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tic&société
Vol. 10, N° 2-3 | 2ème semestre 2016 - 1er semestre 2017
Spécial varia
Une question de comportement. Recommandation
des contenus audiovisuels et transformations
numériques
Joëlle FARCHY, Cécile MÉADEL et Arnaud ANCIAUX
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/ticetsociete/2136
DOI : 10.4000/ticetsociete.2136
Éditeur
Association ARTIC
Édition imprimée
Pagination : 168-198
Référence électronique
Joëlle FARCHY, Cécile MÉADEL et Arnaud ANCIAUX, « Une question de comportement.
Recommandation des contenus audiovisuels et transformations numériques », tic&société [En ligne],
Vol. 10, N° 2-3 | 2ème semestre 2016 - 1er semestre 2017, mis en ligne le 30 avril 2017, consulté le 28
mars 2018. URL : http://journals.openedition.org/ticetsociete/2136 ; DOI : 10.4000/ticetsociete.2136
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tic&société – 10(2-3), 2016-2017
Une question de comportement
Recommandation des contenus audiovisuels et
transformations numériques
Joëlle FARCHY, Cécile MÉADEL, Arnaud ANCIAUX
Joëlle Farchy est économiste, professeure à l’université Paris 1,
Panthéon-Sorbonne où elle dirige l’École des médias et du
numérique de la Sorbonne. Elle est en outre personnalité qualifiée
au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA)
et commissaire à la Commission nationale de l’informatique et des
libertés (CNIL). Ses travaux portent sur l’économie numérique, les
industries culturelles, la propriété intellectuelle et la régulation de
l’Internet. Joelle.Farchy@univ-paris1.fr
Cécile Méadel est sociologue, professeure à l’université Panthéon-
Assas, membre du CARISM, chercheuse associée au Centre de
sociologie de l’innovation (Mines ParisTech – CNRS). Ses travaux
portent sur les technologies de l’information, du point de vue de la
construction des usages, de la genèse des dispositifs et de la mise
en forme des usagers, des clients, des amateurs. Ces dernières
années, elle a travaillé sur la régulation de l’Internet (du Bitcoin aux
e.communautés) et sur la configuration industrielle des publics (à
travers des outils de quantification ou des dispositifs de
recommandation). cecile.meadel@u-paris2.fr
Arnaud Anciaux est professeur au Département d’information et de
communication de l’Université Laval et membre du Centre de
recherche interuniversitaire sur la communication, l’information et
la société (CRICIS). Ses travaux actuels s’attachent à croiser
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approche économique, étude sociologique et analyse de discours
pour comprendre les transformations contemporaines des
industries et des marchés de la culture et de la communication.
arnaud.anciaux@com.ulaval.ca
Une question de comportement. Recommandation des contenus
audiovisuels et transformations numériques
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Une question de comportement
Recommandation des contenus audiovisuels et
transformations numériques
Résumé : Parmi l’ensemble des dispositifs visant à orienter
l’internaute au sein d’une offre audiovisuelle pléthorique, nous
distinguons ceux qui s’appuient sur les jugements et ceux fondés
sur l’analyse des comportements. L’étude de certains dispositifs
proposés en France montre que les recommandations
personnalisées, fondées sur l’analyse détaillée des
comportements des internautes, parce qu’elles se révèlent d’une
efficacité redoutable, occupent une place de plus en plus centrale.
Chacune à leur manière, les diverses formes de recommandation
posent aux opérateurs de mise à disposition de contenus
audiovisuels en ligne de nouveaux défis qui nécessiteront à
l’avenir de tester des formes de différenciation concurrentielle. La
recommandation personnalisée algorithmique, en particulier,
entraîne d’importantes transformations des modèles économiques,
des restructurations des marchés et des renouvellements des
métiers.
Mots-clés : marché audiovisuel, recommandation, algorithme,
contribution des usages, prescription.
Abstract: This article focuses on the various apparatus that guide
the Internet user confronted with an ample broadcasting supply; it
distinguishes between apparatus based on judgments and
apparatus based on behaviour. It highlights the fact that the
second type are becoming more and more important given their
amazing efficiency due to precise analysis of the users’ behaviour.
Each in its own manner, various forms of recommendation pose
challenges to audio-visual online operators who will need to
respond with new ideas for competitive differentiation. The
personalised algorithmic recommendation, in particular, is
transforming economic models, market structures and the
organisation of professions.
Keywords: audiovisual market, recommendation, prescription,
algorithm, user’s contribution.
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Resumen: Entre todos los dispositivos cuyo objetivo es orientar a
los internautas dentro de una inmensa oferta audiovisual, cabe
distinguir los dispositivos que dependen de los juicios y los que
están basados en el análisis del comportamiento. El estudio de
ciertos dispositivos que se ofrecen en Francia, muestra que las
recomendaciones personalizadas, basadas en un análisis
detallado del comportamiento de los usuarios de Internet, que han
resultado ser extremadamente eficaces, adquieren cada vez más
importancia. Cada una a su manera, las diferentes formas de
recomendación plantean, a los operadores de contenidos
audiovisuales en línea, nuevos retos que requerirán poner a
prueba nuevas formas de diferenciación competitivas. La
recomendación personalizada algorítmica, en particular, provoca
cambios profundos en los modelos de negocio, en la
reestructuración de los mercados y en la renovación de los oficios.
Palabras clave : mercado audiovisual, recomendación, algoritmo,
usos, prescripción.
Une question de comportement. Recommandation des contenus
audiovisuels et transformations numériques
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Introduction
Comment sont choisis les biens ou les services dans un univers
d’abondance informationnelle où l’intérêt du consommateur est la
ressource rare face à une offre pléthorique ? Cette question,
formulée bien avant l’essor d’Internet en termes « d’économie de
l’attention » (Simon, 1971), est devenue un enjeu central sur les
marchés numériques. Suivant l’économie des qualités (Callon,
Méadel et Rabeharisoa, 2000), la question peut aussi être abordée
en fonction du travail de qualification conduit par les acteurs pour
permettre le choix des consommateurs : tout marché nécessite en
effet que soient précisées les caractéristiques des produits,
retravaillées en permanence en fonction des clients visés.
Sur le marché de l’audiovisuel, depuis plus de trente ans, avec
les premières générations de réseaux de vidéocommunication des
années 1980 (Akrich et Méadel, 2006), différentes applications
s’emploient à diversifier les voies d’accès aux programmes
audiovisuels, diversification très largement amplifiée par la
diffusion de l’ADSL1. Toute une galaxie d’acteurs numériques
propose désormais des contenus, à l’unité ou par abonnement,
suivant des modalités légales ou pas2, provenant de
professionnels (notamment VOD3) ou d’amateurs (UGC4), avec un
statut d’hébergeur (YouTube) ou d’éditeurs (Canal+, TF1, Orange,
Netflix, etc.). Le taux de pénétration en France de la télévision de
rattrapage5 est passé de 54,3 % fin 2010 à 80,1 % lors des neuf
premiers mois de 20166 et celui de la VOD payante (location d’un
1 L’ADSL (pour Asymmetric Digital Subscriber Line) utilise le réseau téléphonique pour
transmettre des données numériques par une transmission dite « à haut débit ».
