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La transmission d’entreprise : Un objet d’étude complexe, entre sciences de gestion, anthropologie et psychologie

Authors:
  • MAGOG SAS / WOLFF Consulting

Abstract

Cet article propose une revue de littérature relative à la Reprise d’entreprise par les Personnes Physiques (noté RPP) au sein des PME françaises. Dressant un état des lieux des RPP au sein du champ épistémologique des sciences de gestion, l’article met aux prises une approche séquentielle et une approche systémique des RPP. Après avoir décrit les divergences de description, dans la littérature, du déroulement du processus, l’article met au jour une convergence autour du caractère décisif de la relation cédant-repreneur pour la pérennité des RPP. Afin de rendre compte de cette dernière, l’article défend l’intérêt, pour les sciences de gestion, d’effectuer divers emprunts épistémologiques à d’autres champs disciplinaires des sciences humaines et inscrit la transmission d’entreprise dans des dimensions anthropologiques et psychosociales.
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LA TRANSMISION D’ENTREPRISE : UN OBJET D’ETUDE
COMPLEXE, ENTRE SCIENCES DE GESTION,
ANTHROPOLOGIE ET PSYCHOLOGIE.
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Par Catherine AUBRY, Dominique WOLFF
Doctorante, Directrice de
l’incubateur d’entreprises, ESCEM
Chercheur associé, IRSI, ESC La
Rochelle.
Résumé :
Cet article propose une revue de littérature relative à la Reprise d’entreprise par les
Personnes Physiques (noté RPP) au sein des PME françaises. Dressant un état
des lieux des RPP au sein du champ épistémologique des sciences de gestion,
l’article met aux prises une approche séquentielle et une approche systémique des
RPP. Après avoir décrit les divergences de description, dans la littérature, du
déroulement du processus, l’article met au jour une convergence autour du
caractère décisif de la relation cédant-repreneur pour la pérennité des RPP. Afin
de rendre compte de cette dernière, l’article défend l’intérêt, pour les sciences de
gestion, d’effectuer divers emprunts épistémologiques à d’autres champs
disciplinaires des sciences humaines et inscrit la transmission d’entreprise dans
des dimensions anthropologiques et psychosociales.
Mots clés :
Repreneuriat, PME, Reprise par les Personnes Physiques, approche
anthropologique, approche psychosociale, systémique.
Abstract:
This article reviews the literature regarding French SME takeovers by natural
persons. Developing a sequential and systematic approach, the article establishes
the concept of corporate takeovers in the epistemological context of management
science. After pointing out diverging depictions of the takeover process in the
literature, the article synthesizes a model relationship between old and new
management that points to success in the long term. The article conceptualizes this
relationship in an interdisciplinary fashion, borrowing from the social sciences in
order to highlight the anthropological and psychosocial dimensions of corporate
takeovers.
Keywords:
Company takeover, SME, business takeover by natural persons,
anthropological approach, psycho social approach, systemic.
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INTRODUCTION
La transmission des entreprises est aujourd’hui un enjeu économique et social
majeur. De sa réussite dépendent le maintien et le développement des emplois sur
le territoire national. Bien que nous ne disposions que de peu de chiffres mis à jour
sur le sujet, Oséo en 2005, prévoyait que dans les 15 ans à venir, 700 000
entreprises changeraient de mains. Cette tendance a été ensuite confirmée par la
BPCE (2011) qui a complété cette estimation en indiquant que pour la seule année
2010, les transmissions de PME avaient directement concerné 1,4 millions emplois
en France. Un dernier rapport, remis au Ministre de l'Economie, de l'Industrie et du
Numérique le 7 juillet 2015, rappelait que seules 60 000 entreprises sont mises sur
le marché tous les ans quand 185 000 unités pourraient être concernées. Le bilan
est d’autant plus inquiétant que sur ces 60 000 unités, 30 000 sont effectivement
cédées alors que 30 000 sont amenées à disparaitre. Ces chiffres sont ceux
habituellement repris par les différents acteurs de la transmission d’entreprise. Ils
font consensus et sont relativement stables depuis 10 ans, même si nous pouvons
regretter que l’INSEEE ne comptabilise plus les reprises d’entreprises depuis 2006
dans ses statistiques annuelles.
Selon la BCPE (2014), la première cause de transmission des PME est le départ à
la retraite du dirigeant (68,4%). Or 49% des patrons de PME sont actuellement
âgés de plus de 50 ans et 20% ont 60 ans ou plus (ils étaient 13% en 2000).
Sachant que la part des plus âgés d’entre eux (65 ans ou plus) a continué de
progresser en 2014, le choc démographique qui s’annonce doit absolument être
anticipé et s’accompagner d’un choc repreneurial. De fait, accroître le nombre de
transmissions, c’est favoriser l’investissement et le développement des capacités
productives mais, également, maintenir ou développer le nombre d’emplois et
préserver des savoir-faire précieux. A cette approche économique, il est important
d’ajouter que cette problématique soulève un certain nombre de questions
managériales connexes. Par exemple, avant une cession réussie ou non -, les
dirigeants adoptent généralement un comportement qualifié de « prudent et
sécurisé » dans la gestion de leur entreprise qui entraine un faible recours à
l’endettement financier et une tendance marquée à augmenter les réserves de
liquidités au détriment des investissements productifs (CNCFA EPSILON, 2013).
Une analyse plus précise du marché de la transmission des PME en France fait
apparaitre que 30% d’entre elles sont cédées en interne (à la famille ou au
personnel), 25% disparaissent ou n’apparaissent pas sur le marché (faillite,
absorption, fusion) et 45% sont cédées en externe à des Repreneurs Personnes
Physiques (Centre des Repreneurs d’Affaires, 2015).
Les différents rapports consultés montrent que les transmissions intrafamiliales
jouent un rôle déterminant dans la survie des PME (Rapport Mellerio, 2009 ;
rapport TransRegio, 2006) mais que leur part reste minoritaire. D’ailleurs, le taux
de 25 à 30% évoqué reste faible au regard d’autres pays européens et notamment
à celui de l’Allemagne, principalement à cause des moindres avantages fiscaux et
successoraux que ceux pratiqués par nos voisins d’outre-rhin (CNCFA EPSILON,
2013).
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Quant au rachat par les salariés (noté RES), il apparait généralement comme un
mode de cession secondaire dans la part globale des transmissions de PME. Nous
notons que cette observation est valable en France comme dans le reste de
l’Europe. Le risque qu’entraine ce type de transmission pour les salariés est en
effet élevé car, en cas d’échec, ils perdent à la fois leur emploi et leur patrimoine.
