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Traduire encore Bertin aujourd'hui : pourquoi faire ? Les
nouvelles faces cachées de la Sémiologie Graphique
Mohsen Dhieba
a Laboratory SYFACTE-GEOMAGE - University of Sfax – Tunisia (detached at KAUniversity, Jeddah, Saudi Arabia) and
ATCIG. mohsendhieb2003@yahoo.fr.
Abstract: La « Sémiologie Graphique » de Bertin est un ouvrage majeur de la cartographie contemporaine. Cependant,
dès sa parution en 1967, cet ouvrage a suscité autant d’intérêt que de méfiance : l’ouvrage n’était pas dans le « moule »
de la littérature cartographique en vigueur. Pourtant, si plusieurs de ses principes et concepts fondateurs ont été adoptés,
plusieurs autres ne sont pas bien passés ou n’ont pas été mis en pratique. Il y a comme un fossé entre certains énoncés
théo- riques de l'ouvrage et leur mise en pratique. Certaines affirmations de Bertin peu- vent paraître obsolètes
aujourd’hui à l’heure du numérique, comme la non prise en compte de l’aspect dynamique ou interactif de la carte.
L'avènement récent des SIG, de la géomatique et des systèmes de Cartographie Assistée par Ordinateur a relégué les
vieilles méthodes de traitement graphique de l'information au second rang. Dès lors pourquoi traduire encore
aujourd’hui, à l’heure du numérique, la « Sémiologie Graphique » ? Justement, d’abord, parce que certains principes
restent, en substance, peu connus ; plusieurs aspects demeurent encore à explorer ; cer- taines méthodes et techniques
manuelles délaissées peuvent être revisitées et re- mises en marche grâce à la visualisation ; des innovations n’ont pas
été expéri- mentées ou implémentées par les moyens numériques. Dans le monde arabe, peu de recherches se sont
imprégnées de sémiologie graphique. Lors de la traduction de l’ouvrage en arabe, des points restés obscurs ont été
décelés. Ce sont ces quelques idées et réflexions qui nous ont poussés à revivre cette formidable aven- ture.
Keywords: Sémiologie graphique, Traduction Arabe
1. Introduction
Ouvrage majeur dans la littérature cartographique
contemporaine du vingtième siècle, paru juste avant
l’avènement de l’ère de la « transition Electronique » et
du développement de la cartographie numérique et de la
géomatique, la « Sémiologie Graphique » du cartographe
Jacques Bertin continue de nos jours à susciter d’abord
l’intérêt et l’admiration de la communauté scientifique.
Plusieurs prin- cipes fondateurs dans cet ouvrage ont été
bien intégrés dans les cursus acadé- miques, plusieurs
concepts largement adoptés et vulgarisés, certaines
techniques de traitement graphique de l’information
expérimentées, mises en pratique, et quelquefois
implémentées dans des applications logicielles dédiées.
On pense bien sûr aux principes fondateurs des règles du
langage graphique, aux variables vi- suelles, à leur
emploi en fonction de leurs propriétés en cartographie,
aux matrices ordonnables.
Il reste néanmoins que plusieurs autres concepts,
plusieurs découvertes et inno- vations de n’ont pas été
suffisamment examinées, adoptées, mises en pratique ou
diffusées par la communauté scientifique internationale.
On pense ici à la panoplie de méthodes et techniques de
traitement graphique de l’information dont les fi- chiers,
la collection de courbes ou de cartes, à certaines
méthodes particulières comme la synthèse
trichromatique, le semis de points réguliers, à l’emploi de
l’échelle propre et l’échelle commune, à certains concepts
comme composantes et invariants, ou comme les réseaux.
Certaines idées dénoncées par Bertin comme les
graphiques en secteurs de cercles (les fameux «
camemberts ») ou l’usage de la sacro-sainte utilisation de
la gradation colorée traditionnelle dans les cartes de re-
lief allant du vert vers le marron en passant par le jaune et
l’ocre restent assez ré- pandues. D’une façon générale,
certains principes comme la gradation de la va- riable
valeur n’ont pas été implémentés ou appropriés par les
logiciels de cartographie automatique. De fait, peu de
logiciels sont dédiés à la Graphique ou aux traitements
graphiques de l’information.
