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Pratiques en nutrition
• n° 52 • octobre-décembre 2017 •37
Mots clés - approche holistique; biodisponibilité; degré de transformation; effet matrice; maladie chronique; satiété
Keywords - bioavailability; chronic disease; degree of transformation; fullness; holistic approach; matrix effect
prévention
sciences des aliments
© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
http://dx.doi.org/10.1016/j.pranut.2017.09.009
L’effet matrice des aliments,
un nouveau concept
Pour prévenir les maladies chroniques liées à l’industrialisation, l’effet “matrice” d’un aliment
participe davantage de son action sur la santé que sa composition nutritionnelle. Ilinfluence
notamment la cinétique de libération des nutriments dans le tube digestif, leurbiodisponibilité
et donc leurs effets métaboliques, maisaussi le sentiment de satiété. Ilcorrespond à une vision
holistique de l’aliment reflétant que le tout est supérieur à la somme des parties.
The matrix effect of food, a new concept . To prevent chronic diseases linked to industrialisation,
the ‘matrix’ effect of a food relates more to its action on health than its nutritional composition.
It influences notably the kinetics of nutrient release in the digestive tract, the bioavailability of
the nutrients and thereby their metabolic effects, as well as a feeling of fullness. It corresponds
to a holistic vision of food reflecting that the whole is greater than the sum of its parts.
L’effet “matrice” participe du
potentiel santé d’un aliment,
passeulement sa compo-
sition nutritionnelle (figure1)[1].
Pourtant, jusqu’à très récemment,
lepotentiel santé d’un aliment était
défini par sa seule composition
en nutriments, ceque les Anglo-
Saxons appellent le nutritionism,
ouréductionnisme nutritionnel[2].
Cen’est que depuis la fin des
années 1990 que l’effet “matrice”
des aliments est étudié[3].
Défi nition
F L’effet “matrice” pourrait être
défini simplement: àcomposition
strictement identique mais avec des
matrices différentes, deuxaliments
n’auront pas le même impact sur
l’organisme et donc, àplus long
terme, surla santé.
F Le mot matrice vient du mot
latin matrix (matricis), lui-même
dérivé de mater qui signifie “mère”
–unélément qui fournit un appui ou
une structure et qui sert à entou-
rer, àreproduire ou à construire.
Lamatrice d’un aliment est donc
sa structure physique visible à
l’œil nu et qui peut être caracté-
risée par des mesures physico-
chimiques (porosité, dureté, capa-
cité à retenir l’eau…) ou rhéolo-
giques (texture solide, semi-solide,
liquide). Parexemple, la matrice
d’une pomme est plus ou moins
ronde, solide, poreuse et consti-
tuée de cellules végétales entourées
d’une membrane fibreuse et gor-
gée de sucres. Celle d’un yaourt est
plutôt semi-solide, voire visqueuse,
elleest le fruit d’une interaction
complexe entre ses différents
constituants (glucides, lipides, pro-
téines, minéraux et vitamines).
F En général, trois niveaux de
structure sont distingués dans
© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
© 2017 Elsevier Masson SAS. All rights reserved
Anthony FARDETa,b
Chargé de recherche
en alimentation préventive
et holistique
Adresse e-mail :
anthony.fardet@clermont.
inra.fr (A. Fardet).
a Inra, UMR1019,
UNH, CRNH Auvergne,
58rue Montalembert,
63009Clermont-Ferrand,
France
b Clermont Université,
Université d’Auvergne,
Unité de nutrition humaine,
BP10448, 63000Clermont-
Ferrand, France
Figure 1. Caractérisation du potentiel santé d’un aliment: l’importance de l’effet
“matrice”.
© A. Fardet – Elsevier Masson SAS, © Photo: Okea – Adobe Stock.com
Références
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potential is primarily due to its
matrix structure, then nutrient
composition: anew paradigm
for food classifi cation
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Pratiques en nutrition
• n° 52 • octobre-décembre 2017 •
38
sciences des aliments
prévention
la matrice alimentaire selon les
moyens d’observation[4]:
• la structure moléculaire, c’est-
à-dire la nature des molécules,
leurarrangement tridimensionnel,
leurcristallinité et leur degré de
polymérisation;
• la structure microscopique
qui concerne les interactions
entre les principaux constituants,
parexemple entre protéines et
amidon dans le pain, entre fibres
et amidon dans les légumes secs;
• la structure macroscopique,
visible à l’œil nu, quise caracté-
rise par la forme et la couleur de
l’aliment, maisaussi la taille de
ses particules après mastication.