De plus, il apparait que la participation salariale à l’actionnariat de l’entreprise,
lorsqu’elle est significative, est un frein à l’ouverture du capital et donc à sa
croissance. Pour tenter de remédier à la faible utilisation du
RES, la loi dite « Loi Hamon » a été adoptée en France fin 2014. Elle oblige les
dirigeants de PME « à informer les salariés de leur intention de vendre au plus tard
deux mois avant la cession, afin de leur permettre de présenter une offre d’achat ».
Elle a été plutôt mal accueillie par les dirigeants de PME qui souhaitent garder la
confidentialité sur leur intention de vendre le plus longtemps possible.
Même si la littérature relative à l’entrepreneuriat s’est fortement développée ces
dernières années, le champ du repreneuriat reste académiquement peu traité et
donne lieu à une littérature professionnelle principalement centrée autour de
recommandations opérationnelles et ce, malgré les implications majeures liées à
ce domaine. Il semble que la transmission d’entreprises soit devenue le « parent
pauvre » de l’entrepreneuriat que ce soit d’un point de vue politique ou
académique. Nous remarquons que les principales initiatives publiques vont dans
le sens d’une incitation forte à la création d’entreprise. Aucune réelle mesure n’a
été prise pour aider ou simplifier la transmission, faisant prendre le risque de voir le
capital financier, technique et social des PME disparaître. Déjà, en 2008, l’INSEE
faisait remarquer que sur la période de 1995 à 2005, le nombre de reprises avait
reculé de 12,3% alors que sur la même période, les créations ex nihilo avaient
connu un essor considérable (+25,8%). Du point de vue académique, il semble
que les sciences de gestion s’intéressent elles aussi bien peu aux questions de
management inhérentes à la reprise d’entreprise. De ce point de vue, des travaux
complémentaires sur les déterminants de la transmission d’entreprise devraient
être rapidement menés pour faire suite aux travaux, déjà anciens, publiés
spécifiquement sur le sujet comme ceux de Siegel (1989), Bruyat (1993),
Deschamps (2000) et De Freyman (2009).
Dans cette contribution, , nous avons souhaité interroger le bien-fondé d’emprunts
épistémologiques à d’autres champs disciplinaires des sciences humaines afin de
tenter d’enrichir les débats entourant la reprise d’entreprise Par ailleurs, nous
rappellerons l’état de l’art entourant la notion de « Reprise par les Personnes
Physiques » (notée RPP) étant la forme de transmission la plus couramment mise
en œuvre en France et, pour laquelle les causes d’échecs sont les moins étudiées
comparativement à la transmission familiale ou le rachat d’entreprises par les
salariés (BPCE 2012).
Ces travaux ont pour objet d’une part, de proposer un aperçu synthétique de la
littérature existante à ce sujet et d’autre part, grâce à un travail de redéfinition de la
RPP, d’identifier les emprunts épistémologiques permettant d’apporter les solutions
les plus adaptées aux difficultés posées aujourd’hui par ce processus. Comment
les sciences de gestion peuvent-elles se saisir du repreneuriat ? Comment peuvent
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elles intégrer d’autres discours disciplinaires afin de rendre compte avec
davantage d’acuité d’un objet d’étude qui promet, dans un avenir très proche, de
s’affirmer comme incontournable ?
Pour ce faire, nous définirons, dans une première partie, le champ conceptuel dans
lequel s’inscrit la RPP. Après avoir décrit le processus repreneurial dans une
deuxième partie, nous ferons le point sur les risques d’échecs identifiés dans la
littérature à chaque étape du processus en abordant, en particulier, la phase
d’entrée du repreneur - phase souvent considérée comme la plus critique du
processus (De Freyman, 2009). Eu égard à la complexité du concept même de
transmission, il nous faudra aborder, dans une dernière partie, les champs
conceptuels de l’anthropologie et de la psychosociologie en étudiant comment ils
pourraient permettre de dégager de nouvelles pistes de recherche en vue
d’optimiser la reprise d’entreprise.
1. PLACE DE LA RPP DANS LE CHAMP DE RECHERCHE DE
L’ENTREPRENEURIAT
La reprise d’entreprise semble s’être spontanément intégrée dans le champ de
recherche de l’entrepreneuriat. Il est donc utile de consulter le corpus théorique
concerné et, par conséquent, de mesurer la portée entrepreneuriale de l’acte de
reprise afin d’en délimiter les contours.
L’émergence de l’entrepreneuriat en tant que champ de recherche a procédé de la
confluence épistémologique entre différentes études des acteurs clés et des idées
forces du processus de RPP. Ainsi, pour T. Verstraete (2001), « l’entrepreneuriat
ne peut pas se réduire à la création d’entreprise, même si elle est l’archétype du
phénomène ». Sharma et Chrisman (1999), confirment ce point de vue en affirmant
que « l’entrepreneuriat inclut les actes de création, d’organisation, de reprise ou
d’innovation, dans ou à l’extérieur d’une organisation existante ». Nous
approfondirons leur raisonnement en abordant l’entrepreneuriat selon deux points
d’entrée : la figure du repreneur et l’acte d’achat d’une entreprise.
1.1.
REPRENEUR ET INNOVATION
Ces dissensions ont trait à la délimitation du repreneuriat et de l’entrepreneuriat.
Varlet (1996) donne de l’évènement entrepreneurial une définition succincte : « se
rendre maitre de ». De même, Lacasse (1990), entend par évènement
entrepreneurial le fait de « créer ou d’acheter une entreprise et d’en accepter la
direction ». Les deux auteurs recentrent donc leur définition autour du statut de
commandement qu’une telle pratique confère à celui ou celle qui l’accomplit.
A l’opposé d’un statut acquis, Fayolle (1996), présente la reprise comme un
comportement entrepreneurial, pouvant être décrit par « un ensemble de variables
décrivant une orientation, une décision, une action qui conduisent un acteur à
s’engager dans une démarche de création, reprise ou développement d’entreprise
en s’investissant à titre individuel ». Cooper et Dunkelberg (1986), quant à eux,
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nuancent ces propos en soulignant que « l’intensité de l’esprit d’entreprise variera
selon la forme d’accès à la propriété ».
Malgré leurs divergences, nous observons que ces derniers auteurs considèrent la
reprise d’entreprise comme une pratique entrepreneuriale dont l’intensité et le
succès sont conditionnées par les structures des entreprises reprises et les
conditions dans lesquelles elles s’effectuent. La question de la mesure de
l’implication entrepreneuriale des dirigeants demeure prégnante dans les
recherches menées et nous constatons que le débat est loin d’être clos.
