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Impact des acteurs internes et externes sur la démocratisation en Albanie entre 1990 et 2013

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Elda Nasho Ah-Pine et Wolf-Dieter Eberwein1 Mots-clés : Démocratisation, européanisation, Albanie, UE, élections. L'intégration de nouveaux pays dans l'Union Européenne représente déjà en soi une tâche complexe aussi bien au niveau théorique qu'au niveau empirique. Rajouter la problématique du processus de démocratisation ne peut que complexifier davantage l'objectif de cette analyse. C'est notamment le cas de l'Albanie. Il s'agit plus précisement d'établir le lien entre la transition à la démocratie et l'intégration européenne en accord avec les critères de Copenhague formulés par l'Union Européenne en 1993. Deux séries de questions se posent dès lors : 1. Est-ce que la perspective de l'intégration européenne favorise-t-elle le processus de transition promettant stabilité, bien-être et sécurité ? La focale est mise ici sur la dynamique interne du système politique albanais et donc sur la volonté et la capacité des acteurs locaux en vue de construire un système démocratique. 2. Est-ce que les acteurs externes ont la volonté et la capacité d'influencer ce processus de façon significative, en premier lieu l'Union Européenne ? L'accent est mis cette fois-ci sur le rôle de l'acteur extérieur, c'est-à-dire l'UE dans le cadre des processus d'intégration et de démocratisation. Afin de répondre à ces interrogations seront développés dans un premier temps les différents modes de transition à la démocratie selon les approches de la troisième et de la quatrième vague de transition. Cette perspective purement interne (démocratisation comme processus autonome) sera complétée par l'inclusion du rôle potentiel des acteurs externes afin de pouvoir expliquer le processus de transition albanaise à proprement parler entre 1990 et 2013, ce qui sera présenté dans un deuxième temps. Dans un troisième temps nous nous focaliserons sur l’action de l’Union Européenne à travers sa politique de conditionnalité en nous appuyant sur les différents modes d’intégration développés par Schimmelfenning et Sedelmeier. Finalement sera évalué le succès ou l’échec de cette stratégie de conditionnalité à travers le contexte interne et la perception des élites à cet égard. Si en effet l’intégration est plus qu’une politique symbolique et donc partagée par les différents groupes politiques, ceux-ci devraient faciliter simultanément les processus de démocratisation et d’intégration en se pliant collectivement aux critères de Copenhague.
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Revue Est Europa, 2015
Chapitre 5
Impact des acteurs internes et externes
sur la démocratisation en Albanie
entre 1990 et 2013
Elda NASHO AH-PINE et Wolf-Dieter EBERWEIN1
Mots-clés : Démocratisation, Européanisation, Albanie, UE, Élections.
L’intégration de nouveaux pays dans l’Union européenne représente déjà en soi
une tâche complexe aussi bien au niveau théorique qu’au niveau empirique. Rajouter
la problématique du processus de démocratisation ne peut que complexifier davan-
tage l’objectif de cette analyse. C'est notamment le cas de l’Albanie. Il s’agit plus préci-
sement d’établir le lien entre la transition à la démocratie et l’intégration européenne
en accord avec les critères de Copenhague formulés par l’Union en 1993.
Deux séries de questions se posent dès lors :
1 Elda Nasho Ah-Pine : Docteure de science politique en politiques europénnes et relations interna-
tionales, elle est actuellement Attachée temporaire d’enseignement et de recherche à l’Université
d’Auvergne. Elle est également chercheure associée à l’IEP de Grenoble/PACTE et à l’Institut de
recherche stratégique de l’École militaire (l’IRSEM), à Paris. Ses travaux de thèse ont porté sur la
construction d’une communauté de sécurité européenne comprenant les Balkans occidentaux depuis
la chute du Mur de Berlin et plusieurs de ses contributions s’attachent à analyser les relations entre
l’UE, l’OTAN et les Balkans occidentaux.
Wolf-Dieter Eberwein : Professeur de science politique retraité de l’IEP Grenoble. Il est l’auteur de
plusieurs publications en France, en Europe et à l’international. Il a occupé pendant plusieurs années
la fonction du Directeur du Master Organisations internationales de l’IEP de Grenoble. Il est actuel-
lement Président de VOICE, Voluntary Organisations in Cooperation in Emergencies.
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Revue Est Europa, 2015
1. Est-ce que la perspective de l’intégration européenne favorise le processus de
transition promettant stabilité, bien-être et sécurité ? La focale est mise ici sur
la dynamique interne du système politique albanais et donc sur la volonté et la
capacité des acteurs locaux en vue de construire un système démocratique.
2. Est-ce que les acteurs externes ont la volonté et la capacité d’influencer ce
processus de façon significative, en premier lieu l’Union européenne ? L’accent
est mis cette fois-ci sur le rôle de l’acteur extérieur, c'est-à-dire l’UE, dans le
cadre des processus d’intégration et de démocratisation.
Afin de répondre à ces interrogations, seront développés, dans un premier temps,
les différents modes de transition à la démocratie selon les approches de la troisième
et de la quatrième vague de transition. Cette perspective purement interne (démocra-
tisation comme processus autonome) sera complétée par l’inclusion du rôle potentiel
des acteurs externes afin de pouvoir expliquer le processus de transition albanaise à
proprement parler entre 1990 et 2013, ce qui sera présenté dans un deuxième temps.
Dans un troisième temps, nous nous concentrerons sur l’action de l’Union euro-
péenne à travers sa politique de conditionnalité en nous appuyant sur les différents
modes d’intégration développés par Schimmelfenning et Sedelmeier. Finalement, sera
évalué le succès ou l’échec de cette stratégie de conditionnalité à travers le contexte
interne et la perception des élites. Si, en effet, l’intégration est plus qu’une politique
symbolique et donc partagée par les différents groupes politiques, ceux-ci devraient
faciliter simultanément les processus de démocratisation et d’intégration en se pliant
collectivement aux critères de Copenhague.
Du point de vue méthodologique, cette analyse est basée sur l’étude des docu-
ments officiels et de la littérature secondaire ainsi que sur un nombre d’interviews
conduits par Elda Nasho Ah-Pine avec des représentants albanais au cours de l’année
2010. Ils servent à illustrer plutôt qu’à prouver, d’une part, le blocage partiel de la
transition démocratique et, d’autre part, certaines failles de l’efficacité de la stratégie
de la conditionnalité imposée par l’Union européenne.
La littérature sur la démocratisation et l’européanisation en Albanie reste encore
aujourd’hui relativement rare. De plus, cette littérature souffre d’un manque éclatant
d’études empiriques sur les élites du pays permettant d’appréhender au mieux ces
processus.
I. Transition à la démocratie – une discussion théorique
Deux approches théoriques contradictoires relatives au processus de transition à
la démocratie peuvent être identifiées. D’une part, les transitologues de la troisième
vague se basant sur les processus de transition en Amérique latine, postulent une
approche coopérative avec une partie des élites grâce à un pacte. D’autre part, Michael
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Impact des acteurs internes et externes sur la démocratisation en Albanie entre 1990 et 2013
McFaul2 soutient exactement le contraire, c’est-à-dire une approche non coopérative
où la puissance d’un groupe des élites est capable d’imposer sa volonté, avec comme
résultat soit la transformation du système autoritaire en un système démocratique,
soit la transition vers un nouveau régime autoritaire. C'est l’exemple de la Croatie et
de la Pologne dans la première hypothèse où ce sont les opposants à l’ancien régime
qui ont gagné le pouvoir à l’issue des élections entre 1989 et 1992. Pour une illus-
tration de la transition d’un régime autoritaire à un autre, McFaul prend notamment
l’exemple de la Biélorussie ou du Turkménistan3.
Selon McFaul, la littérature précédente, qualifiée de littérature de la troisième
vague de démocratisation, prétend que c'est le mode de transition qui influence le
type de régime qui en résulte. Selon cette littérature, « la démocratie a émergé comme
résultat de moments de transition dans lesquels l'équilibre des pouvoirs entre partisans et
opposants du régime autoritaire a été relativement égal et aussi incertain »4. Le pouvoir a
été négocié sous forme de « pacte » entre les deux parties et selon ces auteurs, les idées,
les normes, les croyances, ont joué peu ou pas de rôle dans ces théories de la transi-
tion. Si l’on suivait cette logique, la transition albanaise de 1991-1992 ne pourrait pas
conduire à la démocratie, dans la mesure où les élites n’ont pas négocié entre elles le
pouvoir. En effet, ce sont les manifestations populaires et les grèves multiples qui ont
contraint le gouvernement à quitter le pouvoir.
McFaul soutient de façon générale que les transitions les plus rapides et les plus
stables ont « résulté de situations où les distributions du pouvoir ont été inégales ». Selon
l’auteur c'est « l'orientation idéologique du parti le plus puissant qui a déterminé en
grande partie le type de régime naissant »5. La démocratie serait née dans les pays ou
les démocrates ont eu un avantage décisif en termes de pouvoir. Dans les pays où
les dictateurs ont conservé une grande partie de ce dernier, la dictature aurait été
réinstaurée.