C’est dans ce contexte que nous entamons la traduction
en Arabe de la « Sé- miologie graphique ». C’est qu’en
dehors de quelques expériences concluantes ici et là en
France et dans le monde, de tentatives d’intégration de la
graphique1 dans les programmes d’enseignement,
particulièrement dans les pays d’Afrique du nord,
francophone, et surtout en Tunisie (Bonin 1993 ; Dhieb
2016), il n’y a pas eu à notre connaissance d’expériences
similaires dans le reste du Monde Arabe.
L’une des raisons est que certains pays Arabes ont dès le
départ épousé le modèle anglo-saxon ou américain. Dès
lors, pourquoi traduire cet ouvrage ? Et pourquoi en
1 Le terme graphique a été employé au féminin pour la première fois
en France en1908 selon le CNTRL par MOCQUEREAU (243) dans le
champ épistémologique de la grammaire alors qu’il a fallu attendre
Bertin pour que la soit définie ainsi : « Dans ses limites strictes, la «
graphique » recouvre l'univers des réseaux, celui des diagrammes et
enfin l'univers des cartes qui s'échelonne de la reconstitution atomique
à la transcription des galaxies, en traversant le monde des figures, du
dessin industriel et de la cartographie (J. BERTIN, La Graphique ds
Communications 15, 1970, p. 169) »
(http://www.cnrtl.fr/definition/graphique.
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Arabe ? Justement parce que certaines zones d’ombre
restent encore à explorer et que la littérature
cartographique arabe en a bien besoin, quand bien même
pa- reille tentative soulève des paradigmes à la fois
linguistiques et scientifiques sou- levés pour la plupart
dans des recherches précédentes (Dhieb 1983 ; 2009 ;
2013 ; 2017).
2. Mon expérience « graphique »
Pour avoir été l’élève pendant quelques années au célèbre
Laboratoire de Gra- phique à la fin les années soixante-
dix, et avoir côtoyé Jacques Bertin en personne dans les
années soixante-dix et quatre-vingts ainsi que ses
principaux collabora- teurs dont notamment Serge Bonin
(1983), Roberto Gimeno (1979) et Daniel Gro- noff
(1991, 1992), avoir aussi préparé une thèse sur le
traitement graphique des sé- ries statistiques (Dhieb
1981), je me suis toujours inspiré dans ma carrière des
principes fondateurs de la Sémiologie Graphique. Avec
l’évolution extraordinaire des connaissances et des
techniques cartographiques et le passage de l’ère analo-
gique à l’ère numérique, nous avons mesuré le fossé qui
sépare encore les apports théoriques substantiels de
l’ouvrage à leur mise en pratique et leur utilisation réelle.
2.1 Premier retour d’expérience
J’avais utilisé, autant que possible, la graphique et les
fondements de la sémio- logie graphique, aussi bien dans
mes recherches étalées entre 1979 et 2017 (Dhieb 1979-
2017) que dans mes enseignements depuis 1987 (Dhieb,
1987-2016). Même avec l’avènement de la cartographie
numérique et des SIG, nous sommes restés convaincus
que les messages cartographiques sémiologiquement bien
construits sont les plus efficaces. Nous avions introduit
notamment plusieurs enseignements s’y rattachant ou
s’en inspirant en Tunisie ou en Arabie Saoudite (Dhieb
2016) et avions rencontré beaucoup de difficultés à la fois
linguistiques quand les cours étaient dispensés en langue
arabe, mais aussi scientifiques et méthodologiques par
rapport au contenu présenté et véhiculé, provenant
principalement du milieu aca- démique et géographique.
A titre d’exemple, nous avions expliqué et répété à
l’infini que la variable vi- suelle couleur, comprise ici
dans son sens premier de sa dimension chromatique, n’est
pas ordonnée et que, par conséquent, cette variable ne
devrait pas être utili- sée en tant que telle pour transcrire
des variables ordonnées, mais que c’est plutôt la « valeur
de la couleur » qui équivaut selon les propriétés des
variables visuelles qui se prévaut de cette faculté, que ce
soit dans nos cours ou dans nos expériences pratiques.
