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Les marges de la Numidie romaine à la lumière d’une nouvelle inscription des Monts des Ouled Naïl

Authors:

Abstract and Figures

This publication deals with a new inscription found on the eastern limit of the Ouled Naïl mountains (western part of the Aurès Moutains, Saharian Atlas). Only a part of the text was preserved. It honored an emperor whose name was erased (probably Elagabalus) and his family. The blank makes the identification of the author of the inscription difficult, but it is most probably a military signature. The study of this new text enlightens us on the Roman stay in this area as it completes older data showing a direct route on the El Cahra / Messaad axis existed, linking the Djedi Oued eastern basin to the Aïn Errich basin. This work focuses on the rural distribution of an area in Numidia with an environmental context closer to the western mountains than to the Aurès Moutains piedmont, where a settlement of a sedentary transhumant population (towards the Hodna River or the Oued Djedi valley) thrived.
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Antiquités africaines, 51, 2015, p.
Les marges de La Numidie romaiNe à La Lumière
duNe NouveLLe iNscriptioN des moNts
des ouLed NaïL
Patrice Faure* et Philippe Leveau**
Mots-clés : Monts des Ouled Naïl ; Numidie ; épigraphie ; armée
romaine; Sévères; frontières; sédentarisme; transhumance.
Résumé : Le point de départ de cet article est la publication d’une
inscription provenant d’un site du versant oriental du chaînon qui
limite à l’est le massif des Ouled Naïl (partie de l’Atlas saharien
situé à l’ouest de l’Aurès). Le nouveau texte, seulement partiellement
conservé, fut rédigé pour la sauvegarde (pro salute) d’un empereur
au nom martelé – très probablement Élagabal – honoré avec sa
famille (domus diuina eius). La lacune empêche de connaître
avec certitude le ou les auteurs de l’inscription, mais une signature
militaire est l’hypothèse la plus probable. La mise en contexte
géographique et archéologique de ce document épigraphique
permet de nouvelles interprétations sur la présence romaine dans
la région. En effet, la position du lieu de découverte complète les
données existantes qui témoignent d’une liaison directe entre le
bassin oriental de l’oued Djedi et le bassin d’Aïn Errich sur l’axe El
Gahra / Messaad. La publication de cette inscription offre également
l’occasion de souligner les spécificités de l’occupation rurale dans
un secteur de Numidie où les conditions environnementales sont
plus proches de celles des massifs de l’ouest que de celles du
piémont de l’Aurès. La relecture du dossier restitue un peuplement
de sédentaires transhumant depuis le massif, soit vers le Hodna, soit
dans la vallée moyenne de l’oued Djedi.
Keywords: Ouled Naïl Mountains; Numidia; epigraphy; Roman
army; Severan dynasty; frontiers; settlement; transhumance.
Abstract: This publication deals with a new inscription found
on the eastern limit of the Ouled Naïl mountains (western
part of the Aurès Moutains, Saharian Atlas). Only a part of the
text was preserved. It honored an emperor whose name was
erased (probably Elagabalus) and his family. The blank makes
the identification of the author of the inscription difficult,
but it is most probably a military signature. The study of this
new text enlightens us on the Roman stay in this area as it
completes older data showing a direct route on the El Gahra /
Messaad axis existed, linking the Djedi Oued eastern basin to
the Aïn Errich basin. This work focuses on the rural distribution
of an area in Numidia with an environmental context closer to
the western mountains than to the Aurès Moutains piedmont,
where a settlement of a sedentary transhumant population
(towards the Hodna River or the Oued Djedi valley) thrived.
À partir des toutes dernières années du IIesiècle, l’Afrique
du Nord, mais également lArabie, la Syrie, la Mésopotamie
et d’autres régions encore, connurent les effets d’un volon-
tarisme impérial qui chercha à affermir la légitimité de la
nouvelle dynastie sévérienne, tout en prolongeant souvent
les avancées effectuées localement durant les décennies
antérieures1. Non content d’avoir institué, dans le courant de
son règne, une province de Numidie dont le gouverneur fut
un légat d’Auguste propréteur (par ailleurs commandant de
Université Jean-Moulin Lyon 3, HiSoMA – UMR 5189 du CNRS.
∗∗ Aix-Marseille Université, CCJ – UMR 7299 du CNRS.
Tous nos remerciements à Fabrice Delrieux, qui a bien voulu dessiner
les figures 1 et 4.
1. À ce sujet, voir C J.-M. et R A., Empire romain,
1998, p. 82-84 ; C M., Empire romain, 2006, p. 25-28 ;
S M.A., Ein Bollwerk, 2007.
la IIIe légion Auguste), Septime Sévère étendit le contrôle
de l’armée romaine dans deux directions principales2.
Au sud-est, des postes militaires furent établis dans le
prédésert de Tripolitaine : Bu Njem, Ghadamès et Gheriat
el-Gharbia en sont les témoins les plus fameux3. Là, très à
l’est de Lambèse, l’autorité du légat de Numidie s’exerça sur
une écharpe de terre qui doubla celle du littoral, placée sous
2. La progression territoriale fut notamment orchestrée par Q.Anicius
Faustus, légat de 197 à 201. Sur cette avancée et sur la création de la
province de Numidie sous Septime Sévère, voir L B Y., Troisième
légion, 1989, p.391-401; C M., Empire romain, 2006, p.27.
3. L B Y., Troisième légion, 1989, p. 441-450. Sur la
présence militaire romaine à Bu Njem, voir notamment R
R., Armée romaine à Gholaia, 2000, p. 227-259 ; M
M., Mannschaftsunterkünfte, 2008, p. 271-306. Sur les recherches
récentes à Gheriat el-Gharbia : M M., Das severische
Vexillationskastell, 2010, p.363-458.
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l’autoritédu proconsul d’Afrique. À l’autre extrémité de la
Numidie, au sud-ouest, l’expansion se déploya en direction
des monts des Ouled Naïl (fig.1)4.
On doit à G.-Ch.Picard la dernière enquête archéologique
et épigraphique sur la région à lépoque romaine. Son attention
avait essentiellement porté sur le Castellum Dimmidi, dont il
avait fait la fouille5. Mais durant son séjour, il parcourut
également la région avoisinante avec larchitecte J.Meunier et
descendit plus au sud vers Laghouat, à la recherche de possibles
traces d’une présence romaine. Il mit à profit sa connaissance
de la région dans l’utilisation des enquêtes des brigades
topographiques, consignées par S.Gsell dans ses commen-
taires de la feuille 47 de l’Atlas archéologique de l’Algérie6.
S.Gsell et G.-Ch.Picard citent en particulier une dédicace
4. L J.-P., Confins méridionaux, 2014. Sur sa carte du
nomadisme et de la sédentarisation, L J.-M., Ubique populus,
1977, 352, situe la région au sud du versant saharien, dans les régions
d’altitude inférieure à 500m.
5. P G.-Ch., Castellum Dimmidi, 1947, p.17-43.
6. G S., AAA, 1911, f°47; P G.-Ch., Castellum Dimmidi,
1947, p.49-66.
gravée par le légionnaire C. Iulius Hospes sur « une des
cimes du Bou Khalil ». Repérée à l’occasion d’un raid de
l’armée française, cette inscription fut décrite comme gravée
sur une épaisse dalle posée à plat au sommet du Kef el
Hameur (Pic Rouge), d’où l’on domine la vallée de l’oued
Djedi au sud et la plaine de Mahagen au nord, en rive droite
de l’oued Romra7. S.Gsell fut néanmoins bien en peine de
replacer précisément cette découverte sur le feuillet de son
Atlas consacré à la région d’Aïn Errich8.
7. CIL, VIII, 8794: C(aius) Iulius / Hospes, / leg(ionis) III Aug(ustae) /
sacrum / fecit. Le texte a été trouvé et copié par un certain Reboud, «aide-
major à Djelfa» (voir B L.A., Les Romains, 1858, p.276-277).
Il semble préférable de développer le terme legio au génitif plutôt qu’au
datif (contra Berbrugger). Il est possible qu’un grade ait été précisé juste
avant ce mot (L B Y., Troisième légion, 1989, p.320: «peut-être un
gradé», sans exclure un datif pour legio). On pourrait penser par exemple
à celui de centurion (ainsi L.Renier dans les Inscriptions romaines de
l’Algérie 4265, suivi par G S., AAA, 1911, f°47, n°22), indiqué par
un signe susceptible d’échapper parfois à une lecture rapide ou non avertie.
Mais faute d’avoir vu la pierre, la prudence s’impose.
8. G S., AAA, 1911, f° 47, n°22. Nous avons adopté la graphie
actuelle Aïn Errich pour l’ancien Aïn Rich et Messaad pour Messad.
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Fig. 1: Le sud-est de la Numidie et les confins maurétaniens. La nouvelle inscription a été signalée à hauteur d’Oum el Grad.
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Le même problème se répète pour une inscription inédite
relevée dans le même massif par le Père de Villaret, au cours
d’une de ses prospections dans la région des Ouled Naïl9.
Compte tenu de la rareté de la documentation épigraphique
disponible sur ce secteur, il nous a paru utile de faire connaître
ce texte, l’un s’attachant plus particulièrement à son examen
épigraphique, lautre à son contexte. Le document offre ainsi
l’occasion de reconsidérer un secteur resté un peu en marge
des recherches récentes sur les confins de l’Afrique romaine.
La publication que nous en faisons a pour objectif d’éclairer
l’histoire d’une région que nous envisagerons autrement que
comme une simple marge militaire de l’Empire romain.
i. Le coNtexte de La découverte
1. Le site et sa région
Situés dans le prolongement des monts des Ksour et
du Djebel Amour, les monts des Ouled Naïl forment
le plus oriental des trois faisceaux de plis d’orientation
sud-ouest/nord de l’Atlas saharien, dont les monts du Zab
assurent la continuité vers le nord-est et l’Aurès (fig. 1). Le
massif s’allonge sur près de 180km entre la dépression du
Hodna (alt. 400 m), les Salinae Tubunenses des Anciens,
qu’il domine au nord, et l’oasis de Laghouat au sud. Il se
présente lui-même comme un faisceau de chaînons anti-
clinaux formant des rides régulières orientées sud-ouest/
nord-est qui encadrent des bassins synclinaux élargis par
9. Le Père François Gilles de la Perrière de Villaret (1913-2006),
membre des Missionnaires d’Afrique (plus connus sous le nom de
« Pères Blancs »), a passé un demi-siècle avec les populations du
Sahara, dans la région de Djelfa. Il a prêté son concours à H. Lhote
dans les prospections préparatoires à la publication d’un inventaire
des gravures rupestres de cette région (L H., Gravures rupestres,
1984). C’est lui qui a fourni à Ph.Leveau une photographie de l’ins-
cription étudiée ici.
l’érosion (fig. 2). Ces chaînons se déploient à des altitudes
qui atteignent 1400 à 1500 m sur 90km entre les Djebels
Sahari à l’ouest et Bou Kahil à l’est. De ce côté, il domine la
dépression de loued Djedi qui, descendu du Djebel Amour,
décrit vers l’est une courbe aboutissant au-delà de Biskra
dans le Chott Melghir. Cette profonde dépression dont le
fond se situe 35m en dessous du niveau marin a été assimilée
au Nigris flumen, dont Pline l’Ancien précise qu’il sépare
les Gétules des Éthiopiens (flumen Nigris, qui Africam ab
Aethiopia dirimit)10. Lattention sest portée sur son cours
oriental correspondant au secteur du fossatum Africae,
un inféro-flux alimenté par les oueds descendant de l’Atlas
saharien et de l’Aurès explique les oasis de Biskra et des
Ouled Djellal. Mais la partie centrale de son cours depuis le
piémont du Djebel Amour qui bénéficiait de ces écoulements
offrait des pâturages d’hiver aux éleveurs des Ouled Naïl et
du Djebel Amour.
Cette partie de l’Atlas saharien appartient à une zone
comprise entre les isohyètes 400 mm, limite des cultures
céréalières en culture sèche, et 100 mm, limite méridio-
nale de l’extension de l’alfa, qui caractérise la steppe des
Hautes-Plaines algéro-marocaines. Grâce à l’altitude, une
pluviométrie un peu plus élevée que sur les Hautes Plaines
du nord permet le développement de forêts de pins d’Alep,
de genévriers et de thuyas. Mais les précipitations atmos-
phériques sont irrégulières. Ainsi Djelfa, qui reçoit une
moyenne de lordre de 318mm de précipitations, nen a reçu
que 90mm en 1913, alors qu’en 1983 la tranche d’eau s’est
élevée au chiffre considérable de 775 mm. Dans ces condi-
tions, les écoulements superficiels épisodiques des oueds
ont moins d’importance pour les populations de ces steppes
que les écoulements par inféroflux qui persistent durant les
longues périodes de sécheresse. Leur qualification impropre
10. Thèse admise par D J., Pline l’Ancien, 1980, p. 346-349,
mais rejetée par P G.-Ch., Castellum Dimmidi, 1947, p. 22-31.
Voir Pline l’Ancien, Histoire Naturelle, V, 30; V, 44; V, 52-53; VIII, 77.
Fig.2: Profil des Monts des Ouled-Naïl entre le Zahrez Chergui (nord-ouest)
et la vallée de l’Oued Djedi (sud- est).
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de «cours d’eau souterrains », quexplique leur disparition
dans certaines sections de leur vallée, vient de ce qu’en
dehors des périodes de crues, les eaux filtrent au travers
des cailloutis, des limons et des sables qui en ont envahi les
lits, tel l’oued Chaïr dans une partie du bassin d’Aïn Errich.
De ce fait dans ces vallées, les talwegs ne sont marqués que
dans les parties amont et à la traversée de rides anticlinales
par des cluses, comme l’oued Demmed à l’aval de Messaad.
Le réseau hydrographique s’organise à partir de la région de
Djelfa (alt. 1140m), où se situe la principale zone de diver-
gence des oueds vers les trois dépressions qui l’encadrent: les
Zahrez Cherghi et Rahrbi au nord-est, la cuvette du Hodna
au nord-est, la vallée de l’oued Djedi au sud-est.
La bordure orientale du massif où se trouve le site qui nous
occupe est constituée de la série des chaînons qui en forment
la bordure saharienne. Le plus important est, au sud, le Djebel
Bou Kahil que G.-Ch.Picard décrit comme «un bloc calcaire
de 1400m de haut et de 60km de long, aux cimes multiples»,
qui présente une «pente relativement douce vers le nord» et
«retombe au sud en un à pic de 500m sur un large val orienté
comme la montagne, du sud-ouest au nord-est; une crête aiguë
sépare seule cette dépression de la plaine de l’oued Djedi, à
plus de 100m en contrebas»11. À la hauteur d’Aïn Errich, ce
chaînon est relayé vers le nord par le Djebel Zerga qui culmine
encore au-dessus de 1200 m. Puis l’altitude des chaînons
s’abaisse et leur longueur diminue jusquaux monts du Zab qui
en assurent la continuité avec l’Aurès.
Dans sa partie septentrionale, cette série de chaînons est
longée par le réseau de l’oued Chaïr qui en écoule les eaux
vers le Hodna. C’est dans cette vallée qu’ont été découvertes
les inscriptions qui permettent d’identifier une présence
militaire à El Gahra. De là une route passait par Aïn Errich
11. P G.-Ch., Castellum Dimmidi, 1947, p.18.
et se dirigeait vers le sud-ouest, vers Messaad. Les points 22
et 23 où l’Atlas archéologique signale des vestiges antiques
se situent à lentrée et à la sortie de la cluse par laquelle loued
Kef el Ahmar traverse les deux chaînons parallèles du Djebel
Bou Kahil (fig.3). Le point 23 est à l’entrée nord-ouest du
défilé d’Aïn Kahla qui donne accès au couloir qui les sépare.
