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Contexte géologique
Les calcaires argileux exploités pour la fabrication de ce
qui était appelé le “ciment de Vassy” provenaient de plusieurs
ensembles s’échelonnant du Toarcien inférieur au Toarcien
moyen. Dans l’Avallonnais, le Toarcien est représenté par un
complexe argileux et marneux d’une puissance de 60m
environ (Abrard, 1950:123; Mégnien, 1970). On y distingue, à
partir du haut, 30 à 40 m d’argiles noires pauvres en fossiles,
datant du Toarcien supérieur ou de l’Aalénien inférieur.
Puis vient un ensemble de 10 à 20 m d’argiles noires tendres
passant à la base à des marnes et calcaires argileux fossilifères
du Toarcien moyen (Zone à Hildoceras bifrons) qui servait à la
fabrication du “ciment de Vassy” (Tintant, 1980). Sous ce
niveau se rencontrent des argiles marneuses passant à la base à
des argiles feuilletées, bitumineuses, se débitant en fines
plaquettes micacées. Ces “schistes cartons” alternent avec des
bancs calcaires argileux durs, bleu-gris qui étaient appelés par
les carriers les “trois rayons” et le “gros banc” et qui étaient
également employés pour la fabrication du ciment. Ce dernier
ensemble, riche en fossiles, en particulier de poissons,
re p r é s e n t e le Toarcien inférieur (Zone à Harpoceras
serpentinum). Il était bien représenté dans les carrières
exploitées sur le territoire de Sainte-Colombe. La grande
majorité des restes de vertébrés proviennent de cette localité et
sont donc datés du Toarcien inférieur (Wenz, 1967). Quelques
découvertes furent également signalées dans les carrières de
Vassy-lès-Avallon, commune d’Étaule, et pourraient être
rapportées au Toarcien moyen.
Les débuts de l’exploitation
du ciment de Vassy
L’invention du ciment de Vassy est due à un notaire d’Avallon,
Honoré Louis Etienne Gariel[1] (Prévost, 1908; Piot, 1964; Momot &
Momot, 2011). Géologue amateur, Gariel observa en 1830, au cours
d’une excursion à Vassy-lès-Avallon, la présence d’un calcaire argileux
bleuâtre qui avait été extrait d’un puit de forage creusé dans l’espoir de
trouver de la houille ou des schistes bitumineux. Gariel ramassa
quelques échantillons de cette pierre qu’il supposa pouvoir produire de
la chaux hydraulique (Heurley, 1982). Il constata que la poudre obtenue
mélangée à l’eau durcissait en quelques minutes, non seulement à l’air
mais également sous l’eau, et que ce “mortier” présentait une solidité
remarquable. Gariel décida alors d’abandonner sa charge de notaire
pour se consacrer à l’exploitation de ce ciment prompt naturel, appelé
“ciment de Vassy”, qu’il venait d’inventer. Il s’installa à Vassy-lès-
Avallon et fit ouvrir une première carrière. La cuisson du calcaire
argileux était effectuée dans un four en terre et le broyage était réalisé
au moyen d’une demi-meule entrainée par des ouvriers dans un
mouvement de balancier (fig. 1). Le ciment ainsi réduit en poudre était
ensuite tamisé à la main. Ces premiers essais de fabrication, bien
qu’artisanaux, furent couronnés de succès (Dumas, 1832). En 1832, il
s’associa avec son frère, Jean Baptiste Hippolyte Gariel[2], marchand
d’étoffes à Avallon, et son cousin par alliance, François Garnier
(> Focus 1). Les capitaux investis permirent de construire plusieurs
fours près de la carrière et des broyeurs actionnés par des chevaux
comme ceux qui étaient utilisés pour la fabrication de l’huile. La
production de ciment fit un bond en avant et l’entreprise devint
rapidement prospère au point où un entrepôt à Paris s’ouvrit dès 1835.
Les frères Gariel et François Garnier faisaient essayer leur ciment
par les entrepreneurs de la région et testaient eux-mêmes sa solidité
dans des expériences qui révolutionnaient l’art de la construction. Ils
réalisèrent notamment une voûte, en juin 1834, de 12 cm d’épaisseur
et de 9 m de long, constituée de briques et de ciment de Vassy capable
de supporter plus de 3 tonnes par mètre carré (fig. 2) ou encore, en
1846, un pont formé d’une seule arche de 31 m de long à laquelle ils
avaient fait subir des tests de résistance. Les résultats obtenus étaient
Arnaud BRIGNON (a)
Fossiles, n°34 - 2018
L’industrie du ciment de Vassy et son rôle
dans les
découvertes des vertébrés toarciens de l’Avallon
nais
A
partir des années 1830 et jusque dans les années 1960, dans un secteur situé à une dizaine de kilomètres au nord et
au nord-est d’Avallon, sur les territoires de Vassy-lès-Avallon (commune d’Étaule), Provency, Sainte-Colombe, Athie,
L’Isle-sur-Serein, Angely et Thizy, de nombreuses carrières exploitaient des bancs de calcaires argileux du Toarcien
servant à la fabrication du ciment prompt dit “de Vassy”. Ce matériau de construction découvert par Honoré Gariel
allait accompagner la révolution industrielle de la seconde moitié du 19esiècle. L’exploitation intensive, mais compte
tenu des moyens de l’époque, entièrement manuelle, du ciment de Vassy, était particulièrement propice aux découvertes
paléontologiques. Une poignée d’industriels éclairés, motivés par l’intérêt de la science et par la publicité qu’offrait de
telle découverte pour promouvoir leur ciment incitèrent leurs ouvriers à dégager précautionneusement les fossiles qu’ils
rencontraient. De nombreux poissons actinoptérygiens entiers et quelques restes de crocodylomorphes et d’ichthyosaures
particulièrement remarquables furent ainsi mis au jour. L’objectif de cet article est de retracer l’histoire de ces
découvertes intimement liées aux constructions de grands ouvrages d’art et aux travaux de modernisation de la France.
[a] 5, villa Jeanne d’Arc, 92340 Bourg-la-Reine – arnaud.brignon@yahoo.com
[1] 11 mai 1799, Avallon – 15 mars 1866, Avallon.
[2] 16 décembre 1801, Avallon– 20 juillet 1859, Étaule.
Fig. 1 - Premier
dispositif employé
pour le broyage du
ciment de Vassy
(Prévost, 1908).
François Garnier
naquit le 1er
septembre 1793 à
Pisy dans l’Yonne.
Secrétaire de la
sous-préfecture
d’Avallon, il se maria
le 26 août 1817 à
Avallon avec Jeanne
Anne Marie Mélanie
Lefèvre, cousine germaine
d’Honoré et Hippolyte Gariel, avec lesquels il
fonda à partir de 1832 la première usine de ciment
de Vassy. Les affaires étaient florissantes et, au
début des années 1840, Garnier part s’installer à
Paris pour promouvoir et développer l’activité du ciment. Il fut alors chargé par
le gouvernement de la construction de divers ouvrages d’envergure. En 1850,
Garnier mit un terme à son partenariat avec les Gariel et se lança dans les travaux
publics. En parallèle, il s’engagea en politique et fut élu député de l’Yonne,
siégeant au centre et soutenant le ministère de François-Pierre Guizot. Il quitta
ses fonctions après la chute de la Monarchie de Juillet en 1848, et les affaires,
neuf ans plus tard. François Garnier décéda le 8 mai 1870 à Paris dans le
1er arrondissement. La famille Garnier est à l'origine de divers travaux de
restauration et d’amélioration des infrastructures de la commune de Marmeaux
(Yonne). La “fontaine Garnier” (en haut à gauche) sur laquelle on peut voir le
médaillon de François Garnier est un témoignage de ce mécénat.
Focus 1
Vertébrés toarciens
consignés dans des notices imprimées, destinées à promouvoir leur
produit auprès de potentiels clients et à fournir un mode d’emploi et
des conseils d’utilisation (Gariel et al., 1838 ; Gariel & Garnier,
1847). L’entreprise gagna la confiance d’influents ingénieurs, parmi
lesquels Eugène Belgrand
[3]
, alors jeune ingénieur des ponts et
chaussées à Avallon, qui devint, par la suite, directeur des travaux de
Paris. Séduite par la qualité du ciment de Vassy, l’administration des
Ponts et Chaussées confia plusieurs chantiers importants à la maison
Gariel et Garnier, comme la construction du château d’eau de la ville
de Nevers (1837-1838), la réparation des voûtes de l’église de
Sauvigny-le-Bois (Yonne) (1836), du canal du Nivernais (1833-1840),
des quais du port de Honfleur (1842) et de plusieurs ponts à Corbeil-
Essones (1841-1843), l’entretien des conduites d’eau et des égouts de
Paris (1844) , la construction du pont au Double à Paris et la
restauration de la cathédrale de Nevers (1838), du pont Neuf, du pont
Royal (1844) et du pont au Change (Gariel et al., 1845 ; Sirodot,
1849:410-411). Malgré ces succès, les frères Gariel et Garnier
regrettaient cependant que le ciment de Vassy n’eût pas encore la
place qu’il méritait et qu’il eût été parfois abandonné à cause de
« l’incurie d’ouvriers inexpérimentés » (Gariel et al., 1845). La
réputation du ciment prompt pâtissait également du charlatanisme
d’industriels peu scrupuleux qui mettaient sur le marché de nouveaux
produits bon marché mais de qualité médiocre. La maison Gariel et
Garnier comprit ainsi l’importance de former des ouvriers qualifiés
véritables ambassadeurs de la marque auprès de leurs clients.
Vers la fin des années 1840, François Garnier s’engagea en
politique et fut élu à la chambre des députés entre 1846 et 1848. Peu
de temps après, il quitta l’entreprise de ciment comme l’avait fait
depuis un certain temps déjà Honoré Gariel, laissant Hippolyte Gariel
seul à sa tête (Prévost, 1908). Après le décès de ce dernier en 1859, la
direction de la société revint à son fils Charles Etienne Ernest Gariel
[4]
,
rentré en tant qu’ingénieur dans l’entreprise familiale en 1850
(Pineaux, 1991). Ernest Gariel s’associa avec ses deux beaux-frères,
Augustin Garnuchot
[5]
, dit “Ferdinand”, et Charles Garnuchot
[6]
, l’un
ayant épousé sa cousine germaine
[7]
et l’autre sa sœur
[8]
.
Apogée et déclin de l’industrie
du ciment de Vassy
Le Second Empire marque l’apogée du ciment de Vassy. Dès 1852,
Napoléon III a la volonté de moderniser Paris dont les rues de certains
quartiers étaient sombres, étroites, voire insalubres. Pour mettre en
œuvre cette ambition et diriger un vaste plan de
rénovation de la capitale, l’empereur s’appuie sur
Georges Eugène Haussmann [1809-1891], homme
d’action rigoureux et organisé, qu’il nomme préfet
de la Seine en juin 1853. Le projet ne se borne pas
au réagen c ement des rue s et la cons t ruction
d’immeuble, il faut améliorer l’acheminement de
l’eau dans la capitale et mettre en place un réseau
d’égout pour évacuer les eaux usées. Cette
mission fut confiée à Belgrand qui fit une
utilisation massive de ciment de Vassy
particulièrement bien adapté aux travaux
hydrauliques (Fontaine, 2012). La maison
Ga r iel fut égalemen t sollici t ée pour
participer à la reconstruction des ponts
Notre-Dame et du Petit-Pont en 1853, à
celles des ponts d’Arcole et d’Austerlitz en
1855, à l’édification du pont National et du
pont de l’Alma. Le succès du ciment de Vassy ne se cantonnait pas à
Paris. La maison Gariel mena de front des travaux pour la réparation ou
la construction de canaux, d’égouts, de pont et de ports partout en
France (Gariel, 1853) et en Algérie comme à Marseille, Dieppe, Alger
et Oran, sans compter les travaux de construction de l’église Notre-
Dame à Vassy-lès-Avallon (Bouichou et al., 2013) dont le coût fut en
partie pris en charge par la famille Gariel (Gally, 1871).
Hippolyte Gariel remporta une médaille de 1re classe à l’exposition
universelle de 1855 pour récompenser son rôle déterminant dans le
développement du ciment de Vassy, dans l’organisation de nombreux
ateliers d’ouvriers habiles à manier le ciment et dans la construction des
premiers ouvrages d’art en ciment exécutés en France (Delesse,
1856:121-122). Pour faire face à la demande, l’usine de Vassy dut
augmenter sa capacité de production. Après 1855, les onze broyeurs
actionnés jour et nuit par 44 chevaux sont remplacés par une machine à
vapeur capable de broyer plus de 100 tonnes de ciment par jour (Bidaut
de l’Isle, 1925; Heurley, 1982). L’usine comptait alors près de 500
ouvriers et la production annuelle s’élevait à environ 18000 tonnes
(Delesse, 1856; Zagorowski, 1859: 432).
Devant le succès commercial de la maison Gariel, de nouveaux
industriels vont se lancer dans l’exploitation du ciment de Vassy vers la
fin des années 1850. Les carrières et les usines à ciments fleurissent
dans la région où affleurent les formations toarciennes (Tarteret, 2002).
La pierre exploitable était acheminée vers les usines à l’aide de chariots
tirés par des bœufs et des chevaux. La pierre y était stockée et
concassée par des ouvriers en petits morceaux d’environ 8 cm avant
d’être introduite dans les fours par des “chaufourniers”. La cuisson était
réalisée à feu continu en alternant des lits de calcaire argileux et de
houille, laquelle, une fois embrasée, communiquait la chaleur aux
couches supérieures (Zagorowski, 1859). Environ 3 à 4 mètres cubes de
pierre cuite étaient ensuite extraits par l’ouverture inférieure du four,
faisant ainsi descendre la masse supérieure qui continuait de cuire
(Bidault de l’Isle, 1925 : fig. 7-8). De nouveaux lits de roche et de
houille étaient alors introduits par le haut pour combler l’espace laissé
vacant par l’étape précédente. Ce cycle se répétait toutes les six heures.
Pour confectionner le ciment de Vassy, le rapport en volume entre la
houille et la pierre brute était de 10%. Le calcaire argileux cuit sorti du
fourneau était à nouveau cassé en morceaux plus petits puis réduit en
poudre par des meules. Souvent les moulins à grain hydrauliques dans
Fossiles, n°34 - 2018
Fig. 2 - Épreuve subie par une voute mince en brique et en ciment de
Vassy, pour tester et démontrer la résistance du matériau (Charton, 1839).
Fig. 3 - Appareil de broyage du ciment, ou
“meuleton”, à traction hydraulique (usine
Millot et Cie à Marzy, commune d’Angely)
(Mamy, 1891).
[3] 23 avril 1810, Ervy-le-Châtel (Aube) – 8 avril 1878, Paris 6e.
[4] 31 octobre 1825, Avallon – 19 avril 1884, Paris 8e.
[5] 12 février 1817, Avallon – 24 février 1875, Avallon.
[6] 22 novembre 1820, Montréal (Yonne) – 14 novembre 1892,
Paris 9e.
[7] Bathilde Félicie Royer (mariage célébré le 10 septembre
1845 à Avallon). Sa mère, Jeanne Pierrette Gariel [1794-
1876], était la sœur d’Hippolyte Gariel.
[8] Jeanne Léonie Gariel (mariage célébré le 12 novembre 1850
à Paris).
Fig. 4 - Carte de 1925 de la région où était exploité
le “ciment de Vassy” (Bidault de l’Isle, 1925).
la vallée du Serein étaient convertis en broyeurs pour cet usage alors
que, dans les terres, étaient privilégiées les machines à vapeur (fig. 3).
Le ciment était alors tamisé et conditionné en fût de bois étanches ou en
sac de toiles de chanvre par des “sachiers”.
Parmi les nombreuses usines à ciment de Vassy qui s’ouvrirent
durant la seconde moitié du 19esiècle (tab. 1, fig. 4), on peut citer
celle d’un ancien officier de l’armée polonaise, Joseph Zagorowski
[9]
.
