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Depuis 2011, le fret ferroviaire entre la Chine et l’Europe s’est rapidement développé, et a connu une relance spectaculaire avec le projet Belt and Road Initiative. On assiste aujourd’hui à une rapide expansion des volumes, des services proposés, le tout accompagné par la définition et la mise en œuvre de nouvelles infrastructures ferroviaires, en Russie, en Chine, vers l’Asie du Sud-Est, l’Iran ou le Pakistan. Ce développement, qui doit être nuancé, constitue-t-il un outil stratégique pour la Chine ?
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Lasserre, Frédéric; Huang. L. et Mottet, É. (2018). Nouvelles liaisons ferroviaires transasiatiques : un
succès commercial et économique? Politique étrangère, 2018-1, 119-131.
Nouvelles liaisons ferroviaires transasiatiques : une entreprise
stratégique?
Frédéric Lasserre
Département de géographie, Université Laval
Directeur du Conseil québécois d’Études géopolitiques
Linyan Huang
Candidate au doctorat, Département de géographie, Université Laval
Éric Mottet
Département de géographie, Université du Québec à Montréal
Co-directeur du Conseil québécois d’Études géopolitiques
Résumé : Depuis 2011, on observe un rapide développement de liaisons ferroviaires de
transport de fret entre la Chine et l’Europe. Entamée à l’initiative, à l’époque, de la
Deutsche Bahn, cette initiative commerciale s’est, contre toute attente, rapidement
développée : les couples origine-destination se sont multipliés, le nombre de trains a connu
une augmentation rapide, et les ambitions des partenaires chinois comme européens sont
élevées. Certes, le rail dispose d’une part de marché du fret transasiatique encore faible.
Les projets de développement de liaisons ferroviaires pour le fret transasiatiques ont
cependant connu une relance spectaculaire avec l’avènement du projet Belt and Road
Initiative. Alors que peu d’experts estimaient crédible le développement de services
ferroviaires de fret entre la Chine et l’Europe, on assiste aujourd’hui à une rapide expansion
des volumes, des services proposés, le tout accompagné par la définition et la mise en
œuvre de construction de nouvelles infrastructures ferroviaires, en Russie, en Chine, vers
l’Asie du Sud-est, l’Iran ou le Pakistan. Ce développement, à nuancer, constitue-t-il un
outil politique pour la Chine?
Depuis 2011, on observe un rapide développement de liaisons ferroviaires de
transport de fret entre la Chine et l’Europe. Entamée à l’initiative, à l’époque, de la
Deutsche Bahn, cette initiative commerciale s’est, contre toute attente, rapidement
développée : les offres de service entre ville d’origine d’un convoi et ville de destination
(couples origine-destination) se sont multipliés, le nombre de trains a connu une
augmentation rapide, et les ambitions des partenaires chinois comme européens sont
élevées.
Lasserre, Frédéric; Huang. L. et Mottet, É. (2018). Nouvelles liaisons ferroviaires transasiatiques : un
succès commercial et économique? Politique étrangère, 2018-1, 119-131.
Certes, le rail dispose d’une part de marché du fret transasiatique encore faible : il
représente1% environ des exportations de la Chine (2014); la Chine aimerait le faire passer
à 5 à 7% en 2020 et à 25% des exportations provenant de l’ouest et du centre de la Chine1.
En 2017, 28 villes chinoises et 29 européennes sont reliées par de tels services ferroviaires.
On relève le transport de 40 000 conteneurs entre Chine et Allemagne en 2017: ce chiffre
peut paraitre important, mais c’est à relativiser : c’est l’équivalent de 3 navires porte-
conteneurs.
Cette évolution très rapide, que peu d’experts avaient prévue2, reflète la conjonction de
plusieurs facteurs politiques et commerciaux. Ceux-ci permettent-ils d’affirmer que le
commerce Asie-Europe verra une part non-négligeable de son volume transiter par le rail ?
1. Un activisme ferroviaire chinois
Le développement de ces liaisons commerciales n’est pas limité aux échanges entre
Europe de l’Ouest et la Chine : des liaisons sont également établies vers la Russie, vers
l’Iran, et la Chine souhaite également développer des services ferroviaires en direction de
l’Asie du Sud-est. Si des projets de construction de nouvelles voies existent, on y viendra,
ces services reposent donc sur le réseau existant.
La majorité des couples origine-destination est exploitée à travers la ligne Lan-Xin et
la gare de transbordement frontalière d’Alashantou; une moindre proportion passe par le
TransMandchourien ou le Transmongolien. Les services ferroviaires vers l’Iran demeurent
encore rares et passent, eux aussi, par Alashantou pour bifurquer vers le sud à travers le
réseau ferré centre-asiatique.
Ces liaisons mobilisent donc des réseaux existants, parfois relativement anciens : ainsi pour
le Transsibérien (1916), le TransMandchourien (1903) ou le TransMongolien (1961) pour
la route du nord; la route centrale passe par la ligne Lan-Xin, Lanzhou-Urumqi complétée
en 1962, prolongée d’Urumqi à Alashantou en 1990 avec une voie unique, pour se
connecter à l’époque à l’URSS à Druzhba/Dosty (1990). Le service actuel transite ensuite
à travers le Kazakhstan sur le réseau ex-soviétique via Astana.
La Chine entend bien compléter et moderniser ce réseau, parfois insuffisant pour faire face
à une augmentation importante du réseau. Outre la possibilité de doubler les tronçons en
voie unique et d’achever l’électrification du réseau, plusieurs chantiers ont été récemment
menés à bien ou entamés. Ainsi, vers l’ouest :
1 Smith, K. (2017). China-Europe rail freight continues to soar. Rail Journal, 18 avril ,
www.railjournal.com/index.php/freight/china-europe-rail-freight-continues-to-soar.html, c. le 21 sept. 2017.
2 Ainsi, Jérôme Le Roy reconnait, après son analyse sur la réorganisation des liaisons ferroviaires en Asie
centrale, n’avoir pas entrevu la montée en puissance de liaisons commerciales de bout en bout. Le Roy, J.
(2004). La route ferroviaire de la soie. Un pont terrestre eurasiatique par l’Asie centrale ? dans Hervouet,
Gérard; Juneau, Thomas et Lasserre, Frédéric (dir.), Asie centrale et Caucase: une sécurité mondialisée,
Presses de l’Université Laval, Québec. Communication avec l’auteur, 19 sept. 2017.
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succès commercial et économique? Politique étrangère, 2018-1, 119-131.
