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Dispositifs numériques de formation et apprentissage informel

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Abstract and Figures

While informal learning still holds an important place for the development of business skills (70-20-10), serious games and gamification are now expected. In the perspective of their expansion, could the notion of informal learning coexist? By articulating the triad training-play-work, this chapter identifies the conditions necessary to take advantage of digitization of training, according to three degrees of nesting. Numerous examples are cited and the conceptual figures of mise en abyme and metalepsis are mobilized, making it possible to clarify both the distinctions between serious game and gamification, and the different postures of the learners. These same concepts reveal a possible reversal, where training would no longer be subordinated to work, and where the notion of informal would ultimately apply to work itself. ––FR–– Alors que l’apprentissage informel détient encore une place prépondérante pour le développement des compétences en entreprise (70-20-10), serious games et dispositifs numériques de formation gamifiés sont désormais plébiscités. Dans la perspective de leur montée en puissance, la notion d’apprentissage informel pourrait-elle cohabiter ? En articulant la triade formation-jeu-travail, ce chapitre dégage les conditions nécessaires pour tirer parti de digitalisation de la formation, selon trois degrés d’imbrication. De nombreux exemples sont cités et les figures conceptuelles de mise en abyme et de métalepse sont mobilisées, permettant de clarifier à la fois les distinctions entre serious game et gamification, et les différentes postures des apprenants. Ces mêmes concepts ouvrent sur un possible renversement, où la formation ne serait plus subordonnée au travail, et où la notion d’informel s’appliquerait finalement au travail lui-même.
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DISPOSITIFS NUMÉRIQUES DE FORMATION ET APPRENTISSAGE
INFORMEL
Sébastien Allain
Université de Genève | « Raisons éducatives »
2017/1 N° 21 | pages 97 à 111
ISSN 1375-4459
ISBN 9782940195862
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-raisons-educatives-2017-1-page-97.htm
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Pour citer cet article :
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Sébastien Allain, « Dispositifs numériques de formation et apprentissage informel »,
Raisons éducatives 2017/1 (N° 21), p. 97-111.
DOI 10.3917/raised.021.0097
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DOI:10.3917/raised.021.0097
Dispositifs numériques de formation
et apprentissage informel
Sébastien Allain
Laboratoire LLSETI, Chaire UNESCO ITEN
et OMNSH
Introduction
Dans un environnement professionnel saturé de technologies numériques, la
formation des adultes devrait logiquement proter de la multiplication des
dispositifs. C’est du moins ce que semblent penser les Ressources Humaines
(RH) de nombreuses entreprises, en quête d’un apprentissage rationnel, per-
sonnalisé, ecient et mesurable. Parmi les dispositifs à forte notoriété, serious
game et gamication sont plébiscités. En contrepoint, le paradoxe est de
constater que l’apprentissage informel détient aujourd’hui encore une place
prépondérante pour le développement des compétences. Cet écart entre
volonté des RH et réalité de l’apprentissage sur le terrain peut-il se résoudre ?
La notion d’apprentissage informel peut-elle cohabiter avec les dispositifs
numériques de formation ? Pour répondre à ces questions, une première
étape consistera à poser le cadre théorique. Il s’agira notamment de mettre au
jour la diculté à distinguer serious game et gamication sur la base des dé-
nitions actuelles. Dans un second temps, deux gures conceptuelles seront
mobilisées : la mise en abyme et la métalepse. Elles permettront d’envisager
trois hypothèses : ces gures conceptuelles rendent lisibles les liens enchevê-
trés de la triade formation-jeu-travail, décrivant les éléments qui se font écho
(h1) ; elles permettent d’isoler des postures spéciques chez l’apprenant,
assurant une nouvelle manière de distinguer les dispositifs (h2) ; elles per-
mettent de vérier l’une des caractéristiques requises pour une cohabitation
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entre dispositifs numériques et apprentissage informel (h3). Finalement, en
rendant compte des interactions au sein de la triade formation-jeu-travail,
c’est une ouverture vertigineuse sur l’informel qui sera proposée.
