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Laurent Di Filippo, Patrick Schmoll La ville après l’apocalypse
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La ville après
l’apocalypse
Entre formalisation projective
et réalisation locale
laurEnt Di filippo
Chargé de recherches en sciences de l’information et
de la communication
Dépt. R&D Ernestine Studios, Strasbourg
Chercheur associé au CREM
EA 3476, Université de Lorraine
<laurent@di-lippo.fr>
patriCk sChmoll
Ingénieur de recherches au CNRS, anthropologue
Université de Strasbourg
UMR 7367 Dynamiques Européennes
<schmoll@misha.fr>
F
in 2014, le studio strasbourgeois
Ernestine annonce son projet
d’un jeu vidéo en ligne, Apoca-
lypsheim, qui se déroule dans un Stras-
bourg dévasté par une catastrophe. Un
premier teaser (vidéo de promotion)
montre des rues et des caves enva-
hies par une végétation mutante et la
montée des eaux. Le spectateur peut
reconnaître le parvis de la cathédrale
ou certains bâtiments de la Neustadt,
le quartier haussmannien de l’époque
allemande. L’annonce rencontre un
indéniable écho local : une page Face-
book qui en publie les illustrations est
« likée » par un millier de personnes la
première semaine, qui forment une
petite communauté attendant désor-
mais la sortie du jeu. Cette initiative
n’est pas sans rappeler Leelh (3DDuo,
2010), un autre jeu mettant en scène
une ville française de province sur le
mode post-apocalyptique, qui connut
un succès local, mais dut renoncer
faute d’avoir trouvé son modèle éco-
nomique.
Le présent article propose d’ana-
lyser la mise en scène ludique de la
ville selon un genre qui participe
pleinement du récit d’anticipation et
questionne l’idée de projet urbain.
À travers une analyse exploratoire,
nous souhaitons dégager quelques
pistes pertinentes pour l’étude de ce
type d’œuvres et contribuer à l’ana-
lyse d’un sous-genre ctionnel pour
lequel les recherches restent encore
rares, particulièrement en France, si
on les compare à d’autres thèmes ou
genres comme la fantasy. À cet eet,
nous reviendrons dans un premier
temps sur le genre post-apocalyptique
comme réception de récits mythiques.
Ce faisant, cet article poursuit et com-
plète des réexions déjà entamées dans
un précédent travail sur les diérentes
mises en scène vidéoludiques du sacré
(Di Filippo & Schmoll 2013). Plus
précisément, il s’agira de comprendre
comment ce type de jeu exprime les
angoisses d’une époque qui prennent
la forme d’un futur placé sous le signe
de l’eondrement quasi généralisé. En
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eet, le succès de ce genre ctionnel
depuis la seconde moitié du siècle
et les inquiétudes auxquelles il ren-
voie peuvent être mis en lien avec
un certain rapport à l’espace urbain
à travers l’imaginaire des ruines qu’il
produit. Dans un second temps, nous
verrons en quoi un jeu vidéo permet
une appropriation particulière de la
ville en tant que « réalisation locale »,
en nous appuyant notamment sur les
réexions d’Erving Goman. Nous
pourrons alors dénir certaines carac-
téristiques de ce que l’on peut appeler
un projet urbain ludique post-apoca-
lyptique.
Le Post-apocalyptique
comme sous-genre
projectif
n
L’Apocalypse, usages contemporains
d’une projection « mythique »
Devenu aujourd’hui l’un des sous-
genres majeurs de la science-ction,
le « post-apo » ferait remonter ses
origines à quelques récits futuristes
de la n du siècle (Mousout-
zanis 2009 : 458). Cependant, la mise
en scène de catastrophes majeures
conduisant à un eondrement géné-
ralisé est bien plus ancienne, qu’il
s’agisse d’évoquer le passé, comme
dans le cas du déluge biblique ou de
l’Atlantide, ou des événements futurs,
comme l’apocalypse chrétienne ou le
Ragnarök scandinave.
La littérature de science-ction est
souvent considérée comme une « lit-
térature d’anticipation », en d’autres
termes, de projection vers l’avenir.
Or, le qualicatif post-apocalyptique
renvoie au dernier livre du Nouveau
Testament, l’Apocalypse, parfois sous-
titrée « Révélation accordée à Jean »
(La Bible en français courant. Nou-
veau Testament, 1992 : 363). En eet,
le sens premier du terme apocalypse,
issu du grec ποκάλυψι (apokálupsis),
est bien révélation (Musset 2012) et est
souvent associé à l’idée de prophétie.
Il s’agit donc d’une forme de projec-
tion vers l’avenir. Le sens moderne du
terme, à savoir une n du monde cata-
clysmique, apparaît dans la seconde
moitié du siècle (Rey 2012 : 152).