Prenons l’exemple des pâtes ali-
mentaires cuites. Lastructure molé-
culaire de l’amidon se rapporte à
son degré de gélatinisation (donc
d’absorption de l’eau de cuisson),
aurapport amylose/amylopectine
et au complexe amylose-lipides.
Lastructure microscopique cor-
respond à l’interaction de l’amidon
avec le réseau protéique conférant
aux pâtes le caractère “lent” de la
digestion de leur amidon[5]. Enfin,
lastructure macroscopique carac-
térise leur forme et épaisseur.
F Les procédés technologiques
jouent un rôle prépondérant sur
cette matrice en lui conférant
ses propriétés: forme, couleur,
densité, nature des interactions
entre les nutriments, degré de géla-
tinisation de l’amidon, dénaturation
des protéines, etc. Cesprocédés
peuvent aussi modifier la compo-
sition nutritionnelle. Ledegré de
transformation des aliments est
donc l’élément essentiel qui condi-
tionne leur potentiel santé[6].
Eff et “matrice”
et biodisponibilité
des nutriments
F La structure de la matrice ali-
mentaire joue un rôle essentiel
sur la biodisponibilité des
nutriments comme les glu-
cides, leslipides, lesprotéines,
lesvitamines, lesminéraux et les
oligoéléments[3].
F L’effet “matrice” a tout d’abord
été mis en évidence pour le méta-
bolisme glucidique, lamatrice des
aliments pouvant moduler leur
impact glycémique. Ainsi, plusun
produit céréalier présente des
tailles de particules élevées, plussa
réponse glycémique sanguine est
étalée dans le temps[7]. Parailleurs,
despains de composition identique,
maisavec des mies de densité iné-
gales, génèrent des réponses gly-
cémiques diverses, unemie plus
dense étant une source de sucres
plus lentement absorbables[8].
Enfin, despâtes alimentaires de
diverses formes et épaisseurs ont
des impacts glycémiques significa-
tivement différents[9].
F Outre la densité et la taille des
particules, le degré de cristallinité
de l’amidon a aussi été montré à de
très nombreuses reprises comme
modulant l’arrivée du glucose dans
le sang[3,4,10]. Danstous les cas,
ces facteurs matriciels limitent
l’accès des enzymes digestives,
enl’occurrence l’alpha-amylase,
àson substrat, l’amidon. Destailles
de particules plus importantes
réduisent la surface accessible aux
enzymes, unedensité plus élevée
traduit une porosité de la matrice
plus faible et donc un accès limité à
l’alpha-amylase, etun amidon plus
cristallin et donc moins gélatinisé
est aussi moins poreux (taille des
pores plus petite), cequi limite éga-
lement l’accès aux alpha-amylases.
F Les premiers chercheurs
à avoir mis en évidence l’effet
“matrice” sont probablement
GregoryB.Haber etal. en1977[11].
Ilsont montré, chezdes sujets
adultes en bonne santé, qu’une
pomme entière entraînait une
meilleure réponse insulinémique
qu’une compote de pomme fabri-
quée à partir de ces mêmes fruits
et qu’un jus de pomme, l’insuline
permettant l’absorption du glu-
cose dans les cellules. Danscette
étude, ledegré de déstructuration
des pommes augmente, dufruit
entier au jus. Laproblématique,
ici, n’estpas celle de la compo-
sition nutritionnelle de la pomme,
maisbien celle de sa matrice et de
sa structure physique résultant du
degré de transformation.
F Les mêmes effets sont obser-
vés avec la fraction protéique:
parexemple, YvesBoirie etal.
ont montré que les caséines de
lait entraînaient une réponse post-
prandiale plasmatique en leucine
plus lente et étalée dans le temps
que le lactosérum, qualifiant ces
deux fractions du lait de protéines
“lentes” et “rapides”, avecdes
conséquences sur l’anabolisme
protéique puisque le lactosérum
stimule davantage la synthèse pro-
téique que la caséine[12].