Le point 22 est positionné 8 km au sud-est à sa sortie,
encontrebas du Kef el Ahmar, qui pourrait être le sommet où
fut découverte la dédicace de C. Iulius Hospes citée précé-
demment. L’oued qui a pris ce nom est un affluent de l’oued
el Djorf et un sous-affluent de l’oued Djedi. Mais aucune
piste importante n’utilise ce passage pour rejoindre la grande
dépression de loued Djedi. La route continuait ensuite vers le
sud le long de la «crête aiguë» qu’est le Djebel es Sba, que
l’oued Demmed franchit par une cluse à hauteur de Messaad.
Elle suivait le «long couloir, passage du Sahara au Hodna»
décrit par G.-Ch. Picard12. Messaad, Castellum Dimidi
(alt.75m), ultime point de la présence militaire romaine, doit
à son camp d’avoir fait l’objet de fouilles. Mais ce n’est pas le
seul site où une présence romaine est attestée le long de cette
route. S.Gsell termine le commentaire de la carte n°47 par
l’énumération d’une série de sites: Amoura où existent les
vestiges d’un village berbère (Dalaat al Laharh), ainsi que
d’autres villages habités par des sédentaires jusqu’à l’oasis
de Laghouat. G.-Ch. Picard considérait qu’il était douteux
que les Romains l’aient négligé. Il avait effectué sur certains
d’entre eux des prospections qui ouvraient des pistes sans
donner cependant de résultats probants (fig.4)13.
12. Ibid., p.62-63. G S., AAA, 1911, f°47, n°23.
13. P G.-Ch, Castellum Dimmidi, 1947, p.63-65.
Fig.3: Carte de l’occupation romaine (d’après Picard G .-Ch., Castellum Dimmidi, 1947, p. 50, fig. 5).
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Antiquités africaines, 51, 2015, p.
D’après les quelques informations données par le Père
de Villaret, la nouvelle inscription a été découverte dans
une gorge, à hauteur des points nos17 et 18 de la feuille
n°47 de l’Atlas archéologique de l’Algérie (fig.3). S.Gsell
les décrivait ainsi: « à l’O.-N.-O. dAïn Oum el Grad, sur
les deux rives de loued el Krarroub, à l’entrée d’une gorge
ouvrant l’accès de la plaine d’Aïn Errich, deux mechtas
arabes, construites sur l’emplacement et avec les matériaux
de ruines romaines : Toussaint, l. c. Peut-être y avait-il là
un ou deux postes avancés, surveillant le passage14 ». Un
examen de la carte au 200 000e Aïn Rich révisée en 1932
(fig. 5, avec fig.6 le même secteur visible aujourd’hui sur
Google Earth) permet d’identifier l’emplacement des deux
sites au débouché de la gorge, 2,5km à l’ouest d’Aïn Oum el
Grad. Mais il ne confirme pas la lecture très militaire que le
commandant Toussaint donne du terrain.
14. G S., AAA, 1911, f°47, nos17-18.
En effet loued el Krarroub collecte les eaux d’un vallon
orienté sud-ouest / nord-est que lérosion différentielle a
creusé entre le Djebel Tafeguenane, qui limite le bassin d’Aïn
Rich et le Djebel Teleïla (fig.3 et 5). Il fait un coude de 90°
vers le sud à son extrémité pour traverser dans une cluse
le Djebel Teleïla large de 5km à cet endroit. Aucune piste
importante n’emprunte aujourd’hui le passage que signalait le
commandant Toussaint. Actuellement, la piste qui franchit la
crête du Djebel Serfaga (qui culmine à 1016m) passe 15km
au nord par le Teniet (col) el Beida. La position des points 17
et 18 est en fait analogue à celle du point 22 décrite plus haut.
Dans le contexte d’aridité qui caractérise la région, le Djebel
Teleïla et son piémont sud se distinguent comme un secteur
plus favorable à limplantation de villages sédentaires. Sur
la carte, une zone de broussailles recouvrait cette montagne.
Elle semble avoir disparu. Mais un ruban de verdure souligne
les sinuosités de la gorge. Par ailleurs sur le piémont nord-
ouest du Djebel Serfaga, on distingue nettement un parcel-
laire fossile à l’aval duquel se développe actuellement une
zone de culture. Sur son versant sud-est, la présence de
sources est signalée par le toponyme Aïne (Ae). En revanche,
FDx
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vers Messaad
et Laghouat
vers Bou Saada
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Fig. 4 : Carte de la partie orientale des Ouled Naïl (à partir de Gsell S., AAA, 1911, f° 47). Les sites mentionnés par Gsell ont été reportés.
Des sites « romains » sont connus dans cinq secteurs : El Gahra (1, 2 et 3), Aïn Errich (8 et 9), oued Kef El Hammar (22 et 23), Oum el
Grad (haute vallée de l’oued el Krarroub : l’étoile signale le lieu de découverte de la nouvelle inscription, entre les points 17 et 18)
et Koudiat el Goléa, au sud du Djebel Groun el Kebch (19). Tous les autres points alors connus sont des bazinas d’âge indéterminé.
Les sites réputés islamiques (RA) ne sont pas relevés.
130
Antiquités africaines, 51, 2015, p.
le piémont oriental de cette partie du chaînon ne présente pas
de traces de mise en culture comparables à celles qui sont
observables du côté du bassin dAïn Errich-Aïn Mellah, à
l’exception de quelques champs cultivés.
Vers l’est, l’oued el Krarroub collecte les eaux des oueds
d’un piémont entrecoupé de collines qui s’abaisse progressive-
ment vers la grande dépression qui borde cette partie de l’Atlas
saharien. Il traverse en gorge les Djebels el Caïd, puis Hamara
et, sous le nom d’oued el Abiod, rejoint l’oued Djedi 40km
au sud-est, à la cote 270m. Le commandant Toussaint avait
relevé à une vingtaine de kilomètres à l’est d’n Oum el Grad
une ruine romaine (n° 19), à Koudiat el Goléa, sur un vallon
isolé dominant la plaine entre les Djebels el Caïd et Groun el
Kebch, à l’ouest de l’oued El Abiod (fig.3). S.Gsell y voyait
«le bordj d’un chef indigène vassal de Rome» ou, comme le
pensait le commandant Toussaint «un avant poste surveillant
la plaine entre le Djebel Groun el Kebch et le Djebel Hamara
et commandant le défilé de l’oued Krouane entre l’oued Chaïr
et El Gahra». Les oueds Krouane et el Krarroub se rejoignent
bien à l’amont de la gorge de Zeboudjane à l’aval de laquelle
débute l’oued elAbiod. Le site de Koudiat el Goléa est parfai-
tement à sa place à proximité d’un itinéraire reliant la vallée
de l’oued Djedi à celle de l’oued Chaïr, qu’empruntait la route
directe entre El Gahra, Aïn Errich et Messaad. Situé au nord-
ouest du chaînon, cet axe joua un rôle particulier dans la pro-
gression militaire romaine15.
2. L’expansion romaine sous Les antonins
et Les sévères
Dans la conclusion de ses deux articles consacrés à l’action
militaire des Sévères en Maurétanie, P. Salama déplorait
que l’on ne puisse « apprécier dans quelle mesure cette
énergique entreprise a pu trouver ses bases dans les archives
militaires et administratives de lépoque des Antonins »16.
15. F E.W.B. , Numidia, 1979, p.114.
16. S P., Nouveaux témoignages, 1955, p.355. Voir déjà I.,
Nouveaux témoignages, 1953.
Fig.5: Localisation des deux sites de «ruines» d’Oum el Grad, lieu de découverte de l’inscription (extrait de la carte IGN au 20000 0e, f°
AïnRich révisée en 1932, complétée par une échelle kilométrique en haut, à gauche).
131
Antiquités africaines, 51, 2015, p.
Dans la partie nord-ouest des Ouled Naïl, il ne connaissait
que Medjedel, au débouché de la vallée de l’oued du même
nom dans la cuvette du Zahrez Chergui, qui suit une route
allant de Djelfa vers Bou Saada et vers le Hodna (fig.1)17.
Un fragment inscrit y attestait la présence d’une cohorte
anonyme en 14918. Le plan qu’il en a levé montre que le camp
qui était connu à Hammam Charef, au sud-ouest du massif, à
hauteur de Djelfa, avait également été construit sous Antonin.
Sa typologie le rattache en effet à Tocolosida, Sadouri,
Gemellae, Ad Maiores, Remada... et divers fragments inscrits
justifient une datation en 14219.
Le Djebel Amour qui prolonge lAtlas saharien à l’ouest
des Ouled Naïl n’a pas été inclus par S.Gsell dans son Atlas.
On n’y connaît aucune installation militaire stable, mais à
El Agueneb a été découverte une dédicace à un génie local
17. G S., AAA, 1911, f°35, entre les nos207 et 208.
18. AÉ, 1938, 51 = , 1991, 1705.
19. G S., AAA, 1911, f° 46, n° 41 ; S P., Quelques
incursions, 1991, p.94, fig.1.
Thasuni, gravée en 174 et dont l’interprétation est débattue.
Cette divinité porte un nom féminin (préfixe Tha-) formé sur
une racine pan-berbère20. Le texte mentionne des militaires
appartenant à la cohors VI Commagenorum et l’ala Flauia,
ainsi qu’un centurion de la IIIe légion Auguste, Catulus,
tout récemment promu depuis le décurionat auxiliaire21.
Le site est au cœur du massif, sur son versant nord, dans le
secteur qui bénéficie de précipitations relativement abon-
dantes. Emmagasinées dans les sables et les grès du substrat,
celles-ci entretiennent des sources qui alimentent trois des
oueds importants d’Algérie: le Chélif dont l’oued Touil est la
branche supérieure, l’oued Mzi qui est celle de loued Djedi
et coule vers lest, l’oued Zergoun qui se perd au sud dans les
sables. G.-Ch. Picard, qui lui avait consacré un long com-
mentaire, pensait que la dédicace avait été gravée au retour
d’une expédition qui avait mené les militaires sur les Hauts
20. Renseignement S.Chaker, que nous remercions.
21. CIL, VIII, 21567 = CBI, 820 = , 2011, 1782 et 1783. Voir
LB Y., Troisième légion, 1989, p.380, n.120.
Fig.6: Le secteur représenté sur la fig.5 d’après Google Earth (consulté le 09/04/15, images satellite du 09/04/13 et du 09/07/13).
132
Antiquités africaines, 51, 2015, p.
Plateaux marocains. Pour lui, la route qui longeait l’Atlas
saharien par Medjedel existait déjà et les Romains avaient
établi une «base avancée» dans le massif22. P.Salama avait
objecté l’absence de trace d’occupation romaine à cet endroit
mais, selon J.Despois, il existait au-dessus d’Aïn El Agueneb
des vestiges antiques nommés Ksar el Ouar23. S’appuyant sur
la mention de quatre sites intitulés «R(uines) R(omaines)»
le long de loued Mzi, sur la carte topographique Tadjemout
au 1/50 000e, P. Morizot a suggéré lexistence d’une ligne
de postes jalonnant une route conduisant de ce site à loued
Djedi, dont cet oued est la vallée supérieure24. Depuis, l’ins-
cription a été retrouvée et a fait lobjet de deux articles dont
les conclusions diffèrent sensiblement. P.Morizot l’interprète
comme la commémoration d’une manœuvre d’encerclement
d’un ennemi inconnu et probablement insoumis25. De son
côté, relevant l’utilisation du terme expeditio dans le texte,
Chr. Hamdoune y voit une mission dexploration associée
à une opération militaire de police26. Les deux auteurs ne
s’accordent pas non plus sur le groupe de lettres lu l{a}eones,
puisque P. Morizot envisage – de manière peu probable
le nom d’un Leonides qui aurait écrit le texte, tandis que
Chr. Hamdoune conserve la lecture leones. Les lions de
l’inscription ne seraient pas des lions réels, mais ceux dont
la silhouette était gravée sur des parois de grès de l’Atlas
saharien par les populations du Néolithique27. Tous deux
écartent en effet la proposition de Mommsen qui pensait à
des animaux chassés, ce qui donnait un tout autre sens à
l’expédition. Comme l’atteste notamment une inscription de
Montana (Mésie inférieure) datée de 147, une telle activité
s’accorderait pourtant bien avec la charge qu’avait l’armée
d’approvisionner en animaux sauvages les jeux offerts par
l’e m p ereur28. Sur une inscription de Banasa réexaminée par
M.Corbier, des éléphants et des lions offerts à Caracalla par
des Maurétaniens sont qualifiés de caelestia animalia29. Ce
texte méritait d’être rappelé pour les perspectives qu’il ouvre
sur la nature de l’expédition, encore incertaine (d’autant qu’en
cas de mission cynégétique, on attendrait uenatio plutôt
qu’expeditio). Y.Le Bohec est en dernier lieu intervenu pour
en proposer une interprétation qui s’appuie sur les grands
progrès accomplis par l’histoire militaire30. Il en conclut que
22. P G.-Ch., Castellum Dimmidi, 1947, p.58-60, n.47.
23. S P., Nouveaux témoignages, 1955, p. 356, n. 117 ;
M P., Présence romaine, 1999, p.193.
24. M P., Présence romaine, 1999, p.186.
25. M P., De Mommsen à Google Earth, 2011, p.587.
26. H Chr., Soldats de l’armée, 2012, p.196-197.
27. R C., Lion, 2008.
28. AÉ, 1987, 867 : Dianae. / Ti(berius) Claudius Vlpianu(s), /
trib(unus) coh(ortis) I Cili(cum) cum uexilla/tionib(us) leg(ionum) I
Ital(icae), XI Cl(audiae), class(is) / Fl(auiae) Mo(esicae) ob uena-
tionem / Caesarianam iniunc/tam a Cl(audio) Saturnino, leg(ato) /
Aug(usti) pr(o) pr(aetore), ursis et uison/tibus prospere captis, / aram
consecra/uit, Largo et Mes/sallino co(n)s(ulibus). Sur cet aspect de
l’activité militaire, voir F P., L’aigle et le cep, 2013, p.126-127.
29. IAM, 2, 1, 100 (et Supplément) = , 1948, 109. Pour des réfé-
rences plus complètes et une analyse détaillée, voir C M.,
Discours du prince, 1977 (chapitre 8 de E., Donner à voir, 2006).
30. L B Y., Raid sur El Agueneb, 2015, p.207-220.
«la mission de Catulus et des soldats qui l’accompagnaient
visait à faire du renseignement stratégique actif par le biais
d’un raid; peut-être devaient-ils en plus faire de la gesticu-
lation ». Il observe que cette interprétation s’accorde avec
la découverte récente d’une inscription commémorant une
victoire sur les Bavares aux environs d’El Bayah (Geryville).
Il admet la lecture l<a>eones, mais l’explique par la place
des lions dans la religion militaire.
Envisageant l’organisation militaire de la région,
P. Salama concluait: «l’installation des Romains sur cette
ligne militaire, et sur cette voie, dès le milieu du second
siècle, aura permis non seulement la poussée (temporaire ou
non) de 174 vers El Agueneb, mais, une fois surveillés les
mouvements nomades dans la grande dépression centrale,
elle aura surtout donné les moyens de sattaquer, tôt ou tard,
aux montagnes, de part et d’autre de cette dépression. Voilà
l’avance des armées de Numidie vers Aïn Errich et Dimmidi
désormais couverte au nord; celle des armées de Maurétanie
césarienne vers un nouveau limes, plus méridional, couverte
au sud. L’œuvre de Septime Sévère est déjà admirablement
préparée »31. À sa suite, J.-M. Lassère, le dernier à avoir
réalisé une synthèse sur la question, voyait dans ces postes
et dans ceux qui restaient à découvrir des positions «d’
l’on pouvait lancer des colonnes qui patrouillaient dans des
étendues vides où les nomades déplaçaient leurs troupeaux».
Il concluait: «P. Salama, qui a longuement parcouru avec
un oeil de stratège ces vastes territoires, conclut à l’efficacité
du dispositif»32.