McFaul élabore ainsi sa propre théorie des transitions non coopératives de la
quatrièrem vague contrairement aux transitions coopératives de la troisième. Ce sont
les « transitions révolutionnaires, contrairement à ce que pensent les auteurs de la troi-
sième vague de démocratisation, qui ont conduit à l'établissement des démocraties les plus
stables et les plus consolidées dans le monde post-communiste »6. À l’auteur de constater
que, même dans les meilleurs cas de transition à la démocratie dans le monde post-
communiste, les trois éléments élaborés par les auteurs de la troisième vague et qui
sont nécessaires à la négociation entre les acteurs ont joué un rôle mineur en vue du
changement des régimes.
Tout d’abord, en ce qui concerne l'argument de la limitation de l'agenda du
changement. Contrairement aux auteurs de la troisième vague, soutenant que la
2 Michael MCFAUL, « e Fourth Wave of Democracy and Dictatorship: Noncooperative Transi-
tions in the Postcommunist World », World Politics, vol. 54, no 2, 2002, p. 212–244.
3 Ibid., p. 227.
4 Ibid., p. 213.
5 Ibid.
6 Ibid., p. 221.
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réorganisation des institutions économiques aurait impacté les transitions démocra-
tiques, « les pays qui ont subi le plus vite la transformation économique ont également
atteint le plus grand succès en matière de consolidation des institutions démocratiques »7.
McFaul reprend ensuite un deuxième argument des auteurs de la troisième vague
selon lequel les bénéfices de la transition ont dû être partagés entre les différents
camps. Pour l’auteur, ceci est contestable dans la mesure où il observe que, dans les
pays post-communistes, les bénéfices ont profité soit à une partie soit à l'autre, mais
pas aux deux. C'est notamment le cas des batailles entre camps à propos du contrôle
des institutions politiques. Il n’y a donc pas eu, selon McFaul, de compromis quant
au partage éventuel du pouvoir exercé sur ces institutions.
Par ailleurs, selon l’auteur, contrairement à ce que considéraient les auteurs de la
troisième vague – pour qui l'équilibre des pouvoirs est la condition la plus impor-
tante pour un pacte à succès –, les mobilisations de masse ont été les instruments de
la démocratisation dans la 4e vague de démocratisation. En effet, sous la quatrième
vague, le mode de transition qui a conduit le plus souvent à l'établissement de la
démocratie a été le déséquilibre des pouvoirs en faveur des forces démocratiques
défiant le régime précédent. En effet, dans les pays post-communistes ont été les
mouvements révolutionnaires provenant du « bas » et non pas des élites d'en haut qui
ont provoqué le renversement du régime communiste et l'établissement des nouvelles
institutions démocratiques :
Lorsque des événements à l'instar des élections ou des manifesta-
tions de rue ont prouvé que l'équilibre des pouvoirs était en faveur
de l'opposition, ils ont imposé leur volonté sur les élites anti-démocra-
tiques. Les dirigeants communistes de l'ancien régime ont acquiescé
les nouvelles règles démocratiques car ils n’avaient aucun pouvoir
afin d'y résister.8
En Albanie les élections sont un indicateur de la distribution du pouvoir entre les
élites essayant de s’imposer. Les deux groupes centraux sont d’un côté le Parti démocra-
tique (PD) et de l’autre le Parti socialiste (PS). Mais chaque fois le groupe majoritaire
ne peut effectivement s’imposer de façon décisive. Le résultat de ces élections succes-
sives est le blocage quasi permanent de la politique. Les fonctionnaires sont remplacés
et plusieurs organes étatiques font objet de politisation. L’OSCE et l’UE insistent sur
la dépolitisation. Ce cas de figure où le système politique est bloqué témoigne de la
difficulté à organiser des élections conduisant à l’établissement d’un système plus ou
moins stable. Une certaine légitimité est toutefois données aux représentants élus,
indépendamment qu’ils soient pour ou contre le processus de démocratisation.
Ensuite pour Michael McFaul, ce ne sont pas toutes les transitions dans les pays
post-communistes qui ont abouti à l’instauration de démocraties. En effet, dans un
second mode de transition imposées d'en haut, la distribution des pouvoirs a été
7 Ibid.
8 Ibid., p. 223.
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faite au bénéfice des dirigeants de l'ancien régime, ce qui a eu pour conséquence
la mise en place d’autocraties. Ces situations ont produit des transitions négociées
conduisant à des démocraties partielles ou à des confrontations violentes condui-
sant à des démocraties partielles ou à des dictatures partielles. Parfois, ces régimes
sont aussi consolidés que les démocraties libérales. Ils n'ont pas été analysés par les
auteurs de la troisième vague dans la mesure où leur étude ne se concentrait pas
sur le passage d'une dictature à une autre. En effet, ces auteurs se sont concentrés
surtout sur les cas réussis de transition à la démocratie, ignorant ainsi les situations
où le contraire s’est produit9. Dans ces modes de transition étudiés par McFaul, les
situations stratégiques non coopératives ont généré habituellement des institutions
qui ont favorisé l’une ou l'autre partie. « Dans les transitions imposées, une des parties
profita de sa position la plus puissante pour façonner des institutions étant plus à leur
avantage qu'à ceux des faibles »10.
McFaul propose une classification des régimes en fonction de ces différents cas de
figures, à partir de données observées entre 1989 et 1992. L’Albanie est classée parmi
les démocraties partielles à côté de la Macédoine, la Russie, l’Ukraine, etc. Cette caté-
gorie comprend les pays à mi-chemin entre les démocraties et les dictatures et où la
distribution du pouvoir est égalitaire ou incertaine.
Par ailleurs, d’autres auteurs à l’instar de Levitsky et Way ont proposé une
approche théorique intéressante en démocratisation complétant l’analyse de
McFaul et permettant d’étudier la nature du régime albanais11. Leur approche est
appliquée à 35 cas d’étude dont les pays de l’Europe de l’Est et parmi ces derniers
l’Albanie. En allant plus loin que McFaul, Levitsky et Way12 postulent une évolu-
tion spécifique dans un nombre de cas qu’ils considèrent comme « competitive
authoritarianism […] » qui est une forme hybride de régime « […] with important
characteristics of both democracy and authoritarianism ». Plutôt que de classer ces
régimes comme des démocraties non consolidées, Levitsky et Way entendent les
conceptualiser plutôt comme des types de régimes non démocratiques distincts.
Aussi, selon les auteurs, plutôt que de considérer que de tels régimes sont en tran-
sition à la démocratie, il serait plus utile de se poser la question pourquoi certains
régimes se sont démocratisés et d’autres pas13.
Dans l’approche théorique élaborée par Levitsky et Way, les notions de « Western
linkage » et « Western leverage » sont centrales. La notion de « Western leverage » ou
« effet levier » correspond à la « vulnérabilité des États à la pression en vue de la démocra-
tisation provenant de l’extérieur ». Cet effet levier dépend de trois facteurs : la puissance
9 Ibid.
10 Ibid., p. 224.
11 McFaul a notamment renvoyé à Levitsky et Way dans son article afin d’aller plus loin dans les carac-
téristiques des différents régimes.
12 Steven LEVITSKY et Lucan WAY, Competitive Authoritarianism: Hybrid Regimes After the Cold War,
Cambridge University Press, 2010, p. 3.
13 Ibid., p. 4.
Impact des acteurs internes et externes sur la démocratisation en Albanie entre 1990 et 2013
Elda NASHO AH-PINE et Wolf-Dieter EBERWEIN
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politique ou économique des États externes, les objectifs politiques de ces États, et
finalement l’existence de puissances contre-hégémoniques14. Il nous paraît toutefois,
comme nous le montrerons, que seulement deux de ces facteurs sont pertinents dans
le cas de l’Albanie.
En guise de premier facteur, les États faibles avec des économies fragiles et dépen-
dants d’aides extérieures sont davantage vulnérables à la pression extérieure compa-
rativement à d’autres États qui sont des puissances économiques et militaires comme
la Russie15. En deuxième lieu, si les pays occidentaux ont des intérêts économiques
ou stratégiques autres, les gouvernements autocratiques possèdent un pouvoir de
négociation leur permettant de s’éloigner des exigences démocratiques extérieures en
se positionnant comme les seuls défenseurs des intérêts nationaux16. En troisième
lieu, l’effet levier pourrait être atténué par l’existence de puissances appelées « contre-
hégémoniques » et dont le support militaire, économique, diplomatique contribue à
tempérer la pression de l’UE et des États-Unis en vue de la démocratisation. À titre
d’illustration, des États comme la France et la Russie ont joué ce rôle lors de la période
post Guerre froide afin de consolider des gouvernements autoritaires. Toutefois, pour
les auteurs, aucune puissance de ce type n’a joué un tel rôle à l’égard des pays de
l’Europe de l’Est à la même période17.
Le concept de levier est complété par celui de « linkage ». Selon Levitsky et Way,
cette notion renvoie à la « densité des liens (économiques, politiques, diplomatiques,
sociaux, et organisationnel) et des flux transfrontières (flux de capitaux, biens et services,
personnes et information) entre les États en question et les États-Unis et l’UE […] »18.
