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Les plages de la Côte d’Opale : maîtriser la nature ou agir avec elle ?

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Beaches of the Opal Coast: control nature or act with it? Abstract: The Opal Coast stretches from the estuary of the Somme River to the Belgian border, along a shallow sea where the tidal wave and longshore drift spread from south to north. Two-thirds of the coastline correspond to a low sandy coast, usually lined with dunes. The nearshore and offshore seabed is rich in sand banks or sand and gravel formations, which form a huge sedimentary reserve for coastal systems. The aeolian dynamics was often underestimated in previous research. Yet, eastwards prevailing winds play a decisive part in the beach-dune systems. The sandy coastline of the Opal Coast is characterized by wide ridge-and-runnel beaches (several-hundred meters wide at low tide) backed by foredunes. The morphology of the beach-dune contact can change rapidly on a short-term scale (tide-cycle, season, and from one year to another). The morphological survey of these beach-dune systems proves their good resilience after storm events, wherever anthropic interventions do not disrupt natural processes. It follows, in many sectors, a stable shoreline for over 60 years, which belies the widespread idea of rapid and generalized erosion. In the late decades of the 19th century, sea-side resorts began to develop at the expense of coastal dunes, at a time when managers and most people were unaware of beach-dune natural processes. The most important thing was to build a sea-front “promenade” close to the beach, that is on the foredune. Then, the development of sea-side resorts was greatly impacted by both World Wars, before a strong revival from the late 1950s. Until the late 1980s, managers and policy makers wanted to take control of nature and subject it to more and more ambitious urbanization projects. Problems of coastal erosion appeared in the 1990s and simultaneously, the environmental value of coastal dunes was recognized. Both things gradually helped to change the opinion of policy makers. Integrated and sustainable management is now widely admitted. Examples of Le Touquet, Merlimont and Wissant will serve to illustrate the new management strategies.
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L'homme et la dynamique littorale: maîtrise ou adaptation? Dynamiques environnementales, 2014, 30, p. 89-104
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Les plages de la Côte d’Opale : maîtriser la
nature ou agir avec elle ?
Beaches of the Opal Coast: control nature or act with it?
Yvonne Battiau-Queney*
Résumé : La côte d’Opale s’étend de l’estuaire de la Somme à la frontière belge, en bordure d’une mer peu
profonde où l’onde de marée et la dérive littorale se propagent du sud vers le nord. Les deux tiers du littoral
correspondent à une côte sableuse basse, généralement bordée de dunes. Les fonds marins proches des
côtes françaises sont riches en bancs sableux ou sablo-graveleux qui constituent une énorme réserve
sédimentaire pour les systèmes côtiers. Longtemps sous-estimée, la dynamique éolienne contrôlée par des
vents dominants de secteur ouest participe de façon décisive au fonctionnement des systèmes plage-dune.
Le littoral caractéristique de la côte d’Opale est une large plage de plusieurs centaines de mètres à marée
basse, façonnée en barres et bâches et adossée à une avant-dune dont le modelé est extrêmement
changeant d’un cycle de marée à l’autre, d’une année à l’autre. Le suivi morphologique de ces systèmes
plage-dune a montré leur remarquable résilience, chaque fois que l’homme n’a pas perturbé leur
fonctionnement naturel. Il s’en suit, dans de nombreux secteurs, une stabilité du trait de côte depuis plus de
60 ans qui dément l’idée répandue d’une érosion rapide et généralisée.
Dès la fin du 19ème siècle, apparaissent les premières stations balnéaires qui investissent les dunes et parfois
le haut de plage, dans une méconnaissance complète du fonctionnement morphosédimentaire de ces
littoraux. Fortement secoué par les deux guerres mondiales, le développement du tourisme connaît un nouvel
élan à partir de la fin des années 1950. Jusqu’à la fin des années 1980, c’est le temps des promoteurs et des
aménageurs qui veulent soumettre la nature à leurs ambitions. La prise de conscience de la valeur
environnementale de milieux dont la fragilité est désormais reconnue va peu à peu transformer la vision des
décideurs politiques. Le temps de la gestion intégrée et durable est venue. Les exemples du Touquet, de
Merlimont et de Wissant servent à illustrer ces nouvelles stratégies de gestion.
Mots-clés : côte d’Opale; gestion durable ; gestion intégrée des zones côtières ; côtes macrotidales ; Le
Touquet ; Merlimont ; Wissant ; Nord de la France
Abstract: The Opal Coast stretches from the estuary of the Somme to the Belgian border, along a shallow sea
where the tidal wave and longshore drift spread from south to north. Two-thirds of the coastline correspond to
a low sandy coast, usually lined with dunes. The seabed near the French coast is rich in sand banks or sand
and gravel that make up a huge sedimentary reserve for coastal systems. Long underestimated the wind
dynamics controlled by prevailing winds from the west plays a decisive operation of the beach-dune
systems. The coastline characteristic of the Opal Coast is a wide ridge and runnel beach (several-hundred
meters wide at low tide) backed by a foredune. The morphology of the beach-dune contact is extremely
changing through a tidal cycle and from one year to another. Morphological monitoring of beach-dune
systems showed their remarkable resilience, whenever the man did not disrupt their normal function. It
follows, in many sectors, a stable shoreline for over 60 years, which belies the widespread notion of rapid and
generalized erosion. From the late 19th century the first resorts appeared that took up dunes and sometimes
the upper beach, in a complete misunderstanding of the functioning of these coastal systems. Greatly
impacted by the two world wars, the development of tourism has picked up from the late 1950s. Until the late
1980s, it was time of developers and designers who wanted to subject nature to their ambitions. Awareness
of the environmental value of areas whose fragility is now recognized will gradually transform the vision of
policy makers. The time of integrated and sustainable management came. Examples of Le Touquet,
Merlimont and Wissant will serve to illustrate these new management strategies.
Key-words : Opal Coast ; sustainable management; coastal zone integrated management; macrotidal
beaches; Le Touquet; Merlimont; Wissant; North France.
___________________________________________________________
* Université de Lille 1, labo CNRS « Géosystèmes » (UMR 8217)
EUCC-France
yvonne.battiau@orange.fr
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1. La zone d’étude : la côte d’Opale (fig.1)
Fig. 1 : carte de localisation de la côte d’Opale
A. Caractéristiques hydrodynamiques et morphosédimentaires
La côte d’Opale lato sensu s’étend sur 170 km de l’estuaire de la Somme à la frontière belge,
en bordure d’une mer peu profonde (Manche et sud de la mer du Nord) où l’onde de marée et
la dérive littorale dominante se propagent du sud vers le nord. Les 2/3 du linéaire côtier sont
des plages sableuses couplées (au moins à l’origine) à des avant-dunes. Le reste correspond
à des falaises rocheuses ou à des côtes artificialisées (ports, digues).
Dans cette mer étroite le fetch court engendre des hauteurs de houle modestes ; au large de
Dunkerque, par exemple, la hauteur significative (Hs) varie entre 4 m (valeur annuelle) et 5,8
m (valeur centennale). La période de houle décennale est de 4 à 9 s ; des houles longues de
plus de 12 s peuvent néanmoins arriver (Clique & Lepetit, 1986 ; Anthony, 2000). En arrivant à
la côte, l’énergie des houles se dissipe sur de larges estrans à pente faible, avant leur
déferlement. A la côte, la Hs est généralement de l’ordre du mètre et atteint rarement 3 m en
période de tempête (Anthony et al., 2004). Néanmoins il faut tenir compte de surcotes
dépendant du vent (vitesse et direction) et des conditions barométriques. Les surcotes
extrêmes sont évaluées à 2,2 m à Boulogne (retour centennal) et 1,94 m à Dunkerque
(SOGREAH, 2009a et 2009b). Ces surcotes peuvent être localement amplifiées dans les
estuaires, selon la direction de la houle et du vent.
Wissant
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La caractéristique essentielle de ce littoral vient de l’amplitude des marées. Le marnage
diminue du sud vers le nord, mais reste partout très élevé : en vive-eau exceptionnelle, il
atteint 10 m dans l’estuaire de l’Authie contre seulement 6 m près de la frontière belge. Ce fort
marnage conditionne le fonctionnement hydrosédimentaire et éolien de cette côte ainsi que
son écosystème, car il s’accompagne d’un espace intertidal de plusieurs centaines de mètres :
800 m au droit de Merlimont, plus de 1000 m à Sainte-Cécile-Camiers, 700 m à plus de 1000
m en baie de Wissant, 1500 m à l’est de Calais (site du Fort-Vert, commune de Marck), 300 m
entre Dunkerque et la frontière belge. De ce fait, au cours d’un seul cycle de marée, les zones
de surf, de déferlement, de swash et d’activité éolienne se déplacent régulièrement sur cette
frange côtière (fig.2).
Fig 2 : Migration des zones de surf, de swash et d’activité éolienne pendant un cycle de
marée, sur l’espace intertidal des plages de la Côte d’Opale (exemple de Merlimont)
Le modelé des plages sableuses en barres et bâches résulte de ce fonctionnement complexe.
Deux conséquences sont fondamentales : 1°) les vagues de tempête n’érodent le pied de
dune que lors des forts coefficients de marée. Une tempête arrivant en morte-eau n’aura que
peu d’incidence sur l’évolution morphologique du haut de plage et la mobilité du trait de côte.