Il s’agit donc de ce que nous appe-
lons une formalisation projective, en
ce qu’elle donne forme, ici et mainte-
nant, à une idée de quelque chose qui
n’est pas encore. En cela, elle constitue
déjà une réalisation locale, aspect sur
lequel nous reviendrons plus spéci-
quement dans la seconde partie de
ce texte.
Mais les récits du genre post-
apocalyptique mettent en scène des
événements se déroulant après un
eondrement général. On peut alors se
demander, comme le fait James Berger
(1999 : XI), ce que pourrait signier
l’oxymore « après la n [aer the end] ».
Car précisément, ce qui intéresse les
auteurs d’œuvres s’inscrivant dans ce
genre, c’est moins la manière dont la
destruction se produit que ce qu’il se
passe une fois la catastrophe passée
(Valéry 2013 : 31). En eet, il faut rap-
peler tout d’abord que ni l’apocalypse
chrétienne, ni d’autres événements
souvent qualiés de n du monde, ne
sont des ns dénitives. Par ailleurs,
de nombreux récits comme le Déluge,
Ill. 1 : omas Frick, Artwork du projet de jeu vidéo Apocalypsheim, Ernestine studio.
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le récit de la tour de Babel, la chute de
Sodome et Gomorrhe ou la chute de
l’Atlantide, sont présentés comme des
événements majeurs appartenant au
passé, et, par dénition, l’humanité y
a survécu par un moyen ou un autre et
en garde la mémoire. Dans ce sillage,
le sous-genre post-apocalyptique pro-
cède donc d’une forme de syncrétisme,
qui renvoie a minima aux traditions
grecque et chrétienne et, bien au-delà,
à un vaste ensemble de récits mettant
en scène la destruction de groupes
ou de sociétés humaines, c’est dire
qu’« une des raisons de la résistance
du mythe de l’Atlantide est qu’il se
rattache à un ensemble plus vaste,
qui est celui des paradis perdus et des
âges d’or » (Treuil 2012 : 67). Ce type
d’œuvres, parmi lesquelles on trouve
aujourd’hui de nombreux jeux vidéo,
permet alors l’expression de certaines
peurs et certains fantasmes.
L’Atlantide constitue l’exemple
archétypique d’une société détruite
qui alimente de nombreux récits de
ction (Musset 2012 : 29-48). En eet,
« la destruction brutale d’une telle cité
doit nous rappeler à quel point nos
civilisations, placées sous la menace
permanente de soubresauts de la
nature, restent fragiles malgré leur
puissance apparente » (Id. : 34). La thé-
matique de la destruction massive sert
à mettre en avant la faiblesse face à des
menaces contre lesquelles l’humanité
sera impuissante : châtiments divins,
excès des usages technologiques, catas-
trophes environnementales, et bien
d’autres dangers. Très souvent, l’ar-
rogance humaine est à l’origine des
événements qui viennent mettre n à
une ère de prospérité : « On retrouve
souvent, aussi, l’idée que l’homme a
gâché ce paradis par ses prétentions :
on rejoint là l’un des thèmes du dis-
cours écologiste courant, qui renoue
de façon frappante avec le moralisme
de Platon » (Treuil 2012 : 90). C’est
sans doute pourquoi, en termes de
réception, le genre post-apocalyptique
connaît un certain succès durant la
seconde moitié du siècle, mar-
qué par le traumatisme de la Seconde
Guerre mondiale (Foessel 2012), puis
par la Guerre froide et la menace
nucléaire. Plusieurs auteurs, parmi
lesquels James Berger (1999), mettent
ce succès sur le compte des trauma-
tismes vécus durant la première moi-
tié du siècle. À notre avis, pour
comprendre la dimension critique de
ces œuvres envers les sociétés au sein
desquelles elles sont produites, ainsi
que la méance qu’elles développent, il
faut ajouter à l’analyse le contexte éco-
nomique occidental plutôt favorable
mais néanmoins critiqué, qui sera
rebaptisé plus tard les « Trente Glo-
rieuses » (Bonneuil, Pessis & Topçu
2015 : 19), suivi des crises pétrolières
des années 1970 et la récession des
années 1980. On retrouve dans ces
récits une critique du progrès et de
la technologie (Mousoutzanis 2009).
Il n’est donc guère étonnant que « de
nombreux auteurs de science-ction
aient proté de ce commentaire ven-
geur [la chute de l’Atlantide], desti-
né par Platon à mettre en valeur la
vertu des anciens Athéniens, pour
critiquer nos sociétés contemporaines
sous couvert de fustiger les mauvaises
mœurs d’une Atlantide chargée de
tous les péchés du monde » (Musset
2012 : 39). Ces auteurs utilisent ce que
René Treuil (2012 : 123) qualie de
« pouvoir évocateur du mythe » pour
parler des idées de leur temps. Dans
son travail sur la ction, Jean-Marie
Schaeer (1999 : 151) propose une idée
similaire à propos des récits considérés
comme mythiques provenant d’autres
cultures que la nôtre et qui n’ont pas
le statut de croyances : « leur ction-
nalisation permet de les recycler en
support de satisfaction esthétique, et
donc de continuer à en tirer un prot
en termes cognitifs et aectifs ».
