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PRE-PRINT: MERCI DE CITER D’APRèS L’ORIGINAL
« Faire avec de l’espace »: pour une approche de l’habiter par les
pratiques
Mathis Stock
Introduction
Le concept d’habiter pose problème, car il peut être utilisé de multiples manières en sciences
humaines et sociales. Différentes traditions phénoménologiques, anthropologiques, sociologiques et
géographiques proposent des perspectives différentes : entre habiter comme relation intime à
l’espace (Merleau-Ponty), comme immobilité (Moles), comme résider (la sociologie urbaine), comme
« être sur la Terre » (Heidegger), comme créer des « sphères » (Sloterdijk) etc., tout un spectre
d’acceptions et de définitions rendent difficile l’acte de connaissance sur l’habiter. Nous pourrions
ainsi reconnaître au vu des travaux conduits jusqu’ici dans les différentes disciplines qu’il faut oser un
nouveau départ, et laisser quelques unes des scories derrière nous. En même temps, il convient de
profiter du champ sémantique offert par ce terme ainsi que des travaux conduits jusqu’ici afin de
développer une connaissance plus adéquate. Ce double mouvement de critique – au sens de mise au
jour des apports et limites de la connaissance – est le propre du travail du scientifique et conduit à
séparer les propositions pertinentes des propositions inappropriées.
Proposer une vision alternative avec un vocabulaire cohérent est l’objectif de mon travail depuis une
dizaine d’années. Le nœud de ma proposition consiste à dire : habiter ce n’est pas être sur la Terre ou
être dans un espace, c’est faire avec l’espace. On peut trouver trois raisons fondamentales à cela. D’abord,
les humains ne sont pas passifs dans leurs modes d’existence, mais actifs : il convient donc de
s’intéresser aux manières de faire, aux actions, et pas seulement à l’imaginaire et aux représentations
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et aux mondes symboliques sans lien avec les pratiques1. Il en découle la nécessité de conduire des
investigations, étayées par une ou des théories sur ce qui est convenu d’appeler « pratiques ».
Deuxièmement, être dans un espace ou sur la Terre véhicule l’idée que l’espace relève d’une
conception substantialiste et absolue, un déjà-là, et passe à côté du fait que l’espace est avant tout
relationnel, et inséré dans les actions. « Faire l’espace » et « faire avec l’espace », c’est-à-dire les
multiples façons de constituer l’espace en problème, devient alors la question à appréhender, et non
pas l’espace en tant que tel qui serait le simple contenant ou support des actions. En fait, différentes
dimensions spatiales – il convient d’insister sur le pluriel et ne pas réduire le concept d’espace au seul
problème d’agencement ou de surface – peuvent être des ressources pour l’action et constituent une
condition de possibilité pour l’action. De cette façon, à la fois les pratiques et les dimensions spatiales
sont constituées en enjeu pour l’habiter, non pas l’un ou l’autre.
Troisièmement, je propose de définir « habiter » précisément comme étant « faire avec de l’espace »
quelque soit l’intentionnalité, la situation, la corporéité, la mobilité qui est impliqué. On peut habiter
en touriste, en travailleur, en amant, en sportif, en résident, etc. et chaque « rôle » ou « identité » fait
émerger un nexus pratique/espace singulier et un « mode d’habiter » spécifique. Ceci va donc au-delà
de l’équation « habitant = résident », et fait entrer la mobilité géographique dans la problématique.
L’équation devient ainsi « habiter = être mobile » ou « habiter = faire avec la mobilité ». Ceci ouvre le
questionnement à des objets empiriques que la recherche n’a pas reconnu jusqu’ici comme relevant
d’un problème d’habiter, comme par exemple les différentes formes de mobilité, la présence
temporaire en des lieux géographiques, les attachements à de multiples lieux, les multiples référents
géographiques de l’identité personnelle ou encore la pratique in situ de lieux, avec ce que cela
nécessite en termes de compétences, instruments, routines, etc.
Ce changement de perspective nécessite un étayage théorique. Je recourrai à la notion de « pratiques »
afin de mettre en place une approche de l’habiter qui insiste sur le faire en tant que mobilisation des
dimensions spatiales. Je procéderai en trois temps :
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1 C’est le reproche que l’on peut adresser à toute la géographie culturelle et sociale qui met au centre les
représentations spatiales et imaginaires géographiques et écarte la question des pratiques.
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1) Définition des différentes modes d’expression de ce que « espace » veut dire, afin de clarifier
comment habiter peut être vu comme résolution de problèmes spatiaux multiples. Une
définition riche des dimensions spatiales, en quelque sorte.
2) Approfondissement de ce que « pratiques » veut dire afin de clarifier la richesse du terme
« pratiques » lorsque mis en relation avec l’espace
3) Approfondissement des pratiques d’habiter, en insérant les pratiques dans un cadre qui va au-
delà de l’analyse des pratiques prises une à une.
1. Ce%que%«%espace%»%veut%dire%
Le concept d’espace reçoit régulièrement l’attention de philosophes, sociologues, géographes,
historiens2. De multiples façons existent pour le définir à partir du travail des philosophes, tantôt
comme une catégorie a priori afin d’appréhender le monde (Kant), une forme symbolique (Cassirer),
un « ensemble de coexistences » (Leibniz), spatialité du Dasein (Heidegger) ou « spatialisation du
Dasein » (Binswanger). S’agissant des dimensions spatiales des sociétés humaines – et non pas de
l’espace des physiciens ou mathématiciens – des propositions spécifiques, inhérentes aux problèmes
des sociétés humaines sont nécessaires. Il en découle une « traduction », une « application » ou une
conceptualisation spécifique pour les sociétés humaines. En géographie, on a récemment insisté sur
l’espace comme ensemble de métriques (Lévy) ou comme concept formel et classificatoire (Werlen)
des éléments du monde matériel.
