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Verger Cidricole de Demain : conception, évaluation et diffusion de systèmes de production à haute performance environnementale et économiquement viables

Authors:
  • Institut Agro
Innovations Agronomiques 55 (2017), 273-287
Verger Cidricole de Demain : conception, évaluation et diffusion de systèmes
de production à haute performance environnementale et économiquement
viables
Guerin A.1, Guillermin P.2, Biche D.3, Bourbeillon J.2, Broussaud N.4, Cardon J-C.5, Corroyer B.5,
Corroyer N.5, Denis A.5, Jouve H.6, Lemeur E.7, Le Roux B.8, Paris D.9, Petit B.10, Thiéry D.11,
Didelot F.10
Avec la participation des producteurs impliqués dans le projet et accueillant un site d’expérimentation :
J-P. Fontaine, V. Brault, G. Decarsin, S. Bidois, J. Besnard, R. Guerin, J. Bauruelle et B. Bancel.
1 IFPC, La Rangée Chesnel, 61500 Sées
2 Agrocampus Ouest – Centre d’Angers, 2 rue Le Nôtre – 49045 Angers Cedex 01
3 Chambre d’Agriculture des Côtes d’Armor, BP 54 – 22190 Plerin
4 Maison Cidricole de Bretagne, Chambre Régionale d’Agriculture ZAC Atalante Champeaux – Rond
Point Maurice Le Lannou – CS 74223 - 35042 Rennes Cedex
5 Chambre Régionale d’Agriculture de Normandie, Service Vergers et Produits Cidricoles - 6 rue des
Roquemonts - 14053 CAEN Cedex 4
6 Lycée Professionnel Agricole du Pays de Bray, Le Château, 76220 Brémontier Merval
7 ACTA Informatique, 149 rue de Bercy, F-75595 Paris, Cedex 12
8 OP AGRIAL « Pommes destinées à la transformation », 4 rue des Roquemonts 14050 CAEN Cedex
9 EPLEFPA Alençon-Sées, Rue du 11 Novembre 1918, 61500 Sées
10 IRHS, INRA, Agrocampus-Ouest, Université d'Angers, SFR 4207 QuaSaV, 49071 Beaucouzé
11 Les Cidres de Loire, 9 rue André Brouard – BP 70510 – 49105 Angers Cedex 02
Correspondance : anne.guerin@ifpc.eu
Résumé
Le projet « Verger Cidricole de Demain », coordonné par l’IFPC (Institut Français des Productions
Cidricoles), vise à concevoir, expérimenter et évaluer des vergers économiquement viables et
économes en intrants. Dans une approche dite « système », sont combinées diverses pratiques pour la
maitrise des bio-agresseurs et la conduite du verger (entretien du sol, fertilisation, gestion de
l’alternance de production…). Le projet s’appuie sur une participation multi-acteurs depuis les étapes de
conception et d’implantation des vergers à celles de pilotage et d’évaluation, avec l’originalité d’un
dispositif multi-site entièrement implanté chez des producteurs répartis dans le Grand Ouest (9 sites,
dont 2 en agriculture biologique). Après 3 ans de suivi, l’enregistrement détaillé des pratiques permet de
tirer les premiers enseignements sur les performances, les impacts et le fonctionnement des vergers
innovants testés durant leur phase juvénile. Les premiers résultats montrent notamment que les
changements de pratiques de fertilisation et d’entretien du sol semblent davantage pénaliser l’entrée en
production des systèmes bas-intrants que la réduction des intrants phytosanitaires (hors herbicides). La
poursuite des enregistrements, leurs analyses sur plusieurs années et en phase adulte, restent
cependant indispensables avant de conclure et de diffuser aux producteurs les combinaisons de
pratiques les plus prometteuses.
Mots-clés : Systèmes de culture, co-conception, réduction des intrants, pomme à cidre, évaluation
multicritère
A. Guerin et al.
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Abstract: Verger Cidricole de Demain: design, evaluation and diffusion of economically
sustainable cider apple orchard systems with high environmental performances
The “Verger Cidricole de Demain” research project (literally: Cider Apple Orchards of the Future),
coordinated by the IFPC (French Institute for Cider Productions), aims at designing, testing and
assessing the sustainability of low-input cider apple orchards, which combine, in a systemic approach, a
wide range of practices regarding pest control, fertilisers use, management of alternate bearing, etc.
From conception and planting of those orchards to their monitoring and assessment, the project is
based on multi-stakeholders participation, with an original multi-site network, entirely established under
field conditions in commercial cider apple orchards spread out in the greater North Western France
region (9 sites, including 2 organic farming sites, under the French AB label). After 3 years of detailed
record of the practices on each plot, we were able to draw the first conclusions about performances,
impacts and functioning of the innovative orchards, especially during the juvenile phase of their
development. First results notably indicated that changes in fertilization and weed control management
seem to be more damaging on the start fruiting than pesticide use reduction. Before definitely
concluding on the most promising combinations of practices and promoting them to the producers, the
monitoring of the practices should continue and analysis should be made during several years in the
adult phase of orchard development.
Keywords: Cropping system, co-design, input use reduction, cider apple, multicriteria evaluation
Introduction
La filière cidricole représente un secteur économique important pour les régions de production tant au
niveau agricole que de la transformation. Son chiffre d’affaire est estimé à près de 400 millions d’euros,
250 millions pour le cidre (en croissance), 100 millions pour les eaux de vie et mistelles, et 50 millions
pour les autres produits, parmi lesquels les jus de pomme et les concentrés riches en polyphénols dont
la demande à l’export augmente. Outre l'emploi généré en agriculture, l'aval de la filière représente plus
de 1000 emplois pour la collecte, la transformation et la commercialisation. Enfin, son image associée
au paysage, à la gastronomie et au patrimoine, génère des retombées pour toute l’économie liée au
tourisme des régions concernées.
Couvrant une surface de près de 9 000 ha (en forte croissance), la France possède le plus grand verger
cidricole européen, essentiellement implanté dans le Grand-Ouest (Bretagne, Normandie, Pays de
Loire). La France est aussi le premier producteur mondial de fruits à cidre. Environ 1 700 producteurs
professionnels, auxquels s’ajoutent plusieurs milliers de livreurs potentiels qui en font une activité
annexe, assurent une production moyenne de 260 000 tonnes de fruits par an. La majorité des volumes
provient de vergers basse-tige semi-intensifs (650 à 1000 arbres/hectare) caractérisé par des variétés
plutôt rustiques mais très alternantes, et une récolte mécanique au sol de fruits exclusivement destinés
à la transformation.
