
entrances of cavities are taken
from the speleological synthesis
of the CDS73. The legend is
inspired by the RCP77.
Figure 11 : Dans le trou des Casses
vers 30 mètres de profondeur, un
conduit latéral est en connexion avec
le fond du surcreusement glaciaire
de l’ombilic du Mariet. Ce conduit
a reçu des écoulements fluvio-
glaciaires (sous ou postglaciaires)
se traduisant par la pénétration de
nappes de galets (1 & 3) encadrant
ici un ensemble stalagmitique (2)
datée 63-65 ka. Photo S. Jaillet.
Inside the Trou des Casses, at
about 30 m depth, a lateral drain
is connected with the bottom of
the glacier digging of the Mariet
depression. That drain has been
filled with two fluvio-glacial
deposits (shingles) that are
sealed and separated by calcite
deposits dated around 63-65 ka.
130 KARST2018 | Karstologia Mémoires n° 20
la suivante : (i) mise en place d’un plancher sta-
lagmitique de fond de rivière souterraine sur une
nappe de galets aujourd’hui absente ; (ii) invasion
par une nappe de galets très probablement flu-
vio-glaciaire et comprenant un cortège varié (les
éléments centimétriques étant allochtones et les
plus grands, décimétriques, étant autochtones) ;
(iii) scellement de cette nappe de galets par un
fin film stalagmitique ou une faible pénétration
de calcite dans la partie supérieure de la nappe
des galets ; (iv) incision de l’ensemble des dépôts
et surcreusement du drain collecteur. Il ne reste
aujourd’hui plus que quelques éléments spo-
radiques de ces dépôts sous forme de placages
pariétaux ou de planchers de galets suspendus.
Seul le premier dépôt stalagmitique, le plus an-
cien, a fait l’objet d’une série de prélèvements
(INV-2016-B-D-E). Tous ont donné des âges peu
fiables [JAILLET et al., soumis], la calcite contenant
trop de pollutions détritiques. Cependant, en
prenant les âges non corrigés, il est possible de
considérer ces résultats comme des âges maxi-
maux. Les dates non corrigées obtenues sur cet
ensemble stalagmitique sont respectivement
d’amont en aval : 57,1 ka, 44,4 ka et 52,3 ka maxi
(figure 12).
C. La grotte des Rochettes, une
cavité ayant enregistré le flux
glaciaire dans la cluse du Chéran
À 880 m NGF, en rive gauche de la cluse du
Chéran s’ouvre la grotte des Rochettes (ou grotte
de Balmétain) (figure 4). La cavité, de dimension
modeste, s’ouvre au toit des calcaires du Valangi-
nien. Une entrée étroite donne accès à un conduit
pouvant atteindre localement 2 à 3 m de section.
Il est rapidement comblé et une désobstruction
reprendre. Il s’agit d’une coulée stalagmitique,
blanche compacte et finement laminée, scellant
un dépôt détritique et scellée par une seconde
nappe de galets. La première nappe est compo-
sée de galets centimétriques dans une matrice
argilo-limoneuse. Le cortège des galets est clai-
rement allochtone. La seconde nappe est com-
posée de galets plus grossiers (décimétriques)
avec un cortège paraissant plus autochtone (cal-
caires dominants). L’ensemble de cette coupe
est trépané par les écoulements actuels. Deux
échantillons de calcite ont été prélevés pour da-
tations par la méthode U-Th (MC-ICPMS) : l’un
(CASS-2015-A) au droit du prélèvement des an-
nées 1990 (figure 11), en rive droite, qui a donné
la date de 65,1 ± 0,4 ka, le second (CASS-2015-B)
en rive gauche qui a donné deux âges de 63,6 ±
0,5 ka et 63,3 ± 0,8 ka [JAILLET et al., soumis] (les
incertitudes sont données à 2 sigma). La qualité
de la calcite, les résultats d’analyses corrects et
les barres d’erreurs faibles donnent à ces âges un
excellent niveau de fiabilité. En fond de méandre,
une calcite corrodée et très détritique n’a pas pu
faire l’objet d’une datation.
Découvert récemment, à 984 m NGF, le
gouffre des Invalides (figure 12) est une cavité
majeure de la cuvette du Mariet. À la faveur d’une
désobstruction conduite dans une des dolines de
l’alignement des dolines orientales, une série de
puits, dont le principal d’une trentaine de mètres
de hauteur, permet de prendre pied à -50 m dans
un drain collecteur. Celui-ci, orienté vers le nord,
reçoit des affluents correspondant aux diffé-
rentes dolines et pertes et ceci jusqu’au trou des
Casses 250 m plus au nord. Depuis la base des
puits jusqu’au premier siphon, plusieurs dépôts
détritiques, scellant ou scellés par des concré-
tions sont identifiés. La séquence des dépôts est
Replat sup.
Replat sup.
Replat médian Replat inf.
Replat inf.
?
?
Gouffres des Invalides
Trou des Casses
60 m ~
50 m ~
connexion
karstique ?
connexion
karstique ?
Calcaires
urgoniens
Remplissage
glaciaire et
post-glaciaire
indifférencié
100 m0
ESTOUEST
ESTOUEST
COUPE
COUPE
983 m NGF
984 m NGF
P30
siphon
perché
MARIET-01
MARIET-02
Figure 12 : Coupes est-ouest de
l’ombilic glaciokarstique du Mariet,
au droit du trou des Casses et
du gouffre des Invalides. Deux
coupes réalisées dans chacune
des deux cavités permettent de
montrer l’existence de nappes de
galets encadrant des planchers
stalagmitiques. Les planchers
scellés par les galets sont datés ici
< 44 ka et 65 ka. La morphologie
du remplissage de la cuvette est
déduite des profils ERT [JAILLET et
al., soumis]. La topographie du
gouffre des Invalides est reprise
des données topographiques
(Lips, Tessanne, Lesaulnier).
Est-West cross-sections of
the Mariet depression, at the
Trou des Casses level and at
the gouffre des Invalides one.
The two cross-sections reveal
the shingle deposits sealed by
calcite, dated from < 40 ka and
65 ka. The morphologies of
the deposits inside the Mariet
depression was deduced from
the ERT profiles [JAILLET et al.,
submitted]. The topography
of the gouffe des Invalides
comes from topographical data
(Lips, Tessanne, Lesaulnier).
131
Livre 2 | Le karst des Bauges
de Prérouge [GAUCHON, 2013], est associé au dé-
veloppement d’un tourisme thermal, mais on ne
peut qu’être étonné d’un tel choix lorsqu’on voit
combien l’accès à la grotte est malaisé. Autre élé-
ment intéressant, il a été possible d’identifier une
bauge à ours en excellent état de conservation.
Celle-ci, sur le côté du cheminement principal n’a
été qu’à peine piétinée par la fréquentation his-
torique.
À partir de ces éléments disparates en appa-
rence, nous avons réalisé une coupe de synthèse
(figure 13) sur la base du profil topographique
en long (topographie J. Nant, SCS). Cette figure
permet de visualiser les cinq phases majeures
qui ont structuré la genèse et l’évolution de la
cavité. La phase 1 est marquée par une parage-
nèse caractéristique. Un important chenal de
voûte et de manière plus discontinue, des restes
de lapiaz de voûte, témoignent d’un fonction-
nement à régime noyé permanent associé à un
dépôt argileux brun aujourd’hui largement évi-
dé (figure 13, photo B). Cette phase témoigne
d’un fonctionnement de la cavité en exutoire (ici
du sud vers le nord). La position altitudinale de
la cavité (880 m NGF) et la localisation au toit de
la série calcaire, militent pour une genèse assez
ancienne, associée à la mise en place du réseau
hydrographique (ici plus de 300 m en contrebas)
et sans doute dans une dynamique de karst cap-
tif (sous recouvrement de la série hauterivienne
et urgonienne). L’incision du Chéran implique un
abaissement des niveaux de base, la libération de
ce paléo-aquifère captif et la verticalisation du
drainage. Cette phase 2 se traduit sous terre par
le dénoyage du système, la vidange des argiles
paragénétiques et une détente mécanique que
marque la chute de blocs ou la déstabilisation
partielle des parois du volume souterrain.
du Spéléo Club de Savoie a permis de reconnaître
une petite salle terminale sans suite évidente (cf.
topo de 1961 dans ce volume in Maury & Gau-
chon, figure). Sur un développement total de
255 m, on identifie un certain nombre de traces :
morphologies noyées, sens de circulation contra-
dictoires, dépôts argileux, sablonneux et stalag-
mitiques. Des graffitis nombreux attestent que la
grotte a très certainement fait l’objet d’une fré-
quentation importante par des touristes guidés
au début du XXe siècle. On sait que ce type de
fréquentation, connu pour la grotte de Bange et
B
0
1m
01m
CASS-2015-A-1
65,1 ka +/- 0,4
CASS-2015-B-2
63,3 ka +/- 0,8
CASS-2015-B-1
63,6 ka +/- 0,5
05cm
05cm
INV-2016-E1
< 52,3 ka
INV-2016-B1
< 57,1 ka
INV-2016-D1
< 44,4 ka
A
BDE
Coupe du
Trou des Casses
Coupe du gouffre
des Invalides
10cm
10cm
sens
écoulement sens
écoulement
Coupe C1
Coupe C2
C2
C1
1
1
1
2
2
3
4
4
5
5
Photo B Photo A
Photo C
A
B
C
Coupe de synthèse
880 m
1 : Phase paragénétique à argile brune
orangée (fonctionnement en exutoire)
2 : Vidange et incision, chutes de blocs
3 : Invasion glaciaire
(fonctionnement en perte)
4 : Fréquentations ursines (Bauges)
5 : Fréquentations humaines
(graffiti /désobstruction )
01020m
Fond topo : J. Nant 1995
Ensemble supérieur
sablo-limoneux
Ensemble grumeuleux
à galets argileux mous
intraformationnels
Ensemble
sablo-limoneux à
stratification
entrecroisée
Film calcitique de
fin de séquence
Ensemble grumeuleux
à galets argileux mous
intraformationnels
Ensemble
sablo-limoneux
à stratification
entrecroisée
Temps
Figure 13 : La grotte des Rochettes
(Balmétain) est un paléo-exutoire
perché à 880 m NGF au toit des
calcaires valanginiens. Après un
fonctionnement en émergence
(paragénétisme, photo B), la cavité
a fonctionné ponctuellement en
perte juxtaglaciaire (photo C). A la
suite, on identifie des fréquentations
ursines (bauge en excellent état
de conservation, photo A) puis
anthropiques. Photos S. Jaillet.
The Grotte des Rochettes
(Balmétain) is a paleo spring
perched at 880 m a.s.l. at the top
of the valanginian limestone.
The cave was firstly generated by
paragenetism (photograph B), the
cavity was partially reused by flows
as a juxtaglacial karst entrance
(photograph C); In the end,
bear occupation was identified
(bear wallows in very good
conservation state, photograph
A), and anthropic one after that.
132 KARST2018 | Karstologia Mémoires n° 20
assez abondants et des travaux de désobstruc-
tions spéléologiques.
La question des fréquentations ursines est
intéressante. Elle propose un terminus post
quem à l’invasion glaciaire à près de 900 m NGF.