Exilé en France depuis le début de l’année 1832 à la suite de
l’insurrection polonaise contre les russes, il arriva à Auxerre en 1833
et se lança dans les affaires. D’abord associé dans une usine de
fabrication d’ocre, il acheta, en 1855, le moulin Brichoux à Auxerre,
sur la rive droite de l’Yonne, et y installa une cimenterie qui
fonctionnait au moyen de trois roues hydrauliques (Zagorowski,
1859; Guillaume, 1993). La pierre à ciment était acheminée depuis
des carrières ouvertes sur le territoire de Vassy-lès-Avallon, Lucy-le-
Bois et Provency (Prévost, 1869). Elle était ensuite transportée par
chariots sur 25 km jusqu’à Cravant et de là par bateau jusque devant
l’usine. La production effective de ciment de Vassy dans l’usine
Zagorowski débuta au début de l’année 1858. La société possédait un
dépôt de vente à Paris, quai de Jemmapes, le long du canal Saint-
Martin. Comme les frères Gariel et Garnier l’avaient fait avant lui,
Zagorowski avait réalisé une notice publicitaire vantant l’intérêt et la
polyvalence d’emploi du ciment de Vassy
[10 ]
. Il eut cependant
beaucoup de mal à imposer sa marque face au ciment Gariel et fut
contraint en 1870 de céder son entreprise à son associé Jean Baptiste
Joseph Prévost
[11]
, qui fit transférer l’usine en 1871 près de la gare de
Vassy, à proximité des carrières, pour réduire les frais de transport
(fig. 5:A, 6). En 1878, l’usine Prévost et Cie possédait trois fours,
occupait 80 ouvriers et produisait annuellement 6 à 7 000 tonnes de
ciment (Ministère des travaux publics, 1878:347).
La cimenterie du moulin de Saint-Jean sur la commune de Thizy
fut quant à elle créée par François Faure
[12]
, d’origine grenobloise,
ancien marchand d’étoffes et aubergiste à Montréal (Yonne) (fig. 7).
En 1852, il acheta le moulin de Saint-Jean, alors utilisé en scierie, et
les terrains attenants. La cimenterie démarra son activité en 1856 et
comptait, en 1864, une dizaine d’ouvriers (Prévost, 1908 ; Tarteret,
2002). Au début des années 1880, son fils, Esprit Faure
[13]
reprit la
direction de l’usine et développa l’exploitation pour atteindre un
effectif d’une cinquantaine d’ouvriers. La qualité du ciment produit à
Saint-Jean lui valut une médaille d’or lors de l’exposition universelle
de 1900. L’extraction des calcaires argileux se faisait dans des
carrières à ciel ouvert situées à proximité et également dans une mine
souterraine au lieu-dit les Ombreaux. Après la mort d’Esprit Faure en
1922, la cimenterie cessa son activité.
Fossiles, n°34 - 2018
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The Vassy cement industry and its role in the discoveries of Toarcian vertebrates in the Avallonnais region (Burgundy, France). – Abstract: From
the 1830s and until the 1960s, in an area located about ten kilometers north-east of Avallon, in the territories of Vassy-lès-Avallon (township of Étaule),
Provency, Sainte-Colombe , Athie, L’Isle-sur-Serein, Angely and Thizy, Toarcian limestones containing clay were extracted in many quarries for the
production of a natural cement called “ciment de Vassy” (“Vassy cement”). This building material discovered by Honoré Gariel played an important role in
the French industrial revolution of the second half of the 19th century. The intensive, but, given the means of that time, entirely manual exploitation of the
Vassy cement was particularly conducive to paleontological discoveries. A handful of enlightened industrialists, motivated by the interest of science and by
the publicity offered by such discoveries to promote their cement, then encouraged their quarry workers to carefully unearth the fossils they encountered.
Numerous complete actinopterygian fish specimens and remains of crocodylomorphs and particularly remarkable ichthyosaurs were thus discovered. The
purpose of this article is to retrace the history of these discoveries intimately connected to the modernization and the construction of great engineering works
in France.
Keywords: History of palaeontology, Osteichthyes, Ichthyosauria, Crocodylomorpha, Toarcian, Burgundy
Fig. 5 - Encarts publicitaires extraits de l’annuaire
Didot Bottin de 1881 (A, B, D-F) et 1885 (C).
Tab. 1 – Principales sociétés qui produisaient le ciment de Vassy
Nom de la Société Localisation des cimenteries Localisation des carrières Période d’activité
Gariel frères & Garnier Vassy-lès-Avallon Vassy-lès-Avallon 1830 – 1888
Gariel & Garnier
Gariel & Garnuchot frères
Dumarcet
Dumarcet Genouilly (Provency) 1885 –1914
Zagorowski & Cie Moulin Brichoux (Auxerre) Vassy-lès-Avallon, 1855 –après 1930
Prévost & Cie puis, à partir de 1871, à la gare Lucy-le-Bois et
de Vassy-lès-Avallon Provency
Faure Moulin de Saint-Jean (Thizy) Mine des Ombreaux (Thizy) 1856 – 1922
Lombardot-Curé Courterolles (Guillon) Montagne de Verre (Guillon) 1857 – 1914
F. Lombardot & Guillemin
Voyot & Bécker
Société des plâtrières de Paris
Girard Moulin-Neuf (Montréal) Les Courottes (Montréal) 1857 –début 20e
Millot & Cie Marzy (Angely) Angely 1857 – vers 1950
Sainte-Colombe Sainte-Colombe
Rotton Chouard, Angely Marmagne (Blacy) 1859 – après 1930
Grenan & Cie et Buisson (Angely)
Joudrier
Bourrey et Cie Champréau (Massangris) Sainte-Colombe 1861 – vers 1890
Auguste Gogois
Bougault Provency Mont Morin (Provency) 1875 – 1966
Fig. 6 - Entête d’un bordereau de livraison de la société J. Prévost de
1902 (bas du document coupé sur la figure). Photographie communiquée
par Nathalie Oudot (maison d’hôte “La Cimentelle”, Vassy-lès-Avallon).
[9] 4 juillet 1811, Biestrzyków, Pologne – 4 mai 1872, Auxerre.
[10] J. Zagorowski, [sans date], Ciment romain de Vassy, imprimerie Perriquet,
Auxerre, 2p. (Bibliothèque municipale d’Auxerre, fonds Lorin, cote L63, fo 310).
[11] né le 20 novembre 1834 à Avallon. Ancien conducteur des ponts et chaussées, il
travailla dix ans sous les ordres de Jacques Edme Cambuzat [1814-1887],
ingénieur en chef de la navigation de la Seine (1ère section) et de l’Yonne.
[12] né le 5 mai 1819 à Auris (Isère).
[13] 10 mars 1851, Montréal – 1922.
A B
C D
E F
Vertébrés toarciens
Dominique Belloc, de son nom complet François Jean
Dominique Belloc, naquit le 7 mai 1841 à Saint-Dizier dans la
Haute-Marne, où son père, Pierre Hippolyte Belloc [1804-1880],
médecin aliéniste, originaire d’Auxerre, était directeur de l’hôpital
général du département, avant d’être nommé directeur-médecin
de l’hospice des aliénés de Saint-Méen puis d'Alençon.
Dominique Belloc rentra à l’École Polytechnique en 1860 mais en
sortit sans diplôme. Peut-être inspiré par son oncle paternel, Jean
François Belloc [vers 1784-1860][a], entrepreneur des ponts et
chaussées et propriétaire d’une fabrique de chaux à Auxerre[b],
Dominique se lança dans la fabrication et le commerce du ciment.
Associé de la société Millot et Cie, il vivait à L’Isle-sur-Serein avant
de partir à Paris vers 1890. En visite chez sa belle-famille à
Château-Thierry dans l’Aube, il décéda le 10 février 1894. Un de
ses fils, Albert Jacques Marie Belloc fit une brillante carrière dans
la marine où il obtint le grade de capitaine de frégate et fut nommé
Officier de la Légion d’honneur en 1926. Dominique Belloc avait
été reçu membre de la SSHNY en 1882.
[a] Jean François Belloc et Pierre Hippolyte Belloc étaient demi-frères, leur père,
Georges Laurent Belloc s’étant marié en première noce avec Marguerite Bonne
Péchinet (la mère de Jean François) et en seconde noce avec Philiberte Jeanne Droin
(la mère de Pierre Hippolyte).
[b] Papiers provenant de Jean-François Belloc, ancien entrepreneur des Ponts et
chaussées à Auxerre, puis fabricant de chaux : titres de propriété, actes de familles,
comptes, factures (Archives départementales de l’Yonne, 36 J 44-45).
Focus 2
Fig. 7 - Encarts publicitaires de l’usine à
ciment de Saint-Jean, commune de Thizy,
extraits de l’annuaire Didot Bottin de 1881 (A)
et 1885 (B). Carte postale, envoyée en 1908,
montrant l’usine (C).
Fig. 8 - Société des ciments de Vassy Millot & Compagnie à l’Isle-sur-Serein. Lettre de 1896 (A)
et bordereau de livraison de 1898 (B) avec entête de la société. Carte postale des années 1900
(C) et gravure de 1891 (D) représentant l’usine de Marzy, commune d’Angely. Gravure de 1891
(E) de l’usine Millot & Cie installée à Sainte-Colombe où la majorité des vertébrés fossiles ont
été découverts. Les gravures sont extraites d’un article inséré dans Le Génie civil (Mamy, 1891).
A
A E
B
D
C
B
C
Fossiles, n°34 - 2018
Une autre cimenterie, située à Courterolles sur la commune de
Guillon, fut fondée en 1857 par Claude Louis Philippe Lombardot
[14]
(fig. 5:B). Originaire du Jura et meunier de profession, il avait
épousé Jeanne Pauline Curé en 1838, la fille d’Edmé Charles Curé,
marchand et propriétaire à Guillon. Bien que l’usine exploitât la force
hydraulique pour actionner ses meules de broyage, une machine à
vapeur fut installée en 1861 (Tarteret, 2002). En 1878, l’usine
possédait trois fours, employait 60 ouvriers et produisait de 3 à 5000
tonnes de ciment par an (Ministère des travaux publics, 1878:348). La
société fut ensuite reprise par Paul Auguste Voyot
[15]
et Jean-Paul
Bécker
[16]
(fig. 5:C). Son activité cessa en 1914.
François Basile Millot
[17]
, un vétérinaire attaché à la grande usine
Gariel, décida de s’établir à son compte. Il acheta un ancien moulin à
grains à Marzy, sur la commune d’Angely, et commença à fabriquer
du ciment en 1857 (Tarteret, 2002). Il s’associa avec un jeune
ingénieur, sorti de l’École Polytechnique en 1861, François Jean
Dominique Belloc [1841–1894] (> Focus 2). En 1868, la société
Millot et Cie créa une seconde usine, sur la commune de Sainte-
Colombe, dotée d’une machine à vapeur pour le broyage du ciment
(fig. 5:D, 8). Un chemin de fer de la firme Decauville, connue à
l’époque pour ses trains en voie de 60 cm utilisés sur les chantiers,
dans les carrières et les exploitations agricoles, fut construit pour
relier les deux usines et rejoindre la gare d’Isle-Angely d’où
s’effectuaient les expéditions de ciment vers toutes les destinations.
Les ingénieurs en chef des Ponts et Chaussées, Eugène Belgrand
[3]
et
Émile Carlier [1829-1907] recommandaient « les ciments à prise
rapide de la maison Millot et Cie de l’Isle-sur-Serein (Yonne) au
même titre que les ciments de la marque Gariel »
[18]
. Ces marques
ét a ient d’a illeurs en 1879 les de u x seule s autori s ées par
l’administration pour les travaux de la ville de Paris. Le ciment de
Vassy produit par la société Millot et Cie fut employé dans les travaux
suivants: modernisation du canal Saint-Martin (1860-1861),
réalisation d’un grand égout collecteur à Bordeaux (1867-1868),
dérivation de la Vanne (Yonne) pour alimenter Paris en eau de source
(1868-1872), construction de galeries souterraines à Paris (avant
1874) et d’égouts dans la Plaine Saint-Denis (avant 1880), réparation
des ouvrages d’art de la ligne de chemin de fer de l’Est (40 tonnes de
ciment en 1877), rénovation du fort de Villeneuve-Saint-Georges (115
tonnes, 1876-1878) et de la caserne des Tourelles à Paris (150 tonnes,
1878-1880), réalisation des conduites d’eau et des égouts de Rennes
(5 000 tonnes, avant 1882)
[18]
. Pour l’exposition universelle de 1889,
le ciment Millot et Cie fut également utilisé dans la construction des
soubassements de trois piliers de la tour Eiffel (Mamy, 1891). Après
la mort de François Basile Millot, ses deux fils, Lucien et René,
prirent la direction de la compagnie. Comme nous le verrons plus loin,
les frères Millot jouèrent un rôle clé dans les découvertes
paléontologiques faites dans les carrières à ciment de Sainte-
Colombe.
Fossiles, n°34 - 2018
25
Fig. 10 - Vestiges de
l’ancienne usine Gariel à
Vassy-lès-Avallon, commune
d’Etaule (en haut). Anciennes
meules de broyage du ciment
(à droite). Photographie
communiquée par Nathalie
Oudot (maison d’hôte “La
Cimentelle”, Vassy-lès-Avallon).
Fig. 11 - Bordereaux de livraison de 1913 (A) et de 1905 (B), “extrait du
compte de sacs de ciment” datant de 1921 (C) et marque de
fabrique (D) de la Société Anonyme des Ciments de Vassy. En 1913, la
société regroupait les marques Bougault, Dumarcet, Faure, Joudrier, Millot
& Cie, Prévost et Voyot.
Fig. 9 - Entête de lettre de la Société Grenan & Cie en date de 1874 (A)
et lettre de la Société Joudrier en date de 1899 (B). Ces sociétés
commercialisaient le ciment de Vassy de la marque Rotton fabriqué à l’usine
de Chouard, commune d’Angely.
[14] vers 1810, Montmirey-la-Ville (Jura) – 12 février 1883, Guillon (Yonne).
[15] né le 29 avril 1859 à Clichy dans la région parisienne.
[16] né le 25 janvier 1854, au hameau de Verrerie-Sophie, commune de Forbach
(Moselle).
[17] 1er mars 1829, Presles, Cussy-les-Forges (Yonne) – 17 mars 1892, Isle-sur-Serein.
[18] Millot & Cie, [sans date], Note sur l’emploi des ciments de Vassy, Charles
Unsinger, imprimeur, 83 rue du Bac, Paris, 26p. (Bibliothèque municipale
d’Auxerre, fonds Lorin, cote L90, fo 468-482).
A
B
C
D
A
B
Vertébrés toarciens
En 1859, l’entreprise Rotton ouvrit une cimenterie à Chouard,
commune d’Angely. L’usine, hydraulique et à vapeur, fut reprise par
Grenan et Cie (fi g . 9:A ). En 1878, elle possédait sept fours,
employait 40 ouvriers et produisait 6 000 tonnes de ciment par an
(Ministère des travaux publics, 1878: 350). Ferdinand Gros
[19]
, maire
d’Angely, prit ensuite la direction de la cimenterie. Ce fut enfin au
tour de son cousin, Ambroise Joudrier
[20]
, ancien comptable dans
l’usine, de la diriger (fig. 9:B). Le calcaire à ciment était extrait dans
une carrière à ciel ouvert, au lieu-dit la Marmagne dans la commune
de Blacy et à Buisson (Tarteret, 2002).
L’usine de Jules Bougault
[21]
à Provency fut quant à elle créée en
1875. À la mort de son propriétaire, elle est reprise par son frère,
Henri Bougault
[22]
, puis par le fils de ce dernier, Charles Bougault
[23]
,
à son retour de la Grande Guerre. L’exploitation des couches propres
à la réalisation du ciment se faisait d’abord à ciel ouvert puis dans une
mine souterraine sous le mont Morin. L’usine Bougault, la dernière
qui fabriquait encore du “ciment de Vassy”, arrêta définitivement son
activité en 1966 (Tarteret, 2002).
Citons enfin l’usine hydraulique et à vapeur de Champréau,
commune de Massangris près de L’Isle-sur-Serein, qui produisait du
ciment de Vassy. Cette cimenterie était alimentée en matière première
par les carrières de Sainte-Colombe (> Focus 7). Elle fut créée en
1861 par la société Bourrey et Cie (Tarteret, 2002). Elle comptait
alors un effectif de vingt personnes qui passa à quarante à partir de
1865 pour faire face à l’afflux de commandes pour Paris, les bords de
Fossiles, n°34 - 2018
Fig. 12 - Photographie utilisée
en couverture de la revue La
Nature, Revue des sciences et
de leurs applications à l’art et
à l’industrie, en date du 19
septembre 1925. On y voit trois
ouvriers terrassiers dans une
des carrières de la région de
Vassy-lès-Avallon.
Fig. 15 - Spécimens découverts dans les carrières à ciment de Vassy-
lès-Avallon (Toarcien) et offerts au MNHN par François Garnier en avril
1838. A, écailles de Lepidotes sp., MNHN.GG.Gg2004/10131w. B, C,
groupe de trois vertèbres d’ichthyosaure en vues articulaires (V1, V2) et
latérale (V3), MNHN.GG.Gg2004/10569w. Échelle : 5 cm.