Cependant, nous pouvons dire, avec Bérangère Deschamps (2003), qu’au sein du
champ des sciences de gestion, « la reprise d’entreprise est une pratique
entrepreneuriale de plus en plus reconnue ». Nous la considérerons donc comme
telle pour la suite de nos recherches.
2. LE PROCESSUS REPRENEURIAL : DESCRIPTION
La reprise d’entreprise est identifiée dans la littérature comme un processus. Un
processus fait référence aux notions de temps, de système, d’activité et de
régulation, le tout englobant l’idée d’une action orientée vers un ou plusieurs buts.
Le processus repreneurial peut se définir « comme la construction d’une continuité
marquée par l’entrée du nouveau dirigeant dans l’entreprise » (Barbier et Calvez,
2001). Ce processus doit établir une cohérence d’ensemble indissociable de la
survie de l’entreprise cédée. Nous pouvons d’ores et déjà souligner la complexité
du phénomène puisque cette cohérence devra porter sur le processus tout au long
de sa mise en œuvre.
Les auteurs consultés ont identifié d’une part les différentes étapes qui se
succèdent lors d’une reprise d’entreprise et d’autre part, les sous processus à
l’œuvre lors du déroulement global du processus.
2.1.
LES ETAPES DE LA REPRISE D
ENTREPRISE
Des divergences analytiques apparaissent dans l’identification des différentes
étapes du processus de Reprise d’entreprise par les Personnes physiques.
Ainsi, par exemple, selon Bérangère Deschamps (2002), la RPP est un processus
qui comporte 3 phases distinctes :
- La prise de décision d’entreprendre, dans laquelle s’inscrit l’élément
déclencheur
- Le processus technique du dossier de reprise (dont la recherche et
l’analyse de la cible)
- Le processus d’entrée du repreneur dans la cible.
Toutefois, pour Picard et Thévenard-Puthod (2004), ce processus comporte 4
phases :
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- La préparation de la reprise et la détection de la cible
- La négociation et l’accord avec le cédant
- La transition ou le passage de relais
- Le management de la reprise
Ces deux approches sont en réalité complémentaires. Le seul point divergent est
celui du processus d’entrée pour lequel Picard et Thévenard-Puthod ajoutent une
phase de « management de la reprise ». Distinguer cette phase à l’intérieur du
processus d’entrée souligne l’importance, notamment pour le repreneur,
d’endosser le rôle de manager au sein de l’entreprise qu’il reprendra, rôle qui le
confrontera aux difficultés qui en découlent.
Cette seconde approche nous servira de base pour étudier le processus
repreneurial car la phase d’entrée est considérée dans la littérature comme étant la
plus complexe et la plus risquée (De Freyman, 2009). Si elle n’est pas gérée
correctement, l’intégralité du processus peut être remise en cause. Il est donc
essentiel d’étudier les deux aspects de la phase d’entrée -transition et
management de la reprise - afin d’identifier tous les risques rencontrés au plus
près de la réalité du repreneur - et de tenter d’y apporter des solutions adaptées.
2.1.
LES SOUS
-
PROCESSUS A L
ŒUVRE
Des auteurs comme Grazzini et Boissin (2013) et MC. Barbot et B. Deschamps
(2005) ont approfondi l’analyse des étapes en les requalifiant de sous-processus.
Par définition, un sous-processus attache le questionnement des compétences et
des comportements des acteurs de la RPP à une de ses étapes. Il est possible,
dans la continuité des travaux de ces auteurs, d’en distinguer trois :
- Le sous-processus relatif à la prise de décision de reprendre : il consiste à
étudier le comportement entrepreneurial tout en prenant en compte
l’environnement dans lequel le repreneur évolue - sa formation, son
histoire, les évènements, etc.- et qui va influencer sa prise de décision
reprendre ou non une entreprise. Siegel (1989), Bygrave et Hoffer (1991)
et Bygrave (1997) ont étudié plus particulièrement ce sous processus. Ils
ont mis en évidence une typologie de repreneurs, basée sur les résultats
de travaux quantitatifs, spécifiant ce qui, dans l’histoire ou dans la
formation de l’identité professionnelle et/ou personnelle, a déclenché cette
volonté de reprendre une entreprise. Au cours de leurs travaux, les auteurs
ont également cherché à comprendre les facteurs influençant la décision
de créer une entreprise ex nihilo. Ils ont conclu que les éléments
déclencheurs de la décision de reprendre une entreprise ne sont pas
significativement différents.
- Le sous-processus de reprise : il constitue la phase amont du processus
conduisant à la réalisation effective du rachat. Selon les auteurs, ce sous-
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processus comporte quatre étapes distinctes : la définition précise du
projet, la détection de la cible, l’étude de la cible et la négociation (Grazzini
et Boissin, 2013 ; MC. Barbot, B. Deschamps, 2005). Il correspond à
l’étape 2 identifiée plus haut. Cette phase est plus technique et son
analyse conclut au besoin de s’entourer des conseils de professionnels en
la matière.
- Le sous-processus d’entrée dans l’entreprise : Cette étape se concrétise
par l’entrée du repreneur dans l’entreprise. Elle est scindée en deux
phases, d’une part la transition qui s’opère entre l’acheteur et le vendeur et
d’autre part, la gestion du changement (Grazzini et Boissin, 2013 ; MC.
Barbot (1999), B. Deschamps, 2005). En effet, le repreneur devra à tout
prix éviter les phénomènes de choc culturel et de résistance au
changement de la part des salariés lors de son intégration dans la nouvelle
structure. Nous verrons que ce risque majeur est récurrent lors d’une
reprise d’entreprise. Cela conforte notre choix de prendre en compte, dans
la continuité des travaux de Thévenard-Puthod, deux phases distinctes au
sein du sous processus d’entrée dans l’entreprise. Cette distinction permet
de mettre œuvre des moyens mieux ciblés face aux risques inhérents aux
RPP.
Cette approche processuelle apporte un nouvel éclairage quant à la complexité du
phénomène. Le processus ne peut pas être considéré comme linéaire compte tenu
de son hétérogénéité. (Deschamps et Barbot, 2005). Plusieurs de ses facteurs
sont déterminants.
Le processus est conditionné en effet par le profil des repreneurs (Barbot et
Richomme-Huet, 2007 ; Cadieux, 2007), ou les types d’entreprises reprises
(Barbot, 1999 ; Begin, 2007), ou encore le secteur d’activité (d’Andria et Chalus-
Sauvannet, 2007 ; Picard et Thévenard-Puthot, 2004). La taille de l’entreprise est
également un facteur essentiel puisque les auteurs démontrent que lorsque
l’entreprise est de petite taille, les processus fondés sur l’affect et relevant des
sciences cognitives et comportementales sont très présents. Lorsque l’effectif de
l’entreprise est plus important, les processus à base de techniques l’emportent,
même pour le management.