Plustard, d’autres chercheurs ont
montré qu’un mélange d’acides
aminés constitutifs de la caséine
en qualité et quantité donnait une
réponse postprandiale plasma-
tique en leucine plus “rapide” et
élevée comparée à la caséine cor-
respondante plus structurée[13].
Demême, chezle mini-porc, à
composition strictement identique
mais avec des matrices différentes,
desgels laitiers entraînent des
cinétiques d’apparition plasma-
tique des acides aminés significa-
tivement distinctes[14]. Iln’y avait
qu’un pas à franchir pour étendre
ce concept de nutriments “rapides”
et “lents” aux autres constituants
alimentaires[4].
F Concernant les micronutri-
ments, lesdonnéessont moins
nombreuses. Toutefois, ilsemble
que la problématique soit similaire
selon les proportions de fractions
liées et libres dans la matrice,
lafraction liée étant généralement
libérée plus lentement et progressi-
vement dans le sang que la fraction
libre. Parexemple, pourles pro-
duits laitiers, labiodisponibilité du
calcium dans l’organisme humain
varie selon le type de matrice laitière
Références
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• n° 52 • octobre-décembre 2017 •39
prévention
sciences des aliments
(25 à 40% environ)[15]. Même les
fibres alimentaires, à composition
pourtant identique, ne donnent
pas, selonles caractéristiques de
leur matrice (porosité, cristallinité,
capacité de rétention d’eau, etc.),
lesmêmes profils fermentaires dans
le côlon[16].
F Tous ces exemples montrent
bien à quel point le paradigme
“composition nutritionnelle” est
insuffisant pour bien définir le
potentiel santé d’un aliment car
les vitesses ou cinétiques aux-
quelles sont libérés, dansle sang,
lesdifférents macro- et micronutri-
ments ont un impact très significatif.
Ainsi, lesgros consommateurs
réguliers de sucres “rapides”
ajoutés, comme dans les produits
ultra-transformés, tels les sodas,
sontplus à risque d’obésité[17]
et de diabète de type2[18]. Aussi,
nese préoccuper que de la compo-
sition nutritionnelle des aliments
constitue une approche désuète.
Danstous les cas, cen’est pas cette
démarche réductrice qui permettra
de lutter efficacement contre les
maladies chroniques[6].
Eff et “matrice”
et potentiel satiétogène
F La matrice joue aussi un rôle
crucial sur la satiété[19], autre
paramètre santé trop largement
négligé jusqu’à aujourd’hui et qui
est pourtant crucial car en lien direct
avec les problèmes de surpoids et
d’obésité. Eneffet, dans une revue
récente, Lucy Chambers écrivait:
«Lanécessité de mastiquer les ali-
ments durs ou visqueux augmente
le temps d’exposition orosensoriel
(temps passé dans la cavité buccale)
et cette stimulation sensorielle est
censée informer le corps que les
nutriments ont été consommés,
cequi déclenche des réactions de
satiété; lorsque la stimulation senso-
rielle est faible (par exemple lorsque
des liquides sont consommés),
lecontrôle des nutriments ingé-
rés peut être compromis et les
réponses de satiété minimales»[19].
Elleconcluaitensuite: «Lesrésul-
tats décrits dans ce document sug-
gèrent que la complexité texturale
d’une alimentation saine et variée
(beaucoup de fruits et de légumes
et de céréales complètes, certains
produits laitiers et dérivés, etcertains
haricots, légumineuses, poissons,
œufs, viandes maigres et autres
protéines) pourrait signifier qu’en
plus de tous les autres avantages
pour la santé, estplus satiétogène
(etdonc plus protectrice contre la
surconsommation) que les régimes
à base d’aliments transformés et de
boissons très énergétiques»[19].
End’autres termes, unaliment solide
est plus satiétogène qu’un aliment
visqueux ou semi-solide ou encore
liquide, notamment parce que les
temps plus longs de mastication et
de contact avec la muqueuse diges-
tive favorisent une meilleure sécré-
tion des hormones de satiété.
F Les études reliant effet “matrice”
et satiété sont assez nombreuses.
Reprenons celle de G.B.Haber etal.,
quimontre aussi une satiété plus pro-
longée et plus importante avec une
pomme entière comparée avec une
compote ou un jus de pomme[11].