Lapprentissage informel
L’une des dénitions dégagées par la synthèse de Carré et Muller (2014) situe
l’apprentissage informel au sein de « processus aux cours desquels le sujet
transforme de façon durable ses connaissances, habiletés ou attitudes à l’occa-
sion d’expériences réalisées en dehors de tout environnement spéciquement
conçu par d’autres dans une visée d’éducation ou de formation » (p. 81). Se
tenir strictement à cette dénition couperait court à notre questionnement :
la seconde partie est tellement restrictive que le dispositif le plus ouvert pos-
sible et le moins numérique qui soit, tel qu’un bac à sable 1, pourrait être exclu
à la simple idée que quelqu’un l’ait mis à disposition… Barrette (2008) résout
ce point en parlant avant tout d’un apprentissage « auto-initié », au sens où
« l’acteur s’engage de lui-même dans l’apprentissage […] souvent motivé […]
par un besoin d’adaptation » (p. 522), sans exclure des « ressources struc-
turantes diverses, à travers entre autres le terrain d’opportunités situées »
(p. 141). Autre dénition favorable à notre projet, Carré et Muller (2014) citent
Per-Erik Ellstrôm pour qui cet apprentissage « survient régulièrement dans
le travail et la vie quotidienne, subordonné à d’autres activités (par exemple,
professionnelles), au sens où l’apprentissage n’est pas le premier but de l’ac-
tion » (p. 80). Qui plus est, une série d’autres caractéristiques se dégagent
du reste de leur synthèse : apprentissage « fondé sur l’expérience, situé dans
un contexte précis et basé sur des situations authentiques » (p. 80), lié à une
forte « réexivité » (p. 83) et porté par des « dimensions relationnelles »
(p. 81). Enn, une caractéristique rapportée par Barrette (2008) souligne un
apprentissage souvent « autogéré », évitant « l’aide immédiate d’un guide ou
d’un groupe » (p. 522). Carré et Muller déclarant que l’apprentissage profes-
sionnel informel est une notion en construction qui appelle à être précisée,
délimitée et opérationnalisée, les caractéristiques ci-dessus seront autant de
points recherchés dans les descriptions des deux dispositifs qui suivent.
Descriptions croisées
Serious game et gamication sont-ils bien diérents ? Les premières descrip-
tions des deux dispositifs s’appuieront sur une revue de littérature en lien
avec l’apprentissage des adultes en entreprise. Elles seront complétées par
1. La référence du bac à sable fait écho aux jeux vidéo (sandbox) qui mettent à disposition de l’utilisa-
teur de nombreux outils de construction, sans proposer d’objectif prédéterminé ou sans tisser de trame
narrative.
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Raisons éducatives – n° 21
des observations au sein d’entreprises françaises. Diérents points seront
ensuite dégagés pour isoler les ressemblances et diérences.
Serious game
Le terme générique serious game regroupe une variété de vocables dont edu-
cational games, virtual reality, alternative purpose games, edutainment, digital
game-based learning (Lelardeux, Panzoli, Alvarez, Galaup, & Lagarrigue, 2013).
Une des dernières dénitions françaises désigne le serious game comme une
application informatique, dont l’intention initiale est de combiner, avec cohé-
rence, à la fois des aspects utilitaires (serious) tels, de manière non exhaustive
et non exclusive, l’enseignement, l’apprentissage, la communication, ou encore
l’information, avec des ressorts ludiques issus du jeu vidéo (game). Une telle asso-
ciation, qui s’opère par l’implémentation d’un scénario utilitaire, qui, sur le plan
informatique correspond à implémenter un habillage (sonore et graphique), une
histoire et des règles idoines, a donc pour but de s’écarter du simple divertisse-
ment. (Lelardeux, et al., 2013, p. 28)
Pour resserrer ce vaste champ, les serious games dont il sera question ici ont
recours à la simulation de relations interpersonnelles pour entrainer le colla-
borateur en situation (entretien de management, gestion de conits, mana-
gement à distance [gure 1], etc.). Celui-ci pilote alors un personnage, une
équipe ou une organisation tout entière.
Figure 1 : Serious game Manager à distance, produit par Dæsign

Contrairement à une simulation au sens strict, l’intention à la conception n’est
pas de reproduire le réel de manière exhaustive, mais de cibler les comporte-
ments et situations en relation avec les compétences visées. Le serious game
s’appuie donc sur un modèle restreint du réel, auquel s’ajoutent des compo-
santes ludiques qui lui sont propres (Bétrancourt, Peraya, & Szilas, 2014).
De nombreux producteurs proposent ce format en Europe tels que Dæsign,
ITycom, KTM Advance, Serious Factory. L’immersion promise par ce format
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apparu il y a une quinzaine d’années se voit aujourd’hui parée d’un nouvel
argument commercial avec l’arrivée des casques de réalité virtuelle.
Gamification
Dispositif plus récent, la gamication représente un marché en pleine expansion
(Canali, 2016). Si la gamication concernait initialement le champ du marketing,
elle t irruption dans la formation avec des levées de fonds spectaculaires,
dont celle du groupe Gameective en 2016 (7 millions de dollars, soit 6,3 mil-
lions d’euros). Le terme, parfois traduit en français par « ludication », recouvre
lui aussi divers soubassements théoriques (Bonenfant & Genvo, 2014). La dé-
nition de référence est attribuée à Deterding, Dixon, Khaled, et Nacke (2011),
qui parlent de « l’usage d’éléments de game design dans des contextes non
ludiques » (p. 2). D’autres auteurs la complètent en ajoutant la dimension
esthétique du jeu et précisent ses visées sur l’inuence des comportements
des utilisateurs : augmenter l’engagement pour certaines tâches, motiver
à agir, promouvoir l’apprentissage et résoudre des problèmes (Kapp, 2012 ;
Marczewski, 2013). Pour les services de formation, l’intérêt est de motiver le
collaborateur à se rendre plus fréquemment sur une plateforme d’e-learning,
ou d’accompagner la prise en main puis l’usage d’applications ou plateformes
professionnelles : gestion de la relation client (CRM), gestion des échanges col-
laboratifs, application de type Microso Oce, comme avec Ribbon Hero 2 2
(gure 2), apprentissage d’une langue comme avec Flipword 3, etc.