La ligne Jinghe Yining Khorgos (286 km), terminée en décembre 20093. La
ligne est électrifiée de Jinghe à Yining. En décembre 2011, une voie ferrée de
293 km entre Khorgos et Zhetigen, près d'Almaty, a été achevée4, permettant la
connexion au réseau kazakh.
La ligne ferroviaire à grande vitesse (LGV, 250 km/h en vitesse commerciale)
Lanzhou–Urumqi (1 776 km), achevée en 2013, destinée au transport mixte
passagers et fret.
La construction d’une voie à grande vitesse vers l’Asie du sud-est est prévue : le chantier
de la voie ferrée Kunming-Vientiane a débuté en décembre 2016. Le projet prévoyait
initialement une voie métrique, conforme à l’écartement prévalant en Asie du sud-est, mais
la ligne en construction sera à écartement standard comme en Chine (1,435 m).
Enfin, des projets ont été conclus pour la construction de nouvelles infrastructures. On peut
mentionner :
Le projet de ligne LGV Urumqi – Téhéran, accord signé en novembre 20155.
Le projet de LGV Moscou Kazan, avec participation chinoise mais écartement
russe (1,52 m), signé en 2015, dans le cadre du vaste projet de LGV Moscou-
Beijing décidé en 20146. Les travaux devraient débuter en 20187.
Le projet de liaison ferroviaire Kashgar Karachi Gwadar au Pakistan, à travers
notamment le Cachemire disputé entre Inde et Pakistan. Le projet fait partie du
programme China-Pakistan Economic Corridor (CPEC). A court terme, la
coopération sino-pakistanaise se concentre plutôt sur la modernisation du réseau
pakistanais8.
3 "新疆首条电气化铁路-精伊霍铁路18日正式通车运营", 18 décembre 2009, www.gov.cn/jrzg/2009-
12/19/content_1491194.htm, c. le 22 sept. 2017.
4 TengriNews, Zhetygen-Korgas railroad to start operating on December 9, 5 déc.,
https://en.tengrinews.kz/industry_infrastructure/Zhetygen-Korgas-railroad-to-start-operating-on-December-
9-5981/, c. le 22 sept. 2017.
5 China Daily, New rail route proposed from Urumqi to Iran, 21 nov. www.chinadaily.com.cn/china/2015-
11/21/content_22506412.htm, c. le 21 sept. 2017; Dominguez, G. (2017). China seeking to link Iran to its
New Silk Road. DW, 15 déc., www.dw.com/en/china-seeking-to-link-iran-to-its-new-silk-road/a-18917586,
c. le 21 sept. 2017.
6 Sonne, Paul (2015). China to Design New Russian High-Speed Railway. Wall Street Journal, 19 juin 2015,
https://www.wsj.com/articles/china-to-design-new-russian-high-speed-railway-1434729400, c. le 8 oct.
2017; Russia Today (2015) Russia & China to invest $15bn in high-speed rail link from Moscow to Kazan.
Russia Today. 1er septembre 2015, c. le 8 oct. 2017, https://www.rt.com/business/314003-russia-china-
railways-putin/; Russia Briefing (2017), Will the Moscow-Kazan High Speed Train Route Connect Through
To Beijing?, 6 mars 2017, https://www.russia-briefing.com/news/will-moscow-kazan-high-speed-train-
route-connect-beijing.html/, c. le 8 oct. 2017.
7 Railway Pro (2017), Moscow-Kazan high speed rail construction to be launched in 2018, 17 août 2017,
http://www.railwaypro.com/wp/moscow-kazan-high-speed-rail-construction-launched-2018/, c. le 8 oct.
2017.
8 Site gouvernemental pakistanais China-Pakistan Economic Corridor, http://cpec.gov.pk/progress-update, c.
le 25 sept. 2017.
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succès commercial et économique? Politique étrangère, 2018-1, 119-131.
Sur le plan commercial, les projets de développement du transport ferroviaire
transasiatique ne sont pas nouveaux, on va le voir. Ce qui l’est davantage, c’est la mise sur
pied de services réguliers offrant des liaisons de bout en bout de Chine à l’Europe. En 2008,
une démonstration a été réalisé sur la liaison BeijingHambourg à l'initiative de la Deutsche
Bahn; ce service avait été abandonné suite à la crise financière. L’expérience a été reprise
en avril 2011 sur une liaison Chongqing-Duisbourg, 10 300 km parcourus en 16 jours, à
l’initiative d’un partenariat, Trans-Eurasia Logistics, entre la Deutsche Bahn, la
Kazakhstan Temir Joly (KTZ), la China Railway Corporation et la Compagnie des chemins
de fer russes (Российские железные дороги, RZD).
Fig. 1. Liaisons ferroviaires de la Belt and Road Initiative : réseau actuel et projets de
construction de voies ferrées
2. Une idée pas si neuve...
Si ces projets sont aujourd’hui communément décrits comme relevant du grand dessein
chinois de nouvelle route de la soie, « Une ceinture, une route »/ « One Belt, one road »/
« », lancé en 2013, en réalité ils sont promus depuis bien plus longtemps.
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L’idée de développer des infrastructures ferroviaires (et/ou routières) permettant la
connexion entre Europe et Asie remonte à 1959, lorsque la Commission
économique et sociale des Nations unies pour l’Asie et le Pacifique (UNESCAP)
et son homologue pour l’Europe, l’UNECE, proposent la création d’un « Réseau
de chemin de fer transasiatique »9, ou Trans-Asian Railway, un projet toujours en
vigueur et relancé en 2006 par l’accord sur le Réseau de chemin de fer
transasiatique, signé en 2006 par 17 États asiatiques sous l’égide de l’UNESCAP
et de l’UNECE.
En 1993, l’Union européenne propose le projet TRACECA, Transport Corridor
Europe-Caucasus-Asia, projet qui aboutit à la signature du Multilateral Agreement
on International Transport pour le développement des initiatives de transport entre
l’UE, le Caucase et l’Asie centrale. La Chine n’est pas incluse dans cet accord-
cadre. Le secrétariat permanent de TRACECA a été établi en mars 2000 à Bakou.
En 1996, l’Union européenne lance une réflexion pour une politique ferroviaire
européenne commune, RTET Réseau transeuropéen de transport. Le projet a pour
ambitions de faciliter le développement des échanges, en particulier par
l’interopérabilité complète des différents réseaux constitutifs, et permettre ainsi la
création d’un véritable marché unique, d’augmenter la part modale des modes de
transport les plus respectueux de l’environnement et d’accélérer l’intégration des
nouveaux pays membres. RTET a joué un rôle catalyseur dans l’unification des
procédures de transport en Europe, tout d’abord, puis dans le développement de
normes communes permettant l’avènement des lignes eurasiatiques.
