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Nous étudions les relations entre preuves et contradictions dans la résolution d'un problème de mathématiques. Cette étude montre la nécessité d'une approche à la fois situationnelle et cognitive, notamment en référence au fonctionnement des connaissances dans l'apprentissage des mathématiques. Ceci nous conduit à distinguer différents stades dans l'évolution des preuves pragmatiques aux preuves intellectuelles. Enfin nous montrons que le dépassement d'une contradiction ne constitue pas nécessairement un progrès cognitif, en particulier nous examinons le traitement d'un contre-exemple par des élèves de quatrième.
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Processus de preuve et situations de validation
Nicolas Balache
To cite this version:
Nicolas Balache. Processus de preuve et situations de validation. Educational Studies in Mathemat-
ics, Springer Verlag, 1987. <hal-01619264>
BalacheffN.–1987‐ProcessusdepreuvesetsituationsdevalidationPage1/33
PROCESSUSDEPREUVEET
SITUATIONSDEVALIDATION
Provingprocessesandsituationsforvalidation.
NicolasBalacheff
InstitutIMAG
UniversitéGrenoble1,CNRS,INPG
Laboratoire LSD2, Équipe de recherche en didactique des mathématiques et de
l’informatique.
Tapuscritauteur de :BalacheffN. (1987)Processusdepreuves etsituationsdevalidation.
EducationalStudiesinMathematics18(2)147‐176.
Résumé:Nousétudionslesrelationsentrepreuvesetcontradictionsdanslarésolutiond'unproblème
demathématiques.Cetteétudemontrelanécessitéd'uneapprocheàlafoissituationnelleetcognitive,
notamment en référence au fonctionnement des connaissances danslapprentissagedes
mathématiques. Ceci nous conduit à distinguer différents stades dans l'évolution des preuves
pragmatiques aux preuves intellectuelles. Enfin nous montrons que le dépassement d'une
contradiction ne constitue pas nécessairement un progrès cognitif, en particulier nous examinons le
traitementd'uncontre‐exemplepardesélèvesdequatrième.
Abstract: A study is made of the relationship between Proofs and Contradictions in mathematics
problem‐solving.Withrespecttomathematicslearning,weshowthenecessityforanapproachbeing
bothsituationaland cognitive. This study leads to the demarcation ofseveralstagesfrom Pragmatic
Proofs to Intellectual Proofs. We then go on to show that overcoming a contradiction does not
necessarily constitute cognitive progress. In particular we examinehowpupils(1314yearold)cope
withcounterexamples.
INTRODUCTION
La notion de démonstration occupe une place importante dans l'enseignement
des mathématiques en France où elle apparait lors de la troisième année de
l'enseignement secondaire, en classe de quatrième. Son apprentissage présente
des difficultés importantes. Il est classique de signaler que cesdifficultéssont
d'abord liées au passage d'une mathématique«pratique», caractérisée par
l'action et l'observation dans le cours des deux premières années de
l'enseignement secondaire, à une mathématique plus théorique justement
caractériséepar l’introduction de ladémonstration. Ce passage apparaitcomme
unevéritableruptureducontrat didactique qui, avant cette introduction, réglait
lesrelationsdesélèvesetdumaitreàproposdel'activitémathématique.
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Nousnousproposonsd'aborderceproblèmeenleformulantcommecelui de la
détermination des conditions didactiques d'une genèse cognitivedela
démonstration.
Maisavantd'allerplusloinilestnécessairequenousclarifionsquelquespointsde
vocabulaire; les expressions raisonner, prouver, démontrer, sont souvent
considéréescommesynonymesparlesmathématiciens,particulièrementlorsqu'il
s'agitd'enseignement.Celaconstitueànotresensunobstacleauxrecherchessur
cesquestions.
Nousappelonsexplication un discours visant àrendreintelligiblelecaractèrede
vérité, acquis pour le locuteur, d'une proposition ou d'un résultat. Les raisons
avancéespeuventêtrediscutées,refuséesouacceptées.
Nousappelonspreuve une explication acceptée par unecommunautédonnéeà
unmomentdonné.Cettedécisionpeutêtrel'objetd'undébatdontlasignification
estl'exigencededéterminerunsystèmedevalidationcommunauxinterlocuteurs.
Auseindelacommunautémathématiquenepeuventêtreacceptéespourpreuve
que des explications adoptant une forme particulière. Elles sont une suite
d'énoncésorganiséesuivantdesrèglesdéterminées:unénoncéestconnucomme
étant vrai, ou bien est déduit de ceux qui le précèdent à l'aide d'une règle de
déduction prise dans un ensemble de règles bien défini. Nous appelons
démonstrationscespreuves.
Nous réservons le mot raisonnement pour désigner l'activité intellectuelle, la
plupart du temps non explicite, de manipulation d'informations pour, partir de
données,produiredenouvellesinformations.
Ces distinctions de vocabulaire mettent en relief les dimensions sociales de la
démonstrationentantquerésultatd'unprocessusparticulierdepreuve.
Nousnousproposonsdemontrerquel'étudedesprocessusdepreuve doit être
conduite en référence à la foisàceluiquilesmetenœuvreentantquesujet
connaissant et à la situation dans laquelle il les met en œuvre. Nous mettrons
alorsenévidencelavariétédeleurnatureetquelquesé1émentsdelacomplexité
deleur fonctionnement.Cetteétudenousconduiraàdifférencier desniveauxde
preuvepouvantprendreplacedanslagenèsedeladémonstration dans une
perspectived'apprentissage.
Aborder la démonstration sous l'angle de l'interaction sociale nous conduit
naturellement à envisager la dialectique des preuves et des réfutations, ou plus
généralementleproblèmedutraitementdescontradictions.C'estparlàquenous
commencerons.
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LEPROBLEMEDELACONTRADICTION
L'une des finalités d'un processus de preuve peut être expriméecommeétant
d'assurer l'absence de contradictions formelles ou sémantiques dans la solution
d'unproblème.Maisle«fait»delacontradiction,alorsportéaucentredudébat
devalidation,présenteunecomplexitéquineselaissepasréduireàlacomplexité
logique.
UNECONTRADICTIONESTRELATIVEÀUNTÉMOIN
Nous retenons l'hypothèse qu'une contradiction n'existe « que si un témoin‐
locuteur la construit » (Grize et al. 1983). Ceci signifie qu'une contradiction
n'existepasen soi mais relativementàunsystèmecognitif.Enconquenceune
contradictionavérée pouruntémoin peutêtreniéeou inexistantepourunautre
individu.Parexemple,tellecontradictionserareconnueparl'enseignant, ou par
l'observateurdanslasituationexpérimentale,maisneleserapasparl'élève:
Ayantmontréquelasuite(un)admetunelimiteLvérifiantL<1,desétudiants
traiterontdansl'expression:
Unn+1+unn+un2+un+1
d'unefaçonindépendantenenexposantetnenindice:
lim(unn+1+unn+un2+un+1)=lim(un2+un+1)
=L2+L+1
(Robert1982)
Inversement une contradiction peut être attestée par les élèvesalorsquepour
l'enseignantelleestinexistante:
Pour des élèves de cinquième la somme des angles d'un triangle ne peut être
égale à 180° pour tout triangle, parce qu'un petit triangle ne peutavoirmême
sommed'anglesqu'untriangleplusgrand.
(Balacheff1987)
Encinquième,pourl'évaluationduvolumed'unparallélépipèdeàl'aidedepetits
cubes, certains élèves, ayant décompté le nombre de cubes dans l'une des
dimensions, considèrent qu'il faut en compter un de moins dans chacune des
deuxautres,parcequ'onnepeutpascompterdeuxfoislecubeducoin.1
(Bodin1980)
Dans ces exemples les raisons de l'identification ou de l'absence d'identification
d'une contradiction, sont à chercher dans la nature même des connaissances

1Cetobstacleàl'acquisitiondelanotiondevolumeaétérelevépar Bodinetconfirmépar
lestravauxdeVergnaud,Rouchieretal.(1983).
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mobilisées par les élèves. Les deux derniers cas correspondent d'ailleurs à des
situations de conflit cognitif sur lesquels s'appuient souvent les situations
didactiquesquenousconcevons;l'hypothèseétantquelaprisedeconsciencede
telles contradictions rend nécessaire l'évolution des conceptions de l'élève. On
reconnaitlà laproblématiqueconstructivisteselonlaquellelacontradictionestla
source d'un déséquilibre dont la compensation est le moteur du progrès de la
connaissance(dansle double processus de l'accommodation etdel'assimilation,
on peut à ce sujet se reporter aux ouvrages classiques de Piaget). C'est encore
dans cette perspective que s'inscrit l'épistémologie scientifique héritière de
Popper. Cependant la reprise de cette problématique par Lakatos, pour ce qui
concerne les mathématiques, fait apparaitre que le dépassement des
contradictionsneseraitenfaitquepotentiellementsourcedeprogrès.
CONDITIONSDELAPRISEDECONSCIENCED'UNECONTRADICTION
Dans le fonctionnement didactique, l'existence d'un savoir mathématique de
référence (savoir scientifique ou savoir scolaire) donne à l'enseignant une
responsabilité particulière quant à une décision sur le caractère effectivement
contradictoire d'une situation. Il s'agit, pour lui, de rallierl'élèveàcette
reconnaissance,deluiouvrir l'accèsàuneprisedeconsciencedelacontradiction
éventuelleentresesconceptionsetlesavoiràenseigner.
PourPiagetcetteprisedeconscience«ne se produit qu'au niveau où le sujet
devientcapablededépassement»(1974p.161).Maiscedépassementpouvanten
faitconsisterenunevéritableréorganisationdesconnaissances,laconditionpeut
paraitreun peuforte.Nousn'exigeronspascedépassementpotentiel,maisnous
retiendronsquesonproblèmeestposé:
prendreconscience d'une contradiction c'estposer le problème du choix
entredeuxpropositions:uneaffirmation et sanégation.Quellequesoit
l’issuedecechoix,ellesupposequel'affirmationsoitdisponibleetqu'elle
soitsusceptibled'êtreniée.
Lacontradictionestainsi dépendanted'unedoubleconstruction.Noussoutenons
l'idéequelaprisedeconsciencene se produira qu'au niveau où le sujet devient
capabledecettedoubleconstruction.
