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Vers une politique du climat réaliste et efficace : à la lumière de la théorie des jeux

Authors:
fondation pour les études et recherches sur le développement international
LA FERDI EST UNE FONDATION RECONNUE D’UTILITÉ PUBLIQUE.
ELLE MET EN ŒUVRE AVEC L’IDDRI L’INITIATIVE POUR LE DÉVELOPPEMENT ET LA GOUVERNANCE MONDIALE (IDGM).
ELLE COORDONNE LE LABEX IDGM+ QUI L’ASSOCIE AU CERDI ET À L’IDDRI. CETTE PUBLICATION A BÉNÉFICIÉ D’UNE AIDE DE L’ÉTAT FRANCAIS
GÉRÉE PAR LANR AU TITRE DU PROGRAMME « INVESTISSEMENTS D’AVENIR » PORTANT LA RÉFÉRENCE « ANR-10-LABX-14-01 »
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Frédéric Babonneau est vice-président de la société Ordecsys et
chercheur au Laboratoire d’Economie Urbaine et de l’Environnement
(leure) de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (epfl), Suisse.
Alain Haurie est professeur émérite de l’Université de Genève et
professeur associé de l’École des hautes études commerciales de Montréal.
Il est aussi Président et Directeur de la société de conseil Ordecsys, basée
à Genève, Suisse.
Marc Vi el le est économiste au Laboratoire d’économie urbaine et
de l’environnement (leure) de l’École polytechnique fédérale de Lausanne
(epfl), Suisse.
La vingt-et-unième Conférence des Parties (COP21) à Paris, en
novembre dernier, a débouché sur un accord qui s’appuie en
partie sur une approche où les pays poursuivront des
engagements volontaires non contraignants. Bien que cet
accord constitue une nouvelle étape sur la longue et dicile
route des négociations climatiques, de l’avis de tous, le
compte n’y est pas. /
Vers une politique du climat
réaliste et ecace : à la lumière
de la théorie des jeux 1
Frédéric Babonneau
Alain Haurie
Marc Vielle
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1. Les auteurs remercient Jaime de Melo pour ses commentaires avisés qui ont conduit à une
amélioration notable de ce commentaire.
3
Note brève n°149 F. Babonneau, A. Haurie & M. Vielle
Les engagements formulés dans les
INDCs (Intended nationally determined contri-
butions) ne sont pas susants pour espérer limi-
ter le réchauement climatique à 2°C. La récente
publication Vers une politique du climat réaliste
et ecace 2, à laquelle un ensemble d’experts a
contribuée et qui s’adresse à un public de non-
initiés, fait l’inventaire des principaux points de
blocage et présente des recommandations poli-
tiques en vue de parvenir à une politique du cli-
mat réaliste et ecace.
Selon ces experts, les problèmes de partage de la
charge et d’équité contribuent en grande partie à
expliquer le manque de volonté politique. Dans
leur chapitre introductif, Scott Barrett, Carlo Car-
raro et Jaime de Melo indiquent clairement que
« les pays n’accepteront de réduire leurs propres
émissions de gaz à effet de serre (GES) que s’ils
sont convaincus que la charge liée à cet eort est
équitablement répartie entre toutes les régions de
la planète ». Il est donc crucial, toujours selon ces
auteurs, d’adopter dans des négociations à venir,
une approche qui permette d’éloigner les pays
d’un comportement non-coopératif, fondée sur
l’intérêt de chaque partie, pour les attirer vers un
comportement pleinement coopératif.
Ce constat nous amène à rééchir au dé cli-
matique posé au concert des nations, en des
termes de la théorie mathématique des jeux
3.
Nous utiliserons en particulier le paradigme de
jeu non coopératif avec contraintes couplées,
proposé en 1965 par le mathématicien améri-
2. Sous la direction de Scott Barrett, Carlo Carraro et Jaime de
Melo, Economica, 2015.