Par rapport à ces concepts, je propose un positionnement spécifique3. Je propose de considérer le
concept d’espace comme un concept de haut niveau de synthèse, c’est-à-dire qui englobe et
synthétise d’autres concepts d’un niveau de synthèse moindre. Ce faisant, je fais référence à Norbert
Elias qui conçoit le concept d’espace par rapport au concept de « temps » comme « mise en relation
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2 Cf. les contributions récentes de Werlen (1995), Lévy (1994 ; 1999), Löw (2001), Lussault (2007) pour clarifier la
façon dont on pourrait penser les dimensions spatiales des sociétés humaines.
3 Cf. aussi Stock (2007) pour la mise en place du concept d’espace en quatre temps et les sources de réflexion :
l’espace comme 1) concept (Elias), 2) concept formel et classificatoire (Werlen), 3) comme indéterminé (Derrida),
nécessitant de dire « de l’espace » et non pas l’espace, 4) espace comme problème à résoudre qui fait nolens volens
partie de la Lebenswelt.
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de position de processus événementiels ». J’insiste sur le terme « mise en relation », car le concept de
temps – tout comme celui d’espace – devient ainsi une mesure relationnelle qui rend commensurable
des événements par rapport au problème de positionnement. En effet, comme le dit Elias (2002, p.7),
“Prenons l’orientation dans ce que nous appelons espace. Elle peut être représenté par des concepts
tels que largeur, profondeur, longueur. Mais à un niveau d’intégration plus élevé, elle peut être
représenté par le concept d’espace, et il n’est pas improbable que les concepts longueur et largeur
existaient dans le développement de l’humanité avant l’intégration supérieure, qui, elle, représente le
concept d’espace. Espace à son tour représente une intégration à un niveau moindre de
conceptualisation que le concept « dimension » qui montre implicitement que l’espace n’est pas le
seul niveau de l’orientation »4. Elias travaille certes avec un contenu moins sophistiqué que les
géographes, mais l’intention me paraît claire : le terme « espace » est construit comme concept d’un
haut niveau de synthèse qui peut subsumer plusieurs autres concepts, mais d’un niveau de synthèse
moindre par rapport au concept « dimension ». Les dimensions spatiale, temporelle, sociale,
individuelle et symbolique sont ainsi les cinq dimensions fondamentales pour Elias (1996) dans
l’analyse des sociétés humaines.
La question est de savoir quelles dimensions spatiales nous pouvons discriminer. Quels sont les
différents problèmes d’ordre spatiaux que les humains rencontrent dans leur habiter ? Là, le débat
peut avoir lieu pour savoir si « lieu » est une dimension spatiale ou pas, si « environnement » ou
« nature » peut être considéré comme une dimension spatiale ou non. Jacques Lévy (1994 ; 1999) a
proposé de se focaliser sur le problème de l’écart et de la distance et avance une théorie de l’espace
cohérente qui se fonde sur cette perspective spécifique dans laquelle la distance est l’élément central.
Michel Lussault (2007), interprète ce problème du point de vue de la spatialité, concept qui définit le
rapport actoriel à l’espace. Il propose cinq « compétences » des acteurs qui correspondent à une
partie des éléments soulevés plus haut : i) compétence de placement et d'arrangement, ii) compétence
scalaire, iii) compétence de découpage et de délimitation, iv) compétence de franchissement, v)
compétence de maîtrise des métriques.
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4$Nehmen wir die Orientierung in dem, was wir Raum nennen. Sie läßt sich darstellen durch Begriffe wie Breite, Tiefe, Länge. Aber
auf einer höheren Integrationsebene läßt sie sich ebenso durch den Begriff “Raum” darstellen, und es ist gar nicht unwahrscheinlich,
daß Begriffe wie Länge oder Breite in der Entwicklung der Menschheit der höherstufigen Integration vorausgegangen sind, die durch
den Begriff des Raumes repräsentiert wird. “Raum” wiederum stellt eine Integration auf einer niedrigeren Begriffsebene dar als der
Begriff “Dimension”, der implizit anzeigt, daß Raum nicht die einzige Ebene der Orientierung ist” (p. 7, trad. MS).
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J’ai proposé (Stock, 2008) les sept « questions magiques de la géographie » que l’on pourrait
considérer comme autant de problèmes d’espace. En effet, je propose d’étendre le domaine spatial
aux problèmes qui ne sont pas seulement ceux de l’écart, mais qui touche tous les problèmes où il y a
différenciation spatiale, association spatiale, enveloppement. Pour donner quelques exemples, on
peut énoncer les problèmes suivants : étendue, échelle, distance, limites, qualité de lieu (chôra),
placement/dé-placement, rapport à l’espace, localisation (topos), agencement spatial, paysage,
environnement, territoire, lieu etc. Notamment la question de la qualité de lieu – station touristique
ou métropole par exemple – ou le rapport aux lieux – un lieu autre avec une forte charge d’altérité
par exemple – sont des éléments où la question de la distance n’est pas centrale, mais où une certaine
qualité du lieu est l’élément discriminatoire.
Ceci permettrait en effet de travailler sur toute une gamme de problèmes d’espace. « Espace » ne
serait ainsi plus un concept qui désignerait un agencement spatial spécifique, mais deviendrait un
concept de haut niveau de synthèse qui nécessite la précision par le recours à de nombreux concepts
d’un moindre niveau de synthèse (Stock, 2007)5.
Si l’on accepte cette conceptualisation, on peut alors traduire cela en « problèmes » pour les différents
acteurs, afin de développer une théorie actorielle de l’espace. Ces différentes dimensions spatiales
constituent des problèmes à résoudre pour les habitants dans les différentes situations, mais aussi des
ressources ainsi que les conditions de l’agir.
2. Faire avec de l’espace
La définition du « faire avec » comme élément fondamental de la façon dont l’espace est
problématique par la praxis6. On peut constater qu’il n’existe pas une théorie de la pratique cohérente
dans laquelle on pourrait injecter simplement un peu d’espace ; il y a de multiples éléments
partiellement contradictoires qui s’insèrent dans les traditions théoriques très différentes, et qui
s’appellent partiellement aussi théorie de l’action : pragmatisme philosophique, théorie sociologique
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5 Par exemple, appréhender Paris en tant que lieu, territoire, paysage, agencement spatial etc. et non plus dire :
« Paris est un lieu » ou « Paris est un espace urbain ».