Unefoislacontradictionidentifiéeparl'élève,sondépassementpeut,quantàlui,
n'êtreobtenuqu'après unlongtravail.Ainsi, dans lecasdela mesuredesangles
d'untriangle,ledépassementdelacontradictionévoqeplushaut passera par
une reprise des conceptions qu'a l'élève de la mesure d'un angleetparson
appropriation du postulat d'Euclide et de ses conséquences. La mise en relation
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des propositions « plus un triangle est grand plus la somme de ses angles est
grande»et«lasommedesanglesd'untriangleest180°»,sielleouvrel'accèsàla
contradiction,nesuffitpaspourautantàsondépassement.
Parailleurs,dans le contexte qui nousintéresseici,lacontradiction n'existe que
parrapportàuneattentedéçue,àuneconjectureinfirmée.L'existencepotentielle
del'affirmationnesuffitpas.IIfautqu'ellesetrouve,commele diraitHadamard,
au‐devantdelascène.Piagetmentionnelui‐mêmeque«laprisedeconsciencede
lacontradictionest bienplusaiséelorsqu'elleapparaitentreuneprévisionetune
donnée extérieure qui lui inflige un démenti» (ibid.). On peut constater ici que
Piaget ne s'en tient pas aux seules conditions cognitives mais qu'il ouvre son
analyseàdesconditionsliéesàla situation.IInevacependantpasplusloindans
cettedirection,dumoinspourcequenousavonspulire.
Ainsi la prise de conscience d'une contradiction suppose une prédiction,c'est‐à‐
dire l'engagement effectif de l'élève sur une affirmation. Cela signifie son
dégagement de l'action, un pas de côté grâce auquel l'action est considérée
comme susceptible d'une réflexion, voire d'un discours. L'action n'est alors plus
seulementagie. Produitd'unchoix, elleestrapportéeàsesconditionsdevalidité
etàseseffets.Elleestsoumiseàunefinalité.Lacontradiction surgit de la non
réalisationdecettefinalité.Elleposedonclaquestiondu choix etdesconditions
del'action.
Nous retiendrons les conditions suivantes comme nécessaires à la prise de
conscienced'unecontradiction:
(i)existenced'unattendu;
(ii) possibilité de construire l'affirmation associée à cet attendu et sa
négation.
Il en découle que la contradiction est associée à un processus d'évaluation,
expliciteounon,délibéréounon,etdedécision.
Pour que l'élève soit capable de ces anticipations il est nécessaire que ses
connaissances constituent un modèle de la réalité afin de lui permettre un
contrôleaprioridelasituation‐problèmedanslaquelleilsetrouve.
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SITUATIONETPROCESSUSDEVALIDATION
ÉVIDENCEDURÔLEDELASITUATION
Ilexisteplusieursformesetplusieursniveauxdevalidationdontlamobilisationet
lamiseenœuvre sontprovoquéesparlesexigencesdelasituationdanslaquelle
onpeutsetrouver.CefaitestbienillustréparunemétaphoredePopper:
Lorsque j'achète un livre et que le libraire me rend vingt pence de monnaie, je
suis«toutàfaitcertain»,quelesdeuxpiècesnesontpasdescontrefaçons[...]Si
quelqu'unmedemandait«êtes‐vouscertainquelapiècedansvotremainestune
piècededixpence?»,jeluijetteraispeut‐êtreànouveauuncoupd'œiletdirais
«oui». Mais si quelque chose d'important dépendait de la vérité de mon
jugement,jepensequejeprendraislapeinedemerendredanslabanquelaplus
procheet de demanderaucaissier d'examinerlapièce ;etsila vied'unhomme
endépendait,j'essaieraismêmedevoirlechiefcashierdelabanqued'Angleterre,
etluidemanderaisdecertifierl'authenticitédelapièce.
(Popper1972pp.89‐90)
etPopper poursuit soutenant que «la ‘’certitude’’ d'une croyance n'estpastant
fonction de l'intensité de cette dernière que de la situation : de ce que nous
anticiponscommesesconséquencespossibles.»(ibid.)
L'absence de tout processus de validation ou, au contraire, la mise en œuvre
d'argumentations éventuellement solidement fondées théoriquement,
apparaissent directement liés à l'analyse que l'individu fait de la situation dans
laquelle il se trouve. Un rôle central, éventuellement moteur, estjouéparson
évaluationdurisqueliéàunedécisionqu'ildoitprendre.
Le processus de validation, l'élaboration de preuves de tous ordres, est ainsi
d'abordliéàdesfinspratiques.IIs'agitdes'assurerlesgarantiesnécessairesàun
engagement dans l'action ; ici l’action de décider de la vérité d'une assertion.
Quantàl'engagementàdifférentsniveauxdevalidationilrépondàuneéconomie
delogique«quiveutque l'onnemobilisepasplusdelogiquequ'iln'enfautpour
lesbesoinsdelapratique»(Bourdieu1980p.145).
Ainsi,lasituation dans laquellealieul'actiondel'élève peut tolérerl'absencede
travailsurlavalidation.
C'estle cas,danscertainessituationsdidactiques,desphasesd'appropriationdes
règlesd'unjeu,oudufonctionnementd'unmatériel.Parexempledanslasituation
dite de «la course à 20» étudiée par Brousseau (1975), après l'exposition des
BalacheffN.–1987‐ProcessusdepreuvesetsituationsdevalidationPage7/33
règles2lesélèvessontinvitésàjouer,chaquepartieterminéeétantsuivie d'une
nouvelle partie sans autre exigence. Dans une telle situation, l'élève peut, pour
jouer une partie, ignorer les précédentes, ne pas travailler ses décisions : la
situation tolère l’absence de validation. Cependant pour des raisons qui leur
appartiennentdesélèvesvoulantgagnerchercherontdesraisons,despreuvesde
la validité de leur stratégie. Dans ces situations des succès réitérés peuvent
instituerdesrèglesd'actioncommeautantdesourcespossiblesdethéorèmes‐en‐
acte(Vergnaud1981).
C'est aussi le cas des situations dans lesquelles l'élève a à exécuter des
algorithmes,dessuitesd'ordre,ouàmettreenœuvredespratiquesrégléespar
deshabitudespourlesquelleslesquestionsdelavaliditéetdelaconsistancenese
posent pas. Ces situations constituent des sphères de pratique3. Elles n'exigent
pasdecontrôledesproductions,touteerreurcontingented'exécutionmiseàpart,
parcequelasituationporteapriorisurde«bonsobjets»,de «bonnes
relations»,selonuncontratquipermetl'économiedel'examendesconditionsde
validitédel'action.
Dans ces cas, l'absence observée de mise en œuvre de processus de preuve, le
niveau des preuves éventuellement développées, ne sont décisifs ni pour le
chercheur,nipourl'enseignant,parcequesusceptiblesd'êtrelaconséquenced'un
principed'économie.
Nous allons, dans la suite, nous intéresser aux situations qui appellent de tels
processus.
SITUATIONDEVALIDATIONETSITUATIONDEDÉCISION
Voicid'aborddeuxexemples:
‐reprenons le cas de «lacourse à 20». Dans la dernièrephasedu jeu,
appelée«jeudeladécouverte»,laconsignedemandeàdeséquipesqui

2«Danscejeul'undesjoueurscommenceetdit(ouécrit)1ou2.Sonadversairepeutalors
ajouter1ou2...celuiquiarriveàdire20agagné»(ibid.p.3)
3Nousreprenonsicilanotiond'universdepratiqueforgéeparBourdieu(1980):«ilyatrès
peu de chances que deux applications contradictoires des mêmes schèmes se trouvent
confrontéesdanscequ'ilfautappelerununiversdepratique[...]Lamêmechosepeut,dans
desuniversdepratiquedifférents,avoirpourcomplémentairedeschosesdifférentesetelle
peutdoncselonl'univers,recevoirdespropriétésdifférentes,voireopposées(ibid.p.145).
Le substantif d'univers nous a cependant paru peu approprié au regard des pratiques
scolairesauxquellesnousnousintéressons.
BalacheffN.–1987‐ProcessusdepreuvesetsituationsdevalidationPage8/33
jouent, d'élaborer des propositions qui permettent de «gagner à coup
sûr»(Brousseau1975).Unsystèmedemarquessanctionnelaproduction
d'énoncésvrais («acceptés» (ibid.)) et d'énoncésfaux («prouvés faux»
(ibid.)).Lesélèvessetrouventalorsdansunesituationdevalidationau
sensdeBrousseau(1977).L'objectifestlaproductiond'unepreuve(dela
vérité ou de la fausseté) d'un énoncé. Cette situation contient
organiquementlacontraintedemiseenœuvredeprocessusdepreuve.
‐danslecasdeséquencesdidactiquesdécritesparGras(1983)àpropos
delapprentissagedelasymétrieorthogonale,aprèsdessituations
consacréesàlafamiliarisationaveclesymétriseur4,lesélèvessontinvités
à anticiper, à prédire, ce que sera l'image d'une figure donnée. On se
trouvealorsdanscequenousappelleronsunesituationdedécision;elle
demandela mobilisation demoyensde décision et donc de moyensde
validation, sans que pour autant soit exigée la production explicite de
preuves.C'estunepropositionvraieetnonlapreuvedecetteproposition
quidoitêtreproduite.
Dans la situation de décision, les opérations intellectuelles du raisonnement
hypothético‐déductif (en tant que système légitime et fiable deproduction
d'informations) peuvent être misesenœuvresansquepourautant une preuve
soitproduite.Lescontrôleslogiquesetsémantiquesfonctionnentlocalementdans
le cours de l'élaboration de la solution. Éventuellement, en tant que
mathématiciens, nous reconnaitrons dans ce processus une organisationquiest
del'ordre deladémonstration; maisicielleest danslefonctionnementdu sujet
unoutiletnonunobjet(cf.pourcettedistinction,Douady1985).

4Ils'agit d'unappareillagemécaniquepermettant deréaliserune
symétrie orthogonale. L'appareil, suivant le schéma ci‐dessus, est constitué d'un losange
déformable glissant le long d'un axe placé suivant I’une de sesdiagonales.Lesdeux
sommetslaisséslibrespeuventporterunepointesècheouuncrayon.
BalacheffN.–1987‐ProcessusdepreuvesetsituationsdevalidationPage9/33
L'INTERACTIONSOCIALECOMMEMOTEURDESPROCESSUSDEPREUVE
La mise en débat des décisions, l'injonction de garantir leur validité ou de la
dénoncer, permet de transformer la situation de décision en une situation de
validation.