2 Les formes de mise à disposition de contenus audiovisuels sans l’autorisation des
ayants droit, qui soulèvent des questions spécifiques, ne seront pas traitées dans le
cadre de cet article.
3 Video On Demand.
4 User Generated Contents.
5 Ou Catch-up TV : il s’agit d’un service proposant de voir ou revoir un contenu, diffusé
sur la chaîne de manière linéaire, pendant une période déterminée après leur diffusion.
6 Baromètre de la télévision de rattrapage, septembre 2016, CENTRE NATIONAL DU CINEMA
ET DE L’IMAGE ANIMEE (CNC), en ligne. Ce taux de pénétration s’élevait à 72,6 % le
trimestre précédant les entretiens réalisés.
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contenu, achat ou abonnement au service), de 18,6 % en 2009 à
34,4 % en 20157. Ces consommations peuvent se faire par
l’entremise du support offert par le téléviseur (et des offres dites
triple-play), tout particulièrement pour la VOD payante8.
La démultiplication des contenus disponibles n’entraîne pas
nécessairement une diversification des consommations. Comme le
montrent Beuscart, Beauvisage et Maillard (2012) à propos de la
télévision de rattrapage, « les formats de consommation
numérique ont également des propriétés susceptibles de générer
non pas de la dispersion, mais des fortes concentrations de
l’attention collective » (p. 46), avec des audiences « globalement
synchronisées ». C’est donc bien que des mécanismes sont en
œuvre, qui orientent la consommation vers des contenus
particuliers. Le « buzz » joue sans doute un rôle central, mais il
s’accompagne d’un ensemble d’autres dispositifs de
recommandation que nous nous proposons d’étudier.
L’offre de programmes se présente dans un catalogue de
contenus que doit construire l’opérateur, et que celui-ci
accompagne de moyens d’orientation et de repérage. Ces
dispositifs qui visent à promouvoir certains contenus ne sont pas
uniquement produits par les opérateurs ; d’autres acteurs, et au
premier chef les consommateurs, s’emploient à orienter, décrire,
apprécier, valoriser, critiquer, noter, etc., les contenus et à le faire
savoir. Nous utilisons le terme de recommandation pour désigner
l’ensemble de ces dispositifs visant à orienter l’internaute vers un
contenu ou un ensemble de contenus particuliers. D’un point de
vue économique, la recommandation facilite l’appariement de
l’offre et de la demande sur des marchés de prototypes où existent
de fortes asymétries d’information. Son objectif principal est de
réaliser des propositions, pouvant être considérées comme étant
7 Public de la vidéo à la demande, Ressources statistiques, CNC, mai 2016.
8 Pour la télévision de rattrapage, le CNC estime pour l’année 2015 qu’il y a eu 1 946,75
millions de vidéos de télévision en ligne vues sur ordinateur, 2 046,13 vues sur
téléviseur, et 1 853,21 vues sur un appareil mobile. En revanche, pour la VOD payante
en 2015, 84,1 % des consommateurs l’ont fait par téléviseur, mais seulement 35,2 % par
leur ordinateur et 23,7 % sur un appareil mobile.
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cohérentes par le consommateur, afin de l’inciter à réaliser un acte
d’achat ou de location pour les plateformes payantes à l’acte, à
augmenter sa satisfaction et l’encourager à demeurer auprès du
service pour les plateformes demandant un abonnement ou, pour
celles qui sont gratuites, à accroître l’audience du site, source de
revenus publicitaires. La recommandation permet d’améliorer et de
maximiser l’ARPU9 dans les cas où le consommateur ne recherche
pas un contenu précis et déterminé.
La transformation des formats de consommation de contenus
accompagne et entraîne des restructurations du marché (Anciaux,
2014 ; Farchy et Moreau, 2016). Les différents médias, tels que la
presse imprimée et l’audiovisuel, sont marqués par des difficultés
grandissantes à entretenir un modèle d’affaires reposant sur des
marchés à plusieurs versants (Rochet et Tirole, 2003). De
nouveaux acteurs, dont l’emblématique plateforme transnationale
Netflix, ont créé des offres, contournant les éventuelles barrières à
l’entrée dans l’édition et la distribution de chaînes de télévision.
Pour les acteurs de la télévision linéaire, la concurrence sur le
marché de la distribution de contenus auprès des consommateurs
finaux en est accrue. Cette compétition se construit dans deux
directions, concourant à diminuer la rentabilité des modèles
d’affaires. En premier lieu, le temps disponible des
consommateurs est potentiellement fragmenté entre les
propositions d’un très grand nombre d’acteurs (Cha et Chan-
Olmsted, 2012 ; Lee, Hong et Lee, 2010). En second lieu, et tout
particulièrement pour la télévision payante, c’est également la
disponibilité à payer du consommateur qui peut être déplacée au
profit de nouvelles offres, qu’il s’agisse de paiements à l’acte ou
d’abonnements. Face à cela, les acteurs traditionnels de
l’audiovisuel sont incités à adapter leurs offres, si ce n’est enjoints
à se transformer radicalement dans leur manière d’orienter
l’usager.
9 Average revenue per user : mesure utilisée pour déterminer le revenu par
consommateur.
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Pour analyser ces bouleversements, nous commençons par
proposer une cartographie des différents formats de
recommandation qui nous conduit à distinguer quatre grandes
formes : d’un côté, les recommandations éditoriale et contributive,
qui s’appuient sur les jugements des internautes ou des
professionnels ; d’un autre côté, les recommandations
autoentretenue et personnalisée, fondées toutes deux sur
l’analyse des comportements des internautes. Nous examinons
ensuite plus spécifiquement certains des dispositifs proposés en
France, pour analyser, en conclusion, les principaux enjeux du
point de vue des offreurs, en matière de restructurations des
marchés et de renouvellement des métiers. Cette recherche
s’appuie sur une analyse de la littérature et de la documentation
professionnelle, mais aussi, pour la deuxième partie, sur des
rencontres avec des professionnels10.
1. Cartographie des dispositifs de recommandation
Les professionnels de l’audiovisuel distinguent généralement
trois niveaux de recommandation (Patino, 2016 ; Scherer, 2015) :
« Dans le contrôle de l’accès, la programmation éditoriale va se
poursuivre, surtout pour trier dans le bruit de la profusion de contenus, pour
contextualiser et pour agréger des contenus qui auront du mal à survivre seuls.
Le public ne veut plus davantage de choix, mais mieux trouver les contenus et
les œuvres pertinentes, et de la manière la plus simple possible. Mais sur le
sofa virtuel, face à la tyrannie du choix, les recommandations sociales
piloteront aussi cette nouvelle consommation à la demande, avec le search.
Tout comme les recommandations des algorithmes » (Scherer, 2015, p. 25).