De fait, les opérations militaires sévériennes évoquées
par P.Salama concernèrent aussi bien la Maurétanie césa-
rienne que la Numidie33. Loin du littoral et de son chef-lieu,
Cherchell (Caesarea), les limites de la Césarienne furent
remodelées par l’installation d’une noua praetentura qui
courait de Saneg (Usinaza) à Bechilga (Zabi), et qui associait
une rocade militaire, des forts et des tours de guet34. Plus au
sud, dans la région qui nous intéresse ici au premier chef, la
progression fut assurée par des corps de troupes stationnés en
Numidie, ce qui a justifié les appellations d’«appendice» ou
d’«antenne» employées jusqu’ici pour caractériser ce secteur
par rapport au reste de la province. Ces qualifications, sur
lesquelles nous allons revenir à la lumière du nouveau
texte et d’autres éléments d’appréciation, se fondaient sur
l’importance d’un axe jalonné de sites fréquentés par l’armée
romaine au début du IIIesiècle.
Le premier point du nouveau dispositif sévérien était
ElGahra, situé sur l’oued Chaïr, à quelque 200kilomètres de
Lambèse, camp permanent de la IIIelégion Auguste35. Même
31. S P., Quelques incursions, 1991, p.105.
32. L J.-M., Africa quasi Roma, 2015, p.178.
33. Sur les rythmes variables de l’avancée romaine en Maurétanie césa-
rienne et en Numidie, voir L J.-P., Trois sites, 2004, p.466-469.
34. S P., Déplacements, 1977 ; L B Y., Frontières et
limites, 1999, p.111-127; L J.-P., Armée et urbanisme, 2009,
p.25-30. Sur l’armée auxiliaire de Maurétanie césarienne: B
N., Troupes auxiliaires, 1982.
35. Voir en dernier lieu (on y trouvera la bibliographie antérieure):
L B  Y., Troisième légion, 1989, p.435; L J.-P., Trois
sites, 2004, p.458-466; I., Armée et urbanisme, 2009, p.31-32.
133
Antiquités africaines, 51, 2015, p.
si le camp souvent imaginé n’a pas été identifié à ce jour, une
inscription de 227 indique que des cavaliers auxiliaires de
l’ala Flauia ont contrôlé ce site sous Sévère Alexandre. À ce
jour, les textes d’El Gahra précisément datés prennent place
entre Caracalla-Élagabal et Gordien III, mais l’occupation
militaire était sans doute déjà effective sous Septime Sévère36.
L’épigraphie montre que des membres d’unités variées l’ont
fréquenté : un centurion, un bénéficiaire et des soldats de
la IIIelégion Auguste, un décurion de l’ala Pannoniorum et
un cavalier de l’ala Flauia, ainsi que des hommes du nume-
rusPalmyrenorum37. Les vestiges archéologiques identifiés
devaient relever d’un camp militaire et d’une agglomération
civile, qu’il faut considérer à la fois comme un centre agricole
et un point routier important38. C’est en empruntant l’axe
36. Voir CIL, VIII, 8782 = 18018; 8783; 18024 = , 1888, 2; 18025
= , 1888, 1 = , 1992, 1855 = CBI, 824 (voir F P. , L’aigle et
le cep, 2013, p.882-883, n°381*); 18026 = , 1992, 1856; L
M., Monuments, 2, 1966, p.199-200, n°1; C J., Limes de
Numidie, 1925, p.45-47.
37. Outre les inscriptions citées à la note précédente, voir la liste
dressée par L J.-P., Trois sites, 2004, p.475-477. Ala Flauia,
ala I Pannoniorum et numerus Palmyrenorum: L B Y, Unités
auxiliaires, 1989, p.28-48 et 121-140.
38. Voir les synthèses de L J.-P., Trois sites, 2004, p.460-466;
I., Armée et urbanisme, 2009, p.31-32.
partant vers le sud-ouest que les militaires pouvaient quitter
la localité en direction d’Aïn Errich, située à une cinquan-
taine de kilomètres. Les témoignages y sont plus minces,
mais leur chronologie et leur nature sont cohérentes avec les
constats faits à El Gahra39.
À l’extrémité sud de cet axe, le camp de Messaad
(CastellumDimmidi), établi dès 198, matérialisait les
nouvelles ambitions sévériennes dans la région et constituait
l’ultime sentinelle romaine, aux portes du désert du Sahara40.
Installé à environ 350km de Lambèse et 85 d’Aïn Errich,
sur une butte et dans une situation de carrefour, le poste sur-
veillait les monts des Ouled Naïl et la vallée de l’oued Djedi,
ainsi que les routes menant de Laghouat et du Sahara, au sud,
à El Gahra et au Hodna, au nord (fig.4). Fouillé autrefois
par G.-Ch. Picard, il fut érigé en 198 par des vexillations
de la IIIelégion Augusta et de la IIIeGallica, appuyées par
des cavaliers de l’ala I Pannoniorum. Un détachement de la
légion de Lambèse, sous les ordres d’un centurion, l’aurait
occupé seul de 198 à 225 et de 235 à 238, et conjointement
avec des hommes du numerus Palmyrenorum et de lala
Flauia de 226 à 23541. Tel est le tableau que dessinent les
données épigraphiques connues à ce jour. L’inscription
signalée par le Père de Villaret permet, cependant, d’enri-
chir la réflexion en invitant à considérer les connexions que
l’axe principal de la pénétration romaine pouvait établir avec
la dépression présaharienne parcourue par l’oued Djedi, à
travers et au-delà du Djebel Bou Kahil, vers l’est et les camps
du piémont de lAurès.
ii. La NouveLLe iNscriptioN
1. un hommage à Lempereur
N’ayant pu accéder au monument, et ne disposant d’aucune
information sur ses dimensions ni sur la taille des lettres,
nous devons nous contenter de commenter la photographie
transmise pa r le Père de Villaret (fig.7)42. Bien que son cadrage
soit imparfait, elle laisse voir un support brisé à gauche et en
bas, mais complet en haut et très probablement à droite. Le
monument ne devait donc présenter des moulures que dans
ses parties supérieure et, vraisemblablement, inférieure.
39. Sur le site, voir L B Y., Troisième légion, 1989, p.435, avec biblio-
graphie antérieure ; L J.-P., Armée et urbanisme, 2009, p.32-33.
Inscription: CIL, VIII, 8793 = 18019 = , 1892, 112 = , 1929, 70.
40. Sur ces évolutions, voir L B Y., Troisième légion, 1989,
p.435-437; I., Frontière militaire, 1995, p.119-142; L J. -P., Tr oi s
sites, 2004, p.469-473; C M., Empire romain, 2006, p.27.
41. Voir la monographie de P G.-Ch., Castellum Dimmidi, 1947
(p.83-124, pour la nature des troupes stationnées), ainsi que L B
Y., Troisième légion, 1989, p.435; I., Dimmidi, 1995, p.2345-2349;
L J.-P., Armée et urbanisme, 2009, p. 33 ; T P.,
Messaad, 2010, p.4898-4902. Sur l’épigraphie du site, voir les inscrip-
tions réunies dans l’appendice de P G.-Ch., Castellum Dimmidi,
1947, p.177-208 (et ajouter , 1998, 1589).
42. Une étude préliminaire de l’inscription a été présentée lors d’une
séance de l’atelier épigraphique de Fr.Bérard à l’ENS de la rue d’Ulm
à Paris, le 24 mars 2014: merci à tous les participants, ainsi qu’à
X.Dupuis et J.-P.Laporte, pour leurs remarques et avis.
Fig. 7: Le monument et l’inscription d’après la photographie du
Père Fr. de Villaret.
134
Antiquités africaines, 51, 2015, p.
L’analyse du texte et de son ordinatio laisse entendre que les
lacunes ne sont pas très importantes à gauche, notamment à
hauteur de la l.2. Cette dernière est peut-être complètement
préservée, mais le cadrage de la photographie tronque son
commencement. Sur un plan plus général, la relation entre
le contenu du texte et la partie conservée de son support
suggère que le monument était plus haut que large, bien quil
soit difficile d’estimer l’ampleur exacte de cette différence,
en raison de la lacune inférieure. Son épaisseur semble assez
limitée, à supposer qu’elle ait été préservée dans son état
original. Dans ces conditions, il est difficile de détermi-
ner si le monument était une plaque, un cippe, un autel ou
encore un autre type de support, exposé dans un contexte qui
demeure lui aussi très mal connu.
L’inscription, dont six lignes semblent conservées, peut
être assez aisément déchiffrée à l’exception de la dernière
ligne (fig. 8 et 9). Le lapicide a visiblement produit un
certain effort pour centrer son texte, mais ce but n’a pas
toujours été atteint. Ainsi, le S final de la l. 5 paraît tout
près du bord. L’écriture n’est pas très soignée. La forme
des lettres est assez irrégulière et présente certaines parti-
cularités. Les O sont plus allongés que ronds (à la l.1, le
bas du O se termine même en pointe et forme comme une
amande); les L présentent une barre inclinée vers le bas ;
les A, les M, les N et les V sont parfois en partie courbes ;
les C et les G sont plutôt allongés et étroits, à l’instar des
O; un I long paraît achever la l.2. Un interligne supérieur
aux autres a été respecté entre les deux premières lignes,
afin de mettre en valeur le début de l’inscription,
qu’un espace à peu près équivalent sépare de la moulure
supérieure. Malgré les apparences immédiates, il n’en va
sans doute pas de même après la l.5, car des traces de lettres
semblent bien visibles sur une sixième ligne. De même,
la hauteur des lettres paraît assez constante, mais elle doit
être légèrement inférieure à la l.6. Ce dernier fait peut tenir
au contenu même du texte, comme nous le verrons. Il est
difficile de distinguer des points de séparation très nets et les
espaces entre les mots ne sont pas toujours marqués. Enfin,
le texte conservé ne présente pas de ligatures, mais des traces
de martelage assurées au début de la l.3. L’ensemble pourrait
faire l’objet de la lecture suivante:
[.]RO SALVTE D N
[.]MP CAES M AVRELLI
[[---]] INVICTI
4 [---]ELICIS AVG TOTA
[---]VINA DOMO EIVS
[---]EG[---]43
Le début du texte conservé s’ouvre par la très courante
formule pro salute, qui exprime le souci du ou des auteurs
pour la sauvegarde d’un empereur dont le nom partiellement
martelé suit logiquement au génitif. Les éléments de déno-
mination et de titulature offrent des clés d’identification du
personnage. D’une part, le port du praenomen Marcus et
du nomen Aurelius fournit le terminus post quem du règne
de Marc Aurèle. D’autre part, la combinaison de la graphie
Aurellius, de l’appellation Dominus noster, du titre Inuictus
et de la mention postérieure de la domus diuina invite à pri-
vilégier le IIIesiècle44. C’est aussi à partir de Caracalla que
les titres Pius, Felix et Inuictus sont placés avant Augustus45.
Enfin et comme nous le verrons, les inscriptions datées
43.. La lecture de la ligne 6 constitue une hypothèse : voir infra,
p. 000. Les crochets finaux pourraient être doublés, en cas de
martelage.
44. De manière générale, voir C A., Formulaire, 1988,
p. 13 (Dominus noster), 16-17 (Pius Felix), 30 (Inuictus) = 2008,
p.135, 138-139, 152. Le terme Inuictus est associé pour la première
fois à Commode, Inuictus Hercules Romanus, à la toute fin de son
règne (pour Septime Sévère, Inuictus Imperator, et surtout Caracalla,
à partir duquel le titre se fait plus fréquent, voir CIL, XIII, 6800 =
ILS, 419; CIL, VI, 1065 et p.3071, 4321). Domus diuina (un terme
essentiellement employé à partir des Sévères, malgré quelques usages
précoces): DE, II, 3, 2067; L J.-M., Manuel, 2011, p.614-615.
Sur la titulature de Caracalla, voir spécialement M A.,
Titolature, 1981. Plus généralement, sur les titulatures impériales :
M A., Sviluppo, 1991; K D., Kaisertabelle, 1996.
45. L J.-M., Manuel, 2011, p. 1015.
Fig.8: Dessin d’interprétation.
Fig.9: Détail de l’inscription (l.6).
135
Antiquités africaines, 51, 2015, p.
découvertes dans les confins sud-occidentaux de la Numidie
se placent toutes, à ce jour, entre les règnes de Septime Sévère
et de GordienIII46. La prise en compte de l’ensemble de ces
critères invite à centrer la réflexion sur trois empereurs de
la dynastie sévérienne qui ont tous porté les titres énoncés
dans l’inscription, ainsi que le prénom Marcus et le gentilice
Aurelius (éventuellement orthographié avec deux L, comme
c’est le cas ici)47. Il s’agit de Caracalla, Élagabal et Sévère
Alexandre. Or, la lacune est assez longue pour avoir accueilli
ANTONINI (huit lettres), comme ALEXANDRI (neuf
lettres). La vision directe de la pierre permettrait peut-être
d’identifier certaines lettres dans la partie martelée, au début
de la l.3, et la photographie pourrait déjà suggérer quelques
traces, comme la possible barre sommitale concave d’un
T (semblable à celle du premier T de TOTA), suivie d’un
possible O en forme d’amande (à la pointe inversée par
rapport à celui de la l.1). Mais il serait hasardeux de se fier
à ces seuls éléments. Il faut donc approfondir l’analyse pour
tenter d’affiner la datation.
Caracalla, appelé M. Aurelius Antoninus à partir de
son élévation au rang de César, en 195 ou 196, a ajouté
le cognomen Severus à sa dénomination après la mort de
son père, en 21148. Certains textes postérieurs à cette date
continuent toutefois de l’appeler M. Aurelius Antoninus et
tel pourrait être le cas dans cette inscription49. Cependant,
le martelage de son cognomen apparaîtrait comme une
anomalie, car la mémoire de Caracalla ne fut pas condamnée.
Il semble donc possible d’écarter le fils de Septime Sévère.
Après le court intermède du règne de Macrin, Élagabal a
pris le pouvoir en se prétendant le fils et continuateur de
Caracalla, dont il s’est rapproché en adoptant la dénomina-
tion M.Aurelius Antoninus, complétée par divers titres dont
ceux d’Inuictus Pius Felix Augustus, bien attestés dans cet
ordre50. Élagabal ayant subi une abolitio nominis après son
assassinat, le martelage de son nom dans l’inscription serait
parfaitement logique. Rien ne soppose donc à considérer
que le texte étudié puisse relever de son règne, qui dura de
mai218 à mars222. Il reste cependant à examiner le cas de
Sévère Alexandre, dont la mémoire fut elle aussi condamnée
et le nom effacé. Demblée, la dénomination complète du
dernier des Sévères – M. Aurelius Severus Alexander
46. Pour cette raison, mais aussi parce que la longueur de leurs
cognomina ne correspond pas nécessairement à l’ampleur de l’espace
martelé, on écartera des empereurs plus tard ifs dénommés M.Aurelius,
comme ClaudeII le Gothique, Probus, Carus et ses fils.
47. Exemples de graphie Aurellius : CIL, VIII, 22447 (Caracalla),
22504 (Élagabal) ; 26457 (= 15512) + 26554 = ILTun , 1385 (Sévère
Alexandre).
48. K D., Kaisertabelle, 1996, p.162-165.
49. Voir par exemple , 1987, 1078, à Timgad.
50. K D., Kaisertabelle, 1996, p.172-173. Pour des exemples
en Numidie, voir notamment , 1981, 909 et 910 (ce dernier corri-
geant CIL, VIII, 10250). Il arrive que dans les titulatures, Inuictus soit
placé après Pius Felix: voir e.g. ILAlg, II, 2, 6872, pour GordienIII
(et à l’inverse, sous le même empereur: CIL, VIII, 8777 = ILS, 6888).