3. La théorie mathématique des jeux, trouve son origine dans
des mishnas du Talmud de Babylone, à propos d’un problème
de partage d’héritage contesté, la correspondance entre
Blaise Pascal et le Chevalier de Mérée sur le Problèmes
des partis, c’est-à-dire le partage des mises d’une partie
interrompue par l’arrivée du Roi, puis l’ouvrage fondateur de
Oscar Morgenstern et John von Neumann, Theory of Games
and Economic Behavior, publié en 1942 qui développe et
généralise les travaux précurseurs de Emile Borel et de Jean
Ville, publiés en 1938. Elle est devenue un des outils privilégiés
pour le développement de théories économiques, comme en
témoignent les nombreux prix Nobel déconomie décernés à
des spécialistes de ce domaine (par exemple, Jean Tirole).
cain J.B. Rosen 4. Lobjet de ce commentaire est de
montrer que la complexité de la dénition d’une
politique du climat réaliste et ecace, peut être
structurée en utilisant ces concepts de la théorie
mathématique des jeux, ce qui peut fournir une
compréhension plus précise des enjeux et des
options dans la dénition d’une politique clima-
tique internationale. Dans quelques publications
récentes 5, nous montrons comment ces modèles
peuvent servir les négociations dans la déni-
tion d’accords réalistes, équitables et mesurés
en terme de coûts économiques. Ils s’appuient
1) sur la dénition d’un budget global d’émis-
sions compatible avec l’objectif de 2°C, 2) sur le
partage, à l’issue de négociations, de ce budget
entre les diérentes parties, iii) sur une straté-
gie d’exploitation non-coopérative (c’est à dire,
concurrentielle) par chaque groupe de pays, de
son budget alloué avec pour objectif de maxi-
miser le bien-être de sa population et iv) par la
mise en place de marchés du carbone. Revenons
en détail sur chacun de ces éléments.
Tout d’abord, expliquons comment le concept
de « jeu non-coopératif avec contrainte cou-
plée » s’impose naturellement dans le contexte
des négociations climatiques. Dans le chapitre
2 du livre, Thomas Stocker rappelle les données
scientiques concernant les changements cli-
matiques. Retenons en particulier l’élément sui-
vant qui est déterminant 6 : […] « La relation quasi
linéaire entre le réchauement moyen de la surface
planétaire d’ici la n du 21e siècle et le total cumulé
4. J.B. Rosen (1965). Existence and uniqueness of equilibrium
points for concave n-person games, Econometrica, vol. 33,
issue 3, pp. 520-534.
5. Alain Haurie, Frédéric Babonneau, Neil Edwards, Phil Holden,
Amit Kanudia, Maryse Labriet, Barbara Pizzileo and Marc
Vielle. Fairness in Climate Negotiations: a Meta- Game Analysis
Based on Community Integrated Assessment; in Willi Semmler
and Lucas Bernard, editors, The Oxford Ha ndbook of the
Macroeconomics of Climate Change 2015.
Frédéric Babonneau, Alain Haurie and Marc Vielle. A robust
meta-game for climate negotiations. Computational
Management Science, vol. 10, issue 4, pages 299-329, 2013.
Frédéric Babonneau, Alain Haurie and Marc Vielle. Assessment
of balanced burden-sharing in the 2050 EU climate/energy
roadmap : a metamodeling approach. Climatic Change, vol.
134, issue 4, pp. 505-519, February 2016.