Figure 2 : Ribbon Hero 2

Selon Zichermann et Cunningham (2011), les ingrédients pour maintenir
motivation et engagement sont l’emploi « de structures de récompense, des
renforcements positifs et boucles de feed-back subtiles en même temps que
des mécanismes comme des points, des médailles, des niveaux, des challen-
ges et des tableaux de leaders » (cités par Bonenfant & Genvo, 2014, p. 2).
2. Voir la présentation sur https://www.youtube.com/watch?v=eEuC6IGZMtY
3. Repéré à https://ipword.co
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Pour certains auteurs, la gamication est un cercle vertueux : en rendant la
technologie plus interactive, elle encourage en retour à adopter les compor-
tements souhaités (Chen, 2015) ; ou encore en augmentant la valeur perçue
de certaines tâches, elle accroit leur intérêt lors d’un apprentissage (Craven,
2015).
Ressemblances
De ces dénitions découlent les premières comparaisons sur les plans ludique,
narratif, social et réexif. Première ressemblance, ces dispositifs renvoient
tous deux à la notion de game, en opposition à celle de play. Le game désigne
la structure ludique et les règles pensées à la conception, alors que play pré-
cise le degré de liberté d’action que s’octroie l’utilisateur (Genvo, 2009), res-
pectivement « le plan du contenu (la structure de jeu, le game) et le plan de
l’expression (le play, l’actualisation de la structure par une attitude ludique) »
(Genvo, 2012, p. 9). Si l’on peut adopter une attitude ludique sans qu’aucune
structure la guide (principe du jouet), les règles explicites de ces deux dispo-
sitifs cherchent à la provoquer. Ressemblance connexe, les deux dispositifs
sont orientés vers un but réel (Marczewski, 2013). S’il est bien souvent sym-
bolisé par le jeu (scores, badges à la manière de médailles, feed-back), il vise
avant tout l’acquisition de connaissances, de savoir-faire, ou de savoir-être
hors du jeu.
Seconde ressemblance, la place omniprésente de la narration : la nar-
ration du serious game (scénario) permet « une mise en scène narrative des
situations, qui non seulement contribue à les rendre plus attractives, mais
peut aussi améliorer la rétention de l’information » (Bétrancourt, et al., 2014,
p. 73). La narration participe également à la contextualisation et à la mise en
perspective (Kapp, 2012). Cette omniprésence est également décrite pour la
gamication, an de créer un l directeur traversant toute l’expérience. La
narration distribue les dés d’équipe et les quêtes individuelles – renforçant
au passage la coopération (Huber & Röpke, 2015) –, elle assure l’engagement
(Prakash & Rao, 2015) et justie l’existence d’indicateurs ou l’apparition de
commentaires pédagogiques.
Troisième ressemblance, l’interaction à autrui est considérée comme une
composante de l’apprentissage, ce qui explique les références fréquentes à
l’approche socio-constructiviste. À l’instar des plateformes gamiées inspi-
rées du web 2.0, les serious games évoluent eux aussi vers des formats mul-
ti-joueurs en temps réel, permettant aux collaborateurs de rentrer en contact
dans le jeu ou autour du jeu (p. ex. messagerie instantanée). À cela s’ajoute la
pratique concertée de plusieurs collaborateurs autour d’un même périphé-
rique (PC, tablette).
Dernier rapprochement, au-delà d’une interaction sociale, le mode
expérientiel de ces dispositifs est conçu pour favoriser un apprentissage
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autonome : contrairement au simulateur, « le serious game, en intégrant un
scénario pédagogique qui sous-tend des objectifs, des contraintes et des
moyens associés, ore la possibilité de s’aranchir le cas échéant de la pré-
sence d’une relation tierce » (Lelardeux, et al., 2013, p. 1). En eet, le dispositif
intègre généralement son propre système de débrieng et des feed-back au
long cours. Ce même procédé de feed-back est une des caractéristiques de
la gamication, proposant ainsi des lieux d’auto-apprentissage où le change-
ment de comportement est créé et soutenu (Craven, 2015 ; Oprescu, Jones, &
Katsikitis, 2014).
Diérences
D’autres arguments tendraient à distinguer les deux dispositifs en matière
de coût, d’espace-temps et d’éléments de jeu. Toutefois, en seconde ana-
lyse, les diérences ne sont pas si marquées. Premier argument, les serious
games sont souvent vus comme des productions assez lourdes à nancer
(Kapp, 2012), incorporant de fait un moteur de jeu vidéo. Toutefois, on notera
l’existence de serious games sur étagère ou co-nancés qui abaissent le coût
d’entrée. D’un autre côté, susciter la motivation n’est pas trivial et demande
un eort important pour designer et implémenter adéquatement une gami-
cation (Domínguez, et al., 2013). Si la gamication peut être une technolo-
gie simple – une check-list pour guider une pratique, par exemple – elle peut
aussi devenir sophistiquée et onéreuse pour interagir avec l’ensemble d’un
système d’information (SI) d’une entreprise (Chen, 2015). Cette distinction
s’étiole tout à fait quand Chen (2015), qui relate une série de publications où
la notion de gamication inclut des scénarios simulés avec des agents ou ava-
tars, conclut que les technologies employées sont identiques.