Au IIIes., Inuictus était aussi étroitement associé au culte du Soleil. Le
terme qualifie, par exemple, le dieu solaire d’Émèse, dont l’empereur
Élagabal était le sacerdos amplissimus dei Solis Inuicti Elagabali.
paraît moins bien convenir, car il n’y a pas assez de place
pour inclure deux surnoms au début de la l.351. Bien qu’ils
soient nettement minoritaires, certains textes se contentent
toutefois de l’appeler M.Aurelius Alexander. Tel doit être le
cas sur deux inscriptions des environs: un milliaire trouvé
à 2km à l’est-nord-est d’El Gahra, et un autre texte à 36km
au nord-est, à Aïn Soltane52. Dans les conditions actuelles
d’étude du document, et sans exclure complètement Sévère
Alexandre, il semble donc raisonnable de conclure en consi-
dérant Élagabal comme le destinataire le plus probable de
l’hommage.
Après la précision du nom de lempereur, il est fait
mention de « sa maison divine » (domus diuina eius, ou
plutôt diuina domus eius, dans notre cas, ce qui est nettement
plus rare et semble surtout employé en Afrique du Nord),
désignée dans sa totalité (tota) et à l’ablatif. Au début de la
l.5, il faut sans doute restituer la conjonction que, qui permet
d’articuler l’ensemble au nom impérial rédigé au génitif. Une
telle composition se rencontre dans deux inscriptions gravées
en Maurétanie césarienne sous GordienIII, à Bir Haddada et
Berrouaghia. Après une dédicace à Jupiter Optimus Maximus
et à tous les autres dieux et déesses, un souhait pro salute
adque incolumitate uictoriisque est exprimé pour l’empereur
et son épouse, avant que la séquence ne se termine à l’ablatif:
totaque domo diuina eorum53. Grammaticalement,
l’ablatif employé par le rédacteur doit être déterminé par la
préposition pro placée en tête de texte. La formulation pro
domo diuina est toutefois très rare54, alors qu’il est beaucoup
plus fréquent de rendre hommage à la maison divine au
moyen de la formule in honorem domus diuinae, et surtout
en l’associant au vœu de salus exprimé pour l’empereur. Ces
51. K D., Kaisertabelle, 1996, p.177-179.
52. C J., Limes de Numidie, 1925, p. 45-47 ; CIL, VIII,
8781 = 18017 (voir L B Y., Troisième légion, 1989, p.404). Bien
entendu, le martelage des noms d’Élagabal et de Sévère Alexandre
rend parfois difficile l’attribution des documents à l’un ou à l’autre.
Voir encore, en Maurétanie césarienne et en Numidie : CIL, VIII,
10432; ILAlg, II, 1, 3604 = , 1942-43, 7 = , 1969-70, 692; ,
1971, 513 = , 1975, 943 (ainsi que M-J J., Coloni
loci, 1979, p.66-72). Dans deux inscriptions de Messaad (CIL, VIII,
8795 = 18020 = ILS, 4340 = , 1940, 149; CIL, VIII, 8797a = ,
1940, 151), cependant, Sévère Alexandre est nommé M. Aurelius
Severus Alexander.
53. CIL, VIII, 8710 et p.1934: I(oui) O(ptimo) M(aximo) / ceterisq(ue)
dis / deabusq(ue) pro sa/lute adq(ue) inco/lumitate uic/toriisqu(e)
D(omini) n(ostri) san/ctissimi Imp(eratoris) M(arci) / Antoni Gordia/
ni Inuicti Pii Fe/licis Aug(usti) et Sabi/niae Tranquill/inae Aug(ustae)
con/iugi(s) eius Aug(usti) n(ostri) to/taque domo diuina eo/rum
R? k(astellani ?) B(---) d(ederunt) d(e) s(ua) p(ecunia); CIL, VIII,
9233: I(oui) O(ptimo) M(aximo) / ceterisque dis / deabusquae pro /
salute adque inco/lumitate uictorias/que Domini n(ostri) sanctis/simi
Imp(eratoris) M(arci) Antoni Gor/diani Pii Felicis Inuic/ti Aug(usti)
et Sabiniae / Tranquillinae Aug(ustae) / coniugis Augus/ti nostri tota/
quae domo di/uina eorum. On note certaines incorrections : emploi
d’un accusatif (uictorias) à la place d’un ablatif pluriel, graphie quae
pour que, voire un datif (coniugi, dans le premier texte) à la place d’un
génitif (mais une abréviation est possible).
54. RIB, 1700 = , 1917-18, 131 (Vindolanda): Pro domu / diuina et
nu/minibus Aug/ustorum Volc/ano sacrum. / Vicani Vindol/andesses
curam / agente [---]O[---] / u(otum) s(oluerunt) l(ibentes) [m(erito)].
136
Antiquités africaines, 51, 2015, p.
deux usages sont attestés à Messaad: un centurion légion-
naire y a laissé une dédicace in honorem domus diuinae,
tandis qu’une ara cerei imparfaitement conservée devait
coupler une dédicace à Jupiter Optimus Maximus avec un
vœu pour la sauvegarde de Maximin le Thrace, de son fils et
de toute leur maison divine55. La seconde construction, fort
courante, emploie bien évidemment le génitif pour le nom
du prince et pour la domus diuina: pro salute Imperatoris…
totiusque domus diuinae eius. Dans notre inscription, la
variation que constitue le passage à lablatif diffère certes de
la norme, mais la déclinaison de tota n’est pas la plus aisée
et surtout, cette inflexion ne modifiait pas véritablement
le sens général d’une démarche engagée pour la salus de
l’empereur et en faveur de la domus diuina. Le tout formait
un hommage cohérent en l’honneur de cette dernière. Dans
deux inscriptions romaines gravées en 218 et 231, la compa-
raison des formules associées aux vœux des Frères Arvales
semble illustrer une certaine diversité, qui découle cependant
d’une seule et même intention de protection et de succès de la
famille impériale. On doit lire sur la première, en l’honneur
d’Élagabal, pro salute et incolum(itate) Imp(eratoris)…
totaq(ue) dom(o) diuin(a) eor(um) ; et sur la seconde
[pro salute Imp(eratoris)…] … totiusq(ue) domus diuina[e]
eoru[m]56. Les fameuses «princesses syriennes» apparen-
tées à Iulia Domna, l’épouse de Septime Sévère,figurent au
sein de cette domus diuina sévérienne: Iulia Maesa, grand-
mère d’Élagabal et de Sévère Alexandre, ainsi que Iulia
Soaemias et Iulia Mamaea, leurs mères respectives57. Mais
qui donc a souhaité rendre hommage à la famille impériale
aux confins de l’empire sévérien? La réponse à la question
pourrait figurer dans ce qui semble subsister de la dernière
ligne.
55. In honorem domus diuinae à Messaad: , 1948, 213 (sur ce
centurion et ce texte, voir F P., L’aigle et le cep, 2013, p.803,
n°294). La formule est toutefois rarissime en Afrique du nord. Pro
salute Imperatoris… totiusque domus diuinae, avec ou sans dédicace
préalable à une divinité, est beaucoup plus fréquent dans la région:
voir, e.g., en Numidie: CIL, VIII, 2230 = 17668; CIL, VIII, 2671 =
18107; CIL, VIII, 4483; , 1957, 186; , 1989, 895. À Messaad:
, 1940, 153 = , 1948, 210 = , 1949, 13. Sur l’ara cerei, voir la
bibliographie citée dans F P., L’aigle et le cep, 2013, p.769.
56. Cf. CIL, VI, 2104 = 32388 et p.3824 = S J., Commentarii,
1998, n°100 et CIL, VI, 2108 = S J., Commentarii, 1998, n°106.
On note que sur la première inscription, quelques lignes plus haut, tota
est encore employé incorrectement: Imp(eratori) Caes(ari)… M(arco)
Aurellio Antonino Pio Felici Aug(usto)… et Iuliae Maesae Aug(ustae)
auiae Aug(usti) n(ostri) totaque domo divin(ae) eor(um)… De même,
dans un autre texte gravé sous Gordien III (CIL, VI, 37165 = ,
1912, 33 = S J., Commentarii, 1998, n°113), en 239, on trouve
pro salute Imp(eratoris)… totiq(ue) domus di[uinae]… Dans un autre
contexte, voir aussi , 1994, 1418 (Sirmium): … pro salute / D(omini)
n(ostri) Seueri Ale/xandri Aug(usti) to/taeque domus eius…, de la part
de deux beneficiarii consularis en 228.
57. À leur sujet, voir notamment K E., Syrischen
Augustae, 1979 ; L, B., Julia Domna, 2007. Sur Élagabal,
voir deux livres récents: D A  P L., Emperor
Elagabalus, 2010; I M., Crimes of Elagabalus, 2012. Thème idéo-
logique de la domus diuina sous les Sévères et à Lambèse: F
D., Domus diuina, 1991, p.423-435; C M., Empire romain,
2006, p.17-19; L A., Severus Pius, 2011, p.319-378.
2. une probabLe signature miLitaire
Une inscription débutant par une formule pro salute
de l’empereur pouvait se poursuivre de bien des manières.
La riche épigraphie de la Numidie, pour une bonne part
militaire, offre des parallèles qui attestent la diversité des
options possibles. Il arrive que les noms du ou des dieux
honorés viennent ensuite, puis celui du ou des auteurs58.
D’autres fois, ce sont ces derniers qui apparaissent d’abord,
avant précision ou non de l’identité de la divinité adorée59.
Des indications complémentaires variées, comme celle de
la nature de l’action accomplie (construction ou restauration
d’un temple, offrande d’une statue ou d’un autel…), peuvent
encore figurer60. Le tout dans un cadre public ou privé selon
les cas, qu’il s’agisse d’un individu (civil ou militaire) ou d’un
groupe de personnes plus ou moins nombreuses. Quen est-il
dans le cas de notre inscription?
Dans la mesure où il n’a pas été possible de voir la pierre,
les raisonnements qui suivent ressortent de l’hypothèse. Mais
si la photographie pourrait laisser penser, dans un premier
temps, que le texte se termine à la l. 5 – voire qu’un inter-
ligne plus important, comme entre les l.1 et 2, a été respecté
avant de continuer la rédaction – il semble bien quaprès un
interligne à peu près ordinaire, on puisse distinguer les traces
d’un E et d’un G immédiatement à droite de la cassure (fig.8
et 9). La légère réduction de la taille des lettres, supposée
précédemment, correspondrait bien au passage à une autre
partie du texte, et particulièrement à la mention du ou de ses
auteurs, d’un rang bien inférieur à l’empereur. Lappartenance
de ces deux possibles lettres à un anthroponyme partiellement
conservé ne peut être exclue. On se rappelle, par exemple,
qu’une dédicace offerte par le légionnaire C.Iulius Hospes a
été signalée au sommet du Kef el Hameur, dominant la vallée
de l’oued Djedi61. Mais en se fondant sur ce même texte, il est
aussi permis d’envisager labréviation LEG, qui pourrait cor-
respondre aux mots leg(io) ou leg(atus)62. En effet, militaires
et gouverneurs furent les grands acteurs de l’activité romaine
dans la région et figurent parmi les auteurs privilégiés de
textes épigraphiques63. La mention d’un légat impliquerait
celle de son nom dans la lacune de gauche, pourtant assez
courte (7 à 10 lettres tout au plus), et serait normalement
suivie par le génitif Augusti64. Celle d’une légion – qui ne peut
guère être une autre unité que la IIIe Auguste, stationnée à
58. Voir e. g. CIL, VIII, 2638 et 2670; ILAlg, II, 2, 6094. Parfois,
l’identité de la divinité honorée est livrée indirectement, sans dédicace
à proprement parler: ainsi dans CIL, VIII, 2676 (templum Inuicti) et
4483 (cultores numinis Victorie).
59. Cf. CIL, VIII, 2680 = 18221; 2706; , 1960, 96; , 1991, 1695.
60. CIL, VIII, 2671 = 18107; , 1960, 96. Voir encore infra pour
plus de détails.
61. Dédicace du Kef el Hameur: supra, p.000.
62. Faut-il chercher le sommet d’un L dans une légère trace figurant
avant les deux lettres?
63. Voir les textes réunis par L B Y., Troisième légion, 1989,
p.395-405 et 435-437.
64. On notera par ailleurs qu’à ce jour, on ne connaît pas, parmi les
gouverneurs de Numidie en poste sous Élagabal et Sévère Alexandre,
d’individus dont la dénomination aurait comporté la séquence de lettres
137
Antiquités africaines, 51, 2015, p.
Lambèse– paraît plus probable car elle pourrait s’accommo-
der d’une mention antérieure de milites ou d’equites, voire de
gradés ou de uexillarii lui appartenant65. Les différents termes,
le dernier éventuellement abrégé comme d’usage, prendraient
bien place dans l’espace perdu. A contrario et si lon suit ce
raisonnement, la mention d’un militaire seul semble à écarter,
faute de place pour indiquer son nom complet et son grade au
début de la l.6. Il faudrait donc privilégier l’hypothèse d’un
acte collectif, d’autant que le détachement de soldats serait
parfaitement conforme aux usages militaires en pratique
dans le secteur, et aux réalités de terrain propres au lieu de
découverte situé dans une gorge. À ce titre, il vaudrait mieux
envisager lenvoi d’un petit nombre de soldats, plutôt que d’un
détachement important. Après les lettres lisibles viendraient
logiquement le numéro et le nom de la légion: III AVG.
Mais autant qu’il est possible d’en juger, la photographie
ne permet pas d’identifier avec certitude ou vraisemblance
d’autres éléments à la fin de la l.6. Cela tient probablement à
une usure particulière de la pierre, à un endroit proche de la
cassure inférieure, voire à un deuxième martelage qui pourrait
s’accorder avec l’histoire de la IIIelégion Auguste, dissoute en
238 et frappée d’une abolitio nominis66. L’année238 est aussi
considérée par nombre d’historiens comme celle d’un retrait
militaire partiel de la région et comme celle de l’abandon du
poste de Messaad67. Mais la présence militaire romaine, assurée
par un numerus Palmyrenorum, reste attestée à El Gahra
sous GordienIII. Ce dernier site, au moins, fut certainement
occupé postérieurement et s’il n’y a pas lieu de remettre en
question la réalité d’un repli militaire, celui-ci apparaît plus
complexe qu’on ne le pensait68. Quoi qu’il en soit, le défilé
où le texte a été découvert pourrait bien avoir accueilli, sous
Élagabal, quelques légionnaires détachés de la IIIe Auguste.
L’occupation du poste a pu être antérieure et le seul fait que le
EG. Sur les fastes de la province, voir notamment T B.E.,
Fasti, 1996, p.133-190; E., Laterculi Praesidum, 2009, p.162-169.
65. Des légionnaires de la IIIeGallica sont aussi attestés à Messaad,
mais de manière ponctuelle, dans le contexte de la fondation du camp,
en 198. Voir à ce sujet P G.-Ch., Castellum Dimmidi, 1947,
p.45-49 ; L B Y., Troisième légion, 1989, p.435 ; F P. ,
L’aigle et le cep, 2013, p.579-580, nos57-58.
66. L B Y., Troisième légion, 1989, p.453 et 463-464. En cas de
martelage, peut-être moins probable, il faudrait admettre que quelqu’un
prit soin d’effacer le numéro et le nom de l’unité (mais pas le terme
legio, parfois martelé lui aussi, alors que Augusta ne l’est pas forcément:
voir par exemple , 1917-18, 50, à Lambèse, pour un texte gravé sous
Caracalla ou Élagabal; à son sujet: F P., L’aigle et le cep, 2013,
p.738, n°219-2). Ce sont certainement des hommes d’un autre corps qui
s’en seraient chargés. À Messaad, les inscriptions nommant la IIIelégion
Auguste n’ont toutefois pas été martelées après la dissolution de l’unité.
67. Réorganisation du système défensif après la dissolution de la légion,
et cas du camp de Messaad: P G.-Ch., Castellum Dimmidi, 1947,
p.119-123; L B Y. , Troisième légion, 1989, p.455.