Ce type d’œuvres peut alors être
interprété en tant que « lieux de l’ac-
tion », au sens d’Erving Goman (Di
Filippo & Schmoll 2013, Di Filippo
2016b) puisqu’évoquer le danger ou
la fatalité à travers divers espaces
ou représentations médiatiques et
ludiques permet d’interroger les
normes ou les conventions de nos
sociétés. En eet, on trouve là une
« fonction sociale de la fatalité par pro-
curation » (Id. : 221-222) :
« On met à notre disposition, en toute
sécurité, des personnes honorables présen-
tées sur la scène où la fatalité les assaille,
pour que nous nous identiions à elles,
chaque fois que nous délaissons notre réa-
lité. Grâce à cette identication, il est pos-
sible de clarier et de réarmer le code
de conduite des activités fatales, code trop
coûteux ou bien trop dicile pour préva-
loir dans la vie quotidienne. On s’assure
ainsi un cadre de référence pour juger les
actes de tous les jours, sans avoir à en subir
les sanctions. » (Ibid.)
Les jeux vidéo du genre post-apoca-
lyptique peuvent alors eux aussi porter
la possibilité d’une forme de critique
sociale. La série des jeux Fallout est
sans doute l’une des licences les plus
connues de jeu de rôle sur ordinateur
se déroulant dans un univers post-
apocalyptique, et plus précisément,
post-nucléaire. Son troisième opus est
aussi l’un des titres les plus étudiés
du genre (Games 2011, Grey 2009,
Schulzke 2009, Pichlmair 2009, Mos-
berg Iversen 2012). Certains auteurs
voient dans ce jeu à succès une cri-
tique de la guerre : « Fallout raconte
une histoire à propos de la futilité des
conits armés et à propos de l’incapa-
cité de maintenir des normes sociales
en temps de crises, il enseigne que
l’apocalypse frappe le cœur plutôt que
le corps » (Pichlmair 2009, notre tra-
duction). Ainsi, sans être des « jeux
expressifs » à la manière dont les dé-
nit Sébastien Genvo (2012), qui les
associe aux jeux indépendants, de
nombreux jeux permettent d’aborder
des sujets sociétaux problématiques.
Cette idée nous renvoie alors à une
réexion plus générale sur les récits
mythiques et leurs usages contem-
porains. Claude Calame (2000 : 48)
rappelle à propos des récits grecs que
chaque version doit être recontextua-
lisée de façon pragmatique et com-
prise comme une mise en discours
particulière : chacune constitue une
situation d’énonciation qui inuence
sa forme tout comme le sens qui lui
est attribué. De même, Hans Blumen-
berg (2005 : 154-155), spécialiste de la
réception des mythes, suggère que « la
signicativité […] est un résultat, non
pas une réserve constituée : les mythes
ne signient pas toujours déjà ce que
leur interprétation et leur élaboration
en font, mais s’enrichissent à partir
des congurations dans lesquelles ils
entrent ou auxquelles ils sont rappor-
tés ». Pour le dire autrement, pour être
comprises, les références aux récits
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mythiques ne doivent pas seulement
être interprétées comme la répétition
d’un modèle supposé originel, mais
doivent être rapportées au nouveau
cadre de leur utilisation an de sai-
sir leur apport à la compréhension
de leur usage à un moment donné.
Cela semble d’autant plus vrai lorsqu’il
s’agit de récits post-apocalyptiques,
puisque « remonter loin dans le temps
et dans l’imaginaire permet donc à la
science-ction de dénoncer les vices
de notre époque en agitant le spectre
d’un avenir menaçant : dans le miroir
de l’Atlantide, les ruines du futur nous
contemplent » (Musset 2012 : 41).
Dans ce cas, l’usage de récits tradi-
tionnels anciens contribue à former
un discours présent à propos d’un
temps à venir. Pour Michael Foessel
(2012 : 37), « la marque des pensées
de la catastrophe, qu’elles soient reli-
gieuses ou non, est d’inscrire le futur
dans le présent ».
Les ruines, projections urbaines
au « futur antérieur »
Le genre post-apocalyptique « s’ins-
crit dans une esthétique des ruines »
(Musset 2012 : 221). Dans le projet
de jeu Apocalypsheim, par exemple,
les joueurs devront évoluer dans un
Strasbourg partiellement détruit, mais
dont certains éléments restent recon-
naissables. Le décor urbain, marqué
par la concentration de ses bâtiments
et de ses constructions, est particuliè-
rement favorable à la mise en scène
d’une telle destruction, qui dépeint la
fatalité ou le risque d’un eondrement
futur. Quelle qu’en soit la raison, elle
nous ramène ainsi au constat de « la
n du monde, ou pour le moins, la n
d’un monde » (Id. : 23). Ce qui nous
conduit à ce second questionnement :
de quel monde parle-t-on exactement
et en quoi la ville en est-elle la repré-
sentation ?