L’objectif principal des recherches menées sur la reprise d’entreprise est de
contribuer à son optimisation afin de permettre aux entreprises concernées de
survivre au départ de leur propriétaire. De fait, la littérature identifie de nombreux
risques d’échecs à chaque étape du processus. Avant de les étudier, il s’avère utile
de dresser un état des lieux des principaux freins identifiés par les acteurs de la
transmission d’entreprise, concernant l’ensemble de ce marché et imposant des
limites sérieuses à son essor. Ces freins recouvrent usuellement deux domaines :
le régime fiscal appliqué à la transmission et les possibilités d’accès au
financement pour les repreneurs.
Selon le rapport de l’institut Montaigne (2013), il apparaît que le marché de la
transmission d’entreprise a été bloqué de 1980 au début des années 2000 sous
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l’effet conjugué de le l’ISF et du doublement des droits de transmission. Ces
mesures fiscales ont eu un impact particulièrement lourd sur le tissu des ETI
familiales françaises. Il semble que sur la période, pas moins de 500 entreprises,
aient été vendues à des groupes étrangers. Ainsi, c’est une partie du Mittelstand
français qui a indirectement disparu. On dénombre actuellement 4 600 ETI en
France contre 12 500 en Allemagne et 10 000 au Royaume Uni (Rapport
Montaigne, 2013). Même si le « pacte Dutreil » semble avoir amélioré ce
processus
13
, il est jugé d’un usage complexe et beaucoup plus couteux que ce qui
est pratiqué par d’autres pays européens. Rappelons, par exemple, que
l’Allemagne exonère 100% des droits de succession des actifs non cotés s’ils sont
détenus depuis plus de deux ans.
A cela s’ajoute des spécificités françaises en matière de structure des
prélèvements obligatoires qui sont dommageables aux entreprises car la France
taxe beaucoup plus significativement le capital que les autres pays européens
malgré le crédit d’impôt dit « compétitivité et emploi » (CICE) mis en place par le
gouvernement Valls. D’après le Rapport Montaigne (2013), cette aide s’avère
complexe et ne couvre que 40% des hausses d’impôts décidées depuis 2011
(Cour des comptes, 2011).
Du point de vue du financement, il semble que le processus de reprise d’entreprise
connaisse également des faiblesses car un tiers des reprises ne parvient pas à se
financer. Les candidats à la reprise rencontrent de grandes difficultés à couvrir
personnellement leurs besoins de financement qui ne sont pas pris en compte par
les banques ni par d’autres modes de financement comme le financement
participatif (Crowdfunding), très peu développé dans le financement des reprises
d’entreprises (Rapport DOMBRE-COSTE, 2015). Notons, l’existence de
propositions faites dans ce sens par des entrepreneurs avec notamment, la
création de fonds d’investissement participatifs et démocratiques qui seraient en
mesure de venir en aide aux repreneurs (Rudelle, 2015). La création de la nouvelle
plateforme d’investissement DAO (Decentralized autonomous Organization) mérite
d’être signalée car elle va dans le sens d’une plus grande autonomie de tous les
acteurs et son modèle pourrait permettre, à l’avenir, d’apporter une réponse
efficace à cette problématique.
Après avoir mis en évidence les freins de type méso économiques à la
transmission d’entreprise, nous allons étudier le processus dans son ensemble afin
d’identifier les risques d’échecs liés à chacune de ses phases.
13
En contrepartie d’un engagement de conservation de titres sur six ans, les cédants bénéficient d’un
abattement de 75% de la valeur des parts.
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3. LES RISQUES D’ECHECS IDENTIFIES LORS DU
PROCESSUS DE REPRISE
Les risques de voir échouer le processus repreneurial sont nombreux et leurs
origines multiples. Les auteurs ont souhaité les identifier phase par phase afin
d’être en mesure de proposer des solutions permettant d’en limiter l’ampleur et
assurant, dans ce contexte, la continuité des PME et la préservation des emplois.
Afin de définir la notion d’échec lors de la reprise, nous pouvons nous inspirer
d’Ooghe et Van Wymeersh (2000) pour qui « la défaillance de l’entreprise apparait
dès l’instant où elle ne parvient plus à rencontrer de manière continue ses
objectifs ». Concrètement, lorsque le processus repreneurial échoue, cela se
traduit par la fermeture de l’entreprise puisque le repreneur n’a pas réussi à en
pérenniser l’activité. Les chiffres, à ce titre, sont accablants puisque 30% des
opérations de RPP échouent dans les 3 ans. Ce taux d’échec est multiplié par
deux en cas de méconnaissance par le repreneur du secteur de l’entreprise
rachetée (Oséo, 2005). Il est renforcé par le fait que toute PME, au moment de la
reprise, présente un certain nombre de déséquilibres fondamentaux hérités de son
passé. Si l’on accepte le paradigme de l’entreprise créatrice de valeur tel que
formulé par Kaplan et Norton (1996), on peut supposer que la probabilité de voir
apparaitre des symptômes de déséquilibre lors du processus repreneurial est
élevée.
3.1.
DES RISQUES D
ECHEC PHASE PAR PHASE
Geindre et Deschamps (2009) ont identifié les risques inhérents à la reprise selon
quatre paramètres du projet de reprise : les aspirations du repreneur, ses
compétences, les caractéristiques de la cible et les composantes
environnementales. Ils ont qualifié et décrit ces risques dans le but d’accompagner
le cédant et le repreneur vers la réussite tout au long du processus. A la lecture du
tableau n°1, nous observons que lors de la phase de décision, le Repreneur doit
avoir bien intégré l’idée de reprendre, s’être approprié le projet et sentir que le
moment est venu. Dans le cas où une de ces variables ne serait pas prise en
compte, le processus serait posé sur de mauvaises bases.
Concernant la phase de recherche, les risques identifiés sont essentiellement liés
à la qualité de la définition des critères de ciblage de l’entreprise cédée. Les
auteurs préconisent au repreneur de rechercher la cohérence la plus forte possible
entre le choix de la cible et ses capacités. La phase d’analyse de la cible qui en
découle est très risquée car à ce moment-là, le processus de reprise se superpose
au processus de transmission par interaction avec le cédant. Cette phase consiste
à produire une vision la plus juste possible de l’entreprise à reprendre. Les auteurs
ont identifié « des symptômes et des pathologies afférentes » - myopie
repreneuriale, astigmatie repreneuriale, hypermétropie repreneuriale - dont il
faudra que le repreneur se protège. La négociation, qui signe la fin de cette phase,
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comporte le risque pour ce dernier d’accepter un prix trop élevé ou bien un contrat
trop peu protecteur.