68. El Gah ra :CIL, VIII, 18026 = , 1992, 1856. Voir L B
Y., Unités auxiliaires, 1989, p.125; L J.-P., Trois sites, 2004,
p.460, 466 et 474. Évolutions sous Gordien III: F E.W.B. ,
Numidia, 1979, p. 117. Sur une forteresse repérée à Medjedel, voir
encore S P., Quelques incursions, 1991, p.96, qui estimait que
son plan, « de forme carrée, de 22 à 25 m de côté», pourvu « aux
quatre angles de bastions saillants » ne remontait pas « avant la
deuxième moitié du IIIes.».
nom de l’empereur ait été martelé implique une fréquentation
postérieure à son règne. Au terme de cette discussion et dans
les conditions actuelles détude du monument, nous propose-
rons la lecture et la traduction suivantes, en gardant à l’esprit
les réserves énoncées tout au long de l’analyse et tout particu-
lièrement au sujet de la l.6, dont la lecture et l’interprétation
sont proposées à seul titre d’hypothèse69:
[P]ro salute D(omini) n(ostri)
[I]mp(eratoris) Caes(aris) M(arci) Aurelli
[[Antonini]] Inuicti
4 [Pii F]elicis Aug(usti) tota-
[que di]uina domo eius,
[milites? ou uexill(arii)? l]eg(ionis?) [III Aug(ustae)?]
---
Soit: «Pour la sauvegarde de notre Maître l’empereur César
Marcus Aurellius Antoninus, Invincible, Pieux, Heureux,
Auguste, et toute sa maison divine; les soldats (?) ou les
membres de la vexillation (?) de la IIIelégion Auguste (?)…».
La suite peut seulement être l’objet de suppositions
fondées sur l’hypothèse préalable d’une signature militaire
et sur les parallèles déjà évoqués plus haut. Nombre d’ins-
criptions découvertes dans des avant-postes nord-africains,
comme ceux de Messaad et de Bu Njem par exemple,
rendent compte des compléments et des formules conclu-
sives parfois employées dans un cadre militaire, après la
formule pro salute et la mention du ou des auteurs, agissant
dans un cadre public ou privé70. Ainsi, il est fréquent que la
hiérarchie supérieure soit évoquée par le biais d’une formule
comme dedicante, curante ou sub cura, suivie du nom du
responsable de l’unité ou de la vexillation. Le légat d’Auguste
peut être nommé, mais dans les postes et fortins, il est aussi
fréquent de mentionner le centurion ou le décurion, voire le
principalis en charge de la garnison détachée là71. Le texte
peut encore préciser la nature de la démarche entreprise ou
la circonstance particulière qui l’a engendré, ainsi qu’une
formule votive, une datation consulaire ou encore une liste
complète des soldats impliqués. Autant de possibilités qui
se cumulent ou non selon les cas, en recourant si besoin aux
69. Le rang exact des auteurs potentiels reste incertain. La construc-
tion per + accusatif, comme dans per uexil(lationem), par exemple (cf.
CIL, VIII, 4322 = 18527), est aussi possible. Les lettres AVG, à placer
éventuellement entre doubles crochets en cas de martelage, pouvaient
sans doute prendre place à la fin de la l.6 (cf. la fin de la ligne pré-
cédente) ou au début de la l.7. Les surnoms pia uindex et l’épithète
Antoniniana (voire moins probablement Alexandriana ou Seueriana)
suivaient peut-être (mais pas obligatoirement).
70. Pour Messaad, voir l’appendice de P G.-Ch., Castellum
Dimmidi, 1947, p.177-208. Sur Bu Njem (Gholaia), en Tripolitaine, voir
R R., Centurions, 1985; I., Armée romaine à Gholaia, 2000.
71. Pour des exemples variés (initiatives collectives ou individuelles,
au camp légionnaire ou sur d’autres sites militaires), voir e. g.: CIL,
VIII, 2465 = 17953; 2482 = 17976; 2527 = 18039; 2528; 17726; ,
1902, 11 et 11 bis = 147; , 1940, 153 = , 1948, 210 = , 1949,
13; , 1948, 209; , 1948, 219; , 1972, 677; , 1976, 700;
, 1979, 645.
138
Antiquités africaines, 51, 2015, p.
côtés ou au revers des monuments72. La perte de la fin de
notre inscription prive de ces indications, mais les éléments
conservés suffisent à ne pas mésestimer la dimension
religieuse de la démarche entreprise. En effet, la salus de
l’empereur ne pouvait être garantie sans la bienveillance
divine. Le plus souvent, les inscriptions portant des formules
pro salute présentent une dédicace à une ou des divinités
précises, garantes de la faveur demandée et nommées en tête
de texte73. Tel n’est visiblement pas le cas dans le fragment
préservé, mais l’identité de la divinité pouvait aussi être
dévoilée après celle des auteurs, ce qui n’est donc pas totale-
ment exclu ici74. L’absence de dédicace explicite est toutefois
attestée elle aussi75: parfois, un texte complémentaire ou le
contexte d’exposition de linscription pouvait rendre toute
précision superflue. Une nouvelle fois, on ignore quel était
l’environnement dans lequel prenait place le monument et s’il
était associé par exemple à un édicule ou à une statue76. Quoi
qu’il en soit, le souci de la sauvegarde de la domus diuina et
l’usage de la formule pro salute relevaient d’une démarche
générale, à la fois religieuse et politique, qui s’est considéra-
blement renforcée dans l’armée sévérienne avant de demeurer
vivace durant le reste du IIIe siècle77. En agissant ainsi, les
militaires supposés détachés sur le site auraient témoigné
d’un loyalisme que les empereurs appelaient de leurs vœux
et encourageaient par le biais du « culte impérial ». Si le
texte mentionne bien le jeune Élagabal, parvenu au pouvoir à
l’issue d’un coup d’État, l’expression du ralliement politique
des soldats au restaurateur de la dynastie sévérienne n’était
pas nécessairement superflue. Lautorité du nouvel empereur
était ainsi reconnue jusqu’aux confins sahariens de l’Empire.
iii. Lapport du Nouveau documeNt
à La coNNaissaNce des marges présaharieNNes
1. reLire Les «frontières»
Depuis une génération, la notion de limes a connu une
évolution significative dont les acquis principaux sont la recon-
naissance de la diversité des situations locales et l’abandon de
la théorie de L. Leschi, qui y voyait une ligne de défense
militaire conçue pour assurer la tranquillité des territoires dont
Rome interdisait l’accès aux migrations saisonnières. Relevons
72. Voir par exemple, à Messaad: , 1940, 153 = , 1948, 210 =
, 1949, 13; , 1948, 209.
73. E. g.: , 1902, 11 et 11 bis = 147; BCTH, 1902, 329; CIL, VIII,
2465 = 17953; 2482 = 17976; 4322 = 18527.
74. Faut-il envisager qu’une ligne portant mention d’une divinité ait pu
être gravée sur un hypothétique couronnement, au-dessus de la moulure
et hors du champ de la photographie transmise? C’est sans doute peu
probable, même si l’on aimerait là encore pouvoir étudier directement le
monument. Identité de la divinité précisée ailleurs qu’en tête de texte:
voir CIL, VIII, 2676 (templum Inuicti); 2680 = 18221.
75. CIL, VIII, 2706; , 1960, 96.
76. Rappelons également que le lieu de découverte d’une inscription
religieuse est conditionné par la signification du site en la matière
(présence d’un sanctuaire, culte d’un génie…).
77. S J., Princeps und Miles, 2003, p.323.
ici qu’en telle conception du limes est liée à l’idée que Rome se
serait assuré la maîtrise de l’ensemble des marges sahariennes
où une vie rurale sédentaire était possible. Mais elle ne prend
pas en compte l’existence de communautés implantées dans
les oasis ou dans les massifs montagneux de l’Atlas saharien.
À l’est, le royaume garamante en constitue le meilleur
exemple. De ce fait, il est impossible de postuler qu’à l’ouest,
des communautés sédentaires n’aient pas occupé les vallées de
l’Atlas saharien et les oasis du piémont.
Dans son bilan historiographique dressé il y a une vingt aine
d’années, J.-M. Carrié citait une étude de R. Rebuffat qui
se concluait ainsi : « il faut totalement renoncer à l’idée
qu’une barrière a été érigée, au-delà de laquelle ne se
serait trouvé qu’un monde inconnu et hostile. Au-delà des
défenses fixes, larmée contrôlait [par des itinéraires occupés
ou sillonnés, ainsi que par des traités d’alliance avec des
princes indigènes] un vaste glacis. Au-delà de ce glacis, elle
possédait encore cette sorte de défense avancée et non négli-
geable que constitue le renseignement»78. Cette évolution,
qui n’implique pas pour autant la renonciation à l’idée de
frontière, est la reconnaissance de situations complexes qui
s’accommodent mal de généralisations érigeant «le terme
de “frontières” en concept autonome et suffisant, abstrait et
totalisant et, pour finir, en agent de causalité historique»79.
Cela veut dire que, dans le cas présent, aux marges de la
Numidie et de la Maurétanie sitifienne, l’essentiel paraît être la
relation que les princes maures qui étendaient leur pouvoir sur
la région avaient avec le pouvoir romain. S’ils lui avaient fait
allégeance, ils pouvaient être considérés comme appartenant à
l’Empire et, dans ce cas, les limites de l’Empire étaient celles
des espaces sur lesquels ils exerçaient leur autorité. Celles-ci
variaient en fonction des rapports qu’eux-mêmes avaient avec
leurs vassaux dans un fonctionnement dynastique et non
national, comme J.-M.Lassère l’a montré pour les royaumes
indigènes intégrés dans l’Empire, ainsi la Maurétanie sous
Claude80. Dans le même esprit, R. Rebuffat observait déjà
qu’en Maurétanie tingitane comme en Tripolitaine le contrôle
militaire s’appuyait «très largement sur un système d’accords
avec les principautés et les tribus ». « Aux limites de
l’Empire», soulignait-il, les provinces «étaient censées inclure
de vastes territoires, et cette ambition territoriale, qui n’était
sans doute bien souvent que l’héritage des rois et des princes
dont Rome avait recueilli l’héritage, ne devait pas être sans
influence sur cette politique des traités dont nous mesurons ou
devinons toute l’importance, et qui consolidait la souveraineté
effective ou nominale de Rome dans le cadre même des fron-
tières qu’elle revendiquait»81.
Ces équilibres reposaient aussi sur l’usage de soldats
romains. L’hypothèse d’une signature militaire de la nouvelle
inscription impose évidemment de s’interroger sur la nature,
les formes et les finalités de leur présence éventuelle sur le site
de la découverte. Rappelons que daprès le Père de Villaret,
78. R R., Au-delà des camps romains, 1982, p.508; C
J.-M., Ouverture des frontières, 1995, p.47.
79. C J.-M., Ouverture des frontières, 1995, p.45.
80. L J.-M., La tribu, 2001.
81. R R., La frontière romaine, 1979, p.246.
139
Antiquités africaines, 51, 2015, p.
le monument a été photographié au niveau des points nos17 et
18 de la feuille n°47 de lAtlas de S.Gsell (fig.3), qui conclut à
leur propos: «peut-être y avait-il là un ou deux postes avancés,
surveillant le passage82». Ces structures appartenaient-elles au
réseau auquel Hérodien fait allusion dans le récit qu’il donne
du soulèvement de Capélianus contre Gordien? La province
de Numidie, écrit-il, «était remplie de troupes, dont le rôle
était d’empêcher les incursions et les pillages des nombreux
barbares Maures qui l’environnaient »83. Manifestement
influencé par le cas de Dimmidi, G.-Ch. Picard donnait
du même passage la traduction suivante : « Cette province
(numide) était défendue par des castella en raison de la foule
des Maures barbares qui vivent à l’entour, et pour empêcher
leurs razzias soudaines»84. Dans cette traduction, il suggérait
une équivalence entre stratopedon et castellum. En fait, cette
dernière ne saurait être établie avec certitude, tant le vocabu-
laire institutionnel et militaire d’Hérodien paraît vague85. Sur
le lieu de découverte de la nouvelle inscription, l’existence
même d’un quelconque fort n’est pas démontrable, pas plus
que celle d’une éventuelle statio dont la raison d’être se jus-
tifierait d’autant moins si la gorge n’a pas constitué un lieu
de passage majeur86. De manière plus générale, il est bien
imprudent de chercher à attribuer des termes antiques précis
à des structures qui ne sont pas caractérisées explicitement
dans les textes et que l’archéologie ne permet pas d’identifier
à une réalité antique précise. Il n’est pas non plus possible de
déterminer l’ampleur des effectifs militaires, qui pouvaient
être très réduits, ni de savoir si le site était occupé de manière
permanente ou seulement à certains moments de l’année, afin
de contrôler des mouvements saisonniers par exemple. En
l’absence de reconnaissance de terrain, la nature exacte de la
présence romaine sur le lieu de signalement de la découverte
ne saurait recevoir de réponse ferme.
En revanche, cest dans le cadre d’une interprétation
plus générale de la présence romaine aux marges de la
province de Numidie, et par son articulation avec d’autres
sites archéologiques situés à l’est du djebel Zerga, que le
nouveau document se révèle riche de sens87. L’un deux,
Sidi Khaled (196m), est dans la vallée de l’oued Djedi, près
d’Ouled Djellal, à 69km au sud-ouest de Gemellae, le point
le plus occidental de la zone étudiée par J.Baradez qui ne
le mentionne pas dans son Fossatum Africae (fig.1). C’est
une construction carrée en grand appareil d’une vingtaine
de mètres de côté, identifiée comme une forteresse à cause
des similitudes qu’elle présente avec les « grandes assises
encore en place par exemple à Tolga, ou que l’on voyait,
en grande élévation, dans le monument dit «Fort Turc »
82. G S., AAA, 1911, f°47, nos17-18 (supra, p.000).
83. Hérodien, VII, 9 (trad. D.Roques, 1990).
84. P G.-Ch., Castellum Dimmidi, 1947, p.114.
85. R D., Vocabulaire politique, 1990, p.65.
86. Sur la statio, voir en dernier lieu F J. et N-C
J., Lastatio, 2014.
87. Sur l’interprétation de la progression sévérienne dans le secteur,
voir F E.W.B., Numidia, 1979, p.116-117 ; C J.-M. et
R A., Empire romain, 1998, p.82 ; C M., Empire
romain, 2006, p.27.
de Biskra, ouvrage romano-byzantin »88. L’existence d’un
bâtiment antique de nature inconnue sous la zaouia du Nebbi
à Sidi Khaled est désormais certaine, même si sa destination
militaire est seulement possible. Il faut maintenant y ajouter
Bordj el Diab, 7km au sud-ouest de Hassi Sida, à la limite
ouest de la carte 48 (Biskra) de l’Atlas archéologique89. Alors
que seule une ruine arabe était mentionnée à cet emplace-
ment, A. Lebert avait reconnu en 1950 un bâtiment carré
de 22 m de côté aux angles externes légèrement arrondis.
Rappelons enfin les éléments identifiés sur le site de Koudiat
el Goléa déjà mentionné90. Ainsi commence à se combler le
vide documentaire qui existait entre le bassin d’Aïn Errich-
Aïn Mellah et Gemellae (fig.1 et 3).
La chronologie et la nature de l’occupation – militaire
ou non – des différents sites évoqués sont encore très mal
connues, mais le tout donne à la présence romaine dans le
secteur méridional de la Numidie une « épaisseur» et une
complexité plus grandes que celles qu’implique l’image d’un
« appendice » ou « antenne » sévérien le long de laxe El
Gahra / Messaad. Cela apparaissait déjà dans la carte du
limes que dressait en 1934 P. Averseng, dont J.-P. Laporte
a rappelé le rôle dinitiateur dans l’étude qu’il a consacrée
à l’historiographie des recherches françaises sur les confins
méridionaux de l’Afrique romaine91.Envisagé dans la longue
durée, cet axe routier qui se prolonge vers l’oasis de Laghouat
au sud correspond à une limite probablement ancienne.