Dans leur étude de l’imaginaire
des ruines, Begin et Habib (2007 : 5)
rappellent que les ruines sont avant
tout un symbole du passé : « Figures
de temps anachroniques, forcément
inactuelles, les ruines forent notre
présent en y rendant manifestes des
zones de mobilité, des stratications,
invitant à des fuites en avant et des
remontées du passé ». Ainsi, l’analyse
de diverses gurations des ruines per-
met-elle à la fois de se situer dans le
temps et de prendre conscience de
la relation temporelle qui s’installe
entre l’individu et ces « restes d’un
passé révolu ». Au-delà du fait qu’elles
sont la marque d’une forme de fata-
lité, « elles évoquent peut-être avant
tout un temps qui fut ainsi qu’une
présence qui ne sera plus » (Id. : 6).
Elles ont une fonction similaire dans
d’autres genres de jeux vidéo, comme
le jeu de rôles en ligne massivement
multijoueurs World of Warca, où
les ruines agissent « comme des lieux
de mémoire signicatifs d’une gloire
passée » et « apportent une atmos-
phère dramatique » (Krzywinska
2008 : 130-131). Ainsi, le genre post-
apocalyptique mettant en scène les
ruines du présent place-t-il ce dernier
comme l’Âge d’or perdu dont nous
parlions plus haut.
Dans les œuvres post-apocalyp-
tiques, l’atmosphère dramatique due
à la perte que symbolisent les ruines
n’est pas seulement matérielle, puis-
qu’« avec la catastrophe s’est opéré un
eondrement symbolique de la ville
qui a eu pour eet de ruiner ses repré-
sentations qui en font habituellement
un environnement anthropique. Ne
reste qu’un espace évacué, un paysage
manifestant désormais la seule ter-
ritorialité indénie de l’espace-ville »
(Béguin 2010a : 6). En eet, les ruines
ne sont plus que les « traces matérielles
d’une existence anthropologique pas-
sée » (Id. : 6). À travers leur matérialité,
et l’usage dont ils ne font plus l’objet,
comme le tramway de Strasbourg
immobilisé et rongé par la rouille dans
les illustrations d’Apocalypsheim, c’est
la vie qui prenait appui sur ces objets
qui a disparu.
Encore une fois, l’histoire des termes
peut aiguiller la réexion, puisque
le terme catastrophe, emprunté, via
le latin, au grec ancien καταστροφή,
katastrophè, renvoie à l’idée de ren-
versement d’une situation. Son sens
moderne négatif de « désastre brusque
et eroyable » est notamment dû à
l’usage du et siècles qui en
fait une métaphore théâtrale inspirée
des ns souvent funestes des tragé-
dies classiques (Rey 2012 : 618). C’est
donc bien l’idée de changement qui
est centrale. Le monde, comme espace
social ordonné selon certaines normes
sociales, règles ou conventions,
n’existe plus, car « pour la science-
ction, la n du monde emporte dans
Ill. 2 : Le tram strasbourgeois immobilisé après l’apocalypse, capture d’écran du projet Apocalypsheim.
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son maelström infernal les structures
morales et politiques qui serviraient
de cadre normatif aux comporte-
ments des groupes et des individus
dans un monde relativement bien
ordonné » (Musset 2012 : 217). Dans
le même ordre d’idée, Richard Begin
(2010b : 166) souligne que, dans dif-
férentes adaptations du roman I Am
Legend (Matheson 1954), le dernier
homme gure « la “légende” d’une
réalité occidentale révolue ». La ville
en ruines représente donc la n de la
société telle que nous la connaissons.
Par la mise en scène de ses ruines,
l’œuvre ctionnelle post-apocalyp-
tique pourrait être qualiée de pro-
duction au futur antérieur. On peut
illustrer cette idée par la phrase sui-
vante : « Lorsque la catastrophe aura eu
lieu, il ne restera plus que des ruines ».
Dans cette phrase, le syntagme verbal
« avoir lieu », désignant la catastrophe
est ici au futur antérieur. Autrement
dit, tout en étant déjà un fait passé
dans le cadre de la ction, l’événement
tragique est bien signalé comme un
risque futur au moment de l’énon-
ciation. Le texte ou le jeu est alors
l’expression d’un discours présent sur
l’avenir.