Au-delà de ces trois types, de nombreux dispositifs mêlent outils
automatiques et traitement humain, où la prégnance respective
des différentes modalités de recommandation varie selon les
dispositifs envisagés. Nous les avons visualisés dans une
cartographie originale (Figure 1) selon deux axes de définition. Le
premier axe (DO) décline le dispositif en fonction de sa proximité
10 Les auteurs remercient également les deux rapporteurs anonymes de la revue pour
leur lecture attentive et leurs critiques bienveillantes et constructives.
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avec l’offre ou la demande : à un extrême, des recommandations
entièrement « industrielles », à l’autre, celles émanant de
consommateurs ou d’usagers. Les conceptions et les
constructions de l’offre et de la demande s’entrelacent cependant
bien souvent ; ainsi, la recommandation d’un consommateur de
série sur le site d’un diffuseur est une production émanant de la
demande, mais largement préconstruite, encadrée ou valorisée
par le diffuseur. Le second axe (CJ) oppose la matière de la
recommandation selon qu’elle exprime un jugement assumé ou
qu’elle reflète un comportement qu’il s’agit de capturer. À partir de
ces deux axes, quatre modalités de recommandation peuvent
schématiquement être distinguées : éditoriale, contributive,
autoentretenue et personnalisée.
Figure 1 : Diagramme des recommandations
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Dans la réalité, la plupart des dispositifs allient jugements et
comportements, logiques industrielles et contributions des
internautes. Ainsi, dans l’application Zoom pour iPhone lancée par
France Télévisions en 2015, l’utilisateur indique d’abord ses
centres d’intérêt (culture, sport, jeux) et les émissions qu’il ne veut
pas voir. La chaîne publique lui propose ensuite, pour un
visionnage sur téléphone mobile, des playlists thématiques de ses
émissions dont la sélection s’affine progressivement en fonction du
comportement du consommateur.
Nous qualifions de recommandation éditoriale la proposition
spécifique de certains contenus fondée sur la mention manifeste –
ou à tout le moins reconnue et reconnaissable – d’un choix
assumé de l’entreprise dans le dispositif (quadrant JO). La fonction
éditorialisée (critiques professionnelles, productions marketing,
etc.) est souvent distinguée d’une fonction peu ou prou
automatisée (suggestions, démarche algorithmique, etc.).
Autrement dit, l’entreprise met en avant ou sélectionne
explicitement des contenus, au même titre qu’elle pourrait le faire
sur une chaîne diffusée de manière linéaire, et elle construit un
certain nombre d’énoncés, formulés en direction de l’utilisateur.
Par ailleurs, sur la base de l’activité des internautes, se sont
construites les formes d’une recommandation contributive
reposant non sur une prise de parole et un jugement explicite de
l’entreprise gérant le dispositif, mais sur la mise en valeur des
internautes11 (quadrant JD). Il s’agit là des modalités traditionnelles
de la prescription de contenus culturels, comme le bouche-à-
oreille, qui permettent de renforcer leur visibilité, de contribuer à
une meilleure connaissance de biens fortement marqués par leur
nature expérientielle et de susciter ainsi une certaine confiance.
Dans ces dispositifs, les internautes expriment un véritable
jugement. Les systèmes proposent parfois des interventions
11 Dans la réalité, la distinction entre les deux formes est parfois délicate, comme en
témoigne le nombre de faux avis de consommateurs sur Internet alimentés par des
commerçants. L’importance de ce phénomène, que certains évaluent de 10 à 30 % des
avis de consommateurs sur Internet (Reagle, 2015), a conduit à un travail de normes et
de labellisation dans plusieurs secteurs, comme la norme Afnor du tourisme.
Une question de comportement. Recommandation des contenus
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impliquantes, « une dimension expressive » (la rédaction libre d’un
avis), parfois une simple « dimension arithmétique » (l’agrégation
de notes) (Beauvisage et al., 2013, p. 13). Partout, l’internaute est
à l’œuvre au centre des dispositifs qui encouragent, encadrent et
louent sa présence. Depuis le milieu des années 2000, la
promotion du Web 2.0 salue les prises de paroles des internautes
ainsi que leur capacité à créer, à fabriquer et à reconstruire les
offres de biens et services. Et si ces pratiques semblent rares
parmi les usagers d’Internet, elles n’en sont pas pour autant
mineures (Rebillard, 2011). Cette capacité repose certes sur des
racines anciennes, mais elle trouve de nouveaux ressorts dans
l’environnement numérique grâce à la multiplication des dispositifs
encourageant la contribution et la participation (Dujarier, 2008).
Partout, les internautes sont au travail ; parfois, ce travail est de
si faible intensité que l’internaute s’aperçoit à peine qu’il apporte sa
contribution à une œuvre collective ; parfois, au contraire,
l’investissement est massif, intense. L’internaute peut se voir
mobilisé bien au-delà de ses contributions et de ses interventions
actives et volontaires comme une figure centrale d’une économie
numérique en voie de développement (Assogba et al., 2016). Au
cœur de l’économie numérique se trouvent en effet la collecte et
l’exploitation de données obtenues grâce au « travail » de la
« multitude » des internautes (Verdier et Colin, 2012). Les
utilisateurs, bénéficiaires de services rendus, deviennent des
collaborateurs bénévoles. Ce modèle de la gratuité coopérative,
qui a suscité l’enthousiasme de Bekler (2006) et d’autres
économistes comme alternative à la coordination par les prix, est
en réalité hybride et mélange du marchand, du public et du don
(Farchy, Méadel et Sire, 2015). Ce travail gratuit fait écho aux
théories du capitalisme cognitif (Moulier-Boutang, 2010) et
correspond à une économie de pollinisation et de contribution. Il
fait également écho au courant critique, sur le Digital Labor, porté
par des chercheurs qui analysent la dimension d’exploitation à
l’œuvre dans ce travail (Cardon et Casilli, 2015 ; Scholz, 2013),
intégré dans de nouvelles formes et déploiements du capitalisme
(Terranova, 2000).
Le rapport Colin et Collin (2013) distingue trois catégories de
données provenant des internautes : 1) les données soumises par
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l’utilisateur, qui ont fait l’objet d’une saisie explicite par ce dernier,
pour différents motifs ; 2) les données observées, qui résultent du
recueil de traces d’utilisation d’une application ; 3) et les données
inférées déduites de traitements, en particulier de recoupements,
pratiquées par une entreprise à partir de données personnelles de
ses utilisateurs et clients. Seule la première catégorie, c’est-à-dire
les données qui impliquent une participation délibérée de la part de
l’internaute, représente des contributions actives (Méadel, Musiani
et Farchy, 2016) et participe de la recommandation que nous
avons qualifiée de contributive.
Dans d’autres dispositifs, les internautes laissent quelques
traces, plus ou moins consciemment. Nous nommons
recommandation autoentretenue les dispositifs qui ne s’appuient
pas sur des jugements, élaborés (critique d’une émission) ou
simplistes (likes, étoiles) des internautes, mais sur les
comportements des uns qui, une fois agrégés, servent de
boussole à leurs pairs (quadrant CD).