Fig. 13 - Planches extraites d’une brochure éditée en 1906 par la
Société Anonyme des Ciments de Vassy présentant divers travaux
réalisés en ciment de Vassy : enduits des voûtes des souterrains du
“chemin de fer métropolitain de Paris” (à gauche), “kiosque démontable en
béton armé de ciment de Vassy” (ouvrage en rusticage et rocaillage imitant
le bois), présenté à l’Exposition universelle de 1900 à Paris (au milieu) et
différents types d’égouts construits à Paris “en pierre meulière et mortier de
ciment de Vassy” (à droite) (SACV, 1906:pl. 7, 14, 29). Photographies
communiquées par Nathalie Oudot (maison d’hôte “La Cimentelle”, Vassy-
lès-Avallon).
la Loire, la Nièvre, l’Yonne et les départements de l’Est. Cela
n’empêcha pas la société Bourrey et Cie d’être mise en liquidation en
1868. La cimenterie de Champréau fut reprise par Auguste Gogois
[24]
,
fabricant d’ocre et de plâtre à Auxerre (fig. 5:E). En 1878, elle
occupait seize ouvriers, possédait deux fours et produisait 3500
tonnes de ciment par an qui était distribué surtout dans l’est de la
France et en Allemagne (Ministère des travaux publics, 1878:349).
L’usine fut fermée vers 1890 et transformée en scierie.
Pour revenir à la toute première usine de Vassy, Ernest Gariel
décida, vers 1880, de se retirer des affaires et céda son l’entreprise à
l’ingénieur des mines Louis Rousseau-Dumarcet
[25]
qui achetait en
même temps la marque “ciment Gariel” (fig. 5:F). L’établissement
continua à tourner sous la direction du nouvel exploitant puis celle de
son fils Adrien
[26 ]
. Ce dernier abandonna l’usine en 1885 pour
s’installer à Genouilly, commune de Provency, dans des conditions
économiques plus avantageuses. Au début de l’année 1888, la grande
usine de Vassy ferma définitivement ses portes (Heurley, 1982). Dans
les années 1900, les vastes salles de l’ancienne usine étaient utilisées
en bergerie et en magasin de fourrage. Les vestiges de l’usine se
voient aujourd’hui à côté de l’ancienne demeure de la famille Gariel
conver tie en mais on d’hôte porta nt le nom évoc ateur de “La
Cimentelle” (Lancien, 2017) (fig. 10).
Au début du 20esiècle, la prospérité des usines de ciments de
Vassy s’essouffle. Les entreprises décident alors de mutualiser leur
réseau de distribution et de se doter d’une centrale de vente commune.
C’est ainsi qu’est créée en 1904 la Société Anonyme des Ciments de
Vassy (SACV), dont le siège social, d’abord à Avallon, se fixe à Paris,
66 rue de Bondy (l’actuelle rue René-Boulanger), dans le 10e
Fig. 14 - Extrait du catalogue des dons faits au Muséum d’Histoire
naturelle, Paris (collections de géologie) entre 1831 et 1848 (MNHN,
Catalogue I-Carré-1 à 302 Géologie - roches exogènes). Le numéro
d’entrée “carré 125” mentionne un fragment de poisson et une vertèbre
d’ “Ichthyosaurus” des carrières à ciment de Vassy-lès-Avallon. Ces
spécimens furent donnés par François Garnier, “directeur de la fabrique
de ciment”, en avril 1838. © Muséum national d’Histoire naturelle.
[19] 19 octobre 1845, Buisson, Angely – 8 septembre 1893, Chouard, Angely.
[20] né le 3 février 1856 à Angely. Il est le fils de Joseph Joudrier [1822-1897], ancien
meunier au moulin de Marzy.
[21] 7 juillet 1841, Avallon – 2 mars 1902, Avallon.
[22] né le 4 avril 1851 à Avallon.
[23] 25 juillet 1896, Avallon – 1981.
[24] 8 janvier 1830, Ancy-le-Libre – 7 août 1901, Auxerre.
[25] 29 janvier 1817, Avallon – 11 juillet 1883, Étaule.
[26] né le 2 novembre 1854 à Poullaouen, Finistère.
B
A
C
arrondissement (SACV, 1906) (fig. 11). A la création de la société,
l’extraction de la pierre à ciment de Vassy se faisait dans 20 carrières,
soit à ciel ouvert (fig. 12), soit en galeries souterraines. Comme
l’avait déjà fait la maison Gariel en 1845 et en 1853 (Gariel et al.,
1845 ; Gariel, 1853), la SACV (1906) édita pour sa clientèle une
br o chure ac c ompagnée d e 30 pla n ches pré s e ntant le s plus
remarquables travaux ou ouvrages d’art dans lesquels le ciment de
Vassy avait été employé (fig . 1 3) : le pont de Pierre Perthuis
(Yonne), le viaduc de Chastellux (Yonne), le barrage de Pont-et-
Massène (Côte-d’Or), l’aqueduc de Montreuillon (Nièvre), les voûtes
de la grande salle de l’hôtel de ville de Clermont-Ferrand, les égouts
de Paris, de Saint-Germain-en-Laye, d’Orléans, d’Auxerre, de Vichy,
les conduites d’eau de Saint-Etienne et les voûtes du métro parisien
pour lesquelles 30 000 tonnes de ciment de Vassy avaient déjà été
utilisées en 1906.
Alors que 8 usines, pouvant produire un total de 800 à 1000
tonnes de ciment par jour (Bidault de l’Isle, 1925), étaient en activité
dans les années 1920, leur nombre passa à 5 dans les années 1930. Le
coût de l’extraction de la matière première et la concurrence du
ciment de Portland, fabriqué artificiellement (Candlot, 1895),
entrainaient l’asphyxie progressive des usines de l’Avallonnais. Elles
disparurent toutes les unes après les autres après avoir apporté une
formidable activité économique dans la région pendant près d’un
siècle et contribué à la modernisation et la réalisation de grands
ouvrages d’art en France (Tarteret, 2002). La dernière usine à ciment
de Vassy ferma dans les années 1960.
Les premières découvertes de vertébrés
fossiles faites à Vassy-lès-Avallon
Un des catalogues des échantillons de roches et de fossiles
donnés aux collections de géologie du Muséum d’Histoire
naturelle à Paris révèle que François Garnier avait offert au
muséum, en avril 1838, deux échantillons trouvés dans la
carrière de Vassy-lès-Avallon et décrits
comme un « calcaire
compacte gris, avec fragment de poisson» et une «marne grise,
avec vertèbre[s] d’Ichthyosaurus »
(fig. 14). Ils sont toujours
conservés au MNHN (fig. 15). Le premier échantillon présente
un ensemble d’empreintes et de fragments très altérés d’écailles
rhomboïdales rappelant par leurs formes et leurs dimensions des
éca i l l e s de Lepidotes AGASSIZ 1832 ( A c t i n o p t e r y g i i ,
Semionotiformes), genre connu dans d’autres gisements français
datant du Toarcien (Wenz, 1967). Le second morceau comprend
trois vertèbres d’ichthyosaure mal conservées d’environ 65 mm
de diamètre.
Conjointement avec Modeste Salomon, préparateur de
géologie au Muséum d’Histoire naturelle à Paris, Garnier fit un
second don au Muséum en octobre 1849 et en mai 1850,
con s t i t u é de 38 échantillons de roches et de fossiles
(ammonites, nautiles, bélemnites et bivalves) des carrières à
ciment exploitées à Vassy-lès-Avallon. Le catalogue 10T
conservé au laboratoire de géologie du MNHN en donne la
liste détaillée ainsi qu’une coupe géologique des carrières avec
l’emplacement des bancs calcaires propices à la fabrication du
ciment (fig. 16). Ce matériel est toujours conservé dans les
collections du Laboratoire de géologie du MNHN, Paris
[27]
.
Une des plus anciennes publications faisant allusion à la
présence de vertébrés fossiles dans les carrières à ciment de
Vassy remonte à 1839. Dans sa “Géognosie du département de
l’Yonne”, Lallier (1839:353) rapportait en effet que des fouilles
faites à Vassy, avant sa visite en 1837, avait mis au jour “divers
os s e m e n t s fossiles” et que l e régisseur d e la c a r r i è r e ,
certainement Garnier ou un des frères Gariel, lui avait donné la
“ve rtèbre d’un animal”, qui, com me l’écrivait Lallier,
«appartenait peut-être à ce genre de reptiles marins que les
géologues modernes appellent plésiosaures ». Cette vertèbre
de 54 mm de diamètre et de 27mm d’épaisseur avait été
découverte dans les calcaires argileux bleuâtres et schisteux
exploités pour la fabrication du ciment. Il pourrait s’agir d’une
vertèbre d’ichthyosaure, groupe de reptiles marins assez
commun dans le Toarcien de l’Avallonnais. André Séraphin
Lallier, né à Joigny (Yonne) le 29 juillet 1783, fut préparateur
en chef de chimie au collège de France puis retourna dans sa
ville natale. Il obtint dans les années 1820 un poste de
contrôleur des contributions directes comme l’avait été avant
lui son père. Il fut ensuite inspecteur des impôts pour le
département de l’Yonne puis directeur pour la Creuse en enfin
pour la Vendée. Il mourut le 22 juin 1845 à La Roche-sur-Yon,
qui s’appelait Bourbon-Vendée à l’époque. Passionné de
géologie, il étudia notamment la stratigraphie de l’Yonne et
con s t i t u a un e im p o r t a n t e co l l e c t i o n de fo s s i l e s de ce
département.
Une réunion extraordinaire de la Société Géologique de
France se tint à Avallon du 14 au 24 septembre 1845. À cette
occasion, des excursions géologiques furent organisées dont
notamment une visite des carrières à ciment de la société
Gariel à Vassy-lès-Avallon, le 15 septembre 1845. Au cours de
cette visite, un membre de la société découvrit dans un des
“bancs de ciment” un fragment d’os bien conservé (Moreau &
Cotteau, 1845:664-671). Le compte rendu de la journée
mentionne également que ce banc avait livré «des débris de
Sauriens, tels que des vertèbres, une côte et une mâchoire
d’Ichthyosaurus».
Alexandre Leymerie [1801-1878], professeur de géologie
et de minéralogie à la Faculté des sciences de Toulouse, et
Victor Raulin [1815-1905], professeur de géologie à celle de
Bordeaux, furent chargés par le conseil général de l’Yonne de
dresser la carte géologique du département et de rédiger un
texte explicatif qui furent publiés respectivement en 1855 et
1858. La collaboration entre les deux anciens amis tourna
d’ailleurs en une querelle retentissante (Durant-Delga, 2000).
Quoi qu’il en soit, ils rapportaient que dans les carrières de
Vassy-lès-Avallon «le gros banc de calcaire à ciment »
renfermait une assez grande quantité de fossiles recouverts
d’une couche pyriteuse et qu’on y avait trouvé «des ossements
Fossiles, n°34 - 2018
27
François Moreau
[1808-1883],
“professeur au collège
d’Avallon, fondateur du
Musée de géologie”.
Huile sur toile d’Émile
Bidault (18 mai 1835,
Avallon – 24 mai 1896,
Avallon), datée de 1885,
H. 73,5 x L. 60 cm.
Musée de l'Avallonnais
Jean Desprès, Avallon
(cote 71-13.01.01.02).
Photographie
communiquée par
Agnès Poulain.
Focus 3
Fig. 16 - Extraits du Catalogue 10T des
“Roches et fossiles du département de
l’Yonne, donnés par MM. Garnier & Salomon”
au MNHN (collections de géologie), en
octobre 1849 et mai 1850. Page de titre du
catalogue (à gauche) et coupe géologique des
carrières à ciment de Vassy-lès-Avallon (en bas).
© Muséum national d’Histoire naturelle.
[27] MNHN.GG.Gg2004/10564w, 10565w, 10567w, 10570w à 10576w, 10578w,
10580w, 10585w à 10591w, 11006w, 11007w, 11015w, 12520w, 12521w,
22990w, 58078w, 58087w, Gg2007/925w, 947w.
Vertébrés toarciens
de po i s s o n s , un e tê t e de
Plesiosaurus, des vertèbres, une
côte, une tête et une mâchoire
inf é r i e u re d’Ichthyosaurus »,
reprenant une partie des observations
consignées dans le compte rendu de la visite de la Société
Géologique de France de 1845 (Raulin & Leymerie, 1858:268-
269). Leymerie, entre 1842 et 1845, et Raulin, entre 1846 et
1852, avaient constitué une collection de 947 échantillons de
roches et de fossiles du département de l’Yonne qui fut déposée
au Musée d’Auxerre (Raulin, 1858). Cette collection contenait
des échantillons d’«argile schisteuse noire, avec portion d’une
empreinte de poisson» (numéro 82) et de « calcaire argilifère
gris, avec vertèbre de Plesiosaurus» (numéro 83), provenant
tous deux des carrières de Vassy-lès-Avallon.
François Moreau et le Musée d’Avallon
Le géologue français Jules Marcou [1824-1898] écrivit
qu’en juin 1847 un crâne d’ichthyosaure fut découvert près
des carrières à ciment de Vassy alors qu’il étudiait la géologie
de l’Avallonnais avec son collègue allemand Oscar Fraas
(1824-1897) (Marcou, 1889:139-140). François Moreau,
professeur de mathématique à Avallon et géologue amateur,
leur servait de guide (> Focus 3). Connu pour son franc parlé,
Marcou écrivait que «comme la plupart des géologues locaux,
toujours très collectionneurs, Moreau était très jaloux de ses
échantillons, et n’aimait pas à s’en séparer». Or Fraas désirait
obtenir un exemplaire d’une ammonite de Vassy dont Moreau
possédait plusieurs échantillons. Ce dernier ne voulait s’en
défaire sous aucun prétexte. Voici en quels termes Marcou
raconte comment Fraas arriva finalement à ses fins: «dans une
dernière visite que nous allions faire aux célèbres carrières
d’ où l’on extra it le cime n t de Vassy, en
traversant un petit ravin, Fraas, qui a
tou j o u r s eu l’œil très exerc é pour
trouver les fossiles, aperçut au fond du
ravin une pointe de rocher, sortant
très peu des marnes du Lias moyen.
Vite il descendit, et se mit à dégager
ce t te proéminence d’un calcaire
marneux, ressemblant au premier
as p e c t à un gros se p t a r i a ;
l’opération devenant assez longue,
Moreau se retourne, l’appelle, et lui
Fossiles, n°34 - 2018
Fig. 17 - Squelette de crocodylomorphe thalattosuchien attribué à l’espèce Pelagosaurus typus B
RONN
1841 du Toarcien de Sainte-Colombe, conservé
au Musée de l’Avallonnais Jean Desprès (numéro de collection 2017.0.1). A, crâne, vue dorsale ; B et C, plastron ventral et vertèbres (vue ventrale) et os des
membres ; D et E, vertèbres. Echelle : 20 cm.
Fig. 18 - Anneau sclérotique
d’ichthyosaure du Toarcien de
Sainte-Colombe trouvé par
François Moreau. Musée de
l’Avallonnais Jean Desprès.
Echelle : 5 cm.
Fig. 19 - Restes d’ichthyosaures du
Toarcien des carrières à ciment de Sainte-
Colombe. A, fragments de mandibules et
dents ; B, portion de palette natatoire ; C, D,
vertèbres et côtes ; E, vertèbres et
phalanges ; F, ensemble de cinq vertèbres.
Musée de l’Avallonnais Jean Desprès.
Échelle : 5 cm (A-C, F) et 10 cm (D, E).
dit de ne pas s’attarder, qu’il n’y a rien là, ayant exploré cent
fois lui-même tout le ravin. Mais Fraas avait déjà suffisamment
fait ressortir de la marne une espèce de museau allongé, qui ne
pouvait appartenir qu’à un Ichthyosaurus, avec des dents aux
deux mâchoires. Cette découverte, entièrement inattendue de
Moreau, bouleversa toutes ses notions de collection, et dans son
désir de posséder cet échantillon d’Ichthyosaure – le plus grand
trouvé dans l e pays, - il of f r i t à Fraas, non-seulem e n t
l’Ammonites heterophyllus, refusée une heure auparavant, mais
il lui permit en outre de prendre une douzaine d’autres fossiles
de sa collection à son choix. Le marché fut vite fait, et Moreau
rapporta en triomphe la tête d’Ichthyosaure ».