Contraindre chronologiquement la bauge de la
grotte de Balmétain, c’est contraindre, à cette alti-
tude, la dernière phase glaciaire dans la cluse du
Chéran. Cependant, sur la base de la morphologie
et en l’absence de reste osseux, il n’est pas pos-
sible de définir s’il s’agit d’une bauge construite
par Ursus Speleus ou par Ursus Arctos. La proximité
de l’entrée milite sans certitude pour la seconde
espèce (Michel Philippe & Philippe Fosse, com-
munication personnelle) ce qui élimine la possi-
bilité de définir finement le terminus ante quem,
Arctos ayant disparu des Alpes françaises au dé-
but du XXe siècle.
À travers l’étude de la dépression glacioka-
rstique du Mariet et de ses cavités, il a été pos-
sible de reconnaître quelques marqueurs élo-
quents des invasions glaciaires dans les Bauges
occidentales. Au-delà des formes de surface, les
cônes fluvio-glaciaires intrakarstiques identifiés
dans le trou des Casses, le gouffre des Invalides
et la grotte de Balmétain sont les témoins du
(ou des) passage(s) glaciaire(s) et de leurs consé-
quences souterraines. Les dates obtenues sur les
cavités du Mariet et des Invalides permettent de
contraindre ces invasions et nous y reviendrons
lors de la reconstitution. Les marques de la dégla-
ciation sont, quant à elles, tout aussi éloquentes.
La cavité connaît alors une invasion de maté-
riel détritique allochtone (phase 3, figure 13). Ce
matériel recouvre à la fois les niveaux argileux pré-
cédemment décrits (phase 1) et les blocs (phase
2). Il est identifié en zone profonde et largement
lessivé dans les zones d’entrée. Deux coupes (C1
& C2, figure 13) permettent d’identifier plusieurs
ensembles stratifiés où l’on reconnaît des sables
et des limons à stratifications fluviatiles entre-
croisées et parfois des galets argileux mous in-
traformationnels. Il s’agit des argiles brunes de
la phase 1, arrachées, faiblement transportées et
redéposées plus loin dans le système. Le niveau
grumeleux à galets argileux mous intraforma-
tionnels semble s’affiner vers le fond de la cavité.
En direction du fond, des morphologies fraîches
d’érosion au plafond indiquent clairement un
sens d’écoulement encore une fois vers le fond.
L’ensemble de ces informations montre que cette
phase 3 est à rattacher à un fonctionnement en
perte de la cavité. L’organisation des formes et
des dépôts rappelle ce qui a été décrit sur une ca-
vité plus importante du Bugey : la grotte sous les
Sangles [LIGNIER & DESMET, 2002]. Vu l’altitude, le
caractère allochtone du matériel et vu les traces
d’érosion traduisant des vitesses localement éle-
vées (figure 13, photo C), il semble pertinent de
rattacher cette phase à un fonctionnement en
perte juxtaglaciaire.
L’abandon de la cavité par les eaux glaciaires
libère le volume souterrain. Celui-ci devient ac-
cessible aux fréquentations ursines (phase 4),
enregistrées ici sous la forme d’une bauge en ex-
cellent état de conservation. Cette bauge est for-
cément postglaciaire car elle ne peut dans cette
position, résister à une invasion d’eau juxta-gla-
ciaire associée à une pénétration d’éléments
sableux. À la suite, les fréquentations humaines
(phase 5, figure 13) se traduisent par des graffitis
Figure 14 : Vue sur la dépression
de Lescheraines que traverse la
vallée du Chéran d’est en ouest.
Au fond, le mont de Bange et du
Semnoz, recoupé par la cluse du
Chéran. Dans la dépression, les
replats sont étagés entre 700 m
NGF (pointillé bleu) et le fond
du Chéran à 580 m. Au premier
plan, le verrou du Châtelard et sa
double incision. Photo S. Jaillet.
View of the Lescheraines
depression which the Cheran
Valley cross from east to west. At
the west, the mountain of Bange
and Semnoz, separated by the
cluse of Cheran. In the depression,
the terraces are storied between
700 m NGF (blue dotted) and
the bottom of Cheran at 580 m.
In the foreground, Chatelard’s
rock sill and double incision.
133
Livre 2 | Le karst des Bauges
replats étagés s’organisent en trois niveaux prin-
cipaux (figure 5), dont la cartographie, réalisée
sur le terrain est présentée figure 4 :
Le replat supérieur s’organise en deux en-
sembles : un replat glacio-lacustre ou fluvio-la-
custre vers 690 m essentiellement reconnu dans
la partie centrale de la cuvette. Aucune coupe n’a
pu être relevée. On l’identifie à l’ouest de Lesche-
raines chez Lovat, à l’est d’Arith chez Combet ou
dans la cluse du Chéran au lieu-dit la Côte de
l’Épine (figures 4 & 9). À ce dernier point, le replat
est à 680 m ce qui dénote une pente faible mais
réelle vers l’aval hydrographique. Surmontant ce
replat, mais sans lien stratigraphique reconnu,
on identifie à 700 m NGF un ensemble majeur
de replats horizontaux. D’extension beaucoup
plus importante, cet ensemble ceinture à la cote
700 m toute la dépression de Lescheraines (fi-
gures 14 & 15). Les éléments les plus éloquents
sont à Arith, à Lescheraines, chez Mégoz ou à la
Compôte au lieu-dit La Taillette. De ce lieu-dit, (fi-
gure 15), il est possible d’identifier la surface de
rabotage glaciaire et la double incision sous-gla-
ciaire sous le village, caractérisant le verrou du
Châtelard. Identifiées dans l’incision méridionale,
ces terrasses font donc bien suite à la phase de
rabotage glaciaire. Le replat de 700 m présente
une planéité remarquable (figure 4). Vers l’amont
il a pu être suivi et cartographié jusqu’à École où
il se raccorde au cône de déjection du ruisseau
des Grands Clos. Au final, cet ensemble marque
à 700 m NGF un niveau de base suffisamment
stable pour construire ces édifices. Cet ensemble
est attribué par Coutterand [2010] à un lac de
barrage glaciaire durant une étape clé de la dé-
glaciation du glacier isérois dans la dépression
de l’Albanais et sur laquelle nous reviendrons. La
cartographie détaillée des replats de 700 m, pré-
sentée ici, a permis de montrer l’importance de
ce niveau de base et son extension non limitée à
la cuvette de Lescheraines sensu stricto.
Le retrait glaciaire libère le paysage de l’in-
vasion des glaces et des écoulements de
surface et souterrains se réorganisent, les
formes s’émoussent et les dépôts s’altèrent. Mais
il reste, tant pour l’exokarst que pour l’endokarst,
un certain nombre de traces qui signent cette
phase du retrait et du réajustement associé des
dynamiques. À travers les objets de surface (liés
au Chéran) et les objets souterrains (endokarst
de Prérouge et des Eaux Mortes), c’est ce réajus-
tement, toujours en cours, qui est source d’infor-
mation.
A. Les dépôts glacio-lacustres
à fluviatiles de la dépression
de Lescheraines
Au cœur des Bauges occidentales s’étend une
vaste dépression topographique : la dépression
de Lescheraines. D’une quinzaine de kilomètres
carrés, elle correspond à la vallée du Chéran
confluent ici avec les ruisseaux de Saint-François
(sud) et de Bellecombe (nord). Elle correspond
aussi au chevauchement du Margériaz reliant le
col de Lechaux au nord à celui de Plainpalais au
sud. À 580 m d’altitude, le Chéran forme ici un
point bas topographique qui draine la quasi-tota-
lité du massif des Bauges avant sa traversée vers
l’ouest dans la cluse du même nom. C’est dans
cette cuvette majeure (figure 4) que se concentre
logiquement un ensemble de dépôts glaciaires
et postglaciaires mal distingués sur les cartes
géologiques. Dans les faits, il s’agit de deux en-
sembles principaux : (i) un till glaciaire plaqué sur
les versants jusque vers 800 m d’altitude et (ii) un
ensemble de replats étagés entre 580 et 700 m
d’altitude. La cartographie du till est présentée
(figure 4) sur la base des limites des quatre cartes
géologiques couvrant cette dépression [GIDON et
al., 1963 et 1970 ; DOUDOUX et al., 1992 et 1998] et
reprise à petite échelle par Coutterand [2010]. Les
III. Les réajustements karstiques postglaciaires Figure 15 : Panorama habillé
de la double incision du verrou
du Châtelard. Vue depuis le site
de la Taillette (La Compôte). Au
plan principal, on note l’incision
possiblement sous-glaciaire du
Châtelard bordée rive droite de
roche moutonnée. A gauche, le
Chéran a ré-incisé les calcaires
jusqu’à son niveau actuel. Au
fond, on identifie la dépression
synclinale du Mariet, envahie par
les glaces iséroises du dernier
maximum würmien. A sa droite,
l’anticlinal de la Montagne de
Bange en limite d’englacement
et à sa gauche les glaciers locaux
perchés qui se raccordaient à cet
englacement WGM. Au premier
plan, le replat de la Taillette à
700 m NGF. Photo S. Jaillet.
The double incision of the
Châtelard. Viewpoint from the
Taillette site (the Compôte). On the
main plan, we can see a potential
sub-glacial incision near the
Châtelard village, surrounded
on the right side by erosion
marks made by the glacier. On
the left side, the Chéran river
dug limestone until it reached its
current base level. On the last plan,
we can see the Mariet depression
that was invaded by Isère glacier
during the WGM. On the right
side, the Bange anticlinal. On the
left side, marks of local glaciers
which were probably feeding the
Isère glacier during the WGM.
On the first plan, the terrace of
the Taillette at 700 m a.s.l.
134 KARST2018 | Karstologia Mémoires n° 20
tribuable à des processus strictement fluviatiles.
Aucune coupe n’a été relevée dans le cadre de la
présente étude. Cependant, vers l’aval, le Chéran
incise son lit et le bed-rock. Il est donc très pro-
bable que cette terrasse inférieure est emboîtée
dans les dépôts de la terrasse médiane dans la
partie amont du Chéran et étagée dans la partie
aval du Chéran. À l’aval de Lescheraines et peu en
amont de la grotte de Prérouge, le Chéran incise
la retombée orientale de l’anticlinal du Semnoz
en un canyon de 500 m de longueur : les gorges
de la Charnia. Sur la partie aval de ce parcours, il
a été possible de retrouver la terrasse inférieure
et de montrer les modalités de l’incision du Ché-
ran. Quatre coupes sériées montrent l’organisa-
tion des objets entre eux (figure 17). De l’amont
à l’aval, on identifie ainsi deux phases d’incision.
La première est scellée par la terrasse inférieure,
mais vers l’amont cette incision n’est qu’un étroit
canyon d’une largeur tout juste métrique. La se-
conde par épigénie d’aggradation a surcreusé
plus largement et plus profondément le canyon
vers le sud. Celle-ci est toujours active actuelle-
ment. Ce dispositif éloquent et présent ici sur une
courte distance montre qu’avant la mise en place
de la terrasse inférieure, le Chéran a connu une
phase d’incision importante qui par érosion ré-
gressive est venue inciser les calcaires urgoniens
de la bordure orientale de l’anticlinal jusqu’à la
dépression de Lescheraines et donne ainsi une
altitude repère minimale à cette phase d’incision
et d’érosion régressive précédant la terrasse infé-
rieure.