Le concept de « tempête morphogénique » est donc particulièrement fructueux le long de la
côte d’Opale ; 2°) sur ces larges estrans sableux où le trait de côte est transversal par rapport
aux vents dominants, la dynamique éolienne est extrêmement efficace pour nourrir des
systèmes de dunes littorales bien développées. Les dunes de première ligne, ou « avant-
dunes » jouent un rôle essentiel pour l’équilibre morphologique des plages. Comme toujours,
pour bien comprendre le fonctionnement de ces côtes sableuses basses, il faut considérer le
système plage-dune et non la plage isolément (Battiau-Queney, 2010b).
Une autre spécificité de cette côte d’Opale est la proximité de petits-fonds disposant d’une
importante réserve sédimentaire sous forme de volumineux bancs sableux ou sablo-graveleux
(Dewez et al., 1989 ; Augris et al., 1995 ; Anthony, 2000). Les échanges sédimentaires entre
les plages et ces petits-fonds se font dans les deux sens (Corbau, 1995 ; Tessier, 1997 ;
Corbau et al., 1999). Les bancs pré-littoraux contribuent à l’alimentation des plages et leur
assurent un équilibre sédimentaire que seules les interventions de l’homme peuvent
réellement menacer. A l’état naturel et sur le long terme, il n’y a pas de pénurie sédimentaire
le long de la côte d’Opale (Battiau-Queney, 2010a).
B. Une côte fortement anthropisée
La Côte d'Opale appartient à une région de forte densité de population (densité moyenne de
657 hab / km2 pour les communes littorales). Plus de 60% du linéaire côtier est artificialisé par
des aménagements portuaires, industriels ou touristiques dans le département du Nord, mais
20% seulement dans celui du Pas-de-Calais. Grâce à une politique volontariste, une bonne
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partie du littoral est protégée, en tant que propriété du Conservatoire du Littoral, des
Départements du Nord et du Pas-de-Calais, ou de l'Office National des Forêts.
Délaissées par l’homme jusqu’au milieu, voire la fin du 19ème siècle, ces plages et dunes
côtières ont été rapidement investies par les activités touristiques naissantes. Dès la fin du
19ème siècle, apparaissent de nouvelles stations balnéaires. La « digue-promenade », attribut
obligatoire de celles-ci, s’établit au plus près de la mer, sur l’avant-dune. Hôtels et villas
investissent les dunes que l’on modèle pour offrir la topographie la plus confortable possible,
tout cela dans une méconnaissance complète du fonctionnement morphosédimentaire de ces
littoraux. Fortement secoué par les deux guerres mondiales, le développement du tourisme
connaît un nouvel élan à partir de la fin des années 1950. Jusqu’à la fin des années 1980,
c’est le temps des promoteurs et des aménageurs qui veulent soumettre la nature à leurs
ambitions. La prise de conscience de la valeur environnementale de milieux dont la fragilité
est désormais reconnue va peu à peu transformer la vision des décideurs politiques. L'un des
enjeux majeurs pour le 21ème siècle est de trouver un compromis entre la demande sociale
gitime d'exploitation de ces espaces "récréatifs", et la nécessité de préserver la "ressource"
touristique que constituent plages, estuaires ou falaises. C'est le principe même du
"développement durable". Cette démarche implique une bonne connaissance des processus
naturels, puisque ceux-ci doivent être intégrés dans la stratégie de développement.
Le temps de la gestion intégrée et durable est venue. Les exemples de Merlimont, du Touquet
et de Wissant serviront à illustrer ce changement dans les mentalités et les stratégies de
gestion.
2. Merlimont : laisser faire la nature ?
A. Le site
Sur les communes de Merlimont et de Berck, le système dunaire littoral s’étale sur 2 à 3 km
de large (fig.3), formant un vaste ensemble de plus de 1 000 ha d’un seul tenant, préservé de
l’urbanisation. Prés de la moitié (450 ha, propriété de l'Etat) est classée depuis 1985 en
Réserve Biologique Domaniale (RBD) gérée par l'ONF. Le reste est propriété communale (150
ha) ou du Conservatoire du Littoral (290 ha). Le site a fait l’objet en 1993-95 d’une étude
pluridisciplinaire dans le cadre du programme Life 92 « Biodiversity and dune protection »
(Battiau-Queney et al., 1997).
Ces dunes n’ont que quelques centaines d’années. On distingue deux alignements dunaires
allongés nord-sud parallèlement à la côte, séparés par une vaste dépression sableuse, la
« plaine interdunaire », où le modelé éolien est difficile à déchiffrer sur le terrain, bien qu’on
distingue sur photo aérienne des ébauches de dunes paraboliques (fig.4).
Les dunes internes formées il y a moins de 900 ans correspondaient à des paraboles très
mobiles se déplaçant vers l’intérieur des terres. Les habitations, localisées en bordure interne
de ces dunes, étaient constamment menacées d’ensablement. En 1534, le vent souffla en
tempête pendant 15 jours et ensabla le village de Merlimont. Cette période de grande mobilité
dunaire est à mettre en relation à la fois avec le climat (Petit Age Glaciaire) et des facteurs
biologiques (prolifération du lapin) et anthropiques (arrachage des oyats). Or on sait depuis
longtemps qu’Ammophila arenaria est un puissant agent de piégeage du sable freinant sa
mobilité et favorisant la formation d’une avant-dune puissante. Une récente étude a mont
que son introduction sur l’île de Stewart, en Nouvelle-Zélande, et sa rapide extension aux
dépens de la végétation autochtone a provoqué en moins de 40 ans la formation d’avant-
dunes beaucoup plus régulières et hautes (10 à 11 m) que les dunes basses (< 3 m) en forme
de « meules de foin » qui existaient encore en 1978 (Hart et al. 2012).
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Les dunes externes n’ont acquis leurs formes actuelles que depuis une soixantaine d’années.
Pendant la dernière guerre mondiale, période de forte mobilité dunaire, des dunes
paraboliques étaient encore alimentées directement à partir de la plage. L’avant-dune s’est
formée dans les vingt années postérieures à la guerre. D’abord favorisée par la pose de
fascines et de filets, accompagnée parfois par des plantations d’oyat, elle s’est ensuite
développée naturellement grâce à d’abondants apports de sable depuis la plage et un
vigoureux développement de l’oyat. De ce fait les dunes paraboliques situées en arrière de
l’avant-dune et désormais peu alimentées depuis la plage ont tendance à se végétaliser et à
se stabiliser.
Fig.3 Localisation de la Réserve Biologique Domaniale de la Côte d’Opale, dans la plaine
maritime picarde
Fig.4 Coupe transversale de la plaine maritime picarde passant par Merlimont
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1534, le vent souffla en tempête pendant 15 jours et ensabla le village de Merlimont. Cette
période de grande mobilité dunaire est à mettre en relation à la fois avec le climat (Petit Age
Glaciaire) et des facteurs biologiques (prolifération du lapin) et anthropiques (arrachage des
oyats). Or on sait depuis longtemps qu’Ammophila arenaria est un puissant agent de piégeage
du sable freinant sa mobilité et favorisant la formation d’une avant-dune puissante. Une
récente étude a montré que son introduction sur l’île de Stewart, en Nouvelle-Zélande, et sa
rapide extension aux dépens de la végétation autochtone a provoqué en moins de 40 ans la
formation d’avant-dunes beaucoup plus régulières et hautes (10 à 11 m) que les dunes
basses (< 3 m) en forme de « meules de foin » qui existaient encore en 1978 (Hart et al.
2012).
Les dunes externes n’ont acquis leurs formes actuelles que depuis une soixantaine d’années.
Pendant la dernière guerre mondiale, période de forte mobilité dunaire, des dunes
paraboliques étaient encore alimentées directement à partir de la plage. L’avant-dune s’est
formée dans les vingt années postérieures à la guerre. D’abord favorisée par la pose de
fascines et de filets, accompagnée parfois par des plantations d’oyat, elle s’est ensuite
développée naturellement grâce à d’abondants apports de sable depuis la plage et un
vigoureux développement de l’oyat. De ce fait les dunes paraboliques situées en arrière de
l’avant-dune et désormais peu alimentées depuis la plage ont tendance à se végétaliser et à
se stabiliser.
B. Le choix du laisser-faire
A Merlimont, pour le système dunaire externe, le choix de gestion de l’ONF est de laisser faire
la nature, sans intervention humaine (Battiau-Queney et al., 2010b). Rien ne doit entraver les
échanges de sable entre la plage et l’avant-dune. Sur le haut de plage, seul un nettoyage
manuel sélectif des déchets grossiers est autorisé. Grâce à cela, le site de Merlimont est l’un
des meilleurs en France pour observer l’évolution naturelle du haut de plage et du front
dunaire. Au-dessus des laisses de mer et grâce à l’action fixatrice des plantes pionnières
(essentiellement Cakile maritima et Elymus farctus) les dunes embryonnaires peuvent se
développer librement, disparaître ou au contraire grossir pour édifier un prisme daccrétion
éolienne ou une banquette (fig. 5).