Implanté massivement dans les années 80, près d’un tiers de ce verger doit être renouvelé d’ici 10 ans
pour pallier son vieillissement. Ce contexte de replantation et de croissance incite la filière cidricole à
s’interroger sur les systèmes de verger les plus appropriés pour répondre à 3 objectifs majeurs : (1) le
développement et la régularité de la production, (2) la réponse aux enjeux environnementaux et
sociétaux liés à la protection des cultures, et (3) le déblocage de certaines impasses techniques liées à
la réduction du nombre de produits phytosanitaires autorisés.
Sollicité par les professionnels de la filière, l’IFPC a donc lancé en 2012, le projet multipartenaire
« Verger Cidricole de Demain » qui vise à concevoir des vergers innovants répondant à l’ensemble de
ces attentes. Dans cette optique, l’utilisation d’une approche dite ‘système’, est particulièrement
adaptée (Simon et al., 2014). En effet, ce type d’approche vise à s’intéresser en priorité au
fonctionnement d’un verger dans sa globalité, à l’analyser comme un agroécosystème complexe, où se
Verger cidricole de demain
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développent de nombreuses interactions entre facteurs de production (entretien du sol alimentation
en eau traitements phytosanitaires, ...), composantes du rendement (vigueur des arbres, biologie
florale, état sanitaire de la récolte, …), composantes biophysiques propres à la parcelle ou à son
environnement (contexte pédoclimatique, prédateurs et auxiliaires des cultures, éléments paysagers...),
et dont il faut comprendre la cohérence d’ensemble en y intégrant le système décisionnel de
l’agriculteur à travers la formalisation de ses règles de décision. De manière à faciliter l’appropriation de
la démarche et des résultats par les professionnels et acteurs du développement, l’IFPC a également
choisi de mener cette étude de longue durée en s’appuyant sur un réseau de parcelles entièrement
implanté chez des producteurs.
Enfin, en accord avec les nouvelles méthodes de recherche en agronomie (Meynard, 2012), basées sur
des principes de co-élaboration des programmes et de partage des connaissances et compétences
autour d’un même objet d’étude, le projet repose sur une participation multi-acteurs (producteurs,
entreprises, conseillers, instituts techniques, recherche, enseignement agricole technique et supérieur),
depuis les étapes de conception et d’implantation des vergers à celles de pilotage, d’évaluation et
d’interprétation des données.
L’objectif final du programme est d’analyser dans quelle mesure et sous quelles conditions la réduction
d’intrants peut rester compatible avec une bonne performance économique du verger et une production
de qualité apte à satisfaire les attentes de l’aval.
1. Un réseau de 9 sites dans une approche système
1.1 Conception d’un réseau de 9 sites pour expérimenter des systèmes
innovants
Suite à des réflexions préliminaires entre acteurs du développement et producteurs, 9 sites en réseau
ont été implantés entre 2010 et 2012 chez des producteurs. Ils sont représentatifs de la diversité
régionale de la filière en termes géographiques et concernant les pratiques (Conventionnel / Production
Fruitière Intégrée (PFI), Agriculture Biologique (AB)).
Chaque site inclut dans un dispositif comparatif, 2 modalités de systèmes de culture de 1 ha chacune :
Un système PROD conduit selon les pratiques actuelles du producteur et conforme au cahier
des charges PFI pomme à cidre (annexe 1) et/ou AB.
Un système ECO à plus faible niveau d’intrants, combinant de façon innovante des itinéraires
techniques (incluant des pratiques alternatives à la lutte chimique) et mobilisant différents
aménagements agro-écologiques spécialement implantés
5
7
1
4
2
9
8
3
6
Plantations 2010
Figure 1 : Répartition
géographique des sites
expérimentaux dans le Grand-
Ouest
A. Guerin et al.
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Sur chaque système, 3 variétés sont plantées sur le porte-greffe M106 classiquement utilisé en
cidriculture : Dabinett, Douce de l’Aventcov et Judor, en répétitions sur 3 rangs. Sur chaque site, un
binôme producteur-technicien est chargé de conduire le système ECO conformément aux règles de
décisions conçues par les partenaires du projet, et de réaliser les observations et mesures nécessaires
à la caractérisation des parcelles et aux calculs des indicateurs retenus. Les niveaux d’innovations sont
variables sur les 9 parcelles ECO. Les sites 1 à 6 intègrent principalement des techniques alternatives
considérées comme réversibles et innovantes à l’échelle du court et du moyen terme. Les sites 7 et 8,
en AB, ont mobilisé des pratiques plus risquées car irréversibles (diminution de la densité d’arbres/ha)
ou peu testées comme l’introduction d’animaux (moutons pour le site n°8 et volailles pour le n°7), pour
leur effet prophylactique supposé sur certains bioagresseurs. Ces deux systèmes sont dits ‘en rupture’.
La conception du site 9 s’est basée sur des travaux de recherche et teste « grandeur nature » un
schéma de plantation original visant à limiter le développement de la tavelure (Didelot et al., 2007),
principale maladie du pommier et dont le contrôle représente l’essentiel de l’utilisation des fongicides.
Ainsi, un modèle mathématique, développé par l’équipe Ecofun de l’IRHS-INRA d’Angers-Nantes, a
permis de proposer des combinaisons de cultivars, de niveaux de sensibilité différents à la tavelure et
un dispositif optimal de leur déploiement spatial. Pour ce site, deux systèmes en mélange variétal sur le
rang sont comparés à un système témoin sans mélange :
- Un système « ECO » constitué des 3 variétés présentes sur l’ensemble du réseau, mais mélangées
2 à 2 sur le rang (Judor avec Douce de l’Aventcov, puis Judor avec Dabinett).
- Un système « ECO + » comprenant 6 variétés : un rang de mélange de Dabinett, Keramèrecov,
Bisquet, en alternance avec un rang en mélange d’Avrolles, Douce de l’Aventcov et Judor.
Parallèlement à l’implantation de cette parcelle, un criblage d’une gamme de variétés cidricoles vis-à-vis
de leur résistance à différentes souches de tavelure a été mené par l’équipe Qualipom de l’IRHS-INRA
d’Angers-Nantes. Les objectifs sont de proposer aux producteurs d’autres associations variétales
intéressantes et de prévoir l’évolution de la sensibilité des vergers cidricoles compte-tenu de
l’émergence de nouvelles souches de tavelure (résultats non présentés dans cet article).