Cependant, dans un même mou-
vement, cette n d’un monde devient
un prétexte qui permet de proposer
un nouvel environnement à explo-
rer, voire quelque chose de neuf à
construire :
« Ce pourquoi l’univers post-apocalyptique
devient vite, suite à l’après-coup, un uni-
vers de conquête. Il ne faut donc pas y voir
l’errance du nomade comme l’expression
fatale d’une perdition, même si elle en a, au
départ, toutes les apparences. Malgré ce et
ceux que le personnage du survivant a pu
perdre suite à la catastrophe, il n’en gagne
pas moins ici un pouvoir sans précédent :
celui d’être dorénavant un prédateur libre
de ses actions » (Béguin 2010a : 3).
Les règles qui servaient à maintenir
un certain ordre dans le monde ont
disparu et « l’environnement anthro-
pique devient en ce sens un territoire
sauvage, un espace oert à quiconque
possède la force (ou la volonté) de
se l’approprier » (Béguin, 2010a : 6).
Richard Béguin évoquait les héros de
roman et de lm, mais dans le cas du
jeu vidéo, ce sont les joueurs qui vont
devoir s’approprier un espace et ses
règles à travers leur activité ludique.
Si l’on en croit Alain Musset (2012,
p. 220), la mise en scène de l’espace
urbain dans le genre post-apoca-
lyptique n’est pas le fruit du hasard
puisque :
« C’est néanmoins au cœur des centres
urbains désolés que les joueurs peuvent
le mieux exprimer leurs capacités intellec-
tuelles et exercer leur imagination, puisque
les bâtiments en ruine sont un décor idéal
pour mettre en scène des héros dont on
peut partager l’angoisse d’aronter des dan-
gers inconnus et l’espoir d’accomplir une
mission vitale pour le salut de l’humanité. »
Il nous faut alors questionner plus
en avant les spécicités du jeu comme
mode d’appropriation de l’espace
urbain.
Vers de nouvelles
appropriations de
l’espace urbain : le
projet urbain ludique
n
Lorsque l’on parle de projets
urbains, on fait principalement réfé-
rence aux processus d’aménagement,
d’urbanisation, ou d’architecture,
c’est-à-dire des formes de construction
ou d’aménagement de la cité. Dans
le cas de jeux vidéo comme Apoca-
lypsheim ou Leelh, qui se déroulent
dans des villes existantes de province,
il s’agit de la mise en scène numérique
de l’espace urbain. Ce ne sont pas des
villes comme Paris ou New York qui
appartiennent au patrimoine imagi-
naire mondial. L’ancrage du ludique
est nécessairement plus « local ».
L’espace urbain constitue alors un
cadre pour l’activité ludique à par-
tir duquel il est possible d’analyser
« l’expérience “anthropologique” de
l’espace » (Certeau 1980 : 142). Michel
de Certeau, propose de distinguer un
lieu d’un espace. Le premier renvoie
à l’ordre « selon lequel les éléments
sont distribués dans des rapports de
coexistence », alors que le second ren-
voie à des « vecteurs de direction, des
quantités de vitesse et la variable de
temps » (Id. : 173). Prenant l’exemple
de la ville, il illustre son propos en
disant qu’à la manière dont l’acte de
lecture est l’expérience d’un système
de signes écrits, « la rue géométrique-
ment dénie par un urbanisme est
transformée en espace par des mar-
cheurs » (Ibid.). La relation entre les
deux concepts peut alors être décrite
de la façon suivante :
L’espace serait au lieu ce que devient le
mot quand il est parlé, c’est-à-dire quand
il est saisi dans l’ambiguïté d’une eec-
tuation, mué en un terme relevant de
multiples conventions, posé comme l’acte
d’un présent (ou d’un temps), et modié
par les transformations dues à des voisi-
nages successifs. À la diérence du lieu, il
n’a donc ni l’univocité ni la stabilité d’un
« propre » (Ibid.).
Autrement dit, à la forme de maté-
rialité structurante du lieu s’articule
l’appropriation des individus, « en
somme, l’espace est un lieu pratiqué »
(Ibid.). L’espace est alors la forme réa-
lisée et actualisée du lieu, qui, tant
qu’il n’est pas pratiqué, resté à l’état
de potentialité.
Dans ses travaux sur l’activité
ludique, qui s’appuient en grande
partie sur les travaux de Michel de
Certeau comme exercice de l’appro-
priation, Maude Bonenfant rappelle
que le verbe approprier signie rendre
propre à un usage ou à une destination
(Bonenfant 2015 : 81). Il nous semble
intéressant de considérer ce type de jeu
comme une pratique du lieu urbain
qui va en faire un espace d’expérience
ludique particulier à travers la gure
post-apocalyptique. Les travaux d’Er-
ving Goman le désignent comme
une réalisation locale qui nous permet
d’envisager les liens entre la ville et le
monde, tout comme les ruines évo-
quées précédemment renvoyaient déjà
à la ville comme symbole d’un monde
moderne perdu.