Le Chéran a donc connu des phases d’incision
et de remblaiement postglaciaires assez com-
plexes que le détail de la cartographie des replats
a permis pour partie de démêler. Au côté de ces
La terrasse médiane est une surface aisément
repérable dans le paysage, que l’on peut suivre
depuis 680 m à l’amont jusqu’à 630 m à l’aval (fi-
gures 4 & 5). Cet ensemble est inscrit dans l’objet
précédent et les replats les plus éloquents sont
ceux d’Attily et le Villaret à la confluence du Ché-
ran et du Nant d’Aillon, le Mollard ou les Dalphins
à la Motte-en-Bauges, ou la Pallud et les Bialles
au nord de Lescheraines. Ils forment une surface
assez continue, pentée vers l’aval et recoupée par
l’incision du Chéran et de ses affluents. Cette in-
cision importante est de 10 m à l’amont dans le
secteur de la Compôte et de 50 m environ à l’aval
au droit du Pont de Lescheraines. Ceci montre
que la pente du Chéran va en augmentant selon
les différents stades d’incision (figure 5). Dans le
secteur d’Attily, le recoupement des terrasses est
important et permet de reconnaître la séquence
sur une trentaine de mètres de dénivellation (fi-
gure 16). Le matériel grossier, plus ou moins trié,
organisé en lits aggradants peu pentés milite
pour un delta fluviatile [CAMPY et MACAIRE, 1992]
qui serait alimenté par le Nant d’Aillon et se rac-
corderait à un niveau fluviatile commandé par le
Chéran dont la cote reste à définir précisément,
sans doute aux alentours de 650-680 m NGF. Le
matériel présente une bonne cohésion autori-
sant des talus quasiment verticaux. Ceci pose la
question d’une compaction possible du dépôt,
postérieure à sa mise en place et antérieure à son
incision.
Enfin, proche du niveau actuel du Chéran, se
développe la terrasse inférieure. Inscrite dans le
niveau précédent, elle s’étend de la cote 670 m
à l’amont vers la Compôte, à la cote de 580 m à
l’aval vers le Pont de Lescheraines. Il s’agit ici de
la basse terrasse du Chéran, très certainement at-
~4 m
660 m NGF
625 m NGF
Figure 16 : Les terrasses du
Chéran et du Nant d’Aillon, au
droit d’Attily constituent des
dépôts fluviatiles (ici du Nant
d’Aillon) aujourd’hui ré-incisés.
Ces replats (ici le replat médian
dont le top est à 680 m NGF)
marqueraient alors un contexte
de sédimentation aggradant sur
une cinquantaine de mètres de
dénivellation. Photos S. Jaillet.
The fluvial deposits of the Chéran
and Aillon river, near Attily village,
are possibly older pro-glacial
deltas that are dug today by
the rivers. Those deposits (Here
the middle one, reaching 680
m a.s.l,) could be the mark of
a glacial and lake context that
would grow on about 50 m drop.
135
Livre 2 | Le karst des Bauges
terrasses et de ces replats étagés, les objets sou-
terrains apportent un éclairage complémentaire
précieux et ceci dans une gamme altitudinale si-
milaire (580 m/700 m NGF), au premier rang des-
quels on compte la grotte de Bange.
B. La grotte de Bange
À 692 m NGF s’ouvre la grotte de Bange. Le
toponyme prête parfois à confusion car elle ne
s’ouvre pas dans le massif de Bange, mais en
face de celui-ci, en rive droite du Chéran. Deux
porches (nord et sud) permettent de reconnaître
un conduit confortable descendant le long du
pendage au contact des calcaires urgoniens à
proximité du contact avec les marno-calcaires
de l’Hauterivien et ceci sur une dénivellation
de 72 m. Là, à la cote 620 m NGF, le niveau des
écoulements actuels est reconnu. Vers l’aval (au
sud), le lac des Touristes rejoint par une série de
trois siphons la grotte des Eaux Mortes et le Nant
de la Combe. Vers l’amont (au nord) les explora-
tions ont été conduites en plongée et donnent
aujourd’hui accès à un réseau de cinq kilomètres
de développement [GROUPE DÉTUDES HYDROLO-
GIQUES DU SEMNOZ, 1984 ; LANET, 2013]. Le conduit
principal de la grotte de Bange recèle un en-
semble de formes et de dépôts dont une lecture
est proposée ici. Au plafond, des morphologies
caractéristiques (chenal de voûte) témoignent
d’une genèse ou du moins d’une importante
phase génétique en régime noyé permanent
avec paragenèse (figure 18). Ces formes, assez al-
térées par la détente mécanique et les influences
externes (gélifraction), témoignent d’un sens
d’écoulement du bas de la cavité vers le haut et
rendent compte d’un fonctionnement en exu-
toire, calé donc à la cote altitudinale de 700 m
NGF environ. À la suite de cette phase, la cavité a
subi toute une série d’étapes que l’on enregistre
sous forme de dépôts ou de surfaces d’incision
ou de décaissement.
?
?
COUPE 1
COUPE 2
COUPE 3
COUPE 4
Repère terrasse
Repère terrasse
Repère terrasse
AMONT
AVAL
Le Chéran
Rive droite - NERive gauche - SO
010m
4
1
2
3
Figure 17 : Le canyon à épigénie
d’aggradation de la Charnia
montre deux incisions. La
première est marquée à l’amont
par un étroit surcreusement
comblé (coupe 2) qui se
prolonge à l’aval par la terrasse
fluviatile inférieure (coupes 3
et 4). La seconde correspond
au surcreusement actuel dans
lequel s’écoule le Chéran.
Two incision stages can be
seen in the Charnia canyon.
The first one is visible on the
top of the canyon and marked
by an incision that is now filled
with deposits. It continues
down the river and so the
deposit can be identified as the
bottom fluvial deposit of the
Chéran river. The second one is
linked to the last erosion phase
in which the Chéran river is
currently digging its bed.
Figure 18 : L’allée royale dans la
grotte de Bange est un conduit
de 6 à 8 m de large de 3 à 4 m de
hauteur, dans lequel on identifie (i)
au plafond le chenal de voûte de
fin de paragénèse (ici en orange)
et impliquant un écoulement de
bas en haut, vers la sortie et (ii)
une séquence à mondmilch ici
décaissée (en vert) dans le cadre
de l’exploitation touristique de la
cavité fin XIXe siècle. Photo S. Jaillet.
The royal alley, into the Bange cave,
is a 6 to 8 m high and 3 to 4 m wide
drain in which i) a vault channel
can be identified. It marks the end
of the paragenetic stage (Here in
orange, which implies a bottom-up
flow logic to the external spring
and ii) a mondmilch deposit that
has been partially excavated
(in green) during the touristic
exploitation of the cave at the
end of the 19th century).
136 KARST2018 | Karstologia Mémoires n° 20
la cavité dans ce qui n’était pas encore le siphon
S4. Deux stalagmites (échantillons BAN 2016-A
& B, section 4, figure 19) ont fait l’objet d’un pré-
lèvement et de datations. Les résultats obtenus
sur la stalagmite B ne sont pas fiables et ne per-
mettent que de dire que les âges 131 et 218 ka
sont des âges maximaux (âges non corrigés).
La croissance de la stalagmite A a pu être datée
entre 33,2 ± 0,6 ka et 31,9 ± 0,7 ka. Un placage
stalagmitique sur une colonne a livré une date
supérieure à 400 ka (échantillon BAN 2016-C,
section 4, figure 19). Les deux stalagmites A et B
sont aujourd’hui ennoyées par la remontée des
niveaux d’eau.
Nous rattachons cette remontée à l’arrivée
d’un cône fluviatile à galets qui, par le drain que
l’on emprunte pour rejoindre ce secteur, a appor-
té cette importante masse détritique (figure 20).
Celle-ci est en cours d’incision et sans doute en
partie remobilisée dans les siphons à l’aval en di-
rection de la grotte des Eaux Mortes et du Nant de
la Combe, exutoire pérenne actuel du système. Il
est tentant de rattacher cet épisode d’invasion du
cône alluviale intrakarstique à une remontée du
niveau de base du Chéran à l’altitude de 650 m
minimum.
Des coupes sériées relevées dans la cavité
et des datations absolues réalisées sur plusieurs
stalagmites ou planchers stalagmitiques nous
ont permis de proposer un schéma d’évolution.
Celui-ci est présenté figure 19 et s’appuie sur des
observations de terrain (sections) et les analyses
des concrétions. Après la phase paragénétique
noyée, un dépôt détritique est identifié dans un
conduit latéral à la cote -49 (section 1, figure 19).
Un mince plancher stalagmitique, lui-même scel-
lé par une séquence détritique fluvio-glaciaire
à galets allochtones a permis d’obtenir 2 dates,
malheureusement assez peu précises : 158,6 ±
4,5 ka et 166,3 ± 3,3 ka (échantillon BAN 2016-F,
figure 19). Cette seconde séquence détritique
alluviale témoigne de la remobilisation d’un
dépôt glaciaire associé à l’englacement isérois
dans les Bauges. Le cortège alpin, l’altitude du
dépôt et l’âge du plancher stalagmitique scellé
permettent de placer cette invasion au cours du
Würm, sans plus de précision pour l’instant. Il est
possible, mais non démontré, qu’associé à cette
phase, un fonctionnement noyé du conduit gé-
nère (ou reprend) les formes de paragenèse dé-
crites précédemment. À la suite de cette étape,
des stalagmites se mettent en place au fond de
?
Niveau des crues actuelles (+19m)
692 m
muret fouilles
vers l’aval et la grotte des Eaux Mortes S4 (100m, -8m)
S3 (320m, -25m)
Porche Nord
Porche
Sud
COUPE DE SYNTHESE
vers l’amont
123
4
Mise en charge actuelle
Fréquentation anthropique
(décaissement, tourisme, graffiti)
Stalagmite E (0,4 ka)
Séquence mondmilch (holocène ?)
Cône fluviatile à galets
Stalagmite ennoyée A (33-32 ka)
Séquence à galets fluvio-glaciaire
Plancher stalagmitique scellé F (166-158 ka)
Dépôt détritique
E
A
F
Temps
?
?
BAN-2015-E
BAN-2015-D
BAN-2015-C
BAN-2015-B
BAN-2015-A
01m
01m
01m
01m
séquence mondmilch
toit induré
base indurée
coffret
?
?
niveau d’étiage
décaissement anthropique
décaissement anthropique
SECTION 1
SECTION 2
SECTION 3
SECTION 4
BAN-2016-F
05cm
BAN-2015-E-1 :
0,4 ka +/- 0,1
BAN-2016-F-1 :
158,6 ka +/- 4,5
BAN-2016-F-2 :
166,3 ka +/- 3,3
BAN-2015-A-2 :
31,9 ka +/- 0,7
BAN-2015-A-1 :
33,2 ka +/- 0,6
BAN-2015-B-4 :
< 131 ka
BAN-2015-B-3 :
< 218 ka
BAN-2015-C-1 :
sup. 400 ka
Prélèvement 2015 / 2016 : J. Mulot, S. Jaillet
Analyse U-Th 2016 : E. Pons-Branchu (LSCE)
02550m
Fond topo : J. Nant 2011
Figure 19 : La grotte de Bange
en rive droite du Chéran est
perchée à près de 700 m NGF.
Son histoire complexe est faite
d’ennoiements, d’abandons
et de concrétionnements. Une
importante série de datations
a permis de mieux contraindre
les étapes de sa mise en place
depuis sa genèse probablement
en émergence jusqu’à son ré-
ennoiement lors des différentes
phases glaciaires et à sa mise
en tourisme partielle.