1.2 Conception des règles pour le pilotage des systèmes innovants
Le travail de co-conception s’est ensuite poursuivi pour établir les principales stratégies d’intervention à
adopter dans les systèmes ECO ainsi que les observations à effectuer pour piloter ces interventions et
évaluer leur efficacité. Ces stratégies combinent diverses pratiques concernant aussi bien la maîtrise
des bio-agresseurs (avec des produits alternatifs, via des aménagements agro-écologiques favorisant la
présence d’auxiliaires, …), que les autres postes de conduite du verger (entretien du sol, fertilisation,
gestion de l’alternance, …). Elaborées selon un ordre de priorité imposé par l’âge du verger (et donc
concernant les interventions sur jeune verger), elles ont été construites à « dires d’experts », au cours
de plusieurs ateliers rassemblant les différents partenaires-experts du projet, et plus particulièrement les
conseillers de terrain. Dix règles de décision (RDD) ont ainsi été formalisées : tavelure, puceron cendré,
entretien du sol, fertilisation, carpocapse, anthonome, suivi de la faune auxiliaire, régularité de
production, liste positive des produits autorisés dans ECO.
Ces règles permettent ainsi d’homogénéiser a minima le pilotage des 9 systèmes ECO du réseau, mais
chaque producteur conserve une certaine marge de manœuvre pour adapter sa stratégie de conduite,
en fonction de ses contraintes (contexte pédoclimatique, agro-équipement disponible, …). En ce sens,
les 9 systèmes ECO ne peuvent être considérés comme des répétitions. La performance de chaque
système sera analysée dans un premier temps en comparaison à la référence PROD située dans le
même contexte pédoclimatique. Les RDD permettent par contre de disposer de jeux de données
identiques concernant les variables observées sur chaque système, ce qui permet d’envisager
ultérieurement une analyse à l’échelle du réseau.
Verger cidricole de demain
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1.3 Méthodes et outils pour l’évaluation des systèmes mis en œuvre
Les variables mesurées et les indicateurs calculés issus des observations se classent en trois
catégories. Une quarantaine de variables et d’indicateurs directement issus des relevés et observations
de terrain (pression des bioagresseurs, rendement, vigueur, état nutritionnel des arbres, fertilité du
sol…) permettent de comparer les performances ECO et PROD sur le plan agronomique.
D’autres indicateurs permettent d’évaluer les impacts environnementaux des itinéraires techniques,
ainsi que leurs performances économiques et sociales. Une revue des principaux indicateurs existants
a été réalisée pour retenir les plus adaptés au projet (Tableau 1).
Nom de l’indicateur
Définition de l’indicateur
Indicateurs
d’utilisation des
pesticides et
environnementaux
IFT (Indice Fréquence
Traitement)
Indicateur rendant compte de l’intensité d’utilisation des
pesticides
doseappliquée
dosehomologuée x%surfacetraitée
EIQ (Environmental Impact
Quotient)
Indicateurs basés sur la toxicité des matières actives des
pesticides pour différents types d’organismes (auxiliaires et
abeilles, oiseaux et mammifères, faune aquatique)
(Kovach et al., 1992)
IRPeQ (Indice de Risques des
Pesticides du Québec)
2 sous-indicateurs séparés :
- L’Indice de Risque Santé (IRS)
- L’Indice de Risque
Environnement (IRE)
Indicateurs basés sur la toxicité des matières actives des
pesticides et sur leurs conditions d’application (dose,
formulation…) (Samuel et al., 2012)
- L’IRE considère l’écotoxicité des pesticides pour les
organismes terrestres, souterrains et aquatiques.
- L’IRS prend en compte les toxicités aiguës (inhalation,
contact,…) et chroniques (cancérogénicité, risques pour la
reproduction,…) des matières actives pour l’applicateur
I-AzoteARBO
Indicateur de risques de pollutions azotées (risque de
lessivage des nitrates, de volatilisation d’ammoniac et
d’émissions d’oxyde nitreux (gaz à effet de serre)), basé sur
la nature et les modalités d’apports des engrais
(Bockstaller et al., 2008 ; Griffith, P., 2004).
Consommations de carburant
(calculs en cours) Accès indirect aux risques d’émissions de CO2
Indicateurs
économiques
Marge brute (calculs en cours)
Coûts de production
Coût total des intrants, de mécanisation et de main d’œuvre
Indicateurs sociaux
Indice de Risque Santé (IRS)
Sous-indicateur IRPeQ de risque des produits
phytopharmaceutiques sur la santé humaine
Temps de travaux
Cumul, répartition annuelle, part des temps de travaux
manuels/mécanisés
Tableau 1 : Indicateurs retenus pour évaluer les performances des systèmes testés
Enfin, des méthodes d’évaluation spécifique de la biodiversité (non développées ici) sont mises en
œuvre, notamment par des étudiants BTS du lycée agricole de Sées :
- cartographie des infrastructures agro-écologiques autour des parcelles du réseau afin d’évaluer le
potentiel d'attractivité des parcelles vis-à-vis des insectes auxiliaires.
- construction d’abris pour les insectes auxiliaires et évaluation de leur efficacité.
- recensement des auxiliaires sur quelques parcelles du réseau, notamment des espèces de rapaces
et de chauves-souris.
A. Guerin et al.
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Une base de données (System@rbo®), adaptée au projet et à l’expérimentation système en
arboriculture, a été créée par Agrocampus Ouest et ACTA Informatique pour saisir et stocker toutes les
observations faites sur les parcelles. Des développements en cours permettront de visualiser de façon
automatisée des synthèses sur les différents indicateurs mentionnés.
2. Systèmes cidricoles bas-intrants : principaux résultats obtenus en phase
juvénile du verger
2.1 Niveau de réduction des intrants et impacts environnementaux
2.1.1 Bilan sur les intrants phytosanitaires
Les objectifs de réduction des pesticides affichés dans le projet sont atteints. En effet, pour chaque site,
les stratégies individuelles mises en place sur la base des règles de décision communes aboutissent
bien à une réduction de l’utilisation des intrants, exprimée par l’IFT, dans la modalité ECO (Figure 2). En
moyenne, sur les 3 premières années de plantation, la réduction est de 55% pour les systèmes en
production conventionnelle. Pour les parcelles en AB, la moyenne de réduction atteint 57%.
Figure 2 : IFT cumulés de la 1ere à la 3ème feuille, pour différentes catégories de pesticides et pourcentage de
réduction ECO par rapport à PROD (hors IFT biocontrôle) pour 8 parcelles du réseau (hors parcelle en mélange
variétal)
Dans les parcelles conventionnelles, cette baisse résulte en priorité de la réduction des fongicides (en
particulier des traitements anti-tavelure), puis des insecticides et enfin des herbicides. Sur la Figure 2, la
représentation des valeurs d’IFT biocontrôle, bien que non intégrées dans le calcul du pourcentage de
réduction des pesticides, montre l’importance de la substitution des molécules classiques par ces
produits de biocontrôle (virus de la granulose, soufre, confusion sexuelle…) lors des traitements ECO.