Au vu de ces différentes considérations, les auteurs concluent que l’Albanie est
une « presque démocratie » et continue en 2008 à être un « autoritarisme instable », une
classification qui avait d’ores et déjà été attribué à ce pays par la Banque mondiale en
1994 (en même temps qu’à la Géorgie et à la Biélorussie)19. L’autoritarisme instable se
situe entre l’autoritarisme stable et la démocratie. Voici ce que les auteurs affirment à
l’égard de l’Albanie : « Although Albania had not fully democratized by 2008, the regime
was far more stable, open, and competitive than it would have been in the absence of
Western engagement »20.
Les élections et la polarisation extrême de la vie politique albanaise montrent en
quoi l’Albanie continue à être encore en 2013 une « presque démocratie ».
14 Ibid., p. 40-43.
15 Ibid., p. 41.
16 Ibid.
17 Ibid.
18 Ibid., p. 43.
19 Ibid., p. 75.
20 Ibid., p. 119.
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II. Transition en Albanie – partie empirique
A. Élections et changements institutionnels de 1990 à 2009 :
une transition non achevée
En Albanie, la démocratisation qui a commencé dès la chute de la dictature en
1991, avec l’organisation de premières élections libres en 1992, a été difficile et longue
et ceci en raison de différents facteurs internes et externes.
Le passé tumultueux du pays a tout d’abord légué de nombreux obstacles au
processus de démocratisation. Tout d’abord, l’héritage politique21 constitue un véri-
table frein, car l’Albanie a expérimenté le régime dictatorial le plus dur et le plus long
du bloc communiste, ce qui a isolé le pays du reste du monde pendant plus de 46 ans.
L’Albanie est même allée plus loin que la Chine en abolissant toute forme de propriété
privée ou en interdisant toute forme de liberté de culte. Son isolation presque totale
depuis 1978 a plongé le pays dans une véritable paranoïa et ses conséquences ont
été sans appel notamment en laissant un héritage de passivité politique, les Albanais
n’ayant pas d’autres repères que ceux qui leur étaient légués par l’ancien régime. En
outre, ce qui a distingué l’élite albanaise des autres élites des PECO22, c'est le fait que,
par crainte de représailles, les intellectuels albanais n’ont pas été les premiers à défier le
régime. En effet, ce sont les étudiants et les jeunes qui ont exigé en premier le plura-
lisme politique et l’abandon des symboles communistes.
Depuis la fin du communisme, l’Albanie a connu de nombreuses élections parle-
mentaires multipartites : mars 1991, mars 1992, mai 1996, juin 1997, mai 2001,
juillet 2005, juin 2009 et juin 2013. À l’exception des scrutins de 1992 et de 2013,
toutes les élections albanaises ont été contestées par le parti perdant les élections. À
différents degrés, elles ont toutes connu des irrégularités. Pour comprendre la distri-
bution du pouvoir entre les élites albanaises et l’ampleur des blocages, il est important
de revenir sur plusieurs moments clés.
À la chute de la dictature, Ramiz Alia (le successeur d’Enver Hoxha) et son gouver-
nement ont abandonné l’isolationnisme et ont cherché à nouer des liens avec l’Occi-
dent. Dès 1990, Alia demande à faire partie de la CSCE23 et essaye d’instaurer des
relations diplomatiques avec l’Occident. Cette dernière demande des réformes. Étant
donné la situation difficile à laquelle le pays fait face à la chute du communisme, le
régime d’Alia est contraint de libéraliser le pays. Face à la vague importante de départs
et au refus des militaires d’exercer la violence sur les étudiants, le gouvernement léga-
lise l’opposition et organise des élections en mars 1991. Ce sont les communistes (le
Parti du travail albanais) qui emportent les élections, mais ces dernières sont marquées
par « l’abus des ressources de l’État, le refus d’accès aux médias et aux finances, ainsi que
21 Mirela BOGDANI et John LOUGHLIN, Albania and the European Union: the tumultuous journey
towards integration and accession, I.B.Tauris, 2007, p. 22-26.
22 Pays d'Europe centrale et orientale.
23 Il s’agit de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, ancêtre de l’OSCE.
Impact des acteurs internes et externes sur la démocratisation en Albanie entre 1990 et 2013
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par l’intimidation des électeurs »24. Face aux manifestations et grèves de la population le
gouvernement ne parvient pas à se maintenir au pouvoir. En conséquence, Ramiz Alia
organise de nouvelles élections parlementaires en mars 1992 qui ont pour résultat la
victoire écrasante du PD. Alia démissionne de la fonction présidentielle et Sali Berisha
le remplace.
La transition de 1992 n’emporte pas non plus l’avénement de la démocratie.
Le gouvernement de Berisha commet des abus en procédant à l’arrestation de
leaders politiques, en interdisant les manifestations, en confisquant des journaux
indépendants, etc.25 Malgré les protestations occidentales, le gouvernement arrête
le leader du PS, Fatos Nano en 1993. En 1995, il adopte les lois « Génocide » et
« Vérification » qui ont pour résultat d’empêcher plusieurs membres du PS de se
présenter aux élections. Les élections parlementaires de 1996 sont sérieusement
défaillantes. Le gouvernement empêche les partis d’opposition d’organiser des
rassemblements à l’extérieur, procède à l’exclusion d’un grand nombre de candi-
dats du PS, renforce son contrôle sur les médias, et arrête plusieurs activistes du
PS. Plusieurs intimidations d’électeurs et des fraudes sont également rapportées26.
Au final, le PD gagne largement ces élections avec 122 sur les 140 sièges au
Parlement.
Mais le parti de Berisha ne réussit pas non plus à consolider le pouvoir.
Presqu’un an après sa victoire, l’Albanie connaît durant plusieurs mois le non-
fonctionnement de l’État. En 1997, l’effondrement des sociétés pyramidales dans
lesquelles les Albanais avaient déposé l’ensemble de leurs économies et le produit
de leurs biens provoque les révoltes populaires et l’anarchie. Les dépôts d’armes
sont abandonnés, l’armée se désagrège largement, plusieurs territoires se trouvent
en dehors du contrôle étatique, des bandes organisées pillent, volent des banques
et détruisent des bâtiments publics à l’instar de la Bibliothèque moderne de l’Uni-
versité de l’Agriculture de Tirana ou d’autres laboratoires de recherche de la même
université. Plusieurs centaines de personnes trouvent la mort durant cette période
de conflit civil. Fatos Nano quitte tout simplement la prison au milieu de ce
chaos. La crise albanaise provoque une intervention occidentale. À l’initiative de
la Grèce et de l’Italie, l’OSCE négocie un compromis qui, en mars 1997, conduit
à l’établissement d’un gouvernement provisoire, lequel organise de nouvelles élec-
tions. L’ONU, sous commandement de l’Italie, veille à la restauration de l’ordre et
à la supervision des élections. C'est le PS qui emporte les élections en remportant
les deux tiers des sièges du Parlement. Sali Berisha quitte la fonction présidentielle
et Fatos Nano est nommé Premier ministre.
Même si, après 1997, des progrès sont constatés, la démocratie en Albanie
n’est toujours pas consolidée. Le gouvernement utilise des procès en diffamation
afin d’intimider les médias. Les tribunaux et les autorités électorales sont politisés.
24 Steven LEVITSKY et Lucan WAY, op. cit. (n. 12), p. 121.
25 ODIHR (OSCE Office for Democratic Institutions and Human Rights), Observations of the Parlia-
mentary Election in Albania, 26 May and 2 June 1996, Warsaw, OSCE, 1996.
26 Ibid.
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Des activistes du PD sont attaqués ou arrêtés27. Le PD boycotte le Parlement
pendant une longue période vers la fin des années 1990. En 1998, les activistes
du PD aux commandes de tanks forcent le Premier ministre Nano à démissionner.
Entre 1997 et 1999, période de la guerre du Kosovo, l’UE procède à des
investissements importants en Albanie notamment pour soutenir la société civile.
Dans les années 2000, l’UE commence les négociations avec l’Albanie en vue de
son intégration dans le cadre des accords de stabilisation et d’association. L’UE
et les États-Unis interviennent largement afin de réduire la polarisation de la vie
politique et afin d’encourager les deux partis à travailler ensemble au sein des
institutions démocratiques. C’est suite à la pression exercée par les États-Unis
que, par exemple, le PD revient au Parlement en 1999.
Même si les élections parlementaires de 2001 sont moins entachées d’irré-
gularités que les précédentes, des abus des ressources de l’État sont commis et
quelques fraudes sont constatées28. C'est le PS qui ressort vainqueur de ces élec-
tions. Fatos Nano est renommé Premier ministre en 2002. Le PD conteste les
résultats des élections et boycotte le Parlement. L’UE exerce sa pression sur le PS
afin qu’il réintègre le PD dans le processus démocratique. En 2002, le Parlement
européen invite les deux leaders du PD et du PS à Bruxelles afin de choisir leur
président. Ils acceptent, non sans résistance, d’élire Alfred Moisiu, une personna-
lité sans affiliation politique.
