ArticlePDF Available

Les partenariats public-privé dans le développement territorial : un modèle anglais à importer ?

Authors:

Abstract and Figures

Le PPP est un processus où les secteurs public et privé sont amenés à travailler conjointement pour rechercher, élaborer et surtout mettre en œuvre des solutions qui auraient peu de chances d’exister ou d’aboutir, si les acteurs publics et privés ne se réunissaient pas autour d’un intérêt commun. Les PPP sont apparus au Royaume-Uni en 1987 sous le gouvernement conservateur de Margaret Thatcher, sous le nom de Private Finance Initiative (PFI) . Ils visaient à confier au secteur privé de nombreux services ou équipements historiquement gérés par les collectivités comme les routes, l’assainissement, le transport, la santé ou l’éducation. L’initiative avait même été accueillie avec enthousiasme par le Parti travailliste. Cela permettait au gouvernement d'obtenir de nouveaux services sans augmenter les impôts. L'entrepreneur, quant à lui, était autorisé à conserver tout l'argent issu du processus de conception et de construction, en plus du «loyer».
No caption available
… 
No caption available
… 
Content may be subject to copyright.
http://www.etudesnormandes.fr/produit/n3-septembre2017/
AUTEUR :
Sébastien BOURDIN, enseignant-chercheur, docteur en géographie
Ecole de Management de Normandie Laboratoire Métis
TITRE : Les partenariats publics-privés dans le développement
territorial : un modèle anglais à importer ?
Le PPP est un processus où les secteurs public et privé sont amenés à travailler
conjointement pour rechercher, élaborer et surtout mettre en œuvre des solutions qui
auraient peu de chances d’exister ou d’aboutir, si les acteurs publics et privés ne se
réunissaient pas autour d’un intérêt commun. Les PPP sont apparus au Royaume-Uni en 1987
sous le gouvernement conservateur de Margaret Thatcher, sous le nom de Private Finance
Initiative (PFI) . Ils visaient à confier au secteur privé de nombreux services ou équipements
historiquement gérés par les collectivités comme les routes, l’assainissement, le transport, la
santé ou l’éducation. L’initiative avait même été accueillie avec enthousiasme par le Parti
travailliste. Cela permettait au gouvernement d'obtenir de nouveaux services sans augmenter
les impôts. L'entrepreneur, quant à lui, était autorisé à conserver tout l'argent issu du
processus de conception et de construction, en plus du «loyer».
ENCADRE : Une définition du Partenariat Public-Privé
Il n'existe pas de définition largement acceptée du PPP. On pourrait le définir comme un
contrat à long terme entre une partie privée et une entité administrative/gouvernementale qui
vise à fournir un bien ou un service public dans lequel la partie privée assume une
responsabilité importante en matière de risque et de gestion. Il s’agit bien souvent d’une
délégation à un promoteur privé de la construction, puis de la gestion, d'un équipement
collectif territorial. Les PPP permettent pour une grande partie de réaliser des ouvrages ou des
équipements liés à une mission de service public assumée par la collectivité cocontractante et
dont le partenaire doit assurer l’entretien, la maintenance, l’exploitation et/ou la gestion. Les
PPP ne comprennent généralement pas (i) les contrats de services ou les contrats de
construction clés en main qui sont classés dans les projets de marchés publics ni (ii) la
privatisation des services publics où le secteur public joue un rôle limité.
Par la suite, Tony Blair a tenu à élargir l'éventail des partenariats publics privés parce qu'il était
convaincu qu’il s’agissait de la meilleure façon d’obtenir des améliorations dans les services
publics que le parti travailliste avait promises lors des dernières élections. Il argumentait alors
qu’en réunissant le secteur public et le secteur privé, les compétences de gestion et la
perspicacité financière du milieu des affaires créeraient un meilleur rapport qualité / prix pour
les contribuables.
En France, vu comme très séduisant, le modèle a été importé en 2004 sous le nom de « contrat
de partenariat (CDP) de l’Etat et de ses établissements publics ». C’est l’ordonnance du 17 juin
2004 qui introduit le contrat de PPP. La loi du 28 juillet 2008 élargit le champ d’application
des PPP, mais elle en restreint les conditions d’utilisation. Le projet doit faire l’objet d’une
évaluation préalable justifiant l’utilisation de celui-ci, qui ne pourra être utilisé qu’en raison
de l’urgence et/ou de la complexité du projet.