Un second argument positionne le serious game comme un jeu à part
entière, un ensemble complet et autonome, alors que la gamication serait
une agrégation d’éléments (« atomes ») de jeu (Deterding, et al., 2011). Mais
l’argument est fragile là aussi, les auteurs convenant que « la frontière reste
mince, car une règle informelle ou un objectif partagé par un groupe d’utilisa-
teurs peut transformer une ‘simple’ application gamiée en un jeu ‘complet’ »
(p. 11 ; notre traduction) 4.
Dernier argument, le serious game est pratiqué sur des temps plus ou
moins longs, parfois fractionnés, mais jamais superposés au travail en lui-
même. À l’inverse, la gamication recouvrant des contextes non ludiques,
elle s’inscrit comme vu précédemment dans le SI de l’entreprise, mais peut
aussi embrasser l’environnement de travail dans son ensemble : les workplace
4. « Of course, the boundary between “game” and “artifact with game elements” can oen be blurry. […]
e addition of one informal rule or shared goal by a group of users may turn a ‘merely’ “gamied” applica-
tion into a ‘full’ game. »
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gamication ou gamied workplace sont ainsi utilisés pour transformer les pro-
cessus de travail dans une expérience ludique globale avec comme objectif à
long terme de proter à la fois à l’entreprise (productivité) et au collaborateur
(satisfaction du travail accompli) (Oprescu, et al., 2014).
Enchâssements
Alors que les deux dispositifs sont régulièrement confondus par les comman-
ditaires, on aurait pu penser à un abus de langage si davantage d’arguments
théoriques les distinguaient. La tâche se complique encore en constatant que
ces dispositifs sont parfois enchâssés.
Serious game et mini-jeux
Un premier enchâssement s’apparente à des jeux dans le jeu : certains serious
games agrègent parfois des zones d’entrainement, avant la mise en situation.
Des mini-jeux déploient alors leur propre mécanique ludique, souvent simple
et métaphorique, ancrée dans la mémoire collective (jeux de cartes, jeux de
plateau). Le second enchâssement est plus prospectif : les casques de réalité
virtuelle plongeant littéralement le collaborateur dans une situation à la pre-
mière personne, rien n’empêche d’inclure dans cette situation un ordinateur à
manipuler, dans lequel se déploiera un autre serious game ou une application
elle-même gamiée.
Gamification des serious games
Le troisième enchâssement revient sur la frontière avec le simulateur. Le posi-
tionnement de certains dispositifs permet à des auteurs d’évoquer la gami-
cation de simulations d’entreprise en 3D, telles que PIERSiM (Craven, 2015).
Et les dénitions n’excluent pas de tels enchâssements : premièrement, les
serious games sont régulièrement critiqués pour leur faible « jouabilité », ce
qui les rapproche du simulateur et autorise théoriquement l’intervention de
la gamication dans ce « contexte non ludique ». Elle cherche alors à pallier
la faiblesse intrinsèque du jeu. Deuxièmement, au niveau des plateformes
qui hébergent les serious games, une gamication peut intervenir pour créer
un parcours de formation au sein de « collections » 5. Une histoire, des
indicateurs métriques et une dimension sociale ont alors vocation à aider
le collaborateur à s’évaluer, sélectionner ses serious games et maintenir sa
motivation 6.
5. Par exemple avec M comme Manager : http://www.daesign.com/portfolio/serious-game-management/
6. Par exemple avec EditUP : http://www.ktm-advance.com/edit-up-by-ktm-advance/
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Nouvelles distinctions
L’imbroglio des dispositifs semble total et seul l’argument de la temporalité
(temps superposé ou non) peut encore résister. Pour dépasser cet état de fait,
deux gures conceptuelles seront mobilisées : la mise en abyme et la méta-
lepse 7. En marge des dénitions des game studies, ces gures éclaireront les
dispositifs à la fois sous les angles esthétique, narratif et communicationnel.
L’accent sera mis sur les relations entre monde du jeu et monde réel, et souli-
gnera les postures du collaborateur.
Mise en abyme de la formation
La mise en abyme est un procédé ancien qui désigne une œuvre incluse dans
une autre, avec pour particularité selon Gide « d’entretenir une relation de
similitude avec l’œuvre qui la contient » (cité par Dällenbach, 1977, p. 18).
Dällenbach parlera quant à lui de « duplication interne » ou « miroir interne ».
Ces ressemblances sont autant d’occasions de distinguer des strates esthé-
tiques, niveaux narratifs, ou espaces de communication dont les couches se
font écho.
Reflet des pratiques de l’entreprise dans le dispositif de formation
Suivant les dénitions qui précèdent, les dispositifs de formation peuvent
être vus comme le reet du discours managérial (stratégie), entretenant une
relation de similitude aux pratiques de l’entreprise. Ils sont en ce sens une
« duplication interne » de l’œuvre-travail globale 8. D’un point de vue macro,
il y a donc ici une première subordination de la formation par la dimension
travail. Le reet concerne potentiellement les plans esthétiques, narratifs et
communicationnels.
