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Récents Progrès en Génie des Procédés, Numéro 110 - 2017
ISSN: 1775-335X ; ISBN: 978-2-910239-85-5, Ed. SFGP, Paris, France
LE PROJET EXPERT’CRISE OU LA FORMATION À LA
GESTION DE CRISE EN MILIEU INDUSTRIEL PAR DES
EXERCICES DE MISE EN SITUATION : PREMIERS RÉSULTATS
DUHAMEL Pierricka* BROHEZ Sylvaina, DELVOSALLE Christiana, DUBOIS Laurie-Annab, VAN
DAELE Agnèsb et VANDESTRATE Sylvieb
a Université de Mons (UMONS), Service de Génie des Procédés Chimiques et Biochimiques
Rue de l'Epargne, 56 - 7000 Mons, BELGIUM
b Université de Mons (UMONS), Service de Psychologie du Travail
place du Parc, 18 - 7000 Mons, BELGIUM
Résumé
La gestion des crises et des situations d’urgence dans les industries à risques s’appuie sur une
organisation spécifique qui se substitue au mode de fonctionnement normal des entreprises. Celle-ci
exige, de la part du personnel qui la compose, des connaissances et compétences propres à la gestion de
telles situations. Or la formation des gestionnaires et intervenants de crise ne peut s’appuyer uniquement
sur une transmission de connaissances théoriques. Il est donc nécessaire d’intégrer, au programme des
formations, des exercices de mise en situation dont la mise en œuvre peut être longue et fastidieuse afin
d’atteindre les objectifs pédagogiques fixés. Il est donc nécessaire d’en simplifier le développement et
l’exploitation afin de les rendre plus abordables. A cette fin, il est intéressant d’identifier l’existence
d’invariants entre les exercices afin de proposer un canevas de conception, d’animation et d’analyse plus
efficient. La présente communication a pour objectif de rendre compte des premiers résultats relatifs aux
invariants qui se dégagent d’exercices déjà réalisés au sein de cinq entreprises SEVESO en Belgique dans
le cadre du projet Expert’Crise.
Mots-clés : Prévention des risques, Gestion de crise, Formation, Industries à risques (Seveso)
1. Introduction
La gestion des crises et des situations d’urgence au sein des industries à risques, notamment celles
encadrées par la directive « SEVESO », s’appuie sur une organisation spécifique se substituant à leur
mode de fonctionnement normal [Lagadec, 1991]. Celle-ci exige, de la part de certains membres du
personnel, des connaissances et compétences spécifiques à la gestion de telles situations. Or, pour former
et entrainer les gestionnaires et intervenants de crise, la pédagogie employée ne peut être uniquement
théorique [Ronald W, 2004]. Il est donc nécessaire de mettre en œuvre des exercices de mise en situation.
Ainsi, depuis 2015, le projet Expert’Crise, cofinancé par le Fonds Social Européen, développe une offre
de formations adaptée à ces exigences et s’appuyant sur une pédagogie mêlant aspects théoriques et mises
en situation pratiques. Le projet Expert’Crise comprend deux volets selon les publics cibles visés. Ainsi,
l’Université de Mons développe des programmes de formation à l’attention des entreprises à risques alors
que l’Institut Provincial de Formation du Hainaut se concentre sur les formations destinées aux services
de secours. Cet article sera exclusivement consacré au volet destiné aux entreprises à risques. La mise en
œuvre d’exercices de mise en situation pertinents d’un point de vue pédagogique étant longue et
fastidieuse [Tena Cholet, 2012], il est nécessaire de simplifier le développement et l’exploitation de ces
exercices afin de les rendre plus abordables. A cette fin, il est intéressant de repérer s’il existe des
invariants entre les exercices déjà réalisés dans le cadre de ce programme afin de proposer un canevas de
conception, d’animation et d’analyse plus efficient.
* pierrick.duhamel@umons.ac.be
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Récents Progrès en Génie des Procédés, Numéro 110 - 2017
ISSN: 1775-335X ; ISBN: 978-2-910239-85-5, Ed. SFGP, Paris, France
2. Exercices de mise en situation réalisés
Cinq entreprises SEVESO wallonnes ont participé aux mises en situation. Pour des raisons matérielles,
seules quatre d’entre elles ont pu être correctement observées lors des exercices. Ainsi les invariants
relatifs à la préparation des exercices se baseront sur un panel de 5 entreprises et ceux relatifs aux
exercices et leur analyse ne se baseront que sur un panel de 4 entreprises.