Demême, descarottes bouillies sont
plus satiétogènes qu’un mélange
reconstitué de même composition
(moins les fibres)[20]. Dansdeux
études récentes, nousavons égale-
ment montré, sur 380aliments prêts
à consommer, queplus un aliment
est transformé, plusson impact
glycémique est élevé et moins il est
satiétogène[21,22]. Cetterelation
de transitivité entre satiété, glycémie
et degré de transformation est très
importante d’un point de vue nutri-
tionnel. Ellesuggère que des aliments
trop transformés ne favorisent pas
les signaux de satiété –mais plutôt
le grignotage entre les repas au profit
de snacks sucrés, gras et salés– et
sont hyperglycémiants. Encas de
consommation régulière de grandes
quantités, lediabète de type2 n’est
plus très loin.
Eff et “matrice”
et “fi ber co-passengers”
F Les fibres alimentaires jouent un
grand rôle dans l’effet “matrice”,
puisqu’elles procurent de la struc-
ture aux aliments comme dans les
produits végétaux et limitent l’accès
des nutriments aux enzymes diges-
tives. Ellesfavorisent aussi la satiété,
fibres et protéines étant les composés
alimentaires les plus satiétogènes.
Enoutre, noussavons aujourd’hui
que de nombreux composés de
type polyphénols sont liés naturelle-
ment aux fibres alimentaires dans la
matrice, cequi n’est plus forcément
le cas dans les fibres isolées des
matrices, purifiées, puisréintroduites
dans les aliments.
F Ces composés associés aux
fibres, appelés “fiber co-passen-
gers”, pourraient participer de la
protection des aliments peu transfor-
més aux risques cardio vasculaires
et de cancers[23]. Eneffet, lespoly-
phénols antioxydants (notamment
acides phénoliques liés dans les
céréales et flavonoïdes liés dans les
fruits et légumes) sont libérés plus
progressivement dans la circulation
sanguine lorsqu’ils sont liés aux
fibres participant en tant qu’anti-
oxydants à la protection de l’oxy-
dation des lipoprotéines de basse
densité (LDL), mécanisme essen-
tiel de déclenchement de l’athé-
rosclérose. Unecertaine fraction,
“protégée” par les fibres, peutalors
arriver intacte au niveau colique
où ces nombreux
polyphénols
antioxydants peuvent piéger et/ou
neutraliser les radicaux libres pro-
oxydants générés par la microflore
bactérienne colique, protégeant ainsi
la muqueuse colique du développe-
ment des cellules cancéreuses suite
aux attaques radicalaires.
F Ces résultats tendent à mon-
trer que l’enrichissement des
aliments trop raffinés avec des
extraits de fibres n’a pas le même
effet nutritionnel que les fibres
naturellement présentes dans la
matrice alimentaire.
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sciences des aliments
prévention
D’ailleurs, ila récemment été mon-
tré que les fibres naturelles ont de
meilleures propriétés fermentaires
et physico-chimiques que les fibres
purifiées ajoutées[24].
Une conception plus
holistique de l’aliment
F Selon une perspective réduc-
tionniste considérant que l’ali-
ment n’est qu’une somme de
nutriments (2=1+1), lesindus-
triels n’ont cessé de fractionner les
produits naturels pour en isoler de
nombreux ingrédients. Cesderniers
ont ensuite été recombinés à l’infini
sous formes d’aliments ultra-trans-
formés fractionnés-recombinés,
etle plus souvent additionnés de
sel, sucre et/ou gras et de divers
additifs pour regagner en texture,
goût ou couleur[25]. C’étaitoublier
le rôle primordial et négligé de la
matrice alimentaire qui impacte
vitesse d’absorption des nutriments
et satiété.
F À l’inverse, enconsidérant que
le tout est supérieur à la somme
des parties selon une perspec-
tive holistique (2>1+1 en raison
des interactions et de la synergie
entre “1” et “1”), nousaurons plus
à cœur de préserver la matrice
alimentaire ou l’assemblage des
nutriments[25].
F En isolant et recombinant les
ingrédients ou nutriments entre
eux, l’industrie agroalimentaire a
créé de nouvelles interactions et de
nouveaux aliments auxquels notre
organisme n’est pas habitué[26].
