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28 Le nouveau Cancérologue / Juillet / Août / Septembre 2012 / Volume 06 / Numéro 01
Innovations thérapeutiques
Introduction
La demande d’acupuncture chez les patients souffrant
de cancer est motivée par une recherche d’amélioration
de la qualité de vie comme le relève une étude sociolo-
gique réalisée en convention avec l’Institut national du
cancer
(1). On relève ainsi que 69,9 % des attentes des
patients concernent la diminution des effets secondaires
des traitements oncologiques, notamment les nausées et
vomissements, le stress, la fatigue et les douleurs (2). Parmi
ces effets secondaires (tableau 1), la fatigue est la mieux
soulagée (58,1 % des cas) selon l’étude de Triadou et
al.
(3) et il importe de faire le point sur l’état actuel des
connaissances.
L’asthénie liée au cancer est une sensation subjective,
pénible et persistante de fatigue physique, émotionnelle
et/ou cognitive, un épuisement en rapport avec le cancer
ou le traitement du cancer, non proportionnelle à l’activité
récente, non améliorée par le repos et qui interfère avec
le fonctionnement habituel du malade
(4). Elle est à la fois
physique avec une asthénie prédominant en fin d’après-
midi voire le soir, et psychique survenant le matin avec
une dimension psycho-pathologique entraînant détresse,
émotions, tristesse, irritabilité, etc. Elle va entraîner des
stratégies d’adaptation avec une diminution des capacités
physiques et/ou psychologiques
(5).
La fatigue touche très fréquemment les patients cancéreux
bénéficiant d’une chimiothérapie cytotoxique, de radiothé-
rapie, de greffe de moelle osseuse ou de traitements avec
des modificateurs de réponse biologique
(6). Elle affecte
70 % à 100 % des patients cancéreux selon le National
Comprehensive Cancer Network (NCCN).
La prévalence de la fatigue a d’ailleurs été comparée
à celle de la population générale. Selon la revue de
Minton et al., elle varie beaucoup en fonction des ques-
tionnaires d’évaluation mais reste néanmoins significa-
tivement plus élevée que dans la population générale,
chiffrée par exemple entre 39 % et plus de 90 % durant
le traitement et de 19 % et 38 % après la fin du traitement
anti-cancéreux (7).
Il est important aussi de savoir si la fatigue est bien la
conséquence directe ou indirecte du cancer ou de son
traitement. Il s’agira donc d’en faire un diagnostic précis
selon des critères spécifiques et de la différencier d’une
comorbidité psychiatrique. Cella et al. (8) ont établi diffé-
rents critères afin de confirmer un diagnostic comme la
fatigue significative, la diminution de la concentration,
le sommeil non réparateur, le fait de devoir lutter pour
surmonter la tendance à l’inactivité, la tristesse ou l’irrita-
bilité, la perte de mémoire à court terme, etc.
On distingue en outre la fatigue au cours de la prise en
charge thérapeutique et celle qui survient après la fin
du traitement.
Une revue de la littérature publiée entre 1989 et 2001
concernant le cancer du sein a objectivé que des taux
élevés et fluctuants de prévalence de la fatigue sont trou-
Intérêt de l’acupuncture dans la
fatigue liée au cancer
Qu’elle soit en rapport avec la chimiothérapie ou la
radiothérapie, la fatigue liée au cancer est un problème
très fréquent apparaissant dès le début du traitement
anticancéreux et pouvant persister même des mois après
la fin de ce traitement. Son dépistage et son évaluation
devraient donc être recommandés systématiquement.
À l’exclusion des thérapies des causes facilement
identifiables comme une anémie ou une dépression,
le traitement habituel fait appel à une prise en charge
favorisant les techniques d’économie d’énergie, une
approche pharmacologique, psychologique et une
réhabilitation physique. Une autre possibilité souvent
ignorée fait intervenir l’acupuncture qui objective dans
des essais contrôlés randomisés préliminaires un bénéfice
certain qui doit être confirmé par des essais cliniques de
grande puissance. L’acupuncture semble ainsi efficace
dans la fatigue liée au cancer quel que soit son stade
et se doit donc d’entrer dans le panel de soins de santé
que l’oncologue peut offrir à son malade.