François Moreau, de son nom complet Marie Gaspard
François Félix Moreau, naquit à Avallon le 29 juillet 1808. Son
pè r e , Marie Charles Paul Mo r e a u , était professeur de
mathématiques et de dessins au collège d’Avallon. Son oncle,
Marie François Moreau [1764-1833], ancien député de la
Convention, avait incarné sous la Révolution les idées les plus
radicales. Prêchant pour la destruction de tous les châteaux,
symboles de l’Ancien Régime, il se prononça avec la plus
grande fermeté en faveur de l’exécution de Louis XVI
(Montarlot, 1907:70). François Moreau était également cousin
germain de l’écrivain, historien et archéologue Prosper
Mérimée [1803-1870] (Vincent, 1928:v). Moreau fit ses études
à l’École Normale et après avoir obtenu une licence ès-
sciences, il fut chargé du cours de mathématiques élémentaires
au collège royal de Pontivy dans le Morbihan. En 1835, il fut
ensuite nommé régent de mathématiques au collège d’Avallon,
en remplacement de son père qui prenait sa retraite (Anonyme,
1835). Passionné de géologie et d’histoire naturelle, il fut
ad m is mem b re de la Société Géo l ogique de France en
se ptembre 18 36. Il fut nommé , avec Gusta ve Cot teau,
secrétaire de la réunion extraordinaire qui se tint à Avallon en
septembre 1845 et organisa notamment la visite des carrières à
ciment de Vassy-lès-Avallon mentionnée précédemment
(Moreau & Cotteau, 1845). Il fut un des membres fondateurs
de la Société d’Études d’Avallon, créée en 1859, dont il fut le
vice-président jusqu’en 1880 puis le président de 1880 jusqu’à
sa mort le 1er octobre 1883.
Moreau avait réuni un herbier sur la flore de l’Avallonnais
et une importante collection de roches et de fossiles de cette
région dont il fit don au Musée d’Avallon (aujourd’hui Musée
de l’Avallonnais Jean Desprès) (Cotteau, 1883; Parat, 1925 ;
A
AB
C
F
E
D
B
C
DE
(BL A INVI L L E 1818) et un spécim en de
Dapedium milloti SA U VAGE 1892 (fig .
20 : C) qu i fut décrit dans un article
d’Arambourg (1935:20-21).
Les premières descriptions
scientifiques de poissons des
carrières de Sainte-Colombe
La présence, à S a i n t e - C o l o m b e , de
calcaires argileux adaptés à la fabrication de
cim e n t était connue avant 1844 (M o n d o t de
Lagorce, 1844:8-9). À partir du début des années 1860,
ces calcaires furent exploités dans plusieurs carrières
d’abord par la société Bourrey et Cie et par Auguste Gogois
[24]
,
pour alimenter la cimenterie de Champréau sur la commune
de Massangris, puis à partir de 1868, par la société Millot
et Cie, qui avait installé une cimenterie près des carrières.
Cette exploitation intensive fut propice aux découvertes
paléontologiques, en particulier dans les dalles calcaires riches
en poissons. Durant la séance du mois de mai 1865 de la
Société des Sciences Historiques et Naturelles de l’Yonne
(SSHNY), Gustave Cotteau (> Focus 4)présenta une note sur
deux poissons trouvés dans une des carrières de Bourrey et
Gogois. Ces deux poissons faisaient partie de la collection de
Jules Barat, alors âgé de 18 ans, qui fut admis membre titulaire
de la SSHNY la même année. Cotteau (1865) y donnait la
première description scientifique de poissons fossiles des
carrières à “ciment de Vassy”. Il reconnut ces spécimens
comme appartenant au Ptycholepis bollensis AG. 1832.
Alors que les découvertes se multipliaient dans les carrières
de Sainte-Colombe, Gustave Cotteau et Jules Barat firent appel
à Henri-Émile Sauvage (> Foc u s 4)pour identifier ces
poissons. Ce dernier consigna les résultats de son étude dans la
deuxième partie d’un mémoire sur la “faune ichthyologique de
la période liasique” publié la première fois en 1875 dans la
Bibliothèque des Hautes Études puis en 1876 dans les Annales
des Sciences Géologiques (Sauvage 1875, 1876). Sauvage créa
5 nouvelles espèces, Ptycholepis barrati [sic], en l’honneur de
Jules Barat
[28]
, Caturus stenospondylus, Caturus cotteaui, en
l’h o n n e u r de G u s t a v e Cotteau, C a t u r u s st e n o u r a et
Pachycormus? elongatus.
Les poissons étudiés par Sauvage en 1875 font partie des
spécimens donnés au Musée d’Auxerre (MA) en 1883 et en
Beaudoin & Olicard, 2011:31). Comme le soulignait l’anecdote
relatée par Jules Marcou, Moreau possédait dans sa collection
dès 1847 des restes de reptiles marins du Toarcien de Vassy-
lès-Avallon. Des restes d’ichthyosaures découverts par Moreau
dans cette formation furent également mentionnés dans la
littérature, comme une mâchoire (Cotteau, 1859:312, 1874) et
un anneau sclérotique (Cotteau, 1869). Dans son ouvrage La
Seine, l’ingénieur Eugène Belgrand rapporte en outre que
Moreau et Martins avaient trouvé près d’Avallon, à la base du
Lias moyen, le squelette presque complet d’un plésiosaure
(Belgrand, 1869:xxviii). Il déclarait «M. Martins a emporté la
tête; j’ai vu le reste des ossements chez M. Moreau ».
Le Musée de l’Avallonnais possède aujourd’hui plusieurs
spécimens de poissons et de reptiles du Toarcien des carrières
“à ciment de Vassy”. La pièce la plus remarquable est un
squelette partiel d’un crocodylomorphe thalattosuchien
rapporté à l’espèce Pelagosaurus typus BRONN 1841 (Gand et
al., 2012) (fig. 17). Il pourrait s’agir du “plésiosaure”, signalé
par Belgrand en 1869, qui avait été trouvé par François Moreau
et un certain Martins. Également longtemps considéré comme
un ichthyosaure, c’est seulement dans les années 1960 que
l’ancien conservateur du Musée de l’Avallonais, Pierre
Poulain, dégagea complètement le squelette et qu’il fut
identifié par les équipes du Muséum national d’Histoire
naturelle, Paris (Agnès Poulain, communication personnelle).
Le Musée de l’Avallonnais conserve également un anneau
sclérotique d’ichthyosaure de Sainte-Colombe (fig. 18). Il ne
fait aucun doute qu’il s’agit du même que celui qui avait été
découvert par François Moreau et qui avait été signalé par
Gustave Cotteau en 1869. D’autres restes d’ichthyosaures ainsi
que 14 poissons provenant des carrières de Sainte-Colombe
sont également présents dans ce musée sans que l’on connaisse
le contexte historique de leur découverte (fig. 19, 20). Les
actinoptérygiens sont représentés par les espèces Ptycholepis
bolle nsis AGA S SIZ 1832 (fi g . 20:A,B), Pholid opho rus
ga u d r y i SAUVAGE 1892 , Pachycormus m a c ropterus
Fossiles, n°34 - 2018
29
Fig. 20 - Actinoptérygiens du Toarcien de
Sainte-Colombe. A, B, Ptycholepis bollensis
A
GASSIZ
1832 ; C, Dapedium milloti S
AUVAGE
1892. Musée de l’Avallonnais Jean Desprès.
Echelle : 5 cm.
A
B
C
[28]
Pierre Charles Jules Barat, propriétaire, naquit le 25 avril 1847 à Auxerre. Il mourut
à son domicile, rue Héric à Auxerre, le 2 novembre 1891. Il est le fils de Pierre
Charles Eugène Barat [1818-1890] et petit-fils de Pierre Charles Barat [1785-1850],
tous deux anciens tailleurs de pierre et entrepreneurs en maçonnerie. Jules Barat est
l’oncle maternel de la poétesse Marie Noël (pseudonyme de Marie Rouget).
Vertébrés toarciens
1884 par Gustave Cotteau, Dominique Belloc et Louis-
Germain Desmaisons
[29]
et en 1888 par Charles Louis Demay
[30]
(SSHNY, 1883:lxiii, 1884:ix-x, lxx, 1888:lxxviii ; Houdard,
1932:227). L’holotype de Ptycholepis barrati SAUVAGE 1875
fut réétudié et figuré dans les années 1960 (Wenz, 1967:pl. 12,
fig. B) et semble avoir été perdu depuis. Il a été établi que ce
spécimen appartient à l’espèce Ptycholepis bollensis AGASSIZ
1832, comme Cotteau (1865) l’avait d’ailleurs correctement
identifié, et que Pty cholepis barrati doit être abandonné
(Woodward, 1895:317 ; Wenz, 1960, 1967:26). Les autres
poissons qui ont fait l’objet de l’étude de Sauvage publiée en
18 75 son t en revanc he tou jours cons ervés au Muséum
d’Auxerre (fig. 21). Les spécimens types sur lesquels sont
fo n d é s C a t u r u s s t e n o s p o n d y l u s , C a t u r u s stenoura et
Pachycormus? elongatus ont depuis été identifiés comme
app a r t e n a n t à l’espèce Pachycormus cur t u s AG. 18 3 9
(Woodward, 1895:385; Sauvage, 1898; Arambourg, 1935:9),
ell e - m ê m e placée très récemment en synonymie avec
Fossiles, n°34 - 2018
30
Fig. 21 - Actinoptérygiens du Toarcien de Sainte-Colombe au Muséum d’Auxerre (MA). A, holotype de Caturus stenospondylus (MA 77-551), synonyme
plus récent de Pachycormus macropterus (B
LAINVILLE
1818), et B, figure du même donnée par Sauvage (1875:pl. 3). C, un des deux syntypes de Caturus
stenoura (MA 2015.0-267, ancien numéro 663), synonyme plus récent de Pachycormus macropterus, et D, figure du même donnée par Sauvage (1875:pl. 1,
fig. 2). E, holotype de Pachycormus? elongatus (MA 2012.0-6, ancien numéro 651), synonyme plus récent de Pachycormus macropterus , et F, figure du même
donnée par Sauvage (1875:pl. 2, fig. 1). G, holotype de Caturus cotteaui (MA 2012.0-5), synonyme plus récent d’Euthynotus intermedius (A
GASSIZ
1839), et
H, figure du même donnée par Sauvage (1875:pl. 1, fig. 1). I, figure donnée par Sauvage (1875: pl. 2, fig. 2) de l’holotype de Ptycholepis barrati, synonyme plus
récent de Ptycholepis bollensis A
GASSIZ
1832 (le spécimen original qui se trouvait au Muséum d’Auxerre est aujourd’hui perdu). L’ensemble des figures de
Sauvage avait été réalisé par Henri Formant. Échelle : 10 cm.
A
B
C
F
E
D
I
HG
[29] 20 juillet 1815, Tonnerre (Yonne) – 30 octobre 1887, Auxerre. Louis Germain
Joseph Desmaisons commença sa carrière en tant que conducteur des ponts et
chaussées à Marseille (Cotteau, 1887). Il revint s’installer dans l’Yonne où il fut
chargé en 1848 de la réglementation des cours d’eau secondaires. Il fut nommé
ingénieur en 1858 et reçu la Légion d’honneur en 1859. Passionné d’histoire
naturelle et de numismatique, il rentra dans la SSHNY en 1860 et prit part au
classement des collections du musée d’Auxerre.
[30] 5 févr ier 1829, Auxerre – 18 septembre 1910, Auxerre . Fé ru d’hi stoire et
d’archéologie, il fut un membre actif de la SSHNY dont il fut longtemps l’archiviste.
Pachycormus macropterus (BLAINVILLE 1818) (Wretman et al.,
2016). L’espèce Caturus cotteaui est quant à elle considérée
comme un synonyme plus récent d’Euthynotus intermedius
(AG. 1839) (Arambourg, 1935:21 ; Wenz, 1967:155) de sorte
que toutes les espèces fondées par Sauvage en 1875 sont
aujourd’hui abandonnées. En plus des quatre spécimens
présentés sur la figure 21, le Muséum d’Auxerre possède
quatre autres spécimens (MA 2017.0-3, ancien numéro 662;
MA 2017.0-100, ancien numéro 650 ; MA 2017.0-98, ancien
numéro 652; MA 2017.0-99).
En 1883, Sauvage publia un second article sur les poissons
du Lias de l’Yonne sur la base de deux nouveaux spécimens
qu i av a i e n t ét é déposés par Maurice Chaper dans les
collections de l’École des Mines, à Paris. Chaper œuvra en
effet pour le développement de cette collection dont il était un
des plus fervents défenseurs (Douvillé, 1899) (> Focus 5).
Cette collection historique a été depuis démantelée et les
spécimens ont été mis en dépôt dans plusieurs musées français.
Environ 3000 spécimens de vertébrés
fossiles furent transférés en 1972 au
MNHN où les deux poissons étudiés et
figurés par Sauvage ont pu être retrouvés
(fig. 22). Sauvage identifia l’un d’eux
com m e un représentant de Caturus
stenoura, et créa à partir du second la
no u v e l l e e s p è c e C a t u r u s c h a p e r i
SAUVAGE 1883, en l’honneur de Maurice
Chaper. C. chaperi, comme nous l’avons
vu précédemment pour C. stenoura, a été
depuis reconnu comme un synonyme
pl u s récent de Pachycormu s curtus
(Woodward, 1895:385; Sauvage, 1898;
Ar a m b o u rg, 1935:9) et donc de
Pachyc ormus macropterus. Dans son
article, Sauvage (1883) reste vague sur
l’origine précise de ces deux spécimens
do n t il précisera p l u s tard qu’ils
provenaient des carrières à ciment de
Vassy (Sauvage, 1891:60).
Les collections du Musée
municipal de Semur-en-Auxois
Dans les années 1860 à 1880, à la
même époque où Cotteau et Sauvage
publiaient les premières descriptions
de poissons de Sainte-Colombe, le
Musée municipal de Semur-en-Auxois
constituait de son côté une importante
col l e c t i o n de vertébrés fossil e s
provenant de ce gisement. La section du
mus é e consacrée à la gé o l o g i e fut
vé r i t a b l e m e n t c r é é e e n 1866 sous
l’impulsion de trois membres de Société
des Sciences Historiques et Naturelles
de Semur-en-Auxois (SSHNS), Jean-
Jacques Collenot
[31 ]
, Eugène Bréon
[32 ]
et Émile Bochard
[33]
, qui firent don de
le u r s collecti o n s minéralo g i q ues et
paléontologiques au musée de la ville de
Semur (> Focus 6). En échange, ils en
furent nommés conservateurs à vie. Ils
étaient tous trois membres de la Société
Géologique de France. Collenot se fit
connaître en particulier avec un ouvrage
int i t u l é Description gé o l o g i q u e de
l’Auxois, paru en plusieurs parties dans
le “Bulletin” de la SSHNS entre 1867 et
1871 et pour lequel il fut récompensé
d’une médaille d’argent par le Congrès
des Sociétés savantes de 1874.
Dès l’année de sa création, en 1866,
le “musée de g éologie”, au sein du
Mu s é e municipal d e Semur, vint
s’enrichir de plusieurs poissons fossiles,
provenant des carrières à ciment de Sainte-Colombe (SSHNS,
18 6 7 : 2 3 - 2 4 ) . Ces spécimens f u r e n t donnés pa r l’abbé
Breuillard, alors curé de Savigny-en-Terre-Plaine (Yonne).
Edme Breuillard était précisément originaire de Sainte-
Colombe où il naquit le 11 janvier 1807. Il fut ordonné prêtre
le 24 juin 1833 et nommé successivement curé de Voutenay-
sur-Cure, de Savigny-en-Terre-Plaine entre 1835 et 1875, et
Fig. 22 -
Actinoptérygiens du
Toarcien de Sainte-
Colombe offerts à l’Ecole
des Mines par Maurice
Chaper. A, holotype de
Caturus chaperi S
AUVAGE
1883 (MNHN.F.JRE492).
B, spécimen identifié par
Sauvage (1883) comme
appartenant à l’espèce
Caturus stenoura S
AUVAGE
1875 (MNHN.F.JRE493).
Ces espèces sont
considérées comme des
synonymes plus récents
de Pachycormus
macropterus (B
LAINVILLE
1818) [= Pachycormus
curtus A
GASSIZ
1839]. C,
planche d’Henri Formant
publiée par Sauvage
(1883:pl. 2). A et B :
photographies de Philippe
Loubry (CNRS/MNHN,
Paris). Échelle : 5 cm.
A
B
C
Fossiles, n°34 - 2018
31
[31] 21 janvier 1814, Moux-en-Morvan (Nièvre) – 23 septembre 1892, Semur-en-
Auxois (Côte-d’Or). Collenot repris l’étude notariale de son père en 1840 (Gillot,
1906). Il la revendit en 1848, lui permettant ainsi de vivre de ses rentes et de se
consacrer pleinement à sa passion pour la géologie et l’archéologie. Il fonda, en
1842, avec neuf autres personnalités de Semur, la SSHNS dont il fut nommé à
plusieurs années d’intervalle, secrétaire, vice-président et président.