Cesaliments aux matrices artifi-
cielles sont apparus massivement
dans nos supermarchés dans les
années1980 et il n’est pas éton-
nant de constater que l’explosion
de la prévalence des maladies chro-
niques est concomitante[26]. Après
tout, l’homme a besoin de créer,
etil peut bien élaborer de nouveaux
aliments ou des aliments ultra-
transformés comme les bonbons,
lespâtisseries et certains desserts
lactés, plats cuisinés industriels,
sodas, etc.[27] Cependant,
cesderniers, composés de nou-
velles matrices, sontgénéralement
moins rassasiants, plushyper-
glycémiants[21,22] et présen-
tent des profils nutritionnels
dégradés[28], favorisant prise
de poids[29], syndrome métabo-
lique[30], dyslipidémie[31], diabète
de type2[18] et, infine, despatho-
logies chroniques plus graves
comme les maladies cardiovas-
culaires et certains cancers[32].
Iln’est pas étonnant que notre
organisme réagisse à cette arrivée
massive de nouveaux aliments
raffinés-fractionnés-recombinés par
des intolérances, deshypersensi-
bilités, etc.
F En outre, lesaliments ultra-
transformés sont générale-
ment plus mous et donc moins
longtemps mastiqués que les
aliments naturels complexes,
plusbruts, constitués de réseaux
protéiques et fibreux. Yaurait-il un
lien entre la perte de capacité masti-
catoire, àsavoir une moins bonne
dentition qu’autrefois avec le vieillis-
sement, etune surconsommation
de ces produits?
Conclusion
Les aliments ont été trop longtemps
considérés de manière simpliste,
uniquement comme une somme
de nutriments. Celaa mené à des
recommandations nutritionnelles
qui ne tenaient pas compte de l’effet
“matrice” ni donc du degré de trans-
formation et de déstructuration des
aliments d’origine[6]. Iln’est pas
exagéré de dire que les maladies
chroniques actuelles sont le fruit de
cette pensée réductionniste qui a
poussé les industriels à mettre mas-
sivement sur le marché des aliments
fractionnés-recombinés ultra-trans-
formés, engendrant de nombreuses
dérégulationsmétaboliques.
L’effet “matrice” est donc un aspect
essentiel du potentiel santé d’un ali-
ment –l’aspect qualitatif de ce der-
nier en quelque sorte–, tandis que
la composition participe de l’ aspect
quantitatif (figure1). Cesdeux
aspects doivent être pris en compte
pour bien comprendre comment un
aliment agit sur la santé. Ilne sera
pas possible de lutter efficacement
contre le développement croissant
des maladies chroniques en ayant
une approche uniquement compo-
sitionnelle de l’aliment.
Les campagnes de réduction du
gras, dusucre, ducholestérol,
etc., ontquasiment toutes échoué.
Ellesont même parfois participé à
aggraver la situation. Parexemple,
auxÉtats-Unis, ayant observé une
augmentation forte de la prévalence
de maladies cardio vasculaires à la
fin des années1970, lesnutrition-
nistes ont recommandé de réduire
les proportions de gras dans l’ali-
mentation, attribuant ces maladies
à un excès de lipides. Or,dans les
années1980, l’obésité a explosé
car les consommateurs se sont
reportés sur les sucres raffinés[2].
L’approche par nutriment est réduc-
tionniste, donc partielle, etne peut
aboutir à des résultats probants.
Acontrario, l’approche holistique
par effet “matrice” peut aboutir à
de meilleures recommandations
nutritionnelles[6].
Ce raisonnement a des implica-
tions considérables: siles matrices
sont différentes, unecalorie d’un
alimentA n’aura pas le même
effet santé qu’une calorie d’un ali-
mentB car si les calories ne sont
pas libérées de la même manière
dans l’organisme, leseffets méta-
boliques sont différents. Ainsi,
lesrégimes alimentaires basés sur
une approche essentiellement calo-
rique (calories ingérées et calories
dépensées) ne peuvent être que
très limités dans leurs effets sur le
poids à long terme. w
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Déclaration de liens d’intérêts
L’auteur déclare ne pas avoir
deliens d’intérêts.
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