6 Il faudrait placer de façon approfondie une confrontation avec les multiples « théories de la pratique ». Ce ne sera
pas possible ici, faute de place.
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de la pratique, praxéologie économique, etc. Afin de clarifier ma position, il faut dire que
« pratiques » ne signifie pas ici les pratiques routinières telles que Bourdieu (1980) a pu les théoriser,
en insistant sur la constitution d’habitus de classe. Je suis en effet plus proche des propositions de
Michel de Certeau (1990) à partir desquelles on peut travailler la question des ruses, des compétences,
etc. dans lesquelles on peut reconnaître l’individu comme étant un acteur au sens plein et non pas un
agent, quelqu’un d’agi comme par exemple la conception classique du touriste comme « idiot du voyage »
selon le terme consacré de Jean-Didier Urbain.
Au centre de cette approche centrée autour des manières de faire sont les éléments suivants qui
permettent d’observer la variabilité des pratiques en ce qui concerne l’engagement corporel, la
mobilisation d’instruments techniques, la mobilisation d’un capital spatial, la mobilisation de
compétences, d’une part, et, d’autre part, la façon dont les différentes dimensions spatiales
constituent des épreuves et des ressources pour l’action.
2.1. L’espace comme épreuve et comme ressource pour l’action
« Faire avec » prend plusieurs sens : l’expression typiquement française – « il faut faire avec » - est
intéressante, car elle indique que le problème doit être intégré dans la vie qu’on le veuille ou non. Les
différentes dimensions spatiales sont toujours là, nolens volens, pour être intégrées dans le déroulement
des pratiques. « Faire avec » signifie aussi : les dimensions spatiales ne sont pas quelque chose
d’extérieur, mais « font partie » de la pratique. On ne peut donc utiliser l’expression « pratique
spatiale », ni d’ailleurs celle de « pratique sociale », car les pratiques ont des dimensions spatiales ou
sociales qui sont co-constitutives de tout ce que font les humains. Enfin, de l’espace se trouve
incorporé partout: dans les lois, les corps, la Terre, les techniques, la pomme, l’amour, etc, bref dans
tout ce que nous propose la vie “quotidienne”. Et les modalités de leur efficacité en matière spatiale
sont à élucider. On pourrait donc assigner la tâche à la géographie de modéliser la façon dont de
l’espace est incorporé dans les multiples phénomènes, et les effets sur l’existence humaine7. J’ai pu
formuler le problème de façon suivante, formulation que l’on peut soumettre à la critique :
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7 Peut-être faut-il trouver un autre mot que « incorporer » afin de désigner les différentes modalités dont de l’espace est
rendu efficace : “intégré”, “fait partie”, “consubstantiel”, “co-constitue” etc.
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« Les lieux sont constitutifs des pratiques. Le concept de lieu n’exprime pas ici la différenciation
spatiale ou l’extériorité, termes réservés au concept d’espace et d’environnement8. Est-il possible de
penser la dimension topique des pratiques sans faire référence aux termes d’environnement et
d’espace ? En effet, les artefacts et les autres hommes ne forment pas seulement un environnement
pour nous. Certes, on peut les appréhender comme étant des choses qui nous entourent, avec
lesquels nous sommes dans un rapport d’extériorité. Le terme "environnement" décrit bien ce fait :
mais il ne s’agit pas seulement des choses qui nous entourent ; on fait aussi avec. C’est ce que
pourrait exprimer le concept de lieu dans une théorie des pratiques. C’est ce qui ferait la différence
avec les concepts d’environnement et d’espace » (Stock, 2001, p. 170).
C’est ce problème de la co-constitution des pratiques et de l’espace qui fait qu’il ne s’agit pas
d’analyser des pratiques dans l’espace, mais le « faire avec » de l’espace. On peut en tirer la conclusion
que parler des « pratiques socio-spatiales » ou « pratique spatiale » n’est pas pertinent, car toute
pratique a des dimensions sociales et spatiales, mais aussi temporelles et individuelles et symboliques
(pour reprendre les cinq dimensions d’Elias) ou, pour être plus précis, des dimensions économiques,
politiques, écologiques, affectives, émotionnelles, esthétiques, imaginaires, etc. D’où la nécessité de
préciser les dimensions que l’analyse construit, par exemple la dimension spatiale des pratiques. Ici, le
terme « habiter » est utilisé pour appréhender ces dimensions spatiales des pratiques. Cette position a
un inconvénient : en désignant seulement les dimensions spatiales, le terme « habiter », par rapport à
son usage vernaculaire et phénoménologique, perd en richesse, car d’autres dimensions en ont été
abstraites. Par exemple, la dimension temporelle qui permet d’observer la pratique dans un processus
et d’actes se suivant les uns après les autres, ainsi que leur durée9. L’avantage de cette position
consiste à disposer d’un concept, « habiter », pour désigner de façon claire et délimitée les éléments
du monde que l’on constitue en objet. Un élément pourrait transformer l’inconvénient mentionné
plus haut en stratégie heuristique : appréhender l’habiter comme étant une pratique à dimensions
spatiales délimite clairement une perspective tout en laissant ouvert l’accès par d’autres dimensions.
De ce point de vue, on n’aurait plus l’équation « habiter = dimensions spatiales des pratiques », mais
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8 D’où l’appellation “pratiques des lieux”. Comme j’ai essayé de le montrer, le concept de lieu, d’espace ou
d’environnement expriment des réalités différentes. L’enjeu est important, car le terme “pratiques des lieux” devrait
alors être remplacé par les terme “pratiques de l’environnement” ou “pratiques de l’espace”.
9 C’est la position de Merleau-Ponty (1945) : « Il ne faut donc pas dire que notre corps est dans l'espace ni d'ailleurs
qu'il est dans le temps. Il habite l'espace et le temps » (p.162)
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l’équation « habiter = f(dimensions spatiales, temporelles, individuelles, sociales, symboliques) des
pratiques ».