Unedescaractéristiquesquiapparaitainsidéterminantepourlaproductiond'une
preuve, est la dimension sociale de la situation. C'est d'ailleurs cette dimension
socialequemetenrelieflamétaphoredePopperquenouscitionsci‐dessus.
Maisonnepeutcependantpasaffirmerquelecontexted'unesituation sociale
soituneconditionnécessaire,nimêmesuffisanteàlaproductiondepreuves:
‐laconditionn'estpasnécessaireparcequelerisquedûàuneincertitude
peut conduire à un effort de synthèse des raisons, des conditions
nécessairesàlavalidité,quiréalisel'explicitationd'unepreuve.
‐ cette condition n'est pas non plus suffisante ; elle n'écartepasla
possibilité d'élèves qui refuseraient d'entrer dans ce jeu du débat.
L'augmentation des enjeux, la force des injonctions peuvent ne pas
suffirent...nous savonsbienqu'il peutexisterdes martyrs.Parailleurs la
notionderisque n'a pas de sens en soimaisrelativement à un individu
quilereconnaitounonetl'évalueplusoumoinsimportant.Le risque
reconnu, l'élève peut encore se montrer téméraire, c'est‐à‐direnepas
aller jusqu'au bout de ce qu'il reconnaîtrait nécessaire pour garantir sa
décision.
Onnepeutdoncattendredelasituationqu'elledéterminecomplétement et
exclusivement le comportement de l'élève. Nous distinguerons seulement les
situations qui tolèrent l'absence de travail sur la validation, des situations qui
appellent un tel processus. Parmi ces dernières nous nous attacherons à deux
typesdesituations:lessituationsdedécisionetlessituationsdevalidation.
Parailleurs l'interactionsocialeprésenteunecomplexitéparticulière,notamment
parcequ'elleestlelieudelaconfrontationd'universlangagiersaprioridifférents,
desystèmes deconnaissancenonunifiés:parnaturelacommunicationimplique
l'interprétation mutuelle des systèmes cognitifs en présence. En particulier, la
production d'une preuve oblige à la prise en compte des interlocuteurs pour
finalementconstruireunsystèmedevalidationcommun,aumoinslocalement,en
référenceauxpropositionsdébattues.
Mais le désir de convaincre peut entrainer les partenaires à recourir à des
argumentsadhoc,étrangersaucadremathématiqueounonpertinents.Làréside
BalacheffN.–1987‐ProcessusdepreuvesetsituationsdevalidationPage10/33
l'une des principales difficultés de l'utilisation des situations d'interaction, tant
dans la classe qu'à des fins expérimentales (Balacheff et Laborde 1985). Quelles
sont, par exemple, les conditions que doit satisfaire la situation pour que les
interlocuteursaient intérêtàaccepter desénoncesvraiset ànepassoutenirdes
énoncésfaux(cequipeutarriverlorsqueledésirededomineresttropfort)?
LEDÉSIREDECERTITUDECOMMEMOTEURDESDÉMARCHESDE
PREUVE
Dans les exemples qui précèdent nous avons souligné le rôle joué par
l'identificationd'unrisquedûàl’incertitudedanslamotivationd'unindividupour
produire des preuves ou mettre en œuvre des processus de preuve. Une autre
motivationestledésir decertitude,pourelle‐même,sanslapressiond'unrisque
quiseraitàprendre.Lesenjeuxpeuventêtreceuxd'unesatisfactionintellectuelle,
d'unecuriositépourlavéritéquipeutanimerlesélèves.C'est par exemple la
problématique des innovations qui cherchent  à s'appuyer sur des problèmes
motivants : problèmes qui susciteraient assez d'intérêt pour que les élèves
acceptentouveuillentd'eux‐mêmesenchercherlasolution.
C'estsurce désirdecertitude,ques'appuie Brousseau(1983)dansune situation
engéométrieoù il demande aux élèves detracerles médiatricesdescôtésd'un
trianglesansseplacerdansuncasparticulier.Biensûr,lesélèvesvontchercherà
se placer dans le cas d'un trianglequelconque, mais « l'obstination mystérieuse
des faits» (ibid. p.189)feracraindrelecasparticulier.Quoiqu'ilensoit,
l'incertitudeentretenue par des tracésinévitablement défectueux conduit àune
conjecture:lesmédiatricesd'un triangle sont concourantes. Vouloir en faire un
théorème,enavoir la certitude, repose sur un désirdesavoirquinedoitrienà
unesituationderisque,nimêmedanscecasàunquelconqueintérêtpratique;les
élèvesnesaventpassiunetellepropriétépourraêtreutileàquoiquecesoit.
DEUXPROBLÉMATIQUES:LEFFICACITÉETLARIGUEUR
Nous distinguerons trois types de situations qui appellent des processus de
validation,voirelaproductionde preuves. Ces situations peuvent être
caractériséesparlafonctiondespreuvesdanschacuned'elles:
preuvespourdécider
preuvespourconvaincre
preuvespoursavoir
II est clair qu'il ne s'agit pas là d'une partition. «Savoir», peut être compris
commedéciderdelavaleurdevéritéd'unepropositionet«décider»peutêtrela
BalacheffN.–1987‐ProcessusdepreuvesetsituationsdevalidationPage11/33
source d'un savoir nouveau. Ce qui, pour nous, sépare effectivementcesdeux
fonctions(«décider»,«savoir»)c'estquelapremières'insèredansl'action,dans
le fonctionnement du praticien, alors que la seconde est un fonctionnement de
théoricien.Du pointderuedes situationsdidactiques,ilcorrespondraàcesdeux
fonctions,deuxtypesdecontratdidactique.
Danslepremiercasladévolutionduproblèmepasseparl'entréedesélèvesdans
unefictionou dansunjeudont ils acceptentd'êtrelesprotagonistes.Ce typede
situationparaitparticulièrementbienadaptéàl'ÉcoleÉlémentaire,carlejeuestà
partentièreunepratiquedesenfantsàl'extérieurmêmedel'école.
Danslesecondcasladévolutionduproblèmepasseparl'adhésiondes élèves à
unepositionthéorique.Onpeutchercherà noueruntelcontratàl'Université,et
appeler sur le désir de certitude la mise en œuvre de processus de validation
(l'étudiant reconnaissant l'Université comme le lieu où est pris en charge la
constructiondesesconnaissances).Toutefoiscetypedecontratpeutencoreêtre
difficile à nouer au nom des raisons de la pratique, particulièrement lorsque les
étudessontfinaliséesprofessionnellementetquelesétudiantssontplusattachés
à l'acquisition de savoir‐faire qu'à celle de savoirs qui leur apparaissent bien
«théoriques».
En France, la classe de quatrième offre actuellement, en géométrie, un bon
exemple de ce passage du pratique au théorique. La marque en est justement
l’exigence de la production de preuves (démonstrations). La rupture entre
géométriepratique(celledelarègleetducompas, delaproductiondefigure)et
lagéométrie (déductive) n'est en effet passeulementcelled'un changement de
statutépistémologique,maissurtoutcelled'un changementdecontratcommele
montrebienletravaildeChevallardetTonnellesur«évidenceetdémonstration»
(Tonnelle 1982). L'enquête qu'ils ont conduite sur la géométrie en fin de
cinquièmeetenfindequatrième,montrequedelieudutracéprécisdesfigures
la géométrie devient le lieu de l'étude des figures. Cetteruptureesttrès
clairementidentifiabledanslesprogrammesscolaires.
Cechangementdecontratsemanifesteparlechangement destatutde l'activité
mathématique,sonchangement de fonction. D'élève‐praticien,toutorientévers
lamaitrise d'unsavoir‐faire,onpasseàl'élève‐théoriciendont lajustificationde
l'activitéestcelledeconnaître.C'estaunomdelaconnaissancequel'évidenceest
àrejeterpourfonder unevéritéetnonaunomdelapratique.IIfautpasserd'un
lieuoùle critère est celui de l'efficacité,àunautre où le critère est celui dela
rigueur:larigueurcommefinensoiestétrangèreàlapratique,c'est une
préoccupationdesavant.
BalacheffN.–1987‐ProcessusdepreuvesetsituationsdevalidationPage12/33
PREUVEPRAGMATIQUEETPREUVEINTELLECTUELLE
Laprised'unedécisionestlégitiméeparl'affirmationdesoncaractèrenécessaire,
elle se distingue d'autres décisions possibles par son adéquation et sa validité.
Aussi le processus de validation, qu'il s'accomplisse ou non dans l'explicitation
d'une preuve, est fondé sur une analyse du pour etdu contre, sur la prise en
charge de contradictions potentielles. Par là ce processus est essentiellement
dialectique.Cefaitestencoreplusévidentdansuncontextededébatdanslejeu
despreuvesetdesréfutations.Horsducontextesociall'élaborationd'unepreuve
passeparuneanalysecritiqueetdoncrelèvedelamêmedialectique:unepreuve
rigoureuse et définitive est une preuve qui ne sera pas réfutée. Voire, pour
certains,unepreuvequineseraitpasréfutable.
L'accèspossibleounonàl'expérienceconstitueunecaractéristiquedelasituation
qui va jouer un rôle central dans le fonctionnement de cette dialectiquede la
validation.Lamiseàexécutiond'unedécision,ou laréalisationducontenud'une
affirmation, permet ce que nous appellerons des validations pragmatiques de la
décision,oudespreuvespragmatiqueslorsqu'ellessonteffectuéesparl'élèvelui‐
mêmepour établirlavaliditéd'uneproposition.Lorsquecetaccèsàlaréalisation
n'est pas possible alors les validations sont nécessairement intellectuelles. La
production de ces preuves intellectuelles requiert notamment l'expression
langagièredesobjetssurlesquellesellesportentetdeleursrelations.
Lanaturemêmedeladialectiqueassociéeàcesdeuxtypesdepreuves est
fondamentalementdifférente.Enparticulierlacontradictionapportéeparlesfaits
n'a pas le même statut que celle apportée par le discours, même si celui‐ci
consiste à invoquer les faits. Quant aux preuves elles‐mêmes, elles n'établissent
pasdelamêmefaçonlespropositionsqu'ellessoutiennent:
lapreuvepragmatiqueesthypothéquéeparlasingularitédel'événement
qui la constitue, il faut en accepter le caractère générique. Elle est de
plus, tributaire d'un contingent matériel : outils imprécis, défaut de
fonctionnement;
la preuve intellectuelle mobilise une signification contre une autre, une
pertinencecontreuneautre,unerationalitécontreuneautre.
