Avec l’émergence des nanosciences et nanotechnologies ces dernières années, l’étude et la caractérisation des propriétés dimensionnelles et physicochimiques sur des structures ayant des dimensions inférieures à 100 nm sont devenues indispensables. Cela nécessite la mise au point de techniques de mesures et le développement d’instruments adaptées aux échelles nanométriques.
Depuis les années 90, les laboratoires nationaux de métrologie ont relevé le défi du développement d'une nouvelle activité de métrologie de référence destinée à satisfaire les besoins de la mesure dimensionnelle à l'échelle nanométrique. Cela a conduit à l’émergence d’une nouvelle science appelée « nanométrologie » qui est définit comme étant la science de la mesure à l’échelle du nanomètre (gamme allant de 1 nm à 100 nm) et à l’estimation des incertitudes de mesure associées. Cette science suscite un intérêt croissant dans la recherche fondamentale et dans l’industrie. A titre d’exemple, la mesure de paramètres géométriques (taille et morphologie) d’un nano-objet est incontournable pour l’investigation de ses propriétés physicochimiques. Ces paramètres se retrouvent au coeur des préoccupations métrologiques des industriels (ex. : microélectronique) et des études sur la toxicité éventuelle des nano produits. En effet, depuis les travaux de l’organisation internationale de normalisation (ISO), et plus particulièrement de son comité technique en charge de la normalisation des nanomatériaux (TC229), la taille et la forme d’un nanoobjet sont reconnus comme un des paramètres indispensables pour son identification. De plus, depuis l’entrée en vigueur le premier janvier 2013 du décret français n◦ 2012-232 concernant la déclaration des substances à l’état nano-particulaire, les activités liées à la caractérisation des nanomatériaux sont en forte croissance.
Le développement de ces activités et le fort couplage existant entre propriétés dimensionnelles et propriétés physico-chimique des nanomatériaux, pousse à l’amélioration de la fiabilité et de la comparabilité des mesures à l’échelle nanométrique. Cela génère un réel besoin d’étalonnage et de mise à disposition d’étalons de transferts. Ces étalons, permettent d’étalonner les instruments utilisés pour la mesure des nanomatériaux et d’y associer des incertitudes de mesure nanométriques. L’état actuel de l’instrumentation susceptible d’être utilisée dans ce cadre montre que les microscopes à sonde locale (SPM pour Scanning Probe Microscope) et les microscopes électroniques à balayage (SEM pour Scanning Electron Microscope) représentent des outils puissants pour caractériser des échantillons à l’échelle du nanomètre. Ces instruments équipent la plupart des laboratoires de recherche académiques et industriels. Actuellement, en France, la plupart des utilisateurs de ces instruments pour lesquels l’étalonnage est indispensable se tournent vers des méthodes de substitution (référence interne, étalonnage partiel) ou vers des étalonnages réalisés par des laboratoires nationaux
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de métrologie étrangers (la PTB et le NIST principalement). Depuis 2007, le LNE développe au sein de l’équipe nanométrologie un Microscope à Force Atomique métrologique (mAFM) qui permettra aux utilisateurs d’étalonner leurs instruments par le biais d’étalons de transfert mesurés au préalable par le mAFM.
Ce travail de thèse s’inscrit dans la continuité des travaux de conception du mAFM. Cet instrument a pour but principal la mesure d’étalons de transferts avec la plus faible incertitude possible (1 nm voir inférieur). Ces étalons sont ensuite délivrés aux utilisateurs avec un certificat d’étalonnage leur permettant l’étalonnage des instruments de type SPM ou SEM. Cependant, malgré les très bonnes performances atteintes par l’instrument en termes de stabilité thermique et mécanique (sans tenir compte de la tête AFM), son incertitude de mesure est pénalisée par l’utilisation d’une tête AFM commerciale mal adaptée à la discipline métrologique. Ces pour ces raisons qu’a été initié le développement d’une tête AFM spécifiquement conçue pour les besoin de nanométrologie.
Un des objectifs principaux de la thèse a consisté à mener un important travail de développement instrumental afin de poursuivre la conception et l’optimisation des performances du mAFM en l’équipant d’une tête AFM métrologique dans le but de minimiser l’incertitude de mesure globale de l’instrument. Cette tête AFM comporte un système original de mesure des déflexions du levier nécessaire à la détection des forces s’exerçant à l’extrémité de la pointe. Parallèlement à ce développement, le projet a aussi porté sur la caractérisation fine de l’instrument afin d’établir un bilan d’incertitude ainsi que l’optimisation de l’architecture du contrôleur dans le but d’améliorer la vitesse de balayage des échantillons.
Le travail présenté dans ce manuscrit est structuré comme suit :
Dans un premier temps, le premier chapitre introduit le principe de la microscopie à force atomique. Les notions de traçabilité et d’étalonnage sont abordées et leur mise en pratique est illustrée sur le mAFM. Dans une seconde partie, et suite à la description du mAFM, les limites de l’instrument avec l’ancienne tête AFM sont abordées. La fin du chapitre présente un cahier des charges pour la conception de la nouvelle tête AFM.
Le chapitre deux représente une étude bibliographique des principaux systèmes de mesure de déflexions du levier. Les avantages et les inconvénients de chaque système sont présentés et leur éventuelle intégration sur le mAFM est discutée. Une comparaison des performances des différents systèmes a permis de trouver le meilleur compromis pour développer un système de détection stable thermiquement et mécaniquement. Les démarches qui ont mené à la conception de ce système, à sa modélisation, à sa validation par des tests expérimentaux et jusqu’à son intégration sur un AFM sont présentés dans le chapitre trois. La fin de ce chapitre présente des courbes d’approche/retrait obtenues avec ce système en mode contact et en mode Tapping et les premières images de topographies.
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Dans le chapitre quatre, la conception et la fabrication de la tête AFM pour le Microscope à Force Atomique métrologique est détaillée. Les concepts fondamentaux qui ont guidé cette étape sont rappelés. Les déférents étages qui constituent la tête sont également présentés et les choix de conception justifiés.
Enfin, le chapitre cinq présente dans une première partie les mesures qui ont été obtenues sur l’AFM métrologique équipé avec la tête AFM et qui permettent de valider les travaux de thèse. La deuxième partie présente les études expérimentales ayant permis la caractérisation de différentes composantes du mAFM (platine de translation, interféromètres laser, miroirs de références…). L’objectif consistait à quantifier les sources d’erreurs, évaluer leurs incertitudes, pour enfin compléter le premier bilan d’incertitude du mAFM et calculer l’incertitude composée.
Ce manuscrit s’achève par une conclusion générale qui résume les travaux réalisés durant cette thèse ainsi que les perspectives retenues pour l’optimisation de l’instrument. Trois annexes A, B et C présentent respectivement la carte électronique développée pour le conditionnent des signaux issus de la tête AFM, la modélisation du trajet optique des têtes interférométrique dans le but de compenser le bras mort ainsi que la nouvelle architecture pour le contrôleur de l’instrument.