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Le refus anticipé de consentement aux soins médicaux en droit européen comparé

Authors:
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Le refus anticipé de consentement
aux soins médicaux
en droit européen comparé
Roxani Fragkou
Docteur en droit public de l’Université de Strasbourg, Conseiller juridique auprès de la
Commission Nationale (Hellénique) pour les Droits de l’Homme
Généralement considéré comme le prolongement nécessaire du principe du
consentement aux actes médicaux, le droit au refus de traitement vital est
unanimement reconnu en tant que droit fondamental acquis au profit des personnes
capables et autonomes1. Que se passe-t-il, néanmoins, lorsqu’il sagit de patients qui ne
sont plus capables, ni autonomes ? Est-ce que les propositions avancées par les
législateurs nationaux demeurent aussi unanimes ? Or, sil est incontestable qu’« aucun
acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre,
éclairé et révocable à tout moment2 » dun patient conscient et capable de jure et de facto,
il n’en va pas de même dès lors que le patient en cause n’est pas en mesure de
manifester consciemment et de manière directe et actuelle sa volonté.
La présente communication aspire à susciter une réflexion globale autour dun sujet
vivement débattu ces dernières années dans la plupart des États européens : les outils
d’expression anticipée de la volonté du patient incapable et non-autonome, à savoir la
personne de confiance et les directives anticipées. La personne de confiance, d’une
part, présente lavantage d’assister la personne malade en phase avancée ou terminale,
en jouant le rôle dinterlocuteur entre cette dernière et le service dans lequel elle est
hospitalisée. Sa mission principale consistant à témoigner les valeurs et convictions de
la personne malade lorsque cette dernière ne sera plus en fonction de le faire elle-
même, en aucun cas la personne de confiance ne se substitue au patient. Les directives
1 Art. 16-3 Code civil français, 36 CDM français et L. 1111-4, al. 3, CSP français. Dans le même
ordre d’idées, l’article 8, § 1er, al. 1er de la loi belge relative aux droits du patient du 22 août 2002
dispose que « le patient a le droit de consentir librement à toute intervention du praticien
professionnel moyennant information préalable », alors que la loi 41/2002 espagnole prévoit à
l’article 8, § 1er, que « tout acte en matière de santé d’un patient requiert le consentement libre et
volontaire de la personne concernée ». En ce même sens voir également les articles 12 et 13 de la loi
6/2002 de santé d’Aragon, 23 et 24 de la loi 3/2005 de la communauté d’Estrémadure relative à
l’information sanitaire et à l’autonomie du patient, 46 de la loi genevoise sur la santé du 7 avr. 2006 et
19 de la loi sur la santé du 9 févr. 1996 du Valais, aux termes desquels aucun soin ou examen clinique
ne peut être fourni ou réalisé sans le consentement libre et éclairé du patient capable de discernement,
quil soit majeur ou mineur.
2 Art. L. 1111-4, al. 3 CSP.
2
anticipées, d’autre part, se définissent comme le « document écrit dans lequel une
personne, préalablement à son éventuel état d’incapacité, donne des instructions
précises relatives à des décisions médicales [], que le médecin doit consulter au
moment de prendre les décisions relatives à la fin de la vie de la personne devenue
entre-temps incapable3 ». Si, majoritairement, elles ne comportent que des souhaits
pour la fin de vie, elles ne sont guère réductibles à ce que l’on appelle le « testament
biologique » ou « testament de vie »4. Bien au contraire, elles peuvent couvrir toutes les
situations quil est raisonnablement possible d’envisager de manière suffisamment
explicite et détaillée.
Le renforcement constant des deux formes de dispositions anticipées illustre
parfaitement la volonté de plus en plus présente du législateur de protéger les malades
hors d’état de s’exprimer. Une volonté qui s’avère certes unanime dans la majorité des
États européens, mais qui s’exprime, tout naturellement, à travers des approches bien
distinctes. Nonobstant une tendance émergente vers la reconnaissance au droit au
refus anticipé de consentement d’une certaine validité juridique, tous les États
n’empruntent pas forcément le même chemin pour y parvenir. Si pour certains
législateurs la simple reconnaissance dune valeur indicative est suffisante pour faciliter
la tâche de l’équipe soignante et sauvegarder la dignité du patient (I), pour dautres le
respect du principe dautonomie de la personne implique nécessairement l’octroi au
droit au refus anticipé de traitement d’une valeur contraignante (II).
I. Le droit au refus anticipé de consentement aux soins
médicaux : un instrument d’humanisation des soins à la
discrétion du médecin traitant (France)5
Le principe directeur de la plupart des textes juridiques des droits nationaux européens
en matière de droit au refus de consentement a été clairement po : « la volonté du
malade de refuser ou dinterrompre un traitement, quil soit proche de la mort ou non,
maintenu artificiellement en vie ou non, doit être entendue et respectée6 ». La France
3 D’après la définition du Comité consultatif de bioéthique de Belgique dans son avis no 9 du
22 févr. 1999 concernant L’arrêt actif de la vie des personnes incapables d’exprimer leur volonté, p. 6-7.
4 Le choix, par ailleurs, de l’expression « directives anticipées » implique déjà que celle de
« testament de vie » ou de « testament biologique » n’a pas été retenue ni par le législateur français, ni
par la majorité des ordres juridiques européens. En ce sens v. A. Cheynet de Beaupré, « Vivre et laisser
mourir », D. 2003. 2980-2985.
5 Titre inspiré de l’article de M.-I. Forest, C.-H. Rapin, M. Olmari-Ebbing et C.-N. Zumbach, « Les
directives anticipées, un outil d’humanisation des soins », in Y. Englert et A. Van Orshoven, Comité
consultatif de bioéthique de Belgique, Testaments de vie et autres directives anticipées, Bruxelles, De Boeck
Université, 2003, p. 33-41.
6 Ass. nat., séances publiques des 26 et 30 nov. 2004, 2e colloque, intervention de Gaëtan Gorce,
p. 15.