In fine, la phase d’entrée du repreneur parait, quant à elle, cristalliser tous les
risques inhérents au processus lui-même tant le volet affectif y est présent pour
l’ensemble des acteurs (cédant, repreneur, salariés et partenaires).
Tableau n°1 - Les phases de la RPP et les risques associés
La synthèse proposée par B. Deschamps (2003) nous intéresse particulièrement
car elle répertorie l’ensemble des risques inhérents à la reprise d’entreprise
identifiés dans la littérature. Nous notons qu’elle reprend l’idée soutenue par de
très nombreux auteurs selon laquelle la préparation et donc le temps sont des
facteurs indissociables de la réussite de la RPP. Elle fait également apparaître
toute la complexité du phénomène car les phases ne sont pas réellement
délimitées : elles apparaissent interdépendantes et les acteurs en jeu
particulièrement nombreux.
Aussi, la RPP est un phénomène systémique. Or, il est surprenant de constater
que, même si cet aspect est prégnant, les risques identifiés et les solutions
envisagées pour les minimiser, dans la littérature, sont majoritairement descriptifs
et échoient à une approche séquentielle du RPP. Cette dimension systémique
permet néanmoins d’en rendre compte et opère un bouleversement
épistémologique où les logiques de transmissions jouent un rôle prépondérant
dans le succès du processus de reprise.
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3.1.
LE CAS PARTICULIER DU PROCESSUS D
ENTREE
Si le processus repreneurial est un système complexe dans son ensemble, cette
complexité est à son paroxysme lors du processus d’entrée. Cette phase mobilise
l’ensemble des acteurs : le repreneur, le cédant, les salariés et le réseau du
cédant. A l’occasion de l’entrée du repreneur dans la cible, l’intégralité des
difficultés occultées vont être révélées et elles seront cumulatives.
Ainsi, les auteurs ayant étudié les risques pouvant mener à l’échec de la RPP se
sont plus particulièrement attachés à la phase d’entrée du repreneur dans la cible.
Selon eux, c’est un évènement stratégique majeur (Watkins, 2003) qui conditionne
la réussite de l’intégralité du processus (Boussaguet, 2004) et représente
l’aboutissement concret de la reprise. En d’autres termes, il a des conséquences
lourdes sur la survie de l’entreprise (Paturel, 2000 ; Mahé de Boislandelle, 1996).
C’est une étape charnière du processus (Bah, 2009) qui comporte de nombreuses
difficultés post-reprise (Deschamps et Paturel, 2005 ; Picard et Thévenard-Puthod,
2006). Or dans la littérature, l’étude de la RPP s’arrête le plus souvent à la
signature du contrat même « s’il n’existe pas, dans une organisation, d’évènement
non récurrent plus critique que le transfert de pouvoir de l’autorité d’un dirigeant à
un autre » (Fiegener, Brown, Prince et File, 1996).
C’est lors de cette phase que se posent les problèmes les plus complexes et que
l’on peut assister au « rejet de la greffe » savoir, le rejet du repreneur en tant
que nouveau dirigeant- entrainant l’échec total du processus.
L’observation de cette dernière phase, renforce l’idée selon laquelle les risques
d’échecs rencontrés tout au long du processus peuvent être analysés au travers
de trois cribles distincts. Le premier a trait à la dimension systémique de la RPP en
raison de la succession non linéaire des étapes du processus et de la diversité des
acteurs. Le deuxième met en exergue sa dimension anthropologique, procédant de
la transmission entre cédants et repreneurs. Enfin, le dernier relève d’une
approche psychosociale de la RPP rendant compte des aspects relationnels du
processus de reprise entre les différentes parties prenantes. Ces dimensions ne
nous semblent pas assez prises en compte simultanément dans la littérature pour
explorer de nouvelles pistes de recherches et proposer des solutions en vue de
l’optimisation du processus.
Ainsi, plutôt qu’entreprendre de résoudre les problèmes posés par la RPP de
manière séquentielle, comme largement évoquée dans la littérature, il faut
renouveler notre approche du domaine à partir d’une compréhension systémique,
anthropologique et psychosociale du processus de RPP. Un tel changement de
paradigme peut légitimement fonder l’espoir d’une meilleure sécurisation du
processus et contribuer à enrichir les recherches visant à optimiser la RPP.
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4. EMPRUNTS EPISTEMOLOGIQUES ET PROCESSUS
REPRENEURIAL
Aussi, il nous parait nécessaire de remettre le volet humain au centre du dispositif
en l’abordant par l’exploration des dimensions systémiques, anthropologiques et
psychosociales qui le traversent. L’étude de ces champs épistémologiques et de
leurs liens avec la RPP permet d’identifier plus précisément les facteurs qui
conditionnent le succès ou l’échec du processus de reprise.
4.1.
PROCESSUS REPRENEURIAL ET APPROCHE SYSTEMIQUE
Le processus repreneurial étant un phénomène complexe, les auteurs développent
des analyses que nous décidons de regrouper sous le nom d’approche
systémique. Elles visent, pour la plupart, à identifier les effets du chaînage des
décisions mises en œuvre et d’analyser les relations entre les différentes
composantes de la reprise. Ces analyses amènent les auteurs à formuler des
propositions instaurant la permanence indispensable à la continuité et à la survie
de l’entreprise cédée malgré le changement majeur que représente la mise en
place d’une nouvelle direction. Picard (2006) note à ce sujet que « la transmission
d’une entreprise implique en elle-même la coexistence de la permanence - l’ordre -
et du changement - le désordre - » et qu’elle est souvent vécue comme un
« chaos » pour les différentes parties prenantes. Jean-Yves Barbier et Vincent
Calvez (2004) considèrent que la transmission de l’entreprise fait partie de son
« cycle de vie » et qu’elle est une modalité de son développement. Cette approche
systémique permet d’assurer la continuité de la « chaine du repreneuriat », en
évaluant les ruptures et les continuités induites par la RPP. Jean-Yves Barbier et
Vincent Calvez (2004) proposent une modélisation du processus repreneurial qu’ils
nomment « agencement repreneurial ». Ils définissent cet agencement repreneurial
comme « l’articulation des ressources cognitives, symboliques, et matérielles
mobilisées lors des trois phases du processus de reprise en incluant l’arrière-plan
institutionnel » (Deschamps, 2003).