Encadré : à Bournemouth, un PPP de 570 millions d’euros !
La municipalité de Bournemouth a décidé de s’allier à Morgan Sindall Investments Limited
(MSIL), une unité d'investissement de construction et de renouvellement urbaine, pour
régénérer 16 sites dans le centre-ville. Le partenariat s’inscrit dans une période de concession
de 20 ans et a pour but de livrer de multiples services et bâtiments : (i) 380 lits d'hébergement
pour étudiants au Madeira Road et (ii) un parking de 400 places associé ; (iii) 64 appartements
et un restaurant au Citrus Building, (iv) un remplacement d’un parking de surface appartenant
au conseil de St Peter's Road avec un développement de 113 appartements de haut standing
pour le marché locatif privé.
La réussite du PPP s’explique par la constitution en février 2011 d’une entreprise ad hoc pour
piloter le projet spécifiquement. La Société de Développement de Bournemouth (BDC) est une
entreprise en participation à 50:50 entre MSIL et le Bournemouth Borough Council.
Le projet de Leyton Mount à Bournemouth et son inauguration
Couper le ruban sans avoir déboursé un centime
Voilà le principal avantage que les élus invoquent lorsqu’ils voient sortir de terre un Zénith,
une salle des fêtes ou encore un équipement sportif financé par un PPP. S’engager dans un
PPP répond à un besoin croissant des collectivités de mobiliser des moyens financiers
supplémentaires mais indispensables pour mettre en œuvre un programme de
régénération urbaine par exemple. Ce besoin de financements complémentaires et
conséquents est d’autant plus important que le contexte de la concurrence accrue entre les
territoires pousse les villes et les régions à construire de nouvelles infrastructures susceptibles
de les rendre attractives auprès des touristes, des cadres et des entreprises. Or, pour un élu,
augmenter les impôts locaux, les emprunts de la commune ou réduire les prestations qu’il
offre à ses habitants n’est pas souhaitable. De fait, le PPP constitue une solution alternative
et crédible à condition qu’elle ne se traduise pas par une « privatisation de la ville ».
Il permet à des collectivités de plus en plus endettées de continuer à assumer des
investissements et de nouvelles compétences, en les déléguant en pratique au privé. Le
transfert de gros investissements sur le budget de fonctionnement d’une collectivité (donc
sans les porter sur la dette) est un moyen de continuer à agir et à afficher des réalisations.
Le coût final pouvant évoluer au fur et à mesure du projet, il est cependant indispensable
pour la collectivité de bien le mesurer pour éviter de surestimer sa capacité à payer sa
redevance annuelle à l’acteur privé ; car rappelons que les collectivités territoriales sont dans
l’obligation de présenter un budget annuel équilibré.
… et gagner en performance pour la gestion
Le PPP permet de gagner en performance sur le temps de la conception et de la
réalisation d’une part, et sur la qualité de la construction d’autre part. En effet, il permet de
réduire les délais de construction des infrastructures car les entreprises de BTP ne touchent
un loyer qu’à partir du moment l’ouvrage est en service. De plus, puisqu’elles doivent en
assurer ensuite l’entretien, les entreprises ont intérêt à ne pas construire « au rabais » les
infrastructures.
En considérant non plus seulement le coût d’investissement mais aussi le coût
d’exploitation, on retrouve l’idée de l’instigation d’un « New Public Management » qui vise à
introduire dans le secteur public les valeurs et les modes de management traditionnellement
réservés au secteur privé. La « Nouvelle Gestion Publique » est un terme qui est apparu à la
suite de la publication du livre de David Osborne et Ted Gaebler « Reinventing Government »
en 1993. Il caractérise la modernisation du service public et la transformation des structures
de l’appareil administratif et de sa gestion vers un management inspiré du secteur privé. Dans
le cadre de la raréfaction de l’argent public et de la nécessité d’assurer les missions d’intérêt
public, les PPP s’inscrivent dans cette Nouvelle Gestion Publique et introduisent désormais
des logiques de performance et des objectifs de résultats plutôt que de moyens.