BalacheffN.–1987‐ProcessusdepreuvesetsituationsdevalidationPage13/33
LAPLACEDU«SUJET‐CONNAISSANT»
INTRODUCTION
Une fois réunies les conditions les plus favorables à la mise en œuvre d'une
démarche de validation, ou à la production de preuves, nous pouvons observer
chezlesélèves(maisaussidansledéveloppementhistorique),quecesprocessus,
oulespreuvesproduites,sontdenaturestrèsdiverses.
À l’évidence les élèves ne produisent pas d'emblée des démonstrations. En
revanche d'autres types de preuves sont identifiables que l'on peut notamment
distinguer par leurs caractéristiques langagières, en fait directement liées à la
façondontsontrepéréslesopérationsetlesconceptsàl’œuvredanslarésolution
duproblème.
CARACTÉRISTIQUESLANGAGIÈRESDESPREUVES.
Lespreuvesdupraticiensontd'abordpragmatiques.Elless'ancrentdanslesfaits,
dansl'action.Ellessefondentsurdesthéorèmes‐en‐actequin'ontpasétéprouvés
maiséprouvésparlapratique.
La communication de ces preuves se fait par ostension. Les opérations et les
conceptsqu'ellesmobilisentsontagis:«lapreuve?..,çamarche!».Celanesignifie
paspourautantl'absencedetoutlangage,maisiln'estpasicil'outilfondamental
d'expression de la connaissance. Celle‐ci est attestée par l’action et non par le
discours.
Cetétatcaractériselespremiersmomentsdelagenèsed'uneconnaissance
(notamment au sens de Piaget) dans lesquels les conceptions desélèves
fonctionnent comme des modèles implicites, modèles pour l’action, dans la
résolutiondeproblèmes.
Onpeutchercheràempêchercerecoursàlapratiquepardescontraintesdiverses
:lesfigurestropgrandesdanslecasdusymétriseurdeGras(1983),ouenmettant
les individus dans une situation de débat où les éléments constitutifs de la
validation doivent être formulés (phase finale de « la course à 20 », Brousseau
1975).Maiscedétachementdupragmatiquenevapasdesoi:la pratique
interditepeutêtre évoquée et le discourspeutrestertrèsprèsdeceque l'élève
(oulepraticien)avécu.Ils'exprimeradanslelangagedelafamiliarité:
BalacheffN.–1987‐ProcessusdepreuvesetsituationsdevalidationPage14/33
langagequineconnaît:«quelescasparticuliersetlesdétailsdel'intérêtpratique
oudelacuriositéanecdotique,parlanttoujoursparnomspropresdepersonnesou
delieux,etignorant,saufpourcomblerlestempsmorts,lesgénéralitésvagueset
lesexplicationsadhocquisont de mise avec les étrangers, ce langage, que l'on
n'adressepasau premier venu passe sous silence tout ce qui vasansdireparce
celavadesoi»
(Bourdieu1980p.153)
L'actionexplicitéeparcelangageportelamarquedutempsetde la durée, la
marquedeceluiquiagitetducontextedeson action. Mais ce langage exige un
relatif pas de côté pour que l'action puisse être décrite et expliquée, et donc
prennentplaceicilespremiersmomentsd'uneconstructioncognitive.
On se trouve à la frontière des preuves pragmatiques et des preuves
intellectuelles,lepassagepouvantsefaireparlaprisedeconscienceducaractère
génériquedela situationenvisagée.Envoici unexemple(tiréde Balacheff1978)
lecaracregériquedel'exempleestattesté,plantlapreuveàunniveau
supérieuràceluiquicorrespondraitàl'usaged'unsimplecasparticulier(Fig.1).
Fig.1.Transcriptiondutexteenannexe.
Ledéveloppementsurleterraindespreuvesintellectuellesexigeunchangement
de position; le locuteur doit prendre une position de théoricien dans laquelle la
connaissance (jusque‐là agie) devient l'objet de réflexions, de discours, voire de
débats.
Pourparveniràcequenousreconnaîtrionspourunedémonstration,lelangagede
lafamiliaritéestinsuffisant.Ilfautquel'élèveaccèdeàunlangagefonctionnelqui
ne soit plus seulement un moyen de description des actions ou des opérations,
maisunvéritableoutildecalculintellectuel.
BalacheffN.–1987‐ProcessusdepreuvesetsituationsdevalidationPage15/33
Le passage du langage de la familiarité au langage fonctionnel requiert en
particulier:
une décontextualisation, abandon de l'objet actuel, lieu effectif de la
réalisation des actions, pour accéder à la classe des objets
indépendamment des circonstances annexes ou anecdotiques de leur
apparition;
une dépersonnalisation, en détachant l'action de celui qui en a été
l'acteuretdontellesedoitd'êtreindépendante;
unedétemporalisation,dégageantlesopérationsdeleurdateetdeleur
durée anecdotique ; ce processus est celui fondamental du passage de
l'universdesactionsàceluidesrelationsetdesopérations.
Les langages fonctionnels se caractérisent par l'introduction du symbolisme de
façonplusoumoinsimportante.Auniveauleplusélevéontrouveraitunelangue
strictement symbolique. En fait la pratique mathématique, pour des raisons
d'économie, recourt à une association de la langue naturelle etdelalangue
symbolique, c'est le cas du formalisme naïf de Bourbaki. Cette association
correspond en fait à une construction et à un fonctionnement linguistique
spécifiques(Laborde1982).
NATUREETSTATUTDELACONNAISSANCE
L'évolution des preuves pragmatiques vers les preuves intellectuelles et la
démonstration, n'est pas seulement marquée par une évolution des
caractéristiques langagières, mais aussi par celle du statut etdelanaturedela
connaissance. Les preuves pragmatiques s'appuient sur des savoirs pratiques
essentiellementengagésdans l'action,lespreuvesintellectuellesdemandentque
cesconnaissancespuissentêtreprisescommeobjetderéflexionoudedébat.Cela
correspond à une évolution classiquement décrite par la psychologie cognitive
genevoise.
L'élaboration de démonstrations requiert de plus un statut particulier de ces
connaissances. Elles doivent être constituées en une véritable théorie et être
reconnues comme telle, c'est‐à‐dire acceptée par une communauté qui ne
s'autorise plus à aller chercher où elle veut les arguments qu'elle utilise. La
démonstration en mathématique s'appuie sur un corps de connaissances
fortementinstitutionnalisé,ensemble de définitions, de théorèmes, derèglesde
déduction, dont la validité est socialement partagée. Ce principe est un des
fondements de la rigueur mathématique, son appropriation par les élèves va
requérirune constructioncognitiveparticulièrequi neconsistepasseulementen
un«marquage»desconnaissancesenquestion.
BalacheffN.–1987‐ProcessusdepreuvesetsituationsdevalidationPage16/33
Lepassagedespreuvespragmatiques aux preuves intellectuelles, notamment la
démonstration,reposeainsisurtroispôlesquiinteragissentfortement:
lepôledesconnaissances:nature desconnaissancesdesélèves(ausens
deVergnaud1984),
lepôleslangagier,oudelaformulation,
lepôles delavalidation, oudestypes derationalitéqui sous‐tendentles
preuvesproduites.
Le tableau suivant résume la correspondance entre ces différents pôles en
référenceauxhiérarchiesqu'ilsrecouvrent5:
naturedes
conceptions
formulation validation
Pratiques
(savoir‐faire)
Ostension
preuve
pragmatique
(théorème‐en‐acte)
langagedela
familiarité
Connaissance
commeobjet
(savoir) langage
fonctionnel
preuves
intellectuelles
Connaissance
théoriqueet
reconnue(savoir
scientifique)
formalismenaïf démonstration
REMARQUESSURLECONCEPTDETHÉORÈMEENACTE
Leconceptdethéorème‐en‐actea étéintroduitpourdésigner«lespropriétésdes
relations saisies et utilisées par le sujet en situation de résolution de problèmes,
étantentenduquecelanesignifiepaspourautantqu'ilestcapabledelesexpliciter
ou de les justifier» (Vergnaud 1981). L'utilisation du terme de théorème fait
référenceà uncalculsur desreprésentations,à descompositionsdéductivesetà
desinférences;ouencoreelleévoquelefonctionnementchezl'élève,dethéories
implicites. L'argument avancé par Vergnaud pour justifier la dénomination de
théorème‐en‐acteestque«laplupartdesopérationsdepenséeimpliquéesdans
lesproblèmes[...]peuventêtredécritespardesthéorèmes»(Vergnaud1983).On
voitbien tout le partique l'on peut tirerd'un tel concept pourune étude de la

5Nos premières tentatives pour présenter ainsi ces dépendances, partent d'une
présentationfaiteparBrousseau(1981p.114)pourorganiserlescomportementsobservés
selonletypedesituationetletypedeconnaissance.
BalacheffN.–1987‐ProcessusdepreuvesetsituationsdevalidationPage17/33
genèsedesconnaissancesmathématiques,cependantsonutilisationrisqued'être
parfoisunpeurapideetdecéderàl'attractiondelamétaphore.
Si ce qui est observé chez l'élève est de l'ordre du théorème‐en‐acte;alorsla
réfutationdecethéorèmequeconstitueunecontradictiondevraitprovoquerune
remiseenquestion.Cen'estpastoujourslecas,
d'une part les actions du sujet ne sont pas nécessairement sousun
contrôledevalidation,commeparexempledanslecasdelaséquence
suivantedecalculsconduitedefaçonautomatiqueparunélèvede15ans
manifestant de grandes difficultés en calcul algébrique (il s'agit d'une
observationréaliséelorsd'unentretienclinique):
(Z+5)2‐7<0 (Z‐5)(Z+5)‐7<0 (Z‐5)(Z‐2)<0
(Mathieu19‐12‐83)
C'estencorelecas,parexemple,pour«leprobmedesdeuxcercleset
durectangle»(ils'agitdetrouver une configuration de ces trois figures
réalisant le maximum de points d'intersection) étudié par Audibert
(1982), lorsque des élèves recherchent le placement d'un cercle par
tâtonnement perceptif (il n'y a là que des corrections de perturbations
relevéessurlerésultatdutracé).
d'autrepartcesactionspeuventnepasêtreassociéesàuneanticipation,
ellessontprésentesparcequesubstantiellementattachéesàlasituation.