Nous ne sommes pas surs que ce type de message soit
bien passé auprès du public élargi producteur de cartes,
voire même auprès de nos étudiants, de cer- tains
professionnels ou collègues. Plusieurs expériences
similaires ont été vécues.
2.2. Deuxième retour d’expérience
2.2 Deuxième retour d’expérience
Dès lors pourquoi traduire, en Arabe, et aujourd’hui, un
tel ouvrage ?
En premier lieu, nous pensons que l’ensemble des
concepts fondateurs restent d’actualité. En second lieu, si
l’on prend le cas du monde arabe, peu de recherches ont
été consacrées ou se sont ou imprégnées par la sémiologie
graphique (Dhieb, 1983, 2017). En troisième lieu, nous
pensons qu’il reste encore beaucoup de zones d’ombres
dans l’ouvrage, beaucoup d’idées émises à ré-explorer et
de procédures à ré-expérimenter.
Nous avons tiré tels enseignements à partir de la
traduction de l’ouvrage en Arabe. Lors de cette
traduction, il a été possible de déceler un certain nombre
de points relatifs à la « Sémiologie Graphique » comme
la collection de courbes ou encore la méthode
trichromatique qu’il convient de revisiter. Nous pensons
que les développeurs des SIG et des systèmes de CAO
ont intérêt à piocher dans ces mé- thodes dans leur
plateforme logicielle pour contribuer à rendre les produits
un peu plus « intelligents ».
Dans une interview de Luc de Golbéry (1997), en marge
du Colloque la sémio- logie Graphique, appuie cette
réflexion :
« C’est surtout la méconnaissance profonde de nombreux
auteurs de cartes de ce qu’est la sémiologie graphique qui
pose problème. La plupart des personnes réalisant des
cartes n’ont reçu aucune formation cartographique et
sémiologique. » et plus loin, « La sémiologie est à la fois
très connue dans son ensemble et très ignorée dans ses
détails. » et aussi « Pendant un certain temps, les Anglo-
Saxons n’ont pas compris la sémiologie graphique. Ils
disaient alors qu’elle était un pur produit intellectuel sans
racine expérimentale. Avec le temps, le regard sur la
sémiologie graphique a changé et elle est devenue une
référence. Les travaux de Tay- lor sur la visualisation ne
feront qu’appuyer le discours scientifique de J. Bertin. ».
Et c’est en pensant aux bienfaits des traductions
précédentes de cet ouvrage2 et à des lectures relatives au
devenir de la sémiologie graphique, et l’effet produit que
nous avons entrepris cette traduction. A titre d’exemple
de réflexion, G. Pals- ky (1997) disait :
« Avec le développement des sciences cognitives et de
l'analyse graphique des données, il est frappant de
constater combien Jacques Bertin est redevenu une
référence majeure pour les statisticiens, alors même que
parmi les géographes, son œuvre passe au second plan, en
par- ticulier parce que le traitement mathématique des
données s'est substitué au traitement visuel qu'il prônait. »
3. Des griefs porteurs
Nous avons réfléchi, à l’instar de plusieurs autres
sémiologues et « graphi- ciens », pour la plupart anciens
disciples ou cartographes inspirés de Bertin et de ses
2 A notre connaissance, la « Sémiologie Graphique » a été
traduit en anglais, en allemand et en japonais.
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idées et opérant dans des situations plus ou moins
similaires (Palsky, Bord, Baudouin, De Golbéry, 1997) à
cet échec relatif de la diffusion généralisée des principes
de la Sémiologie Graphique. Force est de constater que
quelques 50 ans après la parution de l’ouvrage, nous
avons abouti sensiblement aux mêmes hypo- thèses
émanant des mêmes questions de départ : Est-ce que le
fossé entre fonde- ment théorique et mise en pratique de
la sémiologie est infranchissable ? Pourquoi cette « lutte
du pot de terre contre le pot de fer » en faisant allusion à
la lutte gra- phique-informatique perdure-t-elle encore
aujourd’hui (1985)?