Fig. 5 : Sur le même site de la plage de Merlimont, formation d’un bourrelet d’accumulation
éolienne en avril 2004 (à gauche) et d’une banquette à Agropyron (Elymus farctus) en février
2007 (à droite)
Le haut de plage enregistre les effets combinés des dynamiques marine, éolienne et végétale
comme le montrent une série de photos prises sur le même site de Merlimont entre mai 1995
et septembre 2006 (fig. 6).
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A Merlimont, comme sur toute la côte d’Opale, lorsque le vent souffle en force sur l’estran
découvert à marée basse, l’accumulation éolienne en haut de plage (fig. 7) peut être
extrêmement rapide. Des volumes de 2,5 m3 par mètre linéaire peuvent être déplacés au
cours d’un seul cycle de marée.
fig. 7 : Déflation éolienne sur l’estran à marée basse à Merlimont (mai 2005, à gauche) et à
Hardelot (septembre 2009, à droite)
Cela engendre d’énormes prismes d’accrétion éolienne en haut de plage. Une série de photos
prises entre mars 2006 et septembre 2008 sur le même site de la plage de Merlimont, un peu
au sud de celui de la figure 6, illustre bien la puissance de la dynamique éolienne sur ces
plages macrotidales (fig. 8).
Fig.6 : Extrême mobilité du haut de plage le long de
la Réserve biologique domaniale de la côte d’Opale
(Merlimont). En mai 1995 (en haut à gauche), après
une série de fortes tempêtes, l’avant-dune est taillée
en falaise avec paquets glissés. Puis des dunes
embryonnaires se sont à nouveau formées en haut de
plage. En mars 2006, après une grande marée
(coefficient 115) et une mer forte, les dunes de
première ligne ont été détruites mais d’autres non
atteintes par la mer sont colonisées par l’Agropyron.
Six mois plus tard, la plage se raccorde à l’avant-
dune par une large concavité due à une nouvelle
accumulation éolienne en haut de plage.
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Fig. 8 : Formation et disparition de mini-falaises aux dépens des prismes d’accrétion éolienne
sur la plage de Merlimont. Les traces de swash visibles au-dessus de la falaise, le 2 mars
2006 montrent clairement que le déferlement des vagues n’a pas créé la falaise.
En grande marée de vive-eau exceptionnelle, on y observe des formes originales que l’on
peut qualifier de « falaises sableuses de retrait » : le 2 mars 2006, après une marée de vive-
eau de coefficient 116, une accumulation éolienne de haut de plage, riche en rhizomes
d’Agropyron, était entaillée d’une petite falaise verticale de 60 à 90 cm de haut. Une
observation méticuleuse du terrain a révélé qu’elle n’était pas due au sapement par les
vagues, mais à la chute brutale de la pression hydrostatique accompagnant le retrait rapide de
la mer avec un marnage dépassant 8 m. Ce type de forme est caractéristique des plages
macrotidales. Deux ans plus tard, en janvier 2008, un reste de falaise était partiellement
masqué par l’accumulation de sable éolien. Moins de trois mois plus tard, 5 jours après une
forte tempête (vents d’ouest avec rafales de plus de 120 km/h engendrant une surcote
marine), conjuguée avec une grande marée (coefficient 115), une nouvelle falaise de retrait
s’était formée. Six mois plus tard, cette dernière était de nouveau enfouie sous le sable
accumulé par le vent en pied de dune.
C. Les leçons à tirer d’un site référence
Lorsqu’on étudie un système plage-dune, il faut être très prudent quand à l’interprétation d’une
situation instantanée, lors d’une visite de terrain ponctuelle ou sur une photographie aérienne.
On doit replacer cet instantané dans une évolution plus ou moins rapide, mais toujours
discontinue dans le temps (et parfois dans l’espace). L'échelle de temps considérée est un
élément essentiel d’évaluation du budget sédimentaire d'un couple plage-dune. Pour apprécier
l'évolution pluri-décennale, l'outil le plus performant reste l'analyse diachronique des
photographies aériennes verticales. L'emploi de logiciels de redressement des photos
permettant leur recalage précis à partir d'un réseau d'amers géoréférencés a
considérablement amélioré la qualité de l'analyse (Chaverot, 2000 ; Battiau-Queney et al.,
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2003). La « bunker archéologie » complète utilement cette analyse photographique là où les
édifices militaires allemands de la dernière guerre sont bien conservés (Lanoy-Ratel, 2004).
En outre, une minutieuse observation de terrain et la « lecture » morphologique du contact de
l’avant-dune et de la plage permettent de reconstituer toute une séquence d’événements
marins et éoliens antérieurs. Or ce travail de terrain est souvent sous-estimé, voire
complètement délaissé, alors même qu’il est un complément indispensable des autres
méthodes d’étude de la mobilité du trait de côte.
A Merlimont, le long de la Réserve biologique domaniale, grâce à l’analyse comparée de
photos aériennes verticales depuis 1946, à des levers topographiques à haute résolution
réalisés en 1993, 1994 et 2000 le long de profils transversaux balayant l’estran et les dunes
externes, et à un suivi régulier du contact entre l’avant-dune et la plage, il est permis d’affirmer
que l’extrême mobilité d’échelle instantanée va de pair avec une stabilité voire une légère
avancée du trait de côte, à l’échelle décennale. A une échelle plus longue, depuis 1946, on
constate un modeste recul de moins de 20 m en 60 ans. La variabilité du contact plage-dune
traduit la « respiration » naturelle d’un système côtier à forte résilience, peu ou pas perturbé
par l’homme. Merlimont n’est pas une exception sur la côte d’Opale. La plage des dunes
d’Ecault (Battiau-Queney et al., 2006), celle du sud du Touquet (Chaverot, 2000) (fig. 9),
celles des Hemmes de Marck et de Bray-dune (dune du Perroquet) sont également
caractérisées par une forte résilience et un trait de côte quasi-stable ou en très faible recul
depuis 60 ans. La crise des plages (Paskoff, 1998) n'est pas aussi marquée ici que sur la
plupart des côtes de l'Atlantique ou de la Méditerranée, à l'exception notoire de la baie de
Wissant où, comme on le verra ci-après, les facteurs anthropiques ont été déterminants.
Fig. 9 : Au sud du Touquet, ce bunker de la 2ème guerre mondiale prouve que le trait de côte
n’a pas reculé et que l’avant- dune s’est légèrement exhaussée depuis 1943. La fenêtre de tir
est aujourd’hui en partie masquée par la dune.
Dans le prolongement de ce qui a été fait en 1993-94 puis en 2000 pour évaluer la dynamique
dunaire, il serait judicieux de relever à intervalles réguliers des profils topographiques
transversaux le long des mêmes transects, du bas de l’estran jusqu’aux dunes. Des points de
calage géoréférencés dans le système IGN 69 ont été établis sur la Réserve, dans la
perspective d’un suivi de longue durée. Parallèlement, un suivi photographique à partir de
points de vue bien définis est réalisé par l’ONF depuis plusieurs années. La station
météorologique installée récemment dans la plaine interdunaire permet dès maintenant
d’acquérir des données climatiques précises qui pourront être exploitées dans l’avenir.
L’objectif est de constituer une base de données utilisable par les chercheurs à court, moyen
et long terme. Pour toutes ces raisons, la RBD de la Côte d’Opale est un laboratoire grandeur
nature d’un intérêt exceptionnel. C’est un site-référence pour le suivi scientifique d’un système
dunaire en milieu tempéré océanique.
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Ce site côtier hyper-protégé n’est pas intéressant uniquement pour les chercheurs. Il constitue
aussi un site-référence pour toute la côte d’Opale, permettant de mieux appréhender ailleurs
les impacts des interventions humaines. Par exemple, à proximité immédiate de la Réserve
biologique domaniale, l’effet néfaste de la digue de Merlimont est mieux perçu en comparant
l’évolution de la plage au droit de la Réserve et au droit de la digue. Dans le premier cas, il y a
une forte résilience ; dans le deuxième cas, la disparition de l’avant-dune a déséquilibré le
système côtier et induit un abaissement visible du niveau de la plage et l’affouillement de la
base du perré, plus ou moins important selon les conditions météo-marines. La verticalité du
perré provoque en effet la réflexion des vagues incidentes et la naissance de courants de
retour exportant le sable du haut de plage (fig. 10). Il n’y a malheureusement pas eu d’étude
précise permettant d’évaluer le déficit de sable. Devant la menace d’érosion marine et la
crainte de voir se reproduire ce qui s’est passé à Wissant (cf. ci-après), il ne paraît pas
judicieux de renforcer la défense en dur. Au contraire, il faudrait déposer les épis rocheux
existants absolument inefficaces sur cette plage macrotidale et installer éventuellement un
système Ecoplage® censé ralentir l’exportation de sable par ces courants de retour. Ce
dispositif de drainage, s’il est retenu, devra s’accompagner de structures légères et
démontables en haute saison piégeant le sable sur la plage pour éviter son exportation sur le
front de mer. Il semble que la municipalité veuille s’engager dans cette voie de gestion
durable de la plage.
Fig. 10 : La digue de Merlimont avec son perré vertical le 15 mars 2008, quatre jours après
une violente tempête (rafales à plus de 120 km/h) coïncidant avec une grande marée
(coefficient 107). Les vagues ont attaqué le pied du mur, malgré un enrochement protecteur et
l’escalier d’accès à la plage a été endommagé.