Lors des élections parlementaires de 2005, les acteurs internationaux sont
fortement impliqués. En effet, l’UE conditionne la signature de l’Accord de stabi-
lisation et d’association à la tenue d’élections libres et régulières et pousse à des
réformes29. Sous la pression de l’UE, le PS réforme plusieurs aspects liés aux élec-
tions comme les commissions électorales. L’OSCE ainsi que l’USAID30 observent
des améliorations substantielles quant au déroulement de ces élections31. 97 % des
centres de dépouillement des votes sont surveillés par les puissances internatio-
nales et ces élections sont reconnues comme les plus régulières jusqu’alors, malgré
les quelques abus concernant des ressources de l’État32. C'est le PD en opposition
qui emporte ces élections et un gouvernement de coalition est formé avec Sali
Berisha à sa tête.
En 2008, selon Levitsky et Way, l’Albanie était une « presque démocratie »33.
Les médias sont davantage libres, les libertés civiles sont plus protégées et les
27 ODIHR, Republic of Albania Local Government Elections, 1 and 15 October 2000, Warsaw, OSCE,
2000 ; ODIHR, Republic of Albania Parliamentary Elections, 24 June-19 August 2001, Warsaw,
OSCE, 2001 ; Steven LEVITSKY et Lucan WAY, op. cit. (n. 12), p. 122.
28 ODIHR, Republic of Albania Parliamentary Elections, 24 June-19 August 2001, Warsaw, OSCE,
2001.
29 Steven LEVITSKY et Lucan WAY, op. cit. (n. 12), p. 123.
30 United States Agency for International Development.
31 Steven LEVITSKY et Lucan WAY, op. cit. (n. 12), p. 123.
32 ODIHR, Republic of Albania Parliamentary Elections, 3 July 2005, OSCE/ODIHR Election Obser-
vation Mission Report, Warsaw, OSCE, 2005.
33 Steven LEVITSKY et Lucan WAY, op. cit. (n. 12), p. 123.
Impact des acteurs internes et externes sur la démocratisation en Albanie entre 1990 et 2013
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Revue Est Europa, 2015
élections de 2009 n’ont pas connu de violations majeures34. Cependant, en juillet
2011, à l’issue d’une enquête, cinq assesseurs du PD sont reconnus coupables
de « fraudes, fausses signatures et bourrages d’urnes ». Le PS conteste ces élections
depuis 2011. Pendant cette période de « presque démocratie », les médias indépen-
dants continuent à subir une pression financière et des attaques périodiques35.
Qu’en est-il de la transition depuis 2009 ?
B. La persistance d’une forte polarisation politique
comme frein à la transition
À une semaine d’intervalle avec le début du Printemps du Jasmin en Tunisie, en
janvier 2011, Tirana fut également le théâtre de soulèvements et d’affrontements. Suite
à la démission du vice-Premier ministre, Ilir Meta, accusé de corruption36, et guidés
par le PS en opposition, plusieurs centaines de milliers de manifestants ont demandé la
démission du gouvernement accusé de corruption, d’abus de pouvoir et d’avoir mani-
pulé les dernières élections législatives de 2009. La manifestation s’est transformée en un
affrontement violent entre la police et les protestataires. Quatre manifestants ont été tués
par balle, trente autres manifestants et dix-sept policiers ont été blessés. Un an après ces
événements, la justice albanaise n’avait pas encore statué sur la responsabilité des accusés.
L’ancien commandant de la Garde républicaine a été traduit en justice aux motifs que
son arme de service aurait servi à tuer un des manifestants. Un chargé d’informatique au
siège du Premier ministre a été mis en examen, accusé d’avoir tenté d’effacer les images
de ces événements enregistrées par des caméras de surveillance.
Ces affrontements ne sont pas sans rappeler d’autres violences qu’a connues le
pays à d’autres reprises et notamment le conflit civil de 1997. Ils sont intervenus à
une période d’extrême polarisation de la vie politique, le PS ayant boycotté les travaux
parlementaires pendant plus de deux ans contestant les élections législatives de 2009
emportées par le PD. Pendant cette période, le fonctionnement des institutions alba-
naises a été plongé dans une paralysie quasi totale. En effet, les réformes essentielles
dans le cadre du bon fonctionnement de l’État de droit et de la démocratie ont été
bloquées, de même que les réformes administratives, électorales, judiciaires, etc. Ces
événements n’ont fait qu’aggraver cette situation de polarisation, ce que rappelle d’ail-
leurs la Commission européenne, dans son rapport de suivi sur l’Albanie publié en
octobre 2011 : « the violent incidents of 21 January 2011, which led to the death of four
demonstrators, exacerbated the climate of mistrust between the two larger political parties
and also towards certain State institutions »37.
34 ODIHR, Final Report on the 28 June 2009 Parliamentary Elections in the Republic of Albania, Warsaw,
OSCE, 2009.
35 Steven LEVITSKY et Lucan WAY, op. cit. (n. 12), p. 123-124.
36 En mars 2012, Meta a été déclaré non coupable par la justice.
37 Commission staff Working Paper, Albania 2011 Progress Report, Communication from the Commission
to the European Parliament and the Council, Enlargement Strategy and Main Challenges 2011-2012,
273
Revue Est Europa, 2015
Ce n’est qu’en septembre 2011 que le PS accepte de reprendre les travaux parle-
mentaires. Depuis cette date, les deux partis centraux collaborent afin d’adopter les
réformes principales exigées en vue de l’intégration à l’UE. Toutefois, en automne
2012, l’Albanie n’avait pas encore adopté la totalité des exigences européennes, ce qui
a été sanctionné à nouveau par le refus du statut de candidat par la Commission euro-
péenne. Ce n’est qu’en mai 2013 que les trois dernières lois exigées par l’UE ont été
adoptées. Les partis politiques au pouvoir et en opposition ont continué à se rejeter la
responsabilité quant au retard de l’adoption de ces lois.
Un autre enjeu fondamental conditionnant l’avancement du processus d’intégra-
tion de l’Albanie portait sur le déroulement des élections parlementaires qui ont eu
lieu le 23 juin 2013. Suite à sa dernière visite avant les élections en Albanie, Cathe-
rine Ashton déclarait que le déroulement du scrutin conformément aux « standards
internationaux et européens » était considéré par l’UE comme « un test dans le cadre du
bon fonctionnement des institutions démocratiques du pays et de ses progrès sur le chemin
de l’UE »38. Les élections ont été remportées par le PS. Elles sont considérées comme
étant parmi les élections les plus régulières que l’Albanie a connues jusqu’alors. Dans
un communiqué commun, l’ambassadeur de l’UE, Ettore Sequi et l’ambassadeur
américain, Alexander Arvizu, ont déclaré que : « Les Albanais peuvent être fiers à juste
titre de la conduite de leurs récentes élections. Les élections ont démontré non seulement à
la population de l'Albanie, mais aussi à leurs amis en Europe et aux États-Unis, qu’il s’agit
des élections administrées les plus réussies que l'Albanie a connu à ce jour »39.
Ces élections ont été observées par l’OSCE/ODIHR et le Conseil de l’Europe à la
demande des autorités albanaises et notamment par une mission d’observation électo-
rale créée à cet effet. Dans ses conclusions préliminaires après les élections, la mission
internationale chargée de l’observation du scrutin et composée d’organes de l’OSCE
et du Conseil de l’Europe, a émis plusieurs observations sur leur déroulement40. De
façon générale, la mission conclut à une bonne administration. Elle dénonce toutefois
des irrégularités en ce qui concerne les procédures électorales et le fonctionnement
de la Commission électorale centrale, ainsi que des incidents violents, bien qu’ils
demeurent isolés. Elle souligne en outre l’atmosphère de méfiance qui domine encore
la scène politique albanaise :
Brussels, 12.10.2011.
38 Remarks by EU High Representative Catherine Ashton at the end of her visit to Albania, Tirana, 16 avril
2013, A 210/13, consulté le 8 mai 2013 sur le site de l’Action extérieure de l’UE : http://eeas.europa.
eu/albania/index_fr.htm.
39 Ettore SEQUI, Alexander ARVIZU, Albania can, communiqué de presse, septembre 2013,
disponible sur le site de l’ambassade américaine en Albanie, http://tirana.usembassy.gov/press-
releases2/2013-press-releases/albania-can-september-20-2013.html, consulté le 26 septembre 2013.
40 International Election Observation Mission, Republic of Albania – Parliamentary Elections, 23 June
2013, Statement of Preliminary Findings and Conclusions, Tirana, 24 juin 2013, disponible sur le
site de l‘OSCE en Albanie, http://www.osce.org/odihr/elections/100505, consulté le 25 septembre
2013.
Impact des acteurs internes et externes sur la démocratisation en Albanie entre 1990 et 2013
Elda NASHO AH-PINE et Wolf-Dieter EBERWEIN
274
Revue Est Europa, 2015
The 23 June 2013 parliamentary elections were competitive with
active citizen participation throughout the campaign and genuine
respect for fundamental freedoms. However, the atmosphere of dis-
trust between the two main political forces tainted the electoral envi-
ronment and challenged the administration of the entire electoral
process. Voting proceeded well, albeit with procedural irregularities,
but counting was delayed in many areas.