Abstract
Whether it is related to chemotherapy or radiation,
cancer-related fatigue is a common problem
occurring from the beginning of cancer treatment
and may persist even months after the end of this
treatment. Its screening and assessment should
be recommended systematically. Excluding
therapies for easily identifiable causes such as
anemia or depression, the usual treatment uses
a support promoting energy saving techniques,
a pharmacological, psychological approach,
and physical rehabilitation. Another possibility
often neglected involves acupuncture that shows
objective definite benefits in preliminary randomized
controlled trials to be confirmed by clinical trials
of great statistical power. Acupuncture appears
effective and fatigue associated with cancer
regardless of its stage, and must therefore enter the
panel of health care that the oncologist can provide
to his patient.
Jean-Marc STÉPHAN
Expertise :
Directeur de la
revue Acupuncture &
Moxibustion.
Coordinateur du DIU
acupuncture obstétricale
Lille 2.
Chargé d'enseignement
à la faculté de médecine
Paris Sud XI et Rouen.
Médecin acupuncteur
attaché au CH de
Denain 59220.
Secrétaire Général de
l’ASMAF-EFA.
Déclaration publique
d'intérêts :
Aucun.
Correspondance :
jm.stephan@acupuncture-
medicale.org
Mots clés :
acupuncture,
cancer,
fatigue liée au
cancer,
traitement alternatif.
Keywords :
acupuncture,
cancer,
cancer-related
fatigue,
alternative treatment.
Le nouveau Cancérologue / Juillet / Août / Septembre 2012 / Volume 06 / Numéro 01 29
Intérêt de l’acupuncture dans la fatigue liée au cancer
vés non seulement pendant mais aussi après l’adminis-
tration d’une chimiothérapie adjuvante. À l’inverse de la
perception commune qui sous-entend que davantage de
traitements de chimiothérapie peuvent conduire à une plus
grande fatigue, les études de la littérature montrent au
contraire que l’intensité de la fatigue reste stable tout au
long des cycles de traitement. Par contre, la fatigue qui
suit les deux premiers jours après l’administration de la
chimiothérapie semble être la pire et les praticiens doivent
en informer leurs patients
(9).
La fatigue persiste aussi bien souvent alors que le traite-
ment anticancéreux est terminé. Ainsi Broeckel et al. ont
trouvé que la fatigue des patientes était en moyenne 50 %
plus élevée 16 mois après la chimiothérapie que celle
rapportée dans un groupe comparatif des femmes n’ayant
pas eu le cancer du sein (10). À plus long terme, une étude
longitudinale objective que 34 % des 760 patientes inter-
rogées rapportent une fatigue importante 5 à 10 ans
après le diagnostic du cancer du sein, presque identique
à celle observée de 1 à 5 ans après le diagnostic (35 %),
soulignant ainsi l’absence de changement dans ce symp-
tôme au fil du temps
(11).
De ce fait, les patients sont en demande d’une utilisa-
tion plus fréquente des services de santé, y compris
des thérapies alternatives, comme le montre une étude
canadienne portant sur 913 patients, où l’asthénie est
le symptôme le plus fréquemment rapporté (78 %) avec
l’anxiété (77 %)
(12).