3. Le Touquet : maîtriser la nature ou composer avec elle ?
A. Le site
L’estuaire de la Canche est le modèle de l’estuaire picard, tel que l’avait décrit Abel Briquet
(1930). La dérive littorale dominante dirigée vers le nord transporte une grande quantité de
sable qui s’accumule en amont de l « épi hydraulique » formée par la Canche, en donnant un
poulier. C’est le banc du Pilori, flèche à pointe libre enracinée à la rive sud, dans les dunes du
Touquet et recouvert presque entièrement par la mer en pleine mer de vive eau. Au montant,
le courant de flot tend à longer la rive nord en l’érodant : c’est le musoir. Le recul du trait de
côte est un phénomène récurrent depuis au moins le 18ème siècle. L’évolution contrastée des
deux rives, poulier-musoir, est une caractéristique fondamentale des estuaires picards. Le
Touquet s’est construit sur le poulier de l’estuaire de la Canche (fig. 11).
L'homme et la dynamique littorale: maîtrise ou adaptation? Dynamiques environnementales, 2014, 30, p. 89-104
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fig. 11 : Vue d’ensemble de baie de Canche montrant l’emplacement du Touquet en rive sud,
sur le poulier de l’estuaire (le « Pilori »). La flèche bleue indique la direction de la dérive
littorale dominante (vers le nord). Source : image Google ©
Abel Briquet (1930) a pu reconstituer l’évolution de ce poulier en se basant sur des documents
d’archive (fig. 12 et 13). La station balnéaire est née en 1882 avec la construction du
lotissement de « Paris-Plage » et les premiers chalets en bois sur le front de mer (fig. 14). Le
plan en damier (dessiné par Charles Garnier) de la partie non forestière de la station balnéaire
occupe d’anciens lais de mer : le Touquet s’est étendu vers l’ouest et le nord-ouest en
accompagnant la progradation du trait de côte. Par contre la partie forestière du Touquet,
héritée des plantations de Jean-Baptiste Daloz entre 1855 et 1882, a conservé son modelé
dunaire, avec des avenues plus sinueuses et accidentées.
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12
.
Fig. 12 : Evolution ancienne du
poulier de l’estuaire de la Canche : en
1878, 1835, 1758 et lors de deux
périodes plus anciennes A1 et A2
(extrait de Briquet, 1930)
fig. 13 : Extension de la station
balnéaire du Touquet à la faveur de la
progradation du poulier de l’estuaire
de la Canche de 1839 à 1922 (extrait
de Briquet, 1930)
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B. La volonté de maitriser la nature et de vaincre un milieu réputé hostile : des origines
à la fin du 20ème siècle
La conquête sur la mer restait un objectif prioritaire. Le front de mer a été aménagé en digue-
promenade, dès 1913, en prolongeant une digue construite en 1905. Après la 1ère guerre
mondiale qui vit Le Touquet transformé en base arrière des Alliés (hôtels transformés en
hôpitaux) grâce à sa proximité du front (10 000 Britanniques sont enterrés dans le cimetière
militaire d’Etaples), le front de mer se transforme encore avec la construction d’une grande
piscine d’eau de mer ultramoderne pour l’époque. Après le coup d’arrêt de la 2nde guerre
mondiale (destruction d’hôtels et de villas par les Allemands, puis bombardements alliés) il
fallut déminer le terrain (100 000 mines auraient été recensées) et reconstruire. Le front de
mer se couvrit de parkings, gagnés en partie sur la plage (fig. 15). En 1974, un établissement
de thalassothérapie fut implanté au plus près de la mer, c'est-à-dire sur l’avant-dune. Très vite
il fut nécessaire de construire un enrochement pour le protéger des vagues de tempête.
Depuis un demi-siècle, la progression du poulier (pointe du Touquet et banc du Pilori) se fait
plus par progradation vers l’ouest que par allongement vers le nord (fig. 16) en raison des
interventions de l’homme (plantations d’oyat dans les dunes naissantes, prélèvements de
sable sur le banc du Pilori). Le long de la Canche, la route « en corniche » fut construite en
1961 sur un remblai formé de gravats, aux dépens du domaine marin, dans un secteur
submersible en marée de vive-eau et ayant vocation à évoluer en schorre. Depuis la fin du
20ème siècle, la mer tend à reconquérir son domaine naturel en érodant rapidement le
soubassement de la route (fig. 17). La réponse de la municipalité et des services maritimes de
l’époque fut l’installation d’un enrochement, en méconnaissance complète du contexte
morphosédimentaire local (Thérouanne et al., 2002). Cette protection en dur ne pouvait au
fig. 14 : Les débuts de la station
balnéaire du Touquet (Paris-
Plage) vers 1886. En dépit d’un
dessin sommaire, on distingue
bien les divers alignements
dunaires repérés par Briquet.
L’emplacement des phares
permet de se repérer par rapport
à la fig. 12
(source : archives municipales
du Touquet)
L'homme et la dynamique littorale: maîtrise ou adaptation? Dynamiques environnementales, 2014, 30, p. 89-104
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mieux que freiner très provisoirement l’érosion, mais elle ne devait pas résister à la première
tempête : dès 2004 les blocs étaient déjà étalés au pied du talus…
Dans une volonté comparable d’asservir la nature, un projet de complexe touristique avait été
élaboré pour la pointe du Touquet en 1988. Il fut finalement abandonné sous la pression des
associations de protection de l’environnement et au prix d’une longue procédure judiciaire. Le
classement du site de la pointe du Touquet en novembre 2001 a définitivement mis fin à tout
projet d’urbanisation dans ce secteur.
La baie de Canche reste un estuaire « vivant » largement ouvert sur la mer, balayé par de
puissants courants de jusant et de flot induits par un marnage atteignant 9 m en grande marée
de vive-eau (fig. 18). Néanmoins, l’homme a longtemps entravé son fonctionnement naturel,
d’abord en faisant reculer la mer par la mise en place de renclôtures (la dernière en 1924
servit à créer un hippodrome puis un aéroport), puis en tentant de contrôler la libre divagation
du chenal par des digues et des épis. L’un des objectifs était de freiner le colmatage naturel
de l’estuaire et de préserver la navigabilité du chenal pour les pécheurs d’Etaples. Non
seulement, ces objectifs n’ont pas été atteints, mais les interventions faites souvent au coup
par coup, sans étude globale de l’estuaire, ont aggravé localement les phénomènes d’érosion
(par exemple en rive sud, à l’intérieur du banc du Pilori). Avec la renaissance et le
développement rapide du tourisme après la 2ème Guerre mondiale, la création d’un port de
plaisance en eau profonde fut l’un des objectifs des autorités municipales. Elles proposèrent,
en 1971, un projet ambitieux de marina et port en eau profonde, avec une digue-barrage
fermant l’estuaire. Le projet dut finalement être abandonné grâce à l’action des associations
locales de défense de l’environnement, relayées par le Conservatoire du littoral : ce dernier
acquit, en 1976, les Garennes de Lornel, en rive droite de la Canche, là où devait être
implantée l’infrastructure du barrage. Malgré cet « échec », l’idée d’un port de plaisance ne fut
complètement abandonnée qu’avec l’arrivée de la dernière équipe municipale en mars 2008.
Fig. 15: A gauche, le front de mer du Touquet au
début des années 1960. Les diverses installations
touristiques et les vastes parkings ont été implantées
sur le haut de plage. En bas, la toute nouvelle « route
en corniche »
(1961), indiquée par une flèche rouge,
servait de promenade en offrant une vue imprenable
sur la mer et la baie
de Canche. Aujourd’hui, le
système dunaire s’est fortement exhaussé (fig. 16) en
cachant la vue sur la mer (source
: archives
municipales du Touquet).
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Fig. 16: La « route en corniche » construite en 1960-61, sert de repère à l’évolution de la
pointe du Touquet : rapide progradation du trait de côte et développement du système dunaire
littoral vers l’ouest ; érosion du sous-bassement de la route dans la concavité interne du banc
du Pilori (cf. fig. 17).
Fig. 17 : Trois photos de 2001, 2004 et 2007 montrent la progression de l’érosion marine sur
la face interne du banc du Pilori (visible à l’arrière de la photo de gauche), aux dépens de la
route en corniche. Un enrochement mis en place en 2002 était déjà en partie démantelé en
2004.
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Fig. 18 : Courant de flot à l’entrée de la baie de Canche. Noter que les houles incidentes
diffractées par le banc du Pilori viennent déferler perpendiculairement à la route en corniche.
Cette zone en forte érosion jouxte une zone en forte progradation et accrétion par
coalescence de dunes embryonnaires (source : Thérouanne et al., 2002).
C. Composer avec la nature : une nouvelle stratégie en rupture avec le passé
Le classement du site de la pointe du Touquet en novembre 2001 (fig. 19) marque un
tournant dans la stratégie de développement de la station balnéaire. La DREAL et la
municipalité du Touquet cherchent désormais à valoriser ce site exceptionnel, non par
l’urbanisation mais en faisant un lieu de sensibilisation du visiteur à la richesse et à la fragili
du milieu dunaire. Ce site est devenu le « parc de l’estuaire de la Canche-Côte d’Opale » avec
3 parcours pédestres (dont un pour personnes à mobilité réduite) et plusieurs panneaux
d’information sur l’environnement.