À l’époque romaine, ce fut sans doute celle du ressort du
légat de Lambèse et du procurateur de Césarienne. Ce fut
celle des territoires byzantins avant la conquête arabe. Au
Moyen Âge, elle sépara à l’ouest du Hodna les hautes steppes
algéro-marocaines dépendantes des capitales successives du
Maghreb occidental et celles de l’Ifrîqiya. Mais ce nétait pas
une barrière. N.Benseddik relevait la fonction de contrôle
que les « places » situées sur l’axe El Gahra / Castellum
Dimidi exerçaient sur les circulations entre les plaines
constantinoises et les hauts plateaux du Sud oranais92. Cet
axe croisait un axe est-ouest par la dépression des Zahrez que
P.Salama qualifiait de «voie dinvasion par excellence visant
le cœur de la Numidie». Les routes commerciales allant de
l’Ifrîqiya à Sijilmâsa l’empruntèrent93.
L’armée romaine devait y faire preuve d’une souplesse
opérationnelle fondée sur une grande diversité de moyens
matériels (routes, forts, postes de contrôle, tours de guet) et
humains (détachements de légionnaires et d’auxiliaires, de
fantassins et de cavaliers), combinés aux nécessaires relations
et alliances avec les populations et les chefs locaux94. Il
88. S P., Quelques incursions, 1991, p.95.
89. LJ.-P., Quelques sites, 2014, p.322-325.
90. Supra, p. 000.
91. L J.-P., Confins méridionaux, 2014, p.527, fig.1.
92. B N., Septime Sévère, 1999, p.93.
93. S P., Quelques incursions, 1991, p.98. T M., L’émirat
aghlabide, 1968, d’après M M., Le Hodna occidental, 2009.
94. Sur les voies de la région, voir la carte associée à S P.,
Voies romaines, 1951 (avec les additions et corrections de I.,
Cinquantenaire de la Carte, 1999, p.23-26) et ses travaux postérieurs
(l’ouest de la Numidie ne figure pas dans D J., D N.,
L Cl. et S-A S. (éds.), Carte des routes, 2010).
140
Antiquités africaines, 51, 2015, p.
importe, à ce propos, de ne pas négliger l’impact qua pu
avoir la présence romaine sur l’ethnogenèse des peuples
associés aux principautés et royaumes maures attestés dans
la région à la fin de l’Antiquité, aux époques vandale et
byzantine95. À cette époque et comme le relevait G.Camps
pour la fin du IVes., on observe une «totale imbrication de
certaines chefferies indigènes et des plus hautes fonctions
militaires » romaines96. On ignore pratiquement tout de la
situation durant le Haut-Empire, mais ces confins sont l’une
des origines possibles de Lusius Quietus, dont Thémistios de
Paphlagonie disait, au IVes., qu’il n’était pas originaire de
la partie soumise de la Libye, mais de ses marges obscures
et défavorisées97. Dion Cassius le dit tôn Maurôn archôn
et l’Histoire Auguste évoque les gentiles Mauri qu’il com-
mandait, probablement des symmachiarii98. Cette situation
explique que l’on place ces gentes en Maurétanie tingitane et
que l’on voie en Lusius Quietus l’héritier d’une des familles
aristocratiques qui appuyèrent le pouvoir romain et s’oppo-
sèrent à Aedemon lors de lannexion de la Maurétanie99. En
l’absence de certitude sur les noms des peuples qui occupaient
ces régions, S.Gsell supposait que c’étaient les Abbanae ou
Abanni et les Caprarienses qu’Ammien Marcellin « place
en 374 dans une région montagneuse, très écartée et rendue
inaccessible par des rochers déchiquetés, non loin d’un
peuple éthiopien». Mais J.Desanges croyait plus vraisem-
blable une localisation dans les monts des Ouled Naïl ou
plus à louest encore dans le Djebel Amour.10 0. Chr.Courtois
pensait plutôt au Hodna101. Mais quoi qu’il en soit et si l’on
accepte de l’utiliser, il n’y a pas de raison de considérer que
le paradigme de l’ethnogenèse, très discuté depuis les années
1990 mais traditionnellement centré sur la formation des
peuples «barbares» d’Europe occidentale et centrale, ne soit
pas opératoire pour l’Afrique du Nord antique, qui a moins
retenu l’attention des chercheurs en ce domaine102. Dans le
même état d’esprit, le signalement de la nouvelle inscription
invite à revenir sur le peuplement et le mode d’occupation des
régions marginales du sud-ouest de la Numidie.
95. F E.W.B., Numidia, 1979; F E.W.B. et W
A.I., Saharan Berber, à paraître.
96. C G., Rex gentium, 1984, p.187-188.
9 7. Themist., Or. XVI (p.250 Dind).
98. Dion Cassius, LXVIII, 32; H.A., Vie d’Hadrien, V, 8. Voir G
E., Lusius Quietus, 1927, col.1876.
99. Sur l’origine de Lusius Quietus, voir G E., Lusius Quietus, 1927,
col. 1875; PIR2 L 439; R S., Rome in Africa, 1993, p.128-129; E
W., Lusius Quietus, 1999, col.516-517. En dernier lieu: V W.,
Ties of Resistance, 2013, qui propose de reconnaître en Lusius Quietus un
membre du peuple des Baquates. Sur les principes gentium parmi lesquels
on peut le ranger: L Ph., Princeps gentis, à paraître.
100 . D J., Caprarienses, 1992, corrigeant I., Catalogue,
1962, p.49.
101. C Chr., Les Vandales, 1955, p.120.
102. Parmi de nombreux titres, voir à ce sujet J S., Armée
romaine tardive, 2001, p.359, avec bibliographie, ainsi que les travaux
menés dans les années 2000 sur l’ethnogenèse des Bataves dans
l’Empire romain: R N., Batavians, 2004 (plus généralement:
D T. et R N., Ethnic Constructs, 2009). Sur les discus-
sions relatives au contenu et à la pertinence du concept d’ethnogenèse,
voir en dernier lieu B A., Ethnicité, 2014.
2. Le paysage et Loccupation humaine
dans L’antiqui
J.-M. Lassère a proposé une carte du nomadisme en
Afrique romaine qui s’appuie sur celle qu’en avait donnée
E. Demougeot en 1960 et sur la carte des « genres de vie
indigènes» de J.Despois. Celui-ci figurait les déplacements
des Sahariens estivant dans le Tell, ceux des semi-nomades
des steppes et ceux des montagnards semi-nomades. Il
partageait en deux le massif des Ouled Naïl. Au nord, des
semi-nomades «conduisent leurs troupeaux dans les plaines
des Zahrez, et dans la partie occidentale du Hodna ; ils
ensemencent d’assez vastes étendues. Au printemps, ils
reviennent dans la région montagneuse où la moisson est plus
tardive, mais presque aussi incertaine ». Au sud, des tribus
nomades « hivernent avec leurs troupeaux dans la vallée
de l’oued Djedi et les dayas situées au-delà… Elles estivent
dans les vastes plaines que séparent les chaînes très espacées
du massif dit des Ouled Naïl où les points d’eau sont assez
nombreux et où les semailles ont été faites par des khammès
ou quelques membres de leurs familles ». Sa carte montre
que le massif est encadré à l’ouest par une voie de trans-
humance conduisant les Arbaa et les nomades de l’annexe
de Touggourt dans le Sersou et à l’est par une autre menant
les Saïd Atba et les nomades de l’annexe de Biskra vers les
plaines de Constantine103. Compte tenu des implications de
la notion de «nomadisme» opposée à celle de sédentarité,
on préférera parler de migrations pastorales104. Celles des
« nomades et semi-nomades des steppes » que J. Despois
cartographie sont d’ampleur réduite par rapport aux longues
migrations qui conduisent les nomades sahariens dans le Tell
ou sur ses abords.
En quoi ces observations peuvent-elles nous aider à
rendre compte du système militaire romain dans les Ouled
Naïl? Faut-il suivre P.Salama quand, dans un article écrit
en hommage à J.Despois, il interprétait le lieu de découverte
d’une dédicace à Neptune au pied de l’Ouarsenis, comme
un point d’eau jalonnant la migration de nomades venus
des environs de Laghouat à la lumière des droits reconnus
à une fraction des Arbaa Cheraga de Laghouat par le séna-
tus-consulte de 1863? Ce parallèle le conduisait à supposer
que « toutes les hautes plaines steppiques comprises entre
le Sersou et Messad étaient inspectées par des patrouilles»
basées sur les postes du limes sévérien, ce qui en faisait la
«matérialisation d’une politique de paix aux frontières [] et
103. L J.-M., 1977, Vbique populus p.352 et fig.IV; D
E., Le chameau, 1960, face à la p.232; D J., L’Afrique du Nord,
1964, p.222, fig.25 et carte C hors texte; p.231; p.236.
104. J.-P. Laporte utilise la carte des déplacements des hommes et
des troupeaux dans l’Algérie actuelle que M.Cote a dressée (L
J. - P., Les confins méridionaux, 2014, p.550-551). Cette carte reprend
celle d’Elli Müller que Fernand Braudel avait lui-même reprise,
complétée et simplifiée (B F., La Méditerranée, [1949] 1990,
p. 112-113, fig. 7). Achaba qui est emprunté à un mot désignant
l’herbe, ressource pastorale par excellence, est un terme très général
qui qualifie des mobilités pastorales aussi diverses que celles que les
géographes du XIXes. dans les pays du Nord de la Méditerranée ont
décrit sous le nom de transhumance.
141
Antiquités africaines, 51, 2015, p.
la préfiguration du système français fondé sur l’organisation
rationnelle de l’achaba »105. Il n’a guère été contesté. Mais
depuis, la notion de «genre de vie» qui avait la faveur des
géographes à l’époque de J. Despois a été critiquée et les
notions de pastoralisme et de nomadisme qu’il utilisait dans
les chapitres qu’il a consacrés aux steppes présahariennes
doivent être revues à la lumière de la distinction entre des
techniques d’exploitation du milieu élaborées par les éleveurs
et des modes d’occupation de l’espace106. Le sujet mérite donc
d’être rediscuté.
En s’appuyant sur ces travaux et sur la bibliographie
existante, J.-P. Laporte a identifié six fonctions du système
militaire mis en place sur les confins sahariens de l’Empire.
Une attention particulière doit être accordée aux deux
premières qui procèdent d’un objectif commun de contrôler
les points d’eau et les parcours des pasteurs. Mais pour
l’heure, on ne dispose pas d’études sur l’archéologie du
pastoralisme qui éclairent les particularités de son fonction-
nement dans les différents massifs. Les seules qui en ont été
réalisées ont porté en Algérie sur l’Aurès pour la période
néolithique et en Libye sur la Tripolitaine. C. Roubet qui
a établi l’existence de cette pratique durant le néolithique
pour l’élevage caprin et ovin au Maghreb oriental suggérait
que «les Chaouia, Berbères de l’Aurès présentent dans leur
mode de vie archaïque bien des traits qui peuvent assurer la
liaison entre le peuplement préhistorique et le peuplement
actu el »10 7. La Cyrénaïque reste le seul secteur pour lequel
une modélisation de l’évolution des systèmes agropastoraux
dans la longue durée a été tentée. G.Barker s’est appuyé sur
un modèle d’utilisation traditionnel de territoire réalisé par
Johnson en 1973 qui distinguait trois unités paysagères :
une plaine littorale aux sols pauvres et au climat méditer-
ranéen, une montagne (Djebel Akhdar) moins chaude et
mieux arrosée où l’agriculture est praticable et le plateau du
prédésert où, l’hiver, les troupeaux sont conduits et quelques
cultures pratiquées. À une époque récente, un équilibre
s’était établi entre quatre types d’éleveurs : les éleveurs de
chèvres sur le littoral, les éleveurs de moutons et de chèvres
qui se déplaçaient entre la montagne et le plateau, les cha-
meliers oscillant dans le même espace et ceux qui allaient
jusqu’au désert.
Le problème est ensuite dévaluer l’impact qu’ont eu les
dominations qui se sont succédé sur ces formes de pastora-
lisme. Dans le cas de la Libye, à partir des données dispo-
nibles, G.Barker supposait que la mise en valeur agricole
de la montagne à partir du IIIes. avait contraint les éleveurs
de chèvres et de moutons à devenir chameliers108, ce qui
était déjà l’hypothèse de S. Gsell. Mais des principes mis
en évidence à partir d’une situation observée aux époques
moderne et contemporaine doivent être modulés selon la
diversité des conditions naturelles nord-sahariennes et des
modalités de la domination exercée sur les sociétés locales
par un pouvoir extérieur. Dans le cas des massifs de lAtlas
105. S P., Un point d’eau, 1973, p.343.
106. R D., Le destin du pastoralisme, 2003, p.89.
10 7. R C.et C P., Origine néolithique, 1984.
108 . B G., Early agriculture, 1981, p.144, fig.3.
saharien, on accordera une attention particulière aux pages
par lesquelles J.Despois introduit sa description de l’évo-
lution des genres de vie indigènes. Il distinguait bien les
nomades et les «ksouriens», «habitants des agglomérations
des palmeraies ou de la montagne » qui vivent dans des
villages et cultivent dans des jardins irrigués les céréales,
les légumes et les arbres fruitiers méditerranéens. LAtlas
saharien auquel les monts des Ouled Naïl appartiennent
ne constitue pas « une barrière comme peut l’être l’Aurès
à l’est de l’Algérie. Les différences d’altitude sont d’ailleurs
bien inférieures, ce qui entraîne une moindre différencia-
tion climatique entre la chaîne et son piémont méridional et
explique peut-être la faiblesse des migrations de troupeaux,
peu intéressantes avec de si faibles contrastes climatiques,
malgré la facilité des déplacements »109. El Gahra, Aïn
Errich et Messaad où une présence romaine est bien attestée
ainsi que les autres villages des Ouled Naïl relèvent de ces
formes d’habitat.
Une vie agricole sédentaire s’appuie sur l’exploitation
des ressources hydrauliques permanentes et saisonnières
à laquelle P. Trousset consacrait une étude dans le dossier
évoqué plus haut110. Dans ces zones arides, la disponibilité de
la ressource hydraulique ne dépend pas d’une pluviométrie
médiocre et aléatoire. Elle profite des capacités des roches
calcaires et des grès du substrat de constituer des nappes
phréatiques qui ressortent au pied des reliefs et nourrissent
les écoulements d’inféro-flux dans le lit des oueds. Cette
ressource a fait l’objet d’une attention spéciale de la part
des autorités coloniales qui ont mandaté des géologues pour
en faire l’étude. Ces derniers se sont livrés à de véritables
enquêtes ethnographiques sur les modes de reconnaissance
et d’exploitation de ces ressources par les populations locales.
Ils ont ainsi décrit les systèmes des foggaras111. Soulignant
qu’il ne s’agissait en aucun cas d’innovations apportées par
Rome en Afrique, P. Trousset mettait le lecteur en garde
contre deux erreurs. La première est de penser que Rome
aurait apporté en Afrique des techniques hydrauliques per-
mettant la mise en culture de terres nouvelles. Cette vision
procède d’une confusion entre innovation et diffusion112.
Une seconde erreur consiste à extrapoler et à calquer la
période actuelle sur les périodes anciennes. La pratique
d’une céréaliculture extensive par les colons français est
liée à la technique moderne du dry farming. Jusqualors, la
culture des céréales était liée aux possibilités d’irriguer les
terres. C’est une réalité historique dont ne rend pas compte
la carte de l’occupation romaine en Numidie saharienne,
où G.-Ch.Picard cartographiait des «régions gagnées à la
culture méditerranéenne entre 198 et 238» (fig.4).
Dans le même esprit, J.-M.Lassère observait dans une
note que la région porte encore aujourd’hui des cultures
céréalières113. Si l’oued Chaïr doit son nom à l’orge que l’on y
cultivait, cest parce qu’il bénéficie des écoulements venus du
109. B J. et C Y., Des Monts des Ksour, 1986, p.361.
110. T P., De la montagne au désert, 1986.
111. Anonyme, Compte rendu, 1908.
112 . L Ph., Qanâts, hyponomoi, cuniculi, 2015.