Les entreprises, leurs environnements et la nature des exercices réalisés présentent des différences les uns
par rapport aux autres qui sont reprises dans la table 1.
Table 1. Entreprises et exercices : taille, environnement et nature de l’exercice.
Entreprise
Nombre
d’employés
Exercice & Environnement
Type d'exercice1
A
250 à 499
Exercice coordonné avec trois entreprises d'un site
industriel multi-exploitant
Pleine échelle
B
20 à 49
Fonctionnel
C2
100 à 249
NA
D
100 à 249
Exercice isolé3 dans un site industriel multi-
exploitant
(les autres entreprises n'ont pas été impliquées)
Fonctionnel
E
20 à 49
Exercice isolé, site isolé4
Fonctionnel
1 [Tena Cholet et al, 2016]
2 Entreprise n’ayant pas pu être correctement observée
3 Impliquant une seule entreprise
4 Non intégré à un site industriel multi-exploitant [Gaucher et al, 2008]
Les exercices ont eu lieu exclusivement sur les sites industriels et se sont appuyés sur les locaux,
équipements et moyens de communication à disposition des participants dans leur quotidien comme en
situation d’urgence. Cette configuration permet de s’approcher d’une situation réelle et facilite donc
l’immersion des participants. Cela permet en outre de répondre à une demande des industriels qui peuvent
ainsi justifier de la réalisation d’un test de leur plan d’urgence dans le cadre des obligations
réglementaires découlant de la directive 2012/18/EU (dite « SEVESO 3 »).
Chaque exercice comprend une phase de briefing, une phase de simulation proprement dite et une phase
de débriefing (un premier à chaud puis un second à froid après l’analyse des observations et la rédaction
d’un rapport). Les exercices s’intègrent dans un ensemble pédagogique plus large débutant par des cours
théoriques présentant aux participants les connaissances de base en gestion de crise et se concluant par la
proposition de plans d’actions intégrant, si besoin, des formations complémentaires spécifiques aux
difficultés rencontrées lors de la mise en situation pratique.
Les exercices réalisés sont essentiellement des exercices fonctionnels centrés sur les rôles décisionnels de
la gestion d’urgence. L’aspect opérationnel est généralement simulé au travers du contrôle des flux
d’informations arrivant aux participants. Le public auquel s’adressent ces exercices est donc
principalement constitué des membres de la cellule de crise internes à l’entreprise, généralement
l’encadrement, auquel s’ajoute différentes personnes-clés, notamment dans la chaîne d’alerte.
2.1 Développement des mises en situation
La préparation des exercices consiste à identifier formellement le système de gestion d’urgence des
entreprises puis à en décrire le fonctionnement attendu afin d’en anticiper les réactions et de proposer, en
fonction des besoins formulés, un scénario répondant aux objectifs fixés. L’analyse du système de gestion
d’urgence s’appuie sur la documentation interne des entreprises : le rapport de sécurité, le plan interne
d’urgence, les fiches réflexes de l’ensemble des parties prenantes et les fiches d’intervention ou de
missions jugées pertinentes dans le cadre de l’exercice. Le développement des scénarios consiste ensuite à
définir les données d’entrées à fournir au système et les moyens à utiliser pour les communiquer. En
pratique, cela conduit à élaborer des fiches spécifiant aux animateurs les informations à transmettre, les
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moyens de communication à utiliser, les personnes à encadrer et le timing dans lequel ces informations
doivent être diffusées. Cet aspect de la préparation nécessite également de prendre en compte la logistique
du déroulement de l’exercice et de considérer les éventuels déplacements des participants au sein de
l’entreprise.
Le choix des séquences accidentelles sur lesquelles se basent la scénarisation des exercices est réalisé en
concertation avec les entreprises qui s’attachent à les rendre vraisemblables dans leur contexte particulier.