Parexempledans le cas de la détermination du périmètred'untriangle
tronqué(voirlafigureci‐dessous)certainsélèvestracentsuccessivement
desdroitesremarquablesdutriangle,d'autresfontdesmesuresdiverses
puisdesopérationssurlesnombresobtenus...«pourvoir».
Fig.2
BalacheffN.–1987‐ProcessusdepreuvesetsituationsdevalidationPage18/33
Il nous semble qu'il faut donc, pour attribuer à un observable de l'action des
élèves le label de théorème‐en‐acte, ajouter une exigence: celle d'identifier les
conditionsdefonctionnementdesopérationsdepenséeenquestion.
Considéronsleschémasuivant:
Nousproposonsdedistinguer:
(1)lefonctionnementqui,centrésurlecouplesituation‐action,occultela
priseen charge de l'effetattendu et celle des conditionsde l'action. Le
sujetnes'assurepasdecequesonactionestlégitimenidece que son
résultatseraceluiqu'ilsouhaite;
(2) le fonctionnement prenant en compte les conditions de validité de
l'actionetdesonadéquationauxeffetsattendus.Danscecasseulement
ilnousparaitpertinentdeparlerdethéorème‐en‐acte.
Dans le premier cas nous parlerons de règles d'action dont le fonctionnement
relèveessentiellementdumodestimulus‐réponse.L'échecdeleurmiseenœuvre
n'estpas repéréparl'élèvequinedisposepas,ounemobilise pas,d'instruments
de validation. En particulier, la confrontation effet‐obtenu / effet‐recherché n'a
paslieuparcequel'anticipationelle‐mêmen'apaslieu.
Mais lorsque la prise de conscience de cet échec survient, par exemple sous la
pression des faits, le premier progrès décisif sera de poser le problème des
conditionsdevaliditédel'actionoudesonadéquation.C'estcetévénementqui
initieralagenèse du théorème‐en‐acte en engageant la construction du prédicat
associéàl'action.
Parailleurslarègled'actionqui seconstitueordinairementdanslapratique,peut
en fait être la forme dégénérée d'un théorème(‐en‐acte). En effet la pratique
routinièred'exercicesconduitàinstituerenhabitudel'accomplissement de
BalacheffN.–1987‐ProcessusdepreuvesetsituationsdevalidationPage19/33
certaines opérations mathématiques et par économie entraine l'occultation des
conditions de validité et celle de la prise en charge de la validation du résultat
obtenu. Cette dégénérescence est le plus souvent associée à laconstitution des
sphèresdepratique.
PREUVESETREFUTATIONS
TYPESDEPREUVES
Des preuves pragmatiques aux preuves intellectuelles on peut reconnaître
plusieurs types qui se différencient à la fois par le statut des connaissances
engagéesetparlanaturedelarationalitésous‐jacente.
L'empirisme naïfestdanscettehiérarchielepremiertypedepreuvequenous
rencontrons. Il consiste à tirer de l'observation d'un petit nombre de cas la
certitudedelavéritéd'uneassertion,envoiciunexempletirédel'étudequenous
avonsconduitesurleproblèmedudénombrementdesdiagonalesd'unpolygone6:
Lionel et Laurent ont dénombré cinq diagonales dans un pentagone.Aprèsune
rificationdecedénombrementsurunenouvellereprésentationdupentagone,
ilsrelisentl'énoncéduproblèmepuisconcluent:
Laurent: « [...] calculer le nombre des ... ben, oui, c'est ...y'a5sommetset5
diagonales.»Lionel:«ouaisetonl'aprouvé.»
Ilsremettentàl'observateurunmessagedécrivantleurdénombrement et son
résultat. Celui‐ci leur propose un hexagone. Lionel affirme alors, avec
l'assentimentdeLaurent:«Ben,yaura6diagonales.»
L'expérience cruciale est un procédé de validation d'une assertion dans lequel
l'individu pose explicitement le problème de la généralisation etlerésouten
pariantsurla réalisationd'uncasqu'il reconnaisse pouraussipeuparticulierque
possible.Ainsidanslecasdudénombrementdesdiagonalesd'unpolygonec'estle
casdecetteélèvequiproposeàproposdeleurconjecture:«on va faire une
immensefigurepourvérifier»(Lauraref.198);oulecasdecetteévequiàla

6CeproblèmeestactuellementétudiéencollaborationavecuneéquipedeI'IREMdeLyon
(Arsacetal.)danslecadred'unerecherchesurlesconditions didactiques d'un
enseignementde la démonstration.Letriangle esttracésurune feuille de papier,comme
celaestindiquésurlafigure.Lesélèvesdoiventdécrireuneprocédurepermettantlecalcul
dupérimètred'untriangledansunetellesituationsans recourir au prolongement de ses
côtés.
BalacheffN.–1987‐ProcessusdepreuvesetsituationsdevalidationPage20/33
suited'undifférendavecsonpartenairepropose:«essaieunefoisavec15etpuis
si ça marche, ben ça veut dire qu'ça marche avec les autres» (Nadine ref. 91).
Ainsil'expérience crucialeconsisteà provoquerunévénementsurlequel«onne
sefaitpasdecadeau»enaffirmantque«sicelamarche,alors cela marchera
toujours ». Cette démarche qui reste fondamentalement empirique se distingue
del'empirismenaïfence que le problèmedelagénéralisationesteffectivement
posé et que l'élève se donne un moyen de décider autrement que
péremptoirement.
L'exemple générique consiste en l'explicitation des raisons de la validité d'une
assertion par la réalisation d'opérations ou de transformations sur un objet
présentnonpour lui‐même, maisentantquereprésentant caractéristiqued'une
classe d'individus. La formulation dégage les propriétés caractéristiques et les
structuresd'unefamilleenrestantattachéeaunompropreetàl’exhibitiondel'un
deses représentants.Dansl'exemplesuivant(Fig.3),LioneletLaurentexpriment
d'abordleurconjectureenutilisant l'hexagone qui a dans leurprojetunevaleur
d'exemple générique que souligne le «de même», puis ils évoluent vers une
formulationquisedégagedesmarquesduparticulier:
Fig.3.Transcriptiondutexteenannexe.
BalacheffN.–1987‐ProcessusdepreuvesetsituationsdevalidationPage21/33
L'expérience mentaleinvoquel'action en l'intériorisant et en ladétachantdesa
réalisationsurun représentant particulier. Elle reste marquéeparlatemporalité
anecdotique, mais les opérations et les relations fondatrices de la preuve sont
désignéesautrementqueparlerésultatdeleurmiseenœuvre;cequiétaitlecas
pourl'exemplegénérique.LecasdeChristopheetBertrandenestuneillustration
(Fig.4).
Fig.4.Transcriptiondutexteenannexe.
C'est là, quelque part entre l'exemple générique et l'expérience mentale que
s'opère le passage des preuves pragmatiques aux preuves intellectuelles. Une
marquedecepassageestuneévolutiondesmoyenslangagiersmisenœuvre.
Pour ce qui concerne les mathématiques, de la preuve‐expériencementaleàla
démonstrationonpeutpenserqu'ilexistedifférentstypesdepreuve (commepar
exemplelapreuve‐analytiqueausensdeLakatos),ilsdevraientsedifférencierpar
leurs niveaux de décontextualisation, de détemporalisation et de
dépersonnalisation évoqués plus haut, ainsi que par leur niveau de formalisme
(c'est‐à‐dire par la part respectivedelalanguenaturelleetdu langage
symbolique).Cettetypologieresteàfaire.
BalacheffN.–1987‐ProcessusdepreuvesetsituationsdevalidationPage22/33
STATUTETCONSÉQUENCESDESRÉFUTATIONS
Ladialectiquede lavalidationestune dialectiquedespreuvesetdesréfutations.
La perception la plus répandue du contre‐exemple, dans la classe de
mathématique,estcelled'unecatastrophedontlaconséquenceestl'abandonpur
etsimpledespositionsconquiseslorsdelarésolutionduproblème.L'universdela
classedemathématiqueserévèledecepointdevueplusmanichéen que
dialectique. L'analyse de l'activité du mathématicien, ou de la communauté des
mathématiciens,commenouslaprésenteparexempleLakatos,faitapparaitreun
fonctionnementbiendifférentetsûrementmoinsradical.
Prenant pour base l'analyse que propose Imre Lakatos, on peut différencier les
conséquences d'un contre‐exemple suivant qu'il rejaillit sur laconjecture,sursa
preuve,oubienencoresurlesconnaissancesouleursfondementsrationnels.Ilse
peutmêmequeledépassementdelacontradictionrévéléeparlecontre‐exemple
passeparlacritiqueetlerejetducontre‐exemplelui‐même.Leschémaci‐dessous
explicitantlaconjectureetsapreuvecommeleproduitconjointdesconnaissances
et de la rationalité d'un individu (traits pleins), résume les principales
conséquences envisageables d'un contre‐exemple (traits tirés); telles que
l'amendement de la conjecture, la reprise d'une définition, le rejet du contre‐
exemple,etc.:
Ceschémaal'avantagedelasimplicité,iln'estcependantqu'uneévocationdela
multiplicité des retombées possibles d'un contre‐exemple, entrer dans plus de
détails dépasserait le cadre du présent texte. Nous y reviendrons ailleurs. Ce
schéma nous suffira pour mettre en évidence un problème à notresens
fondamental et jusqu'ici occulté par les analyses didactiques (aussi bien que
psychologiques).
Le caractère dialectique du développement des connaissances mathématiques,
que Lakatos met en évidence pour ce qui concerne la phylogenèse etque nous
BalacheffN.–1987‐ProcessusdepreuvesetsituationsdevalidationPage23/33
connaissions déjà pour l'ontogenèse, a pour conséquence un problème qu'il ne
soulignepasetquinepouvaitéchapperaudidacticien:qu'est cequidéterminela
légitimitéduchoixd'uneréponseàuncontre‐exemple?
Les mathématiciens auxquels s'intéresseLakatossemblentbientous adhérer au
mêmefondderationalité.S'agissantd'élèvesiln'enestplusdemême:empirisme
naïfou expérience cruciale peuvent fonder des preuveset constituer les racines
légitimes d'une conviction. Si donc nous voulons nous appuyer sur une
contradiction révélée à l'élève pour obtenir que soient reconsidérés les
fondements rationnels de sa conjecture et de sa preuve prétendue, comment
éviterqueledébatportefinalementsurlalégitimitéducontre‐exempleousurun
amendementàlaconjecture;cequipeutapparaitretoutàfaitlégitimeàl'élève,
puisqu'aprèstoutcettemêmerationalitéluisuffitpourfairefaceàdenombreuses
situationspratiquesqu'ilrencontreparailleurs.