Pour le serious game, le monde simulé fonctionne tout d’abord comme
une duplication du réel. Les compétences à acquérir y sont mises en scène ;
situations professionnelles et relations interpersonnelles sont reétées dans
une réplique miniature (Allain, 2013a, p. 27).
Avec la gamication, la mise en abyme n’est plus gurative (esthétique) et
donc moins facilement décelable. Il faut parfois se pencher essentiellement
sur les plans narratifs et communicationnels pour constater que les règles du
système d’information et les relations réelles sont alors incluses dans le jeu
(commentaires, récompenses, etc.).
7. Les dénitions et gures sont disponibles in extenso dans Allain (2013b).
8. Le lecteur autorisera le rapprochement sémantique entre œuvre et travail, celui-ci étant donné par les
dictionnaires de référence (p. ex. http://www.cnrtl.fr/denition/oeuvre), tout en notant que Hannah Arendt
distingue l’œuvre du travail par le fait qu’elle a un terme et qu’elle s’aranchit de la notion de productivité.
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Raisons éducatives – n° 21
Reflet des règles du jeu dans l’organisation
Plus anecdotique à ce jour, il est possible d’identier un cas de gure inverse,
où les règles d’entreprise sont à l’image du jeu. L’étude de Potier (2014) peut
en eet être lue comme la tentative atypique d’une entreprise produisant des
serious games de prolonger les règles et mécaniques des jeux qu’elle réalise
dans ses propres règles d’organisation. Cet exemple a l’avantage de renverser
la place du « reet » et de proposer une organisation atypique et alternative.
La posture du collaborateur revient alors à se former en travaillant, en situation
de jeu.
Métalepse et franchissement ontologique
Pour aller plus loin dans ces descriptions, une seconde gure conceptuelle
est mobilisée. Indissociable de certaines mises en abyme complexes, la méta-
lepse est une gure transgressive qui met l’accent sur les intrications ou
apories entre diérentes couches, qu’elles soient esthétiques, narratives ou
communicationnelles. Alors que la mise en abyme met en résonnance des élé-
ments entre couches distinctes, la métalepse les relie en créant des passages,
jusqu’à des franchissements ontologiques. Trois degrés précisent la mise en
abyme, dont le dernier est intimement lié à la métalepse : la relation entre le
reet et son objet est dite soit de similitude (un même objet), de mimétisme (le
même objet) ou d’identité (l’objet même) (Dällenbach, 1977). L’héraldique et
l’image des blasons décorés sont souvent convoquées pour illustrer la mise
en abyme 9. Pour sa part, la métalepse est parfois représentée par le ruban de
Möbius dont les deux faces se relient pour n’en faire qu’une. Nous produisons
ci-dessous une synthèse originale (gure 3) qui peut être investie pour décrire
les degrés de nos dispositifs et répondre aux deux premières hypothèses lis-
tées en introduction.
Figure 3 : Degrés de la mise en abyme : similitude (1), mimétique (2)
et identité (3) avec trois prégnances de la métalepse (3a, 3b, 3c),
en regard d’un blason non orné (0)

9. Les blasons ont une valeur explicative, de longue date. Ils ne doivent pas être confondus avec les
badges utilisés par les interfaces gamiées. La ressemblance est inopinée.
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106 Raisons éducatives – n° 21
Les degrés de la gamification
Le degré 1 décorrèle formation et travail. La gamication intervient sur des
interfaces de formation, telles que des questionnaires d’évaluation rendus
plus attrayants, des parcours e-learning classiques rythmés par des éléments
de jeu. La posture pour le collaborateur revient à se former en jouant avec des
éléments de son travail en situation de formation. Avec le degré 2, le jeu est
constitué d’éléments liés au travail, sans que jeu et travail soient confondus.
Selon Prakash et Rao (2015), la superposition des règles du jeu à celle de l’en-
treprise permet de traduire les objectifs et les attendus organisationnels de
manière explicite, documentée et de les implémenter de manière uniforme,
sans l’interprétation des diérents niveaux hiérarchiques. La posture revient
à se former en jouant avec des éléments de son travail en situation de travail. Enn,
le degré 3 identité est franchi dès lors qu’il devient dicile pour le collabora-
teur de distinguer ce qui relève de son travail et de la couche de gamication
qui l’aide à se former. En 2010, Seth Priebatsch envisageait un « Game Layer »
pouvant se superposer à toutes nos activités, à la manière d’un système de
gestion de contenu géant (CMS). En 2017, plusieurs services assurent ce mail-
lage entre de nombreuses plateformes professionnelles devenues interopé-
rables (gure 4).