Si le diagnostic de la fatigue ne pose pas trop de
problème, son évaluation au cours du temps nécessite
des questionnaires spécifiques déterminés par l’intérêt
que l’on porte au symptôme. S’il s’agit d’explorer la
fatigue en évaluation de routine, une échelle unidimen-
sionnelle de type visuelle analogique (EVA) graduée de
0 à 10 cm peut suffire. Par contre, en cas de recherche
clinique, d’études contrôlées randomisées ou si le chif-
frage à l’EVA est supérieur à 6 avec un impact sévère
sur la vie quotidienne, les questionnaires doivent être
spécifiques de type uni ou multidimensionnels, c’est-à-dire
permettant d’étudier les différentes composantes de la
fatigue à la fois physique et psychologique
(13). On peut
retenir le MFI 20 (Multidimensional Fatigue Inventory) qui
s’intéresse à 20 items et 5 dimensions : fatigue globale,
physique, mentale, réduction de l’activité, réduction de la
motivation ; le FACIT-F (Functional Assessment of Chronic
Illness Therapy-Fatigue subscale) mesurant à la fois la
qualité de la vie (sur 26 items) et 13 items spécifiques
de la fatigue. Les référentiels interrégionaux (5) préconisent
l’échelle de fatigue révisée de Piper datant de 1998 qui
étudient 22 items évalués sur une échelle numérique de
0 à 10, sur 4 dimensions : comportementale/intensité,
affective, sensorielle et cognitive/humeur. Plus simple, car
unidimensionnelle, la BFI (Brief Fatigue Inventory) évalue
dans son questionnaire 9 items (chiffré de 0 à 10 sur
une échelle numérique) avec 3 questions sur la sévérité
de la fatigue et 6 questions sur le retentissement dans
la vie quotidienne dans les 24 heures qui précèdent :
activité générale, humeur, capacité de marche, travail,
relations avec autrui, joie de vivre. La fatigue est consi-
dérée comme modérée pour des chiffres compris entre
4 et 6 ; et sévère si compris entre 7 et 10.
La prise en charge symptomatique doit tenir compte que
la fatigue est un symptôme à la fois multifactoriel et multi-
dimensionnel. Bien sûr il s’agira de découvrir les causes
réversibles facilement identifiables par un bilan biologique,
comme une anémie, une infection, des troubles métabo-
liques, endocriniens, ou par une comorbidité : syndrome
dépressif, dénutrition, causes iatrogènes, récidive du
cancer, douleurs chroniques, etc.
Sans étiologie précise, il est recommandé en fonction de
la prise en charge (durant le traitement par chimiothéra-
pie/ radiothérapie, etc., en post-thérapie ou en fin de
vie) de favoriser les techniques d’économie d’énergie sans
conseiller le repos et la sieste qui sont délétères, favoriser
la réhabilitation physique (marche, jogging, natation) avec
des exercices physiques modérés et réguliers
(14), d’avoir
une approche psychologique et/ou enfin d’intervenir par
thérapeutiques purement pharmacologiques tels que les
psychostimulants : méthylphénidate, modafinil, dexam-
phétamine, guarana. Cependant, même si ces psychos-
timulants augmentent la vigilance, le niveau de preuves
est insuffisant pour qu’ils soient systématiquement recom-
mandés, sans compter que les effets secondaires sont loin
d’être négligeables
(4,5).
Durant la phase de traitement anticancéreux, le NCCN (4)
avait rapporté des effets positifs de l’acupuncture, mais du
fait de la faible population étudiée, recommandait des ECR
de plus grande puissance.
Occurences Pourcentages
Fatigue 54 58,1 %
Nausées et vomissements 43 46,2 %
Douleurs 21 22,6 %
Troubles digestifs 16 17,2 %
Moral 13 14,0 %
Aphtes 13 14,0 %
Brûlures 12 12,9 %
Angoisse, stress, nervosité 10 10,8 %
Sommeil 99,7 %
Bouffées de chaleur 66,5 %
Constipation 66,5 %
Formule sanguine 55,4 %
Perte de goût, d'appétit 44,3 %
Troubles sensitifs des extrémités 33,2 %
Repousse des cheveux 22,2 %
Total 93
Tableau 1 : Effets secondaires les mieux soulagés par acupuncture des patients d’acupunc-
teurs médecins (reproduction réalisée avec l’aimable autorisation de la revue Acupuncture &
Moxibustion)
Le nouveau Cancérologue / Juillet / Août / Septembre 2012 / Volume 06 / Numéro 01
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Intérêt de l’acupuncture dans la fatigue liée au cancer
En effet, bien qu’une méta-analyse de la collaboration
Cochrane réalisée à partir de 5 études (n=205) montre
que le méthylphénidate puisse être efficace dans la fatigue,
il a été conseillé de réaliser de plus grands essais (15). De la
même manière, même si quatre essais d’acupuncture (figure
1) portant sur une population globale de 127 patients
objectivent un certain bénéfice, il n’en demeure pas moins
que la réalisation d’ECR de plus grande puissance est
nécessaire.