[32] 8 mars 1814, Montbard (Côte-d’Or) – 5 septembre 1896, Semur-en-Auxois.
[33] Jean Baptiste Emile Bochard (5 août 1829, Montigny-sur-Armançon, Côte-d’Or –
13 février 1895, Semur-en-Auxois). Docteur en médecine, il était le gendre de
Jean-Jacques Collenot en ayant épousé Elisabeth Cécile Collenot le 28 avril 1862.
enfin d’Étaule où il mourut le 30 octobre 1885. Féru d’histoire
et d’archéologie, l’abbé Breuillard était membre de la SSHNY
ainsi que membre correspondant de la SSHNS et de la
Commission archéologique de la Côte-d’Or. Il est l’auteur des
Mémoires historiques sur une partie de la Bourgogne (1857) et
de plusieurs ouvrages sur l’histoire de Voutenay (1867), l’Isle-
sous-Montréal (1875), Sainte-Colombe et Coutarnoux (1876).
Vint s’ajouter à ces premiers spécimens du Toarcien de Sainte-
Fossiles, n°34 - 2018
32
Fig. 23 - Ichthyosaures, crocodylomorphes et
actinoptérygiens du Toarcien de Sainte-Colombe
conservés au Musée municipal de Semur-en-Auxois.
A-O et R : spécimens collectés avant 1880 (P et Q : dates
indéterminées). A et B, Temnodontosaurus sp., portion
antérieure du crâne (rostre), faces dorsale (A) et ventrale
(B), 13-1-2. C et D, Ichthyosauria, vertèbre dorsale, faces
latérale droite (C) et postérieure (D). E-H, Ichthyosauria,
série de vertèbres d’un même individu de la région dorsale,
faces latérale droite (E) et postérieure (F à H). I-O,
Thalattosuchia indéterminés ; I, J, ostéodermes, faces
externes, 13-1-5 ; K, groupe d’ostéodermes, face interne,
13-1-5 ; L-M, vertèbre cervicale, faces latérale gauche (L)
et postérieure (M), 13-1-4 ; N, ensemble de deux vertèbres,
face latérale, 13-1-4 ; O, portion proximale d’humérus, 13-
1-4. P-R, Pachycormus macropterus (B
LAINVILLE
1818) [=
Pachycormus curtus A
GASSIZ
1839] ; P, 13-5-suppl 11, don
de “M. Beltrant” [sic] ; Q, 13-6-suppl 16, don de Dominique
Belloc ; R, 19-4-17. Échelles : 2 cm (I, J), 3 cm (L-O), 5 cm
(C-H, K), 10 cm (A, B, P-R).
A
B
J
I
C D LMK
G
F
E
P
R
H
ON
Q
Fossiles, n°34 - 2018
33
Gustave Honoré Cotteau (17 décembre 1818, Auxerre – 10 août 1894, Paris 7e). Originaire de Châtel-Censoir dans l’Yonne, il
étudia le droit à Paris. Il fut nommé juge-suppléant à Auxerre en 1846, substitut à Bar-sur-Aube en 1851, juge au tribunal
civil de Coulommiers en 1853 puis au tribunal civil d’Auxerre en 1862 (Peron, 1895; Pavy, 2017). Passionné de géologie et de
paléontologie, il se consacra en particulier à l’étude des oursins vivants et fossiles. Cotteau est célèbre pour avoir rédigé
notamment une grande partie des volumes de la Paléontologie française d’Alcide d’Orbigny consacrés aux échinides. Membre
de la Société Géologique de France dès l’âge de 21 ans, il en fut le président en 1874 et en 1886. Il fut également un membre
actif de la Société des Sciences historiques et naturelles de l’Yonne dont il fut, en 1847, l’un des fondateurs et l’un des
principaux organisateurs. Nommé conservateur du Musée d’Auxerre à partir de 1884, il légua ses collections d’oursins vivants
et fossiles aux Muséum national d’Histoire naturelle et à l’École des Mines. Il est le premier à avoir publié en 1865 un article
entièrement consacré à des poissons actinoptérygiens des schistes bitumineux de Vassy. Les deux spécimens de Ptycholepis
bollensis qu’il décrivit lui avaient été communiqués par Jules Barat. C’est à son initiative que fut confiée à Henri-Émile Sauvage
l’étude des poissons fossiles de cette formation.
Louis César Henri-Émile Sauvage (22 septembre 1842, Boulogne-sur-Mer – 3 janvier 1917, Boulogne-sur-Mer). Il fut reçu
docteur en médecine à la faculté de Paris en 1869 (Roule, 1917). Passionné d’histoire naturelle, il fréquentait le Muséum et
fut attaché en 1872 à la chaire d’herpétologie et d’ichtyologie dont il fut nommé officiellement aide-naturaliste en 1875. Il
démissionna de ce poste en 1884 pour revenir s’installer dans sa ville natale. Il y fut nommé conservateur du Musée qui devint
un des plus importants musées régionaux français sous son impulsion. Il fut également directeur jusqu’en 1895 d’une station
aquicole à Boulogne-sur-Mer et contribua au développement des techniques de pêche dans le Boulonnais. Il joua un rôle actif
dans la Société académique de l’arrondissement de Boulogne-sur-Mer dont il fut élu secrétaire perpétuel. Henri-Émile Sauvage
est célèbre pour ses travaux sur les poissons et les “reptiles” fossiles. Un des rares spécialistes français des poissons fossiles à
la fin du 19esiècle, il se vit confier l’étude des actinoptérygiens découverts dans les carrières à “ciment de Vassy” sur lesquels il
publia 7 articles entre 1875 et 1898. Il créa 13 nouvelles espèces de poissons issues de cette formation dont seules 5 sont
considérées comme valides aujourd’hui.
Jean Albert Gaudry (16 septembre 1827, Saint-Germain-en-Laye – 27 novembre 1908, Paris 6e). Attiré très jeune par la
paléontologie, il fréquenta durant ses études le Muséum d’Histoire naturelle dont l’accès lui était facilité par son beau-frère,
Alcide d’Orbigny [1802-1857] (Gillot, 1909). Gaudry décrocha un doctorat ès sciences naturelles en 1852 et à l’âge de 26 ans, il
fut chargé d’étudier la géologie de Chypre et de la Grèce. Il étudia notamment les dépôts miocènes, riches en restes de
vertébrés, de Pikermi où il organisa deux autres missions scientifiques en 1855 et en 1860. Nommé aide-naturaliste de la chaire
de paléontologie du Muséum nouvellement créée et occupée par Alcide d’Orbigny, il enseigna la paléontologie à la Faculté des
sciences puis prit la succession d’Édouard Lartet [1801-1871] à la chaire de paléontologie en 1872. Membre de la Société
Géologique de France dès l’âge de 22 ans, il en fut élu président à trois reprises en 1863, 1876 et 1887. Il contribua grandement
au développement du Muséum et imposa notamment son projet de construction d’un nouveau bâtiment de paléontologie,
inauguré en 1898. Albert Gaudry se distingua par ses recherches sur les mammifères fossiles et pour son soutien aux théories
de l’évolution. Il s’intéressa également aux “reptiles” fossiles et fut le premier à décrire en 1891 les restes d’un ichthyosaure de
Sainte-Colombe pour lequel il introduisit une nouvelle espèce l’Ichthyosaurus burgundiae assignée aujourd’hui au genre
Temnodontosaurus LYDEKKER 1889. Ce spécimen avait été offert au Muséum par Lucien Millot et Dominique Belloc en 1889.
Charles Nicolas Armand Thévenin (15 février 1870, Nancy – 7 mars 1918, Paris 6e). Originaire de Lorraine, il passa son
adolescence à Orléans où son père avait été nommé directeur de la manufacture de tabac (Gentil, 1920). Il suivit des études
de physique et de sciences naturelles à la Sorbonne et, après avoir obtenu ses licences, Albert Gaudry l’embaucha comme
préparateur au Muséum national d’Histoire naturelle. C’est là que Thévenin prépara sa thèse de doctorat qu’il soutint en 1903.
A la même époque, il fut nommé assistant de la chaire de paléontologie du Muséum qui venait d’être attribuée à Marcellin
Boule [1861-1942] après le départ de Gaudry. En 1913, il obtint un poste de maître de conférences à la Sorbonne. Alors qu’il
venait d’être élu président de la Société Géologique de France en 1914, la guerre se déclara. Il fut d’abord mobilisé dans des
hôpitaux puis rattaché en 1916 au ministère des inventions. Fort de sa formation de physicien, il s’employait à mettre au point
des moyens de protection contre les gaz de combat. N’hésitant pas à expérimenter sur lui-même l’efficacité des masques qu’il
mettait au point, il fut semble-t-il lentement intoxiqué et trouva la mort en 1918. Dans le domaine de la paléontologie, à côté de
plusieurs études sur les invertébrés fossiles, Thévenin est surtout connu pour ses travaux sur les amphibiens et les “reptiles”
paléozoïques et mésozoïques. Il est notamment le premier à avoir publié en 1903 un article sur un crocodylomorphe découvert
à Sainte-Colombe. Le spécimen sur lequel s’appuyait cette étude avait été offert au Muséum par Lucien Millot en 1897.
Jean Paul Victor Lacoste (4 juin 1901, Romilly-sur-Seine – 9 janvier 1942). Il fit ses études à l’Université de Nancy et s’orienta
vers une carrière de géologue (Fallot, 1943). En 1927, il fut chargé de réaliser des levers géologiques dans le Rif. Le
protectorat français organisait alors la prospection méthodique des gisements de pétrole au Maroc. Il fut chargé d’organiser le
Service Géologique commun au Bureau de Recherches et de Participations Minières et à la Société Chérifienne des Pétroles.
En plus de cette tâche de prospection, il menait de front son doctorat qu’il acheva en 1934 avec la rédaction d’un mémoire
intitulé “Études géologiques dans le Rif Méridional”. Après sa thèse, il continua quelques années ses travaux sur les corrélations
stratigraphiques et la tectonique de cette région du Maroc. Une santé fragile le contraint à rentrer en France. A partir de 1939, il
reprit ses travaux de synthèse sur la géologie du Maroc au Muséum et à l’École des Hautes Études à Paris. Rattrapé par la
maladie, il s’éteignit à l’âge de 40 ans. Bien que la grande majorité de ses travaux concerne le Maroc, il étudia également le Lias
de l’Auxois. Au cours de ses recherches dans une carrière à ciment proche de L’Isle-sur-Serein appartenant à Georges Bidault
de l’Isle, il découvrit les restes d’un crocodylomorphe thallatosuchien qui fit l’objet d’une note publiée dans le Bulletin de la
Société Géologique de France en 1929.
Louis Joseph Camille Arambourg (3 février 1885, Paris 9e– 19 novembre 1969, Paris 10e). Il fit des études d’ingénieur à
l’Institut National Agronomique et partit pour l’Algérie où ses parents s’étaient installés. C’est là qu’il commença au début
des années 1910 ses premières recherches paléontologiques. Il obtint, en 1920, un poste de professeur de géologie à l’Institut
Agricole d’Alger. Ses travaux sur les poissons fossiles de la région d’Oran et ses visites au Muséum national d’Histoire naturelle
à Paris, le firent connaitre de Marcellin Boule qui détenait alors la chaire de paléontologie au Muséum. En 1930, Arambourg vint
se fixer à Paris et fut nommé professeur de géologie dans son ancienne école, l’Institut National Agronomique. En 1936,
Arambourg succéda à Marcellin Boule comme professeur de paléontologie au Muséum. Il organisa plusieurs expéditions
scientifiques dans la vallée de l’Omo en Éthiopie, à Losodok au Kenya, en Algérie, au Liban et en Iran où il collecta de
nombreux restes de mammifères et de poissons fossiles. Même après sa retraite en 1955, il continua à participer à d’autres
expéditions en Afrique et prit notamment part aux découvertes de nombreux restes d’australopithèques dans la vallée de
l’Omo. Grand spécialiste des mammifères fossiles et paléoanthropologue reconnu, il a en outre marqué le développement de la
paléoichtyologie. Il rédigea en 1935 un important mémoire sur les poissons fossiles du Lias de France dans lequel il présente
une révision approfondie des espèces du Toarcien de Sainte-Colombe introduites par Henri-Émile Sauvage. Il constitua une
importante collection de poissons fossiles de cette localité qui est aujourd’hui conservée au Muséum.
Focus 4 : Principaux paléontologues qui ont étudié les vertébrés
des carrières à “ciment de Vassy” (période 1865-1935)
Colombe la “partie supérieure de la mâchoire d’un saurien”
qui fut donnée en 1868 par un certain M. Collin, propriétaire à
Turley, commune de Corsaint (Côte-d’Or) (SSHNS, 1869:19;
Collenot, 1869:192). Les acquisitions de poissons et de restes de
“sauriens” des carrières à ciment de Sainte-Colombe se
multiplièrent ensuite entre 1872 et 1884, principalement par
l’entremise de l’abbé Breuillard comme on peut le lire dans les
procès-verbaux des séances de la SSHNS (1873:16, 1874:18,
Fossiles, n°34 - 2018
34
Fig. 24 - Actinoptérygiens du Toarcien de Sainte-Colombe
conservés au Musée municipal de Semur-en-Auxois. A-C
et E-H : spécimens collectés avant 1880 (D et I : dates
indéterminées) A et B, Ptycholepis bollensis A
GASSIZ
1832 ; A,
13-5-37 ; B, 13-5-22. C-F, Pachycormus macropterus
(B
LAINVILLE
1818) [= Pachycormus curtus A
GASSIZ
1839] ; C,
14-1-56 ; D, 13-4-suppl 8, don de Dominique Belloc ; E, 13-4-
23 ; F, 13-5-9. G, Euthynotus intermedius (A
GASSIZ
1839), 13-
2-20. H, Pholidophorus gaudryi Sauvage 1892, 13-8-31. I,
Dapedium milloti S
AUVAGE
1892, 13-6-suppl 9, don de
Dominique Belloc. Échelle : 5 cm.
A
B
D
C
E G
F
H
I
1875:22, 1877:32, 1878:30, 1879:31, 1880:31, 1885:31) : « le
Musée de Semur doit aux soins de M. B reuillard, membre
correspondant de la Société, une magnifique série de poissons
fossiles provenant de Sainte-Colombe. Du reste le zèle de M. le
curé a déjà été constaté dans les précédents Bulletins et la
reconnaissance de la Société lui est acquise ».
Collenot, Bréon et Bochard publièrent dans les bulletins de
la SSHNS, entre 1880 et 1882, le catalogue de la collection
géologique du Musée de Semur en trois parties dont ils firent
également paraître un tiré-à-part en 1884 et des corrections en
18 90. Cet te coll ection compr e nait alors près de 11 000
échantillons, sans compter les suppléments qui n’étaient pas
inventoriés (Collenot et al., 1884:i). Les vertébrés fossiles des
carrières à ciment de Sainte-Colombe sont représentés dans le
catalogue par 7 spécimens de “sauriens” et 70 poissons ou
fragment de poissons en comptant les empreintes et les contre-
empreintes. L’ensemble de ce matériel est toujours conservé au
Musée municipal de Semur-en-Auxois où les poissons de
Sainte-Colombe comptent à eux seuls 88 pièces. Ce nombre est
plus important que celui donné dans le catalogue car plusieurs
spécimens supplémentaires n’y sont pas répertoriés. Parmi les
pièces les plus importantes, on peut mentionner un fragment de
crâne et plusieurs vertèbres d’ichthyosaures (fig. 23:A-H) dont
une série, découverte en 1878, appartenant à un même individu
(fig. 23:E-H). Les crocodylomorphes thalattosuchiens sont
représentés par de nombreux fragments d’écussons dermiques
(fig. 23:I-K) et par un ensemble de vertèbres et d’ossements,
éga l e m e n t découvert en 1878 (f ig . 2 3 : L -O ). Les
actinoptérygiens sont représentés par les espèces suivantes :
Pty c h o l e p i s bollensis, Dapedium m i l l o t i , Pachycormus
macropterus, Euthynotus intermedius, Pholidophorus gaudryi et
Leptolepis autissiodorensis (fig. 23-24). Quelques-uns de ces
spécimens furent figurés et décrits par Wenz (1967). Même si la
majorité des spécimens a été fournie par Edme Breuillard
comme le révèlent les procès-verbaux de la SSHNS, quatre
poissons furent donnés par Dominique Belloc (f ig. 23:Q,
24:D,I ainsi que le spécimen 13-3-suppl 12) et un autre par un
certain Beltrant (fig. 23:P), comme l’indiquent les étiquettes
manuscrites apposées sur les spécimens.