Par rapport aux modalités PROD, leur utilisation a en effet été multipliée par 1,5 en moyenne sur tous
les sites.
L’intensité d’utilisation des pesticides et les possibilités de réduction varient cependant selon les années
(Figure 3), en fonction des conditions de pression des bioagresseurs, des conditions météorologiques
ou de l’âge du verger (verger en production ou non).
Verger cidricole de demain
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Figure 3 : IFT cumulés de 2011 à 2014, pour les parcelles ECO et PROD des 3 vergers plantés en 2011 et % de
réduction des IFT ECO (toutes catégories de pesticides confondues hors biocontrôle) par rapport aux IFT PROD
Au niveau variétal, la réduction ECO/PROD est équivalente pour les 3 variétés mais Dabinett reste la
moins traitée, et ce dans les 2 systèmes. Ce résultat peut s’expliquer par une moindre sensibilité de
cette variété à la tavelure et par un débourrement plus tardif qui l’expose moins aux contaminations.
Cette diminution de l’utilisation d’intrants réduit également l’impact environnemental. Ainsi, sur les 3
premières années de vie du verger, l’indicateur IRPeQ montre un gain moyen pour les parcelles ECO
de l’ordre de 30% sur le plan environnemental (indicateur IRE) et de 40% sur le plan de la santé de
l’applicateur (indicateur IRS).
2.1.2 Bilan sur les intrants de type engrais
Concernant les engrais azotés, l’objectif d’une utilisation exclusive d’engrais organiques sur l’ensemble
des vergers ECO a été atteint.
Les résultats des calculs de l’indicateur I-Azote (non présentés ici) montrent des risques de pollution
azotée globalement faibles pour toutes les parcelles, que ce soit dans PROD ou ECO, attestant de
bonnes pratiques de fertilisation des producteurs (apports fractionnés, sans excès, à des dates d’apport
cohérentes avec la dynamique d’absorption des arbres).
Compte tenu de ce faible différentiel entre PROD et ECO, l’intérêt du passage aux engrais organiques
doit cependant être approfondi par l’étude des cinétiques de minéralisation des différentes formes
organiques apportées. De plus, les impacts environnementaux de la fertilisation ne se limitent pas à
l’échelle de la parcelle : des différences entre engrais organiques et minéraux peuvent aussi être liées à
leur fabrication et à leur transport. Une Analyse de Cycle de Vie des divers intrants permettrait à terme
de compléter cette estimation des impacts environnementaux.
2.2 Bilan agronomique
Il s’agit dans ce paragraphe de rendre compte de quelques processus du fonctionnement
agroécologique des parcelles, le rendement des parcelles étant abordé par ailleurs dans l’analyse
technico-économique.
2.2.1 Effet de la réduction d’intrants sur la maîtrise de la tavelure
La règle de décision mise en œuvre contre la tavelure dans les modalités ECO consiste à intervenir
exclusivement en stop ou en curatif, en fonction de l’inoculum d’automne de l’année précédente, de la
sensibilité variétale et du niveau de risque de contaminations donné par les modèles tavelure. Elle a
conduit à une forte diminution du nombre de traitements (- 40% en moyenne sur les 3 premières
0
5
10
15
20
25
ECO PRO ECO PRO ECO PRO
3 4 5
2014
2013
2012
2011
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années de vie des vergers ECO de tout le réseau) car seuls les risques avérés ont été couverts sur la
période de contaminations primaires (peu de protection justifiée sur contaminations secondaires). Cette
stratégie curative systématique reste néanmoins très contraignante et délicate à maitriser pour les
producteurs : délai d’intervention nécessairement court et a fortiori dépendant de la surface du verger à
traiter, conditions météo aléatoires pour la pleine efficacité des produits appliqués, …
Après 4 ans d’application de cette stratégie, la majorité des parcelles ECO présente une fréquence
d’attaque inférieure ou équivalente à PROD, toutes variétés confondues. Ainsi, pour la variété sensible
Judor (Figure 4), seules 3 situations (sur 31 observées) montrent des résultats nettement moins
satisfaisants pour ECO par rapport à PROD sur l’inoculum d’automne (cas du site n°3 en 3ème feuille,
du site n°6 en 4ème feuille 4 et du site n°8 en 1ère feuille). La tendance se confirme également sur fruits,
où la tavelure ne semble pas avoir eu d’incidence sur la récolte (état sanitaire et rendement).
Figure 4 : Pourcentage de pousses tavelées à l’automne pour les parcelles ECO des sites n°1 à 8 selon l’âge du
verger et les années (focus sur la variété sensible Judor). Les points associés à chaque histogramme
représentent les résultats obtenus sur les parcelles PROD.
Il est nécessaire de poursuivre l’expérimentation avant de conclure sur la performance de cette
stratégie à plus long terme. On observe ainsi en 2014 une hausse de la pression tavelure sur Judor sur
la majorité des parcelles, aussi bien dans PROD que dans ECO. En pomme à cidre, il est en effet
fréquent que l’inoculum tavelure ne s’installe que très progressivement. La pression tavelure pouvant
augmenter avec l’âge du verger, il conviendra de voir dans quelle mesure il est possible de poursuivre
une telle réduction de l’usage de fongicides. De plus, une utilisation exclusive de produits à action
curative peut induire des risques de résistances.
2.2.2 Effet du mélange variétal sur la maîtrise de la tavelure
Pour la parcelle en mélange variétal, sans traitement contre la tavelure depuis la plantation, les
observations sur feuilles en fin de contaminations primaires (fin juin - début juillet) montrent que la
maladie s’est répandue à l’ensemble du verger. Aucun contournement ou érosion de la résistance
variétale n’a cependant été mis en évidence entre 2013 et 2015. Il existe de fortes différences de
sensibilité entre les variétés (résultats non présentés ici), Judor étant la variété la plus sensible.
Présente dans les trois parcelles, elle a donc permis d’évaluer l’efficacité des mélanges.
Verger cidricole de demain
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Les statistiques montrent une diminution significative de l’intensité d’attaque à partir de 2014 lorsque
Judor est mélangée sur le rang avec une ou deux autres variétés (diminution respective de -21 % pour
ECO et de -29 % pour ECO+) par rapport à la même variété implantée en pur (parcelle PROD).