En 1998, la Conférence eurasiatique sur les transports, réunie à Saint-Pétersbourg
sur une initiative russe, souligne l’intérêt de la Russie pour le développement de
liaisons transasiatiques dont les chemins de fer russes seraient la cheville ouvrière.
En 2006, l’ OCDE, via la Conférence européenne des ministres des Transports
(CEMT), publie une réflexion sur les liaisons de transport Europe-Asie10.
En 2011 est mis sur pied, avec l’appui de nombreux bailleurs de fonds
internationaux (Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement,
Banque Asiatique de Développement, Banque Islamique de Développement, FMI,
Banque mondiale, PNUD), le Programme multinational de coopération
économique pour l’Asie centrale (CAREC 2020 (Central Asia Regional Economic
Cooperation) qui regroupe la Chine, les républiques d’Asie centrale, l’Afghanistan,
la Mongolie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie. Le programme cherche notamment à
favoriser le développement de corridors de développement.
9 Fedorenko, V. (2013). The New Silk Road Initiatives in Central Asia. Rethink Paper 10, Rethink Institute,
Washington, DC; Perelman, R. (2015). Entre Asie et Europe, les Routes ferrées de la soie. Asie 21,
https://www.asie21.com/2015/09/30/entre-asie-et-europe-les-routes-ferrees-de-la-soie/, c. le 15 sept. 2017.
10 OCDE/CEMT (2006). Les Liaisons de transport entre l’Europe et l’Asie. Paris : OCDE, 85 p.
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En 2011, les ÉtatsUnis lancent leur Stratégie de la nouvelle route de la soie (US
New Silk Road Strategy), dont le but implicite était de structurer le voisinage de
l’Afghanistan alors que Washington planifiait sa sortie de guerre11.
L'« Initiative de l'Eurasie » (Eurasia Initiative) du gouvernement coréen de la
présidente Park Geun-hye ambitionne de développer des réseaux de transport et
logistiques couvrant l'Asie et l'Europe pour renforcer la coopération économique
entre ces régions et jeter les bases de la réunification de la péninsule coréenne12.
Et finalement, en septembre 2013 le président chinois Xi Jinping lançait le projet
One Belt, One Road (OBOR), doté de deux composantes (Silk Road Economic
Belt, SREB, et Maritime Silk Road, MSR), lors d’un discours au Kazakhstan. Le
projet OBOR est désormais appelé Belt and Road Initiative, Initiative pour les
Ceintures et les Routes, afin de souligner la multiplicité des itinéraires possibles. A
la différence de nombre d’initiatives précédentes, la Chine étaye son projet avec
des fonds importants : la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures
(Asian Infrastructure Investment Bank, ou AIIB) est annoncée en octobre 2014,
avec un capital de 100 milliards $13; tandis qu’en novembre est dévoilé le Silk Road
Fund, doté de 40 milliards $14.
Ainsi, contrairement à une idée bien ancrée, la Chine n’est pas à l’origine des projets de
transports ferroviaires transasiatiques, ni sur le plan conceptuel, sur en matière d’initiative
commerciale puisque c’est la DB qui a conçu le premier train Chine-Allemagne. Mais la
concrétisation du projet est bien une œuvre chinoise.
3. De l’effet d’annonce au trafic régulier : avantages commerciaux et économiques de
la route de la soie ferroviaire
3.1. L’essor d’une offre diversifiée
Compte tenu des distances entre le centre de la Chine et l’Europe occidentale (plus de
11 000 km), les services existants sur le marché proposent à l’heure actuelle des trains blocs
qui effectuent le parcours entre 14 et 18 jours, soit une durée inférieure d'environ 15 jours
au transport maritime entre Chine et l'Europe. Cet avantage en termes de temps de transport
est utile pour les marchandises sensibles au coût de ce transport, ou pour optimiser des flux
tendus et réduire des stocks coûteux: textiles; électronique; pièces automobiles. On observe
11 Rosenberger, L. (2017). The Rise and Fall of America’s New Silk Road Strategy. EconoMonitor, 12 mai,
www.economonitor.com/blog/2017/05/the-rise-and-fall-of-americas-new-silk-road-strategy/, c. le 21 sept.
2017.
12 Ministère des Affaires Étrangères de Corée du Sud (MOFA) (nd), EurAsia Initiative. Séoul,
www.mofa.go.kr/ENG/image/common/title/res/0707_eurasia_bro.pdf, c. le 25 sept. 2017.
13 Weiss, Martin (2017). Asian Infrastructure Investment Bank (AIIB). Congressional Research Service,
Washington, DC, 7-5700, R44754, 3 février; https://fas.org/sgp/crs/row/R44754.pdf, c. le 7 nov. 2017.
14 Silk Road Fund (2015). About Us. www.silkroadfund.com.cn/enweb/23775/23767/index.html, c. le 7 nov.
2017.
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succès commercial et économique? Politique étrangère, 2018-1, 119-131.
cependant une diversification des produits expédiés (voir tableau 1), avec des produits
alimentaires, du bois, de la machinerie... La rentabilité des trains passe par la simplification
des opérations, donc l’offre de trains blocs pour limiter les transbordements; or ceux-ci
parviennent à obtenir de bons taux de remplissage dans le sens Chine-Europe, signe qu’il
existe une réelle demande. Ainsi, entre la Chine et la seule Allemagne, le trafic est passé
de 35 000 conteneurs en 2015; à 40 000 en 2017, et 100 000 sont prévus pour 2020. On
relevait 800 trains en 2014, 1 700 trains en 2016 sur les liaisons Chine-Europe15; 2 500
étaient prévus pour 2017, et le gouvernement chinois table sur 5 000 trains à moyen terme.
Un grand nombre de couples origine/destination sont désormais reliés par des liaisons
ferroviaires (voir tableau 1). Les services proposent des liaisons vers la Russie et l’Europe,
dans des temps variant entre 10 et 22 jours selon le trajet. L’essentiel de l’offre provient de
régions du centre de la Chine; les marchandises transportées sont principalement des
produits électroniques, de la machinerie, de petits électroménagers, soit des produits à
relativement haute valeur ajoutée.
Tableau 1 : Typologie de l’offre sur le marché des liaisons ferroviaires de fret entre Chine
et l’extérieur.