Focus 5
Maurice Armand Chaper naquit le 13 février
1834 à Dijon. Son père, Pierre Achille Marie
Chaper, brillant ingénieur, était alors préfet de la
Côte-d’Or. Entre 1854 et 1857, le jeune Maurice
Chaper suivit les cours de l’École Polytechnique
puis ceux de l’École des Mines. Sa formation
renforça son goût pour la géologie et la
paléontologie. Il occupa différents postes
d’ingénieur dans les chemins de fer, les travaux
publics et la métallurgie (Douvillé, 1899). Il entra dans
la garde nationale pendant la guerre de 1870-1871 et
obtint le grade de lieutenant-colonel. En 1872, il fut
nommé adjoint au maire du 5earrondissement de Paris.
Nommé membre de la Société Géologique de France en 1863, il
déclencha une polémique retentissante avec Edmond Hébert au sujet
de l’âge de certaines formations près de Grenoble. Chaper entreprit, à
partir de 1874, une série de voyages au Vénézuela, dans les
Montagnes Rocheuses, à Bornéo, au Cap et dans l’Oural, d’où il
rapporta de nombreux échantillons d’histoire naturelle qu’il donna au
Muséum d’Histoire naturelle à Paris et à l’École des Mines. Au cours
d’un dernier voyage d’exploration d’une mine aurifère en Transylvanie,
il tomba malade et fut rapatrié à Vienne en Autriche où il mourut le 5
juillet 1896.
Les fondateurs du Musée de Géologie au sein du
Musée de la ville de Semur-en-Auxois : Jean-
Jacques Collenot [1814-1892] (à gauche), Eugène Bréon
[1814-1896] (au milieu) et Émile Bochard [1829-1895]
(à droite). Photographies communiquées par Alexandra
Bouillot-Chartier (Musée municipal de Semur-en-Auxois).
Focus 6
Tab. 2 – Liste des fossiles trouvés dans les carrières à ciment de Vassy (Toarcien), offerts au Muséum national d’Histoire naturelle, Paris
Donateur Date Description
François Garnier avril 1838 Fragment de poisson et vertèbres d’ichthyosaure, Vassy-lès-Avallon (fig. 15)
François Garnier et octobre 1849 Ammonites, bélemnites, bivalves, Vassy-lès-Avallon
Modeste Salomon et mai 1850
Lucien Millot et 12 novembre 1889 Squelette de Temnodontosaurus burgundiae (holotype) (MNHN. F.1889-28), Sainte-Colombe (fig. 26)
Dominique Belloc
Lucien Millot 16 août 1890 1 céphalopode coléoïde, Sainte-Colombe
Georges Le Mesle 24 avril 1893 Holotype de Prosauropsis elongatus (perdu) (fig. 28:A)
Lucien Millot 17 et 24 mai 1897 14 poissons (MNHN.F.STC1 à 14), Sainte-Colombe (fig. 27:A-H, O-R ; 28:B-C, 29 ; 34:C, G)
Lucien Millot décembre 1897 1 crâne de Steneosaurus bollensis (non vu) (fig. 31A) et 1 crâne de Temnodontosaurus burgundiae (MNHN.F.1897-28), Sainte-Colombe (fig. 31:B)
Lucien Millot 19 décembre 1903 1 crâne d’ichthyosaure (MNHN.F.1903-26) (non vu), Sainte-Colombe
René Millot 1er juin 1907 15 poissons (seuls 10 sont encore conservés, MNHN.F.STC15 à MNHN.F.STC24), 2 fragments d’ichthyosaures (MNHN.F.1907-11) (non vu) et 1 céphalopode coléoïde,
Sainte-Colombe
Millot 30 octobre 1911 1 crâne de Steneosaurus sp. (MNHN.F.1911-28) (fig. 32), 1 fragment de crâne d’ichthyosaure (non vu) et 4 vertèbres d’un très grand ichthyosaure (non vu), Sainte-Colombe
René Millot 14 juin 1924 1 fragment de crâne, côtes et vertèbres d’ichthyosaure (MNHN.F.1924-10) (non vu), 1 crâne d’ichthyosaure de petite taille (non vu) et 3 poissons
(MNHN.F.STC25 à MNHN.F.STC27), Sainte-Colombe
René Millot 12 mai 1927 14 poissons (MNHN.F.STC28 à MNHN.F.STC40 et MNHN.F.STC122), Sainte-Colombe (fig. 27:I-N ; 34:A, B, D-F, H, I)
Camille Arambourg ? 82 poissons (74 sont encore conservés, MNHN.F.STC42, 43, 45-86, 88-99, 101-118), Sainte-Colombe (fig. 35, 36)
Ecole des Mines 1972 2 poissons (MNHN.F.JRE492 et 493) offerts à l’École des Mines en ou avant 1883 par Maurice Chaper, Sainte-Colombe (fig. 22)
Fig. 25 - Extrait du catalogue d’entrée du
Muséum national d’Histoire naturelle, Paris,
en date du 12 novembre 1889, indiquant
l’acquisition de l’ichthyosaure de Sainte-
Colombe.
Vertébrés toarciens
1858 à L’Isle-sur-Serein avec Anne Clémence Droin[34 ]
dont le père, Victor Léon Droin[ 35] , était également
fabricant de ciment. Ils eurent deux enfants, Lucien
Millot[36], né le 15 mars 1859 et René Millot[37], né le 29
janvier 1867. Dès son enfance, Lucien se passionna pour
les fossiles qu’il recherchait activement dans les carrières
de son père (Gaudry, 1892). Son importante collection
paléontologique comprenait des céphalopodes coléoïdes, sur
Les frères Millot et l’âge d’or des découvertes
paléontologiques à Sainte-Colombe
François Basile Millot, le propriétaire avec Dominique
Belloc des carrières de Sainte-Colombe, s’était marié le 9 février
Fossiles, n°34 - 2018
36
Fig. 26 - Holotype de Temnodontosaurus burgundiae (G
AUDRY
1891), “l’ichthyosaure de Sainte-Colombe” (Toarcien inférieur)
offert par Lucien Millot et Dominique Belloc au Muséum national
d’Histoire naturelle, Paris, en novembre 1889. A, planche d’Henri
Formant publiée par Gaudry (1892) ; B, photographie du crâne (entre
1893 et 1905), archives du Laboratoire de Paléontologie du MNHN, cote
ARCH PAL 96(1) ; C, tampon de la Société “Moreau frères” apposé sur
le cliché. D, photographie montrant le spécimen (en haut) et un second
spécimen de la même espèce (en bas), tels qu’ils étaient exposés dans
la galerie de paléontologie du MNHN, cote ARCH PAL 96(1). E, portion
de la colonne vertébrale de l’holotype (MNHN.F.1889-28). B, C et D : ©
Muséum national d’Histoire naturelle. Échelle : 20 cm.
A
E
B
C
D
[34] née le 21 décembre 1834 à Rouvray (Côte-d’Or).
[35] 17 février 1802, Noyers (Yonne) – 24 juin 1873, Isle-sur-Serein.
[36] de son nom complet Léon Lucien Frédéric Millot.
[37] de son nom complet Victor René Joseph Millot.
lesquels il publia d’ailleurs un article dans le Bulletin de la
Société d’Histoire naturelle d’Autun (Millot, 1891), des
actinoptérygiens, quelques restes de crocodylomorphes et de
nombreux morceaux d’ichthyosaures. Lucien Millot rêvait de
mettre au jour un ichthyosaure entier et promit une forte prime
aux ouvriers qui en découvriraient un. Rencontrant le plus
souvent quelques vertèbres, ses espérances furent souvent
déçues. Un jour enfin ses ouvriers vinrent l’avertir qu’un
spécimen entier était enfoui dans une des carrières de Sainte-
Colombe. Il décrivit l’extraction du fossile au paléontologue
Albert Gaudry (> Focus 4)en ces termes: «je fis alors arrêter
les travaux d’exploitation et creuser parallèlement des deux
côtés de la place où se trouvait le fossile, de manière à l’isoler
dans toute sa longueur. Trois mois après, le travail me parut
assez avancé pour que l’on pût tenter de l’exhumer ; avec
beaucoup de précautions nous relevâmes des ossements pétrifiés
sur une longueur d’environ huit mètres, et nous tachâmes de les
extraire de la pierre très dure où ils étaient engagés ». C’est
ainsi que Lucien Millot obtint un magnifique ichthyosaure, un
des plus grands connus à l’époque, dont il avait trouvé le crâne,
81 vertèbres qui occupaient une longueur de 4,40 m, quelques os
des deux membres antérieurs et d’un des membres postérieurs.
Le crâne bien qu’incomplet dans sa partie antérieure avait une
longueur de 1,57 m. Le spécimen fut transporté à Paris et
présenté à l’Exposition universelle de 1889, exposition pour
laquelle la tour Eiffel fut construite. L’ichthyosaure servait pour
ainsi dire de mascotte publicitaire à la société Millot et Cie qui
participait à cet évènement pour présenter leur ciment dans le
pavillon de l’Union céramique situé sur le Champ-de-Mars.
Gustave Cotteau (1890) décrit ainsi l’exposition tenue par la
famille Millot et leur associé Dominique Belloc : « [elle] nous
montre les emplois multiples qu’on peut faire du ciment : des
grottes formées de rochers imités à s’y méprendre, des bassins,
des voûtes, des arceaux, des tuyaux, des tables, des sièges de
jardin, etc., etc. M. Millot a eu l’idée heureuse et scientifique de
joindre à ces objets les fossiles qu’on rencontre dans les couches
à ciment, des coquilles, des plantes, des poissons admirablement
conservés avec leurs écailles, leurs nageoires et souvent leurs
ossements intérieurs, appartenant à des genres qui n’existent
plus depuis longtemps, quelques-uns identiques à ceux que nous
possédons dans notre musée, mais d’autres bien distincts et
probablement nouveaux ; un magnifique icthyosaure [sic] de
8 mètres de longueur ». Après l’exposition Lucien Millot et
l’associé de la famille, Dominique Belloc, offrirent au Muséum
national d’Histoire naturelle l’ichthyosaure de Sainte-Colombe
qui intégra les collections du musée le 12 novembre 1889
(fig. 25).
Al b ert Gau d r y confia le spécimen à Gustave-Henri
Barbier
[38]
, préparateur en chef de l’atelier de moulage du
Muséum afin qu’il le dégageât entièrement de sa gangue dans
laquelle fut reconnue l’ammonite Harpoceras serpentinum
car a c t é r i s t i q u e du Toarcien inférieur. Gaudry (1891)
communiqua à l’Académie des Sciences une note sur cette
découverte remarquable et proposa de créer une nouvelle
espèce, Ichthyosaurus burgundiae, pour cet ichthyosaure. Etant
accompagné d’une description (ICZN, 1999:article 12.1), ce
nom fut introduit de manière valide au regard du code
international de nomenclature zoologique (CINZ) en 1891,
même si Gaudry considérait ce nom comme provisoire (ICZN,
1999:article 11.5.1). Gaudry publia l’année suivante un article,
accompagné d’une planche exécutée par Henri Formant
(fig. 26:A) (Gaudry, 1892 ; Figuier, 1892). L’article fut
réédité l’année suivante dans le Bulletin de la SSHNY (Gaudry,
1893). Gaudry terminait son article par les mots suivants: «je
dois adresser des remerciements à M. Lucien Millot qui, au
milieu de ses importants travaux industriels, n’a pas oublié les
intérêts de la science française. Je souhaite que cet explorateur
si habile et si désintéressé ait des imitateurs; ainsi, bien des
Fossiles, n°34 - 2018
37
Focus 7 : Les carrières de Sainte-Colombe
Les carrières de Sainte-Colombe exploitées par Bourrey et Cie,
Auguste Gogois puis par Millot et Cie livrèrent la grande majorité
des fossiles de vertébrés découverts dans les carrières à “ciment de
Vassy”. Dans les années 1880-1890, les carrières de Sainte-Colombe
étaient au nombre de 9 et s’étendaient jusqu’au hameau de Buisson.
Parmi celles-ci , on peut citer la carrière de Champroujean (Sauvage,
1891) ou celle du Champ-Seigneur où Lucien Millot découvrit le crâne
d’un sténéosaure en 1897.
En 1906, les carrières de Sainte-Colombe de la société Millot et Cie
et leur usine de ciment associée employaient, rien que sur la
commune de Sainte-Colombe, une quarantaine de personnes
comprenant le gérant de l’usine, Victor Lerousseau (né en 1852 à
Châtelus-le-Marcheix dans la Creuse), un surveillant d’usine, un
cimentier, un poseur, un tonnelier, 2 chauffeurs, 3 chaufourniers en
charge des fours à chaux et une “sachière”, responsable de
l’emballage le ciment. La matière première était extraite des carrières
par 5 chefs de chantier ou chefs terrassiers, Baptiste Carli, Christian
Carli, Mattéo Rigoni, Chrétien Rodeghiero, tous les quatre travailleurs
italiens originaires d’Asiago, en Vénétie et Alexandre Plain, originaire
de Villiers-sur-Marne. Ils avaient sous leurs ordres 23 ouvriers
terrassiers dont 5 Italiens et 2 Belges (Archives départementales de
l’Yonne, recensement de 1906, Sainte-Colombe, cote 7 M 2/133).
Les photographies inédites présentées ici ont été prises dans une
des carrières de Sainte-Colombe le 6 juin 1933. On y voit les ouvriers
terrassiers de la carrière munis de leurs outils composés de barres
à mine, de pioches et de pelles (photo 1). Le calcaire à ciment était
transporté jusqu’à l’usine au moyen de wagonnets (photo 2) ou
de chariots tirés par des chevaux (photo 3). Ces photographies
appartiennent à Michel Rodeghiero, arrière-petit-fils de Chrétien (ou
Christiano) Rodeghiero (1859, Asiago, Italie – 1938, Ste-Colombe) et
petit-fils d’Eugène Rodeghiero (photo 1 : 4een partant de la gauche;
photo 2 et 3 : 1er à droite) qui devint maire de Sainte-Colombe. Eugène
Rodeghiero (1886, Ste-Colombe – 1964, Ste-Colombe) disait avoir
découvert avec Aldo Albarello (photo 1 : 2eà partir de la droite) un
“ichthyosaure” et avoir été mis à l’écart lors de la visite des “gens de
Paris” venus récupérer le fossile (Michel Rodeghiero, communication
personnelle).
1
2
3
[38]
25 juillet 1841, Paris, 9e– 27 juillet 1910, Paris, 13e. Son fils, Gaston Barbier [1875-
1951], également mouleur, prit le poste qu’occupait son père au Muséum en 1911.
Fossiles, n°34 - 2018
38
D
C
A
B
FE
H
G
JI
richesses géologiques cesseraient de se perdre, et nous verrions
plus vite se d issiper les ombres qui enveloppent encore la
grande histoire des temps passés ». En janvier 1890, Gaudry fit
décorer Lucien Millot des palmes d’officier d’académie en
remerciement du don qu’il avait fait au Muséum[ 39] . Cette
Fossiles, n°34 - 2018
39
Fig. 27 - Actynoptérygiens du Toarcien de Sainte-Colombe étudiés et figurés par Henri-Emile Sauvage en 1891 et 1892. Les spécimens originaux furent
offerts au Muséum national d’Histoire naturelle, Paris par Lucien Millot le 17 mai 1897, excepté les spécimens I, K et L, qui furent offerts le 12 mai 1927. A,
holotype de Caturus gigas S
AUVAGE
1891, synonyme plus récent de Saurostomus esocinus A
GASSIZ
1833 (MNHN.F.STC6a, ancien numéro 1897-13-6a). B,
figure d’Henri Formant pubiée par Sauvage (1891:pl. 7), représentée ici dans le bon sens (haut de la figure originale orientée vers le bas). C, Caturus stenoura
S
AUVAGE
1883, “grande variété”, synonyme plus récent de Pachycormus macropterus (B
LAINVILLE
1818) [= Pachycormus curtus A
GASSIZ
1839] (MNHN.F.STC4,
ancien numéro 1897-13-4). D, figure d’Henri Formant publiée par Sauvage (1891:pl.8). E, holotype de Pholidophorus gaudryi S
AUVAGE
1892 (MNHN.F.STC7,
ancien numéro 1897-13-7). F, figure d’Henri Formant publiée par Sauvage (1892b:pl. 17 ; 1893:pl. 2). G, lectotype de Leptolepis autissiodorensis S
AUVAGE
, 1892
(MNHN.F.STC11, ancien numéro 1897-13-11). H : figure d’Henri Formant publiée par Sauvage (1892b:pl. 16, fig. 2 ; 1893:pl. 1). I, holotype de Pholidophorus
retrodorsalis (S
AUVAGE
1891) (MNHN.F.STC37, ancien numéro 1927-4-10). J, figure d’Henri Formant publiée par Sauvage (1891:pl. 9). K, syntype de
“Parathrissops” milloti S
AUVAGE
1892, synonyme subjectif plus récent d’Euthynotus intermedius (A
GASSIZ
1839) (MNHN.F.STC30, ancien numéro 1927-4-3). L,
idem (MNHN.F.STC31, ancien numéro 1927-4-4). M, figure de Jacquemin publiée par Sauvage (1892a:pl. 2, fig. 3). N, idem (Sauvage, 1892a:pl. 1, fig. 1). O,
Ptycholepis barrati S
AUVAGE
1875, synonyme plus récent de Ptycholepis bollensis A
GASSIZ
1832 (MNHN.F.STC8, ancien numéro 1897-13-8). P, idem
(MNHN.F.STC2, ancien numéro 1897-13-2). Q, figure de Jacquemin publiée par Sauvage (1892a:pl. 1, fig. 2). R, idem (Sauvage, 1892a:pl. 2, fig. 2). Les
photographies des spécimens originaux sont de Philippe Loubry (©). Échelle : 5 cm, excepté G : 2,5 cm.