Figure 5: Evolution du pourcentage de feuilles tavelées en fin de contaminations primaires entre 2013 et 2015
sur la variété Judor dans les parcelles PROD (témoin non en mélange variétal), ECO (mélange de 3 variétés, 2 à
2 sur le rang) et ECO + (mélange de 6 variété, 3 à 3 sur le rang)
Sur fruits, en 2014, première année de production significative de la parcelle, l’incidence avant récolte
de la maladie sur Judor était significativement plus faible dans la parcelle en mélange ECO que dans le
témoin PROD, avec une réduction moyenne de 23% (pas de différence significative pour la parcelle
ECO +). Même si cette réduction était d’un ordre de grandeur non négligeable, la proportion de fruits
touchés restait élevée (supérieur à 40%). Cependant, dans le contexte de la production cidricole (fruits
transformés), cette présence de taches sur fruits a été sans incidence sur la récolte 2014. La disparition
des effets secondaires de certains fongicides anti-tavelure du fait de leur suppression depuis la
plantation a cependant engendré le développement d’autres maladies. C’est notamment le cas du
chancre, particulièrement présent au printemps 2014 (pression depuis en baisse suite à des traitements
cupriques automnaux) et aussi de l’anthracnose du pommier.
En conclusion, la réduction de maladie sur feuilles et fruits de la variété sensible Judor dans les
parcelles en mélange confirme un premier intérêt des mélanges variétaux dans un itinéraire excluant
tout traitement anti-tavelure. Mais cette tendance demande à être confirmée dans le temps afin de
valider le modèle mathématique. Dans un second temps, il serait intéressant de tester les mélanges
variétaux avec un programme de traitements allégé afin de préciser les performances de ce levier et sa
gestion opérationnelle en exploitation pour réduire les fongicides.
2.2.3 Effet de la réduction d’intrants sur la maîtrise des ravageurs
Outre la suppression de certains traitements précoces (contre l’anthonome, huiles minérales contre les
stades hivernants, etc.), des aphicides et de certains traitements contre le carpocapse, la réduction des
insecticides dans ECO (-61% en moyenne sur les 3 premières feuilles des 6 sites conventionnels)
résulte du remplacement des insecticides de synthèse par des produits de biocontrôle (virus de la
granulose, confusion sexuelle, …).
A. Guerin et al.
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Par ailleurs, plusieurs RDD fixent des seuils de présence pour déclencher une intervention. Pour
l’anthonome, ces seuils n’ont pas encore été atteints faute de pression et compte-tenu de la jeunesse
des vergers. Les traitements n’ont donc pas été réalisés et ce, sans dégât.
Concernant le carpocapse, la lutte contre ce ravageur en contexte cidricole consiste à réduire le
nombre de fruits s’altérant au sol, afin de limiter les problèmes de conservation lors de la récolte. Les
traitements débutent donc lorsque le verger commence à produire significativement. Parallèlement,
dans le contexte climatique du nord-ouest, il existe 1 seule voire 2 générations. De ce fait, le nombre
d’interventions est souvent très limité voire inexistant en verger cidricole. Il apparait alors difficile de
réduire les traitements mais il est possible de jouer sur le choix des produits qui peut moduler l’impact
environnemental. Dans ce contexte, après 3 ans d’études en phase de jeunesse des vergers, peu de
producteurs ont pu changer leurs pratiques dans les systèmes ECO.
Pour le puceron cendré, autre ravageur majeur du pommier cidricole, les interventions sont courantes
en jeune verger compte-tenu des dégâts importants que peut occasionner ce ravageur à ce stade de
développement de l’arbre. Dans ECO, la stratégie retenue est de miser sur la régulation naturelle, via la
mise en place d’infrastructures agro-écologiques pour augmenter la quantité d’auxiliaires et l’élévation
des seuils de traitements pour retarder au maximum les interventions. Entre 2012 et 2014, du fait des
différences de pression de ce ravageur selon les sites et les années, les parcelles ECO n’ont pas
toujours réussi à mettre en œuvre des stratégies de traitements contre le puceron cendré différentes de
celles de PROD. Lorsque les conditions météo et le contexte de production du verger l’ont permis,
l’impact des changements de pratiques dans ECO variait selon les sites et les années. Mais la majorité
des parcelles ECO présentait plus de dégâts que sur les systèmes PROD (Figure 6). Bien que plus
faible, la tendance est similaire pour les systèmes sans changement de pratiques ce qui constitue un
résultat non attendu à approfondir ultérieurement s’il se confirme. Outre l’incidence sur la production
annuelle, il reste à évaluer l’impact sur les arbres à plus long terme.
Figure 6 : Bilan qualitatif 2012-2014 des dégâts de puceron cendré, toutes variétés confondues, sur les sites
ayant pu mettre en œuvre des changements de pratiques dans ECOgauche) ou non (à droite). Résultats pour
les deux modalités : ECO en noir et PROD en gris. Les dégâts ont été estimés par une note d’intensité d’attaque
à l’arbre croisée à une note de fréquence d’arbres attaqués (notes allant de 0 à 3). Le diamètre des cercles est
proportionnel au pourcentage d’attribution de chaque note, indiqué également par le chiffre.
Verger cidricole de demain
Innovations Agronomiques 55 (2017), 273-287 283
2.2.4 Effet de la réduction d’intrants, des changements de pratiques de fertilisation et d’entretien
du sol sur l’état nutritionnel du verger
La mise en place d’alternatives aux herbicides a permis de réduire la valeur de l’IFT herbicide dans les
parcelles conventionnelles (-80% en moyenne sur les 3 premières feuilles), mais nécessite de repenser
la gestion du sol sur le rang. En fonction de son contexte, chaque producteur a opté, dans ECO, pour
l’alternative de son choix : plantation sur bâche (plastique ou tissée), mulch de copeaux de bois,
enherbement, etc. Sur certaines parcelles ECO, la gestion de l’inter-rang se veut également innovante :
implantation de bandes fleuries pour attirer la faune auxiliaire et favoriser la régulation naturelle.
Combinées aux changements de pratiques de fertilisation azotée, ces méthodes alternatives d’entretien
du rang et de l’inter-rang appliquées dans ECO ont induit des différences non négligeables sur l’état
nutritionnel des arbres, exprimé par l’analyse minérale des feuilles (Figure 7), qui ont pu être
préjudiciables à la croissance et au développement des arbres (Figure 8) et/ou des fruits. Sur certaines
parcelles ECO, les couverts végétaux mis en place sur le rang et/ou l’inter-rang, parfois combinés à des
systèmes plantés sur bâche ou sur mulch, ont probablement induit des concurrences hydriques et/ou
azotées sur les jeunes arbres. Des modifications des équilibres minéraux du sol ont aussi pu conduire à
une moindre disponibilité ou à un blocage de l’absorption racinaire de certains composés du sol.