3
n’y dérogeant pas, ce principe s’impose à tous même lorsque la personne souffrant
d’une affection grave et incurable à un stade avancé n’est plus capable de manifester sa
volonté. Cette hypothèse est bel et bien visée tant par les lois de 2002, de 2004 et de
2005 que par les décrets consécutifs du 6 février 2006, aux termes desquels le médecin
peut décider de limiter ou d’arrêter un traitement « inutile, disproportionné ou n’ayant
dautre objet que la seule prolongation artificielle de la vie », après avoir consulté soit la
personne de confiance désignée par le patient lui-même avant de perdre ses capacités
cognitives et volitives (A), soit les directives anticipées éventuellement rédigées par le
malade lorsqu’il était encore lucide (B)7. Deux mécanismes de représentation anticipée
qui constituent certes un outil de référence précieux pour le médecin et l’équipe
soignante, mais qui ne sont dotés, du point de vue juridique, que dune valeur
purement indicative.
A. La personne de confiance, un interlocuteur fiable entre le
patient et l’équipe soignante8
Le concept de personne de confiance9 fut introduit dans le système juridique français
par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de
santé, pour être précisé dans les lois des 6 et 9 août 2004
et repris par le législateur en
200510. En vertu des dispositions du premier alinéa de larticle L. 1111-6 du Code de la
santé publique, qui prévoit que « toute personne majeure peut désigner une personne
de confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant, et qui sera
consultée au cas elle-même serait hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir
linformation nécessaire à cette fin », seule une personne physique peut être désignée
en tant que personne de confiance11. En outre, le Code de la santé publique ne précise
7 Art. L. 1111-4, al. 5 CSP. En ce sens voir aussi Commission nationale consultative des droits de
l’homme (CNCDH), Avis portant sur la proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de
vie, adopté le 16 déc. 2004, pt 4, p. 1.
8 Pour de plus amples renseignements sur la personne de confiance v. R. Fragkou, Leuthanasie et le
droit au refus de traitement à la lumière de l’évolution du droit européen comparé (France, Grèce, Suisse, Pays-Bas,
Belgique, Espagne et Royaume-Uni), Les Études hospitalières, coll. « Thèses numériques de la Bibliothèque
numérique de droit de la santé et d’éthique médicale », juin 2012, p. 560 s. et 587 s.
9 Signalons sur ce point quà l’origine de ce concept se trouve le CCNE français, qui, dans son avis
no 58, proposait que soit mise à l’étude la possibilité pour toute personne de désigner pour elle-même
un représentant chargé d’être l’interlocuteur médical de référence au moment où elle serait hors d’état
dexprimer elle-même ses choix. V. ainsi CCNE, avis no 58 sur le Consentement éclairé et information des
personnes qui se prêtent à des actes de soin ou de recherche, le 12 juin 1998, Les Cahiers du CCNE, 1998, no 17,
p. 4.
10 La loi Leonetti, dans un souci de renforcer le rôle de la personne de confiance, a inséré dans le
CSP un nouvel article (L. 1111-12), dont l’originalité consiste, à titre principal, en le fait qu’elle vise
exclusivement la catégorie particulière de malades en phase avancée ou terminale d’une affection grave
et incurable.
11 Ce principe trouve néanmoins une exception dans larticle L. 1112-5 CSP, qui permet aux
établissements de santé de faciliter l’intervention des associations de bénévoles souhaitant apporter un
4
pas si la personne de confiance peut être majeure ou mineure12, ni si elle doit être
juridiquement capable. Dans la première hypothèse, en raisonnant par analogie avec
larticle 1990 du Code civil permettant de donner mandat à une personne mineure, la
désignation d’une personne de confiance mineure serait tout à fait envisageable, tandis
que dans la seconde, cest le moment de la prise de connaissance de la mesure de
protection par le patient qui est crucial. En d’autres termes, si le patient était au
courant du fait que la personne de son choix était sous protection ou lest devenue
après, rien ne s’opposera à ce que la personne de confiance remplisse sa mission. En
revanche, si le malade l’ignorait, la désignation ne pourra alors recevoir exécution.
S’agissant des qualités de la personne susceptible d’être désignée comme personne
de confiance, il est évident qu’il n’a pas été dans l’intention du législateur d’en établir
une liste exhaustive. Son choix, cependant, de faire allusion, au premier alinéa de
larticle L. 1111-6, à trois catégories de personnes « un parent, un proche ou le
médecin traitant » ne tient pas du pur hasard. Sa finalité consiste à mettre laccent
sur l’importance de la préexistence d’un lien relationnel entre le malade et la personne
de confiance dans la mesure l’absence de toute relation antérieure entre les
personnes intéressées entre en conflit avec une démarche nécessitant impérativement
d’être fondée sur une relation de confiance.
Quant à l’auteur de la désignation d’une personne de confiance, le législateur
français a été clair et précis. Seule une « personne majeure peut désigner une personne
de confiance13 ». Nul doute, par conséquent, que tant les mineurs et leurs parents14 que
les majeurs sous tutelle15 sont exclus de cette démarche. Dans ce dernier cas de figure,
toutefois, une distinction entre désignation de la personne de confiance antérieure ou
postérieure à l’ordonnance de mise sous tutelle simpose. Ainsi, en vertu de l’alinéa 3
soutien à toute personne accueillie dans l’établissement, à sa demande ou avec son accord.
Nonobstant le caractère altruiste de ce geste, force est de reconnaître que cette pratique déroge non
seulement au principe qui veut que la personne de confiance soit une personne physique, mais
également aux deux conditions liées au choix de la personne de confiance : la confiance développée
entre les deux personnes et lintuitu personae.
12 À lexception des malades mineurs qui ne peuvent choisir quune personne majeure. V. art.
L. 1111-5, al. 1er CSP.
13 Art. L. 1111-6, al. 1er CSP.
14 Si les titulaires de l’autorité parentale nont pas le droit de designer une personne de confiance,
cela n’empêche pas qu’ils puissent exercer eux-mêmes la mission de la personne de confiance. V. ainsi
A. Dupuy, N. Dupuy, N. Halberstam et A.-C. Masnier, « La personne de confiance », sujet : « Exercice
de l’activité médicale », le 30 nov. 2005, Centre de multimédia, documentation en droit médical
[www.droit.univ-paris5.fr].