Les résultats des élections ont été reconnus par le PD et, à l’issue de ces élec-
tions, Sali Berisha décide de quitter la tête du PD. Les tensions entre les deux partis
politiques ne sont pas pour autant resorbées et la mise en œuvre des réformes rela-
tives à l’État de droit et à la démocratie nécessite la collaboration de toutes les forces
politiques albanaises. Même si le statut de candidat à l’UE semble envisageable très
prochainement pour l’Albanie41 et malgré les progrès accomplis par le pays depuis
la chute de la dictature communiste, la transition à la démocratie demeure difficile,
ce qui porte préjudice également à son intégration européenne. Si l’UE joue un rôle
primordial dans la démocratisation albanaise, elle n’est pas seule à influencer la conso-
lidation de la démocratie dans ce pays qui dépend en grande partie des facteurs poli-
tiques internes. Les deux facteurs endogène et exogène sont interdépendants dans
une large mesure. En effet, la pression exercée par la perspective de l’intégration à
l’UE joue un rôle non négligeable sur les élites locales. Toutefois, les acteurs internes
opposent encore de fortes résistances à l’intégration, dans la mesure où les deux partis
les plus importants sur la scène politique albanaise pratiquent encore souvent les
affrontements et le boycott.
En outre, les réformes indispensables à la démocratisation du pays sont encore
loin d’être mises en œuvre. Nous pouvons prendre l’exemple du débat très vif qui a
eu lieu entre les dirigeants sur la Loi dite de la Lustration. Cette loi avait pour objectif
d’enquêter dans le passé des hauts fonctionnaires afin de mettre en lumière leur impli-
cation évventuelle à l’époque du régime communiste. La loi a été déclarée inconstitu-
tionnelle en 2010 par la Cour constitutionnelle, selon laquelle :
les questions abordées par cette loi nécessitaient une adoption à
la majorité qualifiée à l'Assemblée ; les dispositions relatives aux
compétences de l’Autorité en charge de l’enquête limitaient certains
droits constitutionnels de façon directe et inappropriée ; et que la loi
violait la séparation des pouvoirs en procédant à la création d'un
organe exécutif chargé d'enquêter sur les hauts fonctionnaires de
l'Assemblée et ceux du pouvoir judiciaire.42
Pour l’OSCE, « si une certaine forme de lustration est nécessaire pour l’Albanie,
elle devrait être pleinement conforme aux normes internationales et à la Constitution
41 Le statut de candidat est attribué à l’Albanie en juin 2014.
42 OSCE, Report by the head of the OSCE Presence in Albania to the OSCE Permanent council, 9/09/2010.
275
Revue Est Europa, 2015
albanaise »43. Cette loi a été également vivement critiquée par l’Association albanaise
des juges et procureurs ainsi que par les capitales occidentales. Mais ce qui est inté-
ressant dans le cadre de notre analyse sur la polarisation politique, c’est le conflit qui
opposait Bamir Topi, le Président de l’Albanie de l’époque et membre du PD, à Sali
Berisha et aux démocrates qui reprochaient au Président de ne pas avoir signé la loi
en 2009. Le Président répond à ces reproches d’une manière virulente en affirmant à
l’égard de Sali Berisha : « is man doing the accusing should explain the photograps of
him with members of the politburo during the time of the [Communist] dictatorship »44.
Il se réfère à des photos du Premier ministre Sali Berisha en vacances avec le fils
de l’ancien dictateur Enver Hoxha dans les années 1980. Bamir Topi ajoute : « is
character was a member of the Albanian Workers Party from 1968... but for the last
22 years has been making up tales about Communism »45.
Cette exemple montre que, vingt ans après la chute du communisme, le débat
entre élites albanaises demeure encore idéologique. Plusieurs élites que nous avons
interrogées insistent d’ailleurs sur la nécessité de changer les mentalités de la classe
politique. D’aucuns préconisent « la construction d’une élite politique et culturelle
ouverte »46. Qu’en est-il maintenant du rôle des acteurs externes sur la transition
albanaise ?
III. Intégration européenne –
conditionnalités et rôle des OIG
Le processus de l’intégration européenne est intimement lié au processus de
démocratisation, car l’adoption des normes démocratiques est un préalable en vue
de devenir membre de l’UE. Selon Schimmelfennig and Sedelmeier, l’adoption des
normes européennes par les États correspond au processus de l’européanisation. L’ana-
lyse de l’adoption des normes européennes correspond selon les auteurs à : « l’institu-
tionnalisation des normes de l’UE au niveau national – par exemple, la transposition du
droit de l’UE dans le droit interne, la restructuration des institutions nationales confor-
mément aux normes de l’UE, ou bien le changement des pratiques politiques nationales
conformément aux standards de l’UE »47. Ces normes concernent une large série de
problématiques et structures formelles et informelles.
43 Ibid.
44 Besar LIKMETA, BalkanInsight, Albania President Savages Berisha's Communist Past, 7 mars 2012
http://www.balkaninsight.com/en/article/albania-president-pans-berisha-for-his-communist-past.
45 Ibid.
46 Entretiens de l’auteur en décembre 2010 avec: Ditmir BUSHATI, actuel ministre des Affaires étran-
gères, à l’époque député du PS ; Besnik MUSTAFAJ, ancien ambassadeur de l’Albanie en France et
ancien représentant de l'Albanie auprès de l'UNESCO.
47 Frank SCHIMMELFENNIG et Ulrich SEDELMEIER (dir.), e Europeanization of Central and
Eastern Europe, Cornell University Press, 2005, p. 7.
Impact des acteurs internes et externes sur la démocratisation en Albanie entre 1990 et 2013
Elda NASHO AH-PINE et Wolf-Dieter EBERWEIN
276
Revue Est Europa, 2015
Les auteurs considèrent par ailleurs que la politique de l’UE est souvent décrite
comme une politique de conditionnalité. Toutefois l’impact de cette conditionna-
lité est plus supposé qu’étudié attentivement. L’absence d’analyse conceptuelle de la
conditionnalité est d’autant plus frappante si on s’intéresse au grand débat normatif
sur le degré de désir quant à l’influence de l’UE dans les PECO. Pour quelques
auteurs, l’UE est perçue comme animatrice d’un pouvoir colonial qu’elle utiliserait
au désavantage du développement économique et démocratique des PECO. Pour
d’autres, l’influence de l’UE est beaucoup plus positive et l’UE pousserait les PECO à
des réformes politiques et économiques, ce qui constituerait un avantage par rapport
à d’autres pays en transition. Pour d’autres encore, l’UE aurait même l’obligation
morale d’utiliser son levier afin d’encourager le développement des droits humains
et de la démocratie. L’ensemble de ces auteurs considèrent comme acquis le fait que
l’UE soit omniprésente dans les PECO. Cette conviction est partagée très souvent par
beaucoup de journalistes et de politiciens48.
Par ailleurs, spécialistes de l’européanisation des PECO et inspirés par la littérature
portant sur les institutions internationales, Schimmelfennig et Sedelmeier distinguent
trois formes d’européanisation qui leur permettent d’évaluer ce processus. Selon la
conception formelle, l’adoption consiste en la transposition des règles de l’UE ou en la
transposition d’institutions formelles et de procédures conformément aux règles de
l’UE. La conception comportementale implique que l’adoption soit mesurée en fonc-
tion de combien le comportement est conforme aux règles. Enfin, dans le cadre de
la conception discursive des normes, l’adoption est indiquée par l’incorporation d’une
règle comme référence positive dans les discours des acteurs internes. Une telle réfé-
rence peut indiquer que l’acteur est convaincu véritablement par une norme ou bien
que les politiciens ne font que discourir ou utilisent la norme de façon stratégique
dans le cadre d’une « action rhétorique ». Il convient de garder à l’esprit qu’une forme
d’adoption n’exclut pas les autres49.
Ensuite, les spécialistes de l’européanisation sont divisés concernant la question de
l’impact de l’UE en matière de démocratisation. Plusieurs travaux considèrent en effet
qu’elle joue un rôle leader dans la démocratisation des Balkans occidentaux50. Pour
d’autres auteurs, au contraire, ce rôle de l’UE est davantage supposé qu’avéré51. Pour
d’autres encore, les développements, par exemple en Albanie, montrent que l’idée
selon laquelle la perspective de l’intégration puisse induire les réformes et le chan-
gement nécessaires est trop optimiste. Cette idée est partagée par beaucoup de cher-
cheurs albanais et de fonctionnaires de l’UE52. Selon Hoffmann, l’UE fait face à un
dilemme important sur la question de l’intégration de l’Albanie à savoir : est-ce qu’elle
48 Ibid., p. 2-3.
49 Ibid., p. 8.
50 Littérature résumée dans Arolda ELBASANI, « Albania in Transition: Manipulation or Appropria-
tion of International Norms? », Southeast European Politics, vol. 5, no 1, 2004, p. 24.
51 IBid., p. 25.
52 Judith HOFFMANN, « Integrating Albania: the role of the European Union in the democratization
process », Albanian Journal of Politics, vol. 1, no 1, 2005, p. 70.
277
Revue Est Europa, 2015
devrait lui offrir des mesures incitatives supplémentaires ou bien devrait-elle s’en tenir
à sa politique de conditionnalité en procédant ainsi à l’abandon des négociations ou
de son assistance tant que les réformes ne progressent pas ? Si l’UE a toujours préféré
maintenir des relations d’ores et déjà établies en utilisant difficilement la coercition,
ceci ne devrait pas aboutir à mettre la crédibilité de la conditionnalité en danger. Ceci
priverait l’UE d’un important levier53 notamment en matière de démocratisation.