Figure 7 : Teneur foliaire de divers éléments minéraux des 18 systèmes (mesuré 60 jours après floraison et
moyenné sur les 2ème, 3ème à 4ème feuilles) exprimée en pourcentage de la teneur foliaire maximale observée sur
le réseau pour chaque élément: azote total (en haut à gauche), potassium (en haut à droite), magnésium (en bas
à gauche) et calcium (en bas à droite). ECO est en noir et PROD en gris pointillés.
A. Guerin et al.
284 Innovations Agronomiques 55 (2017), 273-287
Figure 8 : Différence du taux d’accroissement des circonférences de troncs dans ECO par rapport à celles dans
PROD, selon l’âge de verger, pour les sites n°1 à 8
2.3 Premier bilan technico-économique
Fin 2015, 5 des 9 vergers du réseau avaient entre 3 et 4 années de production, alors que pour d’autres,
2015 n’était que la deuxième récolte. Ces données permettent néanmoins de tirer un premier bilan
technico-économique basé sur le rendement des parcelles (Figure 9).
Figure 9 : Rendements cumulés pour les 3 variétés des parcelles ECO des sites n°1 à 8 selon l’âge du verger.
Les points associés à chaque histogramme représentent les résultats obtenus sur les parcelles PROD.
Les deux parcelles implantées en 2010 (site n° 1 et 2) ont eu une entrée en production particulièrement
tardive (4ème feuille à la fois pour PROD et ECO). Par conséquence, les rendements cumulés après 3
années de production restent inférieurs aux attentes dans les 2 systèmes et pour les 3 variétés. Les
systèmes ECO sont globalement plus pénalisés sur ces 2 sites.
Pour les sites n°3 à 5 (plantation en 2011), l’entrée en production est plus conforme aux attentes bien
que variable selon les sites et les variétés. Les rendements cumulés de la 3ème feuille à la 5ème feuille,
sont dans la majorité des cas inférieurs dans les systèmes ECO. Cette différence de rendements
cumulés entre PROD et ECO résulte pour l’essentiel des résultats peu satisfaisants des parcelles ECO
50,0
40,0
30,0
20,0
10,0
0,0
10,0
20,0
30,0
1 2 3 4 5 6 7 8
%d'accroissement
1èrefeuille 2èmefeuille 3èmefeuille
Verger cidricole de demain
Innovations Agronomiques 55 (2017), 273-287 285
en 2015 sur plusieurs sites et variétés. En effet, en 3 et 4ème feuilles, les rendements annuels sur les 3
sites et pour les 3 variétés étaient équivalents voire supérieurs à ceux de PROD.
Enfin pour les parcelles plantées en 2012 (sites n°6 à 8), il est plus difficile d’avoir du recul après
seulement 2 années de production et avec une entrée en production qui reste faible et décevante pour
les deux modalités. Sur des tonnages cumulés dépassant rarement 15 tonnes/hectare sur chacun des 3
sites et des 3 variétés, les rendements sont inférieurs dans ECO.
S'ils appellent déjà à la vigilance pour certains sites, ces valeurs de rendement sont bien sûr à préciser
sur plusieurs années, avec la montée en production des arbres et du fait d’un début d’alternance
observé sur certaines parcelles, confirmé par certains taux de floraison (non montrés ici). Par ailleurs
d’autres indicateurs doivent être mobilisés pour évaluer la performance globale (économique et sociale)
des systèmes ECO : coûts des intrants (en fonction de la quantité et de la nature de l’intrant), temps de
travaux, marge brute,…
Les premiers calculs ont ainsi montré que les charges liées aux produits phytosanitaires avaient
diminué de 15 % en moyenne sur les 3 premières feuilles des vergers ECO, avec des différences selon
les produits et les producteurs. Par contre, le coût de la fertilisation augmente pour certaines parcelles
en raison du prix élevé de certains engrais organiques. Des produits phytosanitaires ont aussi été
remplacés par des interventions mécaniques : le temps et le type de travaux effectués ne sont pas les
mêmes entre ECO et PROD. La part de travaux non motorisés a été plus importante dans ECO, suite à
la suppression des herbicides et une substitution par la gestion mécanique de l’enherbement de la ligne
de plantation. Pour réduire l’utilisation des herbicides sur plusieurs années, d’autres producteurs ont fait
le choix de planter sur bâche tissée (durée de vie plus longue que les bâches plastiques plus
couramment utilisées). Ces investissements restent couteux.
Conclusion
Les résultats acquis après 3 ans d’études montrent quelques premières tendances des performances
des systèmes ECO en phase juvénile :
- Un bilan environnemental positif lié à la réduction de toutes les catégories de pesticides, en
particulier les fongicides, et ce sans impact notoire sur la tavelure, principale maladie du pommier
cidricole, à confirmer avec le vieillissement des arbres.
- Une gestion difficile des changements de pratiques de fertilisation et d’entretien du sol qui semblent
impacter négativement la disponibilité de l’eau et des éléments minéraux du sol et pourraient
expliquer les premiers rendements insuffisants et la moindre croissance des arbres observée sur
certains sites ECO.
- L’importance d’un calcul précis, et sur plusieurs années, du ratio rendement coût de production,
seul capable de rendre compte sur le long terme de la performance économique globale de chaque
système. C’est probablement sur l’ajustement de cet équilibre à partir d’indicateurs adéquats que
pourront se définir les systèmes performants de demain.
Basés sur seulement 3 années de relevés en phase d’installation du verger et de début de mise à fruit,
nous considérons aujourd’hui que ces résultats ne sont que partiellement transférables et valorisables
auprès des producteurs. Il est nécessaire de les enrichir en poursuivant l’analyse sur la phase adulte du
verger.
C’est l’objectif de la 2ème phase du projet Verger Cidricole de Demain, lauréat d’un nouvel appel à
projet CASDAR pour la période 2015-2018, qui intégrera la phase de montée en production et l’aval de
la filière en s’intéressant aux aptitudes technologiques des fruits issus de parcelles ECO et à la qualité
des produits finis.
A. Guerin et al.
286 Innovations Agronomiques 55 (2017), 273-287
En parallèle, il est aussi nécessaire de développer des travaux d’expérimentation et de recherche sur le
thème de l’alimentation de l’arbre et de la fertilité des sols pour répondre aux questions soulevées par le
projet sur cette thématique.