Jean-Christian Cornette, directeur général des services à la mairie du Touquet, a bien résumé
ce changement d’attitude lors de l’atelier EUCC-France des 7 et 8 octobre 2010 en baie de
Canche : « Pendant une longue période, l’homme a considéré que l’estuaire était un milieu
hostile, insalubre. Ainsi quand on parle du rapport à la mer, on parle souvent de défense
contre la mer. Aujourd’hui, on est entré dans la phase de déconstruction qui induit un
basculement sociologique. Travailler avec la mer est beaucoup plus intelligent que de
travailler contre la mer. Le paysage est devenu une infrastructure de développement. Les
gens viennent de plus en plus au Touquet pour consommer du paysage. Aujourd’hui, il y a
une forme de monétarisation de l’environnement. Si cette monétarisation se combine avec
une stratégie de développement durable, elle laissera le mouvement naturel s’installer et en
fera un avantage et non un inconvénient».
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Fig. 19 : Périmètre du site classé de la Pointe du Touquet et principaux types d’environnement
littoral de l’estuaire.
Un symbole fort fut en 2009 la transformation de la route en corniche en une promenade
partagée entre piétons et cyclistes à l’exclusion des voitures. En rive sud de la Canche, il n’est
plus question de lutter à tout prix contre l’érosion marine : une gestion durable à moyen et long
terme doit anticiper sur l’évolution prévisible et laisser la mer reconquérir son espace naturel,
chaque fois que les enjeux ne justifient pas la défense contre la mer. Cette nouvelle stratégie
de gestion doit s’accompagner de l’information et de la sensibilisation des usagers qui ne sont
pas toujours prêts à accepter cette nouvelle vision des choses. Elle implique aussi une bonne
information des élus et gestionnaires sur les effets bénéfiques ou néfastes de telle ou telle
pratique. En organisant des ateliers de terrain comme en octobre 2010, l’association EUCC-
France vise à créer ce lien nécessaire entre scientifiques et experts, d’un côté, praticiens,
gestionnaires et décideurs, de l’autre.
4. Menaces sur Wissant : processus naturels ou erreurs humaines ?
A. Le site
Wissant est au cœur du « Grand Site des 2 Caps ». Situé à l’extrémité sud de la Mer du Nord,
le village est blotti au fond d’une baie enfermant une petite plaine maritime protégée de la mer
par un cordon dunaire étroit et peu élevé (fig.20). La baie appartient à une cellule hydro-
sédimentaire bien délimitée vers l’ouest par le cap Gris Nez, mais largement ouverte vers le
nord-est et vers le large. Depuis le cap Gris Nez, un banc de sable pré-littoral, le "banc à la
ligne" s'allonge vers le nord-est en direction de la dérive littorale dominante. Ce banc repose
sur une nappe de galets fluviatiles quaternaires, étalés à un moment où le trait de côte était
localisé beaucoup plus au large que l'actuel. Ces galets de silex et de grès jurassiques,
remaniés par la mer ont formé un cordon sur le haut de plage de la dune du Châtelet. La baie
L'homme et la dynamique littorale: maîtrise ou adaptation? Dynamiques environnementales, 2014, 30, p. 89-104
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se découvre largement à marée basse, grâce à un marnage de plus de 8 m en vive-eau. Par
son orientation SW-NE, oblique par rapport aux vents dominants, ce secteur de côte est
intermédiaire entre le littoral picard et celui du Calaisis et de la Flandre maritime. Jusqu’aux
années 1980, la plage de Wissant, l’une des plus fréquentées de la Côte d’Opale, était bordée
à ses deux extrémités par des dunes bien développées (dune d’Amont au NE, dune d’Aval au
SW).
Fig. 20 : la baie de Wissant dans son cadre géographique.
A marée basse, tout l’ouest de la baie découvre sur plus d'un kilomètre de large un estran
sableux parsemé de bancs de tourbe mis en place dans des marais d'eau douce en arrière de
cordons sableux ou de galets, entre 4600 et 3600 BP, lorsque le niveau de la mer se stabilisait
(Mortier et Boels, 1982; Munaut et Gilot, 1977). Ces tourbes correspondent à une phase
majeure de colmatage des baies et des estuaires. Leur position actuelle sur l'estran reflète
une avancée importante de la mer, suite à une série d’inondations marines qui se sont
néralisées du IVe au VIIe siècle après J.-C, par rupture des cordons protecteurs.
B. Wissant menacé par l’érosion
Dans l'état actuel de son fonctionnement hydro et morphosédimentaire, la baie de Wissant
associe un secteur occidental en érosion et un secteur oriental (au droit de la "dune d'Amont")
en accrétion. Mais ce ne fut pas toujours le cas : Briquet (1930) décrivait une situation presque
opposée avec un estran tourbeux face à la dune d’Amont qui s’érodait et une tendance au
comblement de l’ouest de la baie en arrière du banc à la Ligne. Aujourd'hui, tout le secteur
ouest de la baie, jusqu'au village de Wissant, connaît une forte érosion combinant recul du
trait de côte et démaigrissement de l'estran, de plus en plus tourbeux, de moins en moins
sableux. Presque partout les dunes y sont tronquées en falaise déchaussant une végétation
typique d'arrière-dune. Au contraire, la dune d’Amont s’ « engraisse » par construction d’une
série d’alignements dunaires nés de la coalescence de dunes embryonnaires en arrière d’un
estran sableux où n’apparaît plus de tourbe (fig. 21). Le site de Wissant est très instructif : il
montre qu'au sein d'une même cellule sédimentaire, une zone de forte érosion peut être
L'homme et la dynamique littorale: maîtrise ou adaptation? Dynamiques environnementales, 2014, 30, p. 89-104
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juxtaposée à une zone d'accrétion rapide et que la répartition spatiale de ces zones est
susceptible de connaître des modifications radicales en moins d'un siècle.
Fig. 21 : Contraste de paysage à Wissant. A gauche, en mars 2007, falaise sableuse devant la
dune d’Aval avec déchaussement d’une végétation arbustive qui s’était développée en arrière-
dune et sur l’estran les restes du Mur de l’Atlantique (bunkers et mur anti-char). Au centre,
devant la dune du Châtelet, vastes affleurements de tourbe. A droite, dune blanche à oyat de
la dune d’Amont et absence de tourbe sur l’estran.
Les manifestations d'érosion marine le long de la digue de Wissant et de la dune d’Aval sont
récentes : pendant la dernière guerre, les apports de sable étaient si importants qu'ils gênaient
considérablement les Allemands, obligés de déblayer régulièrement les édifices militaires du
Mur de l’Atlantique. Cette abondance dura jusque dans les années 1980, tant le long de la
digue elle-même qu’au droit de la dune d’Aval : chaque année, avant l’été, une noria de
camions devait déblayer du front de mer des milliers de tonnes de sable qui menaçaient les
maisons. Un champ de dunes embryonnaires s’était formé en avant de la digue et de la dune
d’Aval dans les années 1950 (cf. fig. 28). La dune elle-même était alors couverte d’oyats. Mais
elle fut en partie arasée à la fin des années 1970 et formait au début des années 1980 une
masse de sable nu extrêmement mobile que l’on qualifiait par dérision de « Sahara » et qui
menaçait un lotissement construit malencontreusement en arrière. A cette époque, la menace
ne venait donc pas de la mer mais du sable. Après de difficiles et longues tractations, le
Conservatoire du littoral acquit la dune d’Aval en février 1985 et décida aussitôt de fixer la
dune en plantant des oyats et en installant des clôtures et filets brise-vent. L’objectif de
stabilisation de la dune fut atteint.
Mais un autre danger apparut, cette fois de la mer. C’est la dune d’Aval qui en subit d’abord
les assauts. Le mur anti-char construit par les Allemands en 1942 et en partie enseveli sous le
sable dans les années 1950, fut pour la première fois atteint par les vagues en 1980. La forte
tempête de novembre 1984, associée à un coefficient de marée de 102, entraîna un recul de
17 m au droit de la "dune d'Aval" (Clabaut et Chamley, 1986). Parallèlement, pour la première
fois, en 1986, la digue-promenade n’eut pas besoin d’être désensablée. Ce fait qui aurait
alerter les responsables, ne prit son importance que rétrospectivement. Il marquait le début
d’un démaigrissement inexorable de la plage dont le niveau s’abaissa très vite.
La digue qui datait de plusieurs décennies fut détruite par une tempête en 2001 et reconstruite
à l’identique au printemps 2002 (fig. 22). Dès le mois d'octobre 2002, il suffit de quelques jours
de mer forte pour que les vagues affouillent la base de l'édifice en rendant presque
inutilisables les escaliers d’accès à la plage. La nouvelle digue sera de nouveau détruite en
2007 avant même que la municipalité ait fini de la payer (fig. 23).
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fig. 22 : 2001-2002, destruction et reconstruction à l’identique de la digue-promenade.
L’affouillement du perré et le déchaussement des palplanches dès octobre 2002 montre que
l’édifice ne répond pas correctement à ses objectifs de défense contre la mer.
Fig. 23 : Nouvelle destruction de la digue lors de la tempête du 20 mars 2007.