Region de
Chine
Nombre de services
offerts
Point de
passage à la
frontière
chinoise
du
trajet
Produits
Sud-ouest
5
Alashantou
jours
Ordinateurs,
électronique, textiles,
café
Centre
20
Alashantou
Erenhot
Manzhouli
Électronique,
machinerie,
informatique, petits
électroménagers, pièces
automobiles
Nord-ouest
8
Alashantou
Machinerie, pièces
automobiles, tapis,
produits agricoles
Sud-est
6
Alashantou
Manzhouli
Électronique,
machinerie, petits
électroménagers
Nord-est
6
Manzhouli
Électronique, pièces
d'automobiles,
machinerie
Au 1er sept. 2017. D’après Huang, Linyan et Frédéric Lasserre (2017). China’s new global transport
network, railway or waterway? A comparison of China’s Arctic shipping intention and freight train within
15 En.people.cn (2017). China-Europe freight train boosts European industrial growth, 6 juin,
http://en.people.cn/n3/2017/0606/c90000-9225007.html, c. le 19 sept. 2017.
Lasserre, Frédéric; Huang. L. et Mottet, É. (2018). Nouvelles liaisons ferroviaires transasiatiques : un
succès commercial et économique? Politique étrangère, 2018-1, 119-131.
One belt and One road strategy. Dans Liu Yungang (dir.), Towards New Political Geographies: Bridging
East and West. Beijing : China Review Academic Publishers, p.313-336.
3.2. Quels avantages économiques ces tracés ferroviaires présentent-ils ?
Ils disposent d’une réserve de productivité. En effet, le meilleur temps théorique pour un
trajet de 13 000 km est de 9 jours (à 60 km/h de moyenne). Il y a donc possibilité de bonifier
l’offre et de proposer des services plus rapides, la question étant de savoir à quel coût et
moyennant quels investissements. Inversement, les réserves de productivité pour le
transport maritime s’amenuisent, maintenant que les navires à très grande capacité (plus de
20 000 conteneurs) ont été lancés et que l’accroissement de la taille de ces navires ne pourra
être infini, compte tenu d’enjeux de sécurité de la structure même des navires16.
Certes, le rail offre des prix bien inférieurs à l’aérien (4 fois moins cher); il demeure
cependant plus cher que par mer (+100% à +30%, voire +6% selon O/D et selon les
estimations), mais les différences s’amenuisent (tableau 2). D’importantes subventions des
gouvernements provinciaux chinois permettent parfois de baisser les prix affichés17, mais
ces subventions sont variables dans le temps et instaurent aussi une vive concurrence entre
provinces. Il existe donc un débat pratique et scientifique sur le différentiel de coût de
revient entre le rail et le maritime. Il est certain que plus la ville d’origine se trouve à
l’intérieur du territoire chinois, plus le coût de la liaison par bateau se verra grevée par le
coût d’un segment terrestre pour rallier un port, pour renchérir le coût total de l’option
maritime.
Tableau 2. Différentiels de coût, liaison Chine-Europe. Coût par conteneur standard
Rail
Mer
Rodemann et
Templar 2014
Route nord
(TransSibérien)
2 500 euros
2 350 euros
Route centrale
(Lan-Xin)
3 250 euros
2 300 euros
Verny et Grigentin
2009
Transsibérien
1400-1800 US$
1800-2200 US$
Mooney 2016
Route centrale
Env. 3 500 $
720 $ Shanghai-
Rotterdam
Sources : Rodemann, H., & Templar, S. (2014). The enablers and inhibitors of intermodal rail freight between
Asia and Europe. Journal of Rail Transport Planning & Management, 4(3), 70-86 ; Verny, J., & Grigentin,
C. (2009). Container shipping on the northern sea route. International Journal of Production Economics,
122(1), 107-117; Mooney, T. (2016). New Asia-Europe rail services added amid weak ocean rates. JOC, 31
16 Tourret, P. (2007). Conteneurs et porte-conteneurs : nouvel enjeu de la sécurité maritime. Notes de
l’ISEMAR 99, www.isemar.fr/wp-content/uploads/2016/11/note-de-synthese-isemar-99.pdf, c. le 16 sept.
2017.
17 Huang, Linyan et Frédéric Lasserre (2017). China’s new global transport network, railway or waterway?
A comparison of China’s Arctic shipping intention and freight train within One belt and One road strategy.
Dans Liu Yungang (dir.), Towards New Political Geographies: Bridging East and West. Beijing : China
Review Academic Publishers, p.313-336.
Lasserre, Frédéric; Huang. L. et Mottet, É. (2018). Nouvelles liaisons ferroviaires transasiatiques : un
succès commercial et économique? Politique étrangère, 2018-1, 119-131.
mai, https://www.joc.com/rail-intermodal/international-rail/asia/china-europe-rail-routes-continue-add-
services_20160531.html, c. le 18 sept. 2017.
Les avantages de ces services ferroviaires sont multiples aux yeux du gouvernement
central et des gouvernements provinciaux chinois. Elles permettent de mettre en valeur des
sites de production dans les provinces de l’intérieur de la Chine, ces sites de production
ayant longtemps été fortement désavantagés du fait du goulot d’étranglement majeur que
représentaient les services de transports chinois vers les ports de la façade Pacifique.
Pour les entreprises, ces liaisons ferroviaires permettent d’envisager l’installation de sites
de production pour la réexportation, dans des localités de l’intérieur de la Chine,
bénéficiant ainsi de coûts moindres : main d’œuvre moins onéreuse que dans les provinces
côtières, coût du foncier, impôts locaux.
L’essor de ces nouvelles liaisons ferroviaires, couplé à la création de zones franches
intérieures, permet au gouvernement central de donner un nouveau souffle au plan de
développement de l’Ouest (China Western Development 西部大开, 1999), qui ne
semblait pas très efficace au vu du maintien du fort gradient de développement économique
entre provinces côtières et intérieures en Chine18. Ce projet de rééquilibrage économique
était un enjeu politique important car la légitimité du pouvoir, pour la Parti communiste,
réside désormais uniquement dans sa capacité à assurer la croissance et à la distribuer à
l’ensemble de la population. La pérennisation de fortes inégalités régionales représentait
de fait un risque politique.