Ce modèle systémique permet de proposer des pistes d’amélioration en identifiant
les faiblesses du processus qui sont indexées à une logique de variation multi-
scalaire :
- L’absence de culture repreneuriale,
- L’insuffisance des dispositifs d’encadrement et d’accompagnement,
- L’insertion insuffisante de la reprise dans les logiques de politiques
industrielles et de recherche.
Selon les auteurs, les leviers dont nous disposons pour améliorer le processus
relèvent à la fois d’aspects institutionnels, culturels et psychologiques.
A cet égard, Louise Cadieux et François Brouard (2008) précisent que le degré de
complexité du processus sera différent selon les formes de transmission
privilégiées. Les transmissions familiales seraient les plus complexes en raison de
l’interaction et de l’indissociabilité inhérentes aux liens de parenté, provoquant de
nombreuses dissensions et mésententes lors du processus de reprise (Kaslow et
Kaslow, 1992 ; Kets de Vries, 1993).
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Si nous prolongeons le raisonnement de ces auteurs, nous constatons que la RPP
est bien un phénomène anthropologique en ce que la transmission des
compétences et des savoir-faire en est le moteur humain et économique. Sous ce
rapport, la RPP constitue avant tout une passation, vers le repreneur, des biens
mais aussi des liens que le cédant a établis dans l’exercice de ses fonctions au
sein de son entreprise. A cet égard, le processus repreneurial est une passation
entrepreneuriale. Le repreneur s’inscrit dans un continuum humain en cela qu’il
pourrait, lui aussi, à terme, être amené à transmettre l’entreprise à son tour.
4.2.
PROCESSUS REPRENEURIAL ET APPROCHE ANTHROPOLOGIQUE
Par approche anthropologique, nous désignons l’approche par laquelle les auteurs
sont amenés à expliciter les liens et les interactions à l’œuvre dans la RPP,
notamment entre le cédant et le repreneur. Selon eux, elles sont essentielles et
exercent une influence continue sur le processus jusqu’à en conditionner l’issue. Ils
déplorent que l’analyse de ces interactions soit trop souvent laissée de côté dans
la littérature.
Dominique Jacques-Jouvenot et Florent Schepens (2007) notent que, lors du
processus de reprise, les interactions entre cédants et repreneurs s’effectuent en
vue de pérenniser le patrimoine de l’entreprise. Ils en déduisent que leur aspect
relationnel s’exprime autant lors d’une RPP que lors d’une transmission familiale
ce qui, en soi, est relativement novateur. Ils étayent ce propos en étendant les
implications institutionnelles du processus de reprise : selon eux, reprendre une
entreprise ne se limite pas à faire durer des biens économiques mais consiste à
prendre sa place dans « la chaine des nérations » et à tisser des liens entre
elles. C’est dire que, dans ce référentiel, l’interaction à l’œuvre lors du processus
de reprise est éminemment sociale, en tant qu’elle conditionne l’inscription d’un
individu dans une microstructure organisée et dans son histoire. Le célèbre
aphorisme de Gotman (1998) « les biens sont aussi les liens » illustre parfaitement
leur pensée. Le questionnement de l’inscription du repreneur au sein d’une
structure sociale indissociable de son histoire, de ses us, de ses coutumes, pousse
les auteurs, pour rendre compte de la complexité de la modélisation des décisions
du repreneur, à forger la figure de l’ « homo memor » aux côtés de celle, plus
canonique, de l’« homo oeconomicus ». En effet, le repreneur est celui « qui se
souvient, qui est dépositaire et qui doit prolonger son œuvre puisque sinon, le
travail effectué s’éteindra avec lui ». De leur point de vue, le cédant et le repreneur
sont au cœur d’une « obligation anthropologique » qui engage les deux parties.
A ce stade, nous pouvons avancer que le lien qui doit s’établir pour permettre la
réussite du processus parait avoir autant d’importance lors d’une reprise externe
que lors d’une transmission familiale. Certains auteurs comme Jacques-Jouvenot
et Gillet (2001), affirment que l’instauration d’une « relation filiale » est la condition
pour assurer la continuité de l’existence du patrimoine et des compétences- qu’ils
définissent en ce domaine comme « la capacité des individus à pérenniser une
histoire familiale et professionnelle » - et par même la réussite de la reprise. La
temporalité intergénérationnelle dans laquelle s’inscrivent la reprise et la relation
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cédant-repreneur constitue, dans l’entreprise, une véritable boucle de
transmission.
Cette approche anthropologique met donc en lumière l’importance, au sein du
processus repreneurial, de la transmission des compétences et des
apprentissages au travers de la transmission professionnelle. Le problème, ainsi
posé, a mené les auteurs à préciser quelles compétences et apprentissages
devaient et pouvaient être transmis. Sans aboutir à une typologie qui les
engloberait in extenso, les auteurs soulignent que de la qualité de la transmission
professionnelle dépend la qualité de la reprise dans sa globalité.
En revanche, d’autres auteurs s’interrogent sur la possibilité effective de cette
transmission. Selon Bérangère Deschamps et Laurent Simon (2011) les
connaissances tacites, l’identité, la culture de l’entreprise, sont des éléments très
difficilement évaluables et transmissibles.
Ainsi, il apparaît que les liens entre le cédant et le repreneur sont centraux et que
de leur qualité dépendra la réussite de la transmission. Cet objectif qualitatif met au
cœur de la RPP les interactions et des représentations sociales qui seront en jeu
et qui traverseront continuellement le processus.
4.3.
REPRESENTATIONS
,
CONFIANCE ET APPROCHE PSYCHOSOCIALE
Le processus repreneurial étant un processus d’échanges et d’interactions, les
représentations sociales y jouent un rôle fondamental. Une représentation sociale
peut être une définie comme une forme inconsciente de connaissance portée sur
un objet par des acteurs individuels et/ou collectifs. Lors de la RPP, tous les
acteurs participant au processus sont concernés : le cédant, le repreneur, les
partenaires et les salariés. L’approche psychosociale propose d’identifier les
« écarts de représentation » pouvant advenir à chaque étape du processus,
notamment ceux qui ont trait à la relation cédant-repreneur. Le moindre écart de
représentation au sujet de cette relation fondamentale dans le processus de RPP
ouvre une brèche dans le dispositif relationnel, pouvant le faire péricliter. C’est la
raison pour laquelle Bornard et Thevenard-Puthod (2009) préconisent d’agir sur la
reconstruction des représentations des acteurs. La mise en œuvre de cette
régulation est néanmoins rendue difficile par les résistances inhérentes à ces
objets. Certaines représentations sont en effet identifiées comme plus ou moins
« rigides » et leur déconstruction peut s’avérer très difficile.