Les comportements des internautes ont également conduit à
l’émergence d’une nouvelle forme de recommandation souvent
qualifiée de moteur de recommandation (Amatriain et Basilico,
2015 ; Ricci, Rokach et Shapira, 2015). La notion, associée à
l’automatisme des machines et opposée à l’intervention humaine,
repose sur les potentialités techniques d’Internet et sur l’étude des
comportements grâce à l’exploitation de données (Gomez-Uribe et
Hunt, 2015), permettant de redessiner les interfaces et les
dispositifs qui présentent les catalogues de contenus (Elkhatib et
al., 2014 ; Machado Vieira et Correia Queiroz, 2015). Cet
accompagnement de plus en plus sophistiqué permet de guider
l’usager au sein d’une offre abondante, au profit de modèles
d’affaires spécifiques (Resnick et Varian, 1997). Pour qualifier ces
dispositifs, au terme de recommandation algorithmique souvent
utilisé, nous préférons celui de recommandation personnalisée
(quadrant CO) pour souligner que la nouveauté réside moins dans
la prouesse technique que dans les résultats sophistiqués et
individualisés qu’elle permet d’obtenir.
Au cœur de nombreux discours, espérances et craintes, ces
modalités de recommandation reposent sur les parcours des
Une question de comportement. Recommandation des contenus
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consommateurs. Elles comportent la promesse de pouvoir leur
proposer, par différents moyens, des contenus supposés les
intéresser, et ainsi d’améliorer in fine la pertinence réelle ou
perçue du service. Nous dirons donc d’une recommandation
qu’elle est personnalisée quand elle est construite sur le
fondement des informations et des parcours de l’utilisateur. Étape
presque finale d’un processus de délinéarisation et
d’individualisation, le consommateur devient en quelque sorte à la
fois sujet et objet du discours porté par le dispositif. Ce sont ses
propres comportements déclarés ou observés et analysés par un
opérateur extérieur qui forment le matériau d’une démarche
prédictive dans des dispositifs industrialisés.
La recommandation consiste tout d’abord en la proposition de
contenus liés à ceux que le consommateur est en train de
consulter. Reprenant un principe développé avec succès par la
plateforme Amazon sur le modèle du filtrage collaboratif, les
recommandations sont effectuées en comparant le profil de
l’internaute à ceux d’autres utilisateurs ayant acheté le même
produit : « les internautes qui ont acheté le livre que vous achetez
ont également acheté ceux-ci ». Le service de recommandation de
Netflix, lui aussi présenté comme une référence par les analystes
ou les professionnels, est hautement revendiqué comme modèle
de recommandation algorithmique par l’entreprise elle-même
(Tryon, 2015), qui se targue de ce que 75 % des contenus
visionnés par ses clients viendraient d’une recommandation
personnalisée de son moteur. Pourtant, le dispositif proposé par
Netflix est plus hybride qu’il n’y paraît, puisqu’il mixe une
recommandation algorithmique automatisée et une intervention
humaine de qualification des contenus et des utilisateurs. La
finesse des micro-genres de classement des contenus illustre la
mosaïque des cibles marketing visées et la volonté d’améliorer
l’expérience de chacun. Pas moins de 77 000 « genres » ont ainsi
été répertoriés (Madrigal, 2014) comme les « thrillers violents au
sujet des chats pour les 8-10 ans ». Cette qualification suppose la
visualisation de chaque contenu par un salarié de l’entreprise qui,
après avoir tagué ses composantes, proposera une catégorisation
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tic&société – 10(2-3), 2016-2017
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susceptible d’être croisée avec les comportements des
utilisateurs12. Dès lors, la puissance du modèle économique de la
plateforme n’est pas liée à la seule force technique de son
algorithme, mais à l’intensité et à la qualité des données collectées
sur les utilisateurs eux-mêmes. La puissance de la
recommandation personnalisée repose donc essentiellement sur
les comportements de l’ensemble des utilisateurs scrutés en
permanence par des opérateurs.
2. Le réalisme efficace de l’étude des
comportements
Le travail mené dans cette partie s’appuie sur des entretiens
réalisés en 2015 avec une dizaine de responsables stratégiques
travaillant dans les principaux groupes de l’audiovisuel en France.
Dans le domaine de la télévision, il s’agit de TF1 (TF1 Vidéo et
MyTF1VOD ; e-TF1 et direction générale), France Télévisions
(direction générale), M6 (M6 Web) et Canal+ (service gérant les
recommandations). Ont été aussi rencontrés des responsables du
service VOD du principal fournisseur d’accès à Internet (Orange
VOD) ainsi que de la filiale Plurimédia (gestion et métadonnées)
du groupe Lagardère13. Les entretiens portaient sur le
fonctionnement et le positionnement des services dans les
groupes, les modèles d’affaires mis en œuvre ou recherchés, la
prise en charge et la construction de différentes modalités de
recommandation, ainsi que sur la connaissance et la gestion des
parcours des consommateurs.
En prolongement des entretiens, nous avons procédé à une
analyse des dispositifs sociotechniques mettant à disposition des
catalogues de contenus audiovisuels, dans leurs versions web,
12 Un service de partage de vidéos comme YouTube préfère, à une intervention préalable
sur les contenus, une recommandation contributive fondée sur l’agrégation des
jugements des utilisateurs (likes, commentaires, etc.).
13 La plupart des personnes rencontrées ayant souhaité l’anonymat et la confidentialité,
nous ne mentionnerons pas leurs fonctions et rendrons compte de manière indirecte de
leurs propos.
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destinées aux téléviseurs ou aux supports mobiles (à l’exception
de Plurimédia), comme MyTF1 et MyTF1VOD, FranceTV Pluzz et
FranceTV Pluzz VàD, 6Play et M6VOD, CanalPlay, CanalPlay
VOD et Canal+ à la demande, Orange VOD, Netflix et le service
indépendant FilmoTV. Cette analyse visait à étudier l’architecture
et le fonctionnement du dispositif, les lignes éditoriales, les appels
à contribution, les différentes formes de personnalisation, les
manières dont ces dispositifs cadrent et encadrent les pratiques.
2.1 La recommandation éditoriale : juger n’est pas
(toujours) prescrire
Sous différentes formes et à des degrés divers, les dispositifs
étudiés sont l’occasion pour les entreprises de renouveler la
présentation de leur savoir-faire en matière de programmation, en
affirmant certaines propositions propres ou en rappelant leur
identité. Au-delà des environnements visuels et de contenus
communs, la recommandation éditoriale permet de maintenir le
consommateur dans un rapport déjà connu avec un opérateur.
Ainsi, ces dispositifs bénéficient-ils de la visibilité et de la
reconnaissance liées aux marques, aux lignes éditoriales, aux
types de programmations et aux contenus directement associés à
un groupe (notamment dans le cas des programmes de flux).