Le développement de ces services ferroviaires permet aussi de développer des relations
commerciales plus rapides avec d’autres marchés : Asie centrale, Moyen-Orient, Asie du
Sud-est. Le développement de services ferroviaires et de nouvelles lignes de transport
s’inscrit dans les grands projets Belt and Road Initiative destinés à favoriser les échanges
commerciaux, avec bien évidemment des considérations d‘ordre politique également.
Enfin, ces grands projets de liaisons ferroviaires sont autant de chantiers potentiels pour
l’industrie ferroviaire chinoise en pleine expansion, sur le marché domestique assurément,
mais également à l’export19.
3.3.Quels facteurs ont permis l’avènement de tels services ?
18 J. Lamarre et F. Lasserre (2016). L’Asie du Nord-Est. Centre du monde du XXIe siècle ? Dans Klein, J.-L.
et Lasserre, F. (dir), Le monde dans tous ses États : une approche géographique. Québec, Presses de
l’Université du Québec, 3e éd., 359-405.
19 Paul Clerc-Renaud (2016). La mondialisation chinoise sur les rails. Lettre de Chine Hors les Murs 11,
Comité National des Conseillers du Commerce Extérieur de la France,
https://www.cnccef.org/TPL_CODE/TPL_PUBLICATION_INTERNET/PAR_TPL_IDENTIFIANT/2949/
46-publications.htm, c. le 14 sept. 2017.
Lasserre, Frédéric; Huang. L. et Mottet, É. (2018). Nouvelles liaisons ferroviaires transasiatiques : un
succès commercial et économique? Politique étrangère, 2018-1, 119-131.
Voici quelques années, imaginer le développement rapide de lignes commerciales
entre Chine et Europe était difficile. Cette expansion rapide repose sur la
conjonction de plusieurs facteurs.
Des avantages liés à la situation chinoise tout d’abord. On relève ainsi :
Un marché très important pour les transporteurs, avec le désir de
nombreuses entreprises de limiter l’augmentation importante des coûts des
unités de production situées dans les provinces côtières. L’attractivité de
localisations dans la Chine de l’intérieur s’est accru, au fur et à mesure du
renchérissement des coûts de production (main d’œuvre, foncier) dans les
provinces côtières et des investissements dans les infrastructures
ferroviaires de l’intérieur du territoire chinois, rendant possible la mise sur
pied de services ferroviaires fiables Nombre de gouvernements provinciaux
chinois appuient ces initiatives pour tenter d’attirer les investissements
étrangers et chinois sur leur territoire.
La présence de capital disponible : la Chine s’est enrichie et dispose
désormais de capitaux abondants pour investir massivement dans la mise
sur pied de services nouveaux, mais aussi dans la construction de nouvelles
infrastructures ferroviaires, grâce au Silk Road Fund (40 milliards $), à la
Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures (capital de 100
milliards $) et aux capitaux importants investis dans la modernisation du
réseau domestique chinois (12 milliards $ annoncés en 201220, 503
milliards $ annoncés en 201621).
La volonté réelle de relance de la construction des infrastructures en Chine
et à l’étranger, en partie pour compenser le ralentissement économique
depuis 2013 certes, mais aussi parce que la construction de ce réseau
moderne de transport constitue un atout pour développer les marchés en
Asie et jusqu’en Europe: il y a une ambition économique réelle de
modernisation du réseau ferroviaire, longtemps considéré comme inefficace
et représentant un frein au développement de l’intérieur du territoire.
La volonté de coopérer pour simplifier les procédures douanières : exemple
du Smart and Secure Trade Lanes Pilot Agreement avec la Russie, l’Union
européenne et les pays d’Asie centrale, négocié depuis 2006 et qui, par
étape, permet la mise sur pied de procédures douanières simplifiées22.
20 China Daily (2012), NDRC approves 75b yuan rail projects. 27 nov.,
www.chinadaily.com.cn/business/2012-11/27/content_15963231.htm, c. le 7 nov. 2017.
21 Bloomberg (2016), China Turns to $503 Billion Rail Expansion to Boost Growth, 26 déc.,
https://www.bloomberg.com/news/articles/2016-12-29/china-to-have-30-000-kilometer-high-speed-rail-
network-by-2020, c. le 7 nov. 2017.
22 Commission européenne (2016). Smart and Secure Trade Lanes Pilot (SSTL).
https://ec.europa.eu/taxation_customs/general-information-customs/customs-security/smart-secure-trade-
lanes-pilot-sstl_fr, c. le 25 sept. 2017; National Development and Reform Commission (2015). Vision and
Lasserre, Frédéric; Huang. L. et Mottet, É. (2018). Nouvelles liaisons ferroviaires transasiatiques : un
succès commercial et économique? Politique étrangère, 2018-1, 119-131.
L’inscription de ces projets dans le programme politico-économique Belt
and Road Initiative, lancé en 2013 sous le nom de One Belt, One Road : le
gouvernement chinois les soutient activement dans la mesure où ils
contribuent au renforcement de liens économiques et financiers forts avec
les pays voisins.
Des avantages spécifiques à l’Europe ont également favorisé l’essor de ces services :
La création de grands groupes de transport, capables de coordonner une
logistique complexe et de négocier avec Russes, Chinois et Kazakhs : ainsi,
les entreprises allemande Deutsche Bahn; française SNCF International, et
leurs nombreuses filiales DB Schenker, Geodis, Keolis...
Une réforme de la gouvernance du transport dans l’Union européenne, avec
l’avènement d’un marché unifié du fret (fonctionnant en open access)
facilitant l’essor de plateformes multimodales aux hinterlands dépassant les
frontières des États, et rompant ainsi le cloisonnement des marchés.
Un savoir-faire avéré dans la gestion du parc roulant et de la logistique
ferroviaires multinationale.
4. Des incertitudes commerciales
Le développement de l’expansion des échanges ferroviaires entre Chine et Europe,
Moyen-Orient et Asie du Sud-est répond au vœux du gouvernement chinois, et s’inscrit
dans des partenariats économiques qui semblent très attractifs pour les pays de la périphérie
chinoise, Laos, Thaïlande, Myanmar, Pakistan, Iran, ex-républiques soviétiques d’Asie
centrale, Russie. La poursuite de ce développement est-elle envisageable au même rythme
à moyen et long terme ? plusieurs contraintes commerciales, logistiques et techniques
seront à gérer.