Fatigue liée à la radiothérapie
Une étude préliminaire a objectivé que 12 séances d’acu-
puncture réalisées chez des patients (n=16) durant tout leur
protocole de radiothérapie ont le potentiel de prévenir la
fatigue liée à ce traitement
(16).
Mieux, car dans cette étude toujours préliminaire mais en
double aveugle et portant sur 27 patients randomisés, il
apparaît que le groupe de sujets recevant l’acupuncture
a une meilleure amélioration de la fatigue que celui du
groupe acupuncture factice (17). Il s’agit d’une étude pilote
de bonne qualité méthodologique avec un score de Jadad
à 5 (Grille de Jadad) (18). Les patientes sont traitées deux fois
par semaine durant les 6 semaines de radiothérapie. Le
recueil des mesures se fait selon l’échelle FACIT-F à 3 et 6
semaines durant le traitement et 4 semaines après la fin. On
observe que l’acupuncture est plus efficace sur la fatigue
que l’acupuncture factice, même si la différence entre les
deux n’est pas significative (p= 0,37). En fait, les auteurs
ont calculé que pour montrer une différence significative
entre les deux groupes et objectiver un effet spécifique,
il était nécessaire d’augmenter la puissance d’une étude
future et d’inclure 75 patients par groupe. Quoi qu’il en
soit les auteurs observaient que l’acupuncture véritable était
plus bénéfique pour les patients que l’acupuncture factice.
Fatigue en post-chimiothérapie
L’étude ouverte de Vickers et al.
(19) a été conduite chez
37 sujets, dont 31 ont bénéficié de l’évaluation complète
(6 perdus de vue). Il s’agissait de patients ayant eu pour
la plupart un cancer du sein (32 %), mais aussi un cancer
gynécologique (16 %), du poumon (23 %), hématologique
(16 %), etc.
Ces malades avaient fini leur cure de chimiothérapie
depuis plus de deux ans et avait une fatigue persistante
évaluée au départ à 6,47 sur l’échelle BFI. Une première
cohorte (n=25) avait bénéficié du traitement acupunctural
deux fois par semaine pendant 4 semaines et la seconde
(n=12), une fois par semaine pendant 6 semaines. La
moyenne d’amélioration du niveau de fatigue a été de
31,1 % (IC 95 %, 20,6 % à 41,5 %) et aucune différence
entre les deux cohortes. Par contre, la réponse était moins
bonne à partir de 65 ans. Cette étude de basse qualité
méthodologique (Jadad=1) non contrôlée a le mérite de
montrer que l’acupuncture peut entraîner une bonne amélio-
ration de la fatigue, et, selon les auteurs, a le mérite d’attirer
l’attention sur le fait que des ECR sont nécessaires pour
le confirmer.
De ce fait, encouragés par ces résultats, Molassiotis
et al.
(20) ont réalisé un essai contrôlé randomisé contre
placebo de haute qualité méthodologique (Jadad=5) à
trois bras : un bras acupuncture (n=15), un autre acupres-
sion (n=16) et enfin un bras acupression factice « sham »
(n=16) chez des patients cancéreux (lymphomes, cancers
mammaires, cancer du poumon, gastro-intestinaux, etc.)
souffrant de fatigue après avoir achevé un mois auparavant
leur cycle de chimiothérapie (CHOP, anthracycline, cispla-
tine, etc.). Par l’évaluation de la fatigue selon l’échelle MFI
20, ils confirment les résultats précédents en trouvant une
moyenne d’amélioration à la fin du traitement de 36 % des
niveaux de fatigue dans le groupe acupuncture, 19 % dans
le groupe acupression et 0,6 % dans le groupe placebo,
le tout maintenu pendant deux semaines. L’acupuncture
est plus efficace de manière statistiquement significative
(p=0,01) que l’acupression ou l’acupression factice.
