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16 La I Décembre 2017
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1. Ph. D., professeure, Département de psychoéducation, Université du Québec à Trois-Rivières.
2. Ph. D., psychologue en pratique privée, Jeunes ÊTRE Clinique de psychologie, Châteauguay.
3. Ph. D., professeure, Département des sciences de l’activité physique, Université du Québec à Montréal.
Plusieurs parents sont réticents à don-
ner de la médication à leur enfant
ayant un trouble de déficit d’attention/
hyperactivité (TDAH) en raison des
effets secondaires associés aux psy-
chostimulants ou aux autres médica-
ments utilisés pour le traitement de ce
trouble. Certains se tournent alors vers
des traitements dits « plus naturels ».
Parmi ces traitements, figurent sou-
vent les acides gras de type oméga-3
ou oméga-6. Qu’en est-il vraiment de
leur efficacité ? Est-ce un traitement
à envisager ? Voici quelques éléments
de réponse pour aider à prendre des
décisions judicieuses et éclairées.
Les acides gras
oméga-3 et oméga-6
Les acides gras de type oméga-3 et
oméga-6 sont dits « essentiels », car
l’organisme ne peut les synthétiser lui-
même (Bastianetto, 2015). Les besoins
du corps doivent donc être comblés
par la consommation d’aliments ou
de suppléments riches de ces gras
polyinsaturés. Les sources d’oméga-3
peuvent être d’origine végétale ou
d’origine marine alors que les sources
d’oméga 6 sont surtout d’origine végé-
tale (voir le tableau 1).
Pour maximiser les effets positifs sur
l’organisme de la prise d’acides gras
de type oméga-3, il faut respecter un
ratio d’oméga-6/oméga-3 : le rapport
idéal devrait se situer entre 1/1 et
4/1 (Bastianetto, 2015). Une prise de
sang permet d’identifier le ratio actuel
d’oméga-6/oméga-3 et de mieux ajuster
la dose d’oméga-3 à prendre.
Le cerveau et les
acides gras essentiels
Deux acides gras semblent particuliè-
rement importants pour le développe-
ment et le fonctionnement du cerveau
(Richardson, 2006) ; il s’agit respecti-
vement de l’acide docosahexaénoïque
(ADH) et de l’acide eicosapentaéo-
nique (AEP). Ces derniers favorisent
l’apprentissage ainsi que l’amélioration
de la mémoire et de la concentration.
L’AEP aide entre autres à la transmis-
sion des informations dans le cerveau
(connexions synaptique). Il est éga-
Le coin des parents
Le point sur les acides gras oméga-3 et oméga-6
pour le traitement du TDAH
Line Massé
1
, Martine Verreault
2
et Claudia Verret
3
lement reconnu qu’une déficience en
oméga-3 peut affecter la régulation
de l’humeur, le sommeil, l’attention et
la mémoire de travail (Freeman et al.,
2006 ; Richardson, 2006).
Les ratios d’oméga-3
et le TDAH
Plusieurs études sur la nutrition des
enfants ayant un TDAH indiquent une
carence en acides gras oméga-3
(Antalis et al., 2006), mais les impli-
cations cliniques ne sont pas claires
et semblent assez complexes. Dans
une recension des écrits sur les
ratios oméga-6/oméga-3, LaChance et
ses collègues (2016) rapportent que
les enfants et les adolescents ayant
un TDAH avaient des ratios plus éle-
vés oméga-6/oméga-3 que les sujets
témoins. Cela suggère que pour ces
jeunes ayant un TDAH l’utilisation par
leur organisme des oméga-3 ne serait
pas optimale. Ils concluent que la véri-
fication de ces ratios par une prise de
sang devrait être considérée par les
médecins pour titrer (ou ajuster) la
prise de suppléments d’oméga-3 pour
le traitement du TDAH.
Tableau 1. Les sources des acides gras de type oméga-3 ou oméga 6
Type d’oméga Type d’acides gras Sources
Oméga-3 Acide alpha-linolénique (AAL) Huile et graines de lin, de chanvre,
de citrouille, huiles de canola, de soja
et de noix de Grenoble, graines de chia.