Pour les entreprises A, B, C et D, la séquence accidentelle retenue ne figurait pas dans le rapport de
sécurité et n’était donc pas prévue ; à l’inverse, pour l’entreprise E, la séquence choisie figurait dans le
rapport de sécurité. Les objectifs étaient donc différents : il s’agissait pour les entreprises A, B, C et D de
développer les compétences en gestion de crise des participants en présupposant la bonne maitrise des
procédures d’urgence et, pour l’entreprise E, il s’agissait d’évaluer le bon fonctionnement du système de
gestion d’urgence et d’en observer les écarts.
2.2 Dispositif expérimental
Le dispositif mis en place lors des exercices repose, dans son aspect matériel d’une part, sur un ensemble
de caméras, microphones, projecteurs et enceintes permettant l’immersion des participants et la captation
de flux multimédias enregistrés pour analyse postérieure et diffusés en direct aux animateurs. D’autre
part, l’organisation humaine renvoie à des animateurs chargés de conduire l’exercice et à des observateurs
chargés d’en consigner le déroulement. Le dispositif d’observation, tant concernant l’organisation
humaine que matérielle, est dimensionné lors de la préparation de l’exercice et s’appuie sur l’analyse du
système de gestion d’urgence et sur les besoins exprimés par l’industriel afin d’affecter les ressources
disponibles aux participants et aux locaux clés de la gestion d’urgence.
A ce titre, un public-cible de la formation est identifié en amont de l’exercice et est placé au centre du
développement de ce dernier. Une attention particulière est portée à rendre l’exercice le plus immersif
possible pour ce public en le plaçant dans des conditions similaires à une situation réelle. Afin de limiter
l’intervention d’animateurs auprès de ce public-cible, une seconde catégorie de participants est identifiée,
le public « périphérique », qui n’est pas directement la cible de la formation mais doit néanmoins
participer à l’exercice car il est le premier interlocuteur du public-cible et il inclut des acteurs majeurs de
la gestion d’urgence interne (tels que les responsables d’équipes opérationnelles).
Les observateurs effectuent un rapport des actions et communications des participants au cours de
l’exercice. Une grille d’observation – dont l’entête est retranscrite en table 2 – leur est fournie afin de
formaliser la prise d’informations et d’identifier rapidement les acteurs et vecteurs de communication.
Table 2. Grille d’observation utilisée lors des exercices
Temps
Evénements/actions
Remarques
Communications
Acteurs
Vecteur
Contenu du message
Ce que dit
l’émetteur
Ce que dit le
récepteur
oEmetteurs
oTéléphone
oRécepteurs
Les observations ont vocation à décrire objectivement le déroulement de l’exercice, sans interprétation.
Elles sont appuyées par les enregistrements multimédias qui apportent un suppor t supplémentaire lorsque
la prise de notes est lacunaire ou ambigüe. Ces enregistrements permettent en outre de justifier les
observations au travers de données objectivables.
Le type d’observations mis en œuvre est donc ouvert et permet une approche exploratoire des résultats
des exercices. C’est lors de la mise en forme des données que des indicateurs sont sélectionnés en
fonction des objectifs de l’exercice et que les résultats sont interprétés. Le principe général de cette
analyse consiste à comparer le fonctionnement attendu du système de gestion d’urgence avec le
fonctionnement effectif de ce dernier et en mettant en évidence les aspects problématiques de cette
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gestion. Il convient de noter que les outils d’analyse utilisés sont en constante évolution et que des
travaux sont actuellement en cours afin de consolider l’ensemble du processus.
Au-delà de la méthodologie, il convient de préciser l’importance de la culture de sécurité au sein des
entreprises et de son impact sur la réalisation des exercices. L’implication et la motivation initiales des
entreprises ont considérablement transparu dans le déroulement des mises en situation et plus
particulièrement dans l’entreprise E qui n’a pas mis en œuvre toutes les ressources permettant
l’organisation optimale d’un exercice.
3. Premiers résultats : invariants observés et conséquences pour la réalisation des
exercices
3.1 Planification d’urgence des entreprises Seveso en Belgique
Les cinq entreprises ayant participé aux mises en situation présentaient, à quelques variations près, des
systèmes de gestion de crise aux structures similaires. Toutes prévoyaient, dans leurs plans d’urgence, une
séparation entre la gestion stratégique – située en salle de crise – et la gestion opérationnelle – exécutée
principalement sur le lieu du sinistre.