De plus, les dimensions spatiales sont appréhendées comme condition d’action. Cela signifie que
nolens volens de l’espace intervient dans les manières de faire des individus. Cela concerne
l’ensemble du spectre couvert par le concept d’espace : la qualité des lieux – une station balnéaire
ou une ville industrielle interviennent différemment dans les pratiques de vacances –,
l’accessibilité des lieux – faire des allers-retours dans la journée pour un congrès accessible en
train ou en avion au lieu de passer plusieurs jours –, la disposition ou l’agencement – lieux
centraux –, la géographicité des normes – « rules of origin » de l’OMC, « code de la rue » en Belgique
– etc. Pour une théorie de l’habiter, cela implique de reconnaître que les pratiques ont des
dimensions spatiales qui constituent l’un des ressorts de la variabilité des manières de faire. La
qualité des lieux y intervient dans le « projet » pour lequel elle est plus ou moins adéquate (Stock,
2001 ; Equipe MIT, 2002)10. L’exemple des pratiques vacancières – selon les différentes modalités
du jouer, du reposer et du découvrir – qui mobilisent de différentes façon l’étrangeté des lieux,
permet de comprendre ce projet individuel. Comme le dit l’équipe MIT, « selon le projet de
vacances, le rapport au lieu diffère. C’est ce qui est important, et c’est pourquoi nous insistons
tant sur la différence entre jeu, repos et découverte (…). Notamment, l’étrangeté des lieux n’est
pas toujours mobilisée de la même façon. Elle est nécessaire pour la découverte, moins pour le
repos ou pour le jeu » (Equipe MIT, 2002, p.123). De la même façon, les pratiques touristiques
définissent des conditions d’accès, tant sur le plan de l’accessibilité physique que sur le plan de la
qualité des lieux, dont l’étrangeté doit correspondre aux capacités des touristes à faire avec.
Un deuxième élément intéressant constitue la notion d’épreuve, mobilisée par la sociologie
pragmatiste (Châteauraynaud, 1991). Le faire avec de l’espace ne se déroule pas sans heurts, sans
problème ; une action engagée peut aussi échouer. Franchir des limites, accéder à un lieu, se
déplacer sont ainsi des actions conçues comme “épreuves” que l’individu doit “passer”. C’est ainsi
que les dimensions spatiales peuvent être appréhendées comme autant d’épreuves. C’est sans
doute dans ces épreuves constituant la Lebenswelt que l’individu se révèle à soi-même dans ses
capacités et ses limites11. Notamment le fait d’aller dans des lieux inconnus ou autres peut être
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10 Cette notion de « projet » me paraît également cruciale pour comprendre l’habiter, qui est à approfondir.
11$Cf.$ aussi$ Waldenfels$ (1984)$ pour$ qui$ l’action$ est$ une$ confrontation$ avec$ le$ monde$:$ « Handeln als leibliche
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compris comme une “épreuve”. En tant que touriste, ceci est une expérience tantôt redoutée – le
choc de l’altérité, les difficultés et la nécessité de mettre en œuvre des technologies permettant de
l’atténuer –, tantôt souhaitée – « se nourrir de l’altérité » comme le dit l’équipe MIT (2002) –
constitue les deux modalités d’être touriste. L’épreuve touristique est importante parce que le
déplacement touristique est un « projet existentiel » (Equipe MIT, 2002) qui engage l’identité, car,
« fondé sur la confrontation aux autres, le touriste se confronte à lui-même en tant qu’individu »
(p. 102). Cette confrontation avec certaines qualités d’espace constitue cette mise à l’épreuve.
2.2. Spatialité des pratiques
Si l’on devait mettre en place un cadre analytique de la spatialité des pratiques, on pourrait mettre
l’accent sur les éléments suivants : I) compétences spatiales, II) techniques et instruments, III) capital
spatial, IV) situation, V) normes et ruptures de l’ordre, VI) dé-programmation et serendipity.
1. Compétences spatiales. Les compétences géographiques sont déployées par les individus. Un savoir-
faire concernant l’espace - gestion de l’ici, de l’ailleurs, des distances, du paysage etc. - est ainsi
mobilisé lors de l’effectuation de l’action. Les compétences spatiales (savoirs et savoirs-faire),
techniques du corps, instruments, ruses qui sont mobilisés afin de passer l’épreuve que constitue
l’espace pour différentes actions. Ici, on voudrait distinguer des compétences cognitives des
compétences comportementales : savoir se comportement correctement dans un Palace hotel ou dans
le train par exemple. Une réflexion peut alors s’engager sur les compétences du sujet contemporain
pour lequel on peut poser l’hypothèse de l’individu « géographiquement pluriel » (Stock, 2006) avec
les compétences suivantes : comme habitants temporaires de multiples lieux, plusieurs capacités
nouvelles ont émergé : la capacité à gérer plusieurs référents géographiques de l’identité, la capacité
de distanciation de l’échelle locale, la capacité à transformer des lieux autres en lieux familiers, la
capacité à la coordination spatio-temporelle hyperprécise, la capacité à gérer présences/absences.
2. Pratiques équipées. Ces compétences sont mises en œuvre à travers techniques et instruments. Il
s’agit de pratiques équipées d’instruments techniques, d’objets techniques : l’humain n’est pas nu,
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Auseinandersetzung mit der Welt » et « Auseinandersetzung mit etwas, was dem Handelnden aus der physischen Welt, der
sozialen Welt oder der Eigenwelt begegnet » (p.132).