Commentéviterquefaceàuncontre‐exemplequeluiproduitl'enseignant,l'élève
nedéclarequ'ils'agitlàd'uncasparticulieralorsquesaconjectureestfondéesur
unempirismenaïf ?Ceproblèmegarde toutesonimportanceà desniveauxplus
avancés de la scolarité où l'étudiant discutera la légitimité d'un contre‐exemple
alors que, pour nous, ce qui est en question est la conception qu'il a de la
connaissanceenjeu.
Fonderl'apprentissage,c'est‐à‐direlaconceptiondessituationsdidactiques,surla
prise de conscience de contradictions par les élèves, sur une dialectique de la
validation, nécessite que soit prise en charge cette incertitude sur la nature du
dépassement d'une contradiction. S'il est assez clair qu'il n'yapasde
déterminismestrictementcognitif,quelestalorslerôledescaractéristiquesdela
situation? Les interventions de l'enseignant et sa gestion du contrat didactique
serontsûrement desélémentsdéterminantspourquesoitjugé pertinentefaceà
uncontre‐exemplelaremiseenquestiondesconnaissances plutôt que celle des
fondements rationnels de la conjecture, ou encore la remise en question du
contre‐exemplelui‐mêmeplutôtquecelledelapreuve.
Lagammedesréactionspossiblesdesélèvesfaceàuncontreexemple est
effectivement très étendue. Nous avons retrouvé à l'occasion d'une recherche
expérimentale sur cette question7 (à propos du dénombrement des diagonales
d'unpolygone)l'essentieldescomportementsrapportésparLakatosdanslecadre
desonanalysehistorique.Nousendonnonsci‐dessousquelquesexemples.

7Les exemples produits ici sont issus des observations menées dans le cadre d'une
recherchesur les processusdepreuveset les contre‐exemples.Le compte rendudecette
rechercheestencoursdepublication.
BalacheffN.–1987‐ProcessusdepreuvesetsituationsdevalidationPage24/33
Naïma et Valérieavancent, sur la base de deux exemples, la conjecture que le
nombre de diagonales est le nombre de sommets du polygone divisé par deux;
confrontéesàunpremiercontre‐exemple,ellesexplicitent unedéfinitionqu'elles
fontévolueraufuretàmesuredelarencontredenouveauxcas:
Fig.5.Transcriptiondutexteenannexe.
À chaque contre‐exemple une condition ad hoc est ajoutée à la définition, qui
permetdel'écarterde laclassedesobjetsconcernés parlaconjecture.Ilestclair
autermedecetteobservationquelesdeuxélèvesjouentaujeu:chaquefoisqu'il
mecontredit,j'ajouteunecondition.Qu'ellessontlesissuesd'unetellesituation?
MartineetLauraproposentlasolutionsuivante:
Fig.6.Transcriptiondutexteenannexe.
Le premier contre‐exemple, un polygone dont le dessin présente trois sommets
alignés,est écartéparles élèvesquiavertissentleursinterlocuteursdecequ'une
BalacheffN.–1987‐ProcessusdepreuvesetsituationsdevalidationPage25/33
telle configuration peut se présenter (voir leur texte ci‐dessous). Le contre‐
exemple suivant est considéré comme le représentant d'un sous‐ensemble
particulier de polygones qui est retiré du domaine de validité de la conjecture
initiale.Puiscelle‐ciestaménagéeenproposantuncalculspécifique:
Fig.7.Transcriptiondutexteenannexe.
Blandine et Isabelle:leurconjectureinitialeprésentedéjàlaparticularitéde
proposer un traitement différent pour deux classes de polygones. Cela provient
descontradictionsrencontréesdanslecoursdelarésolutiondu problème.Pour
faire face au premier contre‐exemple qui leur est opposé, elles aménagent leur
conjecture en lui incorporant une condition qui écarte la classe des objets
correspondants:«silepolygoneestconvexe...»,lecasdutriangleestenrevanche
traitécommeuncasparticulieràécarter:
Fig.8.Transcriptiondutexteenannexe.
Assez souvent nous avons observé que le fait que le triangle n'ait pas de
diagonalesconduitànepasleconsidérercommeunpolygone.Cepointdevue,
BalacheffN.–1987‐ProcessusdepreuvesetsituationsdevalidationPage26/33
tout à fait concevable, a par ailleurs pu être rencontré dans certains manuels
scolaires.
CONCLUSION:DEUXPROBLEMESDIDACTIQUES
STATUTSCOLAIREDELAPREUVE
Lapratiquedeladémonstrationexigeàlafoisunerationalitéetunétatspécifique
desconnaissances.De plus cela signifiel'adhésionàuneproblématiquequin'est
pluscelledel'efficacité(exigencedelapratique)maiscelledelarigueur(exigence
théorique).
Cetteanalysemet en lumière une origineprobabledel'échecdel’enseignement
deladémonstrationdanslesclassesfrançaisesdequatrième.Ondénoncesouvent
lerôlejouéparuneruptureducontratdidactiquelorsdupassagedelaclassede
cinquième à celle de quatrième, on peut alors penser qu'une «bonne»
négociationdececontratpermettraitderésoudreceproblème.Maislesrelations
quenousavonsmontrées entre connaissance, formulationetvalidation(Tableau
p.16) mettent en évidence que le problème ne peut être posé uniquement en
terme de contrat ou d'analyse de la situation. La nature et le statut des
connaissancesengagéesjouentunrôleessentiel.
En quatrième, où il apparait comme objectif explicite, l'enseignement de la
démonstrationapourterrainprivilégiélagéométrie.Maisparcequelagéométrie
ensixièmeetencinquièmeestd'abordunegéométriedel'observation,lanature
des connaissances ainsi construites ne permettra pas de satisfaire d'emblée les
exigencespropresàladémonstration.Quellequesoit laqualitédelanégociation
d'un nouveau contrat didactique, il ne pourra y avoir un simplepassagedes
preuvespragmatiquesetfondamentalementempiriques,valides jusqu'alors, à la
démonstration. Ce passage relève d'une construction sur le terrain à la fois des
connaissancesetdelarationalité. Commetouteconstructioncognitiveilrequiert
uneduréepeucompatibleaveclesambitionsactuellesdesprogrammes.
Très tôt, disons dès la sixième, doit être posé le problème de l'évolution des
fondementsrationnels del'activitémathématique desélèvesenmême temps,et
avec le même statut, que celui de la construction des savoirs. L'exigence de
preuvesdoitdoncpouvoirtrouversaplacedèslespratiquesmathématiques des
premièresclasses, enacceptantquesoit reconnuepourpreuvesautre choseque
desdémonstrationsausensstrict.Ilfaudrapourcelaprendreenconsidération la
naturedela rationalité des élèves et lesconditionsdesonévolution,mais aussi
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prendreenchargel'analysedidactiquedescritèresacceptésdepreuvequidoivent
pouvoirévoluerdanslecoursdelascolarité.
CONTRAINTESDIDACTIQUES
Toute suppression, tout dépassement d'une contradiction n'est pas
nécessairement un progrès de la connaissance. L'accord sur ce qui pourra
constituer un dépassement acceptable revient en fait à un consensus sur les
critères de validation, et donc sur les règles du débat de validation. Avant de
considérer ce problème sur le terrain de la didactique, rappelons l’exemple
historiquesuivantdudébatentreDarbouxetHouël8surlavaliditéd'unénoncéde
lathéoriedesfonctions:
«Votrelettren'estqu'unaveuetcelamesuffit.Vousn'avezrienàobjecter,c'estévident.Du
reste,je vous ferairemarquerquevous meparleztoujoursde cesfonctionsdlatiques.Je
ne les considère pas plus que vous. Mais il faut séparer le bon grain de l'ivraie par des
caractèresprécis,etpourcelailnefautadmettrequecequiestcontenuclairementdansla
définitiond'unechose.Etbieniln'estpasévident qu'unefonctioncontinue ait une valeur
maxima qu'elle atteigne effectivement et voyez les conséquences qu'a votre manière de
procéder»(30Avril187(2))
«Touteslesfonctionsquimettentendéfautvosthéorèmessontdesfonctionsdontvousne
voulez pas vous occuper. Cela ne me parait pas une raison car si votre raisonneme nt est
exact,il doit reposersurtelles hypothèsesquiécartentd'elles‐mêmes unefoisadmises ces
fonctionsbizarresauxquellesvousnevoulezpasavoiràfaire»(24Septembre1872)
«Remarquez que votre point de vue revient à dire: j'exclus toutes les fonctions pour
lesquellesmadémonstrationestinexacte.Alorsà quoi bon faire une démonstration.»(23
Décembre1873)
«[...]pourmettrevosraisonnementendéfautj'ailedroitdeprendretoutefonctionpourvu
qu'ellesatisfasse, non pas aux conditions que vous énoncezsans vous en servir, mais aux
seulesconditionsemployéesdansvosraisonnements.
[...] j'ai le droit de prendre tous les exemples possibles pourvu qu'ils satisfassent aux
conditions de vos raisonnements et je soupçonne fort que votre définition d'exemples
bizarres, saugrenus, coïncide avec la suivante, gênants, contraires au théorème.» (19
Février1874)
«[...]Jevousrattraperaissurces fonctions saugrenues et vous prouverais que ce ne n'est
pasd'ellesqu'ilestquestionmaisdeceprincipedelogique.

8Lacorrespondance1872‐1882 de DarbouxetHouëlest publiée enannexedeGispert H.
(1983)«Sur lesfondementsdel'analyseen France»,Archivefor HistoryofExact Sciences
28‐1,37‐106.
BalacheffN.–1987‐ProcessusdepreuvesetsituationsdevalidationPage28/33
Touteslesfoisqu'unraisonnementAconduitàuneconclusionBsansécarterexpressément
unehypothèseH(voilàlehic)et que B'fondéesur HestcontraireàBleraisonnementest
fauxouincomplet»(probablement1875)
Etenfin:
«Vousmedemandezsivotredémonstrationdonnéep.245‐246devotrepremiervolume[...]
estrigoureuse.[...]Votre démonstrations'applique certainementàtouteslesfonctionsque
vousavezconsidéréesdansvotreouvrage.»(11Février1882)
Cetexempled'undébatentredeuxmathématiciens,quisedéroulesurprèsde10
ans,soulignelacomplexitéduproblèmequinousoccupe.Siuncontre‐exemplene
signifie pas le rejet pur et simple d'une conjecture, la légitimitédesvoies
empruntéespourdépasserlacontradictionqu'ilattesteneva pasdesoi.Ellese
trouve en fait au centre du débat de validation et de la remise en question
éventuelledescritèresdevalidationeux‐mêmes.