Les institutions et les standards démocratiques figurent parmi les fondements
même de l’État. Leur non-respect constitue une menace réelle de l’effondrement de ce
dernier, ce que l’Albanie a d’ailleurs connu en 1997. Le non-respect de ces prérequis
fondamentaux de l’État aboutirait non seulement à mettre en danger le projet même
de l’intégration, mais aussi à affaiblir la stabilité de la région, ce qui amène certains
auteurs à affirmer :
[…] But questions about borders, political status, and international
guarantees do not exhaust the security concerns of citizens in Bal-
kan countries. The most likely risk facing the region involves not full-
dress warfare but state collapse. State weakness, not armed aggres-
sion, is the major security threat today.54
Or la crise politique qu’a traversée le pays n’est pas sans rappeler ce danger pesant
sur les institutions démocratiques encore fragiles de l’Albanie et la consolidation de
la démocratie devrait demeurer l’objectif principal de l’UE dans sa politique envers
ce pays.
IV. Intégration européenne – aspects empiriques
Étant donné les alternances, les affrontements, les blocages, les interventions
internationales, comment pourrait-on appréhender le rôle de l’intégration à l’UE sur
le processus de démocratisation en Albanie ? Nous examinerons tour à tour l’impact
de la conditionnalité et le rôle des perceptions de l’intégration par l’élite albanaise.
A. Le rôle de l’UE dans la démocratisation albanaise
La Commission européenne publie son rapport de suivi sur l’Albanie en novembre
2010. À la même date, elle rend son avis sur la demande d’adhésion de l’Albanie du
23 avril 2010, dans lequel elle lui refuse le statut de candidat en lui demandant de
53 Ibid., p. 70-71.
54 Ivan KRASTEV, « e Balkans: Democracy Without Choices », Journal of Democracy, vol. 13, no 3,
2002, p. 46.
Impact des acteurs internes et externes sur la démocratisation en Albanie entre 1990 et 2013
Elda NASHO AH-PINE et Wolf-Dieter EBERWEIN
278
Revue Est Europa, 2015
remplir douze critères avant d’envisager des négociations de l'adhésion55. Plusieurs
exigences européennes portent sur la consolidation de la démocratie et le renforce-
ment de l’État de droit56. Malgré ces insuffisances le 8 novembre 2010, l’UE procède
à la libéralisation des visas pour l'Albanie, ce qui est considéré comme un succès
considérable par le parti au pouvoir, instrumentalisant ainsi cette décision de l’UE57.
En outre, l’UE attire l’attention de l’Albanie sur le blocage politique dû à la pola-
risation extrême de sa vie politique. En effet, cette crise politique dans laquelle le pays
se trouve est profonde, dans la mesure où les réformes les plus importantes dans les
domaines électoral, judiciaire et constitutionnel sont bloquées. L’Union européenne
a tenté à plusieurs reprises de jouer un rôle de médiateur dans cette impasse en invi-
tant les responsables politiques à résoudre les problèmes et à négocier. C'est ainsi par
exemple qu’après la contestation des élections municipales du 8 mai 2011 par le PS
pendant plus de deux mois, l’UE a appelé les partis politiques au dialogue58. À titre
d’illustration, le Conseil de l’UE constate que :
[…] the situation in Tirana is a matter of concern. The EU deplores
the deterioration of the political situation and increased tensions
that followed the elections and conduct of the process. […] It is also
essential for all parties to recognise the supremacy of the Rule of
Law over any other interests. The EU calls on all political leaders
to support finalisation of the election process calmly, constructively
and with a focus on the European future of the country. […] The
EU urges the Government and the opposition, in collaboration with
civil society, to agree on a thorough electoral reform, addressing all
recommendations by OSCE-ODIHR in 2007, 2009 and 2011 before
the next elections are called. […]. The EU calls on the Government
and the opposition to urgently restore the political dialogue and
overcome the long-standing political stalemate. Such a dialogue is
indispensable for the normal functioning of any democratic society
and its institutions, including the effective functioning of the Par-
liament, as well as for the advancement of the country's European
integration.59
55 En 2013, l’Albanie continue à bénéficier du statut de candidat potentiel à l’intégration européenne.
56 Commission Staff Working Document Analytical Report, Communication from the commission to the
European Parliament and the Council, Commission opinion on Albania's application for membership of
the European Union, Brussels, 9.11.2010.
57 Nous renvoyons aux éléments contextuels que nous avons présentés dans notre partie empirique
consacrée aux élections et à la polarisation de la vie politique albanaise.
58 Elle incite également les acteurs politiques à avoir recours à la Commission de Venise pour que celle-
ci les assiste en vue de leur rapprochement et afin de mener à terme la réforme électorale au cœur du
projet d’intégration européenne.
59 Council conclusions on Albania, 3101st Foreign Affairs Council meeting Luxembourg, 20 June 2011.
279
Revue Est Europa, 2015
Ce n’est qu’en septembre 2011 que le PS accepte de revenir au Parlement et de
travailler avec le PD dans le cadre de la mise en ouvre des douze recommandations
de la Commission européenne. Il a été accusé par le PD au pouvoir d’avoir retardé le
processus d’intégration. Les travaux parlementaires rencontrent des difficultés, mais
les deux partis ont réussi à établir un plan d’action en vue de la mise en œuvre des
réformes.
Malgré cette coopération entre le PD et le PS, le statut de candidat n’est pas
accordé à l’Albanie en 2012. L’UE demeure cependant l’acteur extérieur principal
doté de capacités d’influer le processus de démocratisation dans ce pays en raison des
leviers de linkage et leverage et grâce à sa politique de conditionnalité.
1. Un changement de direction
dans la densité des liens avec l’UE
Selon Levitsky et Way, l’Albanie est un exemple de « high linkage » et « high
leverage »60.
En effet, pour répondre au critère de la taille et de la puissance économique des
États développé par les auteurs61, l’Albanie a figuré pendant longtemps parmi les États
les plus fragiles de l’Europe avec une économie dépendante des aides des institutions
internationales, de forts problèmes de chômage et d’immigration. Toutefois, malgré
les différents obstacles que l’économie albanaise connaît encore, le pays a connu une
évolution dynamique dans ce domaine depuis 1998. En effet, depuis cette date, selon
la Banque mondiale, la croissance albanaise est de 6 % par an et, malgré la crise, ces
chiffres sont restés positifs. Selon la même institution, le pourcentage de la population
vivant en dessous du seuil de pauvreté est passé de 25 % à moins de 13 % sur 10 ans62.
Néanmoins, la corruption et l’économie informelle sont encore très présentes et,
malgré l’augmentation de l’investissement étranger, plusieurs investisseurs ont décidé
de rapatrier leurs capitaux. Le chômage demeure aussi très élevé et problématique.
En ce qui concerne la densité des liens que l’Albanie entretient avec les puissances
occidentales, dans un premier temps, après la chute de la dictature, ce sont les États-
Unis qui ont joué un rôle géopolitique important en Albanie et dans la région dans
son ensemble. La présence de l’UE a été timide pendant toute la première décennie
et c'est suite au conflit du Kosovo en 1999 qu’elle a décidé de s’impliquer de façon
plus significative dans la région. Pour la Commission internationale des Balkans, la
coopération des Européens et des Américains est essentielle afin de construire la paix
et la démocratie dans les Balkans et la politique étrangère de l’Albanie a été beaucoup
influencée par les États-Unis63. En effet, l’UE est intervenue in extremis dans le cadre
60 Steven LEVITSKY et Lucan WAY, op. cit. (n. 12), p. 119.
61 Ibid., p. 41.
62 Arta SEITI, « Albanie : une dynamique freinée par les démons du passé », Questions internationales,
no 53, janvier 2012, p. 88.
63 Leo TINDEMANS, Lloyd CUTLER, Bronislaw GEREMEK, et al., Unfinished peace: report of the
International Commission on the Balkans, Carnegie Endowment for International Peace, 1996.
Impact des acteurs internes et externes sur la démocratisation en Albanie entre 1990 et 2013
Elda NASHO AH-PINE et Wolf-Dieter EBERWEIN
280
Revue Est Europa, 2015
de l’opération ALBA en 1997 lors de la guerre civile. Cette mission a même failli ne
pas avoir lieu si l’Italie n’avait proposé d’en prendre la direction64. Suite à la guerre de
Kosovo, l’UE décide de construire une Politique de sécurité et de défense commune
et de réellement jouer un rôle dans les Balkans. Les États-Unis se sont peu à peu
retirés de la région dans la mesure où leurs priorités se sont déplacées vers l’Irak et le
Proche-Orient.
Ce n’est qu’en 2006 que l’Albanie a signé les Accords de stabilisation et d’asso-
ciation (ASA), en vigueur depuis 2009 et qu’elle mène depuis une relation davantage
contractuelle avec l’UE. Les liens au sens du linkage sont donc plutôt concentrés
avec l’UE censée influencer la transition démocratique à travers le mécanisme de la
conditionnalité.