15 Quant aux autres majeurs incapables négligés par la loi, qu’il sagisse dun majeur sous curatelle,
sous sauvegarde de justice ou sous rance de tutelle, il convient de déduire qu’ils conservent la
possibilité de designer seuls une personne de confiance, puisque la mesure de protection qui leur est
imposée ne concerne que la protection de leurs droits patrimoniaux. En ce sens v. A. Dupuy,
N. Dupuy, N. Halberstam et A.-C. Masnier, préc.
5
de larticle L. 1111-6 du Code de la sanpublique, si le majeur sous tutelle a désigné
seul son mandataire après l’ordonnance de la mesure de tutelle, la désignation sera
nulle de plein droit. Si, en revanche, la désignation a éeffectuée antérieurement à
l’imposition de la tutelle, il incombera au tuteur de décider sur le sort de cette relation
entre le patient et la personne de confiance. La mission du tuteur englobant forcément
celle de la personne de confiance, ce dernier aura la faculté de révoquer le mandat
donné à la personne de confiance.
Concernant, enfin, la forme du mandat, les prévisions du législateur français furent
encore une fois lapidaires. La loi de 2002 n’énonce que les règles essentielles. La
procédure de désignation est simple : elle « est faite par écrit [et] elle est révocable à
tout moment16 ». Hormis ces règles, le texte ne fournit aucune autre précision sur la
nature de cet écrit, papier libre ou formulaire pré-imprimé, en laissant aux
professionnels de santé l’initiative de faire en sorte de favoriser un écrit daté et signé,
dont la trace pourra être conservée17.
La personne de confiance, en se responsabilisant à travers le dialogue avec le
médecin traitant, joue certes pleinement son rôle d’interlocuteur fiable entre le malade
et l’équipe soignante. Toutefois, la responsabilité de la décision finale pèse toujours sur
le personnel médical, et notamment le médecin traitant. Or, aux termes des articles
L. 1111-4, alinéa 5 et L. 1111-12 du Code de la santé publique, le médecin a seulement
le devoir de « consulter » la personne éventuellement désignée par le patient, alors que
lavis de la personne de confiance prévaut de manière incontestable sur tout autre
avis18, mais uniquement lorsque cet « autre avis » est « non médical ». Lavis de la
personne de confiance n’est posé, alors, qu’au rang de simple indice permettant au
médecin de prendre lui seul la décision finale19. Une décision qui est censée mettre en
place des soins plus en relation avec les choix et les désirs de la personne en fin de vie,
ce qui, bien évidemment, s’avère moins compliqué pour l’équipe soignante lorsque les
vœux du patient sont consignés sur un document.
16 Art. L. 1111-6, al. 1er CSP.
17 Ainsi A. Dupuy, N. Dupuy, N. Halberstam et A.-C. Masnier, préc. En vue d’y remédier, certains
vont jusqu’à la proposition de mesures précises, telles que le port d’une carte, comme cela se fait déjà
pour les dons d’organes.
18 « À l’exclusion des directives anticipées ».
19 Ainsi D. Berthiau, « Les directives anticipées Modalités », le 5 déc. 2006, sujet : « Éthique et
droits de l’homme », Centre de multimédia, documentation en droit médical, p. 3. Pour de plus amples
informations sur la personne de confiance en France v. A. Gabriel, La personne de confiance dans la loi du
4 mars 2002 relative aux droits des malades, PUAM, 2005 ; C. Esper, « La personne de confiance :
obligations légale, morale, juridique ? », RGDM 2003, no 11, p. 81-87.
6
B. Les directives anticipées, « un guide à la réflexion
médicale20 »
Les dispositions anticipées peuvent également revêtir la forme de directives anticipées
qui, prévues aux articles L. 1111-4 et L. 1111-11 du Code de la santé publique,
désignent un « document écrit, daté et signé par leur auteur dûment identifié par
l’indication de ses nom, prénom, date et lieu de naissance21 », dont le rédacteur peut
potentiellement être « toute personne majeure22 », y compris juridiquement incapable.
En réalité, la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie de 2005, en se
contentant de cette formulation plutôt large et générale toute personne majeure »),
ne fait guère de distinction entre majeurs capables et majeurs incapables23. Dans un
souci de non-discrimination, par ailleurs, la loi Leonetti reconnaît le droit au refus de
traitement à tous les malades majeurs sans exception, qu’ils soient en fin de vie ou
pas24. En effet, cest larticle L. 1111-11, inséré dans le Code de la santé publique par la
loi de 2005 relative aux droits de malades et à la fin de vie, qui reconnaît aux patients
au stade terminal de leur affection la possibilité d’anticiper sur leur fin de vie à l’aide de
directives anticipées. Ici, pour des raisons évidentes, la souplesse a été encore une fois
privilégiée. Les seules conditions que le médecin doit observer consistent à informer le
malade des conséquences de son choix, inscrire sa décision dans son dossier médical et
20 Sur les directives anticipées v. aussi R. Fragkou, « Entre paternalisme médical et autonomie
absolue du patient, une autonomie de la personne à géométrie variable. Les directives anticipées en
droit comparé », RGDM 2012, no 42, p. 167-212.
21 Art. R. 1111-17, al. 1er CSP. En effet, ce nouveau droit reconnu au patient afin danticiper sur sa
fin de vie est conditionné tant par les dispositions des articles L. 1111-4 et L. 1111-11 CSP, que par les
dispositions du décret no 2006-119 du 6 févr. 2006, auquel renvoient lesdits articles en vue de fixer les
conditions de validité des directives anticipées.
22 Art. L. 1111-11, al. 1er CSP.
23 Il renvoie pourtant au décret consécutif à la loi Leonetti le soin de définir et détailler les
conditions de validité du document des directives anticipées (art. L. 1111-11, al. 3 CSP). Le décret
nabordant point la question des majeurs incapables, il laisse sous-entendre que les directives
anticipées leur sont ouvertes sans condition de forme particulière.