The Bange cave is located on the
right side of the Chéran river and
its spring is perched at 700 m
a.s.l. Its history is complex, linked
with drowned phases, followed
by lowering phases of the base
level and calcite growths. A big
quantity of datings allowed
a better understanding of all
the steps of its creation since
its genesis. From the numerous
glacial phases that probably led
to water fillings and unfillings of
the cave, to its touristic phase.
137
Livre 2 | Le karst des Bauges
Figure 20 : Dans la salle terminale
de la grotte de Bange, au
niveau du lac des Touristes, il est
possible d’identifier quelques
niveaux-repères et formes clefs.
Le conduit à gauche est le drain
exutoire aujourd’hui abandonné
(orange) par lequel on arrive. Au
sol, un cône fluviatile à galets
(pointillé brun-vert) vient barrer
l’écoulement provenant du siphon
amont (S4). Des mises en charge,
enregistrées sur 19 m de hauteur
génèrent le dépôt d’une importante
séquence argilo-limoneuse
(pointillé jaune). Photo S. Jaillet.
In the last room of the Bange
cave, near the touristic lake, it is
possible to see some key levels and
shapes: the left drain (orange) is
currently abandoned by water and
is the main touristic access. On the
ground, fluvial deposit composed
with shingles (maroon-green)
are crossing the flow coming
from the upper sump (S4). During
flood events, some water fillings
have reached 19 m high and
have been registered thanks to
a thin particle deposit (yellow)
that can be seen on the borders
of the cave after the floods.
construction de murets et de marches, aplanisse-
ment, graffiti nombreux… (figure 18 ; sections 2
& 3, figure 19). Elle est à rattacher à une activité
touristique contemporaine du développement
du thermalisme dans les Alpes [GAUCHON, 2013].
La grotte de Bange est donc riche d’une
épaisse histoire naturelle et anthropique. Les
quelques éléments présentés ici permettent de
décrypter correctement les étapes génétiques
essentielles et de raccorder partiellement ces
étapes à l’évolution du Chéran dans des gammes
altitudinales similaires aux replats étagés du Ché-
ran. En face, le réseau de Prérouge propose à ces
mêmes altitudes, des informations tout aussi in-
téressantes.
La cavité connaît alors une évolution en
contexte strictement vadose. Une séquence cal-
citique laminée (mondmilch) importante se met
en place dans l’ensemble du conduit, depuis des
arrivées identifiées au plafond jusqu’au cône
alluvial précédemment décrit et ceci avec une
interstratification délicate à démêler vers l’aval
(coupe de synthèse, figure 19). Une stalagmite
scelle ce dépôt et a livré une date à 0,4 ± 0,1 ka
(BAN-2015-E). La fin de croissance de cette sta-
lagmite montre des lamines noires très certaine-
ment associées à une fréquentation historique de
la cavité. Cette fréquentation historique est attes-
tée par des travaux d’aménagement importants :
décaissement de la séquence à mondmilch,
S4 (100m, -8m) - 620 m NGF
Paléo-exutoire
Figure 21 : La grotte de Prérouge
connait des crues spectaculaires
qui ennoient une partie importante
des drains. Photo M. Thomas.
The Prerouge cave knows
spectacular floods which ennerate
a significant part of the drains.
138 KARST2018 | Karstologia Mémoires n° 20
de stratification commandés ici par la retom-
bée orientale de l’anticlinal de Bange/Semnoz.
Sur une trentaine de mètres de dénivelée, les
conduits se parcourent jusqu’au siphon Loubens
au-delà duquel les explorations ne sont possibles
qu’en plongée souterraine.
Explorée et topographiée dès les années
1950, Prérouge a refait depuis peu l’objet d’une
certaine attention. Les explorations y sont pous-
sées assez loin au-delà d’une dizaine de siphons.
Tout récemment, la grotte a fait l’objet d’un tra-
vail de reprise topographique à grande échelle
(1/500) ce qui permet désormais d’en étudier plus
en détail les différents éléments [NANT & LYONNE,
ce volume]. Par ailleurs, dans le cadre des acti-
vités du comité départemental de spéléologie
de la Savoie, une série de capteurs de pression
(Reefnet) a été disposée en différents points de
la cavité dans une logique amont - aval. La reprise
C. La zone épinoyée du
karst de Prérouge
La grotte de Prérouge avec ses 54 km de dé-
veloppement compte aujourd’hui parmi les plus
longues cavités françaises. Sur une dénivellation
de 865 m, le système s’organise depuis des zones
d’alimentation (dalle de Prépoulain, montagne
de Bange, cuvette du Mariet) jusqu’à l’exutoire de
Prérouge à 580 m NGF. Les zones d’alimentation
(entre 1 000 et 1 500 m NGF) et leur relation avec
l’englacement ont été analysées précédemment.
Il s’agit ici de s’intéresser à la partie aval du sys-
tème, la zone des conduits de la grotte de Pré-
rouge en aval du siphon Loubens. Ces conduits
de dimensions métriques à plurimétriques
constituent un labyrinthe dense de galeries de
section tubulaire ou aplatie (figure 21). Toutes
s’organisent au contact d’un ou plusieurs joints
700
650
600
Zone noyée
Zone
épinoyée
Siphon Loubens
Siphon Loubens
Le Vilebrequin
Le Vilebrequin
Le Métro
Gal. Pentecôte
Lac des Touristes
Siphon entrée
Lac des Touristes
1
23
Siphon Loubens - 580 m / + 34
Le Vilebrequin - 584 m / + 25
Gal. Pentecôte - 593,5 m / + 15
Siphon d’entrée - 578,5 m / + 5,5
Mesure pression ext. 580 m
Mesure pression grotte 604 m
Le Métro - 583,5 m / + 13,5
Lac des Touristes - 576,5 m / + 10,5
Cote de référence : 580 m NGF
100m
Hauteurs x 2
Fond topo - Nant
Lyonne / SCS 2017
Le Super
Réseau
d’Aix Réseau
Chevalier
Le Chéran
Sud-Ouest Nord-Est
0
Paléo-Lac de Lescheraines - 700 m
Terrasse méd. - 630 m
Terrasse inf. - 580 m
Alt.
Mise en pression
des conduits de la grotte
Dépression dans
les conduits
Hystéresis et
retour à l’équilibre
P. atm. ext.
P. atm. grotte
1
2
3
Pression de l’air
et mise en charge
crue du 16 juin 2015
Détail de la montée des eaux
crue du 16 juin 2015
Siphon Loubens
Vallée du Chéran
Exutoire de
Prérouge
Figure 22 : La zone épinoyée
de Prérouge est une série de
conduits en montagnes russes
étagées. Lenregistrement des
variations des hauteurs d’eau
en 6 points de mesures permet
d’étudier le déversement des eaux
dans le conduit et les effets de
seuils commandés par différents
verrous, ce que la crue du 16 juin
2015 montre clairement.
The epiphreatic zone of the
Prérouge karst is composed of
numerous stepped drains. The
flood water variations have
been registered on 6 points that
allow to study the effects of
the karst morphologies on the
water during floods. It is clearly
visible on the 2015 flood.
139
Livre 2 | Le karst des Bauges
cées à l’amont (Loubens, Vilebrequin, Pentecôte)
présentent toutes les trois le même type de si-
gnal : une montée rapide suivie d’un plateau et
après ce plateau de 15 à 20 minutes, une véritable
montée des eaux en cloche plus classique. Cette
seconde phase de montée des eaux, commune
aux trois sondes amont, semble se déclencher
lorsque les seuils à l’aval sont eux-mêmes pleins.
On aurait donc ici un système de déversement
des eaux de l’amont à l’aval commandé par des
seuils altitudinaux, suivi par une remontée des ni-
veaux dans la partie amont, une fois que la partie
aval est saturée.
Pour contraindre ce phénomène, en plus de
ces six sondes de mesures de hauteurs d’eau,
deux sondes ont été placées pour mesurer les va-
riations de la pression de l’air. L’une d’entre elles
est à 604 m NGF dans le réseau d’Aix, à l’abri des
montées d’eau. L’autre est dans le porche d’en-
trée à 580 m NGF et mesure la pression de l’air
extérieur. Une analyse de la crue du 16 juin 2015
au siphon Loubens (amont) comparée à ces deux
enregistrements de la pression atmosphérique
est assez éloquente (figure 22). Les données sont
présentées en hPa pour les deux sondes dans l’air
et en mètres pour la sonde du Loubens. En mon-
tée de crue, le niveau d’eau du siphon Loubens
s’élève de 34 m à la vitesse de 20 cm/mn. Après
un court plateau, marqué par une légère redes-
cente du niveau d’eau (qui dure ici une vingtaine
de minutes), la pression remonte à nouveau.
Dans le même temps, la pression de l’air dans
la cavité augmente. À l’extérieur, la pression at-
mosphérique ne bouge pas. Ce phénomène
s’explique par le verrou liquide que constitue la
topographique a permis de les caler correcte-
ment et ils sont présentés ici sur la coupe (fi-
gure 22), accompagnés d’une analyse de la crue
du 16 juin 2015. À l’amont, le siphon Loubens, à
la même cote que l’entrée (580 m NGF) connaît
sur cette crue une mise en charge de + 34 m.
Plus à l’aval, le Vilebrequin (584 m) présente une
mise en charge de + 25 m. À mesure que l’on se
déplace vers l’aval, il est ainsi possible de déter-
miner avec précision cette décroissance du ni-
veau de mise en charge : à la galerie de Pentecôte
(593,5 m), il est de + 25 m, au Métro (583,5 m), il
est de + 13,5 m, au lac des Touristes (576,5 m),
il est de + 10,5 m et enfin à la sortie au siphon
(578,5 m), il est de + 5,5 m. En recalant les alti-
tudes respectives de chaque sonde, il est possible
de tracer la surface d’ennoiement du système
avec un très bon niveau de précision. On constate
que cette surface forme une série de marches
d’escalier peu marquées, mais significatives (fi-
gure 22). Le détail de la montée des eaux de la
crue du 16 juin 2015 permet d’analyser le dépla-
cement de l’onde de crue. Moins d’une heure sé-
pare le début de la montée des eaux au siphon
Loubens de la montée des eaux à l’aval (siphon
d’entrée et lac des Touristes), ce qui donne une
idée assez précise des modalités de remplissages
des conduits sur une distance en ligne droite de
l’ordre de 650 m. De même, on constate que les
trois sondes de mesures à l’aval (Métro, Touristes,
entrée) connaissent des montées rapides suivies
de mises en charge bornées vers le haut par un
plateau. C’est la caractéristique de seuils de dé-
versement, seuils qui contrôlent chaque fois ces
mises en charge. À l’inverse, les trois sondes pla-
Figure 23 : Les conduits de la grotte
de Prérouge sont partiellement
comblés par une charge détritique
fluvio-glaciaire pouvant parfois
être importante. Cette charge
constitue une gêne à l’écoulement
des eaux et favorise les mises
en charge. Son évacuation et la
réorganisation du drainage sont
toujours en cours, témoignant ainsi
du lent réajustement postglaciaire
du système. Photo M. Thomas.
Prérouge karstic drains are
partially filled with fluvio-glacial
deposits that can prevent water
flows from being correctly
evacuated, which leads to
big increases of the water
level into the karstic system
during floods. It testifies that
fluvio-glacial evacuation and
reorganization is still in progress.