Par ailleurs, sur le volet régulation naturelle des ravageurs, tel que le puceron cendré, les premiers
résultats (non présentés ici) attestent d’un potentiel contrôle des populations de pucerons par les
auxiliaires des cultures, favorisé par certaines infrastructures agro-écologiques (bandes fleuries
notamment). Afin de mieux comprendre les processus qui sous-tendent ces interactions
ravageurs/auxiliaires/infrastructures agro-écologiques et fournir des leviers d’actions aux producteurs,
une thèse CIFRE a été initiée par l’IFPC en 2014 sur le sujet en s’appuyant sur le dispositif du projet
Verger Cidricole de Demain et en partenariat avec l’unité Plantes et Systèmes de culture Horticoles de
l’INRA d’Avignon et l’Institut de Génétique, Environnement et Protection des Plantes de Rennes.
Démarrée dès le début du programme, l’évaluation en serre de 88 variétés à cidre sur différents critères
dont la sensibilité à la tavelure confirme la variabilité du matériel végétal disponible. Ces premières
études se poursuivront pour mieux comprendre les interactions génotypes x environnement et
permettront de mieux raisonner le choix du matériel végétal dans les préconisations sur les vergers
cidricoles de demain.
La méthodologie de co-conception des systèmes et de co-analyse des résultats, bien qu’assez
chronophage s’est révélée riche en enseignements et doit être poursuivie. Encore porteuses de
nombreuses interrogations en termes méthodologiques (animation des réunions, modes de prises de
décisions, entretien de la motivation,…), ces approches participatives multi-acteurs permettent de
combiner plusieurs types de savoirs (du savoir basé sur l’observation de terrain au savoir plus
académique), de croiser les points de vue et d’aborder de façon plus efficace des systèmes complexes
tels que les vergers. Ainsi, même si certaines règles de décisions élaborées en début de projet ont subi
quelques évolutions, les principales décisions prises par le groupe se sont révélées pertinentes.
Enfin, outre l’acquisition de références sur des systèmes cidricoles « économes en intrants », le projet a
également permis la production d’un certain nombre d’outils génériques (base de données, liste
d’indicateurs et d’outils retenus pour évaluer les parcelles, méthodologie…) qui pourront être
remobilisés par l’ensemble de la filière arboriculture et/ou dans le cadre d’autres essais systèmes en
cultures pérennes.
Remerciements
Ce projet a reçu le soutien financier du CASDAR, des régions Bretagne, Normandie, Pays de la Loire,
et de l’Unicid.
Références bibliographiques
Bockstaller C., Girardin P., 2008. Mode de calcul des indicateurs agri-environnementaux de la
méthode INDIGO. UMR Nancy-Université-INRA Agronomie et Environnement Nancy-Colmar.
Didelot F., Brun L., Parisi L., 2007. Effects of cultivar mixtures on scab control in apple orchards. Plant
Pathology 56, 1014-1022.
Griffith P., 2004. Construction d’un tableau de bord arbo-environnemental à partir de la méthode
INDIGO. UMR INPL- INRA Agronomie et Environnement Nancy-Colmar.
Kovach J., Petzoldt C., Degni J., Tette J., 1992. A method to measure the environmental impact of
pesticides. New York’s Food and Life Sciences Bulletin 39, 1–8.
Meynard, J.M., 2012. La reconception est en marche ! Innovations Agronomiques 20, 143-153.
Samuel O., Dion S., St-Laurent L., April M.-H., 2012. Indicateur de risque des pesticides du Québec
IRPeQ Santé et environnement [en ligne]. Québec : ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de
Verger cidricole de demain
Innovations Agronomiques 55 (2017), 273-287 287
l’Alimentation/ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs/Institut national
de santé publique du Québec, 48 p.
Simon S., Plénet D., Alaphilippe A., Guillermin P., 2014. Méthodologie de l’approche système en
arboriculture. INRA, 24 pages.
Annexe 1 - Cahier des charges PFI en production de pomme à cidre
La production fruitière intégrée est un système de production mettant en œuvre un ensemble de
techniques culturales prenant en compte les potentialités locales et satisfaisant les exigences
écologiques, économiques et sanitaires en vue d’obtenir une récolte de qualité optimale.
Au début des années 90, l’IFPC a mis en place des essais visant à adapter le concept PFI dans le
contexte du verger cidricole.
Rédigé par un groupe de travail constitué des conseillers techniques de terrain et l’IFPC, et validé par
les professionnels, le cahier des charges donne des définitions, propose des objectifs, impose des
obligations et mentionne des recommandations. L’ensemble vise à donner aux professionnels les
éléments techniques pour garantir une production de fruits de qualité appropriée aux besoins de la
transformation. Ces éléments sont déclinés en thématiques : implantation du verger, entretien du sol,
fertilisation, conduite de l’arbre, éclaircissage, gestion des bioagresseurs et récolte.
Centré sur le respect de l’environnement, ce cahier des charges correspond aux règles de production
dont les partenaires de la filière ont décidé de se doter dans le cadre des approches « agriculture
raisonnée ». Son actualisation annuelle permet de prendre en compte les évolutions et acquis
techniques nouveaux qui vont concourir aux objectifs. Par une démarche volontaire, le producteur
s’engage à respecter 3 principes : la Production de fruits de qualité, le recours à des pratiques
respectueuses de l’environnement et la traçabilité
Cet article est publié sous la licence Creative Commons (CC BY-NC-ND 3.0)
https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/fr/
Pour la citation et la reproduction de cet article, mentionner obligatoirement le titre de l'article, le nom de tous les
auteurs, la mention de sa publication dans la revue « Innovations Agronomiques », la date de sa publication, et
son URL)
... Le projet a aussi produit un certain nombre d'outils génériques et remobilisables par d'autres filières arboricoles et essais systèmes en cultures pérennes : Pour faire adopter ces systèmes bas-intrants par les acteurs de la filière, les résultats du projet ont été diffusés via différents canaux : journées techniques sur les parcelles du réseau, articles de revues techniques, scientifiques Guerin et al., 2017) Par la promotion de l'approche système, ce programme a aussi fait évoluer les compétences des conseillers cidricoles pour toujours mieux accompagner les cidriculteurs vers la transition agroécologique et les aider à lever certains freins pour qu'ils aient les moyens techniques d'atteindre leurs objectifs ambitieux de multiple performance. ...