3.1 En France…
En France même où la sémiologie est née, ses principes
n’ont pas été adoptés par tout le monde. Au niveau des
méthodes de traitement graphique de l’information, la
situation est très controversée. Ainsi, au niveau éducatif,
l’intéressante expérience de R. Gimeno voulant transférer
l’emploi des méthodes graphiques au niveau de
l’enseignement est restée quelque peu sans suite (Gime-
no, 1979) ou exercée à échelle réduite. La même
impression d’inachevé caracté- rise d’ailleurs
l’expérience d’ouverture envers la presse et d’informer
par le biais de bonnes cartes et de bons graphiques (Bonin
et Bonin, 1989). L’explication se retrouve peut-être dans
le caractère plus scientifique assigné aux traitements in-
formatiques et statistiques qu’aux traitements graphiques.
Baudouin nous révèle que très peu de synergie était
passée entre graphique et cartographie (1999). D’ailleurs,
le large public d’utilisateurs potentiels ne com- prenait
pas (ou ne comprend toujours pas encore) que la
graphique dans l’esprit de Bertin englobait la
cartographie, les réseaux et les diagrammes alors que
tradition- nellement, c’est plutôt la cartographie qui
engloberait graphiques, diagrammes et autres croquis.
Baudouin avait émis aussi des hypothèses quant au relatif
échec de la sémiologie graphique à bien opérer son
passage à l’ère numérique, et à être ac- ceptée dans les
milieux académiques : la concomitance de l’arrivée sur le
marché de la graphique et de l’informatique ; et d’autre
part le caractère subjectif dans la perception visuelle
pilier sur lequel repose toute la philosophie de la
sémiologie graphique (1999).
3.2 Et ailleurs…
Il est étonnant que le terme sémiologie n’ait pas été
totalement approprié par la langue anglaise même si la
traduction anglaise a plus ou moins imposé ce terme
(Berg, 1987). Que dire alors de certains pays plus enclins
à adopter des systèmes inspirés ou copiés sur les modèles
anglo-saxons très largement inspirés des pre- miers
travaux de Robinson (1967), Robinson et Petchenik
(1976), entre autres, où le langage graphique reste peu
connu et peu utilisé dans les milieux académiques.
Nous avions certes délivré des formations en graphique et
traitement graphique de l’information, handicapés par la
quasi absence de logiciels implémentant des méthodes. A
notre connaissance seul le logiciel AMADO d’utilisant de
la matrice ordonnable connu par une poignée de
personnes du domaine et l’utilisant dans leurs travaux.
Même la composition trichromatique colorée n’est pas
bien passée (Dhieb,1985, 2013). Il est curieux à titre
d’exemple qu’aucun logiciel ne soit dédié aux méthodes
de collection de courbes ou de cartes, à la génération de
cartes en échelle propre et en échelle commune
simultanément, permettant de comparer va- leurs
absolues et valeurs relatives. Certaines méthodes de
traitement graphiques n’ont pas été suffisamment
développées ou mises en pratique comme les collec- tions
de tableaux (Bertin, 2005) ou la matrice géographique
(Dhieb, 2004). Tout compte fait, la sémiologie graphique
est restée confinée dans une frange du milieu académique
bien que, de fait, plusieurs trouvailles de la sémiologie
graphique aient été bel et bien intégrées dans les logiciels
CAO ou SIG plusieurs.
D’aucuns diraient que plusieurs affirmations de Bertin,
relevant plus de l’intuition que du raisonnement
scientifique, sont sujettes à caution. Mieux en- core :
certaines de ses affirmations paraissent dépassées par
l’évolution extraordi- naire de la cartographie passant de
l’ère papier à l’ère numérique. L’avènement de certaines
disciplines voisines comme les SIG, la géomatique ou la
géovisualisation qui se réclament plus ou moins de la
cartographie, ont relégué les vieilles mé- thodes de
traitement graphique de l’information au second plan. De
même, si l’une des découvertes majeures de l’ouvrage de
Bertin tourne autour du concept des va- riables visuelles
statiques, le cartographe du vingt et unième siècle ne peut
se suf- fire de ces 6 variables rétiniennes statiques. Les
nouvelles variables dynamiques font bien partie de
l’arsenal technique du cartographe moderne quand bien
même Jacques Bertin lui-même disait que la carte est «
une image rationnelle n’admettant pas le mouvement »
(1970). Il en va de même pour la troisième di- mension et
pour d’autres techniques liées à l’ordinateur.