24 En mettant l’accent sur la différenciation substantielle entre malades en fin de vie et malades
souffrant daffections graves mais pas encore en fin de vie, le législateur français procède à la
distinction, au sein du me chapitre, de deux sections en fonction de deux critères médicaux : la
gravité de la situation de santé et l’état de lucidité et de conscience du patient. Ainsi, la première
section de la loi Leonetti comporte, comme l’indique son intitulé Principes généraux »), les
dispositions générales concernant la volonté de tout malade et trouve application chez les patients qui
ne sont pas en fin de vie, tandis que la deuxième section, intitulée « Expression de la volonté des
malades en fin vie », comprend les dispositions concernant exclusivement les malades en fin de vie,
quils soient conscients ou pas, capables ou incapables d’exprimer leur volonté. Ensuite, dans un
second temps, il opère au sein de ces deux sections encore une distinction en fonction de l’état de
lucidité et de conscience dans lequel les patients en question se trouvent. Ainsi, la situation des
patients en fin de vie hors d’état d’exprimer leur volonté est, en effet, régie par les dispositions des
articles L. 1111-10 à L. 1111-13, composant la deuxième section du chapitre en cause du Code de
santé publique.
7
veiller à toujours sauvegarder sa dignité et assurer la qualité de sa fin de vie tout en
respectant la procédure collégiale de prise de décision25.
Pour tenir compte des difficultés physiques des patients auteurs des directives
anticipées situation particulière, mais fréquente le décret de 2006 a, en outre,
permis que le patient concerné, dans le cas où « bien qu’en état d’exprimer sa volonté,
il [soit] dans l’impossibilité d’écrire et de signer lui-même le document26 », puisse avoir
recours à deux témoins ayant pour fonction d’attester que l’écrit correspond à la
véritable expression d’une volonté libre et éclairée. Lorsqu’une personne de confiance
est désignée, celle-ci doit être l’un de ces témoins.
Les directives anticipées peuvent à tout moment être soit modifiées, partiellement
ou totalement, soit révoquées, sans aucune formalité particulière27. Quant à leur durée
de validité, la loi prévoit une « date de péremption » remontant à trois ans28,
susceptible d’être renouvelée par simple décision de confirmation signée par son
auteur sur le document ou, en cas d’impossibilité d’écrire et de signer, selon la
procédure des deux témoins évoquée ci-dessus29. En d’autres termes, le législateur a
instauré ici un certain « degré de proximité » destiné à garantir que la volonté du
patient demeure intacte au moment de la consultation du document des directives par
le médecin30.
Pour que les « souhaits précédemment exprimés » par le patient ne restent pas lettre
morte, il est indispensable qu’ils puissent venir à la connaissance du médecin traitant
ou de son équipe soignante. Ceci dit, le législateur français a pris soin de fixer, à
larticle R. 1111-19 du Code de la santé publique, les modalités de conservation et de
consultation des directives anticipées. Plus concrètement, les directives anticipées
devront être conservées dans le dossier médical de la personne malade concernée ou
devront être confiées par le patient à la personne de confiance éventuellement
désignée ou, à défaut, à un membre de sa famille ou à un proche. Une mention de
lexistence d’instructions anticipées ainsi que des coordonnées de la personne qui en
25 Art. L. 1111-10 et L. 1111-13 CSP.
26 Art. R. 1111-17, al. 2 CSP.
27 Sous les mêmes conditions que celles prévues pour leur rédaction, v. art. R. 1111-18 CSP.
28 Le décret de 2006 a précisé que dès lors que les directives ont été établies dans le délai de trois
ans précédant soit l’état d’inconscience de la personne, soit « le jour elle s’est avérée hors d’état
d’en effectuer le renouvellement », elles resteront alors valides.
29 Art. R. 1111-18, al. 1er CSP.
30 Ainsi, bien que nous ne comprenions toujours pas pourquoi et dans quelle optique la durée de
trois ans a été retenue, nous reconnaîtrons que sa signification est minimale, les directives ne disposant
guère de force obligatoire pour le médecin. « A priori toute directive est recevable, même ancienne,
cette ancienneté entrant dans l’appréciation opérée par le médecin. » Ainsi D. Berthiau, « Les
directives anticipées – Modalités », préc., p. 2 ; R. Mislawski, « Directives anticipées et autonomie de la
personne en fin de vie », Médecine & Droit 2009, no 97, p. 104.
8
est détentrice doit figurer, sur indication de leur auteur, sur le dossier médical du
patient. Enfin, lors de son hospitalisation, la personne malade pourra porter à la
connaissance des médecins l’existence de directives anticipées, la transcription de cette
indication devant être faite dans son dossier médical. Dans le même esprit, larticle
R. 1111-20 du Code de la santé publique impose au médecin de s’enquérir de
« l’existence éventuelle de [directives anticipées] auprès de la personne de confiance, si
elle est désignée, de la famille ou, à défaut, des proches ou, le cas échéant, auprès du
médecin traitant de la personne malade ou du médecin qui la lui a adressée31 ».
Nonobstant cette manière détaillée dont le législateur français réglemente les
modalités de fond et de forme requises pour qu’elles soient valides, les directives
anticipées sont dépourvues de force obligatoire. Aux termes de l’article L. 1111-4,
alinéa 5 du même code, le médecin n’a qu’un devoir de les « consulter ». Cette
consultation est certes, obligatoire, mais sa prise en compte reste facultative. Dans la
même ligne de pensée, l’article L. 1111-11 relatif à l’expression de la volonté des
malades en fin de vie les qualifie de simple « indication des souhaits de la personne
relatifs à sa fin de vie concernant les conditions de la limitation ou l’arrêt de
traitement ». Les directives anticipées sont réduites, de ce fait, à un simple élément de
preuve faisant présumer de la volonté de la personne. Un « guide à la réflexion
dicale32 », dont lappréciation est laissée aux professionnels de santé33. Cest pour
cette raison, par ailleurs, que le refus anticipé de consentement aux soins médicaux se
distingue du refus actuel, ce dernier étant doté de force obligatoire à l’égard du médecin.
Si, néanmoins, le législateur français n’a accordé aux dispositions anticipées qu’un
rôle subsidiaire, ce n’est pas forcément le cas au sein de grand nombre de législations
31 Une tâche qui aurait pu être légèrement facilitée par le législateur réglementaire français, qui ne
fait guère de référence à la possibilité de dépôt du document des directives chez un notaire ou un
avocat. Une telle perspective permettrait de garantir un plus haut niveau de sécurité et de
confidentialité du réseau des directives anticipées.