Mais au fond, ce qui sépare Darboux et Houël ne nous paraît pasêtreduseul
ressortde lalogique.Mêmepourcessavants,leproblèmeposéest unproblème
de pratique  qu'a‐t‐on intérêt à décider du point de vue de la pratique du
théoricien?Vatonbouleverseruncorpsdeconnaissancespour quelques
difficultésrencontrées?Ilpeuts'avérerplusintéressant(pluséconomique)deles
absorber sous la forme de quelques hypothèses supplémentaires àajouterau
théorème. Pourtant Houël est sûrement autant que Darboux, soucieux d'être
rigoureux.
Lecontextescolaireestbiendifrent.Lesélèvesn'yontpaslaliberduchoix
d'uneissueà une contradiction. Les connaissances mathématiquespréexistentà
tout événement qui pourrait avoir lieu dans la classe. II en est de même des
critèresdevaliditéd'unénoncé.
L'épistémologie scolaire, fondamentalement platonicienne, marque ainsi des
limites qui ne peuvent être franchies entre les conditions de l'activité du
mathématicienetcellesdel'activitédel'élève.Ilrevientàl'enseignantdegarantir
uneévolutiondesconnaissancesdel'élèveetnotammentdesarationalité en
conformité avec ces références. Le fait qu'une explication constitue une preuve
peut faire l'objet d'un consensus dans la classe mais cela est insuffisant,
l'enseignantdoit s'assurerquececonsensus seréalisesurdesbasesacceptables.
Éventuellementildoittrouverlesmoyensd'agirpourfaireévoluerleschoses.IIse
heurtealorsàlacontradictiondegérerdessituationsassezisoléespour que les
élèves aient la responsabilité des décisions qu'ils prennent, mais assez
dépendantespourqu'ilpuisseintervenirsurlescritèresdecettedécision.
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Notreproblèmeestactuellementceluideladéterminationdesvariables
didactiques dont la manipulation permette un tel contrôle, et par ailleurs
d'analyser la nature et les voies d'un contrat didactique qui permettrait les
ingérencesdel'enseignantdansunprocessusde décisioninitialementdévoluaux
élèves.
Enfinseposeleproblèmedel'institutionnalisationquiestlemoyendefermerun
débat de validation. En effet si on peut concevoir que dans la pratique
professionnelle de la recherche en mathématiques une preuve soit une preuve
jusqu'àpreuveducontraire,ilnousparaitdifficiledetenirunetellepositiondans
lasituationscolaire.Àunmomentouàunautreleséves,parcequ'«ils sontlà
pourapprendre»,ontbesoind'unegarantiesurlavaliditédeleursproductions,et
si des positions contradictoires existent dans la classe elles ne peuvent très
longtemps subsister ensemble. L'enseignant est amené à trancher, à donner un
statut à certains énoncés, certaines preuves, certaines interprétations, pour les
confirmeroulesrejeter.Leprocessusparlequelcelabelestdonnén'estpassans
conséquencesauplancognitif.
De plus, une fois la preuve acceptée, la validité d'un énoncé ne peut plus être
remise en question, il faudra pour s'intéresser à de nouvelles preuves trouver
d'autresraisons.L'acceptation parl'enseignantd'unepreuve qui nepourraitêtre
reconnue comme une démonstration pose alors le problème didactique des
conditionsd'unerepriseultérieurequiseraitacceptablepourlesélèves.
BalacheffN.–1987‐ProcessusdepreuvesetsituationsdevalidationPage30/33
ANNEXE
Transcriptionsdesmanuscritsd'élèvesdonnésenillustration.
Texte de la Figure 1, nous ne transcrivons ici que la partie du texte rédigée en
languenaturelle:
Ilyauratoujours10+10//
J'ai choisi 2 et il s'annule/donc si je choisi un autre/nombre entre 1 et 10
il/s'annuleratoujoursetse/seratoujourségalà20//
TextedelaFigure3:
Dansunpolygoneà6sommets,il part3/diagonales parsommetsdoncilpart/18
diagonales; mais comme une/diagonale joint deux points: il/n'y a que 9
diagonales: 18 ÷ 2 = 9/et de même avec 7 sommets 8, 9, 10/11, ... etc//
alors à 7 sommets il partira 4 diagonales/par sommets//
àchaquefoisquel'onajoute/unsommet>auprécédentpolygone<onajouteune
diagonale/parsommets>auprécédentesdiagonales<ondivisepar/2lenombre
de toutes les diagonales/et on trouve le nombre de diagonale/du polygone et
pourtrouverlenombrede/diagonalespartantdechaquesommets/onsoustréau
nombre de/sommet, trois// mais pour les concaves on enleve encore/1
diagonale/
TextedelaFigure4:
En sachant le nombre de sommets d'un/polygone, il partira de chaque point,
le/nombredesommets‐(sesdeuxvoisins+lui‐même)//
il faudrait multiplier ce qu'on a trouvé par le nombre de sommets/(par chaque
sommet,partentlemêmenombredediagonales)//
MAIS,oncomptechaquediagonaledeuxfois//
Lenombredediagonalestrouvéestdoncàdiviserpardeuxeton/obtientunefois
chaquediagonale//
TextedelaFigure5:
Lespolygonessontdesfiguresayantun/nombrepairdesommets//
*ayanttoussescôtés/demêmelongueur//
*sescôtés/devantêtredisposés/encercle//
*d'unsommetne/partqu'unedroite//
TextedelaFigure6:
1ersommet:nbsdediagonnalles=nbsdesommet‐3//
2emesommet:nbsdediagonnalles=pareil//
BalacheffN.–1987‐ProcessusdepreuvesetsituationsdevalidationPage31/33
à partir du 3eme sommet: nbs de diagonnalles obtenu précédement/‐ 1
diagonnalle//
4eme sommet: nbs de diagonnalles obtenu précédement/‐ 1 diagonnale// ainsi
desuite//
‐àlafinonadditionnetouslesnbs de diagonnalle/obtenues à chaque sommet
pourtrouverlenbs/dediagonnaledupolygone//
TextedelaFigure7:
‐Ilsepeutqueparaccidentundiagonnal/passeen+de2sommets‐//
‐ lorsque la figure représente les diagonnalles/d'un parallélogramme/ou un
trapèzeonnetrouvequedeux/diagonales(voirschéma)//lesdiagonalessonten
pointillé//
TextedelaFigure8:
>silepolygoneestconvexe</‐ondiviselenombredesommetspar2//
‐sicenombreestimpaironretranche1aunombredessommetseton
divise/alorscenombrepar2//
casparticuliers:letriangle/quin'apasdediagonales//
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... Un vrai travail scolaire autour des conjectures est aussi très enrichissant pour les élèves. Balacheff (1987) a montré que, pour des élèves de quatrième en France, la recherche de contre-exemples pour la conjecture « Le nombre de diagonales d'un polygone est égal au nombre de sommets du polygone divisé par deux » a amélioré leur compréhension des concepts mathématiques en jeu. Selon lui, ce travail mathématique a amené les élèves à se méfier de leurs premières impressions mathématiques relativement à l'énoncé et à développer une compréhension plus profonde des concepts mathématiques en jeu dans cette conjecture. ...
... Pour réfuter une proposition universelle, il suffit d'avancer un contre-exemple. Celui-ci établit la fausseté de la proposition tout en jouant un rôle explicatif important (Balacheff, 1987(Balacheff, , 1988Knuth, 2002;Bloch, 2009). Knuth, par exemple, souligne que : … les mathématiciens reconnaissent que l'un des rôles principaux de la preuve en mathématiques est d'établir la véracité d'un résultat ; mais ce qui est peut-être plus important, en particulier d'un point de vue didactique, c'est qu'ils reconnaissent son rôle dans la compréhension des mathématiques sous-jacentes. ...
... Une réfutation par contre-exemple général se distingue par sa capacité à enrichir la compréhension, ne se limitant pas à invalider une proposition, mais explorant aussi les raisons de cette invalidation et générant des classes de contre-exemples. Balacheff (1987) remarque que le contre-exemple, souvent perçu comme une «catastrophe» en classe, est en fait le point de départ pour un travail mathématique plus approfondi, visant à comprendre les limites des hypothèses et à explorer de nouveaux théorèmes. Lakatos (1984) illustre cette idée en citant l'exemple de Seidel, qui a utilisé la série produite par Fourier pour montrer que la conjecture selon laquelle « la limite d'une série convergente de fonctions continues est une fonction continue » est fausse dans le cas de la convergence ordinaire de Cauchy. ...
... Our findings align with those of other studies using scaffolds such as flow charts that enable learners to make sense of the logical interaction between proof blocks, leading to proof construction (Anwar & Goedhart, 2019;Balacheff, 1987;McCarthy, 1993;Miyazaki et al., 2011). In the present study, the tasks included in the activities enabled students to test their hypotheses by dragging or selecting checkboxes to see which conditions were equivalent, helping them progress to the construction of the proof even when these components were not arranged. ...
... Our intervention is consistent with the findings of previous studies (e.g. Anwar & Goedhart, 2019;Balacheff, 1987;McCarthy, 1993;Miyazaki et al., 2011). These studies demonstrated the benefits of using flowcharts to facilitate proof construction and comprehension. ...
The present study focused on tasks designed to include interac tively interrelated proof blocks, and examined whether students used them to construct complete or partial proofs. Twenty10th grade students participated in the study, which was based on an activity consisting of theorems to prove concerning segments and circles: the proportion of two intersecting chords, the proportion of two secant lines and the proportion between the secant line and tangent lines. Initially, the participants were not asked to prove the presented geometric theorems. However, they subsequently used these theorems as a basis for constructing deductive proofs for new, related claims. The findings revealed that the specially designed activities provided to the students may assist them in making sense of the interrelationships between the blocks of proof.
... Une démonstration est une forme particulière de restitution de la preuve. Un raisonnement est une « activité intellectuelle », explicite ou implicite, « de manipulations d'informations pour, à partir de données, produire de nouvelles informations ». Balacheff (1987) distingue deux types de preuves : ...