6. Page 48 op.cit.
4
Note brève n°149 F. Babonneau, A. Haurie & M. Vielle
des émissions de CO2 depuis l’ère industrielle (GIEC,
2013b) constitue un nouvel élément essentiel. Plus
les émissions cumulées seront conséquentes, plus la
température maximale sera élevée au 21e siècle »
Ainsi, même si la dynamique du climat est consti-
tuée d’un ensemble complexe de rétroactions
entre des phénomènes concernant les océans,
l’atmosphère, les glaces, les nuages, les aérosols
etc, en ce qui intéresse le public et donc le poli-
tique, tout se résume en l’existence d’un budget
global d’émission de gaz à eet de serre à ne pas
dépasser d’ici la n du 21e siècle. Le « système
Terre » impose donc une obligation à l’ensemble
de tous les émetteurs de carbone de respecter un
budget global d’émission. Même si les acteurs ne
veulent pas coopérer, ils restent cependant sou-
mis à cette obligation. Il s’agit d’une contrainte
couplée que tous les émetteurs, collectivement
devront satisfaire. Les nations devront donc né-
gocier un partage de ce budget global d’émission
de carbone qu’il reste à dénir.
Quand on déclare vouloir limiter l’augmenta-
tion de la température maximale au cours du 21e
siècle à 2°C, on déclare, implicitement donc, que
l’ensemble des émetteurs devront respecter un
budget d’émission de carbone 7 : […] « pour espé-
rer raisonnablement maintenir le réchauement
mondial moyen au-dessous de 2°C, il faudrait que
la quantité totale maximale de carbone émise dans
l’atmosphère depuis la n du 19e siècle ne dépasse
pas environ 1 000 milliards de tonnes. En 2014, on
atteignait déjà 545 milliards de tonnes. Il ne reste-
rait donc plus que 455 milliards de tonnes à émettre
pour atteindre cet objectif »Il y a, évidemment,
une marge d’erreur. Mais le constat est que la
science du climat a débouché sur un concept
décisionnel très simple : Il existe un budget car-
bone limité qui doit être partagé équitablement
entre les pays ou agents émetteurs. Nous voilà
de nouveau face à un problème de partage, simi-
laire à ceux qui ont été à l’origine de la théorie
mathématique des jeux. Les pays exploiteront la
part du budget qui leur sera attribuée pour réa-
7. page 49 op.cit.
liser leur développement économique, accom-
pagné d’une transition énergétique permettant
l’établissement d’une économie sans émission
atmosphérique de carbone à la n du 21e siècle.
L’utilisation de ces budgets se fera en concur-
rence entre les différentes économies mon-
diales et donc de manière non-coopérative. Il est
donc important à ce stade d’être en mesure de
simuler ces comportements non coopératifs et
d’évaluer les impacts économiques d’un partage
d’émissions donné. Les résultats de ces simula-
tions viendront ainsi guider la façon dont seront
partagés les droits émissions. L’application de la
théorie mathématique des jeux, dont on donne
une illustration ci-après, fournira ainsi une aide
à la négociation.
Les droits d’émission auront une valeur écono-
mique qui sera révélée par l’établissement d’un
ou plusieurs marchés du carbone. Roger Guesne-
rie, dans le chapitre 9 rappelle que 8 : […] « Pour
cela le savoir économique suggère fortement la
mise en place d’un système dit de « cap and trade ».
L’objectif mondial de l’année n prend la forme d’un
quota global, décliné en quotas pour chaque par-
ticipant »… Robert Stavins dans le chapitre 20
montre l’intérêt de construire ainsi une liaison
entre les politiques régionales, nationales et in-
ternationales. Si le marché international de per-
mis d’émission permet à chaque pays d’eectuer
du placement et de l’emprunt de titres, « banking
and borrowing », la décision stratégique d’un pays
sera le quota qu’il soctroie en année n, sachant
que son budget global d’émission carbone au
cours du 21e siècle est limité. En d’autres termes,
chaque pays doit dénir le rythme auquel son
budget de permis d’émission sera consommé.
Pour une année donnée, la quantité totale de
droits d’émission mise sur le marché détermi-
nera alors le prix des droits. Certains pays seront
alors vendeurs de droits d’émission et d’autres
seront acheteurs. Les pays détermineront ensuite
leurs niveaux annuels d’émissions de manière à
maximiser le bien-être de leur population, que
8. page 125, op.cit.