32 V. ainsi V. Fournier et S. Trarieux, « Les directives anticipées en France », Médecine & Droit,
sept.–déc. 2005, no 74-75, p. 147.
33 Si l’appréciation des directives anticipées est laissée à l’équipe soignante, cela ne signifie guère
que les décisions sont arbitrairement prises ou imposées par un rapport de forces hiérarchiques. En
vertu des dispositions du décret no 2006-120 du 6 févr. 2006 relatif à la procédure collégiale prévue par
la loi de 2005, le médecin est obligé de respecter un processus délibératif et de prendre la décision
d’arrêt ou de limitation de traitement du patient concerné en concertation avec l’équipe soignante « sur
l’avis motivé d’au moins un médecin, appelé en qualité de consultant » (art. R. 4127-37 CSP). Si lun
des deux lestime nécessaire, un deuxième avis pourra être demandé à un autre consultant, l’utilisation
du terme « deuxième » dans le texte laissant, semble-t-il, ouverte la possibilité de convoquer un
troisième consultant. En ce sens v. D. Berthiau, « Les directives anticipées – Procédure collégiale », le
13 déc. 2006, sujet : « Éthique et droits de l’homme », Centre de multimédia, documentation en droit
médical, p. 1 ; R. Mislawski, « Directives anticipées et autonomie de la personne en fin de vie », préc.,
p. 104-106
9
nationales européennes, où les dispositions médicales anticipées sont dotées de force
juridique contraignante.
II. Le droit au refus anticipé de consentement aux soins
médicaux : un outil juridique de valeur contraignante (Suisse,
Belgique, Espagne)
Les dispositions anticipées constituent un outil dans la relation médecin-malade de
plus en plus consacré et entré dans les mœurs et les esprits des sociétés européennes.
Ces mesures anticipant sur la fin de vie de la personne malade présentent divers
avantages, au bénéfice aussi bien du malade que du professionnel de santé. Elles
offrent, d’une part, au patient la possibilité de préparer sa fin de vie en planifiant les
soins en concertation avec son équipe médicale, alors quelles constituent, dautre part,
une source de renseignements inestimable pour le professionnel de santé à l’égard des
choix thérapeutiques du malade hors d’état de manifester sa volonté, en servant en
même temps de base de justification des traitements mis en place, abandonnés ou
limités, surtout face à un entourage familial contestant toute décision médicale. Ce
sont effectivement ces nombreux avantages qui ont sérieusement été pris en compte
par les législateurs nationaux européens et notamment le suisse, le belge et
lespagnol pour accorder au refus anticipé de traitement une place importante au
sein de l’ordre juridique interne. Un examen attentif et raisonné à la fois est donc
nécessaire pour présenter les conditions de fond et de forme de ces deux dispositions
anticipées, mais aussi pour mettre en avant d’éventuelles « préférences » des
législateurs et comprendre pourquoi ils ont fait le choix tactique de privilégier une
mesure plutôt que l’autre. Or, si en Suisse comme en Belgique le législateur semble
avoir penché vers l’institution du « représentant thérapeutique » (A), en Espagne ce
sont les « volontés anticipées » qui ont été privilégiées par la législation tant nationale
que régionale (B).
A. Le « représentant thérapeutique », garant du respect de la
volonté du patient
La Suisse a été le premier pays en Europe à « accueillir » et, progressivement, à
promouvoir la pratique des directives anticipées34. Au niveau fédéral, toutefois, il
n’existe aucun dispositif législatif régissant le droit des patients, le domaine de la san
publique relevant de la compétence politique générale des cantons. C’est ainsi que
34 En effet, cest en Suisse, en 1982, sur linitiative originale des associations Exit promouvant
principalement le droit à l’autodétermination de chaque être humain à la fin de sa vie, que les premiers
« testaments biologiques » munis d’un caractère contraignant à l’égard du corps médical, ont été
distribués à tous leurs membres.
10
s’explique, par conséquent, la production normative bien avancée dans certains
cantons35 ou, a contrario, le retard considérable observé dans d’autres. Si, pourtant, au
niveau fédéral il n’existe guère de dispositif législatif en matière de mesures anticipées,
force est de mettre en relief l’importance accordée aux directives médico-éthiques
émises par l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM) qui, à défaut de force
juridique contraignante, portent tout de même une valeur symbolique considérable.
Ceci dit, tant les directives médico-éthiques de l’ASSM36 que la majorité des nouvelles
législations sanitaires cantonales37 consacrent aujourd’hui le concept de « représentant
thérapeutique ». En effet, toute personne a le droit de désigner, à l’avance et par écrit,
dans le même document des directives anticipées, un représentant thérapeutique,
chargé de consentir ou refuser un traitement médical à sa place lorsqu’il ne sera plus
en capacité de manifester sa volonté. En revanche, en l’absence de toute disposition
anticipée formulée par le patient avant de perdre sa capacité de s’autodéterminer, c’est
la véritable volonté du patient que doit déterminer l’équipe soignante. Une volonté soit
déduite des convictions ou des comportements antérieurs du patient, soit recherchée
auprès de ses proches, son entourage amical ou, même, son médecin de famille. En
situation d’urgence ou conflictuelle, cependant, et dans la mesure il ny aurait pas
suffisamment de temps pour que toutes ces étapes soient respectées, c’est toujours le
professionnel de santé qui prendra la responsabilité de la décision finale dans le
respect des « intérêts objectifs » du malade38.
Si le législateur cantonal suisse n’a pas pris soin de délimiter soigneusement le cadre
juridique au sein duquel est autorisée la désignation du représentant thérapeutique, une
chose est pourtant sûre et mérite d’être mise en évidence : en mettant en œuvre le
concept de la capacité dite « de discernement », les suisses ont tenté une ouverture
hasardeuse pour certains, innovatrice pour dautres vers les personnes
juridiquement incapables. Or, alors que grand nombre de législations nationales posent
la capacité juridique en tant que condition préalable requise pour la validité des
35 À preuve, nous faisons allusion aux cantons de Genève, de Fribourg, de Jura, de Neuchâtel ou,
encore, de Valais, qui sont dotés d’une législation particulièrement évoluée en matière de droits des
patients. La majorité des lois cantonales sur la santé reconnaissent une valeur juridique aux
dispositions anticipées soit explicitement soit par un renvoi aux directives médico-éthiques de l’ASSM.