Poursuivant la nécessité d’optimiser la qualité du processus relationnel, les auteurs
se sont employés à étudier sa mise en œuvre. Kokou-Dokou et Gourdon-Cabaret
(2006), insistent sur la nécessité d’installer une confiance durable au centre du
processus. Le développement de cette confiance sera possible grâce à « la
connaissance, la reconnaissance, les capacités et les compétences
relationnelles ». La réflexivité des acteurs quant à leurs compétences personnelles
et aux savoir-faire des autres acteurs de l’entreprise se pose ici comme un des
critères primordiaux du succès d’une RPP (Filion et Bourion, 2009).
Nous notons ici toute l’importance du volet psychologique au sein du processus
repreneurial. Les acteurs doivent se connaitre, comprendre leur mode d’interaction
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avec les autres et être en capacité de faire évoluer leur compétence relationnelle.
Or, la littérature, dans ce domaine, souligne plutôt les difficultés rencontrées qu’elle
ne propose des pistes d’amélioration (Bérangère Deschamps et L. Cadieux, 2009).
De ce point de vue, Boussaguet et Bah (2008), notent que la transmission est une
épreuve pour les acteurs. La « transition de rôle » vécue par les acteurs est
analysée, par ces auteurs, sous un rapport psychanalytique, comme en témoigne
l’emploi des catégories de « perte identitaire et narcissique » ou « angoisse de
mort et de séparation ». Selon ces auteurs, les acteurs n’y sont pas préparés et
n’en ont pas conscience avant de s’y engager. En conséquence, ces conflits
psychiques génèrent, pour les acteurs, de fortes ambivalences quant à leurs
positionnements respectifs dans l’entreprise et un hiatus de plus en plus
conséquent entre leurs actions et les intentions qui les commandent. Cette
ambivalence induit des difficultés cognitives et comportementales auxquelles il faut
remédier en vue d’optimiser le processus de RPP. Dans le cas contraire, le
sentiment d’insécurité provoque une résistance au changement et des blocages
qui entravent sa continuité. Le dépassement d’un crible d’analyse séquentiel de la
RPP associé à ces imports épistémologiques permet donc d’identifier une
multiplicité de facteurs qui conditionnent sa pérennité.
CONCLUSION
En définitive, nous avons, dans un même élan, interrogé la définition d’un objet
d’étude majeur du champ des sciences de gestion et la porosité de ce champ face
aux autres domaines disciplinaires des sciences humaines. En particulier, les
concepts hérités de l’anthropologie et de la psychosociologie, comme ceux de
représentation, de réflexivité ou de filiation, permettent de questionner les
différentes phases de transmission de l’entreprise à l’aide de cribles
épistémologiques dissociés. Le dépassement des approches sérialisées des RPP,
joint à cette exigence d’identifier les apports conceptuels d’autres ensembles
disciplinaires, indique le caractère décisif de la relation cédant-repreneur dans le
dispositif de la RPP.
Ce court examen interdisciplinaire autour de la reprise d’entreprise témoigne du fait
que la transmission ne peut réussir sans a minima un travail de normalisation de la
relation cédant-repreneur et une attention constante, de la part de ces derniers, à
l’égard des écarts de représentations des acteurs au sein de la structure
transmise. Ainsi, par exemple, lors de projets de créations d’entreprise, les
accompagnateurs peuvent mettent en œuvre des techniques d’explication du
projet de vie et travailler sur le développement de points d’ancrage forts de ce
même projet chez les protagonistes afin de s’assurer de son aboutissement malgré
les difficultés rencontrées tout au long de son développement.
Il semble aujourd’hui essentiel de pouvoir inaugurer de nouvelles pistes de
recherche sur la forme que devrait prendre l’accompagnement dans ce domaine et
d’utiliser d’autres champs de recherche comme ceux liés par exemple aux
sciences de l’éducation. Ces recherches devraient en particulier se concentrer sur
la relation cédant-repreneur. Leur apport procède du fait qu’elles sont en lien direct
avec l’acte de transmettre une entreprise et les problématiques systémiques,
anthropologiques et psychosociales qui y sont attachées.
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... On confirme ici le constat, également fait dans la recherche anglo-saxonne, que la communauté de l'EF, ne pouvant décrire toute la complexité de son objet par les moyens de la mesure de performance comparée, finit par inviter d'autres disciplines et au besoin d'autres méthodologies. Il s'agit d'un changement dans l'instrumentation elle-même, et ce, d'autant plus que l'on parle de succession, celle-ci étant reconnue comme un objet d'étude complexe « situé à un carrefour interdisciplinaire entre gestion, anthropologie et psychologie ». (Aubry & Wolff, 2016). Concernant les méthodologies, on peut en constater l'évolution grâce au travail de Bégin, Bonnafous-Boucher, Chabaud et Fayolle sur la longévité des entreprises familiales (2014). ...
Thesis
La succession parents-enfants, sujet important dans la recherche sur l’entreprise familiale (EF), est un processus réputé long, progressif, risqué, non-linéaire et souvent conflictuel. Ce constat répété invite à s’interroger sur les phénomènes qui activent ou ralentissent ce processus et comment ils se manifestent dans l’activité des collaborateurs. Selon la théorie, la succession peut être vue comme un acte de gestion inhérent à l’essence des EF, comme un paysage transitionnel marqué par des ponctuations et des ajustements de rôles, comme une forge de personnalités entrepreneuriales, masculines ou féminines, ou encore comme un déroulement sans dessein de l’action, au fil d’un temps vécu de l’intérieur. Notre thèse s’inscrit dans ce quatrième courant, celui des approches processuelles du changement et adopte une analyse par les pratiques, inspirée de la théorie des routines organisationnelles dans sa perspective structurationniste. Le quotidien d’une PME du bâtiment, liée à l’entreprise jumelle dirigée par l’un des deux successeurs, est suivi, au cours d’une transmission complexe (de deux aînés vers deux descendants), par une ethnographie affective, sur trois ans, au cours desquels les lieux d’observation s’adaptent pour voir la succession se faire, à travers les pratiques de l’équipe commerciale élargie, via la tenue d’un journal détaillé ponctué d’entretiens individuels. La transformation progressive des pratiques, sous-tendues par des routines qui naissent et changent avec plasticité, montre comment, jour après jour, les affects positifs ou négatifs amènent les collaborateurs à déplacer leur allégeance des prédécesseurs vers les successeurs. Notre recherche apporte, en complément des modèles existants, tant ceux de la succession que ceux de l’évolution des routines, une explicitation du moteur interne de changement qui permet au collectif de « faire succession », en l’absence de plan ou d’objectifs temporels et en l’absence d’un dialogue rationnel sur le sujet entre les dirigeants familiaux. Elle ouvre sur plusieurs perspectives de recherche possibles, en prolongement de nos résultats, dans les différents courants de recherches reliés à notre sujet.