140 KARST2018 | Karstologia Mémoires n° 20
Cet événement nous apprend en définitive
deux choses : (i) Il existe des périodes où la cir-
culation de l’air dans la cavité n’est plus possible
par les conduits. Cette circulation s’effectue par le
réseau de fissures qui assure, avec moins d’effica-
cité, l’échange avec l’extérieur. Dans ces phases
de pression, dépression et retour à l’équilibre, le
volume d’air qui s’échange entre le karst et l’exté-
rieur doit être assez important et il serait d’ailleurs
fécond de l’évaluer pour connaître son influence
sur l’aérologie des couvertures pédologiques.
Mais cet événement montre surtout que (ii) le
drainage est moins efficient à l’aval du système
qu’à l’amont. Dans une logique d’organisation
croissante du drainage hydrographique, les sys-
tèmes à l’aval sont en principe calibrés pour la
totalité des situations hydrologiques. Or ici l’aval
n’assure pas, en période de crue, sa fonction de
transfert et l’amont connaît des mises en charges
élevées se traduisant par un profil de la surface
piézométrique de crue en marches d’escalier.
Nous rattachons ce phénomène au bourrage
zone aval de Prérouge. En effet, la mise en charge
des secteurs Métro et Touristes a atteint le seuil
de déversement, les conduits sont noyés et l’air
ne peut s’échapper par ces conduits. Passé le pic
de crue, le niveau d’eau et le niveau de charge
dans l’air commencent à descendre. Mais cette
décrue commence à l’amont et va peu à peu se
transmettre vers l’aval. De fait, le niveau d’eau
dans le Loubens se met à descendre et ce faisant,
la pression de l’air dans la grotte diminue. Mais à
l’aval, les conduits sont toujours noyés et mettent
un certain temps à rattraper leur niveau d’étiage.
L’air extérieur ne peut entrer par ces conduits et
la pression dans la grotte devient inférieure à la
pression externe. La pression qui était passée de
950 à 1 175 hPa (phase 1, figure 22) redescend
cette fois à 820 hPa (phase 2, figure 22) alors que
dans le même temps, la pression extérieure reste
stable à 950 hPa. Ensuite, peu à peu la pression in-
terne finit par s’équilibrer avec la pression externe
(phase 3, figure 22). Lensemble du phénomène
n’aura pas duré plus de 18 heures.
A AB BCC
S10 (691m) S8 & S11
(685m)
700
600
800
1km0
Ech. des hauteurs X 5
Surface paléo-Lac
de Lescheraines
NNE
SSO
Grottes Bange (692m)
Nant Combe
(620m)
Prérouge (580m)
Loubens (580m)
Fitoja (698m)
05cm
05cm
Prélèvement 2015 : Manu Tessanne, Stéphane Lips
Analyse U-Th par MC-ICPMS (Univ. Melbourne) :
I. Couchoud (Edytem) / Petra Bajo / J. Hellstrom (UM)
Prélèvement 2016 : Olivier Lanet, Laurent Bron
Analyse U-Th 2016 : E. Pons-Branchu / L. Foliot (LSCE)
PREG-2015-S10A :
97,2 ± 0,9 ka
non corrigé
PREG-2015-S10B :
73,0 ± 0,8 ka
non corrigé
PREG-2015-S10A :
112,9 ± 1,5 ka
non corrigé
BAN-S8-2016-G-2 :
87,6 ± 3,4 ka
BAN-S8-2016-H-2 :
88,4 ± 1,2 ka
BAN-S11-2016-I-2 :
83,3 ± 1,2 ka
BAN-S11-2016-I-1 :
76,0 ± 0,5 ka
BAN-S8-2016-H-2 :
96,0 ± 5,4 ka
BAN-S8-2016-G-1 :
96,0 ± 6,9 ka
BANGE / EAUX MORTES - S8/S11
BANGE - S8/S11
PREROUGE - S10
PREROUGE - S10
PREROUGE - S10
Système Bange - Eaux MortesSystème Prérouge - Prépoulain
rive droite
rive gauche
Figure 24 : Coupe en travers
du Chéran montrant les deux
systèmes karstiques étudiés
(Bange - Eaux Mortes en rive
droite et Prérouge - Prépoulain
en rive gauche). Dans chacun des
systèmes, une zone noyée perchée
est identifiée. Les siphons S10
(Prérouge) et S8/S11 (Bange)
contiennent des concrétions
ennoyées. Cinq d’entre elles ont été
datées. Elles appartiennent toutes
aux stades isotopiques 5a-d.
Chéran cross-section reveals
the two studied karstic systems
(Bange – Eau Morte on the right
side and Prérouge-Prépoulain
on the lest side). A drowned
zone can be seen in each
system. S10 (Prérouge) and S8/
S11 (Bange) sumps contain
drowned concretions that
belong to the MIS 5 stage.
141
Livre 2 | Le karst des Bauges
pliquant des incursions de plusieurs jours avec
bivouacs [LANET, 2013 ; TESSANNE, 2014]. À plu-
sieurs kilomètres des zones d’exutoires, après des
escalades permettant de remonter au-dessus du
niveau de base, d’autres siphons, perchés mais
toujours actifs, ont été explorés. Dans le siphon
S10 de Prérouge (691 m NGF) et les siphons S8
et S11 du système des Eaux Mortes (685 m NGF),
des concrétions ont été trouvées sous l’eau.
Les prélèvements effectués en 2015 et 2016
ont permis de livrer 9 dates sur 5 échantillons.
Les dates obtenues sont respectivement 112,9
± 1,5 ka (nc : non corrigé) à 97,2 ± 0,9 ka (nc) et
73,0 ka ± 0,8 ka (nc) pour deux stalagmites du
siphon S10 de Prérouge ; 96,0 ± 6,9 ka à 87,6 ±
3,4 ka et 96,0 ± 5,4 ka à 88,4 ± 1,2 ka pour deux
concrétions du siphon S8 de Bange-Eaux Mortes
et deux dates en inversion de 76,0 ± 0,5 ka et
83,3 ± 1,2 ka pour une stalagmite du siphon
S11 de Bange-Eaux Mortes (figure 24). Ces cinq
concrétions appartenant aux deux systèmes sy-
métriques ont donc toutes poussé entre 113 ka
et 73 ka soit sur une durée de 40 ka au cours des
stades isotopiques 5 d à a. Elles sont donc toutes
antérieures au Würm et d’âge interglaciaire
Riss-Würm.
La position des siphons dans le profil en long
des deux systèmes ne peut qu’interroger. Dans
chacun des cas, les deux siphons sont à la même
altitude (685 et 691 m). Chaque fois, à l’aval de
ces siphons perchés et actifs, on reconnaît une
zone de cascades qui permet de rattraper le ni-
veau des écoulements des deux systèmes : 580 m
pour le système de Prérouge et 620 m pour le
système de Bange Eaux Mortes. Dans chacun
des deux cas, ces deux conduits aujourd’hui sous
l’eau, constituent d’anciennes galeries exondées,
où la croissance des concrétions était possible au
stade isotopique 5 et qui, suite à une remontée
du niveau de base, se sont retrouvées totalement
ennoyées. Le niveau de base est aujourd’hui une
centaine de mètres en contrebas de chacun des
siphons. Par érosion régressive dans des zones de
cascades, le niveau de base cherche à imposer un
profil d’équilibre idéal dans le karst. Ce réajuste-
ment du profil d’équilibre par érosion régressive
est actuellement toujours en cours et n’a pas en-
core atteint les siphons perchés. De fait, dans les
zones amont, les conduits restent noyés dans l’at-
tente de l’aboutissement de cette réorganisation
toujours en cours.
La cote des siphons perchés (690 m), le réajus-
tement en cours immédiatement à l’aval des si-
phons et les dates (MIS 5) des concrétions scel-
lées par l’ennoiement militent pour une cause
glaciaire ou postglaciaire à cette remontée locale
du niveau de base. Il est en effet raisonnable de
penser que les étapes de mise en place de ce dis-
positif sont les suivantes : (i) au stade isotopique
5, c’est-à-dire durant l’interglaciaire Riss-Würm,
les conduits à 700 m sont libres et des concré-
tions s’y développent. Il est possible que ces
conduits, situés assez en amont des systèmes
fluvio-glaciaire important qui affecte les drains
de la grotte de Prérouge. Une charge détritique
importante comble une partie des drains par-
fois en totalité. Dans les secteurs où l’eau circule
rapidement, cette charge a été évacuée pour
partie, mais elle reste très présente dans les
conduits abandonnés (zone nord-est du réseau
d’Aix notamment) (figure 23). La réorganisation
et la genèse de nouveaux conduits en zone aval
(zone basse du réseau Chevalier), la difficulté à
évacuer la totalité des eaux en période de crue,
le maintien sur une longue durée des plans d’eau
(Vilebrequin, Touristes, figure 22), la mauvaise
connectivité aérologique entre les conduits et la
surface pourtant proche, tous ces éléments sont
le signe d’un système ayant subi un beurrage im-
portant, dans les conduits karstiques mais aussi
en placage sur les versants. Cette charge détri-
tique (figure 23) est toujours en cours d’évacua-
tion, et de son évacuation comme de l’agrandis-
sement des conduits à l’aval dépend l’évolution
d’un karst calibré pour évacuer, à terme, la totali-
té des écoulements qu’il draine.
Cette réorganisation du drainage (genèse de
nouveaux drains et évacuation des bourrages sé-
dimentaires) dans la zone épinoyée de Prérouge
est enregistrée ici sur la partie aval du système
dans des gammes altitudinales calées entre
580 m pour les niveaux bas et 615 m pour les ni-
veaux les plus hauts. Cela correspond à l’espace
séparant la basse terrasse de la terrasse médiane
(figures 5, 16 & 22). Or on a vu précédemment que
la terrasse moyenne était constituée d’un épais
remblaiement fluviatile. Il est donc cohérent en
première approximation de rattacher cette phase
de comblement du Chéran au comblement des
drains du Prérouge. La phase d’incision du Ché-
ran (terrasse médiane vers basse terrasse et inci-
sion actuelle) correspondrait à la phase, toujours
en cours, de vidange du bourrage fluvio-glaciaire
et de réorganisation du drainage karstique.
Ce phénomène, pour spectaculaire et révé-
lateur qu’il soit, est présenté ici à l’échelle de la
grotte de Prérouge seule, c’est-à-dire à l’aval du
système. Des observations menées dans les si-
phons les plus éloignés des systèmes de Prérouge
et des Eaux Mortes vont confirmer ces assertions.
D. Les siphons perchés des karsts
de Prérouge et des Eaux Mortes
Les deux systèmes de Prérouge (rive gauche)
et des Eaux Mortes (rive droite) drainent chacun
les deux dalles urgoniennes du flanc oriental de
l’anticlinal Semnoz-Bange. Ces deux systèmes
symétriques présentent, on l’a vu, une certaine
similitude d’organisation du drainage : mise
en charge importante dans les zones aval des
systèmes, comblement par des bourrages flu-
vio-glaciaires. Tous les deux ont fait l’objet d’in-
vestigations importantes en spéléo-plongée
avec chaque fois une dizaine de siphons franchis
et des explorations post-siphons complexes, im-
142 KARST2018 | Karstologia Mémoires n° 20
conduits et vidangent en partie les bourrages
fluvio-glaciaires contenus dans le karst. Trop en
amont, les siphons S10 de Prérouge et S8/11 de
Bange-Eaux Mortes ne sont pas encore atteints
par cette réorganisation et fonctionnent encore
sous l’influence des héritages glaciaires. Le profil
en long des deux systèmes symétriques s’orga-
nise alors ainsi (figure 24) : une zone noyée per-
chée (ici noté A, figure 24), sous influence passée
mais toujours prégnante des héritages glaciaires ;
une zone d’érosion régressive (B, figure 24), spa-
tialement peu étendue et présentant une forte
dénivellation à l’échelle du système et générant
un knickpoint souterrain dans le profil en long ;
et enfin une zone aval (C, figure 24), où les écou-
lements s’organisent plus ou moins efficacement
en fonction du niveau de base actuel.