Ce retournement de situation est illustré par le comportement des bunkers de la dune d’Aval
(fig. 24)
Fig. 24 : La plage au pied de la dune d’Aval. En novembre 2001, un bunker (cercle rouge)
émergeant du sable révèle une histoire complexe : les édifices allemands du Mur de
l’Atlantique ont d’abord été ensevelis sous le sable, après la guerre, avant d’être remis à jour
par l’érosion marine. L’emplacement de ce bunker indique la hauteur de la dune à cet endroit
en 1943-44. En mars 2007 (à droite) ce même bunker a été basculé sur la plage, sous les
assauts des vagues.
C. De l’abondance à la pénurie de sable
Le cas de Wissant est exemplaire pour analyser les relations entre l’homme et la nature. La
menace qui pèse sur l’une des plus belles plages sableuses de la côte d’Opale, la destruction
de la digue en 2000, sa reconstruction en 2002 puis sa nouvelle destruction en 2007, avant
même qu’on ait fini d’en payer le coût, ont frappé les esprits. La nature est-elle en cause ?
Quelles sont les responsabilités de l’homme ? Pour bien comprendre ce qui se passe
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aujourd’hui, il faut faire la part des processus naturels et des pratiques humaines en remontant
dans le passé.
1. Le fonctionnement hydrosédimentaire de la baie
Suggérée par la diversité d’évolution dans le temps (contraste entre l’important ensablement
de la plage pendant la dernière guerre et la crise érosive actuelle) et l’espace (contraste entre
dunes d’Amont et d’Aval), la complexité du fonctionnement hydro et morphosédimentaire de la
baie est confirmée par les études entreprises par le CETMEF (2004) et l’Université du Littoral-
ULCO (Aernouts & Héquette, 2006 ; Sedrati, 2006). D’après ces études, la baie serait un
système sédimentaire ouvert déficitaire : il sort de la baie plus de sable qu’il n’en rentre.
L’approfondissement de la baie entre le banc à la Ligne et la côte est significatif entre 1977 et
2002, contribuant sans doute à l’accentuation de l’érosion côtière dans la partie ouest de la
baie.
En outre un changement s’est produit dans la topographie des fonds proche du cap Gris Nez :
en 1911, le banc était accolé au Gris Nez et protégeait la plage de la Sirène, à l’ouest de la
baie. Depuis 1977 au moins, il est séparé du Gris Nez par une passe, selon un dispositif
proche de celui du 19ème siècle, d’après A. Briquet (1930). Toujours est-il que cette ouverture a
dû modifier la circulation marine et les déplacements de sable dans la baie, particulièrement
au jusant, et peut-être renforcer un contre-courant dirigé vers l’ouest-sud-ouest, contraire à la
dérive dominante vers l’est-nord-est. Ces hypothèses de travail sont suggérées par les études
conduites récemment par le CETMEF et l’ULCO. Néanmoins, il reste encore des incertitudes
qui ne seront levées que par une étude approfondie des fonds marins de ce secteur. On peut
seulement souligner que le renversement de tendance observé dans les années 1980, avec
parallèlement un engraissement notable de la dune d’Amont et un amaigrissement de la
plage de la Sirène, a suivi de peu les extractions opérées sur le banc à la Ligne et qui ont
cessé en 1981. Cela coïncide aussi avec un fort engraissement des plages de Sangatte-
Blériot, situées en aval dérive par rapport à la baie de Wissant.
Si la porte de sortie principale du sable de la baie est bien le chenal apparu dans les années
1970 entre le banc à la Ligne et le cap Gris Nez, encore faut-il expliquer pourquoi tant de
sable ne reste plus dans le système côtier. C’est là qu’interviennent d’autres facteurs qui n’ont
rien à voir avec les processus naturels.
2. Développement de la station balnéaire et exportation de sable hors du système côtier
L’histoire du port et du village de Wissant depuis le Moyen-âge révèle l’extrême mobilité de ce
littoral, en bordure d’une petite plaine maritime née de la sédimentation dans un
environnement marin, lagunaire, continental ou littoral. Du Moyen-âge au 20ème siècle, les
Wissantais ont dû presque constamment lutter contre l’ensablement du port et du village. Ce
péril était beaucoup plus grave que celui venant de la mer. Immédiatement au sud du ruisseau
d’Herlen, une dune haute d’une trentaine de mètres était présente au début du 20ème siècle
(fig.25).
Bien avant le 20ème siècle, les extractions de sable dunaire ont appauvri les réserves
sédimentaires du système côtier. Mais les conséquences en restaient invisibles, tant étaient
massifs les apports de sable depuis la mer. Suivant de peu les premières stations balnéaires
de la côte d’Opale, Wissant voit la construction de son premier hôtel en 1904, au plus près de
la mer. Comme dans toutes les stations balnéaires de cette époque, le front de mer était « la »
promenade obligée des estivants. Pour cela il fallait impérativement construire un support en
dur le plus près possible de la mer, c'est-à-dire sur l’avant-dune (fig. 26).
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Fig. 26 : Naissance de la station balnéaire de Wissant (1904-1914). La construction d’un hôtel
sur l’avant-dune (1904, à gauche) précède celle de la digue-promenade (1905). A droite, peu
avant la Grande Guerre, la digue-promenade, établie sur l’ancienne avant-dune, est
partiellement recouverte par le sable de la plage. L’ensablement du front de mer (digue et
villas) et la nécessité de son déblaiement sont des problèmes récurrents (source : Gallois,
2002).
A ses débuts, la fonction prioritaire de cette « digue-promenade » n’était pas la protection
contre la mer. Quand elle apparut en 1905, elle était adaptée à la morphologie dunaire,
légèrement perchée au-dessus de la plage et raccordée à celle-ci par un perré maçonné.
Personne à l’époque ne pouvait prévoir les conséquences néfastes de la disparition de
l’avant-dune, car on ignorait tout du fonctionnement d’un système côtier. A Wissant, comme
ailleurs, les pratiques régulières de désensablement du front de mer aggravèrent le déficit en
sable du système côtier, car le sable n’était jamais remis sur la plage. En se référant aux
stations voisines, comme Stella-Plage ou Le Touquet, on peut estimer que plus de 10 000 m3
de sable étaient prélevées chaque année aux dépens du système côtier. En outre, des
d’opérations d’arasement de la dune d’Aval eurent lieu dans les années 70 pour préparer de
nouveaux lotissements à l’ouest de la station. On sait aussi que des extractions de granulats
(sable essentiellement) ont été opérées sur le flanc nord du banc à la Ligne de 1973 à 1981,
et évaluées par la SOGREAH (2006) à plus de 1 200 000 m3. Or ces sédiments participaient
directement au fonctionnement du système hydrosédimentaire de la baie.
3. Les conséquences de la disparition de l’avant-dune et l’effet néfaste de la digue
La pénurie sédimentaire observée aujourd’hui à Wissant et dans d’autres stations balnéaires
du nord de la France n’est donc pas d’origine naturelle : elle résulte d’une erreur fatale qui a
fait disparaître la dune bordière et ce volant de sable indispensable à l’équilibre du système
côtier. La preuve a contrario c’est qu’il n’y a pas de pénurie là où la dune bordière a été
respectée, comme le long de la Réserve biologique domaniale de Merlimont. Il a fallu arriver à
la situation catastrophique d’aujourd’hui pour qu’on comprenne enfin que le sable du système
côtier devait être géré comme une ressource limitée, non renouvelable, indispensable à
l’équilibre de la plage.
Fig. 25 : Wissant au début du 20ème siècle
(vue vers l’est). Au sud du ruisseau d’Herlen,
une dune haute d'une vingtaine de mètres est
en contact direct avec la plage (source: La Côte
d’Opale d’Antan, I. Leclercq, 2005)
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Les conséquences des prélèvements répétés année après année n’ont pas été
immédiatement perçues. Ce retard entre la cause et les effets fait que lorsque les dégâts sont
visibles, il est trop tard pour inverser rapidement la tendance et les solutions de remédiation
sont beaucoup plus difficiles et coûteuses. A Wissant, les problèmes d’érosion et de
démaigrissement de la plage ne sont apparus qu’à la fin des années 1980, avant de
s’accélérer brutalement ces dix dernières années : le démaigrissement de la plage augmente
la tranche d’eau, donc la hauteur des vagues qui déferlent beaucoup plus près de la digue,
avec une énergie accrue. Ces vagues incidentes engendrent des courants de retour
entraînant le sable vers le large. Il y a un effet de rétroaction positive. Cet effet néfaste de la
digue, accentué par une pente très forte, est bien connu des ingénieurs (Pilkey & Wright,
1988). Il est vérifié ici (fig. 27). De 1985 à 2008, le niveau de la plage au droit de la digue s’est
abaissé de plus de 4 m (fig. 28 et 29).
Fig. 27 : Effet de la digue sur l’abaissement du niveau de la plage (source : SOGREAH, 2006)
Fig. 28 : La plage de Wissant vers 1955 (à gauche) et en 2008 (à droite). En 1955, un champ
de dunes embryonnaires s’était formé en avant de la digue et du mur antichar (pointillés
rouges). En 2008, la plage s’est abaissée de plus de 4m. Les enrochements ont été mis en
place après la tempête de mars 2007 qui détruisit une grande partie de la digue.