D’une part, la gestion d’urgence au niveau stratégique a toujours été réalisée par plusieurs personnes dans
une salle dédiée. Cette salle est souvent une salle de réunion utilisée habituellement par les membres de la
cellule de crise. Seule l’entreprise E présentait une salle de crise délocalisée en amont des vents
dominants et non utilisée au quotidien. Les procédures d’urgence de ces entreprises définissent de 2 à 6
fonctions mais il n’est pas rare que, lors des exercices, certaines d’entre elles soient réparties entre
plusieurs gestionnaires de crise. La seule fonction présente dans l’ensemble des procédures analysées est
celle de Responsable du site (ou de cadre de garde/d’astreinte qui a les mêmes fonctions). Les fonctions
de responsable de la Communication et de responsable de la Maintenance (ou de zone) sont également
assez communes et reviennent respectivement dans 4 et 3 entreprises sur 5.
D’autre part, concernant le niveau opérationnel, les équipes d’intervention sur le lieu du sinistre avaient
toujours à leur tête un responsable qui, outre la fonction de coordonner les interventionnistes, devait servir
de relais avec la gestion stratégique prise en charge par la cellule de crise.
Par ailleurs, un niveau intermédiaire « tactique », exécuté au niveau des salles de contrôle, a été observé
dans les entreprises participantes mais était composé de personnes moins formées. Concernant les
entreprises A et B, le fonctionnement de ce niveau intermédiaire a mis en évidence davantage de
défaillances que de bonnes pratiques. Quant aux entreprises D et E, la gestion tactique a été constatée de
manière ponctuelle et a été essentiellement associée à la chaîne d’alerte.
Néanmoins, de très fortes disparités sont à signaler en fin de chaîne d’alerte et lors de l’accueil des
services de secours. Bien que, dans toutes les entreprises ayant participé aux exercices, la réception de
l’alerte ait été faite en salle de contrôle et que la vérification et l’évaluation de la situation aient été
réalisées par le responsable des interventionnistes, l’appel et l’accueil des services de secours ont été
réalisés par des fonctions différentes selon l’entreprise. Il a pu s’agir du responsable d’intervention, d’un
opérateur de salle de contrôle, d’un cadre d’astreinte ou encore d’un garde.
Ce premier invariant portant sur la planification d’urgence permet de proposer une structure générique
aux mises en situation telles qu’elles sont proposées dans le cadre d’Expert’Crise. Les membres de la
cellule de crise sont en interaction avec le public « périphérique » constitué des opérateurs en salle de
contrôle, du responsable des interventionnistes et, éventuellement, d’autres personnes impliquées
notamment dans la chaîne d’alerte. La cellule de crise est également en interaction indirecte avec des
animateurs qui simulent les parties prenantes externes à l’entreprise et qui communiquent par téléphone,
mail ou fax. Cette structure, les parties prenantes et leurs interactions sont représentées dans la figure 1.
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Figure 1. Structure générique des mises en situation Expert’Crise
3.2 Attente des participants, difficultés d’immersion et défauts à éviter
La réalisation des mises en situation et les conclusions tirées de leur analyse permettent de constater
l’existence d’éléments récurrents dans les demandes des entreprises et dans le déroulement des exercices.
Ainsi, les demandes des entreprises concernent préférentiellement des problématiques relatives à la
gestion humaine de la cellule de crise et à son bon fonctionnement, ainsi qu’à des aspects
communicationnels à destination des médias. Les problématiques techniques ne sont pas pour autant
écartées mais semblent être considérées comme intégrant par défaut les exercices et ce, même lorsque
ceux-ci ne sont pas en grandeur nature et ne comprennent pas d’intervention. Il apparait que, pour
l’ensemble des entreprises, la résolution d’une situation d’urgence ne nécessite qu’une réponse
opérationnelle et se déroule donc essentiellement sur le terrain. Les aspects liés à la logistique et à la
mobilisation des ressources nécessaires à l’intervention ne sont ainsi que rarement considérés. Ainsi, lors
du choix des axes pédagogiques de l’exercice, il convient de mettre en avant ces aspects afin de
sensibiliser les entreprises à ces problématiques. Dans le cas où ces thématiques sont effectivement
considérées comme pertinentes pour l’exercice, il est nécessaire de développer le scénario et l’animation
afin que les participants soient conduits et contraints à prendre des décisions relatives à ces sujets.