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mais s’équipe d’instruments techniques de plus en plus sophistiqués qui l’accompagnent dans son
habiter. Et il ne s’agit pas seulement de son abri, mais de l’ensemble des instruments techniques y
compris les vêtements, chaussures, sac à dos, Smartphone, carte de crédit, badge, navigopass,
bouteille d’eau, etc. qui permettent d’habiter. C’est donc la question de l’interrelation entre
technologie, technique, et objet technique qui est posée et qui vise à résoudre des problèmes
d’espace, qu’il s’agisse de la distance, de l’accès, de l’altérité ou autres. A cet effet, la technique
peut être définie comme « médiation entre intention et action, qu’elle porte sur l’idéel ou le
matériel » (Lévy, 2003, p. 893). On peut ainsi s’intéresser aux « technologies spatiales », c’est-à-dire
aux dimensions spatiales que ces objets techniques permettent de résoudre : les hôtels ou clubs de
vacances standardisés et dont l’accès est contrôlé, les passeports permettant de franchir les
frontières, les moyens de paiement (devises ou électronique). Au-delà des objets techniques, il est
également important de prendre au sérieux les « techniques », c’est-à-dire la façon de coupler
l’intention et action, notamment à travers l’engagement du corps12. Cependant, pour mobiliser
celui-ci en tant que ressource dans une action spatiale, il faut disposer des compétences pour le
faire. En somme, les individus développent des compétences de gestion de l’espace ; ces
compétences peuvent être mises en jeu dans de multiples situations (Lussault, 2007).
3. Capital spatial peut être défini comme “ avantages qu’apporte la maîtrise d’un ensemble
d’agencements géographiques. Il prend appui sur l’échelle et la métrique ”. (Lévy, 2003, p. 126). Il
s’agit de dispositions – tout comme le capital social, symbolique, culturel de Bourdieu (1984) – qui
permettent d’engager des avantages dans un champ spécifique. Ceci va au-delà des compétences, le
savoir-faire concernant l’espace comme on l’a vu plus haut, pour intégrer d’autres éléments. Dans une
recherche portant sur les mobilités individuelles à Genève, Tokyo, Los Angeles (Stock et al., 2009),
nous avons dégagé un certain nombre d’éléments importants qui pourraient aider à caractériser le
capital spatial des individus :
1) la localisation résidentielle dont la position prend différentes modalités (hypercentrale, centrale,
péri-centrale, banlieue, péri-urbaine, infra-urbaine, campagne, centralité secondaire) et qui a des effets
sur les manières dont les individus sont mobiles ;
2) la biographie résidentielle dont trois modalités ont été mises en évidence (référent urbain unique,
référent urbain multiple, référent urbain et culturel multiple) ;
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12 Les réflexions de Marcel Mauss sur les « techniques du corps » sont cruciales pour comprendre comment les individus
habitent.
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3) la maîtrise de la mobilité ou « capital mobilitaire » (Ceriani-Sebregondi, 2003-2004) où entrent les
potentiels de mobilité sous forme de moyens de transport à disposition ainsi que les compétences
nécessaires pour les mettre en œuvre selon plusieurs modalités : diversité des métriques et niveau
d’échelle de la maîtrise ;
4) la maîtrise de l’altérité potentielle et actuelle selon les modalités suivantes : identités plurielles,
acceptation de l’autre, rejet de l’autre, difficulté de l’autre, maîtrise d’un référent culturel, maîtrise de
plusieurs référents culturels, emic knowledge de plusieures cultures ;
5) la maîtrise des télé-communications, selon la diversité des moyens disponibles et leur actualisation.
On réalise ainsi un gradient – du très fort à faible - en fonction de l’utilisation de toute l’offre
disponible de moyens de télécommunication.
4. Pratiques en situation. Ces pratiques se font « en situation » qui contribue à définir les manières
d’habiter. Habiter touristiquement signifie par exemple mobiliser différents instruments,
compétences, normes dans une situation touristique, c’est-à-dire où la visée est la re-création et
l’association des pratiques à un lieu autre. Comment cet engagement avec l’espace en situation se fait-
il ? Défini comme convergence d’éléments qui définissent un espace-temps dans laquelle l’action a
lieu (Lussault, 2007), l’idée force de la notion de situation réside dans le fait qu’elle permet de
comprendre quel sens prennent les pratiques en : une situation touristique est une autre situation
qu’une situation de travail et permet de comprendre comment les individus encodent et décodent
leurs actions et l’espace. La notion de situation permet également d’analyser les éléments intrants
dans une interaction et de comprendre le caractère éphémère, mais répété et standardisé des
situations. Combien de situations standardisées existent-elles dans les sociétés urbaines à individus
mobiles et mondialisés ? On peut considérer qu’habiter dans ce type de sociétés revient à changer
sans cesse de situation.
5. Normes et ruptures de l’ordre. Les normes spatiales telles que espace public/privé, distance entre corps
(métro, plage) et les façons dont les individus s’y conforment ou ne s’y conforment pas. Ainsi, de
multiples normes d’ordre spatial assignent des places aux individus, les limites, les règles de
franchissement des limites, la façon de se conduire. De ce point de vue, il est nécessaire de
s’intéresser aux pratiques de ruptures de l’ordre qui jouent avec les normes spatiales. L’espace public,
par exemple un parc public, une plage correspondent à des situations où le maintien et la rupture de
l’ordre social est en jeu. Au-delà de ces exemples individuels de ruptures de l’ordre, il existe
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également des transferts institutionnels de l’ordre social : le tourisme est un puissant médiateur de ce
changement de systèmes de règles sociales – tout comme le carnaval – car on y assiste à une
transformation radicale, une révolution au sens premier : retournement, du sens des pratiques, des
attentes, des règles. Les pratiques de ruptures de l’auto-contrôle sont mises en œuvre
concomitamment avec les pratiques de ruptures avec les normes et l’émergence d’un nouvel
ensemble de référentiels de normes.
6. Dé-programmation et serendipity. Le cadre d’analyse des pratiques porte également une attention non
pas aux intentions, mais aux pratiques non-prevues, interrompues. Ainsi, habiter l’espace public
revient à accepter la serendipity, l’ensemble des événements non-prévus. Travailler sur l’habiter
implique de porter l’attention aux multiples façon de pratiquer la ville, en insistant sur l’adéquation
non-necessaire (donc contingente) entre projet spatial – le touriste a comme projet de visiter la tour
Eiffel – et réalisation – le touriste est détourné de son chemin par une exposition au Trocadéro. A la
fois dé-programmation par rapport à un programme établi et les événements non-prévus qui
modifient la pratique sont importants pour comprendre les multiples façons d’habiter les lieux
géographiques.