Les travaux d’Erving Goman ont
déjà été utilisés dans l’étude des jeux
vidéo comme alternative aux travaux
dits classiques de Johan Huizinga et
Roger Caillois, dans le cas des jeux
« pervasifs » (Nieuwdorp 2005) ou
pour comprendre les constructions
de mondes dans les jeux en ligne
massivement multijoueurs (Zabban
2011). Au-delà de l’idée de séparation
de la vie courante souvent associée
aux dénitions classiques du jeu, et
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Revue des Sciences Sociales, 2016, n° 56, « Indisciplin.é.e.s »131
dans le prolongement d’une sociolo-
gie de la fête (Huizinga 1938, Caillois
1958), il s’agit de chercher à mettre en
lumière leur inclusion dans le cadre
de la vie quotidienne à travers les rap-
ports qu’entretiennent ces activités
ludiques avec d’autres activités (Hen-
riot 1989 : 194, Di Filippo 2014). Dans
le cadre de cet article, nous évoquerons
la relation que le jeu entretient avec la
ville actuelle à travers les symboles qui
servent à marquer son identité, puis
nous évoquerons certains principes
qui permettent de comprendre com-
ment s’établissent des relations entre
la ville physique et ses représentations
ctionnelles ludiques, renvoyant à
la problématique plus générale de la
continuité et du changement.
Géosymboles et identité urbaine
La ville ou l’environnement urbain sont de
longue date impliqués dans un très grand
nombre de jeux vidéo. Il s’agit le plus sou-
vent de villes imaginaires qui servent de
décor, de lieu-étape, de terrains, de bac à
sable. Ce n’est que progressivement qu’elle
devient le terrain en tant que tel de l’aven-
ture. Très vite, des villes réelles sont récupé-
rées pour être scénarisées dans des jeux où
elles sont copiées-collées ou transformées,
tout en maintenant des structures recon-
naissables. On retrouve ainsi des décors
urbains dans des jeux de combats, tels que
Street Fighter, dont le nom fait directement
référence à une partie importante de la
ville, ses rues.
Dans la fiction apocalyptique
comme la science-ction en général,
on retrouve le plus souvent de grandes
métropoles connues (Desbois 2007,
Musset 2012 : 114). Toutefois, certains
jeux prennent place dans des villes
de moindre importance. Leelh, pro-
bablement le premier jeu post-apo-
calyptique à avoir mis en scène une
ville française de province, était un jeu
de rôle en ligne massivement multi-
joueurs sur navigateur web, dévelop-
pé par 3DDuo et lancé ociellement
en 2010. Il se déroule dans la ville
de Villeneuve d’Ascq en ruine, une
vingtaine d’années après le cataclysme
qui l’a détruite en 2060. Plusieurs
éléments de son univers rappelaient
son ancrage local. De même, le pro-
jet Apocalypsheim interpelle d’abord
ceux qui connaissent la ville de Stras-
bourg, habitants ou anciens résidents,
voyageurs de passage que leur visite a
marquée, ou futurs visiteurs. Le titre
lui-même est évocateur d’abord pour
des Alsaciens avec son suxe « -heim »
rappelant le nom de nombreux villages
de la région. L’espace imaginaire ne
peut éviter un ancrage dans la réalité
et le local.
Des jeux qui situent leur théâtre
dans des villes moins connues visibi-
lisent les eets incontournables sur
le local de cette référence à un espace
urbain réel qui a toutes les chances
d’être partagé d’abord et majoritaire-
ment par des joueurs qui y habitent.
Ce type de jeu fourmille alors de ce que
Joël Bonnemaison (1981 : 256), appelle
des « géosymboles », c’est-à-dire « un
lieu, un itinéraire, une étendue qui,
pour des raisons religieuses, politiques
ou culturelles prend aux yeux de cer-
tains peuples et groupes ethniques,
une dimension symbolique qui les
conforte dans leur identité ». Une
identité locale, ici urbaine, se construit
à travers les éléments de décor bien
connus tels que la cathédrale, cer-
taines rues, le tramway. Ces lieux ou
éléments urbains sont choisis, car ils
sont considérés comme un « support
essentiel de l’identité culturelle » (Le
Bossé 1999). Ils sont ainsi des mar-
queurs essentiels de l’aspect localisé
d’une telle œuvre. La question se pose
alors des processus de mise en ction
de ces géosymboles an de les rendre
utiles ou pertinents dans le cadre d’une
activité ludique et des critères de leur
réappropriation.
Un monde post-apocalyptique
réalisé localement
En s’appuyant sur les travaux du
philosophe Kurt Riezler, avec lesquels
il croisait ceux de l’anthropologue
Gregory Bateson, Erving Goman
avait proposé d’envisager les jeux
comme des « activités créatrices de
monde [Games, then, are world-buil-
ding activities] » (Goman 1961 : 27).