113. L J.-M., Vbique populus, 1977, p.370, n.352.
142
Antiquités africaines, 51, 2015, p.
djebel Sba Chaouia et des chaînes du djebel Messaad, qui ont
permis de créer de belles plantations d’arbres fruitiers et qui
en ont fait la «vallée de l’orge». Mais ce sont des cultures
très éloignées de celles du dry farming qui fut pratiqué dans
ces régions. Elles relèvent de la technique de type péri-
aurasien décrite par P.Trousset à partir des aménagements
observés sur le piémont des Aurès dont les constructeurs
exploitent la topographie. Les massifs montagneux de lAtlas
saharien constituent en effet un vaste impluvium dont les
oueds descendus du versant sud concentrent les eaux sur
les piémonts. Ceux-ci alimentent un inféro-flux qui circule
dans les alluvions de l’oued Djedi et approvisionne une
nappe souterraine que l’on peut atteindre par des puits. Cette
concentration nourrit des sources permettant une irrigation
permanente de certains secteurs, tandis que d’autres béné-
ficient occasionnellement des épandages de fin de crue.
La seconde technique a été décrite principalement par les
archéologues britanniques qui ont travaillé sur le prédésert
libyen114. C’est ce que P. Trousset appelle l’aménagement
du type impluvial qui, mettant «à profit les eaux pluviales
autochtones recueillies sur les pentes offertes au ruisselle-
ment», permet la mise en culture saisonnière des fonds de
vallée115. Ces techniques se retrouvent dans la zone présa-
harienne de la Libye au Maroc. Ainsi dans le Souss oriental
marocain, où M.Boujnikh a décrit l’irrigation faïd qui pallie
la pénurie hydraulique en concentrant les eaux superficielles
sur la section d’un glacis la plus apte à la culture116. Il s’agit
là d’un patrimoine qui retient particulièrement lattention
des ingénieurs qui ont en charge l’aménagement des zones
prédésertiques117.
Évoquons également un troisième technique qui a permis
de développer une agriculture en milieu désertique, celle
qui consiste à creuser une galerie de captage s’enfonçant à
l’horizontale dans une nappe aquifère qu’elle draine grâce à
la différence de pression entre sa partie active et la surface de
la nappe. En Algérie, elle est connue sous le nom de foggara.
Mais elle est commune à l’ensemble des déserts et prédéserts
d’Eurasie et dAfrique: khettaras du Maroc, qanât et falaj
d’Iran et d’Oman, karez du Xinjiang. Dans le désert libyen,
elle a assuré le développement de la civilisation garamante
qui, apparue aux environs de 900 av. J.-C., a connu une
expansion remarquable du Ves. av. J.-C. à l’époque romaine.
Sa mise en œuvre est subordonnée aux conditions géolo-
giques qui président à la constitution des nappes phréatiques.
S’agissant des régions qui nous occupent, on soulignera la
différence entre les Ouled Naïl et leur voisin occidental, le
Djebel Amour: la nature du substrat géologique ne permet
pas la constitution d’une nappe phréatique abondante et l’ir-
régularité des pluies rend la culture aléatoire, ce qui contraint
les éleveurs à la transhumance.
114. B G., Farming the desert, 1996 ; M D. et
B G., Out of Africa, 2005.
115. T P., Limes, 1986, p.101.
116. H J.-P, Compte rendu, 2008.
117. L Ph., Qanâts, hyponomoi, cuniculi, 2015; M F.
et M M., The Qanat, 2014.
Mais une comparaison entre les périodes ancienne et
actuelle ne peut se limiter à la seule prise en compte des tech-
niques de culture. Il y a un siècle, S.Gsell soutenait que le
climat du nord de l’Afrique dans l’Antiquité n’était pas fonda-
mentalement différent de l’actuel. Il était seulement peut-être
un peu plus humide, en particulier dans les montagnes qui
bordent le Sahara qui lui-même était un désert, peut-être un
peu moins sec118. Les études récentes ont toutefois montré
qu’à l’échelle holocène, la pluviométrie avait connu des
oscillations dont les conséquences ont été importantes pour
les régions situées en limite de la zone désertique119. À
défaut détudes consacrées à la partie occidentale de l’Atlas
saharien, citons celles qui ont porté sur des Hautes Steppes
de Tunisie centrale. À la latitude de Sfax, une étude géo-
morphologique récente établissant la chronostratigraphie de
sédiments d’époque historique a montré quaprès la phase
d’aridification du Pléistocène supérieur, le climat devint
plus humide durant l’Holocène inférieur (Capsien) et moyen
(ol ithique)12 0. Suivit une période d’aridification à laquelle
succéda une phase plus humide centrée sur les deux premiers
siècles avant et après J.-C., correspondant aux époques
numide et romaine. À partir du Ves. et jusquau XIVes., la
tendance fut à l’assèchement. D’une manière générale, les
études conduites montrent que dans les huit siècles qui vont
du Ves. av. J.-C. au IIIes. apr. J.-C., lAfrique a bénéficié d’un
climat où les précipitations étaient plus abondantes et mieux
réparties dans la saison agricole et que la fin de la période
antique a bien vu une oscillation du climat vers l’aridité.
L’état actuel du paysage résulte de la conjonction de cette
dernière évolution et d’une occupation humaine qui aggrave
les effets d’un repli vers le nord des caractères méditerra-
néens et de la saharisation de ces marges intervenue depuis
2000 ans.
À elles seules, ces variations imposent de porter sur ces
régions un regard nuancé tenant compte de la spécificité de
chaque période. Or, celui que l’on applique à l’histoire du
Maghreb romain est traditionnellement lié au parallèle entre
cette époque et les deux périodes récentes qu’a caractérisées
la domination du littoral sur l’intérieur : son intégration
d’abord partielle dans l’Empire ottoman, puis totale dans
l’Empire colonial français. Mais ce fut l’inverse durant la
période médiévale. En effet, les monts des Ouled Naïl se
trouvent au sud dune région intérieure qui eut une grande
importance dans l’histoire du Maghreb aux époques Ziride
et Hammadite, avec Achir et la Kalaa de Beni Hammad
dans les monts du Titeri. Il s’agit donc d’approcher sans a
priori le peuplement et loccupation de ces régions à l’époque
romaine.
118. G S., HAAN, 1913.
119. L Ph., Conditions environnementales, 2009.
120. B A. et K M.R., Les terrasses, 2008.
143
Antiquités africaines, 51, 2015, p.
3. Loccupation et Le peupLement romains
Ces questions sont éclairées par le débat qu’a suscité une
inscription d’Vsinaza étudiée par N.Benseddik, au début des
années 1990121. Le site se trouve dans les monts du Titteri,
un massif de l’Atlas tellien, à 200km à vol doiseau au nord-
ouest du Djebel Bou Kahil. Daté des années 202-204, le
texte attribue l’action suivante à Septime Sévère et ses deux
fils: populis nouis ex Africa inlatis oppid[u]m Vsinazensem
per P(ublium) Aelium Peregrinum proc(uratorem) (ducena-
rium) suum constituerunt122. Observant qu’un mouvement
de populations «collectif et vraisemblablement planifié par
l’autorité impériale » de la région de Cirta et du nord de
la Proconsulaire vers les pays maures s’était traduit par la
fondation dagglomérations dont elle soulignait le caractère
civil, N. Benseddik en proposait trois explications : « un
tarissement démographique de la Maurétanie, () une
surpopulation de l’Africa, ou (…) les effets attendus d’une
injection de population anciennement romanisée sur les
Maures réfractaires d’une région hautement stratégique ».
Elle soulignait la correction apportée à l’image d’une coloni-
sation qui serait uniquement vétérane.
Son article a fait l’objet de critiques. Celles que lui a
adressées P.Salama confirment en fait le point de vue qu’elle
exprimait123. N. Benseddik s’appuyait d’ailleurs explicite-
ment sur ses travaux et lui-même connaissait parfaitement
les limites d’une documentation qui ne renseigne pas sur le
peuplement, mais sur la seule dimension militaire du limes
de Numidie occidentale. Plus intéressante était l’objection
formulée par M.Euzennat pour qui les populi noui ex Africa
inlati ne sont pas une multitude d’hommes, mais des tribus
venues de lintérieur de l’Afrique124. J. Desanges, qui est
revenu à son tour sur la question, lui a donné raison sur le
sens de communauté qu’il donne à populus. Il sagirait donc
d’un des 463 populi que connaissait Pline125. Mais il suit
N.Benseddik sur l’origine géographique des populi noui. Il
écarte l’hypothèse d’une arrivée de populations venues du sud
au profit d’un mouvement venu de l’ouest et du sud-ouest de
la Proconsulaire qui aurait été accompagné de dons de terres
et d’une urbanisation aboutissant, précisait-il, à «une roma-
nisation sans perte d’identité»126. Ces populations ont donc
été installées autour d’Vsinaza qui, selon AhmedM’charek,
serait à l’origine du nom berbère des Sanhadja127.
N. Benseddik observait la concomitance entre ce
mouvement de population et l’assignation de terres au sud
du Hodna, connue par l’inscription rupestre du Djebel Zireg
121. B N., Vsinaza, 1992.
122. CIL, VIII, 9228 + , 1992, 1925 = , 1995, 1791 = , 2002,
170 7.
123. S P., Cinquantenaire, 1999; I., Discussion, 1999.
124. E M., Populis nouis, 1993-95 (d’, 1995, 1791). Ex
Africa inlati signifierait «s’étant jeté sur». Autre exemple de déplace-
ments de peuples: CIL, XIV, 3608.
125. D J., Pline l’Ancien, 1980, p.326
126. D J., De la Marmarique, 2001, p.70 (d’, 2002,
1707).
12 7. M ’ A., De Tacite à Ibn Khaldûn, 2014.
(gravée entre l’été 198 et lannée 201)128. Ce texte, un de
ceux que P. Trousset utilise dans sa typologie, mentionne
des champs (agri), des terrains pour la pâture du bétail
(pascua) et le captage de sources (fontes)129. L’assignation
a été décidée parle légat Anicius Faustus et réalisée par un
euocatus de la IIIelégion130. Le martelage empêche de savoir
s’il s’agissait de colons civils ou de vétérans, ce qui nous
prive d’une donnée importante dans le débat sur la place de
l’armée. L. Leschi avait envisagé que les bénéficiaires en
seraient des colons partiaires. Il fondait cette hypothèse sur
une inscription copiée et publiée par J.Carcopino, à 2km au
sud-ouest d’El Gahra131. Le texte atteste un domaine impérial
affermé à des conductores qui percevaient les redevances des
colons partiaires qui les exploitaient. Pour J.-M.Lassère qui
a revu ce document, les bénéficiaires de l’assignation étaient
probablement des vétérans. L’onomastique de la population
civile d’El Gahra, dans la vallée de l’oued Chaïr, conserve-
rait le souvenir de soldats libérés (avec toutefois une réserve
sur les «épitaphes d’hommes dont la qualité de militaires
n’est pas indiquée»), justifiant la qualification de ces régions
comme des « zones de peuplement militaire ». Il suggère
qu’elles «correspondent aux débuts d’une population civile,
sur les activités desquelles on n’est pas du tout renseigné,
mais qui, probablement, étaient de nature agricole». Selon
lui, l’«onomastique hétéroclite» des inscriptions d’El Ghara
«montre bien qu’il s’agit d’une population importée, d’une
population de pionniers, et non pas d’une collectivité origi-
nelle élevée à la citoyenneté»132.
Cette qualification de «pionniers » renvoie à une thé-
matique empruntée au concept de «frontière» tel que lont
élaboré les historiens nord-américains pour rendre compte
de la conquête de l’Ouest au XIXes., et traduire l’avancée
du défrichement de terres vides ou sous-peuplées, par des
migrants venus d’ailleurs. Elle est d’ailleurs bien anté-
rieure à la formulation que rappelle J.-M.Carrié. Déjà en
1955, P. Salama qualifiait «la zone steppique de l’Algérie
occidentale » de « far-west africain » et plus loin de «no
man’s land»133. Au XIXe s., la société de pionniers du Far
West américain renvoie à l’image idéalisée d’une société
égalitaire et solidaire de paysans indépendants dont larmée
assurait la sécurité par le déploiement d’un réseau de forts
et de postes en limite des territoires indiens. Une telle
interprétation des données épigraphiques s’inscrit dans une
thèse sur la romanisation de l’Afrique qui fait débat134. Sur
le plan historiographique, elle se place dans la continuité
d’une idée que l’on trouvait précisément sous la plume de
J.Carcopino lorsquil évoquait la colonisation vétérane en
Italie comme « la transfusion d’un sang frais et généreux
dans l’organisme de l’agriculture péninsulaire»135. Ce qui est
128. , 1946, 38; L L., Assignation de terres, 1948.
129. T P., Limes, 1986, p.100.
130. L L., Assignation de terres, 1948, p.78-79.
131. , 1926, 147.
132. L J.-M., Vbique populus, 1977, p.269-270.
133. S P., Nouveaux témoignages, 1955, p.356 et 358.
134. L Ph., Afrique romaine, 2014.
135. C J., Jules César, 1968, p.515.
144
Antiquités africaines, 51, 2015, p.
expliqué plus haut invite à une lecture inverse. S’agissant ici
de régions où lagriculture posait des problèmes spécifiques,
les nouveaux arrivants avaient certainement plus à apprendre
des agriculteurs et pasteurs numides que le contraire. Dans le
cas présent, le texte publié par N.Benseddik invite à revenir
à une hypothèse un temps envisagée par L.Leschi à propos
de l’assignation mentionnée par l’inscription rupestre du
Djebel Zireg: la bénéficiaire des attributions serait une tribu
à laquelle ces terres auraient été concédées à titre collectif
comme ce fut le cas pour les Musulames de la région de
Tébessa, d’Ammaedara et de Madaure.
Dans la carte qu’il donne de la répartition des popula-
tions rurale sédentaires, J.-M.Lassère a utilisé l’expression
«régions de peuplement militaire » pour qualifier la zone
à laquelle les Ouled Naïl appartiennent. Son emploi est
justifié par le nombre important des vétérans, au moins en
terme relatif. Mais il était évidemment illusoire de rendre
compte de l’occupation rurale du Maghreb dans l’Antiquité
à partir de données épigraphiques qui portent exclusivement
sur le peuplement romain ou romanisé136. Un corpus de
270sites ou groupements de sites répartis sur l’ensemble du
Maghreb ne permet pas de dresser un bilan «représentatif
de la densité des populations rurales», surtout s’il est conçu
comme «régional»137. Dans le cas présent, le petit nombre
de données disponibles explique sans nécessairement la
justifier l’utilisation de paradigmes, qui, vues depuis les rives
de la Méditerranée antique, sont ceux de la romanisation et
de la résistance indigène138. Mais on ne redira jamais assez
que les cartes archéologiques traduisent d’abord l’activité de
la recherche et l’intérêt des chercheurs. La conservation de
ruines est liée à trop de facteurs particuliers pour qu’il soit
possible dinduire d’une absence de ruines (connues) que
telle ou telle région n’était pas peuplée à lépoque romaine.
Par ailleurs, des techniques de prospection fondées sur la
seule observation des céramiques sont trop dépendantes de
modes de conservation qui privilégient deux types d’artefacts
susceptibles de rendre compte dans sa totalité de l’occupation
de régions où l’habitat en terre domine : les silex et les
céramiques cuites à haute température.
Le bilan dressé laisse de côté des populations qui consti-
tuaient l’essentiel du peuplement. Sans doute, l’examen des
photos aériennes et l’utilisation de Google Earth sont-ils
d’une aide précieuse aux recherches de terrain. Mais ces
dernières restent toujours susceptibles de remettre en question
des «certitudes», comme vient de le montrer une récente
publication portant sur le Boutaleb. Ce massif long de 30km
et large de 10km, qui culmine à plus de 1900m, appartient à
un ensemble reliant lAtlas tellien à l’Atlas saharien, à l’ouest
de la cuvette du Hodna. Il était presque entièrement entouré
d’un fossé doublé d’un mur jalonné, d’après J.Baradez, par
de nombreux ouvrages militaires, tours de gué et castella,
selon un dispositif continu au sud, à lest et au nord dont seule
136. L J.-M., Vbique populus, 1977, carteIII (entre p.334 et
335); L Ph, Compte Rendu, 1982.