3. Styles d’habiter, mode d’habiter, régime d’habiter : le passage de l’individuel aux
configurations sociales
Ces pratiques d’espace individuelles ne sont pas isolées, mais constituent un assemblage qui s’intègrent
dans un régime d’habiter, un style d’habiter, un mode d’habiter. C’est ainsi que « habiter » comme pratique
individuelle prend sens par l’inscription dans des logiques sociétales qui informent par les normes
spatiales (y compris les régimes juridiques de géographicité qui disciplinent), les imaginaires
géographiques, les conditions spatiales (aujourd’hui notamment constitué par l’horizon de la société-
Monde (Weltgesellschaft) et le Monde comme espace commun de l’humanité) définies à différentes
positions de la chaîne d’interdépendances que forment les individus.
3.1. Modes d’habiter
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« Habiter touristiquement » : voici l’expression qui pointe le problème13. Quel mode d’engagement
est mis en œuvre lors qu’un lieu géographique est pratiqué ?14 Mode d’engagement est défini ici
comme le couplage entre intentionnalité et le rapport au monde engagé dans la pratique. Par exemple,
pratiquer un lieu autre à des fins de re-création déploie un autre mode d’engagement que pratiquer un
lieu autre à des fins de travail, ou pratiquer un lieu familier à des fins de re-création. D’où la pertinence
de distinguer différentes manières d’habiter les lieux géographiques et chercher à travailler sur les
modes d’habiter. « Habiter touristiquement », habiter « en travailleur », etc. en sont des exemples.
Mais, comment théoriquement fonder les modes d’habiter ou, à tout le moins, mettre en place une
grille d’analyse pour détecter dans un travail empirique les variations entre modes d’habiter ?
Je propose de partir du problème de l’intentionnalité des individus. Comme l’intentionnalité des
individus n’est pas identique, les mêmes lieux ne sont pas fréquentés pour les mêmes pratiques : donc,
le mode d’habiter varie. La grille suivante donne les différentes combinaisons de l’association des
pratiques à des lieux.
Tableau 1: Combinaisons dans l’association de pratiques à des lieux géographiques
Même mode
d’engagement
Mode d’engagement
différent
Même lieu
• même pratique
• pratique différente
• même pratique
• pratique différente
Lieu différent
• même pratique
• pratique différente
• même pratique
• pratique différente
Source : Stock (2001)
Une manière de pointer les différents modes d’habiter réside dans la tentative d’appréhender les
individus en tant que insider ou outsider des lieux géographiques (Stock, 2005). Les insiders sont ceux
qui ont un rapport de familiarité avec le lieu, les outsiders sont ceux qui ont un rapport de distanciation
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13 Allusion évidente à la strophe du poème de Hölderlin, souvent cité : « Voll Verdienst, doch dichterisch wohnet der
Mensch auf dieser Erde », ramené en français à « l’homme habite en poète ». De fait, on peut utiliser cette
expression pour désigner différents modes d’habiter, « habiter touristiquement » étant l’un d’eux.
14 Il conviendrait de placer ici une discussion sur la notion de Lebensform d’Alfred Schütz afin de montrer les
similarités et différences entre ces différentes manières de concevoir l’engagement des individus avec le monde. Ce
sera fait dans un travail ultérieur.
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avec le lieu. Afin d’aborder objectivement le rapport au lieu, on peut distinguer à un premier niveau
les habitants des “visiteurs”. L’hypothèse sous-jacente est que le rapport à un même lieu de ces deux
groupes de population est foncièrement différent. Dans le premier cas, il s’agit de l’espace du
quotidien dans lequel on s’est installé sur une certaine durée, dans le second cas, le lieu est habité
temporairement, pour une courte durée. L’hypothèse accorde donc un rôle primordial à la durée. Plus
précisément, la durée d’habiter est ici vue comme étant le vecteur de l’habitude, des routines, des
actions récurrentes et récursives. L’importance de l’habitude rejoindrait ainsi la position
phénoménologique de l’attitude routinière, non-réflexive, voire les habitus qui ne permet pas de se
distancier facilement de l’environnement “quotidien” dans lequel les hommes se trouvent.
Or, l’exemple du mode d’habiter touristique montre que les pratiques non-routinières ont autant
d’importance que les pratiques routinières. Et c’est sans doute le dé-placement, la discontinuité
spatiale opérée en habitant un lieu autre, qui est l’un des médiateurs de cette distanciation. Le mode
d’habiter spécifique se fonde sur l’appréhension du lieu habité comme lieu autre, couplé avec un
projet de re-création, donc des pratiques de rupture d’avec le quotidien et un « relâchement de l’auto-
contrôle (cf. en détail Equipe MIT, 2002 ; Stock, 2005). Il s’agit d’un « cocktail explosif », car une
balance spécifique entre contrôle de soi et relâchement est mise en place par le touriste ainsi que, le
cas échéant, la confrontation aux normes du lieu habité temporairement15. Ce passage d’un ensemble
de normes vers un autre ensemble de normes est décisif pour comprendre les effets de ce mode
d’habiter. Habiter touristiquement constitue donc un mode d’habiter spécifique où l’enchantement
provient d’une autonomie relativement plus grande par rapport aux normes du quotidien.
3.2. Styles d’habiter
L’ensemble des placements et dé-placements peut être subsumé par la notion « style d’habiter »
(Stock, 2006). Ceux-ci comprennent les pratiques ainsi que les différents significations attachées aux
mobilités et lieux. Il s’agit donc d’investiguer la variabilité des « systèmes de lieux et de
mouvements ». Par cette opération, on n’appréhende plus seulement une seule mobilité effectuée,
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15 Ces notions de auto-contrôle des émotions et relâchement contrôlé de l’auto-contrôle sont utilisées en référence au
travail de Norbert Elias sur le processus de civilisation et la maîtrise de la violence dans des situations de « jeu » et
d’« excitation » (cf. Elias & Dunning, 1994).
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mais l’ensemble des mobilités au niveau individuel. Appelé ici « style d’habiter », il s’agit de pointer
l’individualisation de la dimension spatiale des styles de vie qui comprennent l’ensemble des lieux et
l’ensemble des mouvements effectués.