4. Les paradigmes de la traduction : étude de cas
Traduire la Sémiologie Graphique en Arabe n’est pas une
entreprise facile : les
nouveaux concepts et termes
introduits sont peu ou pas connus ou utilisés jusque- là en
cartographie, avec quelquefois un sens très particulier
assigné à chaque terme. Non seulement la langue arabe
devait rattraper un retard structurel consis- tant en matière
de traduction, mais il fallait aussi qu’elle se projette dans
le rythme très rapide des néologismes de la cartographie
et des disciplines voisines. Il fallait assurer, nonobstant
les divisions et conflits linguistiques intrinsèques à la
langue arabe elle-même et aux subdivisions géopolitiques
du monde arabe se répercutant irrémédiablement au
niveau de la langue arabe. Si les géographies physique et
humaine ont bénéficié d’efforts considérables en matière
de traduction, tel n’est pas le cas de la cartographie : les
bibliothèques arabes manquent terriblement d’ouvrages
cartographiques modernes.
4.1 Paradigmes linguistiques
Plusieurs questions de terminologie linguistique relatives
à la cartographie n’ont pas été tranchées. Certains termes
assez courants sont traduits, selon le pays, de façon très
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différente. Nous citons comme exemple le terme
cartographie traduit traditionnellement par (كارتوجرافيا)
en Egypte et dans le Moyen-Orient alors que des termes
comme (الخرائط رسم), (الخرائط علم) et de plus en plus
(الخرائطية) littérale- ment signifiant dans l’ordre Dessin
des cartes, Science des cartes, et Science s’occupant des
cartes lui sont préférés. Le terme de carte lui-même est
traduit par deux termes en Arabe : (خارطة) et (خريطة).
Le terme sémiologie lui aussi pose problème.
Sémantiquement « science des signes », ce terme est
traduit traditionnellement en arabe par plusieurs mots :
)العالمات علم( )سيميوطيقا( )سيميائية( )سيميولوجيا(,
jusque une traduction récente par un linguiste tunisien en
(عالمية) dans le sens justement )العالمات علم( de science
des signes que nous avons adopté (Mseddi, 1985) dans ce
travail.
Les termes ordonné et ordonnable sont traduits
généralement par le même tous deux par (مرتب), ce qui
est loin d’être vrai puisque le mot arabe ne signifie que
seulement ordonné, et que ordonnable possède un sens
totalement différent, presque à l’opposé du premier ; le
terme arabe (ترتيبي) lui convient mieux.
4.2 Paradigmes scientifiques
Mais les paradigmes concernent aussi la langue française,
puisqu’il fallait re- chercher le sens précis des mots et
termes utilisés en français avec la signification qui leur
avait été assignée dans la « Sémiologie » et qui n’est pas
forcément le sens courant du mot.
Ainsi, le terme réseau apparait comme un terme très
particulier dans l’ouvrage de Bertin. En fait, « La
construction graphique est un réseau lorsque les corres-
pondances dans le plan peuvent s’établir entre tous les
éléments d’une même composante » (Bertin, 2005).
Même la définition prête à équivoque. Ce terme ne fait
pas référence au dessin ni au graphisme, à défaut de
graphique (particulier).
Le terme de (la graphique) en tant que substantif féminin
est ou était déjà con- troversé dans sa langue d’origine
puisque employé à l’origine en tant que substan- tif
uniquement au masculin (le ou un graphique) même si on
lui trouve une trans- cription depuis 1908 :
B. − Subst. fém. Système d’écriture, système
graphique. Si l'étudiant (...) est au courant des règles
générales de la dynamie phraséologique, on pourra (...)
lui laisser la faculté de les appliquer (...) tant
qu'elles soient rappelées par une graphique
spé- ciale (MOCQUEREAU, Nombre mus. grégor.,1908,
p. 243) (CNTRL).
Bertin lui donne un sens bien particulier dans sa première
édition :
− En partic. Dans ses limites strictes, la «
graphique » recouvre l'univers des réseaux, celui
des diagrammes et enfin l'univers des cartes qui
s'échelonne de la reconstitution atomique à la
transcription des galaxies, en traversant le monde
des figures, du dessin industriel et de la
cartographie (J. BERTIN, La Graphique ds
Communications 15, 1970, p. 169).