L'homme et la dynamique littorale: maîtrise ou adaptation? Dynamiques environnementales, 2014, 30, p. 89-104
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Fig. 29 : Abaissement du niveau de la plage au droit de la digue de Wissant.
4. Les solutions de remédiation
Face à la gravité de la situation actuelle, on retrouve les trois solutions habituelles :
- le laisser-faire : on laisse la mer continuer son œuvre de destruction et on abandonne le front
de mer. Ce peut être un recul « stratégique » si cet abandon vise à reconstituer la dune
originelle. Mais sans intervention tendant à reconstituer le stock sédimentaire, la dune ne peut
se reconstruire : le niveau de la plage est descendu trop bas pour que le sable s’assèche
suffisamment longtemps à marée basse pour être soulevé par le vent et nourrir une avant-
dune. Les larges affleurements de tourbe apparus simultanément ne font qu’aggraver le
phénomène. La preuve en est donnée par les tentatives infructueuses de piégeage de sable
au pied de la dune d’aval. Ce choix aurait pour conséquence, d’ici une vingtaine d’années ou
moins, la disparition de la dune d’Aval et la submersion des maisons situées en arrière. Il
suffirait d’une succession de tempêtes accompagnées d’une grande marée avec une surcote
décennale de + 1m, comme le 20 mars 2007.
- la défense « dure », c'est-à-dire la reconstruction de la digue. Sans autre mesure
d’accompagnement, il faudra que son profil soit complètement différent de celles qui ont été
détruites en 2000 et 2007 : la pente et le profil du perré doivent être calculés pour pouvoir
dissiper l’énergie des vagues incidentes. La structure de la digue doit assurer le drainage des
eaux accumulées par les vagues déferlantes. Il faudra aussi rehausser la digue en fonction
des surcotes marines les plus élevées et de l’élévation prévisible du niveau de la mer. Cette
reconstruction protégera les maisons du front de mer, mais ne permettra en aucun cas de
reconstituer la plage, ni de sauver la dune d’Aval, sauf à prolonger la digue vers l’ouest.
- la méthode « douce », c'est-à-dire l’utilisation des processus naturels en vue de rééquilibrer
le système côtier. Si l’on admet que la cause principale de la disparition de la plage et du
renforcement concomitant de l’érosion marine est une pénurie sédimentaire provoquée
principalement par l’homme, il faut compenser les prélèvements répétés depuis plus d’un
siècle par une recharge massive en sable. La SOGREAH (2006) a analysé la faisabilité de
cette opération, évalué la quantité de sable nécessaire et étudié les sources potentielles. Une
opportunité nouvelle s’offre depuis peu, dans la perspective du creusement des nouveaux
bassins de l’opération Calais 2015. La réutilisation du sable de ces bassins, dont les
propriétés sont exactement conformes à celles de la plage de Wissant serait une opération à
la hauteur des ambitions affichées par le label « Grand Site de France » que vient de recevoir
le site des Deux Caps.
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Conclusion
Situées dans un même environnement morphosédimentaire à régime mégatidal, les plages de
Merlimont, du Touquet et de Wissant diffèrent par le traitement anthropique qu’elles ont connu
depuis la dernière guerre. La Réserve biologique domaniale de Merlimont a non seulement
préservé un milieu dunaire exceptionnel mais aussi créé un système plage-dune fonctionnant
sous la contrainte des seuls forçages naturels, véritable site de référence pour étudier et
suivre les effets des dynamiques marine, éolienne et végétale. Dans un tel système, l’avant-
dune constitue une réserve sédimentaire indispensable à sa résilience. A contrario lorsque
l’avant-dune a été détruite au profit d’une digue ou d’habitations, comme à Wissant, le
système est déséquilibré, mais le temps de la nature n’est pas celui des aménageurs : les
méfaits d’une intervention peuvent ne se manifester qu’après un long délai, compliquant ainsi
les solutions de remédiation. Le Touquet est un bon exemple de grande station balnéaire qui a
connu tous les avatars de l’histoire du tourisme balnéaire, depuis la fin du 19ème siècle. La
volonté de soumettre la nature aux desiderata des promoteurs et des aménageurs a marqué
tout le 20ème siècle, malgré le choc des deux guerres mondiales. Il n’y a pas eu de catastrophe
comme à Wissant en raison d’une nature particulièrement généreuse, mais la prise de
conscience de la valeur et de la fragilité de l’environnement dunaire et estuarien a finalement
eu raison de projets qui auraient détruit irrémédiablement certains milieux à haute valeur
écologique. La vigilance reste cependant nécessaire.
On ne peut terminer cet article sans souligner l’intérêt d’une politique volontariste de
développement durable à l’échelle de la Région Nord-Pas de Calais. Beaucoup a été fait par
la Région pour la protection de l’environnement, en collaboration avec le Conservatoire du
littoral, les Conseils Généraux, l’ONF, les services de l’Etat (DIREN puis DREAL). L’opération
Grand Site des 2 Caps, la très prochaine naissance du Parc naturel marin des estuaires
picards et le Contrat de Baie pour la Canche vont dans le bon sens. Cependant beaucoup
reste à faire. En Nord-Pas de Calais, le rôle des associations de protection de l’environnement
a été et reste essentiel dans la sensibilisation des acteurs du littoral (des simples usagers aux
élus), la défense de l’environnement et la promotion d’une gestion intégrée. Pour superviser
toutes les actions menées et à mener pour mieux gérer, non pas le « trait de côte », comme
on le dit souvent (Cousin, 2011), mais le « système côtier », la création d’un observatoire
régional du littoral, sur le modèle de l’Observatoire de la Côte Aquitaine, nous semble une
étape fondamentale à franchir le plus rapidement possible.
Note : toutes les photographies en couleur sont de l’auteur
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... Nos propres recherches sur les côtes du nord de la France indiquent une majorité de plages stables ou en faible recul (Battiau-Queney et al., 2003a;Battiau-Queney, 2014). L'Observatoire de la Côte Aquitaine vient de publier un ouvrage qui recense et analyse en détail l'évolution des 230 kilomètres de côte sableuse, de l'estuaire de la Gironde à Anglet au Pays Basque (OCA, 2018). ...
Article
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Il est courant de lire et d'entendre que la hausse du niveau de la mer, l'une des conséquences les plus manifestes du réchauffement climatique, va accélérer l'érosion de nos côtes, menacer de submersion marine de vastes zones littorales urbanisées et faire disparaître nombre d'îles basses habitées. Ces craintes sont-elles justifiées ? Comme un consensus ne vaut pas vérité scientifique, on va essayer de démêler le vrai du faux en partant de l'état des connaissances scientifiques sur la hausse du niveau de la mer et analyser ses effets possibles sur les processus d'érosion des côtes.
... Certaines sont qualifiées de "morphogéniques" car elles modifient la morphologie du littoral et déplacent le trait de côte dans un sens ou dans l'autre (Battiau-Queney, 2014). Elles conjuguent des vents violents supérieurs à 120 km/h (engendrant une puissante dynamique éolienne sur les plages sableuses et dans les dunes), de basses pressions atmosphériques (engendrant une surcote marine aggravée en cas de coïncidence avec une pleine mer de vive-eau), une mer forte avec une hauteur de houle très supérieure à la moyenne et des phénomènes de run-up (hauteur maximale atteinte sur la côte par l'eau des vagues incidentes après leur déferlement). ...
Article
This paper explains that storm impacts are much more important than the sea-level rise to enhance coastal erosion. In the presentt state of research the frequence and intensity of storms do not seem to increase with the current sea-level rise. The paper has been published on line in 3 parts on http://www.science-climat-energie.be
... Nos propres recherches sur les côtes du nord de la France indiquent une majorité de plages stables ou en faible recul (Battiau-Queney et al., 2003a;Battiau-Queney, 2014). L'Observatoire de la Côte Aquitaine vient de publier un ouvrage qui recense et analyse en détail l'évolution des 230 kilomètres de côte sableuse, de l'estuaire de la Gironde à Anglet au Pays Basque (OCA, 2018). ...
Article
Il est courant de lire et d'entendre que la hausse du niveau de la mer, l'une des conséquences les plus manifestes du réchauffement climatique, va accélérer l'érosion de nos côtes, menacer de submersion marine de vastes zones littorales urbanisées et faire disparaître nombre d'îles basses habitées. Ces craintes sont­elles justifiées? Comme un consensus ne vaut pas vérité scientifique, on va essayer de démêler le vrai du faux en partant de l'état des connaissances scientifiques sur la hausse du niveau de la mer et analyser ses effets possibles sur les processus d'érosion des côtes.
... Les vastes estrans du littoral de la Côte d'Opale sont associés à des massifs dunaires (FAUCHOIS, 1998 ;BATTIAU-QUENEY et al., 2001 ;RUZ et al., 2005 ;MEURISSE et al., 2005 ;BATTIAU-QUENEY, 2014) qui ont été distingués en deux systèmes par BRIQUET (1930) associés à une plaine maritime précédemment décrite. ...