La lecture proposée ici repose sur le croise-
ment de trois données : (i) une analyse morpho-
logique des profils en long des réseaux souter-
rains, (ii) la datation de concrétions piégées dans
des siphons perchés et enfin (iii) le raccordement
de ces éléments à un contexte externe bien
contraint : le complexe sédimentaire étagé de la
dépression de Lescheraines. Les éléments souter-
rains et de surfaces s’emboîtent et sorganisent
assez logiquement selon une grille altitudinale
et temporelle dont l’expression essentielle est le
niveau de base et ses variations. Il est temps à
présent de remettre ces éléments dans une chro-
nologie générale, parfois bien contrainte, parfois
plus discutable mais dont le projet est d’aboutir
in fine à une proposition de reconstitution paléo-
géographique.
de Prérouge et des Eaux Mortes ne résurgeaient
pas aux exutoires actuels, mais vers des exutoires
plus directs, dans le ruisseau de Saint-François
pour le S10 de Prérouge et dans le Nant de Glapi-
gny pour les S8 et S11 des Eaux Mortes (figure 4).
En effet, le pendage des dalles urgoniennes et le
niveau d’incision qui devait être celui du Chéran
et de ses affluents à ce moment-là autorisent ce
type de dispositif plus logique, où les écoule-
ments s’organisent selon le pendage en direction
d’un point bas.
La glaciation du Würm I (MIS 4) envahit les
Bauges et dépose dans la cuvette de Lescheraines
un till de fond, d’épaisseur non connue. Plus tard,
ce point sera discuté plus loin, les replats de la
dépression de Lescheraines se mettent en place.
Le niveau lacustre le plus haut est à 700 m, à la
même cote que les siphons étudiés ici. Tous les
conduits à l’amont des deux systèmes karstiques
sont ennoyés sous cette cote (figure 24). Un com-
plexe sédimentaire se met en place, composé
de dépôts lacustres, glacio-lacustres et fluvia-
tiles qui finissent par former une couverture im-
perméable sur les affleurements calcaires. Lors
des phases postérieures d’incision du Chéran,
les deux systèmes karstiques sont alors en par-
tie captifs sous ces recouvrements glaciaires et
postglaciaires. La libération intervient par l’aval
là où précisément le Chéran recoupe la retom-
bée orientale de l’anticlinal : dans les gorges de
la Charnia qui forment ici un knickpoint dans le
profil en long de la rivière. Les écoulements s’or-
ganisent alors en fonction de ce nouveau point
bas et, par érosion régressive, réorganisent les
IV. Un modèle conceptuel d’évolution du relief
Entre les points les plus hauts (1 450 m NGF
pour les crêtes de Lachat, 1 700 m pour le S em-
noz) et les éléments les plus bas (550 m pour
le Chéran dans sa cluse), il est possible de classifier
sous terre comme en surface, un certain nombre
de formes et de formations glaciaires, glaciokars-
tiques, karstiques et fluviatiles. Les formes ex-
ternes comme les formes souterraines s’expri-
ment sur l’ensemble de cette gamme altitudinale
et l’enjeu est ici d’y adjoindre une compréhension
temporelle que quelques dates sur spéléothèmes
permettent de proposer.
A. Une lecture altitudinale des objets
Il est possible d’organiser cette lecture alti-
tudinale selon six ensembles. (i) Au-dessus de
1 300 m NGF, on identifie les dépressions gla-
cio-karstiques et les crêtes sommitales. Ces élé-
ments, englacés au Riss, émergent de la surface
WGM (Würm Glacial Maximum) dont l’altitude
peut être fixée ici à 1 250 m NGF (figures 2 & 25).
Des cavités (creux 222, Benoite, Loret pour le côté
Prérouge, Germinal et Ours pour le côté Semnoz)
s’ouvrent dans cette gamme d’altitude (figures 4
& 25). (ii) Aux alentours de 1 000 m NGF, la cuvette
du Mariet est un ombilic glaciokarstique perché
éloquent. L’identification d’un till comblant la dé-
pression et de pertes ayant absorbé à différents
moments les produits de ce till en fait un enre-
gistreur pertinent de l’englacement würmien du
secteur. Dans le détail, deux cavités ont fait l’objet
d’une attention particulière : le trou des Casses
et le gouffre des Invalides. Dans les deux cas, des
nappes de galets fluvio-glaciaires scellent et/ou
sont scellées par des phases de concrétionne-
ment. L’analyse de ces cônes fluvio-glaciaires in-
trakarstiques et de leur relation avec les phases
d’englacement reste à conduire dans le détail,
mais il est clair que chaque pénétration de ma-
tériel détritique marque une phase glaciaire ou
postglaciaire tandis que chaque croissance de
spéléothèmes marque une phase de retour à des
conditions environnementales propices. Entre
1 000 m et 700 m NGF, (iii) le karst s’organise en
un système vadose contrôlé par la structure des
143
Livre 2 | Le karst des Bauges
médianes et inférieures du Chéran entre École-
en-Bauges et Lescheraines (figures 4 & 5) et, (v.2)
l’importante zone épinoyée des deux systèmes
de Prérouge et des Eaux Mortes (figure 22), zone
dont on a vu combien le drainage actuel était
révélateur d’un réajustement en cours. Là, les
bourrages fluvio-glaciaires et la réorganisation
actuelle s’expriment dans la géométrie des mises
en charges des conduits de la grotte de Pérouge
(partie aval du système en cours de réajustement
aujourd’hui).
Enfin, (vi), le Chéran actuellement en cours
d’incision, constitue le niveau de base du système.
Toutes les formes, tous les dépôts et tout le drai-
nage sont actuellement perchés au-dessus de ce
niveau de base et c’est autant dans les altitudes
relatives que dans la dynamique du réajustement
qu’il est possible de saisir la temporalité des évé-
nements. Afin de mieux la contraindre, quelques
datations absolues ont pu être réalisées.
B. Un contrôle chronologique
par les spéléothèmes
Les datations des phases de concrétionne-
ment ont été présentées précédemment lorsque
les cavités ont été décrites. Nous les présentons
ici en ensembles successifs depuis les éléments
les plus anciens jusqu’aux plus récents. Les
spéléothèmes sélectionnés pour les datations
étaient tous affectés par un événement posté-
rieur à leur mise en place. Ces événements sont
de trois types : (i) érosion, la stalagmite ou la cou-
lée stalagmitique est affectée par une incision
l’ayant en partie trépanée ; (ii) scellement par des
dépôts fluvio-glaciaires et enfin (iii) ennoiement
par remontée du niveau d’eau dans le conduit.
Pour chaque type de concrétion (érodée, scellée,
ennoyée), un pictogramme spécifique est pro-
posé (figure 26). Sur cette figure, on présente les
objets datés en regard d’une frise chronologique
et des deux courbes climatiques de référence :
δ18O de la carotte groenlandaise NGRIP, interpré-
tée comme un enregistrement des températures,
et LR04, compilation globale du δ18O benthique,
compartiments tectoniques. Lorganisation des
dalles structurales de la retombée orientale de
l’anticlinal Semnoz-Bange, le synclinal perché du
Mariet, les décrochements de Prépoulain et Mon-
tagny, sont autant d’éléments qui commandent
l’organisation du drainage souterrain. Au passage
de ces décrochements, des contacts s’établissent
entre les ensembles carbonatés urgoniens et va-
langiniens. C’est ainsi qu’une partie des eaux de
la dalle d’Arith rejoint le système valanginien de
Bourbouillon. C’est aussi à la faveur de ce décro-
chement que la salle de Fitoja se met en place au
contact des calcaires urgoniens et des marno-cal-
caires de l’Hauterivien (figures 4 & 25).
À 880 m d’altitude, au toit des calcaires valan-
giniens, la grotte des Rochettes est déconnectée
de cette organisation. Elle marque un ancien
stade d’incision de la vallée du Chéran (figure 25)
qui aurait libéré l’aquifère captif du valanginien
et généré ce conduit paragénétique aujourd’hui
perché. Cependant elle contient aussi des sédi-
ments qui marquent une invasion fluvio-glaciaire
à cette cote altitudinale et qu’il conviendra de
rattacher à un des stades de fonctionnement gla-
ciaire du Chéran.
À 700 m NGF, s’étend (iv.1) le paléo-lac de
Lescheraines dont on a vu précédemment
l’extension spatiale maximale (17 km2). À cette
même cote altitudinale se développe (iv.2) un
ensemble de drains karstiques, identifiés dans
les systèmes de Prérouge (figure 25) et des Eaux
Mortes. Bien que non étudiés dans le cadre du
présent article, il convient de souligner ici que
d’importants niveaux horizontaux sont reconnus
à cette altitude dans l’ensemble karstique du Mar-
gériaz (figure 4). C’est le cas du Lot du Bois et de
la source perchée du Pissieu par exemple qui s’or-
ganisent à cette altitude. C’est aussi à cette cote
que l’on identifie les concrétions ennoyées des
siphons perchées de Prérouge (S10) et des Eaux
Mortes (S8 et S11) (figure 24). Il est indéniable
que cette altitude constitue un niveau de stabilité
génétique majeur tant pour les formes de surface
que pour les formes souterraines. Sous cette al-
titude, entre 580 et 690 m NGF, se développent
enfin deux objets : (v.1) l’ensemble des terrasses
WGM
Décrochement
de Prépoulain Décrochement
de Montagny
M
Fitoja
Rochettes
Gde Gorge Gd Tétras
Litorne Invalides Casses
FE
Benoîte
Creux 222
Loret
S10
Vers Prérouge Vers Bourbouillon
P. Frère
Montagny
Allèves
Lachat
Cochette
La Plate
Creuzates
Mariet
Montagne de Bange
Profil du Chéran
Rau St.
François
Niveau 700m
1600
1400
1200
1000
800
600
400
02km1
UD
SRD
NO
Echelle des hauteurs : x 2
Figure 25 : Coupe sud-nord de
la montagne de Bange et de la
dépression du Mariet. En arrière-
plan, les crêtes de la bordure
occidentale des Bauges (Creuzates
– Lachat). Lenglacement WGM
est indiqué ici vers 1 250 m NGF,
comblant la vallée de Saint-François
et du Chéran. Dans ce dispositif
morpho-structural, le karst des
calcaires urgoniens (rouge) et
des calcaires valanginiens (rose)
s’étage de 500 à 1 400 m NGF.
South-North cross-section of
the Bange mountain and the
Mariet depression. On the back
side, the western border cliffs of
the Bauges massif (Creuzates-
Lachat). The WGM glacier is
located here at about 1250 m
a.s.l. and fills the Saint-François
and Chéran valley. According to
that morphologic organization,
the urgonian karst (red) and
the valanginian one are located
from 500 m to 1400 m a.s.l.