L’observation des dispositifs déployés et les entretiens ont été
l’occasion de constater le lien très fort entre l’expertise de
programmation, le positionnement éditorial et la présentation des
catalogues. L’exemple du dispositif de télévision de rattrapage de
France Télévisions (FranceTV Pluzz) illustre le lien direct,
paroxystique, entre les contenus proposés et les chaînes (dont la
linéarité est reproduite pour présenter les contenus) : au moment
du lancement du service, la question de la « personnalisation » ne
se posait pas, et le choix a été fait de ne pas privilégier des
contenus ou des chaînes plus que d’autres14. Dans le même
temps, et de manière peut-être contradictoire, certains contenus
particuliers étaient mis en avant (« Nos recommandations ») sans
que les critères de choix ne soient expliqués au consommateur.
14 Entretien avec un/une responsable de France Télévisions.
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La recommandation peut également se construire sur la base
de catégories dont la chaîne estime qu’elle correspond à son
image ou à sa programmation. Cette recommandation se fait en
lien au contenu (comme dans l’exemple de MyTF1 VOD), où sont
proposés des regroupements non pas par genres mais par sortes
de thématique, ou même d’atmosphères, avec des titres comme
« ils sont fous ces Anglais » ou « sexe sans complexe ». Elle peut
contenir des séries, des films, des émissions de plateau… La
recommandation peut aussi faire appel à d’autres types de
regroupements, par exemple une sélection de films autour d’une
actrice.
La recommandation éditoriale sous la forme de regroupements
thématiques apparaît de manière particulière dans le cas du
groupe Canal+. Une distinction apparente y est faite entre le
service de VOD à l’unité, avec des catégorisations grossières par
genre ou la mention de « coups de cœur », et le service de VOD
par abonnement, marqué par la présence d’une éditorialisation
plus poussée, avec des sélections assumées15. Celles-ci sont
justifiées par la volonté de défendre et de promouvoir le rapport
particulier du groupe au cinéma : d’après notre enquête, elles ne
semblent cependant pas être jugées déterminantes16. La
recommandation éditoriale vient simplement contribuer à la
représentation qualitative d’une offre de contenus, à la différence
d’une proposition qui ne serait qu’algorithmique.
Au-delà de recommandations portant la marque de l’entreprise,
on observe certaines interventions éditoriales plus précises, qui
présentent le catalogue sous un jour particulier (informations sur
l’univers de l’auteur, approfondissements thématiques, etc.). Ainsi,
le groupe M6 a développé au sein de son service de télévision de
rattrapage 6Play plusieurs ensembles de contenus réunis autour
de thèmes identifiés (mode, cuisine, immobilier, etc.), avec des
personnalités reconnues, présentes sur les antennes du groupe :
15 Par exemple, une mise en lien avec le Festival de Cannes, auquel le groupe est
traditionnellement associé.
16 Entretien avec un/une responsable de Canal+.
Une question de comportement. Recommandation des contenus
audiovisuels et transformations numériques
184
s’affirme ainsi la volonté de développer davantage de contenus, ce
qui nécessite la création d’un véhicule plus large, une « méta-
marque », ce qu’est 6Play17.
L’intervention des opérateurs auprès du consommateur est
jugée par nos interlocuteurs comme essentielle, car elle est une
des meilleures façons pour l’entreprise d’affirmer sa différence par
rapport à ses concurrents. Si l’importance de l’éditorialisation a été
mise en avant pour guider le consommateur, ce n’est pourtant pas
dans une logique de conversion immédiate en achat ou location de
contenus. Un responsable d’Orange, par exemple, nous a expliqué
que les observations des parcours des consommateurs montraient
que ces recommandations éditoriales n’ont un impact que sur un
nombre limité (5 %) des consommations. Pour autant, l’importance
de ces présentations est défendue parce qu’elle contribue de
manière significative à l’environnement global du service,
notamment pour les contenus cinématographiques. Ainsi, la
recommandation éditoriale apparaît-elle aux professionnels
comme un moyen d’améliorer la qualité globale du dispositif tel
qu’il est perçu par les consommateurs, même s’ils n’y ont que
faiblement recours.
La volonté d’affirmer son identité explique sans doute pourquoi
le choix de l’éditorialisation est largement celui d’un certain nombre
d’acteurs indépendants, dont les catalogues sont accessibles sur
le web ou sur certaines set-top-boxes et offres de fournisseurs
d’accès à Internet. L’exemple du site de VOD FilmoTV illustre les
possibilités d’une recommandation éditoriale poussée, avec à la
fois des connaissances factuelles sur le film, un résumé et des
éléments critiques émanant d’une chroniqueuse identifiée. La
volonté est ici clairement d’affirmer une démarche artisanale et de
se différencier par rapport aux offres de recommandation jugées
plus industrielles.
17 Entretien avec un/une responsable de M6.
Joëlle FARCHY, Cécile MÉADEL, Arnaud ANCIAUX
tic&société – 10(2-3), 2016-2017
185
2.2 Le silence paradoxal des recommandations des
internautes
La plupart des entreprises audiovisuelles ont ouvert des
possibilités techniques d’accueil des contributions des internautes.
Ces dispositifs ne recueillent cependant qu’un nombre peu élevé
de contributions élaborées. Ainsi, le site de vidéos Canalplay VOD
(page « bouche-à-oreille ») vise à encourager et à organiser le
recueil et la publication de recommandation contributive ; il va
jusqu’à leur promettre une éventuelle rétribution financière, signe
que ces contributions sont difficiles à obtenir. Le site intègre aussi
des fonctionnalités permettant des liens avec les réseaux sociaux,
mais, outre que celles-ci sont faiblement assumées par crainte de
perdre le contrôle sur les contributions, elles ne sont pas jugées
déterminantes par les responsables du service, tout comme elles
sont faiblement utilisées par les consommateurs18.
La composante arithmétique de la recommandation apparaît
plus importante dans les dispositifs étudiés. Il ne s’agit plus de
recueillir l’expression des internautes, mais des informations
sommaires (notes et étoiles, likes, partages, etc.) permettant, à
partir de l’opinion individuelle des consommateurs sur les
contenus, de formuler des propositions collectives. Des
classements (« top des spectateurs », « meilleures notes
spectateurs », etc.) sont présentés aux côtés des classements
similaires issus de la presse (reprenant directement la dichotomie
proposée par AlloCiné).
Dans les dispositifs étudiés, la dimension contributive,
lorsqu’elle existe, est en effet fréquemment le résultat d’une
importation dans le dispositif d’avis provenant d’acteurs extérieurs
beaucoup plus efficaces dans l’économie de la contribution, tels
AlloCiné ou SensCritique19. Comme pour les contributions
expressives, les entretiens ont montré que les notes et les étoiles
18 Entretien avec un/une responsable de Canal+.
19 Celui-ci est ainsi visible dans l’exemple de Filmo TV, où un onglet intègre, aux côtes de
l’avis de journalistes, ceux d’internautes ayant publié des critiques sur la plateforme
SensCritique.