Thesis
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Les dunes côtières constituent un des éléments fondamentaux de la dynamique des systèmes côtiers sableux. Leur stabilité dépend essentiellement de leur capacité à résister aux effets des tempêtes et à se reconstituer après l'érosion. Dans le contexte actuel du changement climatique, la probable hausse du niveau de la mer devrait affecter considérablement les systèmes côtiers et de surcroît augmenter la vulnérabilité des cordons dunaires à l'érosion.L'objectif principal de cette thèse est d'étudier l'évolution des littoraux dunaires de la Côte d'Opale en adoptant une approche à plusieurs échelles de temps afin d'évaluer leur capacité de résistance et/ou de régénération face aux événements tempétueux. A long terme, l'étude de l'évolution du trait de côte sur près de 68 ans, à partir de photographies aériennes orthorectifiées, a révélé que plus de la moitié des littoraux dunaires de la Côte d'Opale sont stables ou en accumulation et possèdent donc une bonne capacité de résilience, malgré les nombreuses tempêtes ayant affecté ce littoral depuis le début des années 50. L'analyse de leur évolution sur un pas de temps de 5 ans a mis en évidence une forte variabilité spatiale et temporelle directement liée aux forçages météo-marins, notamment aux épisodes tempétueux associés à des hauts niveaux d'eaux. A moyen et court termes, des levés topographiques LiDAR et des mesures in-situ, couplés aux données météorologiques et hydrodynamiques, ont révélé une réponse morphologique différente entre des secteurs dunaires adjacents. Celle-ci est liée à la variation des paramètres morphologiques (altitude de pied de dune, largeur et volume du haut de plage) au cours des périodes étudiées. Les résultats montrent également que les processus de régénération peuvent être très longs sur nos sites d'étude, ce qui suggère que les dunes cotières qui, jusqu'à présent étaient relativement stables, risquent de connaître des épisodes d'érosion plus fréquents avec l'élévation contemporaine du niveau de la mer.
Chapter
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La Côte d'Opale juxtapose des plages à fonctionnement morphosédimentaire « naturel », adossées à une avant-dune bien établie, et des plages amputées de leur avant-dune, le plus souvent remplacée par une digue-promenade. À l'équilibre sédimentaire des premières s'oppose le démaigrissement des secondes. On montre qu'ici la pénurie sédimentaire est avant tout d'origine anthropique. Abstract Along the " Opal Coast " , in the North of France, wide sand beaches are either linked with well-established foredune or bordered with concrete sea-walls. In a similar coastal environment they undergo contrasted evolution: in the first case sedimentary processes and exchanges lead to long-term shoreline stability; in the second case beach depletion and dramatic sand level lowering are observed, because of local sand shortage.
Article
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Ammophila arenaria (marram grass) is highly invasive in temperate, southern hemisphere dune systems. Ammophila arenaria is known to form relatively large, uniform foredunes. However, the impact of A. arenaria invasion on adjacent transgressive dune systems is relatively poorly understood. This study (1) documents foredune and parabolic dune development and A. arenaria invasion at Mason Bay, New Zealand and (2) investigates the impact of A. arenaria foredune development on aerodynamic flow patterns and resultant parabolic dune sedimentary dynamics. Over a period of 40 years, A. arenaria invasion in Mason Bay transformed foredune morphology from an irregular and hummocky morphology to a continuous, densely vegetated foredune complex up to 11 m high. An incipient parabolic dune, initiated from a large blowout, was present prior to A. arenaria invasion. Parabolic dune development occurred through downwind migration of the depositional lobe at an average of 24 m y⁻¹ between 1958 and 1978. Subsequent parabolic development occurred through decreased depositional-lobe migration (0.79 m y⁻¹ between 1989 and 2002) and deflation surface enlargement as A. arenaria increased in extent and density across the dune. Significant vertical accretion and increased stability of the foredune occurred during this period. Computational fluid dynamics was used to model flow over foredune topographies associated with the native sand binder Desmoschoenus spiralis and the exotic A. arenaria. Ammophila arenaria foredune development has significantly altered the aerodynamic and sedimentary dynamics of the parabolic dune. During onshore SW flows, higher sheltering was modelled in the lee of the A. arenaria foredune with velocities reduced to between 60% and 70% of ambient across the deflation surface. Flow recovery downwind of the A. arenaria high foredune was 81%, compared to 94% for the D. spiralis low foredune with flow influenced up to 40-45 times the A. arenaria foredune height. Reduced flow velocities, increased foredune stability, and stabilisation of the parabolic dune have resulted in a transition from a highly mobile to a highly stable dune.
Article
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This paper examines shoreline mobility and sediment budget conditions on a sandy macrotidal coast with a well developed foredune. Aerial photographs and ‘bunker archaeology’ covering the last 50 years were analysed in order to determine the meso-scale evolution of Le Touquet beach, in northern France. Both methods show that shoreline retreat has been negligible or very slow and has been accompanied by an elevation of the foredune. DGPS cross-shore profiles show a balanced sediment budget over the last 7 years. Only a slight change of the beach face profile (0.2–0.5 m rise or fall) was observed while the foredune exhibited a sharper change. The French coast of the eastern English Channel differs from that of the French Atlantic coast which is currently being strongly eroded. The balanced sediment budget of the former is attributed to sand inputs from nearshore banks, which compensate exports due to longshore drift and to foredune development.
Article
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L'érosion des plages est un phénomène général dans le monde. Elle est essentiellement due à une pénurie en sable et en galets sur les côtes. Cette pénurie, qui a commencé à se manifester après la fin de la transgression postglaciaire, a été accentuée à l'époque contemporaine par des actions humaines, en particulier la construction de barrages sur les fleuves. L'élévation attendue du niveau de la mer aggravera probablement l'érosion des plages.
Article
Differential maps have been digitalized and compared from successive bathymetric and topographic surveys performed under different meteorological conditions from May 1992 to December 1994 in the shoreface-to-beach system of the 30 km long coastal area extending from Gravelines to the French-Belgian border in southernmost North Sea. The data, which concern a low-relief sandy coastal system exposed to a macrotidal regime with flood-driven eastward sediment transport, have been interpreted according to meteorological, hydrodynamical and aerodynamical characteristics. A balanced sediment budget was observed, which contradicts previous data suggesting a progressive long-term erosional trend. This result indirectly underlines the key-role on the sedimentary budget of exceptional events such as severe storms. The two types of erosion identified comprise the action of frontal waves and the combined interaction of tidal currents and wind. Five hydrodynamical cells have been recognized along the shoreface. The corresponding segmentation is attributed to the specific distribution of the wave energy along the coast due to the presence of submarine banks responsible for the deformation of the wave propagation. The morphological changes of the beach depend on the tide and swell action responsible for the construction/migration/destruction of the ridge and runnel system.
Article
Sur le terrain, l'étude de l'agencement des vestiges militaires nous donne rapidement des informations pertinentes sur l'évolution des paysages côtiers, en particulier dans les dunes. Cette méthode originale, qui devrait être appelée « bunker archéologie», est basée sur le fait que les bunkers allemands sont d' exceptionnels marqueurs géomorphologiques. Pendant la Seconde Guerre mondiale, ils sont les éléments de base d'un système défensif : le Mur de l'Atlantique (1942-1944). Chaque modèle de bunker est conçu en fonction d'une mission particulière et implanté dans un environnement précis de manière à remplir cet objectif. Un demi-siècle après la fin de la guerre, l'identification du type de bunker permet de révéler rapidement d'éventuels changements paysagers à l'aide de cette corrélation entre mission et implantation originelle.
Article
The morphology, bedforms and hydrodynamics of Merlimont beach, in northern France, characterised by intertidal bars and a spring tidal range of 8.3 m, were surveyed over a 10-day experiment with variable wave conditions that included a 2-day storm with significant wave heights of up to 2.8 m. The beach exhibited two pronounced bar-trough systems located between the mean sea level and low neap tide level. Waves showed a cross-shore depth modulation, attaining maximum heights at high tide. The mean current was characterised dominantly by strong tide-induced longshore flows significantly reinforced by wind forcing during the storm, and by weaker, dominantly offshore, wave-induced flows. Vertical tidal water-level variations (tidal excursion rates) showed a bimodal distribution with a peak towards the mid-tide position and low rates near low and high water. The two bar-trough systems in the mid-tide zone remained stable in position during the experiment but showed significant local change. The absence of bar migration in spite of the relatively energetic context of this beach reflects high macro-scale bar morphological lag due to a combination of the large vertical tidal excursion rates in the mid-tide zone, the cross-shore wave structure, and the pronounced dual bar-trough system. The profile exhibited a highly variable pattern of local morphological change that showed poor correlation with wave energy levels and tidal excursion rates. Profile change reflected marked local morphodynamic feedback effects due mainly to breaks in slope associated with the bar-trough topography and with trough activity. Change was as important during low wave-energy conditions as during the storm. Strong flows in the entrenched troughs hindered cross-shore bar mobility while inducing longshore migration of medium-sized bedforms that contributed in generating short-term profile change. The large size and location of the two pronounced bars in the mid-tide zone of the beach are tentatively attributed respectively to the relatively high wave-energy levels affecting Merlimont beach, and to the cross-shore increase in wave height hinged on tidal modulation of water depths. These two large quasi-permanent bars probably originated as essentially breakpoint bars and are different from a small bar formed by swash and surf processes in the course of the experiment at the mean high water neap tide level, which is characterised by a certain degree of tidal stationarity and larger high-tide waves.