ENCADRE : Une success story en Normandie
En Normandie, la Maison
d'Harcourt est un lieu
d'accueil de personnes âgées
et de malades d'Alzheimer
qui a bénéficié d’un
partenariat public privé. Ce
choix a été réalisé par le
maire de Fourmetot, ancien
Directeur de la communauté
d'Etablissements pour
personnes âgées (Brionne,
Pont-Authou, Le Neubourg et
Harcourt). Livrée en 2013, la
structure peut ainsi amortir
ses investissements sur 30 ans et lisser ses coûts de maintenance comme d’entretien sur cette
période. Le succès de cette opération s’explique par un audit minutieux mené par M&G Group
qui a permis de définir de manière précise le coût global de l'offre, la fiabilité du montage
juridique, la répartition contractuelle des risques et la qualité de l’offre qui serait proposée aux
futurs résidants. A l’issue de l’étude, le groupement mené par Spie Batignolles Immobilier a été
retenu par le maître d'ouvrage, même si il était le plus élevé en termes de prix. Avec un montant
total de 36 000 000 d’euros pour cette réalisation, la collectivité devra désormais payer un
loyer annuel de l’ordre de 1,43 millions d’euros.
En Angleterre, l’argent public conçu comme un catalyseur de l’investissement privé
Au Royaume-Uni, les PPP ont été développés suite à des discussions visant à réduire le rôle
proéminent de l’Etat et de la dépendance vis-à-vis de ses subventions. Les PPP ont alors été
présentés politiquement comme des moyens de répondre à la demande d’investissements
dans les services publics sans, apparemment, augmenter la dette publique. Cette politique a
été largement suivie par les capitaux issus des marchés financiers qui y voyaient de réelles
opportunités d’investissement.
L’Etat, bien que discret, est encore bien présent. L’argent public est conçu comme un
catalyseur de l’investissement privé. Les investissements sont souvent consentis dans la
« préparation » du terrain qui accueillera par la suite les investissements. Ils prennent souvent
la forme de dépollution des sols, de démolition de vieux bâtiments ou encore de construction
de nouvelles infrastructures. Les collectivités investissent en particulier dans des
infrastructures qui amélioreront l’attractivité de la zone qui sera aménagée (nouvelles routes,
nouvelles lignes de transport). Après la viabilisation du terrain, la collectivité le revendra
ensuite aux investisseurs privés qui s’occuperont de son aménagement et son
développement. C’est ainsi que les collectivités font de plus en plus de marketing territorial
en « vendant » au secteur privé des opportunités foncières.
Des interrogations…
Un coût budgétaire parfois discutable sur le long terme
Néanmoins, le coût final de l’ouvrage coûte bien souvent plus cher lorsqu’il est construit
avec cette formule. La collectivité, en faisant ce transfert, se condamne à régler durant des
années un loyer ou des frais à son partenaire marchand, selon des contrats aux clauses
multiples et souvent peu à l’avantage du secteur public.
Le PPP est loin d’être une opération où la collectivité ne va rien devoir débourser.
Puisqu’il s’agit d’un contrat entre le secteur public et le secteur privé, la commune ou tout
autre échelon territorial va devoir payer une redevance sur une voire plusieurs décennies.
Or, il est important pour le secteur public de bien estimer s’il n’est pas préférable de passer
par les marchés publics plutôt que le PPP. L’exemple de la prison de Fazackerly à Liverpool est
édifiant. La commune a signé un contrat sur 25 ans avec l’opérateur privé (Group four) pour
la construction du centre pénitentiaire, or, au lieu de recouvrer ses coûts sur la durée
contractuelle prévue, l’opérateur n’a mis que deux ans pour le faire. La surestimation du coût
réel a rendu ce PPP très lucratif pour l’opérateur laissant 23 ans de bénéfice pur pour le
secteur privé de la construction, et autant d’années de loyers (non justifiés) pour le secteur
public.
Un affaiblissement de l’espace de décision démocratique
Une des difficultés rencontrées en Angleterre est souvent l’absence de consultation où,
finalement, le futur usager ne peut rarement faire valoir son droit de citoyen. Cette façon de
faire où l’association des habitants à la réflexion sur les aménagements futurs n’est pas
forcément de mise répond à une logique où le secteur public souhaite faciliter au maximum
la venue d’investisseurs, et donc, de faire en sorte qu’ils ne rencontrent pas de difficultés dans
leur propre programmation d’aménagement et de développement. Organiser des
consultations prend du temps. Or, pour le secteur privé, le « temps c’est de l’argent ».
L’argument souvent avancé par les acteurs privés est que la co-construction ne signifie pas
nécessairement la co-décision. De fait, en Angleterre, associer les habitants au projet n’est
souvent pas une priorité. L’habitant est d’abord perçu comme un consommateur et non
comme un citoyen. Pourtant, il nous semble que l’appropriation des aménagements par les
résidents sera d’autant plus efficiente qu’elle répondra à leurs besoins. Dès lors, leur
consultation, voire leur participation à la décision nous parait un élément déterminant dans
la réussite d’un PPP.