144 KARST2018 | Karstologia Mémoires n° 20
Dans la grotte de Bange (système Eaux
Mortes), une stalagmite Ban-2015-C (figures 19 &
26) a livré un âge supérieur à 400 ka. Une autre
Ban-2016-F, datée MIS-6, est scellée par un dé-
pôt fluvio-glaciaire (figures 19 & 26). Mais c’est
l’ensemble des stalagmites des siphons de Pré-
rouge et des Eaux Mortes qui est le plus sérié.
À la même cote altitudinale, dans deux karsts
distincts, cinq concrétions scellées par l’ennoie-
ment des conduits se sont mises en place entre
113 ka et 73 ka, durant le stade isotopique 5 d-a
(figures 24 & 26). Ce scellement hydrologique
indique de manière certaine qu’un évènement
majeur a suivi leur mise en place. Cet événement
est associé à un « beurrage » de la surface kars-
tique jusqu’à la cote 700 m NGF minimum. Deux
événements peuvent expliquer cet ennoiement :
l’avancée glaciaire majeure du Würm, celle enre-
gistrée à 1 250 m NGF dans les Bauges, ou bien le
paléo-lac de Lescheraines à 700 m NGF. Celui-ci,
non daté est rattaché au stade de récurrence DIII
(figure 2) proposé par Coutterand [2010] et il est
donc post-WGM.
À 1 000 m NGF, les concrétions du trou des
Casses sont datées à 65 ka et celles du gouffre
des Invalides sont postérieures à 40/50 ka. Elles
scellent un cône fluvio-glaciaire intrakarstique
représentant l’évolution du volume de glace glo-
bale, et à partir de laquelle les MIS sont définis [LI-
SIECKI & RAYM O , 2005 ; NGRIP MEMBERS, 2004].
Les concrétions les plus anciennes sont anté-
rieures aux limites d’application de la méthode
U-Th. Ainsi une coulée stalagmitique du gouffre
Germinal (figure 4) a livré deux dates : GER-A1,
antérieures à 400 ka et GER-B1 à 223,5 ± 4,3 ka
et GER-B2 à 228,8 ± 2,7 ka. Découvert récem-
ment [MANIGLIER et LESAULNIER, 2015], le gouffre
Germinal est un conduit typique de contact Ur-
gonien/Hauterivien (figure 27). Les écoulements
souterrains ont karstifié la base des calcaires ur-
goniens puis ont affouillé les marno-calcaires de
l’Hauterivien donnant des conduits ou des salles
de dimensions parfois importantes. Alimenté par
une perte à 1 590 m d’altitude, le gouffre est en
fait un drain qui reçoit les eaux d’une ancienne
dépression glaciokarstique, en tous points si-
milaire à ce qui a pu être identifié sur les points
hauts de la cuvette du Mariet (dépression du Lo-
ret). La calotte du Semnoz (entre 1 700 et 1 250 m
NGF) devait, au WGM, se raccorder à la surface
glaciaire du glacier isérois des Bauges. La concré-
tion GER-B est une coulée érodée, située à la base
du puits et datée entre 223 et 229 ka (figure 27)
(stade isotopique 7).
-35
-40
-45
į
18O Ice core NGRIP
NGRIP members, 2004
į
18O benthic stack LR04
Lisiecki & Raymo (2005)
3
3,5
4
4,5
5
WÜRM IVHOL WÜRM III WÜRM II WÜRM I EEMIEN RISS
100 ka 200 ka 300 ka0
MIS 1 MIS 2 MIS 3 MIS 4 MIS 5 MIS 6 MIS 7 MIS 8
5ky
500 m
750 m
1500 m
1000 m
1250 m
Inv. BDE
Glacier Riss
Glacier
Würm ancien - WGM
Stade DIII
Paleo
Lac
Glacier
MIS2
LGM
?
Cass A/B
Ban A
Ban C
Ban F
Ger B
Ban S8G
Ban S8H
Ban S11I
PrgS10A
PrgS10B
> 400 ka
Ger A
> 400 ka
Cône
Bange
Concrétion érodée
Concrétion scellée
Concrétion ennoyée
Figure 26 : Modèle d’évolution
chronologique des événements
glaciaires et karstiques de la
bordure occidentale des Bauges.
Les objets (spéléothèmes, replats
lacustres, fronts glaciaires) sont
présentés en temps et en altitude.
Les spéléothèmes datés sont
présentés par âge et altitude. Ils
sont tous suivis d’un événement
qui les affecte (érosion, scellement
par des dépôts détritiques,
ennoiement). Ils constituent
ainsi une contrainte ante-quem
pour ces différents événements
d’origine glaciaire ou postglaciaire.
Chronological model of glacial
and karstic events on the western
border of the Bauges massif.
The objects (speleothems, lake
deposits, glacial maximums)
are represented in altitude and
time. They are all followed by an
event that impacts them (erosion,
sealing deposits, sealings by
water flows). They constitute an
ante-quem constraint for all those
glacial or post glacial events.
145
Livre 2 | Le karst des Bauges
les spéléothèmes (figure 26). Sur la base d’un clas-
sement altitudinal et chronologique, il est clair
que trois ensembles essentiels sont identifiés : un
ensemble supérieur (entre 1 000 et 1 700 m NGF)
marqué par l’englacement du Riss ou du Würm
maximal, un ensemble glacio-lacustre et flu-
vio-lacustre (perché à 700 m NGF) et un dernier
ensemble, plus bas, correspondant au Chéran
et aux réajustements karstiques associés (entre
580 et 690 m NGF). Nous proposons ici cette re-
constitution en décrivant les phases les plus mar-
quantes et en rattachant ces phases à des sites
clefs qui ont fait l’objet ici d’une analyse ou d’une
reconnaissance particulière.
Un schéma synthétique est proposé (fi-
gure 28), organisé selon une frise chronologique
simple et dont le niveau de base est le référen-
tiel principal. Ce niveau de base (ligne bleue) est
autant associé aux phases d’englacement (en ce
cas il s’agit de la surface d’englacement maximal,
c’est-à-dire le toit des glaciers isérois ou locaux)
qu’aux stades interglaciaires (en ce cas, il s’agit de
l’altitude du réseau hydrographique du Chéran).
Pour chacune de ces étapes (T.1 à T.9), les sites
sont présentés sur un bloc-diagramme idéalisé
(figure 28).
Le stade glaciaire du Riss (T.1, figure 28) n’est
pas identifié ici. Sur la base de son extension
jusqu’à Lyon, il dépasse ici 1 500 m NGF [COUT-
TERAND, 2010]. Au cours de l’interglaciaire Riss-
Würm (~MIS 5e) (T.2), le niveau de base s’abaisse
et passe sous la cote 700 m NGF. Aucun enre-
gistrement ne marque ce bas niveau. Mais des
concrétions poussent dans des galeries à 680-
700 m NGF, preuve que ces galeries existaient
auparavant et étaient libres d’eau pour autoriser
une telle croissance. Ces concrétionnements (T.3)
ont lieu au cours des stades isotopiques 5d à 5a.
Ces concrétions sont identifiées et datées dans
et sont elles-mêmes scellées par un second cône
fluvio-glaciaire intrakarstique (figures 11, 12 &
26). Cela veut dire qu’avant ces dates, l’engla-
cement est suffisamment haut en altitude pour
générer, lors de la phase glaciaire ou immédia-
tement après celle-ci, cette invasion détritique.
Cela veut dire aussi qu’après ces dates, le retour
glaciaire permet à nouveau la pénétration de
matériel détritique. Mais on a vu précédemment
que le matériel secondaire est constitué de galets
de plus grande taille et d’un matériel remanié pa-
raissant plus autochtone. Ce point méritera d’être
détaillé à l’avenir.
Enfin une dernière stalagmite est datée, cette
fois dans la grotte de Bange de ~33 à 32 ka (Ban-
2015-A) (figures 19 & 26). Elle aussi est scellée
et cette fois par un cône fluviatile à galets (fi-
gures 19). Lui-même, bien que non daté, ne peut
qu’être postérieur à 32 ka. Il est donc tentant de
le rattacher à une dégradation environnementale
impliquant une mobilité accrue des sédiments
détritiques dans le karst, possiblement lors du
LGM (MIS 2). Ces deux lectures, altitudinale d’une
part et contrainte par les spéléothèmes d’autre
part, permettent de proposer un schéma d’évolu-
tion chronologique couvrant la fin du Riss et l’en-
semble du Würm pour les Bauges occidentales.
C. Temporalité des objets et
reconstitution paléogéographique
Nous proposons ici une reconstitution paléo-
géographique des relations entre englacement et
enregistrements karstiques associés (figure 28).
Cette reconstitution n’est qu’une proposition,
dont certains éléments restent encore à discuter.
Elle est autant basée sur l’analyse géomorpho-
logique des objets souterrains ou de surface (fi-
gures 4 & 25) que sur les datations entreprises sur
GER-B1-B2
223,5 ka +/- 4,3
228,8 ka +/- 2,7
Figure 27 : Le gouffre Germinal
est un conduit typique de contact
Urgonien/Hauterivien. Par incision
et affouillement, le conduit
s’élargit dans les marno-calcaire
de l’Hauterivien (à gauche). À la
base des puits d’entrée, la datation
d’une coulée stalagmitique
perchée et érodée a livré deux
dates entre 223 et 229 ka (à droite).
Photos M. Thomas et S. Jaillet.
The gouffre Germinal is a
typical drain of the urgonian/
hauterivian contact. Thanks
to incision and erosion, the
drain enlarges itself inside the
hauterivian marls (left side). On
the basement of the entrance pits,
a perched and altered stalagmite
flow was dated between 223
and 229 ka (right side).
146 KARST2018 | Karstologia Mémoires n° 20
cartographiés (figure 4) et l’ennoiement des
conduits perchés (S10 à Prérouge, S8/11 aux Eaux
Mortes). Ceci pourrait être possible dès l’étape T.6
ou durant l’étape T.7 (figure 28). Cette dernière
pourrait être la récurrence démontrée par Cout-
terand [2010] sur la base d’un till couvrant les dé-
pôts deltaïques à Choisy. À cette étape T.7, nous
proposons de rattacher la pénétration des cônes
fluvio-glaciaires intrakarstiques qui scellent les
coulées stalagmitiques du trou des Casses et
du gouffre des Invalides (figure 12). Des glaciers
locaux sur les crêtes occidentales de la cuvette
du Mariet, une dégradation du couvert végétal,
doivent suffire à la remobilisation des matériaux
glaciaires piégés dans la dépression lors de l’épi-
sode froid précédent (T.4). À ce niveau d’analyse,
nous n’avons pas les moyens de montrer qu’il
s’agit d’un nécessaire retour du glacier isérois et
donc de son débordement dans les Bauges par
le col du Frêne. Mais nous n’avons pas non plus
les moyens de démontrer son absence totale à
cette étape T.7. En revanche, la conservation des
dépôts lacustres du paléo-lac de Lescheraines
suggère l’absence d’un retour glaciaire isérois ou
local à cette altitude. Ce point méritera d’être étu-
dié pour lui-même à l’avenir.