En outre, cet a priori pourrait être la cause de difficultés d’immersion : l’absence de simulation matérielle
du sinistre contrarierait la volonté de se confronter à la technicité de l’accident et impacterait l’immersion.
Toutefois il ne faut pas négliger l’importance de la culture de sécurité de l’entreprise dans la qualité de
l’immersion. Celle-ci peut permettre de dépasser le syndrome du « en situation réelle » [Lagadec, 1995]
qui implique une tendance des participants à rejeter les défaillances du système de gestion de crise sur les
biais de l’exercice. Ainsi, lors des exercices réalisés, ce syndrome ne s’est manifesté de manière
dommageable qu’une fois, avec l’entreprise E. Dans les autres cas, les participants ont réussi à aller au-
delà des limites et défauts inhérents à la simulation pour continuer celle-ci dans de bonnes conditions.
Néanmoins, il convient de noter certains points posant problème de manière récurrente afin de ne pas les
réitérer.
Le principal défaut des exercices est lié à la difficulté de simuler correctement les communications avec
les parties prenantes extérieures à l’entreprise (comme les autorités publiques, les services de secours, les
appuis logistiques, les médias…) en particulier quand la cellule de crise souhaite les contacter. Pour des
raisons évidentes, il est impossible de laisser les participants composer les numéros téléphoniques réels de
ces parties prenantes. Il est alors nécessaire de mettre en place un système de substitution de ces numéros.
La solution adoptée consiste à mettre à disposition des participants une fiche recensant les numéros
pouvant être composés lors de l’exercice et correspondant aux différentes parties prenantes simulées par
des animateurs. Cette méthode est également utilisée pour les autres moyens de communication telle que
les mails et les fax. Cependant, le recours à cette fiche est contre-intuitif et celle-ci a tendance à ne pas
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être assez visible par les participants, en dépit du briefing préliminaire à l’exercice qui les informe de la
présence de cette fiche et de sa fonction. Ces éléments expliquent la faible utilisation de ce répertoire
fictif, ce qui engendre des difficultés de communication avec les parties prenantes simulées et donc une
certaine complication de la gestion de crise. L’emploi d’une fiche de plus grande taille, voire d’un poster
ou d’une projection des numéros, pourrait encourager son utilisation auprès des participants.
Les deux autres défauts notables sont liés à l’animation du public « périphérique ». Celui-ci est censé
servir d’interface entre animateurs et public-cible. Afin que l’exercice soit intéressant pour les personnes
le composant, une certaine liberté est laissée dans la mise en pratique des procédures d’urgence : elles ne
sont guidées et recadrées que lorsque leurs actions ou inactions sont préjudiciables à l’exercice. Toutefois,
il est apparu dans la moitié des entreprises (2 sur 4 entreprises observés) que cette liberté accordée au
public « périphérique » pouvait détourner le focus de l’exercice vers la gestion opérationnelle lorsque
celle-ci est défaillante. Il est ainsi préconisé de moduler cette liberté d’action en rendant l’animation plus
ou moins directive en fonction de la familiarité des opérationnels du public « périphérique » avec les
procédures d’urgence. En outre, plusieurs animateurs sont susceptibles d’encadrer le public
« périphérique » lorsque celui-ci est composé de différentes personnes et/ou est réparti géographiquement
sur le site. Il convient alors que ces animateurs soient coordonnés et que les informations fournies au
public « périphérique » en dehors du scénario prévu soient centralisées afin de maintenir une cohérence
dans l’ensemble de l’animation. La mise en place d’un système de surveillance diffusant en direct les
actions de l’ensemble des participants vers des animateurs de pilotage centralisant l’information et
coordonnant les autres animateurs permet de résoudre cette problématique.