Une question de comportement. Recommandation des contenus
audiovisuels et transformations numériques
186
sont peu utilisées par les consommateurs, quand elles ne sont pas
simplement mises de côté dans la conception des dispositifs20. Un
grand nombre des systèmes de notations doivent donc, là encore,
importer et intégrer des systèmes de notes et d’étoiles développés
et synthétisés par d’autres acteurs. Les contributions des
internautes sont ainsi en grande partie sous-traitées à des acteurs
externes spécialisés.
De la même façon que les avis et les contributions des
internautes sollicités par Allociné ne sont au final pas
véritablement utilisés par la plate-forme (Pasquier, Beaudouin et
Legon, 2014), celles mises en ligne par les entreprises
audiovisuelles participent peu au renouvellement de leur modèle
économique. La recommandation contributive n’apparaît
réellement ni comme un élément de différenciation concurrentielle
ni, selon les acteurs interviewés, comme un moyen de susciter des
actes de consommation. La valorisation de l’usager et de sa
participation active, souvent évoquée dans la littérature (voir supra,
partie 1), relève donc plus d’une promesse inscrite dans un
contexte sociodiscursif et économique que d’une dynamique
impulsée par les acteurs historiques et concrétisée dans des
dispositifs efficaces. Ainsi, les stratégies déployées par différents
acteurs de l’écosystème de l’audiovisuel demeurent en grande
partie construites autour des logiques propres aux offres
spécifiques des acteurs et aux savoir-faire qu’ils maîtrisent.
À l’opposé de la recommandation contributive peu mobilisée,
l’intervention des internautes semble plus susceptible d’être
directement valorisée par les opérateurs lorsqu’il s’agit de
recommandations autoentretenues fondées sur les comportements
plutôt que sur les jugements. La présentation classique des
meilleures ventes au sein des dispositifs apparaît comme un
moyen central pour susciter l’achat ou la location de contenus :
l’un des cas observés a d’ailleurs supprimé les classements
reposant sur des jugements et des critiques (« top presse », « top
20 Entretien avec un/une responsable de TF1.
Joëlle FARCHY, Cécile MÉADEL, Arnaud ANCIAUX
tic&société – 10(2-3), 2016-2017
187
spectateurs »), pour ne conserver qu’un « top des ventes »21. Si ce
dispositif peut paraître particulièrement fruste, nos interlocuteurs
signalent que c’est grâce à cette présentation que se fait la plus
grande partie des actes de consommation (jusqu’à près de 80 %
des locations dans le cas de l’un des dispositifs, ou 90 % des
ventes sur le top 50 des nouveautés pour certains services de
VOD à l’acte). Sous cette forme simplifiée, la recommandation
aiguille le choix d’un grand nombre de consommateurs qui, plutôt
que de se laisser enfermer dans des recommandations qu’on lui
aurait faites, préfère savoir ce qu’aiment les autres pour se
positionner22.
Au final, la recommandation issue des internautes se fait dans
un silence paradoxal : les internautes « écoutent » ce que font
leurs pairs en matière d’achats, et non pas ce qu’ils « disent »
(contributions expressives ou étoiles) ; pour le dire autrement, les
comportements priment sur les opinions. Ce constat est exacerbé
dans les dispositifs de recommandation personnalisée.
2.3 Les atouts de la recommandation personnalisée
La recommandation personnalisée se retrouve dans la quasi-
totalité des dispositifs étudiés, selon des degrés de précision et de
lien avec les contenus initialement consultés qui varient. Les
métadonnées, qu’elles soient ou non visibles pour les utilisateurs
du dispositif, servent à réaliser des propositions en lien avec
l’intérêt manifesté au travers de la consultation d’un contenu. Elles
peuvent s’appuyer sur le genre, les acteurs, les réalisateurs, les
époques, etc., et se présentent sous la forme d’espaces introduits
par des éléments de catégories et de genres, ou des
interpellations comme « vous aimerez aussi » ou « à voir
également ». Les comportements sont révélés sur la base des
données à caractère personnel récoltées au sein ou autour du
dispositif. Dans un premier temps, il s’agit d’inciter le
consommateur à déclarer un certain nombre d’éléments (données
21 Entretien avec un/une responsable d’Orange.
22 Idem.
Une question de comportement. Recommandation des contenus
audiovisuels et transformations numériques
188
à caractère objectif, comme l’âge, le sexe, l’identité civile, la
composition du foyer, ou à caractère subjectif, comme des
préférences de contenus, de genres, etc.) afin qu’il organise par
lui-même une partie de sa consommation, et ce, dès l’entrée dans
le dispositif, nécessitant généralement une inscription. Des
réponses à quelques questions permettant d’établir des
segmentations de la consommation peuvent être obtenues de
manière ludique et rapide (par exemple, Netflix propose un simple
choix d’images, 6Play offre de choisir des préférences plus larges,
aboutissant rapidement aux contenus existants). Dans un second
temps, des données sont récoltées grâce à l’observation des
parcours de consommation afin de déterminer des comportements
attribuables au consommateur, à différents membres du foyer, etc.
Les dispositifs étudiés varient de manière importante, certains,
comme Canal+, ne demandant aucune information déclarative
directement au consommateur. D’autres, comme Orange,
recueillent beaucoup de données sur les usages, mais ne
construisent que peu de données de profil (entendues au sens où
aucune préférence n’est demandée aux utilisateurs sur leurs
genres favoris) : la recommandation est alors « diffuse »23.
Plusieurs de nos interlocuteurs estiment que la logique d’un
suivi des consommateurs pourrait s’avérer contre-productive si elle
aboutissait à briser la confiance et l’image du groupe, sur un sujet
devenu grand public. L’observation des dispositifs concernés
souligne d’ailleurs un relatif effacement d’une personnalisation qui,
si elle se donne comme objectifs de satisfaire le consommateur
intéressé et de répondre à des impératifs du dispositif, ne doit pas
être perçue comme une modalité de surveillance.
Pour fournir des recommandations, même sous une forme
algorithmique, les dispositifs doivent opérer une qualification
préliminaire des contenus et des utilisateurs qui ne peut être
intégralement automatisée. Figure d’abord la catégorisation,
généralement effectuée par genres avec des degrés de granularité
fort divers, regroupant nouveautés et derniers ajouts et reposant
23 Entretien avec un/une responsable d’Orange.
Joëlle FARCHY, Cécile MÉADEL, Arnaud ANCIAUX
tic&société – 10(2-3), 2016-2017
189
sur un certain nombre de mots-clés et métadonnées. La
qualification des contenus fait l’objet pour Netflix d’une intense
activité en interne difficile à appréhender pour le chercheur. Pour
d’autres acteurs, la production des métadonnées pour catégoriser
les contenus est l’objet d’une spécialisation : l’entreprise
Plurimédia propose ainsi l’élaboration de guides numériques,
fournissant images et vidéos, bandes-annonces, résumés dans
des formats compatibles avec les dispositifs des entreprises
audiovisuelles. Les informations en provenance d’AlloCiné
proposent des métadonnées formatées et « transportées
techniquement » au sein des dispositifs parmi d’autres
métadonnées par un service comme celui proposé par
Plurimédia24. La production et la gestion de ces données font très
largement l’objet d’une sous-traitance ou de relations complexes.