36 ASSM, Traitement et prise en charge des patients souffrant d’atteintes cérébrales extrêmes de longue durée,
27 nov. 2003 ; Traitement et prise en charge des personnes âgées en situation de dépendance, 2004 ; Prise en charge
des patientes et patients en fin de vie, 25 nov. 2004 ; Droit des patientes et patients à l’autodétermination, 24 nov.
2005 ; Traitement médical et prise en charge des personnes en situation de handicap, 20 mai 2008.
37 Le « représentant thérapeutique » est, ainsi, expressément mentionné dans les lois sanitaires de Vaud
(art. 23a, 23b et 23c), de Neuchâtel (art. 25a), du Valais (art. 20 et 21), de Fribourg (art. 49, 50 et 51) ou de
Genève (art. 47).
38 En ce sens voir la loi sur la santé de Genève (art. 49), la loi sur la santé de Fribourg (art. 51) ou,
encore, la loi sur la santé publique de Vaud (art. 23c).
11
dispositions anticipées, la plupart des législations cantonales se contentent de la simple
capacité de discernement des patients. Ainsi, par souci d’égalité envers les patients
mineurs ou majeurs sous tutelle, « toute personne capable de discernement39 », à savoir
capable de comprendre les informations qui sont apportées à sa connaissance par le
médecin traitant et de consentir aux traitements proposés, peut designer un
représentant thérapeutique40.
Le législateur belge, au contraire, dans le sillage de la majorité des législations
européennes y compris la française, se montre beaucoup plus réticent à l’égard des
mineurs et des majeurs protégés. Le droit du patient de refuser ou retirer son
consentement à propos d’un acte thérapeutique ou diagnostique41 ou de désigner une
personne de confiance en Belgique qualifiée de « mandataire désigné par le
patient » conserve certes toute sa force obligatoire. Cependant, seul le patient
jouissant de sa pleine capacité juridique peut être le bénéficiaire de ce droit42. Tout
patient mineur d’âge ou majeur protégé sera représenté par son représentant légal, à
savoir ses parents ou son tuteur. Sil nest plus possible de recueillir le consentement
du représentant légal du patient mineur ou majeur incapable, le médecin a le devoir de
prodiguer, quoi qu’il arrive, tout soin adéquat que lui dicte sa conscience43. Il paraît
même que le législateur belge, à l’instar du Comité consultatif de bioéthique qui dans
un avis datant de 2001 sur les Règles éthiques face aux personnes atteintes de démence avait
clairement pris position en faveur du « mandataire » belge, favorise entre les deux
formes de dispositions anticipées la personne de confiance, au motif que les directives
anticipées sont par principe inopportunes du point de vue éthique44. Sagissant des
qualités dont la personne de confiance doit jouir, la loi du 22 août 2002 prévoit trop
peu de garanties du libre choix dans la désignation du « mandataire », alors que la
durée du mandat semble demeurer illimitée45.
39 Aux termes de larticle 47, § 1 et 2, de la loi genevoise sur la santé du 7 avr. 2006. En ce sens voir
également l’article 49 (b), § 1 et 2, de la loi de Fribourg du 16 nov. 1999 sur la santé, l’article 20 de la
loi sur la santé du 9 févr. 1996 du canton du Valais, larticle 23 (a), § 1 et 2, de la loi vaudoise sur la
santé publique ou larticle 25 (a), § 1 et 2, de la loi de santé du canton de Neuchâtel.
40 Approche partagée par l’ASSM. V. ASSM, Droit des patientes et patients à l’autodétermination, op. cit.,
§ II, p. 2.
41 Il est essentiel, sur ce point, de ne pas confondre la loi belge sur les droits du patient du 22 août
2002 avec les deux autres législations adoptées cette même année en Belgique relatives à l’euthanasie
(loi du 28 mai 2002) et aux soins palliatifs (loi du 14 juin 2002) respectivement.
42 Art. 14, § 1er, de la loi du 22 août 2002.
43 Art. 30 CDM belge.
44 V. ainsi CCB de Belgique, avis no 14 du 10 déc. 2001 relatif aux Règles éthiques face aux personnes
atteintes de démence, p. 17.
45 À ce propos, le Conseil national de l’ordre des médecins belge s’est déclaré frappé par l’absence
de critères de désignation du « mandataire ». V. ainsi Avis du Conseil national concernant la note conceptuelle
droits du patient, le 17 févr. 2001, Doc. a091016, Bulletin du Conseil national de l’ordre des médecins no 91, p. 3.
12
La désignation d’un « mandataire », pour être valide, doit impérativement s’effectuer
par un mandat écrit spécifique, daté et signé tant par le patient qui confère le mandat,
que par la personne qui l’accepte, au moment le premier disposait encore de la
capacité civile. Ce mandat peut être révoqué à tout moment soit par le patient, soit par
le « mandataire » par le même biais, cest-à-dire par un écrit daté et signé et toujours
sous les mêmes conditions de validité46. Le patient doit veiller lui-même à ce que le
mandat soit accessible en le consignant dans son dossier médical. À défaut de
désignation de représentant, le patient sera alors représenté par un certain nombre de
représentants dits « informels », tels que l’époux, le partenaire de droit ou de fait, un
enfant majeur, un parent, un frère ou une sœur majeure ou, encore, le praticien
concerné47.
Toute résolution prise par le « mandataire désigné par le patient » ou par un
représentant informel est dotée de valeur contraignante et devra être respectée par
l’équipe médicale, à la seule et unique condition qu’elle serve l’intérêt du patient. En
cas de désaccord, le médecin pourra passer outre la décision du représentant, sous
réserve qu’il agisse « dans l’intérêt du patient et afin de prévenir toute menace pour sa
vie ou toute atteinte grave à sa santé48 ». Dans l’hypothèse, néanmoins, d’un mandat
directement effectué par le patient, le médecin traitant aura le droit d’y déroger
seulement si le « mandataire » est dans l’impossibilité d’invoquer la volonté expresse
du patient49. Si pourtant les législateurs suisse et belge, en vue de garantir le respect de
la volonté du malade non-autonome et incapable de s’exprimer, ont préféré accorder
une plus grande reconnaissance à linstitution de la personne de confiance, quen est-il
de leur homologue espagnol ?