Deux aspects sont particulièrement intéressants. D’abord, les styles d’habiter sont extrêmement
différenciés, correspondent donc au processus d’individualisation d’une part, et, d’autre part, au
processus de la différenciation accrue des sociétés. La différenciation des styles d’habiter s’entend ainsi
comme étant l’émergence de différences et de distinctions opérées par des individus par rapport à
d’autres, et ce par les systèmes cohérents de mobilité et de résidence. On peut défendre la thèse
suivante : les styles d’habiter expriment l’avènement des “ habitants temporaires ” plutôt que ceux
des “ habitants permanents ”, ainsi que l’avènement des individus géographiquement pluriels et
relativement plus différenciés les uns par rapport à d’autres (Stock, 2006). Plusieurs éléments y
contribuent : la bi- ou multi-résidentialité existe sous des formes différentes : la maison familiale
classique, investie pour les vacances ou les week-ends, mais aussi les formes de “ résidences de
loisir ” (Freizeitwohnsitze) plus “ exotiques ” : riads dans les médinas marocaines ou encore des
résidences secondaires afin de coordonner vie familiale et vie professionnelle. Mais aussi, des styles
d’habiter poly-topique fondé sur un grand nombre de lieux de toutes sortes (lieux de travail, de
recréation, de résidence). Il s’agit donc d’appréhender les styles de vie par l’espace.
Le deuxième aspect concerne les implications de la prise en compte de l’ensemble des lieux et
mouvements. C’est là que réside la rupture décisive avec de multiples recherches sur la mobilité qui
circonscrivent leur objet d’étude à quelques uns des dé-placements, par exemple migration, tourisme,
domicile-travail, loisir, circulations migratoires, déplacements quotidiens etc. Pour chaque contexte
social, on peut certes mettre en évidence les logiques propres. Néanmoins, ces contextes sociaux sont
interdépendants. Il n’est donc pas suffisant de travailler sur les mobilités dites « quotidiennes » ou
« déplacements domicile-travail » sans prendre en compte leurs liens avec d’autres mobilités. Par
ailleurs, ces contextes sociaux – et c’est là le point décisif pour s’intéresser aujourd’hui aux
interdépendances entre mobilités – sont spatialement différenciés, c’est-à-dire « poly-topiques », situés
à de multiples endroits séparés les uns des autres, et reliés entre eux par un déplacement. La relation
entre différents contextes sociaux est assurée par un dé-placement physique de l’individuel et la co-
présence corporelle implique une pratique in situ. Les dé-placements n’existent donc pas
indépendamment les uns des autres, les lieux sont donc inter-reliés entre eux par les dé-placements.
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C’est ainsi que les styles d’habiter d’ordre poly-topique, impliquant de multiples lieux géographiques,
deviennent un problème scientifique crucial. Travailler avec le modèle de l’habiter poly-topique
permet de vérifier empiriquement quelle forme prennent les styles d’habiter des individus. Une
recherche récente (Stock et al., 2009) a mis en évidence cinq modèles de styles d’habiter ont pu être
construits : I) le style d’habiter mono-topique à l’échelle régionale, II) le style d’habiter poly-topique à
but re-créatif, III) le style d’habiter poly-topique d’ordre résidentiel, IV) le style d’habiter à but
professionnel, V) le style d’habiter poly-topique diversifié. Ces modèles peuvent maintenant de
nouveau être mis en jeu pour de nouvelles recherches. Il est intéressant d’observer que les passages
d’un lieu à un autre ont une signification différente selon les styles d’habiter : le passage au lieu de
vacances peut prendre le sens d’une rupture dans le cas d’un style d’habiter mono-centrique – car
prenant le sens d’un lieu autre, pratique rare chez les monotopiques – et le sens d’un continuum
dans le cas d’un style d’habiter poly-topique diversifié, car étant toujours en mouvement et confronté
aux lieux autres. Il s’agit là d’un premier pas dans l’élucidation de la variabilité et de la différenciation
des styles d’habiter.
3.3. Régime d’habiter
L’un des niveaux d’analyse essentiels est la configuration spatiale qui comprend le jeu des institutions,
normes, infrastructures, valeurs sociales etc. dans lequel les pratiques s’inscrivent, contre lesquelles
les individus rusent et qui produisent les conditions de possibilités spatiales des individus. La notion
de “ régime d’habiter ” utilise l’idée d’assemblage ordonné et ordonnant de plusieurs éléments en
interaction qui sont dominants à un moment donné. La notion de « régime » est intéressante, car elle
est utilisée dans plusieurs contextes théoriques (Stock, 2003-2004). Notamment la notion de
“ régimes d’historicité ” de François Hartog (2003) comme une mise en ordre du temps ou, mieux,
des temporalités est à l’origine de cette réflexion16. Ici, la notion de régime d’habiter vise à définir les
rapports dominants au sein des sociétés humaines, aux lieux géographiques et à de l’espace dans leurs
multiples dimensions.
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16 Cette notion est destinée à décrire et expliquer les rapports différents que les hommes construisent avec trois
moments de l’existence : le passé, le présent et le futur. Il sert à comparer des types différents d’écriture de l’histoire et de
mode de rapports au temps, que Hartog appelle des “ manières d’être au temps ” (p. 30), des “ façons d’articuler passé,
présent, futur ” (p. 35).
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Quel est le régime d’habiter ou le régime spatial contemporain ? Quel est l’ordre spatial
contemporain ? La réponse à cette question irait trop loin ici, mais on peut pointer six éléments du
régime d’habiter contemporain :
1) L’une des caractéristiques fondamentales concerne les qualités urbaines de l’espace. L’espace
habité aujourd’hui est urbain, d’urbanités différentielles : entre centre-ville, banlieue, péri-
urbain, station touristique, campagne, la circulation des individus se fait dans un milieu
urbanisé. Aujourd’hui, il s’agit principalement de lieux urbains, avec une diversité relativement
plus grande des situations spatiales : centre, banlieue, péri-urbain, “ méta-urbain ”, “ infra-
urbain ”, “ campagne ” selon Lévy (1994) ; mais aussi station touristique, campagne
résidentielle, district touristique, “ tourist-historic city ”, quartiers industriels, “ zones
d’activité ” etc. Le tout est intégré dans un réseau mondial de lieux géographiques.