K
OR
QP
L
N
M
[39] Archives du Laboratoire de Paléontologie, MNHN, Paris, cote ARCH PAL
1(4)/109.
Vertébrés toarciens
Fossiles, n°34 - 2018
Fig. 29 - A,
Pachycormus
macropterus
(B
LAINVILLE
1818)
du Toarcien de
Sainte-Colombe
offert au MNHN
par Lucien Millot
le 24 mai 1897
(MNHN.F.STC5,
ancien numéro
1897-13-5 ; ©
Philippe Loubry).
B, figure du
même publiée par
Sauvage (1898).
La figure a été
inversée lors du
processus
d’impression
(effet miroir).
Echelle : 10 cm.
Fig. 28 - A, figure d’Henri Formant
publiée par Sauvage (1894a, 1894b)
représentant l’holotype de Prosauropsis
elongatus S
AUVAGE
1894, du Toarcien
des carrières à ciment de Vassy.
L’original, d’environ 50 cm de long,
aujourd’hui perdu, fut offert au MNHN par
Georges Le Mesle en 1893. B, autre
spécimen (offert au MNHN par Lucien Millot
le 17 mai 1897) que Sauvage rapprochait
de Prosauropsis elongatus. Il s’agit d’un
représentant de Pachycormus macropterus
(B
LAINVILLE
1818) (MNHN.F.STC3, ancien
numéro 1897-13-3, © Philippe Loubry). C,
figure du même publiée par Sauvage
(1894a, 1894b). Échelle : 5 cm.
A
B
C
A
B
distinction créée par Napoléon Ier
po u r honorer les m e m b r e s émérites de
l’Université avait été en effet étendue, en 1866, aux
personnes non enseignantes ayant rendu des services éminents à
l’instruction publique.
Un e p h o t o g r a p h i e , conservée dans les archives du
Laboratoire de Paléontologie du MNHN, datant de la fin du 19e
ou du tout début du 20esiècle, montre le crâne du spécimen tel
qu’il pouvait être admiré à l’époque au Muséum d’Histoire
naturelle à Paris (fig. 26:B). Ce cliché fut réalisé par la société
Moreau frères, “éditeurs photographes”, comme l’indique le
tampon qui y est apposé (fig. 26:C). L’adresse de la société,
rue de Tournon à Paris, permet de dater cette photographie entre
1893 et 1905 (Le Pelley Fonteny, 2005:176).
Le spécimen en question fait toujours partie des collections
du Muséum national d’Histoire naturelle, Paris (MNHN.F.1889-
28) mais le crâne, fortement endommagé par pyritisation, a été
enlevé de la grande galerie où il était exposé (fig. 26:D). Seuls
plusieurs tronçons de la colonne vertébrale ont
échappé à cette dégradation (fig. 26:E). L’espèce
Ichthyosaurus burgundiae a
depuis été assignée au
genre Temnodontosaurus LYDEKKER 1889. Les
étu d e s les plus r é c e n t e s sur les Te m n o d o n -
tosauridae tendraient à montrer que Temnodonto-
sa urus burgun d iae (GA UDRY 1891) serait un
synonyme subjectif plus récent de Temnodonto-
saurus trigonodo n (THE ODORI 1843) (Maisch,
1998 ; McGowan & Motani, 2003:85). Il est à
noter cependant que cette synonymie, suggérée par
Maisch (1998:419), ne se fonde que sur l’examen
de spécimens allemands et qu’une é t u d e
approfondie de l’holotype de T. bu rgu ndia e ,
rendue aujourd’hui difficile compte tenu de son
état de conservation, n’a finalement jamais été
entreprise pour valider cette hypothèse.
Après l’ expositio n universelle de 1889,
Lucien Millot mit sa collection de poissons
fossiles de Sainte-Colombe à la disposition
d’Henri-Émile Sauvage pour qu’il les étudiât.
Sauvage (1891, 1892a, 1892b) publia les résultats
de ses travaux dans trois articles
[40]
, illustrés par
41
Fig. 30 - Lettre de Lucien Millot à Albert Gaudry, en
date du 14 décembre 1897. Archives du Laboratoire de
paléontologie, MNHN, cote ARCH 1(4). © Muséum
national d’Histoire naturelle.
Fig. 31 - A, figure publiée par
Thévenin (1903) d’un crâne de
Steneosaurus bollensis (J
AEGER
1828) trouvé dans le Toarcien de
Sainte-Colombe (carrière de
Champ-Seigneur) et offert au
MNHN par Lucien Millot en
décembre 1897 (spécimen
original non localisé). B, portion
de crâne de Temnodontosaurus
burgundiae (G
AUDRY
1891)
également offert par Millot en
décembre 1897 (MNHN.F.1897-
28). Echelle : 10 cm.
Fig. 32 (ci-dessus) - Fragments
d’un crâne et d’une mandibule
d’un stenéosaure (Steneosaurus
sp.) du Toarcien de Sainte-
Colombe offerts par les frères
Millot au Muséum national
d’Histoire naturelle (Paris) le 30
octobre 1911 (MNHN.F.1911-28).
A, portion du rostre, face ventrale ;
B, portion antérieure du toit
crânien, vue dorsale ; C, portion
postérieure du crâne, vue dorsale ;
D, portion de la mandibule, vue
ventrale. Echelle : 5 cm.
Fig. 33 - Planche illustrant une
note de Jean Lacoste (1929:pl. 7)
sur des vertèbres rapportées au
genre Steneosaurus découvertes
dans une carrière à ciment près
de L’Isle-sur-Serein.
A
B
B
A
C
D
[40] Un quatrième article (Sauvage, 1893) parut également mais n’est qu’une réédition
de Sauvage (1892b).
A
C
B
D
E
Henri Formant et Édouard Jacquemin (> Focus 8). Sauvage
créa six nouvelles espèces (fig. 27). Pour un spécimen
représenté par une tête de grande dimension, il proposa le nom
Caturus gigas SAUVAGE 1891, qui s’avère être un synonyme
subjectif plus récent du pachycormidé Saurostomus esocinus
AG. 1833 (Woodward, 1895:388 ; Wenz, 1967:138, fig. 66).
Dans sa publication, Sauvage avait confondu l’une des
branches de la mandibule avec la ligne frontale du crâne et
avait donc présenté la partie supérieure du spécimen orienté
vers le bas. Les espèces Caturus retrodorsalis SAUVAGE 1891,
Leptolepis autissiodorensis SAUVAGE 1892 et Pholidophorus
gaudryi SAUVAGE 1892 sont toujours valides, la première ayant
été assignée au genre Pholidophorus AG. 1832 (Woodward,
1895:477). Enfin, Sauvage créa deux espèces en l’honneur de
Luc i e n Mi l l o t , D a p e d i u m m i l l o t i SA U VA G E 1892 et
Parathrissops milloti SAUVAGE 1892. Seule la première est
encore considérée comme valide (Wenz, 1967:78), la seconde
étant identifiée comme un synonyme plus récent d’Euthynotus
intermedius (AGASSIZ 1839) (Arambourg, 1935:21 ; Wenz,
1967:155).
Le 24 avril 1893, Georges Le Mesle offrit au Muséum
national d’Histoire naturelle (Paris) un poisson des carrières à
ciment de Vassy qu’il s’était procuré à L’Isle-sur-serein (numéro
de collection 1893-7). Georges Paul Le Mesle, né le 21 août
1828 à Paris et mort le 31 décembre 1895 à Bône en Algérie,
était géologue, correspondant du Muséum et membre de la
Fossiles, n°34 - 2018
43
Fig. 34 - Actinoptérygiens du Toarcien de Sainte-Colombe offerts au Muséum national d’Histoire naturelle, Paris par Lucien Millot le 17 mai 1897 (C,
G) et le 12 mai 1927 (A, B, D-F, H, I). A-E, Pachycormus macropterus (B
LAINVILLE
1818) [= Pachycormus curtus AGASSIZ 1839]. A, MNHN.F.STC38, ancien
numéro 1927-4-11. B, partie antérieure de MNHN.F.STC35, ancien numéro 1927-4-8. C, MNHN.F.STC14, ancien numéro 1897-13-14. D, MNHN.F.STC33,
ancien numéro 1927-4-6. E, MNHN.F.STC39, ancien numéro 1927-4-12. F, Euthynotus intermedius (A
GASSIZ
1839), MNHN.F.STC32, ancien numéro 1927-4-5.
G, Dapedium milloti S
AUVAGE
1892, MNHN.F.STC1, ancien numéro 1897-13-1. H, Pholidophorus germanicus Q
UENSTEDT
1858, MNHN.F.STC36, ancien numéro
1927-4-9. I-J, Ptycholepis bollensis A
GASSIZ
1832. I, MNHN.F.STC28, ancien numéro 1927-4-1. J, MNHN.F.STC29, ancien numéro 1927-4-2. Photographies de
Philippe Loubry (©). Échelle : 5 cm.
F
G H
J
I
Fossiles, n°34 - 2018
44
A
B
C
H
G
F
D
E
I
K
J
Société Géologique de France. Bien
qu’ayant peu publié, il était connu en
so n temps pour ses explorations
gé o l o g i q u e s qu’il mena jusqu’au
Tonkin, en Tunisie et en Algérie
(G a u d r y, 1896). Sauvage (1894a,
1894b) publia un article sur le poisson
offert par Le Mesle et en donna une
figure (fig. 28:A). Il proposa de le nommer Prosauropsis
elongatus et créa le nouveau genre Prosauropsis SAUVAGE 1894,
Fossiles, n°34 - 2018
45
Fig. 35 - Actynoptérygiens du Toarcien
de Sainte-Colombe conservés Muséum
national d’Histoire naturelle, Paris,
collection Arambourg (excepté spécimen
F). A-C, Leptolepis autissiodorensis S
AUVAGE
1892 ; A, MNHN.F. STC46 ; B,
MNHN.F.STC68a ; C, MNHN.F. STC57.
D, Euthynotus intermedius (A
GASSIZ
1839),
MNHN.F.STC43. E, Caturus sp.,
MNHN.F.STC77. F-I, Ptycholepis bollensis
A
GASSIZ
1832 ; F, MNHN.F.STC120 ;
G, MNHN. F.STC116 ; H, MNHN.F.STC64 ;
I, MNHN.F. STC66. J-K, Pholidophorus
gaudryi S
AUVAGE
1892 ; J, MNHN.F.STC97 ;
K, MNHN.F.STC82. L-O, Pachycormus
macropterus (B
LAINVILLE
1818) [=
Pachycormus curtus A
GASSIZ
1839] ;
L, MNHN.F.STC106 ; M, MNHN.F.STC98 ;
N, MNHN.F.STC94 ; O, MNHN.F.STC108.
P, Saurorhynchus brevirostris (W
OODWARD
1895),
MNHN.F.STC74. Q, Dapedium milloti S
AUVAGE
1892, MNHN.F.STC67. Photographies Philippe
Loubry (©). Échelle : 2,5 cm (A-C, J, K) ; 5 cm
(D, F-I, L, O-Q) ; 10 cm (E, M, N).
M
N
L
O
Q
P
Vertébrés toarciens
qui présente un corps très allongé, des écailles petites et
nombreuses, des nageoires pelviennes bien développées et
situées à mi-distance entre les pectorales et l’anale, une dorsale
et une anale courtes, directement à l’opposé l’une de l’autre
(Wenz, 1967:143). Sauvage rapprocha de ce nouveau genre un
poisson décrit précédemment sous le nom Pa chyc orm us?
elo n g a t u s (f ig . 21 : E, F), un au t r e qu’il avait nommé
provisoirement Aspidorhynchus colombi SAUVAGE 1891 et un
troisième enfin qui lui avait été communiqué par Lucien Millot
(fig. 28:B). Excepté Aspidorhynchus colombi qui n’a jamais
été décrit ni figuré et qui doit être considéré comme un
nomen
nudum, les deux autres spécimens doivent être rapportés à
Pachycormus macropterus (BLAINVILLE 1818) [= Pachycormus
cu rtu s AG. 1839]. Pros aurops is elon gatu s doit donc être
considéré comme une espèce créée en 1894, distincte de
Pachycormus? elongatus qui, elle, n’est pas valide. Sauvage
(1894a, 1894b) a par ailleurs clairement désigné le poisson
offert par Georges Le Mesle (fig. 28:A) comme le «type» de
Prosauropsis elongatus, lui conférant ainsi le statut d’holotype
en vertu de l’article 73.1.1 du CINZ (ICNZ, 1999). Le spécimen
original a malheureusement été perdu. Il n’était déjà plus
localisable en 1935 (Arambourg, 1935:10, note1). Cette espèce
et ce genre ne sont connus, pour l’instant, que par la seule figure
publiée par Sauvage, qui permet de conclure qu’il devait exister
dans le Toarcien de l’Avallonnais un Pachycormidae distinct des
genres Pachycormus, Saurostomus, Euthynotus et Sauropsis
(Wenz, 1967).
En 1892, François Basile Millot mourut, puis deux ans plus
tard, en 1894, Dominique Belloc s’éteignait à son tour, laissant
Lucien, âgé d’à peine 35 ans, et René Millot, de 27 ans, seuls à
la tête de la société Millot et Cie. Le cadet resta à L’Isle-sur-
Serein et prit la direction des deux usines de Marzy et de
Sainte-Colombe. L’aîné, quant à lui, s’installa dans la capitale
pour défendre les intérêts de la société et diriger leur succursale
parisienne, boulevard Morland, dans le 4earrondissement, au
plus près de leur clientèle, principalement l’administration des
travaux publics. Lucien Millot était président du syndicat des
carriers et mena dès 1897 une campagne très active auprès du
Parlement pour tenter d’imposer un projet de loi visant à taxer
les matériaux de construction venant de l’étranger. Dans ce
combat contre cette concurrence, Millot prônait l’unité des
industriels français « réu n is d a n s un eff o r t co m m un et
pa t r iotique en fave u r duqu e l tou t e s les con s i d ératio n s
particulières, tous les intérêts privés »
[41]
devaient disparaître.
Le 17 mai 1897, Lucien Millot fit don au Muséum d’un lot
de 13 poissons de Sainte-Colombe dont plusieurs des spécimens
types et figurés par Sauvage entre 1891 et 1894 (fig. 27, 28).