5
Note brève n°149 F. Babonneau, A. Haurie & M. Vielle
l’on peut considérer, en première approximation,
comme étant lié au niveau de consommation per
capita et à la taille de cette population. D’autres
indicateurs socio-économiques peuvent être cal-
culés par le truchement de la théorie des jeux
et ainsi contribuer à évaluer l’équité d’un accord
climatique de partage d’émissions.
La question de l’équité est en eet centrale à
toute négociation climatique. L’importance de
l’énergie fossile comme moteur de nos écono-
mies, son utilisation quasi consubstantielle de
tout développement économique rend bien
évidemment dicile tout accord visant à limiter
son usage pour les pays émergents et en voie de
développement. C’est ainsi l’objet de la partie 6
du livre intitulée « répartition de la charge et dé-
veloppement ». Le protocole de Kyoto avait acté
cette situation en limitant les seuls engagements
contraignants aux pays industrialisés. Vingt ans
après, il apparaît évident que l’ampleur des ré-
ductions nécessaires requiert une participation
de tous les états. La participation des pays en
voie de développement reste cependant condi-
tionnée à des transferts qu’ils soient nanciers,
technologiques ou d’aides au développement et
à l’adaptation face au changement climatique.
L’attrait de la mise en place d’un marché de per-
mis d’émissions est qu’il permet d’intégrer un
mécanisme incitatif en faveur de ces pays par
le biais d’une allocation « généreuse » des droits
d’émissions. La solution d’équilibre doit satisfaire
une condition d’équité qui peut très bien être
le fruit de la négociation internationale. Remar-
quons pour exemple que le partage des réduc-
tions d’émissions au niveau européen a résulté
d’un processus similaire, où la situation existante
au regard des émissions de GES, les perspectives
de développement, la richesse économique sont
des éléments qui ont été retenus pour xer la
répartition par états des réductions à atteindre.
La notion d’équité doit donc marier plusieurs
critères. Les chapitres de la cinquième partie de
l’ouvrage en déclinent les composants couvrant
l’incidence plus forte du changement climatique
plus élevée dans les pays pauvres (chapitre 26 de
Hallegate et al.), une compensation pour un frein
à la déforestation (chapitre 28 de Angelsen), et
les villes dont la construction absorberait 65%
du budget carbone d’ici à 2030 (chapitre 30 de
Bigio).
Examinons maintenant les enseignements que
l’on peut tirer de la résolution d’un tel jeu. Dans
plusieurs articles, nous avons présenté les résul-
tats de la simulation d’une telle négociation, si-
mulation réalisée à l’aide du modèle d’équilibre
général calculable GEMINI-E3 9. La conclusion est
que coût économique mondial cumulé (c’est-
à-dire sur l’ensemble de la période) d’une telle
politique se chire à quelques points seulement
de produit intérieur brut (PIB). Plus précisément,
les analyses les plus récentes qui sont présentées
en Juin 2016 à la 39e conférence internationale de
l’IAEE à Bergen, sont résumées pour 11 pays (et
groupes de pays) dans le graphique ci-dessous.
Les résultats illustrent un exemple de partage
d’émissions « équitable » sur la période 2016-
2050 pour un budget compatible avec l’objectif
de réchauement limité à 2°C à la n de notre
siècle. Ce budget est estimé ici à environ 305Gt
de carbone. L’approche adoptée pour dénir le
partage est celle de Rawls, c’est à dire que l’on
minimise le coût économique le plus élevé entre
les pays. En d’autres termes, cela revient à égali-
ser les eorts de l’ensemble des acteurs. Le coût
actualisé associé sur l’ensemble de la période
est ainsi limité à 0.8% du PIB pour chacune des
nations (ou groupe de pays). Les principaux bé-
néciaire d’un tel accord, en terme de permis,
seraient la Chine avec 22.5% du budget et les
États-Unis avec 14.1%. A titre de comparaison,
l’évaluation des impacts économiques induits
par les INDCs aboutit à un coût économique
proche de zéro avec d’importantes disparités
9. Pour une description détaillée du modèle GEMINI-E3, voir
A. Bernard and M. Vielle, GEMINI-E3, a general equilibrium
model of international – national interactions between
economy, energy and the environment, Computanional
Management Science, Volume 5, number 3, May 2008, pp 173-
206.