2) Les individus habitent avec une définition de plus en plus précise de la fonctionnalité des
lieux (différenciation spatiale accrue). En lien avec la différenciation spatiale accrue peut se
concevoir la fragmentation spatiale : on habite en faisant avec des limites de plus en plus
fines. Les “ disciplines ” d’espace (Foucault, 1984) concernent les manières dont on peut
contrôler de l’espace. En ce sens, l’accès aux lieux géographiques est de plus en plus contrôlé,
avec la création de territoires de petite taille, juxtaposés les uns aux autres où certains
individus ont accès, d’autres non. Ce contrôle et cette sélection sont de plus en plus effectués
électroniquement : code d’accès aux immeubles d’habitation ou d’entreprises, badges,
caméras vidéos, voire par un contrôle biométrique ou un profiling électronique dans les
aéroports (Curry, 2003).
3) Ce régime d’habiter est informé par des technologies spatiales de gestion de la présence/absence
et de la coordination spatio-temporelle extrêmement précis : être à la minute près au bon
endroit est aujourd’hui un pattern accepté. Une culture spatiale fondée sur la coordination
spatio-temporelle hyperprécise s’est fait jour, notamment à l’aide des techniques numériques,
permettant d’habiter « assisté par ordinateur ».
4) Les représentations, conceptions, images, discours d’espace (urbanisme, architecture, utopies) se
définissent comme étant l’imagination à l’aide de symboles de réalités qui recherchent soit la
plus grande adéquation possible, soit la plus grande liberté possible avec la réalité d’espace.
Elles sont aujourd’hui informées par les valeurs positives conférées à la mobilité (cf. Rémy,
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1996). L’imaginaire du cyberespace complète cet imaginaire fondé sur la circulation et la
mobilité.
5) L’accessibilité accrue d’un nombre toujours plus grand de lieux géographiques – qu’il s’agisse de
l’accessibilité mesurée par la distance-temps ou la distance-coût ou la “ distance-savoir ”
(savoir d’un lieu qu’il existe et qu’il existe des moyens de s’y rendre) ou la “ distance-
pouvoir ” – a spectaculairement augmenté depuis l’avènement du chemin de fer à partir des
années 1840, et de l’aviation civile à partir de 1930. Simultanément, des actions sont
entreprises à un autre niveau d’échelle (infra-locale) pour contrôler, voire délimiter l’accès à
un certain nombre de lieux (touristiques, privatisation d’espace, sélection des populations
etc.).
6) Les normes spatiales – entendues à la fois comme étant les règles juridiques et sociales portant
sur différentes dimensions spatiales – contribuent également à définir le régime d’habiter
contemporain. L’État-nation réglemente l’accès au territoire national, les conditions de sortie
ainsi que les circulations internes ; l’accès à l’école est spatialement contrainte par la carte
scolaire et évité ; un droit de vote des “ citoyens ”, en fait suspendu à des conditions de
résidence et de “ nationalité ” : un hiatus grandissant entre les “ concernés ” et les votants
dans les lieux urbains, suite à la mobilité géographique ; les règles de vitesse des automobiles
en ville, sur la route “ nationale ” et sur autoroute ; les permis de construire ; la fiscalité
favorable à l’acquisition du logement et à l’utilisation de l’automobile pour les circulations
domicile-travail en Allemagne. Fondamentalement, les normes sociales valorisent la mobilité
géographique, le pavillon dans le péri-urbain, les départs en vacances (Équipe MIT, 2002).
Ces quelques indications permettent de formuler l’hypothèse d’un ordre spatial différent que celui
des sociétés industrielles où les assignations à des places étaient largement opérées par le travail. Le
régime d’habiter contemporain, après la révolution numérique et des mobilités, est caractérisé par la
poly-topicité et la capacité à gérer de plus en plus précisément les lieux géographiques adéquats.
Conclusion
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C’est ainsi qu’une théorie de l’habiter peut être développée : en proposant une perspective qui tisse
ensemble des concepts autour du nexus pratiques/espace et qui interroge systématiquement les
conditions spatiales avec lesquelles les pratiques se déroulent. Qui plus est, il convient de
comprendre plus systématiquement les spatialités (ou géographicités), c’est-à-dire les dimensions
spatiales incorporées, encodées, dans des dispositifs juridiques, économiques, politiques, numériques
afin de rendre compte des conditions de possibilité de l’habiter contemporain. Ce que j’ai appelé
« régime d’habiter » correspond donc au rapport société/espace variable au cours du temps et
variable selon les sociétés.
Mettre en place une perspective du faire, à l’instar du « doing gender » (West & Zimmermann, 1987) ou
du « doing family » (Schier & Jurzcyk, 2007), signifie de travailler non seulement sur le « faire avec de
l’espace », mais aussi sur le « doing space ». Ceci signifie investiguer systématiquement les manières
dont les pratiques fabriquent l’espace, étant entendu que l’espace habité n’existe que par les pratiques.
Les exemples des sites touristiques pleins « en saison » et vide « hors saison » ou encore la différence
entre une place publique le jour et la nuit peuvent faire comprendre cela. Mais aussi la construction
de lieux centraux - à la fois par les acteurs politiques et économiques et par les différents habitants –
peut être comprise comme la dialogique entre faire avec de l’espace et faire l’espace. Ainsi, on peut
distinguer (mais non opposer) deux dimensions analytiques. D’une part, ce « faire avec de l’espace »
où il s’agit de comprendre comment mobilités et immobilités sont mises en œuvre à travers les
multiples dimensions spatiales. D’autre part, le « faire l’espace », c’est-à-dire les processus de
fabrication des multiples dimensions spatiales – qu’il s’agisse limites, centralités, accessibilités,
urbanités, etc. –, en prenant en compte les pratiques. Ces deux dimensions permettent de
comprendre l’espace habité.
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