Au Japon, le mot « Hikikomori » (social withdrawal) correspond à l’« état de personnes qui restent cloîtrées, retranchées chez elles pendant plus de six mois, sans travailler ou sans fréquenter l’école. Elles n’ont aucune relation sociale à part leurs relations familiales. Elles ne souffrent pas de troubles mentaux tels que la dépression, les hallucinations et le délire ». Ce sont principalement des hommes, jeunes, voire adolescents. À partir de la rencontre et du soin de plus de 300 jeunes Hikkikomori, l’article expose les relations entre cet état psychique et social et la mort. Étonnamment en effet, les Hikkikomori ne se suicident pas. Ils ne recherchent pas la mort physique. Ils préfèrent se faire oublier et provoquer ainsi leur mort sociale. De même, ils refusent leur filiation sociale, tout en restant dépendants de leurs parents qui les nourrissent et se chargent de tous leurs liens concrets avec l’extérieur. Les Hikkikomori souhaitent disparaître de la société, tout en continuant à exister. Les auteurs les appellent des disparus-vivants . Ainsi, l’ensemble de leurs contacts a lieu sur le Net, mais à condition qu’ils ne soient pas vus. Ils redoutent leur dimension corporelle et l’évitent en s’opposant au regard des autres. Leur relation à l’écran est donc unilatérale, ils regardent les autres mais les autres ne les voient jamais. Les auteurs analysent la pulsion de mort chez les Hikkikomori : disparition du monde, retrait social, jeux répétitifs, jouissance dans la disparition en soi, régression dans la dépendance aux parents, perte totale du désir pour autrui. Quelques exceptions ont montré (lors de l’accident nucléaire d e Fukushima en mars 20 11) que, dans les moments extraordinaires, certains Hikkikomori sortaient de leur retrait. Leur but semble toutefois de rester vivants mais hors de la société, à la regarder derrière leurs écrans et dans des interactions artificielles et sans responsabilité.