Tout d’abord, les liaisons ferroviaires au long cours se heurtent souvent à des ruptures
de charge liées aux écartements différents. Si la Chine, l’Iran, l’Europe fonctionnement
avec l’écartement quasiment standard de 1,435 m, tel n’est pas le cas en Asie du Sud-est
(écartement métrique), en Russie et en Asie centrale (1,52 m), au Pakistan et en Inde (1,676
m). Chaque franchissement d’un point de rupture implique un transbordement des
conteneurs, ou un changement des essieux des wagons, ou encore l’ajustement de
l’écartement des roues pour les boggies à écartement réglable. Les solutions existent : elles
consomment du temps (plusieurs heures par convoi) et des infrastructures assez grandes
pour assurer la manutention des wagons ou des conteneurs. A ce titre, il n’est pas sûr que
les gares de Khorgos ou d’Alashankou puissent gérer efficacement un trafic en pleine
expansion. Outre l’enjeu politique et commercial de l’exportation des normes ferroviaires,
Actions on Jointly Building Silk Road Economic Belt and 21st-Century Maritime Silk Road. Ministry of
Foreign Affairs, et Ministry of Commerce of the People's Republic of China, with State Council authorization
2015/03/28; Beijing, http://en.ndrc.gov.cn/newsrelease/201503/t20150330_669367.html, c.le 17 mai 2016.
Lasserre, Frédéric; Huang. L. et Mottet, É. (2018). Nouvelles liaisons ferroviaires transasiatiques : un
succès commercial et économique? Politique étrangère, 2018-1, 119-131.
on mesure à quel point la construction de nouvelles voies ferrées aux normes chinoises
peut représenter un élément logistique favorisant la fluidité des services ferroviaires.
La circulation des trains sur des réseaux nationaux se heurte aussi aux différences de
normes de signalisation et de circulation : il faut changer les équipages et parfois les
motrices pour que les hommes comme les machines puissent interpréter les signaux et les
instructions des contrôleurs. Là encore, les trains circulent, mais accroître la fluidité du
service impose de chercher des solutions opérationnelles à ces ruptures techniques.
Certains segments ferroviaires risquent également d’atteindre rapidement la limite de leur
capacité : ainsi les segments Yining-Khorgos ou Urumqi-Alashankou, à voie unique,
risquent de constituer des goulots d’étranglement si le trafic poursuit sa croissance.
Le différentiel dans les prix offerts et la compétitivité face à la concurrence du transport
maritime, sachant que la modernisation du réseau domestique chinois va améliorer la
fiabilité et le coût des liaisons entre l’intérieur de la Chine et ses ports. C’est à la fois par
les économies d’échelle qu’implique une expansion du trafic, et par l’amélioration de la
fiabilité et du temps de transport (gains d’efficacité) que le coût des services ferroviaires
deviendra durablement attractif pour les clients.
Le très faible taux de charge pour les voyages retour vers la Chine contribue à tirer
les prix vers le haut : les clients sont pour l’heure essentiellement des entreprises
exportatrices situées en Chine, très peu d’entreprises européennes s’en prévalent pour livrer
leurs produits en Chine, d’où des trains souvent vides au retour. Les entreprises logistiques
en ont pleinement conscience et s’efforcent d’identifier des marchés de transport vers la
Chine. On commence à voir des expéditions dans le sens Europe-Chine : par exemple,
BMW qui expédie des composants automobiles pour les usines localisées en Chine; du
whisky écossais, du vin français, du porc polonais, des médicaments, etc.
Conclusion
Les projets de développement de liaisons ferroviaires pour le fret transasiatiques ne
datent pas du projet de nouvelles routes de la soie, mais ils ont certainement connu une
relance spectaculaire avec sa publication. Alors que peu d’experts estimaient crédible le
développement de services ferroviaires de fret entre la Chine et l’Europe, on assiste
aujourd’hui à une rapide expansion des volumes (certes encore modestes), des services
proposés, le tout accompagné par la définition et la mise en œuvre de construction de
nouvelles infrastructures ferroviaires, en Russie, en Chine, vers l’Asie du Sud-est, l’Iran
ou le Pakistan. La construction de ces lignes nouvelles viendrait appuyer le développement
de ces liaisons ferroviaires de fret, tout en offrant à la Chine un puissant levier d’exportation
de ses normes ferroviaires et, ainsi, un facteur d’influence non négligeable sur le secteur
des transports chez ses voisins. A ce titre, la promotion des corridors ferroviaires par le
gouvernement chinois, dans le cadre du programme Belt and Road Initiative, comporte une
importante dimension stratégique : si à court terme elle vise à favoriser la croissance des
échanges, cet objectif commercial revêt également deux dimensions stratégiques : placer
le réseau ferré chinois au cœur des routes d’exportation des pays voisins en multipliant les
Lasserre, Frédéric; Huang. L. et Mottet, É. (2018). Nouvelles liaisons ferroviaires transasiatiques : un
succès commercial et économique? Politique étrangère, 2018-1, 119-131.
liaisons, aux normes chinoises qui plus est; renforcer les liens économiques privilégiés que
Pékin entend développer avec ses voisins, à travers échanges commerciaux, prêts et
investissements en infrastructures, pour accroitre leur intégration économique avec la
Chine.
... Il est encore prématuré d'affirmer que le commerce Asie-Europe verra une part non-négligeable de son volume transiter par le rail. On note cependant une forte dimension stratégique et politique dans ces projets d'axes de transport ferroviaire (Huang et al., 2018). Dans la littérature, de nombreuses publications mettent l'accent sur les enjeux géopolitiques de la BRI, dans le cadre d'un débat sur la portée politique du projet chinois (citons par exemple Vicenty, 2016;Foucher, 2017;Ploberger, 2017;Rolland, 2017;Cau, 2018;Ferguson, 2018;Vercueil, 2018;Tekdal, 2018;Zhang, 2018 ;Lin et al, 2019). ...
... L'expérience a été reprise en avril 2011 sur une liaison Chongqing-Duisbourg, 10 300 km parcourus en 16 jours, à l'initiative d'un partenariat, Trans-Eurasia Logistics, entre la DB, la Kazakhstan Temir Joly (KTZ), la China Railway Corporation et la Compagnie des chemins de fer russes (RZD). La mise en oeuvre de ces projets d'axes de transport, sur une prémisse logistique ancienne (Helle, 1977), n'a pu se faire que parce que les administrations ont également procédé à des harmonisations douanières (simplification des procédures) et techniques (harmonisation des normes techniques de circulation des convois; procédure de transbordement accélérée lors des ruptures d'écartement entre réseaux à écartement standard et réseau à écartement large) (Huang et al., 2018). ...