Deux semaines après la fin du traitement acupunctural,
une seconde évaluation par MFI 20 a permis de constater
que l’amélioration de la fatigue était moins forte qu’à la
première évaluation (22 % dans le groupe acupuncture,
15 % dans le groupe acupression et 7 % pour le groupe
acupression placebo) et imposait donc la nécessité de
prolonger le traitement pour maintenir l’effet antifatigue de
l’acupuncture. Malgré l’efficacité nette de l’acupuncture et
dans une moindre mesure celle de l’acupression qui pourra
être utilisée chez les personnes pusillanimes, cette étude
préliminaire objective la nécessité d’un ECR de grande
puissance.
Johnston et al.
(21) ont étudié l’utilisation de l’acupuncture
dans le cadre de la médecine intégrative, c’est-à-dire inté-
gration de l’acupuncture à un programme de prise en
charge à la fois physique, psychologique et diététique chez
Figure 1 : Aiguille d’acupuncture implantée sur le point
hegu (GI4)
➦Randomisation citée, décrite et appropriée : 2 points
➦Insu-patient prouvé par un questionnaire demandant
à la 3e et 10e semaine de suivi dans quel groupe
d'acupuncture le patient se situe : 1 point
➦Insu-évaluateur. L'évaluateur est une infirmière,
donc différente du thérapeute, et ignore à quel
groupe appartient la patiente dont elle recueille les
informations : 1 point
➦Sorties d'essai, analyse en intention de traiter,
car 27 patientes en début de traitement et 4 sorties
d’essai décrites et incluses dans les calculs statistiques
en fin d'essai : 1 point
➦Score : 5/5, c'est à dire étude de haute qualité.
Le nouveau Cancérologue / Juillet / Août / Septembre 2012 / Volume 06 / Numéro 01 31
Intérêt de l’acupuncture dans la fatigue liée au cancer
des patientes ayant bénéficié d’une chimiothérapie pour
cancer du sein. Elles souffraient d’une fatigue évaluée à
une moyenne de 6,33 selon l’échelle d’évaluation BFI. Les
auteurs les ont randomisées en deux groupes : un groupe
acupuncture intégré à la prise en charge habituelle (n=7)
et un groupe uniquement de prise en charge habituelle
(n=6). L’étude contrôlée randomisée préliminaire, de bonne
tenue méthodologique (Jadad=3, car n’étant pas en insu)
suit les recommandations CONSORT (22) et STRICTA (23). On
observe que l’intervention acupuncturale est associée à une
baisse de 2,38 points (p=0,08) mesurée sur l’échelle BFI
par rapport au groupe témoin. Ainsi du fait de la faible
puissance de l’étude, les auteurs proposent de réaliser un
ECR de plus grande taille pour confirmer l’efficacité de
l’acupuncture.
Le tableau 2 récapitule les caractéristiques de ces études
cliniques.
La fatigue persistante liée au traitement anticancéreux est
un symptôme pour lequel l’acupuncture peut apporter un
bénéfice certain. Bien sûr des études contrôlées randomi-
sées de haute qualité méthodologique sont encore néces-
saires. Mais il est clair, ainsi que le soulignent les diffé-
rents auteurs, que ce n’est pas sans poser des problèmes
pratiques. Par exemple, il faut tenir compte de la difficulté
de recrutement afin d’atteindre la population suffisante. En
effet selon l’étude de Johnston et al.
(24) pour obtenir une
puissance statistique suffisante de l’ECR en phase III, il
serait nécessaire de randomiser dans deux bras au moins
101 sujets (52 par bras) si l’on s’attend à un effet impor-
tant de l’acupuncture, voire 235 (118 par bras) si l’effet
est supposé plus modéré. Il faudra aussi faire le choix du
placebo, tenir compte de la variabilité des symptômes,
du type d’acupuncture (moxibustion, auriculothérapie,
électroacupuncture, acupression, etc.) qui peuvent entraî-
ner une certaine hétérogénéité des études. Quoi qu’il en
soit, il en ressort qu’il y a très peu d’effets secondaires
et pas de réelles contre-indications (25), surtout si l’on suit
les recommandations émises par la Haute Autorité de
Santé
(26). D’autre part, la recherche clinique ne faiblit pas
si l’on en croit le méta-registre d’essais cliniques contrôlés
(mRCT) qui comptabilise à ce jour 5 études en phase II ou
III, et 2 études préliminaires
(27).