Les étapes T.8 et T.9 correspondent à la mise
en place du complexe de terrasses étagées de
la dépression de Lescheraines (figures 4 & 5). Le
karst se réorganise en fonction de ce nouveau ni-
veau de base. Mais dans les parties à l’aval du sys-
tème, cette réorganisation nest pas complète. La
géographie des crues dans la grotte de Prérouge
montre que le beurrage interne et externe est im-
portant. Vers l’amont, les siphons S10 à Prérouge
et S8/11 aux Eaux Mortes sont toujours perchés
et n’ont pas été atteints par l’érosion régressive.
Celle-ci réorganise les drains, évacue les remplis-
sages et cherche à structurer une dynamique
d’écoulement compatible avec les régimes hy-
drologiques du moment. Ainsi dans les deux sys-
tèmes karstiques étudiés, les éléments les plus
éloignés de l’axe du Chéran sont encore sous la
dépendance d’épisodes anciens alors que l’aval
est sous la dépendance du niveau de base ac-
tuel. Ce décalage temporel des fonctionnements
et donc des formes et formations associées est
identifiable ici car le réajustement est toujours en
cours, mais il convient de prendre conscience que
ce type de décalage temporel entre un forçage
(ici une variation du niveau de base) et ses effets
(ici un enregistrement souterrain) a toujours exis-
té dans les relations qui unissent l’endokarst aux
événements externes.
Dans ce type de lecture, les enregistrements
souterrains ne peuvent donc pas être directe-
ment raccordés à des stades de niveau de base,
mais à des temporalités et des dynamiques de
réajustement qui, elles, sont rattachées à ces ni-
veaux de base. Autrement dit, la temporalité des
phénomènes (au sens de durée du réajustement)
l’emporte sur le moment exact de l’enregistre-
ment du dit phénomène.
les deux réseaux en vis-à-vis en rive droite et rive
gauche du Chéran. Le Würm I (MIS 4) correspon-
drait à l’englacement maximal WGM reconnu ici
à 1 250 m NGF (T.4) [COUTTERAND, 2010]. Cette
cote est compatible avec les éléments identifiés
sur le terrain (figures 4 & 10). Les traces de cet en-
glacement maximal würmien sont nombreuses :
rabotage glaciaire, dépôt de till, blocs erratiques
allochtones. La cuvette du Mariet à 1 000 m NGF
a enregistré le passage du glacier et les éléments
allochtones identifiés (minéraux lourds, blocs er-
ratiques) montrent l’origine iséroise du flux gla-
ciaire [HOBLÉA, 1999 ; COUTTERAND, 2010]. Il est
raisonnable de penser que les concrétions des si-
phons S10 de Prérouge et S8/11 des Eaux Mortes
sont ennoyés à ce moment-là et le sont restés
jusqu’à aujourd’hui.
Le retrait glaciaire (T.5) libère la cuvette du
Mariet et à 65 ka, possiblement lors d’un petit in-
terstade chaud du MIS 4, pousse la concrétion du
trou des Casses (figures 11, 12 & 26). Cette crois-
sance suivrait de peu (5 ka ?) le maximum gla-
ciaire Würm I (figure 26). Elle se rattacherait à une
courte phase de réchauffement (figure 26), pro-
bablement un événement de Dansgaard-Oesch-
ger, le DO-18 [LANDAIS, 2016]. Des événements de
DO ont été enregistrés en Dordogne dans une sta-
lagmite de la grotte de Villars, toutefois le DO-18
était manquant ; l’interprétation alors proposée
était la possible présence d’un permafrost empê-
chant les infiltrations et la croissance de la concré-
tion [GENTY et al., 2003]. Le concrétionnement au
trou des Casses, bien plus haut en altitude mais
dans un contexte différent, suggère soit qu’il n’y
avait pas de permafrost, soit que des écoule-
ments souterrains et/ou sous-glaciaires suffisam-
ment saturés existaient. Dans tous les cas, cette
concrétion scelle un cône fluvio-glaciaire intraka-
rstique qui peut être raisonnablement rattaché à
l’étape T.4 ou correspondre donc à la phase qui
suit immédiatement le retrait glaciaire.
La phase T.6 couvre le stade isotopique 3 (MIS
3). Le retrait glaciaire est total et le niveau de base
s’abaisse considérablement, sans doute à des
altitudes proches de l’actuel. Dans les Bauges
occidentales, aucun enregistrement local, et no-
tamment dans le karst ne permet de contraindre
correctement cette étape ou d’envisager un re-
tour glaciaire. En revanche, Coutterand [2010]
par l’étude des dépôts du grand lac de la Sémine
(entre Bellegarde, Seyssel et Cruseilles) propose
une chronique détaillée de la déglaciation du
glacier isérois en plusieurs étapes bien docu-
mentées par les dépôts de ce lac. Dans cette
chronique, la phase D.III (déglaciation n° 3) et
une phase de récurrence (démontrée par un till
recouvrant des formations deltaïques) montrent
clairement un retour du glacier isérois à 700 m
NGF. Il associe ainsi le lac de Lescheraines à 700 m
NGF à cette étape D.III (figures 2 & 26). Ce dispo-
sitif permet d’expliquer le remarquable niveau de
stabilité identifié à cette cote se traduisant par
des replats glacio-lacustres ou fluvio-lacustres
147
Livre 2 | Le karst des Bauges
- Dans la dépression glaciokarstique du
Mariet, il a été possible de montrer les relations
entre l’invasion du glacier isérois (à 1 250 m NGF)
et les karsts se développant à 1 000 m NGF. Ces
karsts ont reçu les formations fluvio-glaciaires
et les stalagmites et planchers datés ont permis
de contraindre ces invasions. Celles-ci avaient
déjà été identifiées par Mugnier [1965] et Ho-
bléa [1999]. Nous étendons cette reconnaissance
à d’autres cavités du Mariet et proposons ici un
nouveau cortège de dates.
- Dans la vaste dépression de Lescheraines,
à 700 m NGF, la paléo surface (possiblement un
paléo-lac) proposé et rattaché par Coutterand
[2010] à l’étape D.III de la déglaciation iséroise a
été cartographiée en détail. Il a été montré ici qu’il
constitue l’objet responsable de l’ennoiement
des siphons S10 de Prérouge et S8/11 des Eaux
Mortes. Il est aussi remarquable que de nom-
breux objets karstiques se raccordent et se struc-
turent aujourd’hui encore à cette cote perchée.
Le till de fond WGM, responsable du placage
glaciaire de la dépression de Lescheraines est ici
complété par un remplissage dont la nature et
l’épaisseur restent à contraindre plus finement. À
Cette analyse du karst de la bordure occi-
dentale des Bauges a permis de montrer
la richesse des relations qui unissent les
héritages glaciaires aux processus souterrains.
Sur un espace d’une centaine de kilomètres
carrés et sur une tranche altitudinale s’étalant
de 500 à 1 700 m, nous avons pu rassembler les
éléments constitutifs de l’évolution du paysage
bauju au cours du Würm. Ces éléments sont de
trois natures essentiellement : (i) des formes et
des formations glaciaires, (ii) des formes et des
formations karstiques et (iii) des formes et des
formations fluviatiles ou lacustres.
Tous ces objets ont été cartographiés, synthé-
tisés et organisés sur des documents cartogra-
phiques (figures 4 & 10) et parfois analysés pour
eux-mêmes. Certains, comme les spéléothèmes
érodés, scellés ou ennoyés, ont pu faire l’objet
de datations absolues. D’autres ont seulement
pu être identifiés mais ne bénéficient pas encore
d’un contrôle chronologique absolu. Mais ce qui
a prévalu ici, c’est la volonté de confronter les
objets entre eux et ceci en utilisant une grille de
lecture altitudinale. Il en ressort les trois éléments
essentiels suivants :
MIS 1MIS 2MIS 3MIS 4MIS 6 MIS 5
Montagny
Mariet
Arith
Bange
Cochette Lachat
Benoîte
Paléo-lac : 700 m
1 km
Hauteurs x 2
400
600
800
1000
1200
1400
400
600
800
1000
1200
1400
1600
WGM 1250 m
grotte de Bange
Prérouge Eaux-Mortes
0
temps ka
25 5075100125 0
??
RISS
WÜRM I
WÜRM IV
T.1
T.2
T.2
T.3
T.4
T.3 T.3
T.4
T.6 T.6
T.6
T.6
T.7
T.7 T.1
T.7
T.8
T.8 T.9
T.9
T.5
SUD NORD
Conclusions
Figure 28 : Reconstitution
paléogéographique des
relations entre englacement et
enregistrement karstique associé. En
haut, évolution du niveau de base
général (surface glaciaire ou niveau
du Chéran) ; en bas, vue idéalisée de
la cluse du Chéran et des systèmes
karstiques de Prérouge et des Eaux
Mortes. Le glaciaire est en violet,
l’hydrographie en bleu et le karst en
rouge. À chaque étape, des objets
exo-ou endo-karstiques marquent
avec plus ou moins d’incertitude,
une date ou un événement.
Paleogeographic reconstitution
of relationships between glacial
phases and associated karstic
registration. On the left side,
the general base level evolution
(glacier surfaces or Chéran river
level). On the right side, an ideal
cluse du Chéran view including
the Prérouge and Eau-Morte
karstic systems. At least one
specific site can be related to an
event or a dating at each stage.
148 KARST2018 | Karstologia Mémoires n° 20
contraindre la problématique de l’englacement
würmien des Alpes occidentales et des modalités
de la déglaciation sur cette période. Nul doute
que ce karst majeur des Bauges mérite de telles
études et un tel intérêt.
Remerciements
Gérard Nicoud et Bruno Cabrol pour leur re-
lecture détaillée et les échanges associés. Laurent
Astrade pour ses contacts avec la Fédération
Française de Course d’Orientation et son aide à
l’accès aux données cartographiques détaillées
en format vectoriel de l’ensemble oriental de la
cuvette du Mariet (carte n° 2010-D73). Le Spéléo
Club de Savoie (en particulier Denys Bourgeois)
et le Comité Départemental de Spéléologie de la
Savoie pour l’accès aux données de localisation
des cavités du Mariet et aux topographies spéléo-
logiques de ce secteur. Pétra Bajo et John Hells-
trom (Univ. of Melbourne) pour leur aide avec les
mesures et le traitement des données U-Th des
échantillons de Prérouge. Olivier Loiodice pour
le magnifique survol des Bauges en parapente à
moteur.
partir de ces éléments, il est certain que cet objet
à 700 m NGF ne peut être que postérieur au stade
isotopique 4.
- Au niveau de la vallée du Chéran, le com-
plexe des terrasses médianes et inférieures a été
cartographié. Il est montré que la pente longitu-
dinale du Chéran va en s’accroissant vers l’aval à
mesure que l’incision fait son œuvre. Ceci montre
que l’érosion régressive est toujours active et que
le Chéran n’a pas atteint son équilibre. Le knick-
point de la Charnia, en amont de la cluse du Ché-
ran, « protège » les dépôts de la dépression de
Lescheraines. Ce knickpoint est le point où s’or-
ganisent les écoulements actuels des systèmes
de Prérouge et des Eaux Mortes, à 580 et 600 m
NGF. Sous terre, l’organisation des crues et l’exis-
tence de zones noyées perchées montrent que ce
réajustement est toujours en cours.
Le karst des Bauges occidentales constitue
un site de premier ordre pour ce type d’analyse.
De nombreux travaux restent à conduire, de
nouvelles datations sont à entreprendre, des élé-
ments de comparaisons sont à rechercher dans
d’autres karsts plus à l’amont ou plus à l’aval du
complexe glaciaire isérois. Les perspectives sont
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