Ainsi, Plurimédia entretient des liens avec le moteur développé par
l’entreprise Spideo, lui-même intégré dans le dispositif CanalPlay.
Ensuite, la recommandation personnalisée fondée sur l’analyse
détaillée des comportements des internautes se révèle
particulièrement efficace. Comme le résume Dominique Cardon
(2015) : « La logique algorithmique colle à ce que font les individus
en considérant, de façon très conservatrice, qu’ils sont rarement à
la hauteur de leurs désirs. En préférant les conduites aux
aspirations, les algorithmes nous imposent ce réalisme efficace »
(p. 70). La recommandation personnalisée fait sienne un constat
traditionnel des études d’audience (Méadel, 2010) selon lequel
existe un écart entre ce que les consommateurs déclarent aimer et
ce qu’ils regardent en fait. Aimer un contenu, vouloir qu’il existe et
soit diffusé ne conduit pas nécessairement à le regarder.
Les entretiens réalisés nous ont permis de mettre en lumière
l’importance d’une autre source d’efficacité de cette forme de
recommandation. Comme nous l’ont expliqué des responsables de
plates formes, l’objectif est de pousser des contenus vers le
24 Entretien avec un/une responsable de Plurimédia.
Une question de comportement. Recommandation des contenus
audiovisuels et transformations numériques
190
consommateur, ce dernier ne pouvant obtenir du catalogue
suffisamment de contenus l’intéressant a priori 25.
L’efficacité de la recommandation personnalisée repose sur le
fait qu’elle permet de résoudre le paradoxe de l’incomplétude de
l’offre, c’est-à-dire de la finitude des catalogues face à la promesse
d’une offre numérique illimitée. En effet, bien que les discours
marketing développés autour du lancement des services de vidéos
numériques à partir des années 2000 aient promu l’idée que les
consommateurs allaient avoir accès à tous les contenus les
intéressant, au moment et à l’endroit qu’ils souhaitaient,
paradoxalement, les offres de vidéos à la demande, et notamment
celles sur abonnement, sont construites sur des catalogues de
droits limités (en raison de la concurrence, d’accords partiels avec
les détenteurs des droits, des logiques d’exclusivité, de certaines
réglementations, etc.). Dès lors, la recommandation personnalisée
limite l’attention et la recherche du consommateur aux seules
préférences correspondant aux droits détenus par l’opérateur du
dispositif.
L’enjeu peut être résumé par un exemple simple : imaginons un
consommateur ayant un intérêt marqué pour mille films dans
l’absolu et une plateforme sur abonnement qui possède des droits
pour cent de ces films seulement. Si le consommateur cherche par
lui-même les films qui l’intéressent, il risque d’être déçu neuf fois
sur dix (il ne trouvera pas les neuf cents films qui l’intéressent et
dont la plateforme ne détient pas les droits), ce qui suscitera un
sentiment d’insatisfaction. L’enjeu pour la plateforme est donc, à
catalogue constant, de lui proposer l’un après l’autre chacun des
cent films l’intéressant pour lesquels elle possède les droits. Dans
les deux cas, avec ou sans recommandation personnalisée, le
nombre de films à la fois intéressants et accessibles, l’utilité
absolue pour le consommateur, reste identique, mais sa
perception peut en être changée dans le second cas. Autrement
dit, la recommandation doit permettre d’organiser le décalage,
suffisamment important pour provoquer une sortie du dispositif,
25 Entretien avec un/une responsable d’Orange.
Joëlle FARCHY, Cécile MÉADEL, Arnaud ANCIAUX
tic&société – 10(2-3), 2016-2017
191
entre la promesse que le consommateur pourra trouver tout ce
qu’il souhaite et le constat que le catalogue ne peut répondre qu’à
une partie déterminée et limitée de ses souhaits.
Conclusion : restructurations des marchés et
renouvellement des métiers
Alors que jamais n’a été disponible une telle profusion de
contenus audiovisuels, les acteurs historiques du secteur se
retrouvent aux marges d’une vaste restructuration des marchés
dans laquelle les dispositifs de recommandation apparaissent
centraux. Ce n’est pas le moindre des paradoxes des évolutions
en cours. Chacune à leur manière, les diverses formes de
recommandation posent en effet aux opérateurs de mise à
disposition de contenus audiovisuels en ligne de nouveaux défis
qui nécessiteront de tester des formes de différenciation
concurrentielle.
Des recommandations éditoriales marginalisées dans un
monde délinéarisé et individualisé
La construction de la recommandation éditoriale est le
prolongement direct, presque naturel, de l’une des fonctions
traditionnellement attachées aux chaînes de télévision linéaire, à
savoir la maîtrise des mécanismes de programmation, visant à
rassembler le plus grand nombre de téléspectateurs autour d’un
contenu pendant une période donnée (dans le cas de la vidéo
commerciale gratuite financée par la publicité) ou à augmenter la
satisfaction des téléspectateurs à l’égard des contenus proposés
(dans le cas de la vidéo payante). Dans le marché de l’audiovisuel,
c’était traditionnellement le travail des chaînes que de guider le
choix du consommateur mis en ordre, le nom était bien choisi, par
des « grilles de programme », avec une hiérarchisation temporelle
entre les périodes (prime time, week-end, matinée, jours fériés,
etc.), des spécificités horaires ou des distinctions entre les
programmes.
La délinéarisation, qui englobe le libre choix de l’horaire, du
programme, de la manière de consommer (intégrale/partielle,
Une question de comportement. Recommandation des contenus
audiovisuels et transformations numériques
192
accélérée/ralentie, interrompue/continue) et du support (téléviseur,
ordinateur, téléphone, tablette) bouscule cet ordre et rouvre les
manières dont s’opère la rencontre entre offre et demande. De la
maîtrise de la programmation de plages horaires avec des
contenus particuliers, la création de rendez-vous reconnus par les
consommateurs, et l’éventuelle recherche d’un cumul d’audience
valorisé sur le marché publicitaire, la fonction des acteurs se
déplace – au moins en partie – vers la constitution, la gestion et la
promotion d’un catalogue de vidéos, disponibles pendant un
temps, d’une longueur définie, et susceptibles ou non
d’exclusivités.
La recommandation éditoriale reste le cœur de métier des
opérateurs historiques ainsi qu’une forme de recommandation
particulièrement valorisée par des pure players indépendants de
l’Internet. Cependant, les tentatives de renouvellement des
entreprises, qui les conduisent à chercher à tâtons les meilleures
manières de susciter de l’intérêt et de faire la différence, reflètent
l’apparente contradiction entre le principe même de la
recommandation éditoriale et le monde délinéarisé et individualisé
dans lequel ces dispositifs s’inscrivent. Sans être amenée à
disparaître, la recommandation éditoriale est appelée à se
renouveler profondément ; en effet, de nouvelles formes de
recommandation émergent, contributives ou personnalisées, a
priori plus adaptées au nouvel environnement numérique.