Article
La distinction de profils de performances financières dans les entreprises familiales transmises est peu explorée dans la littérature alors que la question de sa performance après la transmission est de plus en plus préoccupante (Stanley, Kellermanns et Zellweger, 2017 ; Kotlar et Chrisman, 2019). L’objectif de cette recherche est de dresser un profil explicatif de performances financières que peuvent avoir les PME familiales transmises. Les données ont été collectées auprès de 52 PME familiales ayant connu une transmission de management au Cameroun. Après une analyse typologique et une Analyse Factorielle des Correspondances Multiples (AFCM), les résultats mettent en évidence l’existence de 3 profils qui comprennent des entreprises avec des caractéristiques de comportements hétérogènes : le culturel, l’ethnique et l’hybride. Ces résultats mis en perspective avec les résultats d’études semblables menées en contexte africain et mondial vont permettre de relever les défis de sa pérennisation par les gestionnaires.
Article
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The importance of family businesses in the economic development of countries around the world is well established (Kenyon-Rouviniez et al., 2004 cited by Bughin, Colot, and Finet, 2010). However, they do not survive generational change (Le Breton-Miller, Miller and Steier, 2004). This alarming reality challenges us as researchers to study this complex issue of transmission. To do so, we study this inheritance phenomenon from the perspective of family governance, while focusing on the role of "family" system governance practices in driving the intergenerational transmission of Moroccan SMEs. To this end, we conducted an exploratory qualitative study of a Moroccan family SME. The results of this investigation confirm the role of the family core governance in planning and conducting the intergenerational transmission of the SME. Résumé Le poids des entreprises familiales dans le développement économique des pays à travers le monde n'est plus à démontrer (Kenyon-Rouviniez et al., 2004 cité par Bughin, Colot, et Finet 2010). Cependant, elles ne survivent pas au changement générationnel. (Le Breton-Miller, Miller et Steier, 2004). Cette réalité alarmante nous interpelle en tant que chercheurs à étudier cette question complexe de la transmission. Pour ce faire, nous étudions ce phénomène successoral suivant la perspective de la gouvernance de la famille, tout en mettant l'accent sur le rôle des pratiques de la gouvernance du système «familial» dans la conduite de la transmission intergénérationnelle de la PME marocaine. À cet effet, nous avons mené une étude qualitative à caractère exploratoire auprès d'une PME familiale marocaine. Les résultats de cette investigation confirment le rôle de la gouvernance de l'organe familial dans la planification et la conduite de la transmission intergénérationnelle de la PME.
Article
The role of the psychological contract in the understanding of the seller-buyer transition In order to cope with the risks of the labor market, buying an existing firm may quickly become a credible alternative for some workers. For instance, more and more senior executives are making this career choice, to the extent that they are becoming the majority in external takeovers (Fusacq 2011). However, the profile of these new buyers has one peculiarity in common: despite solid professional backgrounds, most of them need specific assistance when making this choice due to the fact of being external to the world of VSEs and SMEs and to the core business of the firm they wish to buy. In this configuration, rather than the use of traditional support solutions, it is above all the management of the business entry that becomes decisive: one third of takeovers fail because of “mistakes committed or originating in the transition period” (Rollin 2006: 13). This paper takes as its starting point the limitations of the “tutorship agreement” and uses several case studies in order to better understand the “buyer/seller” relationship during this pivotal period. As a matter of fact, the use of an analytical framework based on the concept of the psychological contract allows a psychological reading of the transition and of the conditions likely to promote a premature rupture of the support relationship. The results highlight the existence of reciprocal moral obligations—exactly specific to the transition period and the buyer/seller relationship—which in case of perceived infringement may weaken the course of the support relationship.
Thesis
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750 000 employments to keep. This number, highlight by the former deputy of Herault, FannyDombre-Coste, underline influence of SME takeovers on development of local economy.However, buyer, an entrepreneur, is understudied. We then engaged an academic research inorder to fill in this gap and, using an entrepreneurial perspective, we try to better understandbuyer profile. To confine profile question, we use a central concept in entrepreneurship:opportunity. Then, leaning on Kirzner logic, buyer function become clearly: he has to identifyopportunity. How can he do it? He is going to use his alertness. So, we ask the followingproblematic: how does buyer entrepreneurial alertness influence takeover financialperformance? To answer, we use an hypothetico-deductive reasoning and realise a quantitativeresearch. This lead us to formulate hypotheses and build a research model. We put a linkbetween entrepreneurial alertness (Tang et al., 2012) and two mediator's variables: opportunityidentification (Ozgen et Baron, 2007) and entrepreneurial orientation (Covin et Slevin, 1989).Then, this two variables are linked to takeover financial performance – which is a subjectivemeasure of the evolution of height indicators. After used MICOM procedure, we test our modelon all buyers (n = 278) and make a comparison – qualitative and using a multi-group analysis– between buyers supported by a mentor (n = 199) and non-supported (n = 79), and betweenbuyers supported before (n = 79) and after takeover (n = 120). Firstly, results show thatentrepreneurial alertness is an antecedent of financial performance. On the other hand, ourresearch underline that mentorship has the potential to add substantially to our understandingof how buyer succeed – at least on an financial plan – SME takeover. Consequently, it seemsrelevant to develop a cognitive part in buyer support program and to work on mentorship in thissingular context.
Article
Historically, acquisition scholars and practitioners have adopted a choice perspective which portrays the corporate executive analyzing acquisition opportunities as a rational decision maker. This paper suggests that the choice perspective be supplemented with a process perspective which recognizes the acquisition process itself as a potentially important determinant of activities and outcomes. A series of research propositions is offered suggesting how four impediments present in the process itself might affect acquisition outcomes.
Article
This article studies the total tax burden for an entrepreneur of owning, running and inheriting a firm in Sweden during the period 1970-2002. The total tax effects have had a large negative impact on the profitability of owning and running an entrepreneurial firm. They have also had confiscatory effects in connection with inheriting a firm. We regard the tax system's profoundly negative effect on the profitability of entrepreneurial activities as a probable explanation for the lack of new, small and fast-growing firms in Sweden, and hence as one of many possible explanations to the country's relatively slow economic growth.