…avant de parler dans sa préface à la 3ème édition, de «
graphique classique » définie comme « l’image FIXE… »
« ...communiquant les résultats de la science… » et de «
graphique classique » signifiant « …l’image
TRANSFORMABLE et reclassable…» et plus loin «
c’est cette image que la Sé- miologie Graphique propose
de construire ». Il y a comme une grande ressem- blance
entre la Graphique et « la Sémiologie Graphique » a
employé au féminin en lui assignant un sens bien
particulier.
D’après le Dictionnaire de la langue, le substantif
graphique au masculin est
« la représentation graphique des variations d’une gradeur
mesurable » et a pour synonyme le terme « diagramme »,
alors que l’adjectif est utilisé comme « relatif aux
précédés d’impression ». Le substantif masculin
graphique est traduit tradi- tionnellement par (بياني
رسم) mot composé d’un nom commun (رسم) signifiant
des- sin et d’un adjectif signifiant sensiblement
informationnel (بياني). Si l’on veut ex- traire un adjectif
arabe, que choisir comme racine : le nom ou l’adjectif ?
ou bien faudrait-il prévoir une autre solution plus
convaincante ? D’un côté, ce terme arabe a une
signification beaucoup plus large que ne le donne le sens
français, plus proche du sens de diagramme, même si une
nuance distinguerait les deux termes. Le terme proposé
est une fusion des deux termes originels en un seul
(رسمبيان). Ce terme a l’avantage de lever une certaine
équivoque au nom du nom composé et de donner lieu à
l’adjectif en question. Nous sommes conscients que le
public des usagers oppose toujours une première réaction
de résistance spontanée à tout néo- logisme et qu’il
faudrait du temps pour asseoir une certaine diffusion et
adoption mai si l’essentiel est de construire sur du solide.
D’autres paradigmes peuvent être soulevés :
• Pourquoi traduire aussi des termes qui ne sont
plus en vigueur comme fichier-matrice ou
fichier-image » ? Quel en serait l’usage réel ?
• Comment orienter les graphiques en Arabe
sachant que le sens de l’écriture va de la droite
vers la gauche ?
• Comment faire pour suivre le rythme de parution
des néologismes ?
5. Conclusion
A partir de notre expérience graphique étalée sur une
cinquantaine d’années, depuis les manipulations des
matrices ordonnables au sein du Laboratoire de Gra-
phique de l’EHESS jusque la traduction en arabe de la «
Sémiologie Graphique », en passant par de multiples
applications en enseignement et en recherche, nous
avions visé non seulement de mieux intégrer ses principes
dans la cartographie, soulever certaines nouvelles
questions et surtout voir jusqu’à quel point les ap- ports
de l’ouvrage restent d’actualité. Vingt ans auparavant, De
Golbéry avait dit:
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« Le futur de la cartographie passe obligatoirement par la
sémiologie graphique et sa diffu- sion. » et que « Il faut
replacer la sémiologie graphique au cœur de la
cartographie, la faire découvrir aux novices, aux plus
jeunes, aux amateurs de cartes, etc. Le grand défi que
chaque
« disciple de Bertin » doit relever est celui de la diffusion
de son savoir à différents ni- veaux. » (1997).
Les défis sont multiples : savoir comment adapter et
implémenter les principes de la sémiologie graphique
dans les applications logicielles ; comment adapter son
contenu à l’évolution actuelle de la discipline ; comment
rendre les images fixes dynamiques en utilisant les règles
de grammaire graphique. Puisse cette traduction y
contribuer : c’est peut-être l’objet de futures recherches
(Figure 1).
Figure 1: Graphiques généralement réalisés en 17 … et ce qu’il
faut faire d’aprčs Bertin en 18 (Source:\Sémiologie\Bertin
sémiologie graphique.htm)
6. Remerciements
Nous sommes redevables au Centre Scientifique
Universitaire de l’Université du Roi Abdulaziz et aux
Editions de l’EHESS. Notre recherche a été fondée par le
programme de recherche Géné- ral. Nous remercions
aussi les Editions de l’EHESS de nous avoir facilité
l’accès à la version ré- cente et aux figures scannées de
l’ouvrage
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Proceedings of the International Cartographic Association, 1, 2017. This contribution underwent single-blind peer review based on
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