... Notons que Balacheff (1987), dans cette typologie, pointe trois types de situations, chacune avec des contrats didactiques spécifiques, où la preuve aura des rôles différents : ...
Article
Full-text available
The framework of the theory of didactical situations is based on "experimental epistemology". It allows us to question mathematics and learning situations. This text will present mathematical and experimental tools derived from this theory for thinking about a typology of situations for didactic use. In particular, it will focus on didactic variables and proof situations. Two examples will illustrate these aspects. From the fields of game theory on the one hand and number theory on the other, these examples will be discussed and revisited: the Race to 20 and the Frobenius problem. Le cadre de la théorie des situations didactiques s’est construit dans des travaux « d’épistémologie expérimentale ». Il permet d’interroger les mathématiques et les situations d’apprentissage. Ce texte présentera les moyens mathématiques et expérimentaux issus de cette théorie pour penser une typologie de situations à usage didactique. Un focus sera fait en particulier sur les variables didactiques et les situations de preuve. Deux exemples permettront d’illustrer ces aspects. Issus des domaines de la théorie des jeux d'une part et de la théorie des nombres d'autre part, ils seront discutés et revisités : la Course à 20 et le problème de Frobenius.
... This process not only enhances their understanding but also enables them to apply mathematical concepts effectively in diverse contexts. Balacheff (1987) highlights that recognizing these connections significantly improves students' comprehension of mathematical ideas. ...
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Indonesia, particularly the Java region, is home to a wealth of folklore rich in moral teachings. Among these, the story of Rama and Sinta is one of the most prominent, and upon initial investigation, it reveals an underlying presence of mathematical concepts, particularly relations and functions. Despite this potential, there is a lack of research on integrating such cultural elements into the teaching of mathematics. This study aims to fill this gap by exploring the use of the Rama and Sinta narrative as a contextual tool for teaching relations and functions. Following the design research method within the Ethno-Realistic Mathematics Education (Ethno-RME) framework, we developed instructional materials for seventh-grade students at a public school in Magelang, Central Java, Indonesia. These materials, consisting of both student and teacher books, were designed to contextualize the mathematical concepts of relations and functions within the cultural narrative. The resulting learning trajectory, consisting of five interconnected activities, not only deepened students' understanding of the mathematical concepts but also reinforced the moral lessons embedded in the folklore. This paper details the development process, implementation, and outcomes of this culturally responsive approach, contributing valuable insights into the integration of local cultural narratives with core mathematical concepts to enhance the learning experience.
... Au fil des conversations et par le test diagnostic avec les élèves, il apparaît théoriquement et expérimentalement qu'il y a un problème dans les apprentissages précédents qui sont responsables de l'obstruction du mécanisme de vérification chez apprenant. Dans les différentes approches théoriques adoptées dans la résolution de situations, les théoriciens (Balacheff, 1987 ;Coppé,1993 ;Saboya, 2010) s'accordent sur l'importance de l'étape de vérification, et l'application de ce type de méthode difficile est considérée comme une caractéristique essentielle pour distinguer les experts des novices dans la résolution de problèmes ou de situations. Difficultés de vérification en tant qu'étape abstraite qui surgit dans la pensée de l'apprenant et qui ne peut être contrôlée par l'enseignant. ...
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Cet article vise à connaître dans quelle mesure les apprenants de 3ème année collégial possèdent des compétences de vérification. Nous avons introduit un test et un sondage à travers lesquels nous analysons la façon dont pensent les élèves et dont ils résolvent le test, créant en même temps l’existence ou l’absence de l’aspect de l’auto-vérification pendant le test. Nous concluons qu’il est pertinent d’examiner le travail personnel de l’élève et son mécontentement vis-à-vis de ses résultats.
... La démonstration est un outil de validation dans la communauté des mathématiciens (N. Balacheff, 1987). Elle est une déduction rigoureuse qui montre qu'une proposition est vraie parce qu'elle est la conséquence nécessaire d'une proposition déjà admise (M. ...
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L’insuccès massif des candidats dans les exercices sur la démonstration par récurrence aubaccalauréat de la série D au Burkina Faso nous a conduits à mener une réflexion surl’apprentissage de cette démonstration des élèves. À partir d’un test soumis à des élèves desclasses de Première D et de Terminale D, nous répertorions les types de difficultés querencontrent les élèves dans son apprentissage. Ces difficultés sont en partie dues aux pratiquesdes enseignants de mathématiques dans l’enseignement de la démonstration par récurrence.
... La "génesis discursiva" articula los componentes referenciales teóricos con la prueba. Como ya se mencionó, la noción de prueba se refiere a un sentido amplio que toma en consideración las tipologías de prueba de Balacheff (1987) y la noción de razonamiento de Duval (1995), y que incorpora las inferencias explícitas y los actos de exploración. ...
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En este artículo presentamos diferentes maneras de enfrentar un problema de cálculo por parte de profesores de secundaria en ejercicio en el sistema escolar chileno. Nuestro objetivo es indagar en procesos de visualización, distintos instrumentos utilizados y argumentos que profesores despliegan al resolver o dar respuesta a un problema. Además, buscamos conocer cuáles son los argumentos que los profesores validan dentro del desarrollo de problemas que demandan procesos argumentativos, tanto en su propio trabajo con el problema, como el posible trabajo en el aula. La investigación es cualitativa y se realiza bajo la perspectiva teórica de los Espacios de Trabajo Matemático (ETM). El estudio nos permite evidenciar diferentes recursos utilizados por los profesores para la resolución del problema, reconocer los discursos matemáticamente aceptados por los docentes, y observar qué significa para el grupo de profesores la justificación de un conocimiento matemático. Palabras clave: Espacio de Trabajo Matemático, visualización, argumentación, profesores de secundaria.
... A modo de ejemplo, la categoría que relaciona tareas y el proceso de prueba (tareas en el proceso de prueba) ocupa un lugar importante en la enseñanza de los temas geométricos del profesor, además, distingue y considera implícitamente tipologías de prueba (en alusión a Balacheff, 1987) cuando enseña ciertos teoremas (como Thales y Euclides). Asimismo, en esta categoría, según la perspectiva y experiencia del profesor, las tareas que implican una demostración, si bien son relevantes, son actividades más difíciles de llevar al aula, por lo que el profesor privilegia otro tipo de tareas relacionadas con la prueba y génesis discursiva. ...
... A modo de ejemplo, la categoría que relaciona tareas y el proceso de prueba (tareas en el proceso de prueba) ocupa un lugar importante en la enseñanza de los temas geométricos del profesor, además, distingue y considera implícitamente tipologías de prueba (en alusión a Balacheff, 1987) cuando enseña ciertos teoremas (como Thales y Euclides). Asimismo, en esta categoría, según la perspectiva y experiencia del profesor, las tareas que implican una demostración, si bien son relevantes, son actividades más difíciles de llevar al aula, por lo que el profesor privilegia otro tipo de tareas relacionadas con la prueba y génesis discursiva. ...
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La investigación reciente destaca la necesidad de conectar el trabajo matemático del profesorado con modelos teóricos existentes. De aquí que el presente estudio pone atención en relaciones teóricas del trabajo matemático en el aula de profesores de educación secundaria, con énfasis en la enseñanza de la geometría, sustentado en la teoría de los Espacios de Trabajo Matemático (ETM). La metodología se basa en un enfoque mixto secuencial. En una primera fase, de carácter cuantitativo, se realiza un análisis de variables categóricas, considerando una muestra de 63 profesores, lo cual permite analizar las relaciones entre componentes teóricas del ETM y el diseño de tareas. Luego, en una fase cualitativa, se entrevista a un profesor, como caso representativo, para profundizar en dichas relaciones. Los resultados permiten mostrar interpretaciones sobre las relaciones entre componentes teóricas en el ETM de los profesores participantes con base en la evidencia empírica. Finalmente, las relaciones teóricas pueden ser consideradas en investigaciones futuras para la valoración de los ETM del profesorado, el diseño de tareas, o bien para la investigación centrada en la enseñanza.
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We aim to identify in this text what may pose difficulties in teaching and learning fractions at school in the French educational context. Different experiments conducted over several years within an LéA (Associated educational Place) are studied and discussed in relation to institutional requirements, as well as research work in the field of Mathematics Education. We test different tasks in the mathematics class that are not commonly used in the French curriculum and discuss their potential and limitations. This allows us to contribute to a broader perspective on the teaching and learning of fractions in France and elsewhere.
Conference Paper
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Analyse des contraintes liées à la réalisation d'une situation dans laquelle les élèves, qui n'ont pas encore étudié la notion de démonstration, aient à émettre une conjecture et à considérer le problème d'en fournir une preuve. Le cadre général est celui de la théorie des situations didactiques.
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Nos présentons ici un panorama d'une recherche pédagogique sur l'enseignement des mathématiques en 4ème et 3ème (13 à 15 ans) et nous la spécifions par une étude didactique de la notion de symétrie centrale, étude portée selon une philosophie instrumentaliste (images, systèmes articulés).
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Editors' preface Acknowledgments Author's introduction 1. A problem and a conjecture 2. A proof 3. Criticism of the proof by counterexamples which are local but not global 4. Criticism of the conjecture by global counterexamples 5. Criticism of the proof-analysis by counterexamples which are global but not local: the problem of rigour 6. Return to criticism of the proof by counterexamples which are local but not global: the problem of content 7. The problem of content revisited 8. Concept-formation 9. How criticism may turn mathematical truth into logical truth Appendices Bibliography Index of names Index of subjects.
D�marches de pens�e et concepts utilis�s par les �l�ves de l'enseignement secondaire en g�om�trie euclidienne plane, Th�se d'�tat
  • G Audibert
  • G. Audibert
Audibert, G.: 1982, Ddmarches de pensde et concepts utilis& par les dl~ves de l'enseignement secondaire en g~omdtrie euclidienne plane, Thbse d'6tat, Universit6 des sciences et techniques du Languedoc, Montpellier.
~Une utilisation et une 6tude de la classification propos6e par A. W. Bell pour l'6tude des preuves formul6es par des ~lbves>~, Sdminaire de pddagogie des mathdmatiques, 1-22
  • N Balacheff
Balacheff, N.: 1978, ~Une utilisation et une 6tude de la classification propos6e par A. W. Bell pour l'6tude des preuves formul6es par des ~lbves>~, Sdminaire de pddagogie des mathdmatiques, 1-22, IMAG-Universit~ 1, Grenoble.