... Certes, le rail offre des prix bien inférieurs à l'aérien (4 à 8 fois moins cher). Il demeure cependant plus cher que par mer, de 6 à 100% selon l'origine/destination et selon les estimations (Mooney, 2016;Huang et al., 2018). D'importantes subventions des gouvernements provinciaux chinois permettent parfois de baisser les prix affichés (Huang et Lasserre, 2017), mais ces subventions sont variables dans le temps et instaurent aussi une vive concurrence entre provinces. ...
Article
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Depuis 2011, on observe une diversification de liaisons ferroviaires de transport de fret entre la Chine et l’Europe. Cette initiative commerciale s’est rapidement développée : le nombre de trains a connu une augmentation rapide, et les ambitions des partenaires chinois comme européens sont élevées. Certes, le rail dispose d’une part de marché du fret transasiatique encore faible. Les projets de développement de liaisons ferroviaires pour le fret transasiatiques ont cependant connu une relance spectaculaire avec l’avènement du projet Belt and Road Initiative. On assiste à une expansion des volumes, des services proposés, le tout accompagné par la définition et la mise en œuvre de nouvelles infrastructures ferroviaires, en Russie, en Chine, vers l’Asie du Sud-Est, l’Iran ou le Pakistan, dans ce que la Chine présente comme des corridors de développement. Tout à la fois leviers potentiels de développement et actifs de rapprochement stratégiques, comment ces projets de corridors se développent-ils ?
... Certaines estiment que cette initiative est fondamentalement un projet géographique et géoéconomique (Vincenty, 2016 ;Foucher, 2017) ; d'autres mettent en avant sa dimension géopolitique, considérant que la Chine souhaite, grâce à la BRI, convertir son poids économique en influence politique (Rolland, 2015). De même, plusieurs travaux soulignent l'originalité du projet, à travers son ambition de donner une dimension continentale à la mondialisation (Foucher, 2017) ou son développement résolument multiforme (Sternberg, Ahearn et Mc Connel, 2017 ;Bagatine, 2018), tandis que d'autres rappellent que la BRI s'inspire de projets l'ayant précédée, par exemple pour ce qui concerne la circulation ferroviaire transcontinentale entre l'Asie orientale et l'Europe occidentale (Huang, Lasserre et Mottet, 2018 ; Bitabarova, 2019). Tous se rejoignent néanmoins pour souligner l'ampleur de cette initiative symboliquement conçue pour se déployer jusqu'en 2049. ...
... En moyenne, les convois mettent 15 jours à relier les villes de Chine aux villes d'Europe occidentale, comme sur l'axe Chongqing-Duisbourg sur lequel circulent 13 trains chaque semaine (été 2018), mais un nouveau service limite à 12 jours le temps de parcours entre Shenyang et Hambourg. Comme environ 30 jours sont nécessaires aux porte-conteneurs pour relier les ports chinois aux ports ouest-européens, le temps de transport est devenu l'un des principaux avantages de la voie continentale par rapport à la voie maritime, d'autant qu'elle dispose d'une réserve de productivité permettant théoriquement d'envisager de réduire jusqu'à 9 jours la durée de transport entre la Chine et l'Europe (Huang, Lasserre, Mottet, 2018). Les promoteurs des corridors de transport eurasiatiques aiment à le rappeler par la formule « le train est moins cher que l'avion et plus rapide que le bateau » (Thorez, 2016). ...
... Si les entreprises attendent de la BRI une croissance de leur activité, les pouvoirs publics chinois soutiennent le transport ferroviaire, en tant qu'outil d'aménagement du territoire. Car, même si les volumes restent modestes, ils lient sa croissance à la relocalisation des systèmes productifs des régions maritimes vers les régions continentales et au développement des provinces centrales et occidentales, qui a été élevé au rang de priorité nationale (Cariou, 2018 ;Huang, Lasserre et Mottet, 2018). De surcroît, ils voient dans l'essor des corridors de transport continentaux un outil de promotion de leur influence en Eurasie (Rolland, 2015). ...
... The experiment was repeated in April 2011 on a Chongqing-Duisburg route, 10,300 km covered in 16 days, on the initiative of the Trans-Eurasia Logistics partnership between Deutsche Bahn, KTZ, the China Railway Corporation, and the Russian Railways Company (RZD). Implementation of these projects, based on an idea that was not new (Helle 1977), was only possible because administrations also carried out customs and technical harmonization: simplification of procedure on the one hand, harmonization of technical standards for convoy traffic, accelerated transshipment procedure for gap breaks between standard gauge and wide gauge networks on the other (Huang, Lasserre, and Mottet 2018). ...
... As far as times of transport go, this advantage is useful for goods that are sensitive to transportation costs, or to optimize tight flows and reduce expensive stocks: textiles; electronic; auto parts, relatively high-value products in justin-time logistics chains. There is a diversification of products shipped, with food products, wood, machinery, and so on (Huang, Lasserre, and Mottet 2018). Profitability of the trains relies on simplified operations, with supply of block trains to limit transshipment. ...
... Admittedly, rail offers much lower prices than air (four times cheaper). However, it remains more expensive than by sea, +6 percent to +30 percent, or even +100 percent depending on origin/ destination and according to estimates (Huang, Lasserre, and Mottet 2018;Mooney 2016). Large subsidies from the Chinese provincial governments can sometimes lower posted prices (Huang and Lasserre 2017), but these subsidies vary over time and can also create strong competition between provinces. ...
Article
Après le lancement de la Belt and Road Initiative (BRI), les échanges ferroviaires conteneurisés entre la Chine et l’Europe ont connu une croissance soutenue. Ce projet emblématique des « nouvelles routes de la Soie » a toutefois été récemment confronté à deux « chocs externes », la pandémie de Covid-19 en 2020 puis l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe en 2022, dont l’article étudie les conséquences. S’inscrivant dans une démarche de géographie des transports, l’analyse met notamment en évidence les effets contraires de ces événements sur le trafic transcontinental, en hausse pendant la pandémie et en recul depuis le début de la guerre, et révèle le basculement vers l’Asie de l’activité de China Railway Express .
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La Turquie a accueilli avec prudence dans les années 2010 les projets chinois de nouvelles routes de la Soie, aussi appelées One Belt One Road (OBOR) puis Belt and Road Initiative (BRI). Les investissements chinois dans la construction, les infrastructures de transport, l’énergie et le secteur financier se sont développés en Turquie depuis la signature d’un accord bilatéral en 2015. Dans un contexte de crise économique et d’inégalités territoriales, ces investissements peuvent constituer pour l’État turc un levier alternatif d’aménagement du territoire. Cependant, ces investissements semblent se limiter à des partenariats ponctuels ou « symboliques », loin des ambitions commerciales et politiques promises par le rêve d’une nouvelle route de la Soie de la Chine à la Turquie. La BRI devient-elle aussi un partenariat politique et symbolique ?