6
Note brève n°149 F. Babonneau, A. Haurie & M. Vielle
entre les nations (par exemple, un coût de 0.09%
du PIB pour les États-Unis et un gain de 0.11% du
PIB pour la Chine). La faiblesse de ces coûts ap-
porte la preuve, s’il en fallait, du manque d’ambi-
tion de la communauté internationale dans les
engagements formulés dans les INDCs.
Figure 1. Exemple de partage d’émissions
« équitable »
Bien que les coûts calculés dans le cadre d’un
accord contraignant apparaissent supportables,
ils cachent néanmoins des disparités importantes
au niveau des individus et des secteurs écono-
miques. La décarbonisation de nos économies
s’accompagnera de l’abandon de pans entiers
d’industrie qui avaient assis leur développement
sur l’énergie fossile. Au contraire d’autres indus-
tries et technologies verront le jour et seront
source de développement. Les ménages feront
face à une situation comparable. Ceux qui, par
exemple, sont très dépendants pour leur mobi-
lité de la voiture ou qui travaillent dans des in-
dustries charbonnières devront faire des eorts
pour s’adapter. L’accompagnement de la tran-
sition sera donc essentiel pour lever tout point
de blocage. Au niveau des états, l’allocation des
budgets d’émissions permettra de tenir compte
de ces diérentes positions face à une transition
vers des économies à zéro carbone. Les pays
producteurs de pétrole se verront attribuer des
quotas substantiels pour compenser les pertes
de revenus liées à la n de l’âge du pétrole. Les
pays en voie de développement bénécieront
aussi de budget d’émissions permettant de faci-
liter un développement économique sans émis-
sions de GES.
En résumé, en négociant une répartition du bud-
get global entre les parties à un accord interna-
tional, on inue sur la dénition du jeu non-coo-
pératif qui devra être joué par les participants en
concurrence. La négociation revient à résoudre
un problème de conception optimale (« optimal
design ») du jeu climatique international. Par
exemple, les négociateurs doivent concevoir le
jeu, en allouant une part du budget global d’émis-
sions cumulées à chaque groupe de participants,
de telle manière que, dans l’équilibre résultant
de l’utilisation optimale de ces droits d’émission,
les pertes de bien-être, par rapport à une situa-
tion sans contrainte climatique, tendront à être
similaires 10. Les choix technologiques existent
pour réaliser une transition vers un système éner-
gétique durable et décarboné. Ils concernent,
entre autre, les sources d’énergies renouvelables
variables, les développements conjugués de la
mobilité électrique et des réseaux intelligents,
la capture et séquestration du carbone, comme
indiqué par les auteurs de la partie 5 de l’ouvrage.
Les outils d’aide à la négociation basés sur la
théorie des jeux sont donc prometteurs pour
dénir une politique climatique internationale
ambitieuse. S’ils peuvent contribuer à lever cer-
tains points de blocage dans les négociations, ils
ont également leurs limites. En premier lieu, le
marché international de droits d’émission évo-
qué plus haut en est un des paradigmes les plus
simples à formaliser, mais pas nécessairement le
plus simple à établir. De plus, dans notre vision
10. Cela revient aussi à chercher l’allocation qui minimise la plus
grande perte de bien-être (critère de Rawls).