13 7. L J.-M., Vbique populus, 1977, p.313.
138. L Ph, LAfrique romaine, 2014.
la vallée de la Soubella semble dépourvue139. Ainsi, alors
qu’aucun site romain n’y figure sur la feuille 27 de l’Atlas
archéologique, Y.Aibeche a identifié plusieurs sites antiques
dans la cuvette de l’oued Tebben à l’intérieur du massif et a
publié une inscription d’époque byzantine qui atteste la res-
tauration des murs d’une ville140.
coNcLusioNs
En 1942, concluant un article où il faisait le point sur
les relations entre Rome et les nomades du Sahara central,
LouisLeschi présentait «les soldats de Messaad, Aïn-Errich
et El-Gahra » comme des « sentinelles sur les chemins
du Sahara »141. Lanalyse épigraphique, mais aussi la mise
en contexte géographique et archéologique du fragment
découvert par le Père Fr. de Villaret sur le versant oriental
du chaînon formé par les Djebels Serfaga et Teleïla, enrichit
nos connaissances sur un secteur de la Numidie, resté mal
connu à cause de l’absence de prospections, lors d’un épisode
majeur de la conquête romaine en Afrique. Le document
en modifie sensiblement la représentation cartographique
ancienne qui lui donnait la forme d’un étroit appendice
correspondant aux monts des Ouled Naïl. Il laisse entrevoir
le contrôle par Rome de lespace qui le séparait du piémont
de l’Aurès et conforte l’hypothèse ancienne d’une probable
présence militaire romaine dans la vallée de l’oued Djedi.
Ce texte ne nous apporte que des connaissances indirectes
sur les populations qui occupaient alors le massif et que
ce système encadrait. La situation de ces confins et leur
peuplement tribal devaient être probablement identiques à
ceux que René Rebuffat a décrits dans ses travaux sur la
frontière romaine en Afrique142. S’il y a une différence entre
les régions, elle est due au fait quon trouvait en Tingitane
des tribus importantes, mais d’un poids politique approxima-
tivement comparable, alors que les Garamantes constituaient
un État dont la cohérence et la dimension devaient être bien
supérieures.
Faut-il continuer à interpréter le dispositif militaire en
se fondant sur les travaux des géographes qui ont décrit
les migrations pastorales sahariennes et présahariennes
aux XIXe et XXe s. ? Un système romain de contrôle des
troupeaux préfigurait-il celui que mit en place l’administra-
tion française ? La question mériterait d’être reprise. Car,
s’il est vrai que « dans tous les cas connus d’un peu près
[], la transhumance est fortement institutionnalisée »143,
les institutions qui la régissaient existaient avant que Rome
ne contrôle les tribus. Par ailleurs, les insuffisances de la
notion de genre de vie, trop vague pour être opératoire, les
critiques dont fait lobjet l’intemporalité prêtée aux pratiques
pastorales et les progrès accomplis dans l’identification des
139. E B C., Bou Taleb, 1991.
140 . A Y., Nouvelle trace, 2014.
141. L L., Rome et les Nomades, 1942 = 1957, p.72.
142 . R R., La frontière romaine, 1979 ; I., Au-delà des
camps romains, 1982.
143. B F., La Méditerranée, 1949, p.107.
145
Antiquités africaines, 51, 2015, p.
variations climatiques invitent à explorer d’autres voies. Les
gravures rupestres qui abondent dans le secteur des grès
de Numidie et les sépultures anté-islamiques144 témoignent
des possibilités quoffrait la région pour un peuplement
sédentaire à une époque où elle bénéficiait d’un climat
moins aride qu’aujourd’hui. L.Leschi évoquait les possibles
relations entre les sépultures des royaumes berbéro-chrétiens
de la région de Tiaret et celles que fouillait le docteur Roffo
à Aïn el-Hamara, sur un petit affluent de l’oued Itel, 52km
au sud d’Ouled Djellal145. Les villages ksouriens décrits par
J.Despois sont les héritiers des villages berbères signalés
par les travaux des militaires dont lAtlas archéologique
rend compte. Fautes d’études archéologiques, ils restent
anonymes. Si lon veut imaginer ce qu’ils furent, plutôt que
de rechercher un parallèle avec une période durant laquelle
l’augmentation de l’aridité favorisa la forme nomade du pas-
toralisme, il faut suivre l’exemple des archéologues qui ont
travaillé dans la partie libyenne de la Proconsulaire146 et chez
les Garamantes du Fezzan147.
Pour rendre compte du mode d’occupation et du contrôle
militaire romain dans le sud de la Maurétanie césa-
rienne, P. Salama avait utilisé les travaux du capitaine
L.Lehuraux148 et postulé la triple permanence des conditions
environnementales, des modes d’exploitation du milieu et
des relations entre nomades et sédentaires. Mais «avant de
144 . L J., Vestiges préhistoriques, 1965.
145. R P., Sépultures indigènes, 1938, p.210.
146. B G., Farming the desert, 1996 .
147. M D., The Archaeology of Fezzan, 2013.
148 . L L., 1931, Le nomadisme.
bâtir des théories sur les obstacles que pouvaient constituer
les parcours traditionnels des nomades, il faudrait prendre
garde qu’on ne saurait, après tant de bouleversements his-
toriques, adopter pour le nomadisme antique des données
valables pour le nomadisme médiéval ou moderne »149.
Par ailleurs, depuis L. Lehuraux, la bibliographie s’est
enrichie de travaux qui jettent le doute sur l’ensemble de
ces postulats. Ainsi, pour contrôler l’oasis d’Ouargla, les
Ottomans avaient constitué un groupe makhzen réunissant
les Said Atba qui transhumaient vers Tiaret et les At Babia
sédentaires. Ce système leur permettait d’utiliser une tribu
– ici les At Babia de N’Goussa– pour contrôler les autres et
prélever taxes et impôts sur elles et les populations séden-
taires. A. Romey a montré « combien les autorités fran-
çaises, dans ces régions nouvelles, ne comprenaient guère
le fonctionnement d’une communauté nomade et quels
équilibres, tant politiques que sociaux, lui étaient néces-
saires »150. Qui donc peut dire quel système de contrôle
les autorités romaines ont adopté ? Le modèle makhzé-
nien? Le nouveau modèle du pouvoir militaire français?
Ou quelquautre modèle à définir? Mais on aurait tort de
rechercher un modèle unique le long de milliers de kilo-
mètres séparant l’Atlantique de la mer Rouge.
Juin 2015
149. R R., 1979, La frontière, p.245-246.
150. R A., La chefferie, 1992.
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Before the pacification of northern Numidia at the end of the Julio-Claudian period, the defence of Cirta, the only Roman colony at the western end of the province of Africa at the time, relied mainly on auxiliary units. These units and the locations of garrison points are difficult to identify because of the military and individual mobility as well as the nature and scarcity of epigraphic documents in the first century A.D. Nevertheless, the attestations of auxiliary soldiers, combined with those of the descendants of veterans settled near their former posts, reveal a defensive system, in which participated the ala I Pannoniorum, cohors VII Lusitanorum, presumably cohors II Gemella Thracum and perhaps ala Veterana. These data also shed light on the military issues in the Julio-Claudian period, the process of pacification and the integration of the veterans into local society.
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عاد موضوع الليمس الافريقي الجزائري الى الساحة العلمية من خلال الأبحاث المتفرقة لبعض الباحثين المعاصرين، بعد أن انقطعت به الابحاث في الفترة الاستعمارية والتي قام بها اساسا الباحث براداز في منطقة الزيبان اي في الحدود الجنوبية لمقاطعة نوميديا على خلفية التحري الجوي، ثم التأكد من المعطيات المكتشفة مشيا على الاقدام، حيث بقي موضوع الليمس في المنطقة غامضا وغير مؤرخ عبر الفترات التاريخية التي مرت به بالرغم من الأبحاث السابقة، حيث يطرح هذا المقال مجموعة من التساؤلات حول ماهية الليمس النوميدي، وما طبيعة المواقع الاثرية المنتشرة فيه والتي بقيت الى يومنا مدفونة تحت التراب، ومحاولة تشخيص المواد الانشائية وكذا تقنية البناء المستعملة. Le sujet du Limes africain algérien est revenu maintenant comme actualité scientifique à travers les recherches sporadiques de certains chercheurs contemporains. Après, une rupture des recherches enregistrée à l'époque coloniale. Ces recherches menées principalement par Jean Baradez dans la région des Ziban, appelée jadis la région du limes de Numidie par la prospection aérienne, puis se fera la vérification des données découvertes à pied. En dépit, les recherches sur le limes de différentes régions géographiques de l'empire sont explicites, reste le limes de Numidie ambigu et non daté. Cette étude soulève un ensemble de questions sur :-La nature du limes de Numidie,-quelle est la nature des sites archéologiques qui y sont dispersés et qui sont restés à ce jour enfouis sous terre, et-Un essai de diagnostiquer les matériaux et la technique de construction utilisée.
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الملح في موريتانيا القيصرية و نوميديا. مصادره؟ استخداماته؟ تواتية عمراوي هذا هو الملخص الأول للمناطق الوسطى من المغرب العربي (الجزائر) و الذي يظهر الدور الرئيسي الذي لعبه الملح محلياً و كجزء من شبكات تجارية أوسع، و على مدى فترة طويلة من الزمن . اعتمدت هذه الدراسة على مصادر قديمة وحديثة - جغرافية ومعدنية و إثنوغرافية - و تستخدم البيانات الأثرية التي أهمل تحليلها في السابق عن استغلال الملح واستخداماته في العصور القديمة في كل من موريتانيا القيصرية و نوميديا. إن إعادة التقييم هذه تكشف عن مدى توفر الموارد المحلية: حيث كان الملح وفيراً، ويمكن الوصول إليه بسهولة، و يسهل حصاده من البحيرات المالحة أو صخور الملح . إن البقايا الأثرية التي يتم العثور عليها و بشكل منهجي بالقرب من مكامن الملح الموجودة داخل منطقة المقاطعة الرومانية أو على أطرافها، تؤكد أن السكان استخدموا هذه الموارد المحلية لاحتياجاتهم اليومية. وتظهر الدراسات الإثنوغرافية أن السكان أو القبائل العابرة كانوا - ولا يزالون - قادرين على الاستفادة من الملح المحلي كجزء من تجارتهم مع الشمال والجنوب . تشير أدلة العصور الوسطى إلى أن الملح الصخري من جبل ملح الوطاية (بسكرة) والملح من سبخة آرزيو كان يتم تصديرهما عن طريق البر و من ثم البحر، حيث يصدر الأول لتونس و الثاني لدول أوروبية مجاورة، ولا يوجد ما يتعارض مع حقيقة أن هذا النوع من الشبكات وغيرها كانت موجود بالفعل في العصور القديمة.
Conference Paper
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Canarias fue la última parada del éxodo que emprendieron los libio-bereberes desde la franja mediterránea hasta la atlántica. A lo largo de este extenso recorrido, fueron dejando una serie de huellas arqueológicas, siendo las inscripciones líbico-bereberes las más inequívocas. Su rastreo desde el lejano y antiguo reino de Numidia (norte de Túnez y de Argelia) hasta el vecino valle del Draa (Marruecos) nos ha permitido descubrir que este alfabeto llegó a Canarias tras el cambio de era. Y lo hizo a través de una célebre ruta de comunicación presahariana que ya había descrito Estrabón en el s. I d. C.: la de los Lagos Salados. Se trata del principal eje vertebrador del comercio caravanero norteafricano, por el que, a lo largo de la Historia, han pasado mercancías tan valiosas como el oro, el garum, los dátiles y la sal. Pero, también, y, sobre todo, fue una importante vía de intercambio cultural que favoreció la difusión de la lengua y la escritura líbico-bereberes hacia el Atlántico.
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Two inscriptions found in 2019 at Boumageur have multiple areas of interest. Engraved under the reign of Emperors Valentinian III and Marcian (450-455; the indication of the Mauretanian era dates from the second of 452), these are the only epigraphic texts that associate them, and the most recent of the Roman era ever found in Africa. They mention a new city, Valentinianopolis. They mainly illuminate the history of Africa at that time: the Vandals seized it in 439 but, between 442 and 455, they returned to the Empire the west of Numidia, the Sitifensis and the Caesariensis. The new texts prove that this was also the case in the southwest of Numidia, from then on attached to the Sitifensis, but also that Rome undertook to restore the prosperity of these provinces. Finally, they give the ancient
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Nul mieux que ce livre n'affirme que l'espace est aussi domaine des historiens, car la vie sociale, la vie administrative des groupements humains, leurs usages culturels aussi, s'inscrivent dans des territoires qui se juxtaposent, s'articulent, se singularisent, se chevauchent parfois. Les notions de frontières et de limites prennent alors tout leur sens. Quinze études et de riches discussions apportent ici des regards croisés et complémentaires sur l'Afrique du Nord antique. C'est également l'occasion de rendre hommage à Pierre Salama, non seu­lement épigraphiste et numismate, mais aussi spécialiste hors-pair de géographie historique. La Carte du réseau routier, diffusée en 1947, puis intégrée en 1951 au livre sur Les voies romaines de l'Afrique du Nord, a connu une brillante destinée, car elle a constamment servi de point d'appui au travail des historiens des nouvelles générations. Cette carte est une œuvre de synthèse, et d'abord une synthèse de l'espace, exprimée en réduction; mais elle synthétise aussi le temps, car les cités dont le nom apparaît ont duré de longs siècles, structurant fortement la vie politique et sociale des provinces romaines, et reflétant par leur apparition et leur permanence les changements dans les modes de vie.
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Nul mieux que ce livre n'affirme que l'espace est aussi domaine des historiens, car la vie sociale, la vie administrative des groupements humains, leurs usages culturels aussi, s'inscrivent dans des territoires qui se juxtaposent, s'articulent, se singularisent, se chevauchent parfois. Les notions de frontières et de limites prennent alors tout leur sens. Quinze études et de riches discussions apportent ici des regards croisés et complémentaires sur l'Afrique du Nord antique. C'est également l'occasion de rendre hommage à Pierre Salama, non seu­lement épigraphiste et numismate, mais aussi spécialiste hors-pair de géographie historique. La Carte du réseau routier, diffusée en 1947, puis intégrée en 1951 au livre sur Les voies romaines de l'Afrique du Nord, a connu une brillante destinée, car elle a constamment servi de point d'appui au travail des historiens des nouvelles générations. Cette carte est une œuvre de synthèse, et d'abord une synthèse de l'espace, exprimée en réduction; mais elle synthétise aussi le temps, car les cités dont le nom apparaît ont duré de longs siècles, structurant fortement la vie politique et sociale des provinces romaines, et reflétant par leur apparition et leur permanence les changements dans les modes de vie.
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Nul mieux que ce livre n'affirme que l'espace est aussi domaine des historiens, car la vie sociale, la vie administrative des groupements humains, leurs usages culturels aussi, s'inscrivent dans des territoires qui se juxtaposent, s'articulent, se singularisent, se chevauchent parfois. Les notions de frontières et de limites prennent alors tout leur sens. Quinze études et de riches discussions apportent ici des regards croisés et complémentaires sur l'Afrique du Nord antique. C'est également l'occasion de rendre hommage à Pierre Salama, non seu­lement épigraphiste et numismate, mais aussi spécialiste hors-pair de géographie historique. La Carte du réseau routier, diffusée en 1947, puis intégrée en 1951 au livre sur Les voies romaines de l'Afrique du Nord, a connu une brillante destinée, car elle a constamment servi de point d'appui au travail des historiens des nouvelles générations. Cette carte est une œuvre de synthèse, et d'abord une synthèse de l'espace, exprimée en réduction; mais elle synthétise aussi le temps, car les cités dont le nom apparaît ont duré de longs siècles, structurant fortement la vie politique et sociale des provinces romaines, et reflétant par leur apparition et leur permanence les changements dans les modes de vie.