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This article analyses the AidData database, which lists Chinese cooperation and development aid projects in the world, and in Southeast Asia from 2000 to 2017. In relation to Chinese strategies and those of the host countries, it especially examines the differences in the temporality of these Chinese flows by country and by period. It also focuses on the differentiations in terms of economic sectors and in terms of actors between the two main parts of Southeast Asia, continental and island, and between the countries in each group. Analyses at the country level and then at the project level then led us, thanks to cartographic tools, to highlight the spatial configurations of Chinese aid in Southeast Asia. They appear strongly associated with the proximity of the border with China and with the location of continental transport corridors. The aim of such an analysis is to identify the main lines of Chinese public financial flows in Southeast Asia. It also has a methodological purpose, by underlining the interest and the limits of this database, on the basis of a few examples.
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China’s interest for the Arctic has elicited much debate over the past decade, some analysts underlining the potential threat China could constitute for Arctic States, others stressing the economic nature of China’s Arctic strategy. Indeed, China’s recent Arctic policy underlines its economic interests in the Arctic and desires to be included in the development of the region. But for a few mining ventures in Canada and in Greenland, China’s major investments are concentrated in the Russian Arctic. Over the past decade, the Sino-Russian cooperation in this region has emerged as one of the major topics of the bilateral negotiations between Beijing and Moscow on how to expand their comprehensive strategic partnership. Despite many joined statements on deepening of the Sino-Russian in the development of the Arctic energy resources, the concrete results of these ambitious plans are few. In 2017, China has expanded its “Belt and Road Initiative” (BRI) to the Arctic thus deepening the close cooperation with Russia and other Arctic states to promote the development of Arctic infrastructure and resources. Based on data from different Western and Chinese sources, this article analyzes the current Chinese investment patterns in the Arctic since 2012.
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Conçu depuis 1996, le projet de construction du chemin de fer Chine-Kirghizstan-Ouzbékistan, reliant l’Ouest du Xinjiang à l’Asie centrale via le Kirghizstan, reste encore en suspens. Malgré la grande importance de cette connexion ferroviaire pour les pays concernés et les demandes massives d'infrastructures en Asie centrale, les désaccords fondamentaux, comme le tracé de la ligne au Kirghizstan, le montage financier et l’écartement des voies freinent l’avancée du projet. Or cette liaison ferroviaire est stratégique pour la Chine dans ses projets de développement d’interconnexions vers le Moyen-Orient d’une part, et afin de fluidifier des flux de marchandises d’autre part. Or la liaison via le Kirghizstan permettrait à la Chine de compléter les interconnexions existantes, et de ne pas dépendre exclusivement de la Russie et du Kazakhstan. Elle offrirait également un levier de développement commercial à la région de Kashgar, dans l’Ouest du Xinjiang. Quelle est l’importance de ce projet de voie ferrée pour les pays concernés ? Quels sont les défis auxquels la Chine et le Kirghizstan doivent faire face afin de mettre en chantier ce projet ?
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Le chemin de fer Chine-Kirghizstan-Ouzbékistan, comme un nouveau passage méridional du pont terrestre eurasiatique, traverserait le Kirghizstan et relierait les villes de Kashgar, dans l’ouest de la province du Xinjiang, et d’Andijan, dans l’est de l’Ouzbékistan. Il doit également poursuivre par le Turkménistan, vers l’Iran et au-delà vers la Turquie jusqu’à l’Europe. Cette ligne pourrait représenter l’un des itinéraires ferroviaires les plus courts entre la Chine et les pays d’Europe et du Moyen-Orient. Quelles sont les motivations de la Chine, du Kirghizstan et de l’Ouzbékistan en faveur de sa construction ? Quels sont les défis auxquels la Chine et le Kirghizstan doivent faire face afin de mettre en chantier ce projet ? Pour répondre à ces questions, ce travail sera constitué de trois parties. Il rappellera d’abord le contexte historique de la négociation à l’égard de ce projet trilatéral. Ensuite, nous nous attarderons aux principaux intérêts des États pour construire ce chemin de fer, puis proposerons une réflexion sur les freins au développement de cette ligne ferroviaire.
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Since the advent of the great Chinese design of the Belt and Road Initiative (BRI), the media and researchers have frequently evoked a large innovative geopolitical project with a long-term vision, structured by central and coordinated planning. Some commentators see this as a mark of China’s ambition to establish a dominant position in Eurasia. However, a more detailed examination shows that the projects constituting the BRI, notably in the transport aspect, are neither innovative on the whole, nor necessarily of Chinese origin. Moreover, the governance of the BRI involves a large number of actors, and their efficiency is sometimes questionable, which calls into question the idea of a very controlled and piloted plan at the top of the Chinese government. Depuis l’avènement du grand dessein chinois de la Belt and Road Initiative (BRI), médias et chercheurs parlent fréquemment d’un grand projet géopolitique novateur doté d’une vision de long terme, et structuré par une planification centrale et coordonnée. Certains commentateurs y voient la marque de l’ambition de la Chine d’asseoir une position dominante en Eurasie. Pourtant, un examen plus détaillé montre que, d’une part, les projets constituant la BRI, notamment dans le volet transport, ne sont ni novateurs dans l’ensemble, ni forcément d’origine chinoise. D’autre part, la gouvernance de la BRI fait intervenir de très nombreux acteurs et selon une efficacité parfois contestable, ce qui remet en cause l’idée d’un plan très contrôlé et piloté au sommet du gouvernement chinois.
The Rise and Fall of America's New Silk Road Strategy. EconoMonitor, 12 mai
  • L Rosenberger
Rosenberger, L. (2017). The Rise and Fall of America's New Silk Road Strategy. EconoMonitor, 12 mai, www.economonitor.com/blog/2017/05/the-rise-and-fall-of-americas-new-silk-road-strategy/, c. le 21 sept. 2017.
Asian Infrastructure Investment Bank (AIIB)
  • Martin Weiss
Weiss, Martin (2017). Asian Infrastructure Investment Bank (AIIB). Congressional Research Service, Washington, DC, 7-5700, R44754, 3 février; https://fas.org/sgp/crs/row/R44754.pdf, c. le 7 nov. 2017.