Figure 4 : Getbadges 10 (gauche) et Backpack 11 (droite)
Si pour ces plateformes les badges servent encore de marqueur pour iden-
tier la part de jeu, la gamication tend à fusionner les couches esthétiques
(éléments de l’interface), narratives (scénario du jeu et agenda profession-
nel) et communicationnelles (dispositif de formation et discours managérial),
typiquement avec les systèmes « Electronic performance support systems »
(EPSS) 12. La métalepse y assure une transaction omniprésente et perpétuelle
entre monde raconté (jeu de formation) et monde racontant (entreprise), pro-
duisant une mise en abyme « aporétique », jusqu’à l’indistinction totale – la
mise en abyme n’en existe pas moins – des systèmes et des relations sociales
(gure 3, 3c). Ces descriptions rapprochent la gamication des jeux pervasifs
autrement appelés jeux en réalité alternée (ARG) qui s’entrelacent au réel :
10. Repéré à https://getbadges.io/
11. Repéré à https://backpack.openbadges.org/backpack/welcome
12. Par exemple K-Now : http://www.knowmore365.com/ ou la suite TTS : http://www.tt-s.com/fr/
logiciel/support-de-performance/, ou encore Lemon Learning : http://lemonlearning.fr/
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Dispositifs numériques de formation et apprentissage informel
107
Raisons éducatives – n° 21
« les collaborateurs interagissant avec les outils de tous les jours (e-mail,
web, SI) et les mêmes règles que leur vie professionnelle » (Edery & Mollick,
2008, p. 127), leur permettant de « se former pendant qu’ils travaillent »
(p. 127 ; notre traduction) 13. La qualication de la posture du collaborateur
revient ici à se former en jouant son travail.
Les degrés du serious game
Le degré 2 mimétique est sans doute le plus fréquent. La posture revient à se
former en jouant une mise en scène de son travail, en situation de formation. Le
degré 1 similitude s’en distingue par une mise en situation opérant un décalage
par rapport au contexte maitrisé par l’apprenant. En renforçant sa part ction-
nelle, le serious game rompt avec les repères « métier » 14, allant dans certains
cas jusqu’à proposer un univers de science-ction 15. Le reet devient partiel
et déformé. À l’extrême, seules les compétences clés entretiennent encore un
lien au travail de l’apprenant. La posture revient à se former en jouant une mise
en scène décalée de son travail, en situation de formation. Ces deux premiers
degrés sont le lieu de métalepses dites rhétoriques, au sens où l’apprenant
agit à travers l’écran au cœur d’une situation, laquelle peut être vécue comme
authentique et documentaire (Allain, 2013b). Reste que ces dispositifs n’ont
pas d’interaction avec une activité réelle, principe attribué au degré 3 iden-
tité et ses métalepses ontologiques. Le roman d’anticipation Ender’s Game
(d’Orson Scott Card, 1985) en donnait une bonne perspective. Au sein d’une
école de guerre, le jeune surdoué Ender est formé avec ses camarades pour
sauver l’humanité. Leur formation ultime utilisera ce que tous pensent être
un simulateur de combats spatiaux. Ils ignoreront jusqu’à la n qu’ils com-
mandent par ce biais une armée en plein combat. Pour gagner, Ender prendra
une terrible décision dont l’impact réel lui est masqué.
Le roman laisse place aujourd’hui à des projets concrets, liés à la collecte
des données (big data), permettant de récupérer et réinvestir les actions
conduites dans le jeu dans une forme de travail. La posture du collaborateur
revient ici à se former en jouant une mise en scène, en situation de formation,
avec création de valeur. Les projets à notre connaissance étant protégés, des
exemples approchants et grands publics seront cités : Foldit 16 où apprendre
à déplier une protéine fait avancer la science ; Duolingo 17 qui produit de la
valeur en recoupant et vendant les devoirs de ses apprenants.
13. « ARGs are interwoven with reality – players interact with the ARG using the same tools that they use
every day (e-mail, the Web, corporate soware systems), and players are expected to play the same roIes
that they do in everyday work life. »
14. Par exemple Keep An Eye Out : http://www.daesign.com/portfolio/serious-game-securite-informatique/
15. Par exemple MoonShield : http://www.ktm-advance.com/thales-moonshield/
16. Repéré à https://fold.it/
17. Repéré à https://www.duolingo.com/
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108 Raisons éducatives – n° 21
Tableau 1 : Synthèse des postures suivant le degré de mises en abyme descendantes
Serious game Gamication
1. Relation
de similitude
Se former en jouant une
mise en scène décalée de
son travail, en situation de
formation
Se former en jouant avec
des éléments de son travail
en situation de formation
2. Relation
de mimétisme
Se former en jouant une mise
en scène de son travail, en
situation de formation
Se former en jouant avec
des éléments de son travail
en situation de travail
3. Relation
d’identité
Se former en jouant une mise
en scène, en situation de
formation, avec création de
valeur
Se former en jouant
son travail
Discussion
À la lecture du tableau 1, le degré 1 de la gamication et le degré 3 du serious
game aaiblissent l’ultime argument qui les distinguait encore (« tempora-
lité ») : d’une part la gamication peut s’appliquer sur un temps non super-
posé au travail ; d’autre part, la métalepse relie actions dans le jeu et activités
« productives », permettant de superposer formation et travail pour le serious
game. Les dénitions initiales sont caduques. Mais la mise en abyme permet
de réintroduire de la lisibilité pour décrire la triade formation-jeu-travail (h1)
tout en y articulant la posture du collaborateur (h2).