Cependant, leur réalisation doit être
comprise comme une manifestation
locale régulée par un certain nombre
de processus. Cette manière d’envi-
sager les jeux, ou d’autres situations
sociales, peut être appliquée ici pour
saisir en quoi des jeux comme Leelh
ou Apocalyspheim peuvent être pensés
en termes de « monde réalisé locale-
ment » (Goman 1961 : 31, Di Filippo
2016b), c’est-à-dire qui « coupe les
participants de nombreuses aaires
extérieures auxquelles ils auraient pu
donner de l’importance, mais permet
à quelques-unes de ces aaires exté-
rieures d’entrer dans le monde de l’in-
teraction en tant que partie ocielle de
celui-ci ». L’ancrage du jeu dans des
quartiers emblématiques nous aide à
comprendre ce que l’on peut qualier
de projet ludique urbain et, en extrapo-
lant ces processus, il serait également
possible de donner des pistes d’analyse
pour les jeux en réalité alternée men-
tionnés précédemment (Nieuwdorp
2005).
Pour évoquer les limites, concrètes
ou abstraites d’une situation sociale de
jeu, Goman utilise la métaphore bio-
logique de la membrane qui « assure
la relation sélective » avec d’autres
situations qui composent, au sens très
large, le reste du monde. Cette mem-
brane est formée de trois composants
principaux :
1. Les « règles de non-pertinence
[Irrelevance rules] », qui servent à
exclure certains éléments qui n’ont pas
leur place dans cette activité. Ainsi, de
nombreux lieux ne sont pas représen-
tés car les concepteurs ont dû opérer
une sélection. Mais ce que Begin appe-
lait l’« environnement anthropique »
est également exclu, puisque dans le
jeu, on ne retrouve pas la vie sociale
locale telle qu’on peut la connaître en
se promenant en ville. Par exemple,
on ne voit pas de touristes ou de per-
sonnes empruntant les transports en
commun. Le genre d’une œuvre tient
donc un rôle important dans la dé-
nition des règles de non-pertinence.
Pour prendre un exemple issu d’un
autre genre, on ne trouvera a priori
pas de gadget électronique dans une
œuvre médiévale.
2. Les « ressources réalisées [Rea-
lized ressources] » désignent les élé-
ments inclus dans la situation. Il peut
aussi bien s’agir des lieux choisis pour
être mis en scène tels que le parvis
de la cathédrale dans le cas d’Apo-
calypsheim, mais aussi la végétation
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Laurent Di Filippo, Patrick Schmoll La ville après l’apocalypse
Revue des Sciences Sociales, 2016, n° 56, « Indisciplin.é.e.s »
132
qui a envahi la ville ou encore des
éléments de gameplay, qui dénissent
les règles de l’interaction ludique. Les
géosymboles de la ville évoqués pré-
cédemment sont des ressources réa-
lisées qui contribuent aux processus
d’identication de l’espace. D’autres
éléments du jeu peuvent, pour leur
part, servir à construire l’atmosphère
propre au genre post-apocalyptique.
Par exemple les masques que portent
les personnages d’Apocalypsheim
laissent penser que l’air n’est plus res-
pirable et les monstres ou animaux
semblent être des bêtes mutantes dont
l’origine est inconnue.
3. Les « règles de transformation
[Transformation rules] » dénissent
les processus par lesquels des élé-
ments externes sont transformés pour
être rendus pertinents dans ce nou-
veau cadre, comme la modélisation
de monuments sous forme de ruines.
L’eet de projection dans le futur lié
au genre post-apocalyptique participe
à dénir les règles de transforma-
tion selon une dimension temporelle
et selon des modalités relatives aux
événements qui se seraient déroulés
durant la période qui sépare le présent
et le futur représenté, même si ces
événements ne sont pas connus des
joueurs. Elles peuvent aussi concer-
ner le découpage de l’espace an qu’il
corresponde au gameplay du jeu. Dans
le cas d’Apocalypsheim l’espace est
présenté en deux dimensions, en vue
plongeante isométrique et selon un
découpage écran par écran (procédé
appelé ip-screen). Ce mode d’organi-
sation renvoie alors à une expérience
localisée de l’espace urbain ludique.
L’actualisation de ces zones pendant le
jeu et les passages entre les diérentes
zones constituent le ou les « parcours »
des joueurs, c’est-à-dire une « chaîne
d’opération spatialisante » (Certeau
1980 : 175).
À travers l’idée de membrane
ludique, on comprend que la ville
détruite rappelle la ville actuelle qui
a disparu dans le jeu à travers de mul-
tiples références. L’espace ouvert à l’ap-
propriation des joueurs est diérent de
la ville physique, mais entretient un
rapport fait de correspondances et de
contrastes avec celle-ci, qui conduit les
joueurs à faire l’expérience d’une fron-
tière devenue poreuse. En jouant, ils
s’engagent dans un espace qui n’est ni
tout à fait l’espace qu’ils connaissent,
ni tout à fait un ailleurs complet.