3.3 Interférence de l’animation
S’il est souhaitable que le public « périphérique » soit encadré et ne dévie pas des procédures applicables,
c’est pour isoler les fonctions décisionnelles et en observer le comportement. Il convient donc également
d’éviter que l’animation n’interfère avec les participants du public-cible au-delà du cadre de la simulation
et, de préférence, de manière indirecte. Lorsque l’on place un animateur jouant le rôle des services de
secours extérieurs au sein de la cellule de crise, un phénomène de report a pu être observé pendant les
exercices. Les gestionnaires de crise adoptent alors un comportement plus passif que lorsqu’ils sont seuls
en cellule ce qui nuit à l’efficacité pédagogique des exercices. Cette observation conforte l’idée d’isoler
complètement la cellule de crise mais pose le problème de la vraisemblance de l’exercice : il est en effet
peu probable qu’aucun intervenant, notamment pompier, n’entre en relation directe avec la cellule de
crise. Dans ce contexte, il est pertinent de développer des exercices collaboratifs avec les services de
secours afin d’améliorer le réalisme des exercices tout en réduisant les éventuelles interférences induites
par l’animation. Néanmoins, ce comportement de report ayant également été observé lorsque l’animateur
est réellement un officier sapeur-pompier, on peut penser que les gestionnaires de crise des entreprises à
risques n’ont pas toujours une bonne connaissance de la répartition des missions de chaque partie
prenante et de leurs responsabilités vis-à-vis des autorités. Pour les mêmes raisons, on peut douter des
connaissances relatives au fonctionnement et aux moyens à disposition du corps des pompiers et de la
protection civile. Un module de formation théorique sur cette thématique a ainsi été développé et proposé
dans le cadre du projet Expert’Crise.
3.4 Invariants communicationnels
Les problèmes de communication sont une constante des exercices réalisés, notamment entre niveaux
hiérarchiques. Deux raisons principales expliquent ces difficultés : le matériel utilisé et la formalisation
des communications. Le matériel de télécommunication utilisé en situation d’urgence est rarement le
matériel utilisé quotidiennement, les gestionnaires de crise n’ont donc pas l’habitude de s’en servir. La
mise en lumière de ces problèmes est l’un des objectifs de la réalisation d’exercice fonctionnel au sein des
entreprises. En effet, lorsque celles-ci réalisent un exercice d’urgence en interne, deux possibilités
s’offrent habituellement à elles : l’exercice opérationnel d’intervention ou le table-top pour la cellule de
crise. Ainsi, les exercices sont compartimentés entre la gestion stratégique et la gestion opérationnelle, ce
qui ne permet pas aux gestionnaires de crise de tester les voies de communication entre ces deux niveaux
ni de se former à ce type de communication de crise, ce qui a été mis en évidence lors des exercices
réalisés dans le cadre du projet Expert’Crise.
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D’autre part, on constate une inadéquation des moyens de communication avec les besoins spécifiques
aux situations d’urgence que ce soit en nombre, en qualité de transmission, en autonomie ou encore en
mobilité. Il convient donc de prendre en compte ces probables difficultés lors de la préparation des
exercices afin qu’ils n’en impactent pas la qualité, en testant notamment les différents dispositifs qui
seront utilisés par les animateurs lors de l’exercice.
En outre, les communications d’urgence au sein des entreprises à risques ne sont que rarement
formalisées comme peuvent l’être celles des services d’intervention, ce qui conduit fréquemment à des
informations manquantes, des incompréhensions, des répétitions inutiles et plus généralement, à la
saturation des médias de communication, surtout lorsqu’il s’agit de radio. Cet aspect peut faire l’objet de
plans d’action relativement aisés à mettre en œuvre avec des résultats potentiels importants.
4. Conclusion et futures recherches
Les exercices déjà réalisés dans le cadre d’Expert’Crise ont mis en évidence des invariants qui permettent
d’envisager le développement d’une méthodologie générique de conception et d’analyse. S’il reste peu
probable qu’une solution directement applicable par les entreprises pour la réalisation en interne
d’exercices puisse être développée, il est envisageable d’élaborer un guide mettant en lumière les
différentes étapes de la mise en œuvre des exercices et valorisant le retour d’expérience acquis au cours
du programme Expert’Crise.
Cette méthodologie pourra viser, d’une part, à identifier le processus pédagogique allant de
l’identification des savoirs à transmettre jusqu’aux mises en situation des participants permettant de
mettre en pratique lesdits savoirs. Et, d’autre part, elle pourrait permettre de décrire le processus de retour
d’expérience qui, sur base des observations réalisées et des problématiques soumises aux participants,
vise à leur fournir un débriefing sur leurs participations et les voies d’amélioration à considérer.