Concernant la dernière hypothèse (h3), les caractéristiques initialement
dégagées pour l’apprentissage informel ont été vériées à travers les res-
semblances des deux dispositifs. Leurs modes expérientiels, en prise sur des
situations réelles, peuvent répondre au besoin d’authenticité, dans un cadre
précis et partagé entre formation et travail. Leurs cohérences et la présence
de feed-back accolés à la narration cherchent à susciter une forte réexivité
et à assurer un apprentissage autonome. Leurs couches d’interaction sociale
dans le jeu ou autour du jeu peuvent satisfaire la nécessaire dimension rela-
tionnelle. C’est nalement la notion de « subordination » qui distinguera les
dispositifs selon le degré de mise en abyme. Cette distinction est plus ne que
la dichotomie initiale, en prenant en compte les postures du collaborateur.
Ainsi, les degrés 1 et 2 de la gamication semblent davantage propices à l’ap-
prentissage informel, en subordonnant la formation au travail.
Faut-il pour autant conclure que l’apprentissage informel est exclu pour
les autres postures ? La réponse tient en partie dans l’origine des deux dispo-
sitifs, dans le jeu de pur divertissement et de loisir. Brougère (2002) énonce
dans ce champ deux modalités d’apprentissage : par la manipulation symbo-
lique des contenus à l’intérieur du jeu, et par un apprentissage complémentaire
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109
Raisons éducatives – n° 21
à l’extérieur du jeu, lorsque le joueur cherche à maîtriser et enrichir son expé-
rience ludique. D’une part, le jeu reste par dénition un objet de liberté et
de détournement : les dispositifs les plus guidés restent dépendants de l’état
d’esprit du joueur, de ses connaissances et pratiques antérieures, le poussant
souvent à tester les limites du modèle informatique, provoquant des surgis-
sements non prévus et autant d’occasions de sortir de l’environnement for-
malisé. D’autre part, l’immersion liée à un casque de réalité virtuelle ou à la
gamication ne saurait abolir la capacité du collaborateur à faire preuve de
réexivité et à prendre de la distance, a minima lorsqu’il se débranche en ren-
trant chez lui.
Par ailleurs, serious game et gamication formalisent bien moins qu’ils
ne laissent d’interstices ouverts, des impensés. Un dispositif interactif, aussi
complexe soit-il, n’est pas capable de régir le réel de manière exhaustive, sur
toutes ses couches – vieux mythe du simulateur. L’exemple est frappant avec
les échanges sociaux, autre source d’apprentissages non commandés et for-
tuits, qu’ils soient à l’intérieur ou à l’extérieur du jeu. Cette évidence devrait
donc amener à rééchir à des dispositifs plus ouverts. Deterding, et al. (2011)
relevaient déjà que l’industrie a tendance à se concentrer sur la dimension
game, réglée, orientée vers un but, au détriment de jeux plus ouverts, explo-
ratoires, libres et sans doute plus abstraits. Au risque de vouloir « formaliser
l’informel » (Carré & Muller, 2014, p. 87), la dimension play ne serait-elle pas
l’approche à considérer pour cette cohabitation ?
Conclusion
L’analyse conjointe des dispositifs serious games et gamication a mis en
valeur la porosité de leur frontière. En contrepoint, les gures conceptuelles
mobilisées les ont requaliées suivant le degré de mise en abyme du tra-
vail, et la prégnance du franchissement ontologique. La dichotomie initiale
a laissé place à six postures articulant la triade formation-jeu-travail. Pour
deux d’entre elles, le caractère subordonné de la formation au travail a permis
d’envisager une cohabitation avec l’apprentissage informel. Pour les autres
postures, la complexité inhérente à l’enchâssement des dispositifs et aux
nombreuses couches narratives et communicationnelles laisse penser que
d’autres espaces-temps lui sont également favorables. Ce constat annonce
une étude plus large auprès d’autres types de serious games et d’autres dispo-
sitifs numériques de formation. De futurs travaux pourront aussi s’intéresser
au renversement de la mise en abyme, où le travail n’est plus l’objet, mais le
reet. L’exemple donné par Potier (2014) ou encore le degré 3 du serious game
laissent penser que c’est à son tour le travail qui pourrait être subordonné, et
pourquoi pas qualié de « travail informel ». La conclusion temporaire avance
déjà que l’apprentissage informel ne recule pas devant les dispositifs numé-
riques de formation, mais qu’il s’en empare, investit les diérentes couches
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110 Raisons éducatives – n° 21
ou les contourne. Dans l’attente de dispositifs qui modéliseront ou adjoin-
dront les espaces-temps informels eux-mêmes, gageons qu’une autre forme
de mise en abyme y reètera là aussi notre manière d’apprendre.