2. La mise en place d’une conditionnalité positive
à l’égard de l’Albanie
Selon Levitsky et Way, si les pays occidentaux ont des intérêts économiques ou
stratégiques autres, les gouvernements autocratiques possèdent un pouvoir de négo-
ciation leur permettant de s’éloigner des exigences démocratiques extérieures en
se positionnant comme les seuls défenseurs des intérêts nationaux65. Cela pourrait
correspondre aujourd’hui au fait que l’UE, préoccupée et parfois divisée face à la
crise économique et devant gérer des impératifs de la crise grecque, paraîtrait moins
impliquée dans ses objectifs liés à l’élargissement. Le cas albanais pourrait également
interroger dans ce sens dans la mesure où le blocage politique a commencé en 2009,
l’année où la crise économique européenne s’approfondissait, et la paralysie insti-
tutionnelle a continué jusqu’en septembre 2011. Les élites albanaises auraient-elles
profité de la crise économique de l’UE pour ajourner le respect de leurs obligations ?
Voilà ce que Gjergji Vrumo, expert de l’intégration à l’UE à l’Institut pour la démo-
cratie et la médiation à Tirana confiait à BalkanInsight à ce sujet au début du mois de
mars 2012 :
Albanian politicians are somehow enjoying being in the EU waiting
room because the financial assistance from the Commission
continues, while there is no concentrated pressure from Brussels for
progress. […] The vague nature of EU conditionality rules gives local
politicians the luxury of choosing which reform to make progress
on or not […]. The European Commission and some EU member
countries are also enjoying having us stuck in the waiting room
64 Voir le Rapport de 2008 de Rand Corporation, From the Balkans to the Congo, http://www.rand.org/
pubs/monographs/2008/RAND_MG722.pdf.
65 Steven LEVITSKY et Lucan WAY, op. cit. (n. 12), p. 41.
281
Revue Est Europa, 2015
because the difficult crisis with the euro has increased enlargement
fatigue.66
Toutefois, quelques mois après le retour des députés socialistes au Parlement,
l’UE envoya en Albanie la première délégation d’eurodéputés afin d’évaluer la colla-
boration des deux partis politiques en vue de la mise en œuvre des douze points que
la Commission européenne exigeait dans son rapport de suivi de 2010. Le 1er mars
2012, le Commissaire à l’élargissement Stephan Füle commentait les progrès sur
la coopération du gouvernement et de l’opposition dans le contexte des réformes
institutionnelles :
A constructive political dialogue will ensure that Albania delivers
concrete results on the implementation of the political agreement
of last November, notably on electoral reform and on the reform of
the parliamentary rules of procedure. Albania needs to continue
progress in the fulfilment of the 12 key priorities of the Commission's
Opinion, with particular emphasis in the creation of a credible track
record in the areas of rule of law and fight against corruption.67
Comme nous l’avons indiqué précédemment, les réformes manquantes ont été
adoptées depuis, mais il est question aujourd’hui de leur mise en œuvre effective. À
titre d’exemple, une des lois dont l’adoption et la mise en œuvre ont été exigées par
la Commission européenne – et notamment dans son dernier rapport de suivi de
201268 – se trouve au cœur de discordes importantes entre le PS au pouvoir et le PD
en opposition. Il s’agit de la loi relative à la fonction publique portant sur des réformes
essentielles à effectuer dans ce domaine. L’opposition accuse le gouvernement de
retarder la mise en ouvre de la loi afin de procéder à des licenciements partisans au sein
de la fonction publique. Le gouvernement au pouvoir argumente que le retard dans
la mise en œuvre de ladite loi s’explique pour des raisons techniques et juridiques.
De façon générale, il semble qu’en matière de réformes administratives, l’UE
utilise plutôt ce qu’on appelle la conditionnalité positive ou constructive qui consiste
à accompagner les États en question et à les assister financièrement en vue de la démo-
cratisation69 plutôt qu’à les sanctionner70. Dans ce cas précis, l’UE continue à tendre à
l’Albanie la carotte de l’adhésion, même en cas de preuve de progrès limité en matière
de relations institutionnelles. En effet, si l’exigence de la mise en œuvre des réformes
administratives figure parmi les domaines principaux, elle ne s’impose pas toutefois
66 Besar LIKMETA, BalkanInsight, Albania Stuck in 'EU Waiting Room', Expert Says, 5 mars 2012,
http://www.balkaninsight.com/en/article/albania-stuck-in-the-eu-waiting-room.
67 Štefan FÜLE, Brussels, 1 March 2012, MEMO/12/151, European Commission Press, http://
europa.eu/rapid/press-release_MEMO-12-151_en.htm?locale=en.
68 Il s’agissait d’un des dispositifs conditionnant l’obtention du statut de candidat par l’Albanie.
69 Les programmes exposés préalablement à l’instar de PHARE, CARDS, IAP.
70 Logique de conditionnalité négative.
Impact des acteurs internes et externes sur la démocratisation en Albanie entre 1990 et 2013
Elda NASHO AH-PINE et Wolf-Dieter EBERWEIN
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Revue Est Europa, 2015
comme point de blocage en ce qui concerne l’ouverture des négociations et la conclu-
sion de l’ASA avec l’Albanie.
Au-delà de la conditionnalité, la façon dont les acteurs internes perçoivent l’inté-
gration à l’UE impacte également le rythme de la mise en œuvre de ces réformes et le
processus de l’intégration européenne dans son ensemble.
B. Les perceptions de l’intégration européenne par l’élite albanaise
Selon Ivan Krastev, « in democratic politics, perceptions are in a sense all that
matters »71.
La littérature en matière d’européanisation s’est concentrée principalement
sur l’impact institutionnel européen dans les Balkans occidentaux. Peu de travaux
se sont intéressés à la perception de l’UE dans les Balkans et sur ses conséquences
sur l’européanisation72. Or, ces aspects davantage identitaires sont essentiels afin de
mieux appréhender le processus d’intégration européenne dans cette région, en raison
notamment de l’influence importante que joue le niveau national sur l’européanisa-
tion elle-même.
L’objet de nos entretiens en Albanie a été notamment d’interviewer des élites alba-
naises et des représentants internationaux sur la perception de l’intégration. Nous
avons demandé aux élites interviewées pourquoi l’Albanie souhaitait intégrer l’UE et si
elle possédait une stratégie d’intégration. La plupart de nos interlocuteurs semblaient
surpris par la question, tellement l’intégration à l’UE leur paraissait à la fois indispen-
sable et évidente. Ils répondaient souvent que la place naturelle de l’Albanie serait en
Europe parce que, pendant très longtemps, le pays a été isolé à cause du communisme
et donc « malheureusement » (le mot revient à plusieurs reprises) « coupé » de sa desti-
nation européenne. Pour certaines personnalités interrogées, les Albanais voient égale-
ment l’UE comme un espace Schengen permettant la libre circulation des personnes.
Il ne semble pas que beaucoup de personnalités soient réellement sensibilisées
ou responsabilisées de ce que signifie réellement l’intégration. Il s’agit de réfléchir
sur ce que l’intégration implique pour le pays et ses conséquences sur la démocra-
tisation de l’Albanie, de construire une position critique sur les aspects positifs et
négatifs de ce processus et surtout d’avoir une vision claire sur les engagements pris et
ce qu’ils impliquent concrétement. Pour plusieurs de nos interlocuteurs, l’UE serait
celle qui connaîtrait le mieux ce qui est dans l’intérêt de l’Albanie. Selon eux, elle
définit les règles et les Albanais font de leur mieux pour les respecter. Pour les plus
pessimistes d’entre eux, l’Albanie ne serait pas prête à adhérer à l’UE et elle ne serait
pas en mesure de lui apporter une valeur ajoutée. Il ne ressort donc pas un projet
71 Ivan KRASTEV, art. cit. (n. 54), p. 40.
72 Jelena SUBOTIC, « Europe is a State of Mind: Identity and Europeanization in the Balkans », Inter-
national Studies Quarterly, vol. 55, no 2, 2011, p. 309-330.
283
Revue Est Europa, 2015
d’intégration commun aux élites locales qui demeurent aussi divisées sur plusieurs
questions liées à l’Europe.
En revanche, qu’ils soient euro-enthousiastes ou europessimistes, tous s’accordent
quant à la décision d’intégrer l’UE. Or, pour certains auteurs, le problème est que
« the statement of priority often seems to be more rhetorical than realistic and little more
than a mantra in the political struggle »73. Ces résultats peuvent traduire, dans un sens,
un manque de confiance des élites en leur capacité à intégrer l’UE. C'est notamment
ce que constatent Bogdani et Loughlin, lorsqu’ils comparent les élites des PECO et
celles des Balkans occidentaux, en affirmant que ces derniers ont « much-less self confi-
dence » afin de joindre l’UE et « are also sceptical about the extent to which the EU wishes
to accept them »74.
Par ailleurs, selon le rapport de Gallup Balkan Monitor de 2010, l’Albanie est le
pays le plus euro-enthousiaste de la région et l’UE et l’OTAN demeurent les insti-
tutions jouissant du degré de confiance le plus élevé dans le pays. Cet euro-enthou-
siasme ou europhorie dépourvu parfois de position critique de la part des élites à
l’égard de l’intégration européenne ne montrerait-t-il pas que ces personnalités n’ont
pas suffisamment de recul sur le processus d’européanisation et sur leurs propres
responsabilités en la matière ?