Acide eicosapentaéonique (AEP) Poisson gras (saumon, sardines,
thon blanc, etc.), crustacés, mollusques
et certaines algues.
Acide docosahexaénoïque (ADH)
Oméga-6 Acide linoléique (AL) Graines et leur huile, noix.
Acide gamma-linolénique (AGL) Huile de bourrache, d’onagre, de
graines de cassis, spiruline, huile
et graines de lin, lait maternel.
Acide arachidonique (AA) Œuf, viandes.
Image : ©iStock.com/AlfaOlga
Décembre 2017 La 17
Les oméga-3 dans le
traitement du TDAH
À partir d’une méta-analyse des résul-
tats de la recherche sur les acides gras
oméga-3 en lien avec certains troubles
de santé mentale, Freeman et ses col-
laborateurs (2006) concluent que la
combinaison d’acides gras oméga-3
AEP et ADH peut diminuer l’importance
de certains symptômes liés au TDAH
et aux troubles de l’humeur, les doses
efficaces variant de 1 à 9,6 g/jour, selon
les études. Pour le traitement du TDAH,
le ADH utilisé seul semble avoir peu
d’effets. Ces auteurs rapportent aussi
que les études ne corroborent pas
l’efficacité des oméga-3 provenant des
plantes (de sources végétales) pour
le traitement du TDAH et des autres
troubles. En regard de la compétition
enzymatique entre les oméga-3 et les
oméga-6 et de leurs possibles impacts
sur la santé, les chercheurs soulignent
qu’il y a un possible danger lié au
surdosage d’oméga-3. Il y a aussi des
effets d’interaction négatifs qui sont
notés avec l’obésité et le diabète, ce
qui doit être pris en considération lors
du traitement. Ils rappellent aussi que
lorsqu’une carence en oméga-3 est
chronique, le temps de restauration
dans les membranes cérébrales peut
être long (de 3 à 6 mois), ce qui néces-
site une période de traitement plus
étendue avant que l’on puisse
voir des effets bénéfiques.
Les résultats d’études comparant les
effets des suppléments d’oméga-3/6
comparativement aux traitements phar-
macologiques habituels montrent que
les deux traitements ont des effets
positifs sur la diminution des symp-
tômes liés à l’inattention et à l’hyperac-
tivité/impulsivité, mais que les traite-
ments pharmacologiques ont des effets
plus importants et plus rapides à court
terme (Bloch et Mulqueen, 2014). Dans
une étude très récente comparant l’uti-
lisation d’oméga-3/6, de méthylphéni-
date à longue action, et d’une com-
binaison des deux, Barragán, Breuer
et Döpfner (2017) ont démontré que
les trois traitements avaient des effets
similaires à long terme sur la réduction
des symptômes liés à l’inattention, mais
que le traitement combiné avait des
effets plus importants sur les symp-
tômes liés à l’hyperactivité/impulsivité
et qu’il permettait une réduction de
la dose du médicament (méthylphé-
nidate). Une méta-analyse de Cooper
et ses collègues (2016) montre aussi
que les oméga-3/6 pourraient aussi
avoir de légers effets positifs sur la
régulation émotionnelle et les com-
portements d’opposition des enfants
ayant un TDAH. Dans une autre méta-
analyse, Cooper et ses collègues (2015)
rapportent que les effets des oméga-
3/6 sur les cognitions des personnes
ayant un TDAH étaient seulement
observés chez les personnes ayant une
déficience au départ en acides gras
oméga-3. Des effets bénéfiques étaient
observés chez ces personnes seule-
ment pour la mémoire à court terme.
Conclusion
Les effets des oméga-3/6 pour le traite-
ment du TDAH, quoique généralement
positifs, sont minimes, surtout si on
les compare aux traitements pharma-
cologiques habituels. Lorsqu’un sup-
plément d’oméga-3/6 est envisagé, un
suivi médical est recommandé, que ce
soit pour bien ajuster la dose ou pour
vérifier les effets d’interactions néga-
tives. Aussi, il faut se rappeler que les
effets bénéfiques ne se voient qu’après
quelques mois d’usage (de trois à six
mois).
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Références
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