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Conference Paper
Full-text available
Cette communication vise à proposer un état de l’art des outils numériques pour la formation en santé. A cette occasion, elle dresse un panorama de ces objets selon 3 catégories : Serious Game, Serious Play et simulateur. L’analyse de ces catégories nous amène à préciser à la fois les caractéristiques, les usages, les publics, les objectifs... de chacune d’entre elles. Ainsi, nous établissons un lien entre Serious Play et simulateur et démarquons nettement les simulateurs des Serious Games. Le simulateur s’appuyant parfois sur des modèles numériques, certes reproduit un comportement fidèle de la réalité mais ne propose pas d'objectifs explicites. Une relation tierce, assurée par la présence d’un instructeur est donc nécessaire pour encadrer des utilisateurs de simulateurs dans le cadre d’une formation. Il adresse, essentiellement, un public d’experts. A l’inverse, le Serious Game, en intégrant un scénario pédagogique qui sous-tend des objectifs, des contraintes et des moyens associées, offre la possibilité de s’affranchir le cas échéant de la présence d'une relation tierce.
Article
Full-text available
The differences between game and labor are culturally defined. According to places and cultures, those activities are similarly described as rational layouts of resources to achieve some specific goals, by following rules located into well-structured environments – although more and more complex and less defined. For all that, despite of the proximity of these abstract concepts, the process of gamification promotes a brand new model of engagement into the activity, inviting workers to explicitly play the job. More specifically, we will discuss the case of a French video games studio in Strasbourg in which we conducted a participating observation at the end of a serious game production. Through the observation of the different ways for the game to occur, we will explore the game as cooperation, as commercial argument and as product. In this way, the process of gamification can be understood as a boundary object from the workers to the public targeted by the serious game; while showing the limits of linking the company and the market.
Book
Full-text available
This book explains how gamification, specifically enterprise gamification, can help managers in multiple areas within an enterprise to improve attrition. Employee Engagement is an important component to foster employee relations with the organization. Gamification by its inherent design helps to increase engagement within an enterprise. Several successful case studies in Gamification are presented, which present new practical tips for Gamification for IT Management. By introducing general IT management concepts related to the specific environment managers work in, the authors then detail the benefits of introducing gamification in this very environment to resolve business issues. IT Managers, as well as HR professionals, Group Heads, and Delivery Leaders will find this be a useful resource to understand how Gamification can improve their everyday work. The book can also be used as a reference for engaging learners and employees to improve their productivity in organizations.
Chapter
Full-text available
Gamification provides new opportunities to engage and motivate the learner. Leveraging the learning potential of games has proved difficult. For insightful learning to occur it is necessary to integrate the processes of action and reflection. Incorporating learning concepts and theories in the design of the gaming experience is required if this is to occur. To date, gamification appears to be preoccupied with badging rather than seeking to overlay the learning processes of reflection, analysis and insight over the gaming experience. The business simulation, PierSim, has successfully achieved this. A sample of 250 students who used PierSim was surveyed in regard to their learning experience. The learnings derived from the gaming experience were insightful and meaningful to the student. The students valued the integration of concepts, the learning and the level of engagement above the ‘fun’ experience. Contrary to the commonly held perception that gaming is a male-orientated domain, female students derived a higher level of engagement, learning and satisfaction than their male peers. Rather than the traditional focus on the gamification of learning, this research suggests that the future rests with the learnification of games.
Chapter
In this chapter, we will show how a gamification framework can be applied to create an engaging and enjoyable ride sharing experience, with the purpose of promoting behavioral change towards sustainability. As sustainability has become a major issue for large companies, we wanted to address this business objective within a topic that has gained a lot of propagation and market penetration in recent years: Ride sharing. For this reason we have developed a gamified ride sharing system that follows the six-step gamification framework provided by Werbach and Hunter (2012). Starting with defining business objectives, we then outlined the target behaviors of our players along with metrics to evaluate if the target behaviors have been reached. Afterwards, we identified different player types in the form of player personas to be able to address the needs of these player types. Followed by devising activity cycles, such as engagement loops, progression stairs, and a short comment on not forgetting the fun when constructing such a system, we implemented some central dynamics in the final gamification concept to foster target behaviors. We therefore deployed a strong narrative in combination with team challenges and individual quests, but also aimed at making the ride selection process enjoyable in itself.
Article
Juan sits in front of his laptop while slowly, painfully progressing through a customer service e-learning course. He is bored and disinterested. Juan wants desperately to click the "next" button in quick succession and rush through to the end. Then he can take the simplistic 10-question multiple-choice test, pass the course, and get back to work. He can't because he's been foiled.
Chapter
Gamification is the use of game and behavioral analytics, game mechanics, interactive media, and social networking to improve work performance and transform a business by engaging and training users to solve problems. Gaming techniques and strategies have been used in areas such as employee training programs, financial services websites, customer relationship management, project management, business intelligence, market research, online shopping, and education. The level of sophistication involved in the technology applied to these needs varies greatly. This chapter will focus on the more technologically sophisticated methods applied to implementing gaming solutions in work situations. The use of gamification technologies that extends the video gamer lifestyle and skill set to engage and build loyalty with customers and employees will be discussed. Cases of practices in applying gamification to provide solutions for businesses will be examined. This chapter will conclude with imitations, implications, managerial caveats, and assessment of gamification.