Ces spécimens sont toujours conservés au MNHN (tab. 2). Un
quatorzième poisson de la collection Millot, particulièrement
remarquable par sa taille (50 cm), intégra peu de temps après
les collections du MNHN. Ce spécimen de Pa chyc ormu s
macropterus fut également décrit et figuré par Sauvage (1898)
dans le Bulletin de la Société d’Histoire naturelle d’Autun
(fig. 29). Mais Sauvage, qui devait renvoyer le fossile à Lucien
Millot après l’avoir étudié, n’avait pas été suffisamment
précautionneux dans son emballage et le précieux poisson s’était
brisé en deux durant son transport. Voici en quels termes
comment Lucien Millot raconta l’anecdote à Marcellin Boule,
qui était alors collaborateur et assistant d’Albert Gaudry au
Muséum: «Paris 24 mai 1897 | Cher Monsieur Boule | Je viens
de recevoir de Mr Sauvage un des poissons que je lui avais
Fossiles, n°34 - 2018
46
Focus 8 : Les illustrateurs des planches de Sauvage et Gaudry
Les planches représentant les poisons fossiles et les restes de
l’ichthyosaure de Sainte-Colombe publiées par Sauvage (1875, 1876,
1883, 1892a-b, 1893, 1894a-b, 1898) et Gaudry (1892, 1893) sont l’œuvre
du dessinateur H. Formant. Originaire de la région du Nord, Henri Célestin
Formant naquit le 7 août 1827 à Cambrai où son père, tenait une fabrique
de pain d’épices. Il entra le 1er février 1846 au laboratoire d’Anatomie
comparée du Muséum d’Histoire naturelle à Paris comme élève préparateur
(Bibliothèque centrale du MNHN, dossier administratif AM 530). Il passa
ensuite peintre de l’atelier de moulage en mars 1849. Il fut admis à faire
partie du personnel de l’établissement le 25 mars 1861 en tant que
dessinateur et peintre. Il occupa cette fonction jusqu’à son décès, le 12 mai
1904. Il résidait boulevard Arago, dans le 13earrondissement. On lui doit les
illustrations des Animaux fossiles et géologie de l’Attique (1862-1867), des
Animaux fossiles du Mont Léberon (1873) et des Enchaînements du monde
animal dans les temps préhistoriques (1878, 1883, 1890) d’Albert Gaudry
ou encore les planches du Crania ethnica de De Quatrefages & Hamy
(1882), pour ne citer que ces ouvrages. Formant avait été reçu officier de
l’Instruction publique (Gillot, 1905).
Un second dessinateur, E. Jacquemin, fut également sollicité pour
illustrer un des articles de Sauvage (1892a). Édouard Paul Félicien
Jacquemin naquit le 22 février 1849 à Mirecourt dans les Vosges. Outre sa
carrière “officielle” de dessinateur attaché au Muséum d’Histoire naturelle
de Paris, il était une figure de la bohème parisienne. Ami de Paul Verlaine,
il fonda avec un cercle d’artistes le journal littéraire et poétique Le Procope,
journal parlé. Il épousa en 1881 Jeanne Coffineau [1863-1938], née Boyer,
connue sous son nom d’artiste Jeanne Jacquemin, artiste peintre du
mouvement symboliste. Édouard Jacquemin fut admis membre titulaire de
la Société d’Histoire naturelle d’Autun en 1891.
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Références bibliographiques
[41] Lettre de Lucien Millot à la société Ramu et Cie à Raon-l’Étape dans les Vosges,
en date du 3 janvier 1897 (collection privée).
envoyé. Ce poisson qui est peut-être le plus magnifique spécimen
de nos découvertes, lui a été adressé intact ; mal emballé par
lu i , il me revien t en d e ux ; néanmo i n s il n ’ e s t pas tro p
endommagé et Mr Barbier[38] réparera cela sans peine. | Je viens
vous en faire l’hommage pour le Muséum et suis heureux du
plaisir que je ferai à Mr Gaudry par ce don. | Envoyez le donc
quérir et, comme il est entendu qu’il figurera au Bulletin de la
Sté d’Hist. nlle d’Autun, veuillez avoir la bonté de le remettre,
avant de le classer, à Mr Formant, qui doit en faire la planche et
lui faire dire en même temps que, vu la grandeur du poisson, il
faudra réduire cette planche. Le manuscrit descriptif sera
adressé à Mr B. Renault[42] qui vous le communiquera sur votre
demande. | A vous bien cordialement | Millot | 14bis Bd
Morland | E. V. | Voici ce que dit Mr Sauvage au sujet du
poisson: “Je vous adresse ce jour l’échantillon de Pachycormus
Fossiles, n°34 - 2018
47
A
B
C
Fig. 36 - Pachycormus macropterus (B
LAINVILLE
1818)
[= Pachycormus curtus A
GASSIZ
1839] du Toarcien de
Sainte-Colombe, collection Arambourg (Muséum national
d’Histoire naturelle, Paris). A, MNHN.F. STC89 ; B,
MNHN.F.STC63 ; C, MNHN.F. STC102. Photographies
Philippe Loubry (©). Échelle 5 cm (A, B) et 10 cm (C).
[42] Bernard Renault [1836-1904] était le président de la Société d’Histoire naturelle
d’Autun.
Vertébrés toarciens
curtus Ag. (Catur us Chaperi Svg.) etc. ” »[43]. L’article de
Sauvage paru en 1898 fut sa dernière publication sur la faune
ichtyologique du Toarcien des carrières à ciment de Vassy. Il
rectifia un certain nombre de ses première s conclusions
concernant la position nomenclaturale des espèces qu’il avait
introduites, suite notamment à la révision du paléoichtyologiste
britannique Arthur Smith Woodward (1895). Le tableau 3
résume le statut des espèces introduites et figurées par Sauvage
sur la base des spécimens que lui avaient fournis Gustave
Coteau, Jules Barat, Maurice Chaper et Lucien Millot.
Le 14 décembre 1897, Lucien Millot écrivit à Albert Gaudry
pour lui signaler qu’ une tête ent ière de “Stene o s a urus”
(Crocodylomorpha, Thalattosuchia) venait d’être trouvée dans
une des carrières de Sainte-Colombe et qu’il acceptait d’en faire
don au Muséum sous condition que le spécimen lui soit restitué
le temps de l’exposition universelle de 1900 (fig. 30): «Cher
Monsie ur | J’ai déco uvert dans notre carr ière de Cha mp-
Seigneur, commune de Ste Colombe, canton de l’Isle-sur-le-
Serein (Yonne) une très belle tête de Steneosaurus que j’ai fait
dégager soigneusement et dont j’étais disposé à faire hommage
au Muséum après l’exposition de 1900. | Vous avez exprimé le
désir de voir le Muséum entrer, dès maintenant, en possession de
cette pièce et comme mon plus grand désir est de vous être
agréable, j’offre dès maintenant ce fossile au Muséum, sous la
restriction que, pour la durée de l’Exposition de 1900, il me sera
rendu pour figurer à notre exposition. | Je demande en outre que
les frais de dégagement occasionnés par ce fossile et divers
autres précédements offerts au Muséum me soient remboursés.
Ces frais s’élèvent à la somme de 350f. Veuillez agréer, cher
Mo n s ieur, l’ a s suranc e de mon aff e ctueux dév o u ement. |
L. Millot». Le crâne en question n’a pas pu être localisé dans les
collections du MNHN et n’est connu que par la description et la
figure données par Armand Thévenin (> Focus 4)en 1903
(fig. 31:A). Ce dernier le rapprocha de Steneosaurus chapmani
(KÖNIG in BUCKLAND 1836), considéré comme un synonyme
plus récent de Steneosaurus bollensis (JAEGER 1828) (Steel,
1973:28). Millot offrit en même temps que ce spécimen une
portion de crâne de Temnodontosaurus burgundiae (GAUDRY
1891), toujours conservée au MNHN (fig. 31:B).
Malgré ces dons au Muséum, les frères Millot possédaient
encore une importante collection de fossiles des carrières à
ciment comme en témoignaient les 25 membres de la Société
d’Histoire naturelle d’Autun (SHNA) qui visitaient les usines
Millot et Cie le 10 juillet 1898 (SHNA, 1898b). René Millot
leur fit découvrir l’usine de Marzy et leur expliqua les procédés
de fabrication du ciment de Vassy. Les sociétaires purent
ensuite admirer la collection de fossiles exposée dans une salle
de l’usine. Les végétaux étaient nombreux mais mal conservés.
Des mollusques et surtout «une série très complète et très rare
Fossiles, n°34 - 2018
48
Tab. 3 – Statut nomenclatural des actinoptérygiens du Toarcien de Sainte-Colombe créées et figurées par Henri-Émile Sauvage
(Priem, 1908; Arambourg, 1935, Wenz, 1967). CINZ: Code International de Nomenclature Zoologique.
Ptycholepis barrati Holotype par monotypie (article 73.1.2 du CINZ) perdu, spécimen figuré par Sauvage (1875:pl. 2, fig. 2) et Wenz (1967:pl. 12, fig. B)
SAUVAGE 1875 Autres spécimens mentionnés par Sauvage MNHN.F.STC2, figuré par Sauvage (1892a:pl. 2, fig. 2) (fig. 27:P)
MNHN.F.STC8, figuré par Sauvage (1892a:pl. 1, fig. 2) (fig. 27:O)
Statut synonyme junior de Ptycholepis bollensis AGASSIZ 1832
Caturus stenospondylus Holotype par monotypie MA 77-551, figuré par Sauvage (1875:pl. 3) (fig. 21:A)
SAUVAGE 1875 Statut synonyme junior subjectif de Pachycormus macropterus (BLAINVILLE 1818) [= Pachycormus curtus Agassiz 1839]
Caturus cotteaui Holotype par monotypie MA 2012.0-5, figuré par Sauvage (1875:pl. 1, fig. 1) (fig. 21:G)
SAUVAGE 1875 Autre spécimen mentionné par Sauvage Spécimen non indentifiable (non figuré) (Sauvage 1883:45)
Statut synonyme junior subjectif d’Euthynotus intermedius (AGASSIZ 1839)
Caturus stenoura Syntypes 1er syntype : MA 2015.0-267, figuré par Sauvage (1875:pl. 1, fig. 2) (fig. 21:C)
SAUVAGE 1875 2esyntype : certainement conservé au MA mais non identifiable car non figuré
Autres spécimens mentionnés par Sauvage MNHN.F.JRE493, figuré par Sauvage (1883:pl. 2, fig. 2) (fig. 22:B)
“grande variété”, MNHN.F.STC4 (Sauvage, 1891:pl. 8) (fig. 27:C)
Statut synonyme junior subjectif de Pachycormus macropterus (BLAINVILLE 1818) [= Pachycormus curtus AGASSIZ 1839]
Pachycormus? elongatus Holotype par monotypie MA 2012.0-6, figuré par Sauvage (1875:pl. 2, fig. 1) (fig. 21:E)
SAUVAGE 1875 Autre spécimen mentionné par Sauvage MNHN.F.STC3, figuré par Sauvage (1894a, 1894b:pl. 1, à gauche) sous le nom Prosauropsis elongatus (fig. 28B)
Statut synonyme junior subjectif de Pachycormus macropterus (BLAINVILLE 1818) [= Pachycormus curtus AGASSIZ 1839]
Caturus chaperi Holotype par monotypie MNHN.F.JRE492, figuré par Sauvage (1883:pl. 2, fig. 1) (fig. 22:A)
SAUVAGE 1883 Autre spécimen mentionné par Sauvage perdu, spécimen figuré par Sauvage (1891:pl. 6)
Statut synonyme junior subjectif de Pachycormus macropterus (BLAINVILLE 1818) [= Pachycormus curtus AGASSIZ 1839]
Caturus gigas Holotype par monotypie MNHN.F.STC6a et 6b (empreinte et contre-empreinte), figuré par Sauvage (1891:pl. 7) (fig. 27:A)
SAUVAGE 1891 Statut synonyme junior subjectif de Saurostomus esocinus AGASSIZ 1833
Caturus retrodorsalis Holotype par monotypie MNHN.F.STC37, figuré par Sauvage (1891:pl. 9) (fig. 27:I)
SAUVAGE 1891 Statut = Pholidophorus retrodorsalis (SAUVAGE 1891)
Dapedius milloti Matériel type Lectotype : perdu, figuré par Sauvage (1892a:pl. 3). Ce spécimen ayant été désigné comme “type” par Woodward (1895:142)
SAUVAGE 1892 (voir également Arambourg, 1935:20) est donc le lectotype en vertu de l’article 74.5 du CINZ (ICZN, 1999).
Paralectotype : non identifiable car non figuré (Sauvage signalait en effet un second spécimen (collection Millot) rattaché à cette espèce
dans sa description originale qui, en vertu de l’article 74.1.3 du CINZ, prend le statut de paralectotype). Arambourg a émis l’hypothèse qu’il
pourrait s’agir du spécimen MNHN.F.STC1 (fig. 34:G)
Statut = Dapedium milloti SAUVAGE 1892
Parathrissops milloti Syntypes 1er syntype : MNHN.F.STC31, figuré par Sauvage (1892a:pl. 1, fig. 1) (fig. 27:L)
SAUVAGE 1892 2esyntype : MNHN.F.STC30, figuré par Sauvage (1892a:pl. 2, fig. 3) (fig. 27:K)
3esyntype : perdu, spécimen figuré par Sauvage (1892a:pl. 2, fig. 1)
Statut synonyme junior subjectif d’Euthynotus intermedius (AGASSIZ 1839)
Leptolepis affinis Spécimen figuré Cette espèce, considérée comme un synonyme plus récent de Leptolepis coryphaenoides (BRONN 1830) (Woodward, 1895:502 ; Arambourg,
SAUVAGE 1874 1935), a été fondée par Sauvage (1874) pour plusieurs spécimens du Jurassique Inférieur de Lozère et de la région d’Autun. Le spécimen de
Sainte-Colombe figuré par Sauvage (1892b:pl. 16, fig. 1) semble (par erreur?) être le même que celui figuré sous le nom Leptolepis
autissiodorensis (Sauvage, 1892b:pl. 16, fig. 2)
Statut synonyme junior subjectif de Leptolepis coryphaenoides (BRONN 1830)
Leptolepis autissiodorensis Matériel type Lectotype : MNHN.F.STC11, figuré par Sauvage (1892b:pl. 16, fig. 2). Ce spécimen ayant été désigné comme “type” par Woodward
SAUVAGE 1891 (1895:506) est donc le lectotype en vertu de l’article 74.5 du CINZ (ICZN, 1999) (fig. 27:G)
Paralectotype : non identifiable car non figuré (Sauvage signalait en effet un second spécimen rattaché à cette espèce dans sa description
originale qui, en vertu de l’article 74.1.3 du CINZ, prend le statut de paralectotype)
Statut Valide
Pholidophorus gaudryi Holotype par monotypie MNHN.F.STC7, figuré par Sauvage (1892b:pl. 17) (fig. 27:E)
SAUVAGE 1892 Statut Valide
Prosauropsis elongatus Holotype par désignation originale perdu, spécimen offert au MNHN par Georges Le Mesle en 1893 et figuré par Sauvage (1894a, 1894b:pl. 1, à droite) (fig. 28:A)
SAUVAGE 1894 (article 73.1.1 du CINZ)
Statut Valide
Pachycormus curtus Spécimen figuré MNHN.F.STC5, figuré par Sauvage (1898:pl. 14) (fig. 29)
AGASSIZ 1839 Statut synonyme junior subjectif de Pachycormus macropterus (Blainville 1818)
[43] Cette lettre est conservée dans le catalogue des objets reçus par le Muséum
national d’Histoire naturelle, Paris (tome 7, 1896-1902).
d’empreintes de poissons» pouvaient s’y voir. René Millot eut
« l’amabilité de mettre plusieurs spécimens de côté » qu’il
offrit à la SHNA (1898a:165). Deux spécimens de Sainte-
Colombe inventoriés comme des représentants de l’espèce
Prosauropsis elongatus sont d’ailleurs toujours conservés
au jourd’hui au Musé e d’H istoire N aturelle d’Autun e t
proviennent vraisemblablement de cette donation. Le rédacteur
du compte-rendu de l’excursion concluait : « les deux frères
[Lucien et René Millot] n’ont rien négligé pour recueillir de
nombreux échantillons [de fossiles], dont ils conservent une
partie comme collection locale, et dont ils ont généreusement
donnés maints échantillons aux collections particulières et
musées de la région, et les plus beaux spécimens au Muséum
de Paris ». Pour l’exposition universelle de 1900, à Paris, les
frères Millot, qui y participaient pour présenter leur ciment,
«avaient rendu leur compartiment attrayant » en exposant un
crâne d’ichthyosaure et «des poissons superbes» trouvés dans
leurs carrières (Parat, 1901).
Lucien et René Millot
[44]
firent d’autres dons au Muséum
(Paris) en 1903, 1907 et 1911 (tab. 2). Celui de 1911
comprenait notamment un second crâne de sténéosaure qui a
pu être retrouvé dans les collections du MNHN (fig. 32),
mal g r é son ma u v a i s état de conservation c a u s é par la
pyritisation. En 1924, Georges Bidault de l’Isle
[45]
signala la
découverte d’un autre squelette d’ichthyosaure trouvé par les
ouvriers des carrières de Sainte-Colombe (Bidault de l’Isle,
1924). La tête, fractionnée en deux parties, avait 145 cm de
longueur. Les vertèbres dorsales avaient un diamètre d’environ
17 cm. René Millot, prévenu de la déc