B. Les « volontés anticipées », gage de sauvegarde du principe
dautonomie du patient
En Espagne, en dépit du fait que la loi générale de santé garantit depuis 1986 le droit
au refus de traitement à tout patient majeur et capable, il a fallu attendre jusquen 2002
pour que la nouvelle loi nationale portant sur lautonomie du patient reconnaisse le
droit au refus anticipé de consentement50. En effet, cest la loi nationale espagnole du
46 Art. 14, § 1er, de la loi du 22 août 2002.
47 Art. 14, § 2, de la loi du 22 août 2002.
48 Art. 15, § 2, de la loi du 22 août 2002.
49 En se servant, par exemple, d’un enregistrement, une bande vidéo, un article de l’intéressé.
V. ainsi art. 15, § 2, de la loi du 22 août 2002.
50 En effet, en vertu de larticle 10 de la loi générale sur la santé du 25 avr. 1986, toute personne a le
droit de refuser tout traitement médical, moyennant toujours certaines conditions de validité et,
notamment, sous réserve que le patient concerné soit capable de prendre des décisions concernant son
état de santé, qu’il ny ait pas durgence vitale et, enfin, que lintervention ne suscite pas de risques
pour la santé publique. Seize ans plus tard, et après que la Catalogne a été en 2000 la première
13
14 novembre 2002 qui est venue délimiter le cadre juridique à l’intérieur duquel les
communautés autonomes peuvent exercer leurs compétences dans le domaine de la
santé publique et, plus précisément, réglementer les « volontés anticipées51 »,
autrement appelées en Espagne les directives anticipées52. Ceci dit, le législateur
espagnol, ayant privilégié ces dernières, ne fait aucune référence explicite à la personne
de confiance. En revanche, en vertu de larticle 11 de la loi nationale 41/2002 qui
dispose qu’« une personne majeure, capable et libre, manifeste préalablement sa
volonté, pour qu’elle soit respectée au moment elle ne sera plus en état de
l’exprimer personnellement, concernant les soins et le traitement de sa santé [] », les
fameuses voluntades anticipadas sont dotées de force obligatoire. Trois sont les
conditions de validité qui, selon le législateur national, doivent être cumulativement
remplies : les directives anticipées doivent être conformes à l’ordre juridique, en
accord avec la lex artis53, alors que l’hypothèse décrite par le patient dans sa déclaration
anticipée doit correspondre à la situation dans laquelle il se trouve au moment où il est
hors d’état de manifester sa volonté.
S’agissant des conditions de fond instaurées par le législateur régional, les principes
de base adoptés par la majorité des communautés autonomes restent identiques.
Auteur d’une déclaration de « volontés anticipées » peut être tout majeur capable qui
communauté autonome espagnole à reconnaître aux patients le droit au refus de traitement, le
Parlement espagnol a adopté la loi 41/2002 du 14 nov. 2002 portant sur lautonomie du patient. V. loi
générale de santé du 25 avr. 1986, JO de l’État du 29 avr. 1986, no 102, p. 15207-15224 (Ley General de
Sanidad, de 25 de abril 1986 [http://www.boe.es/boe/dias/1986/04/29/pdfs/A15207-15224.pdf] ; loi
41/2002 du 14 nov. 2002 portant sur l’autonomie du patient et les droits et obligations en matière
d’information médicale, JO de l’État du 15 nov. 2002, no 274, p. 40126-40131 (Ley 41/2002, de 14
de noviembre, básica reguladora de la autonomía del paciente y de derechos y obligaciones en materia de infomación y
documentación clínica [http://www.boe.es/boe/dias/2002/11/15/pdfs/A40126-40132.pdf].
51 Pour plus dinformations sur les « voluntades anticipadas » v. les actes du colloque du 14 mai 2002
sur El testamento vital y las voluntades anticipadas de lInstitut de bioéthique et des sciences de santé
[http://www.institutodebioetica.org/] ; J. L. Requero Ibañez, « El testamento vital y las voluntades
anticipadas aproximación al ordenamiento español »
[http://www.institutodebioetica.org/casosbioetic/formacioncontinuada/testamentovital/requero.pdf]
; C. Gil, « El panorama internacional de las voluntades anticipadas »
[http://www.institutodebioetica.org/casosbioetic/formacioncontinuada/testamentovital/cgil.pdf].
52 À ce propos v. J. Sánchez Caro et F. Abellán, Derechos y deberes de los pacientes. Ley 41/2002 de 14 de
noviembre : consentimiento informado, historia clínica, intimidad y instrucciones previas, ed. Compares, Granada
2003, p. 89 s.
53 En fait, la lex artis ad hoc est l’expression communément utilisée en Espagne pour designer les
données acquises de la science qui sont appliquées quotidiennement par le personnel médical de
manière naturelle, par le biais de protocoles ou de normes de bonne pratique clinique, témoignant
d’un résultat en accord avec la propre pratique médicale. V., A. López de La Osa Escribano, « La
législation autour de la fin de vie en Espagne. Une compétence partagée », in La fin de vie et leuthanasie,
colloque dAix-en-Provence (du 30 nov. au 1er déc. 2007) sous la direction scientifique du CDSA EA
no 3242, Université Paul zanne dAix-Marseille, Faculté de droit et de science politique dAix-
Marseille, Les Études hospitalières, 2008, p. 161.
14
manifeste ses propres désirs librement sans avoir subi aucune pression. En revanche,
en ce qui concerne les modalités de forme, les règles varient d’une communauté à
l’autre à tel point qu’il est possible qu’un document soit considéré valable dans une
communauté et caduc dans une autre. La seule formalité imposée par la législation
nationale de 2002, [qui soit] commune à toutes les régions, consiste en l’exigence dune
forme écrite. Toute autre question de forme est laissée à l’appréciation des législateurs
autonomes. Les instructions préalables rédigées, à titre d’exemple, dans les régions de
Madrid ou d’Estrémadure54 ne seraient pas nécessairement valables dans les régions de
Catalogne ou dAragon55, les législateurs conditionnent l’établissement du
document d’une procédure concrète et strictement encadrée. Or, tant en Catalogne
qu’en Aragon, la déclaration anticipée doit être signée soit devant un notaire, soit
devant trois témoins majeurs et capables n’ayant pas de relations de parenté jusqu’au
deuxième degré, ni de liens de nature patrimoniale avec le patient concerné56.