Article
Full-text available
Durant 6 ans, le programme Verger Cidricole de Demain a expérimenté 9 vergers de pommiers à cidre bas-intrants « ECO », implantés chez 9 cidriculteurs du Nord-Ouest de la France. En comparaison à 9 vergers témoin « PROD », le projet visait à évaluer la faisabilité technique et les performances économiques, environnementales, sociales et agronomiques de ces vergers prototypes, où des pratiques culturales ont été combinées dans une approche dite « système ». Grâce à l’enregistrement de près de 40 000 données, des références technico-économiques ont été acquises sur les moyens permettant de réduire les intrants en jeune verger, notamment l’emploi des produits phytosanitaires. Les 9 systèmes « ECO » ont atteint une réduction moyenne des IFT hors biocontrôle de 48%. Combinées aux changements de pratiques de fertilisation et de couverture sur l’inter-rang (implantation de bandes fleuries), les méthodes alternatives au désherbage chimique du rang testées semblent davantage pénaliser l’entrée en production des systèmes « ECO » que la réduction des fongicides et des insecticides. En revanche, les stratégies alternatives testées contre la tavelure ont permis de réduire significativement les IFT fongicides sans conséquence pour la production des vergers « ECO ». Des itinéraires techniques viables à plus bas intrants restent donc possibles en verger cidricole à conditions d’optimiser certains leviers et leur combinaison, parmi lesquels : la génétique (résistance variétale et porte-greffes adaptés), la prophylaxie, le biocontrôle, l’efficience (outils d’aide à la décision et seuils d’intervention), la protection physique (bâche tissée ou mulch de copeaux de bois sur le rang associé à une fertilisation optimale), la lutte biologique (par conservation via l’implantation de bandes fleuries).
Thesis
Full-text available
Sells of industrial and artisanal cider are currently growing. More and more cider orchards are being planted. Apple prices remain stable. At the same time, the socio-environmental background so as regulations urge the cider industry to reduce its environmental footprint. Therefore, the IFPC has carried out the Verger Cidricole de Demain program. This project aims at designing and assessing orchards with both high economic and environmental performances, before being offered to farmers. Nine experimental orchards have been planted at nine producers, located from the Upper-Normandy to Brittany. Each orchard plot is divided in two modalities: an innovative system compared with a control system, managed with the usual practices of the grower. This experiment does not aim at testing the individual effect of practices. It aims at evaluating the economic and environmental viability of the whole system in its context (“system approach”). Orchards were established between 2010 and 2012. Economic, environmental and agronomic evaluations have been done. The agronomic evaluation, topic of this report, targets the understanding of yield and growth-determining factors, in order to identify the impact of the practices on the agronomic results. The main interest of this experimentation is to consider the interactions between factors, in order to consider systems such as complex entities. Thus, a group of hypothesis was formulated, based on technical and scientific references. After confronting the hypothesis with the data of our study, a few one were selected to be validated. First, a confidence rate and a validity area were attributed to each hypothesis. Depending on this validity area, different methods were used to test each hypothesis and improve its confidence level. For hypothesis with a validity area at the network scale, linear regression was performed to confirm the effect of some of the factors. Before modelling, correlations tests and principal component analysis were carried out to study the determining factors and reduce their number. For hypothesis only valid on a few plots, no generic method was found. Finally, it still remained a few hypothesis that could not been studied with the cases we have 1) either because the hypothesis concerns one plot; 2) or because the effect of the factors can be mixed with other factors. These hypothesis were studied thanks to a factorial experimentation. Links to the orchard management operations were seldom made. Among the hypothesis validated with a high rate of confidence, one showed a negative interaction between 2 type of weed control managements: the combination of a row covered with a woven plastic mulch and a not-mowing drive-alley disturbs the root development of the tree. Another hypothesis allowed showing the application of an organic fertilizer before orchard plantation can ensure sufficient nitrates for the trees, if temperature is high enough and if the competition between the row and the drive-alley is reduced. This study also allowed confirming relations between nutrients (Mg/K, Mg/Ca, K/N) and the importance of the management of the cation exchange capacity on the bioavailability of potassium and magnesium for the apple tree.
Article
The effects of two mixtures of resistant and susceptible apple cultivars on the development of scab caused by Venturia inequalis were observed in an experimental orchard over four years, initially for two years without fungicides against scab, and subsequently for two years with a moderate fungicide schedule. The row-by-row and within-row mixtures included a susceptible cultivar and a resistant cultivar in equal proportions. Without fungicides, the results showed a significant reduction of disease incidence over both years (7·3 to 21·3%), and severity in the second year (35·4%) in the within-row mixtures, compared to the monoculture of the susceptible cultivar. The best results were obtained when the within-row mixture was associated with moderate fungicide treatments; in this case the reduction in disease incidence reached 75·1% on leaves and 69·7% on fruits during the growth phase. The characteristics of the Venturia inaequalis/Malus × domestica pathosystem and the results obtained in this experiment suggest a moderate but not negligible ability of cultivar mixtures for reducing epidemics of the disease.
Mode de calcul des indicateurs agri-environnementaux de la méthode INDIGO
  • C Bockstaller
  • P Girardin
Bockstaller C., Girardin P., 2008. Mode de calcul des indicateurs agri-environnementaux de la méthode INDIGO. UMR Nancy-Université-INRA Agronomie et Environnement Nancy-Colmar.
Construction d'un tableau de bord arbo-environnemental à partir de la méthode INDIGO
  • P Griffith
Griffith P., 2004. Construction d'un tableau de bord arbo-environnemental à partir de la méthode INDIGO. UMR INPL-INRA Agronomie et Environnement Nancy-Colmar.
La reconception est en marche !
  • J M Meynard
Meynard, J.M., 2012. La reconception est en marche ! Innovations Agronomiques 20, 143-153.
Indicateur de risque des pesticides du QuébecIRPeQ-Santé et environnement
  • O Samuel
  • S Dion
  • L St-Laurent
  • M.-H April
Samuel O., Dion S., St-Laurent L., April M.-H., 2012. Indicateur de risque des pesticides du QuébecIRPeQ-Santé et environnement [en ligne]. Québec : ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de
Québec : ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation/ministère du Développement durable
  • O Samuel
  • S Dion
  • L St-Laurent
  • M.-H April
Samuel O., Dion S., St-Laurent L., April M.-H., 2012. Indicateur de risque des pesticides du Québec -IRPeQ -Santé et environnement [en ligne]. Québec : ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation/ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs/Institut national de santé publique du Québec, 48 p.
Méthodologie de l'approche système en arboriculture. INRA, 24 pages. prenant en compte les potentialités locales et satisfaisant les exigences écologiques, économiques et sanitaires en vue d'obtenir une récolte de qualité optimale
  • S Simon
  • D Plénet
  • A Alaphilippe
  • P Guillermin
Simon S., Plénet D., Alaphilippe A., Guillermin P., 2014. Méthodologie de l'approche système en arboriculture. INRA, 24 pages. prenant en compte les potentialités locales et satisfaisant les exigences écologiques, économiques et sanitaires en vue d'obtenir une récolte de qualité optimale.