Au vu de toutes ces circonstances, quelles seraient dès lors les conséquences de la
perception de l’intégration par l’élite albanaise sur le processus même de l’européani-
sation et aussi sur celui de la démocratisation ? On pourrait penser que l’absence de
projet commun d’intégration, l’absence de la dimension comportementale de l’adop-
tion des règles, l’utilisation rhétorique de l’intégration ainsi que sa simple adoption
formelle, constituent des freins importants à une européanisation effective. Ceci a des
conséquences directes sur la démocratisation dans la mesure où, nous le rappelons,
l’européanisation consiste notamment en l’adoption de règles européennes garantis-
sant et protégeant la démocratie. L’intégration serait comme une coquille vidée de
sa substance sans une mise en œuvre effective des règles et sans un comportement
conforme aux valeurs européennes. Le danger serait que l’européanisation soit utilisée
de façon opportuniste afin d’obtenir les avantages liés à l’intégration.
Par ailleurs, en vue d’une européanisation efficace, la connaissance des perceptions
de l’intégration à l’UE des élites et de la population albanaises, est essentielle dans
la mesure où il s’agit des acteurs principaux responsables de la réussite ou de l’échec
de ce processus. La perception de l’intégration par les Balkans occidentaux demeure
un sujet très important mais encore sous-théorisé75. Àcet égard, un rôle important
devrait être joué par l’UE en vue de la responsabilisation des élites76 qui contribuerait
73 Mirela BOGDANI et John LOUGHLIN, op.cit. (n. 21), p. 146.
74 Ibid., p. 93.
75 Voir également sur ces questions notre article, Elda NASHO AH-PINE, « Perceptions des élites
albanaises relatives à l’intégration de l’Albanie à l’UE et à l’OTAN », in CATTARUZZA Amaël et
DESSBERG Fréderic., (ed.) L’Européanité de l’Europe médiane et des Balkans, Honoré Champion,
parution prévue au cours de 2016.
76 Jacques RUPNIK (ed.), e Western Balkans and the EU: “the hour of Europe, juin 2011, Institute
For Security Studies.
Impact des acteurs internes et externes sur la démocratisation en Albanie entre 1990 et 2013
Elda NASHO AH-PINE et Wolf-Dieter EBERWEIN
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Revue Est Europa, 2015
à augmenter les chances d’une intégration efficace ouvrant les voies à une démocratie
viable.
L’Albanie est-elle sur le chemin de la démocratie ? Notre analyse suggère que c’est
en effet le cas, mais il est impossible à ce stade de faire un pronostic. Les aspects
formels qui auraient dû faciliter ce proc,essus, en particulier les élections, ne l’ont pas
toujours permis. Ceci s’explique par la confrontation plus ou moins acharnée entre les
deux blocs politiques qui essaient de s’imposer mais sans en avoir les moyens. Le rôle
des acteurs externes, en particulier de l’Union européenne, qui a certainement facilité
quelques réformes, ne semble pas avoir été jusqu’à aujourd’hui toujours décisif. En
particulier le système de conditionnalité tel qu’il a été proposé par Schimmelfennig et
Sedelmeier n’explique pas le processus : institutionnalisation formelle – oui en partie
mais sans être décisive ; approche comportementaliste – non, car elle ne semble pas
jouer un rôle important dans la politique ; processus discursif – pas vraiment car les
élites assument comme acquis la décision quant à l’intégration à l’Union européenne
mais sans que cela soit le fruit d’un débat continu.
La question reste posée : est-il possible d’imposer de l’extérieur le processus de
démocratisation ? Il y a de bonnes raisons d’être prudents, car en fin de compte la
démocratisation reste largement un processus interne.
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This article builds on the idea - presented by Hassenteufel and Surel (2000) in this journal - that research on Europeanization presents a formidable opportunity to bring EU scholars closer to anormala political science. By focusing on the Europeanization of public policy, the article reviews the pre-requisites for anormala analysis, that is, the definition of concepts, the methodology, the identification of research designs, and questions & puzzles amenable to standard public policy analysis. Europeanization involves both vertical (that is, the domestic adaptation to European models) and horizontal (for example, regulatory competition and aframinga) mechanisms. Further research would benefit from abottom-upa research designs which examine Europeanization in the context of other pressures and opportunities available at the domestic level.
Article
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The transition from communism in Europe and the former Soviet Union has only sometimes produced a transition to democracy. Since the crumbling of the Berlin Wall in 1989 and the collapse of the Soviet Union in 1991, most of the twenty-eight new states have abandoned communism, but only nine of these have entered the ranks of liberal democracies. The remaining majority of new postcommunist states are various shades of dictatorships or unconsolidated "transitional regimes." This article seeks to explain why some states abandoned communism for democracy while others turned to authoritarian rule. In endorsing actorcentric approaches that have dominated analyses of the third wave of democratization, this argument nonetheless offers an alternative set of causal paths from ancien régime to new regime that can account for both democracy and dictatorship as outcomes. Situations of unequal distributions of power produced the quickest and most stable transitions from communist rule. In countries with asymmetrical balances of power, the regime to emerge depends almost entirely on the ideological orientation of the most powerful. In countries where democrats enjoyed a decisive power advantage, democracy emerged. Conversely, in countries in which dictators maintained a decisive power advantage, dictatorship emerged. In between these two extremes were countries in which the distribution of power between the old regime and its challengers was relatively equal. Rather than producing stalemate, compromise, and pacted transitions to democracy, however, such situations in the postcommunist world resulted in protracted confrontation between relatively balanced powers. The regimes that emerged from these modes of transitions are not the most successful democracies but rather are unconsolidated, unstable, partial democracies.
Book
Au fil de l'accroissement des compétences communautaires, les instruments d'analyse de l'Union européenne sont devenus plus nombreux et plus complexes. Néofonctionnalisme, intergouvernementalisme, fédéralisme, gouvernance, institutionnalisme, européanisation ne sont que quelques-unes des approches théoriques utilisées pour penser l'intégration régionale européenne. Face à ce foisonnement, l'objectif de cet ouvrage est de proposer une synthèse claire et complète des travaux de recherche français et internationaux. Inscrivant concepts et théories dans les débats de leur temps, il fait le point sur les instruments d'analyse de l'intégration européenne propres à la sociologie politique, aux politiques publiques et à la théorie politique sans oublier l'apport des relations internationales. Sabine Saurugger fournit ainsi aux étudiants, aux enseignants et aux professionnels de la politique des clés pour comprendre pourquoi et comment ces outils théoriques ont permis d'expliquer les processus de construction européenne. Son travail aide à mesurer l'intégration accrue du continent européen dans le respect relatif des souverainetés nationales. Un ouvrage exhaustif, indispensable pour débattre de l'intégration européenne aujourd'hui.
Article
The prevailing political doctrine seems to be that the integration of the Western Balkans within the EU and NATO can help to achieve stability in Europe. It is also considered as the means to build a security community in the Balkans. However, these two objectives meet obstacles both at the regional and national levels. Our objective is to analyze the main actors' interests and the relationships between stabilization and democratization, by focusing on Albania. The study is based on a series of interviews with Albanian elites in December 2010. At the national level Albania is under pressure to satisfy the imposed conditionality issues. As it turns out democratization seems to be difficult to achieve given its turbulent history and the current diverging political objectives pursued by the different groups. Regarding democratization, the key reforms addressing constitutional, electoral and judicial issues are stuck. This explains in part why the implementation of European norms is difficult. Sometimes this results from diverging interpretations. Furthermore no enforcement measures are planned whereas other important norms remain ignored. Thus, on the one hand at the national level the difficulties concerning the democratization process result from the diverging attitudes of the elites as confirmed by the political crisis January 2011. On the other hand, the EU seems to give more priority to stability and security issues than to democratic ones. From the interviews it appears that the EU does not seem to require from Albania the same democracy standards as it does for its Member States. Albania has accomplished some important progress as confirmed by the annual monitoring EU reports and by the visa liberalization in December 2010. Therefore one can conclude as the interviews reveal, that the Albanian elites have no common integration project, which would be a necessary condition towards a stable EU integration.
Article
The EU conditionality has been analyzed mainly in the context of the more advanced transition countries of Central and Eastern Europe. While the positive role of the EU incentives for transition to democracy and market economy has been widely recognized in that case, it remains to be seen whether the EU instrument of conditionality will work similarly in the case of Western Balkans. Taking a look at the case of Albania, it is argued in this article that the EU is increasingly faced with the dilemma that the application of conditionality does not sufficiently work towards reform. At the same time, aiming to stabilize the region, the EU is seeking to ensure that the pace of reforms is kept up in the countries of the Western Balkans. In order to analyze the incentive structure provided by the EU to Albania, a critical look will be taken at two main conditionality instruments: (1) access to negotiations, and to further stages in the accession process, and (2) aid and technical assistance. The article concludes that the incentive structure provided by the EU has not been sufficiently adjusted to the needs of a less developed transition country.