En dépit de ce manque d’uniformité et d’homogénéité, le gislateur espagnol s’est
montré particulièrement prolixe au sujet des modalités de conservation et de diffusion
des « volontés anticipées », en se rendant vite compte quelles ne peuvent pleinement
profiter de leur place accordée au sein de l’ordre juridique et la valeur juridique
contraignante qui en découle que si elles sont facilement accessibles au personnel
soignant. Par souci d’efficacité, alors, le législateur national a souhaité mettre en place
un mécanisme fonctionnel novateur : un fichier central connecté à plusieurs fichiers
régionaux. Plus concrètement, aux termes de l’article 11 de la loi nationale de 2002,
chaque établissement ou service de santé a lobligation de prendre toute mesure
adéquate pour que, lorsque le moment arrivera, la volonté du patient ayant formulé
par écrit des dispositions anticipées soit respectée et satisfaite. C’est ainsi qu’ont été
conçus les registres régionaux des instructions préalables (registros autonomicos57). Ce
54 V., à titre indicatif, art. 5, § 2, de la loi madrilène 3/2005 relative à l’information sanitaire et
lautonomie du patient et art. 5, § 1er, de la loi d’Estrémadure 6/2005 portant sur la déclaration de
volontés anticipées en matière de santé.
55 V. ainsi art. 8, § 2, de la loi 21/2000 de Catalogne relative aux droits dinformation concernant la
santé et l’autonomie du patient, ainsi que l’information médicale et art. 15, § 2, de la loi 6/2002
d’Aragon portant sur la santé.
56 V. encore art. 6, § 5, de la loi de La Rioja no 2/2002 sur la santé, qui exige la présence d’un
notaire et des témoins au moment de l’établissement des instructions préalables et art. 30 de la loi de
Castille et Léon no 8/2003 portant sur les droits et devoirs des personnes en relation avec la santé, qui
affirme que pour que les instructions préalables soient valables elles doivent être établies ou bien
devant un notaire (sans la présence de témoins cette fois-ci) ou bien devant le personnel compétent de
l’Administration de santé, ou bien devant trois témoins dont deux ne doivent pas avoir de relation de
parenté jusqu’au deuxième degré. V. ainsi C. Garcia Ortega, V. Cozar Murillo et J. Almenara Barrios,
« La autonomía del paciente y los derechos en materia de información y documentación clínica en el
contexto de la Ley 41/2002 », Revista Española de Salud Pública, 2004, vol. 78, no 4, p. 469-479.
57 À titre d’exemple nous citons larticle 15, § 6, de la loi de santé 6/2002 d’Aragon, qui prévoit la
création du Registre des instructions préalables dans le cadre du Service de santé d’Aragon ou larticle 9,
15
nonobstant, les Registres autonomes ne se sont pas avérés suffisants. Pour quune telle
conception soit opérante, le législateur national a prévu l’élaboration d’un Registre
central national au sein et sous la surveillance du ministère espagnol de la Santé et de la
Consommation58, mis en vigueur en novembre 200759, à l’aide duquel les
professionnels de santé ont réussi à avoir accès à un réseau d’information automatisé
et sécurisé.
**
*
L’expression de la volonté d’un malade en fin de vie à travers des dispositions
anticipées, à la place d’un consentement réel et actuel, présente un désavantage dans le
sens elle sert d’élément « mort » dans le processus décisionnel60. En termes de
principe, nous nous accordons toutefois à reconnaître qu’il sagit dun instrument
intéressant, nonobstant les problèmes de validité qu’il peut poser tant sur le plan
juridique, que sur le plan éthique et moral. Face à ces inconvénients, les législateurs
nationaux adoptent des politiques différentes, adaptées à la culture et aux besoins de
leur société. Ce n’est pas, néanmoins, leur valeur contraignante ou indicative qui
pourra faire la différence, mais surtout leur bon usage, toujours en conformiavec
l’éthique médicale. Le droit au refus anticipé de consentement aux soins médicaux
constitue, sans aucun doute, un effort notable et sérieux en vue de préserver la dignité
humaine en fin de vie et dentretenir un dialogue ouvert et franc entre le patient et les
professionnels de santé.
§ 1er, de la loi 5/2003 portant sur la déclaration de directives anticipées de la région d’Andalousie ou,
encore, larticle 12, § 1er, de la loi madrilène 3/2005 relative à l’exercice du droit de formuler des
directives anticipées dans le cadre sanitaire, ainsi qu’à la création du registre relatif. En ce sens v. aussi
Sénat, service des Affaires européennes, Étude de législation comparée no 139, « Les droits du malade
en fin vie », nov. 2004, p. 27.
58 Art. 11, § 5, de la loi 41/2002 portant sur lautonomie du patient.
59 Arrêté royal 124/2007 du 14 févr. 2007 portant sur le Registre national des instructions préalables et
sur le fichier de données à caractère personnel, JO de l’État 15 févr. 2007, no 40, p. 6591-6593, Real
Decreto 124/2007, de 2 de febrero, por el que se regula el Registro nacional de instrucciones previas y el correspondiente
fichero automatizado de datos de carácter personal [http://www.boe.es/boe/dias/2007/02/15/pdfs/A06591-
06593.pdf].
60 V. ainsi aussi F. Mortier, « Directives anticipées : origines, utilité, fondements et controverses »,
in Y. Englert et A. Van Orshoven, op. cit., p. 25.
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Droit des patientes et patients à l'autodétermination, op. cit
  • V Approche Partagée Par L'assm
  • Assm
Approche partagée par l'ASSM. V. ASSM, Droit des patientes et patients à l'autodétermination, op. cit., § II, p. 2.
relatif aux Règles éthiques face aux personnes atteintes de démence
  • V De Belgique
V. ainsi CCB de Belgique, avis n o 14 du 10 déc. 2001 relatif aux Règles éthiques face aux personnes atteintes de démence, p. 17.