7
Note brève n°149 F. Babonneau, A. Haurie & M. Vielle
schématisée d’une concurrence entre les nations
exploitant leurs parts du budget global d’émis-
sion, on suppose un transfert de technologies
sans entrave, tel que recommandé par Heleen
de Coninck et Shikha Bhasin dans le chapitre 31
de l’ouvrage. Jean-Charles Hourcade au chapitre
34 rappelle que : […] « la finance, la principale
contrainte héritée de la crise de 2008, doit impéra-
tivement faire partie intégrante de la solution »
Avec les autres auteurs de la partie 7 de l’ouvrage
il indique les diérents instruments nanciers
dont la création d’actifs nanciers protecteurs
du climat (« climate remediation assets ») pour
soulager les investisseurs de long terme confron-
tés au dilemme de « l’âne de Buridan », ces actifs
facilitant l’accès à une société décarbonée.
Au-delà de ces limites, il faudra repenser l’ar-
chitecture des institutions visant à réduire les
émissions de GES ainsi que la gouvernance plus
généralement. Ce chantier est l’objet des contri-
butions dans la partie 3 de l’ouvrage qui réunit
des contributions de juristes et politologues.
Dans le chapitre 13 Wiener s’interroge sur les
avantages et inconvénients de rendre juridique-
ment contraignant les dispositions de mesure,
notication et vérication envisagées dans l’ac-
cord. Une responsabilisation renforcée pourrait
entraîner un changement de comportement,
les États étant davantage susceptibles d’hono-
rer leurs engagements si leurs actions peuvent
être observées. Cette transparence accrue aide-
rait à mieux cerner la comparabilité des engage-
ments qui, comme le montrent Aldy et Pizer dans
le chapitre 12 sont diciles à comparer. Dans le
chapitre 16, Mavroidis et Melo proposent des ré-
formes de l’Organisation mondiale du commerce
(OMC) visant la mise en place d’un « contrat
positif » laissant moins de manœuvre aux pays
que sous le « contrat négatif » actuel. Dans ce
nouveau contrat, l’étiquetage des technologies
à haut rendement énergétique serait accepté
ainsi que des mesures limitant la subvention des
combustibles fossiles. Alors, les règles commer-
ciales ne viseraient plus simplement à libéraliser
le commerce, mais aussi à réduire les émissions.
En l’état, les règles présentent des obstacles juri-
diques aux propositions d’un club climat dans un
accord plurilatéral qui s’appuierait sur des droits
de douane imposés par les membres du club aux
non-participants à une taxe carbone adoptée par
les autres membres.
Pour conclure, le livre Vers une politique du climat
réaliste et ecace présente de manière simple et
illustrée les options, opportunités et dicultés
liées aux négociations climatiques et à l’établis-
sement de politiques internationales équitables.
La schématisation de cet ensemble d’éléments
interconnectés en un problème de jeu dyna-
mique non-coopératif, avec un budget global
d’émission à respecter, permet d’eectuer une
première évaluation, à grands traits, des pos-
sibilités de réussite dans l’établissement d’une
politique climatique réaliste et ecace. Dans les
publications déjà citées, nous avons rapporté le
résultat de simulation de solutions d’équilibre
équitables qui conduisent à des pertes relatives
de bien-être, égalisées d’un ordre de grandeur
de quelques pourcents de produit intérieur brut
pour les diérents participants. Ces résultats sont
encourageants, ils incitent à exprimer un certain
optimisme quant à la possibilité de notre société
à gérer, de manière congruente, le réchauement
climatique et le développement à l’aide d’une
politique réaliste et ecace tel qu’esquissé dans
le livre de Scott Barrett, Carlo Carraro et Jaime
de Melo.
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Créée en 2003, la Fondation pour les études et recherches
sur le développement international vise à favoriser
la compréhension du développement économique
international et des politiques qui l’inuencent.
Contact
www.ferdi.fr
contact@ferdi.fr
+33 (0)4 73 17 75 30
n° ISSN : 2275-5055
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