L’efficacité de l’acupuncture dans la fatigue immédiate
survenant en cours de traitement a été peu étudiée, excepté
durant la période de radiothérapie
(17) et dans certaines
études de cas
(28,29,30,31,32). Ainsi, on s’aperçoit que ces
différents protocoles de chimiothérapie ou de radiothérapie
seront d’autant mieux supportés, d’un point de vue fatigue
Auteurs Type d’étude et
nombre de patients Jadad Protocole Résultats
Balk
(2009)
ECR en double aveugle
préliminaire contre
placebo à 2 bras
(n=27) 5
– Durant période des six semaines de traitement de
radiothérapie
– Séances de 30mn 2 fois par semaine
– Recherche du deqi.
– Évaluation : FACIT –F
– Bras acupuncture : avec électroacupuncture (EA)
– Bras acupuncture factice avec aiguilles placebo de
type Park + simulation d’électrodes non reliées
Acupuncture plus efficace sur
la fatigue que l’acupuncture
factice mais non significatif
(p=0,37)
Vickers
(2004) Étude ouverte (n=37) 1
– 2 ans après fin de la cure de chimiothérapie
– Premier groupe : 2 fois par semaine (20 mn)
– Protocole modifié dans le deuxième groupe : puncture
1 fois par semaine
– Recherche du deqi
– Évaluation : BFI
– Amélioration du niveau de
fatigue : 31,1 % (IC 95 %,
20,6 % à 41,5 %)
– Pas de différence
significative entre les deux
cohortes
Molassiotis
(2007)
ECR en double aveugle
préliminaire contre
placebo à 3 bras
(n=47)
5
– 1 mois après fin de la cure de chimiothérapie –
6 sessions de 20 mn pendant quinze jours
(3 fois par semaine)
– Recherche du deqi
– Évaluation : MFI 20
– Groupe acupuncture
– Groupe acupression, groupe placebo : utilisation de
pression sur des points inactifs dans la fatigue
– Amélioration du niveau
de fatigue de 36 % par
acupuncture, 19 % par
acupression et 0,6 % dans le
groupe placebo
– Maintien pendant
2 semaines.
– Acupuncture plus efficace
(p=0,01) que l’acupression ou
l’acupression factice.
Johnston
(2011) ECR sans placebo
à 2 bras (n=13) 3
– Après fin de la cure de chimiothérapie
– 8 sessions de 50 mn (1 fois par semaine)
– Recherche du deqi
– Évaluation : BFI
– Groupe acupuncture et prise en charge habituelle
– Groupe témoin (prise en charge habituelle seule)
– Acupuncture diminue la
fatigue de 2,38 versus groupe
témoin (p=0,08)
Tableau 2 : Caractéristiques des principales études cliniques d’acupuncture utilisée en cas de fatigue
Le nouveau Cancérologue / Juillet / Août / Septembre 2012 / Volume 06 / Numéro 01
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Intérêt de l’acupuncture dans la fatigue liée au cancer
et qualité de vie, si le suivi par acupuncture se fait durant
tout le cycle thérapeutique. L’intervention acupuncturale
sera réalisée ainsi en règle générale 24 à 48 heures avant
la cure (séance de 20 mn), puis une autre le lendemain
de la perfusion suivie d’une autre en intercure. Jeannin et
al. préconisent une séance par semaine pendant toute la
durée de la radiothérapie (30). Lors de chaque consultation,
le protocole du choix des points concernant la fatigue n’est
pas rigide, mais est adapté en fonction de l’évolution ou
l’apparition de symptômes ou des effets secondaires. De
ce fait cette souplesse permet également d’améliorer la
qualité de vie des patients. L’acupuncture se doit donc
d’entrer dans le panel de soins de santé que l’oncologue
peut offrir à son malade.
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Bibliographie