Au-delà des processus, il conviendrait d’identifier les défauts inhérents en termes d’immersion et
d’interface à ce type de mise en situation afin de proposer les solutions mises en pratiques lors des
exercices et d’en décrire les limites. En effet, l’efficacité de ces exercices en tant qu’outil pédagogique se
base, entre autres [Oprins et al, 2015], sur l’immersion des participants au sens de l’acceptation des
éléments diégétiques et des conventions de l’exercice. Ainsi il importe de comprendre les difficultés,
notamment matérielles et organisationnelles, rencontrées lors de la mise en œuvre des exercices afin
d’adapter les mises en situation aux contraintes inhérentes au support de formation et proposer des
expériences pédagogiquement plus efficientes.
Références
Gaucher R. et Dolladille O. Conventions on multi-operator sites : an efficient risk management tool. AIChE Spring
National Meeting 2008, Apr 2008, La Nouvelle-Orléans, United States. AIChE. New York, pp.NC, 2008.
<ineris-00976204>. HAL Id: ineris-00976204. https://hal-ineris.ccsd.cnrs.fr/ineris-00976204
Lagadec P. (1991), La gestion de crise – Outils de réflexion à l’usage des décideurs. Paris : MacGraw-Hill, 300 p.
Lagadec P. (1995), « Apprentissage : une professionnalisation impérative » (chap.3) dans Cellules de crise – Les
conditions d'une conduite efficace. Paris : les Editions d'Organisation, p. 113-119
Oprins, E., Visschedijk, G.,Roozeboom, M.B., Dankbaar, M., Trooster, W. and Schuit, S.C.E. The game-based
learning evaluation model (GEM): measuring the effectiveness of serious games using a standardised method. Int.
J. Technology Enhanced Learning, 2015, Vol. 7, n°4, p.326–345.
Perry, Ronald W. Disaster Exercise Outcomes for Professional Emergency Personnel and Citizen Volunteers. Journal
of Contingencies and Crisis Management, 2004, Vol. 12, n°2, p.64-75.
Tena-Chollet, Florian. Elaboration d'un environnement semi-virtuel de formation à la gestion stratégique de crise,
basée sur la simulation multi-agents. Environnement et Société. Ecole Nationale Supérieure des Mines de Saint-
Etienne, 2012. HAL Id: tel-0074194. https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00741941v2
Tena-Chollet F., Tixier J., Dandrieux A. et Slangen P. Training decision-makers: Existing strategies for natural and
technological crisis management and specifications of an improved simulation-based tool. Safety Sci. (2016),
http://dx.doi.org/10.1016/j.ssci.2016.03.025
Remerciements
Les auteurs tiennent à remercier le Fond Social Européen dont le financement permet de réaliser le projet
Expert’Crise.
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THE EXPERT’CRISE PROJECT OR EMERGENCY TRAINING IN
INDUSTRIAL ENVIRONEMENT BY SIMULATION EXERCICES:
FIRST RESULTS
DUHAMEL Pierricka, BROHEZ Sylvaina, DELVOSALLE Christiana, DUBOIS Laurie-Annab, VAN
DAELE Agnèsb et VANDESTRATE Sylvieb
a Université de Mons (UMONS), Service de Génie des Procédés Chimiques et Biochimiques
Rue de l'Epargne, 56 - 7000 Mons, BELGIUM
b Université de Mons (UMONS), Service de Psychologie du Travail
place du Parc, 18 - 7000 Mons, BELGIUM
Abstract
Crisis and emergency management in hazardous industries relies on a particular organization which
modifies the companies’ normal operating mode. This kind of organization requires, from a part of the
staff, specific knowledge and skills to manage such situations. Yet the training of crisis managers and
operator cannot relies only on a transmission of theoretical knowledge. It is thus necessary to integrate,
into training programs, simulation exercises which implementation can be long and difficult to allow to
reach pedagogical goals. There is a need to simplify their development and exploitation to make them
more affordable. To achieve this, it is interesting to identify existence of invariants between exercises to
propose a pattern of design, animation and analysis more efficient. Present communication intends to
report first results on these invariants observed during exercises realized within five companies SEVESO
in Belgium in the context of the Expert’Crise Project.
Keywords : Risk prevention, Crisis management, Training, Hazardous industries (Seveso)
5.12-8