Des recommandations contributives qui échappent aux
entreprises audiovisuelles
Les dispositifs étudiés dans le cadre de cet article montrent que,
contrairement aux attentes suscitées, les dispositifs de
recommandation contributive, lorsqu’ils sont proposés par les
opérateurs, sont en réalité peu mobilisés par les internautes (voir
supra). Une grande partie de l’activité de contribution de ces
derniers échappe en effet aux entreprises du secteur, en se
déployant dans des espaces personnels ou collaboratifs propres :
blogues d’amateurs, pages Facebook autour d’un contenu, sites
de partage, collectifs d’échange, de sous-titrages, forums de fans,
etc. (Béliard, 2016.) Les opérateurs de mise à disposition de
Joëlle FARCHY, Cécile MÉADEL, Arnaud ANCIAUX
tic&société – 10(2-3), 2016-2017
193
programmes sont donc condamnés à importer des contributions
effectuées auprès d’acteurs extérieurs spécialisés.
Cette forme d’externalisation, assumée par certains de nos
interlocuteurs, leur pose cependant des problèmes de dépendance
par rapport aux prestataires techniques ou aux réseaux sociaux
comme Facebook. Un relatif abandon d’une partie de la
connaissance et des rapports aux consommateurs au profit
d’autres acteurs favorise de nouvelles formes de compétition.
Ainsi, différents espaces d’échange sur les contenus audiovisuels
et cinématographiques développent une concurrence pour
l’attention directe. Autrement dit, les entreprises audiovisuelles
voient leurs fonctions se limiter de plus en plus à la gestion d’un
catalogue de contenus, tandis que les choix, la détermination des
préférences et des qualités se font ailleurs.
Des recommandations comportementales en débat
Les recommandations autoentretenues, bien que relativement
efficaces pour aiguiller les choix des internautes (voir supra), se
révèlent particulièrement frustes et peu susceptibles de renouveler
les modèles économiques du numérique.
La recommandation personnalisée algorithmique, au cœur de
propositions ciblant les habitudes des consommateurs et
historiques de consultation, malgré son efficacité, entraîne au
contraire de grandes transformations et suscite un certain nombre
d’interrogations. Parmi celles les plus usuellement formulées, on
trouve l’idée de l’enfermement du consommateur dans ses
habitudes. Ce risque de « bulle » (filter bubble) (Pariser, 2011) fait
débat depuis les premiers travaux sur le sujet (Fleder et
Hosanagar, 2009). Depuis bien longtemps, les capacités du web à
confronter les internautes à des opinions divergentes, ou, pour le
dire en d’autres termes, à contribuer à nourrir un espace public
habermassien, fait question (Turkle, 1997 ; Sustein, 2001). Le
même reproche est régulièrement fait à Facebook, accusé de
fermer la fenêtre des internautes sur le monde en réduisant leur
univers de choix et de relations. Bakshy, Messing et Adamic
(2015) ont confirmé cette tendance à l’homophilie pour le réseau
social à propos des opinions politiques. Ainsi, si l’on suit cette
Une question de comportement. Recommandation des contenus
audiovisuels et transformations numériques
194
approche controversée sur la bulle, l’algorithme ne ferait au mieux
que renforcer le comportement des internautes : leur propension à
ne fréquenter que des objets, des personnes, des idées conformes
à leurs propres goûts et opinions ; et leur rejet du nouveau, du
différent, de l’inconnu.
Dans le domaine de l’audiovisuel, le risque d’enfermement
pourrait aller jusqu’à la caricature consistant à proposer à chacun
sa propre chaîne adaptée à ses goûts selon ses choix antérieurs.
Dans ce cas, l’enjeu est celui de la diversité culturelle et d’une
économie façonnée par une logique de la demande plutôt que par
une logique de l’offre. Les propos du président du CSA illustrent
cette crainte :
« L’algorithme présente certains risques : outre bien sûr le profilage,
l’enfermement dans ses propres goûts au détriment de la découverte, la
tentation de manipulations destinées à favoriser les œuvres produites par
l’éditeur, voire, perspective particulièrement inquiétante, aujourd’hui encore
utopique, la menace d’une standardisation de la création qui serait dictée par les
attentes du public. Ces risques pour la diversité culturelle peuvent toutefois être
atténués si les algorithmes ne sont pas exclusivement centrés sur les données
fournies par les consommateurs, mais inspirés par les caractéristiques des
œuvres proposées, par un travail sur les métadonnées associées à ces
œuvres »26.
Cependant, le rôle de l’algorithme dans l’enfermement et la
constitution d’un « entre soi » mérite d’être nuancé. Le marché n’a
pas attendu les algorithmes pour être à l’écoute des attentes du
public, et l’impact du réseau ou de la reproduction sociale sur les
pratiques de chaque individu est un débat que les travaux
pionniers de Pierre Bourdieu n’ont toujours pas épuisé. De plus,
l’impérieuse obligation pour l’offre de se renouveler sous peine de
lasser conduit à des recommandations en devenir centrées sur
des propositions de « découvertes » afin de pousser le spectateur
hors de ses sentiers trop connus.
Au vu des dispositifs étudiés dans le cadre de cet article, plus
que le risque d’enfermement, le problème le plus important posé
26 Allocution d’Olivier Schrameck, Président du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, au
Forum de Tokyo. 2 décembre 2014.
Joëlle FARCHY, Cécile MÉADEL, Arnaud ANCIAUX
tic&société – 10(2-3), 2016-2017
195
par la recommandation algorithmique semble plutôt lié à l’absence
de savoir-faire et à la perte de la relation client que ce nouvel outil
induit pour les acteurs impliqués dans la mise à disposition de
contenus. Les recommandations comportementales étudiées sont
au cœur des stratégies des acteurs du numérique pour acquérir,
gérer et valoriser les données personnelles (Anciaux et Farchy,
2015). La plus importante chaîne privée française, TF1, a signé en
2013 un accord de partenariat avec le réseau social Facebook afin
de bénéficier des données et des outils dédiés au suivi et à
l’analyse des conversations des internautes sur les programmes
de la chaîne. De la même façon, le New York Times ou la BBC
n’ont pas accès aux données sur leurs propres contenus circulant
sur le réseau social. Tandis que ces opérateurs de contenus
travaillent « à l’aveugle », de nouveaux métiers apparaissent
précisément centrés sur l’analyse de plus en plus sophistiquée des
comportements d’usagers. La menace sur la diversité culturelle
proviendra peut-être moins de la toute-puissance des algorithmes
que de l’éventuel pouvoir oligopolistique qu’un petit nombre
d’acteurs maîtrisant les données de comportements des
consommateurs pourraient construire.
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