Mettre en place une politique publique de développement territorial nécessite de
prendre en compte les éventuelles divergences entre l’intérêt général, les intérêts singuliers
des habitants et les intérêts privés. Cela implique également de considérer les différentes
temporalités des acteurs du développement territorial mêlant logique court-termiste et
durabilité des projets. Aussi, l’interrogation sur la finalité de l’action doit être au cœur des
stratégies d’aménagement et de développement des territoires. En particulier, dans le cadre
de PPP, il est indispensable que le politique joue le rôle d’arbitre d’une part, et ait une vision
de long terme au service du plus grand nombre d’autre part. Réussir un PPP passe par la
recherche d’intérêts communs entre puissance publique et investisseurs privés. Passer par
des PPP pour financer des aménagements ne doit pas être synonyme de désengagement de
la puissance publique, bien au contraire ! Elle doit être plus que jamais présente pour s’assurer
que le « bien commun » est préservé. L’entretien des infrastructures et des espaces publics et
la prise en compte des préoccupations sociales et environnementales sont une condition
parmi d’autres – de l’efficacité des investissements réalisés.
Loin d’écarter les acteurs privés du processus de production et de réalisation des
politiques publiques de développement territorial, il nous semble important de leur donner
une juste place. Dans un contexte de raréfaction des dotations au bloc communal, les
investisseurs privés ont bien saisi leur importance. Mais, leur déléguer simultanément la
maîtrise d’œuvre et la maîtrise d’ouvrage risque de sortir les acteurs publics du jeu du
développement territorial. Pour la puissance publique, le réel défi réside dans sa capacité à
garder la main et maintenir une cohérence territoriale tout en assurant la pérennité
économique et financière des investissements privés. Un instrument de management de
l’action publique territoriale à importer ? Oui, mais pas à n’importe quel prix…
Biblio :
Osborne D. et Gaebler T. (1993) Reinventing Government : How the Entrepreneurial Spirit is
transforming the public sector, New York, Plume Books.
Campagnac E. (2009) Contribution à l'analyse des contrats de partenariat public-privé en
France et au Royaume-Uni, Revue française d'administration publique, 2/2009 (n° 130), p.
365-382.
Thesis
Cette recherche doctorale a pour objet d’analyser la situation des finances publiques locales en Haïti afin de déterminer les moyens de sa refondation. Les premiers principes juridiques encadrant le droit des finances locales ont été institués par la Constitution de 1843 qui organisait la structure communale en lui attribuant une autonomie à la fois politique, administrative et financière. En réalité, tout au long des années 1843 jusqu’en 1950, des périodes d’avancement et de recul ont été observées dans l’organisation politique, administrative et financière des entités locales, avant d’être remise en cause au cours de la période 1957- 1985. Avec la Constitution de 1987, l’architecture de l’État axée sur la décentralisation territoriale a été réorganisée. De surcroit, les trois catégories de collectivités territoriales créées sont devenues des personnes morales et bénéficient à ce titre le pouvoir de s’administrer librement. Toutefois, si en vertu de la Constitution de 1987, les collectivités locales sont dotées de l’autonome politique, administrative et financière, il fallait s’interroger sur la réalité de leurs moyens financiers. Ainsi, cette recherche permet d’apprécier la situation financière des administrations locales, au regard de leurs multiples compétences et responsabilités, qui reste très marginale et pour laquelle des perspectives de réformes sont proposées.
Article
– Contribution to the analysis of PPPs in France and the United Kingdom – This article sets out to analyse PPPs in France and the United Kingdom from the perspective of their contribution to the redefinition of state intervention. Having shown how they are integral to public management reforms, it examines how the tools and procedures used are being updated. Further to an analysis of two such tools (prior assessment and competitive dialogue), it attempts to identify what can considered as pertaining to state intervention and what is fostering new local forms of regulation.
Article
This article seeks to put the “public” back in public values research by theorizing about the potential of direct citizen participation to assist with identifying and understanding public values. Specifically, the article explores eight participatory design elements and offers nine propositions about how those elements are likely to affect the ability of administrators to identify and understand public values with regard to a policy conflict. The article concludes with a brief discussion about potential directions for future research.