Il faut ajouter à cela un second eet
projectif de l’ancrage local du jeu, qui
est cette fois spatial. Toujours dans le
projet Apocalypsheim, on ne sait pas si
le monde entier est touché par la catas-
trophe ou s’il s’agit uniquement de la
ville de Strasbourg. De fait, les seules
réalisations existantes concernent la
capitale alsacienne. Néanmoins, cette
réalisation locale permet d’imaginer
un monde plus large. Il en va de même
dans de nombreuses œuvres post-apo-
calyptiques pour lesquelles les publics
n’ont pas accès à la totalité du monde
ctionnel : ce que l’on appelle la « dié-
gèse » renvoie à l’espace de la ction
plus large imaginé par le spectateur
à partir des ressources eectivement
réalisées à travers le média (Boillat
2009, Caïra 2014). Ils peuvent néan-
moins imaginer qu’un eondrement
similaire s’est produit ailleurs. Parfois,
le cœur de l’intrigue se situe dans le
fait de savoir si, oui ou non, le reste du
monde est touché ou s’il est possible de
trouver un lieu de refuge permettant
de se prémunir des dangers.
Conclusion
n
Sur le plan diégétique, le genre
post-apocalyptique articule à la fois
une projection dans le futur et une
relation au passé à travers les ruines
mises en scène dans le jeu, phénomène
que nous avons désigné par le concept
de formalisation projective. Le jeu peut
alors être appréhendé tel un discours
se basant sur l’évocation d’un ailleurs
qui se dénit selon plusieurs modali-
tés. Il faudrait, à partir de ce constat,
poursuivre le travail de recherche par
une étude de la réception auprès des
utilisateurs an de cerner comment
ces derniers appréhendent cette pro-
jection.
Le décor urbain, pour sa part, a au
moins deux utilités : d’un côté, il fait
oce de symbole du monde moderne
et, de l’autre, il sert de référence au quo-
tidien des joueurs. Les relations qui se
tissent entre la ville physique actuelle
et l’activité ludique sont au cœur des
processus de transformation et des
nouvelles appropriations possibles.
Elles se matérialisent notamment à
travers l’usage des géosymboles, qui
sont à la fois porteurs d’une identité
locale marquée et transformés selon
les règles de pertinence propres à la
production ludique.
Déni de la sorte de façon pragma-
tique et de manière située, le projet
urbain ludique post-apocalyptique
ore la possibilité d’une appropria-
tion distanciée d’un espace urbain
transformé. Par les écarts qu’il insti-
tue, distance ludique ou projection
temporelle dans l’avenir, il ore en
retour la possibilité de s’interroger sur
les caractéristiques du monde actuel,
particulièrement occidental. Il nous
informe ainsi sur quelques traits sail-
lants de nos villes, en ce qu’ils contri-
buent à en construire l’identité, et plus
généralement, il évoque notre monde
actuel dans les restes d’un passé révolu
et détruit. Il peut alors encourager la
prise de conscience de la dénition
d’une réalité présente avant que celle-
ci ne devienne un lointain souvenir.
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Notes
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watch?v=zaCqmD5Q0Nw, consulté le
1février 2017.
2. https://www.facebook.com/
apocalypsheim/?fref=ts, consulté le
1février 2017.
3. En termes phénoménologiques, la posi-
tion spatio-temporelle du sujet est ainsi
désignée par l’expression latine « hic et
nunc », évoquant l’expérience présente.
4. Pour une première approche de la variété
de ces occurrences, voir l’ouvrage très
complet de Jean-Pierre Deloux et Loïc
Guillaud L’Atlantide et autres civilisations
perdues de A à Z (2001).
5. Comme il n’est pas possible de faire une
présentation complète de ce sujet et de
ce genre, nous renvoyons le lecteur aux
travaux de James Berger (1999), de Mou-
soutzanis (2009), de M. Keith Booker et
Anne-Marie omas (2009), et de Loren-
zo Di Tommazo (2009).
6. Ce syntagme sera préféré à celui de
« mythe » dont l’usage pose problème
(Calame 2015, Di Filippo 2016a).
7. Mousoutzanis parle de « destruction of
an existing state of aair » (Mousoutzanis
2009 : 458).
8. Pour le constater, il sut de consulter la
page « projet urbains » du site internet de
la ville de Strasbourg : http://www.stras-
bourg.eu/developpement-rayonnement/
urbanisme-logement-amenagement/pro-
jets-urbains, consulté le 1février 2017.
9. Voir quelques exemples du jeu Street
Fighter : http://www.booska-p.com/geek/
new-a-quoi-ressemblent-les-decors-de-
street-fighter-en-vrai-photos-n45371.
html, consulté le 1février 2017.
10. « cuts the participants o from many
externally based matters that might have
been given relevance, but allows a few of
these external matters to enter the interac-
tion world as an ocial part of it. », notre
traduction.
11. Ibid.
RSS56.indb 133 27/03/17 11:13