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International Journal of Innovation and Applied Studies
ISSN 2028-9324 Vol. 20 No. 1 Apr. 2017, pp. 42-51
© 2017 Innovative Space of Scientific Research Journals
http://www.ijias.issr-journals.org/
Corresponding Author: Hermès Karemere 42
Une expérience d’implantation des sites des soins communautaires en République
Démocratique du Congo
[ Integrated community case management: An experience from the Democratic
Republic of Congo ]
Hermès Karemere
1
, Félicien Malyra
2
, Liévin Bangali
2
, Pascal Ngoy
2
, and Lara Ho
2
1
Ecole régionale de Santé Publique,
Université catholique de Bukavu,
Bukavu, Sud-Kivu, RD Congo
2
Département de la santé,
International Rescue Committee,
RD Congo
Copyright © 2017 ISSR Journals. This is an open access article distributed under the Creative Commons Attribution License,
which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
A
BSTRACT
:
Background: Mortality under 5 in sub-Saharan Africa remains very high. Interventions implemented including
community support through the establishment of community care sites aim to improve access to care. The study evaluates
the implementation of community care management in the Kabare health zone that be fully supported by International
Rescue Committee. Methodology: The study followed a framework based on standards of the DR Congo Health Ministry
about the functioning of community care sites. It has used review literature, data analysis from the health information
system and mothers interviews. Results: Community care management through care sites improves access to health care.
Strict compliance with the Ministry of Health guidance during the implementation of the community care sites is observed.
Two constraints facing these directions are identified: the abandonment of some health community workers with closure of
their sites as a consequence and the limited funding of the sites; the process didn’t meet all the input requirements.
Conclusion: The study identifies the health community worker as a key player in the implementation of community care and
advocates strengthening the mechanism of his recruitment, his formation, his supervision, his estate and the maintenance of
motivation. The study proposes actions to improve the operation and sustainability of community care sites.
K
EYWORDS
:
Access to care, community care sites, community participation, primary care, Kabare, South Kivu, Democratic
Republic of Congo.
R
ESUME
:
Introduction : La mortalité des moins de 5 ans en Afrique sub-saharienne demeure très élevée. Des interventions
mises en place dont la prise en charge communautaire au travers l'implantation des sites des soins communautaires visent
l’amélioration de l'accessibilité aux soins. L’étude évalue l’implantation de la prise en charge communautaire dans la Zone de
santé de Kabare, une intervention entièrement appuyée par International Rescue Committee. Méthodologie : L’étude est
basée sur un cadre de référence s’inspirant des normes du ministère de la santé sur le fonctionnement des sites des soins
communautaires. Elle a recouru à la revue documentaire, à l’analyse des données du système d’information sanitaire et à des
entrevues auprès des mères. Résultats: La prise en charge communautaire au travers les sites des soins améliore
l'accessibilité aux soins de la population. Le respect rigoureux des orientations du ministère de la santé lors de l’implantation
des sites des soins communautaires est observé. Deux contraintes face à ces orientations sont identifiées : l’abandon de
certains relais des sites communautaires avec comme conséquence la fermeture de leurs sites et ensuite le financement
limité des sites ne répondant pas à la totalité des besoins en intrants. Conclusion : L’étude identifie le relais du site des soins
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communautaires en tant qu’acteur clé dans l’implantation de la prise en charge communautaire et préconise de renforcer le
mécanisme de son recrutement, de sa formation, de sa supervision, du maintien de sa motivation et de sa relève. L’étude
propose des actions susceptibles d’améliorer le fonctionnement et la pérennité des sites des soins communautaires.
M
OTS
-C
LEFS
:
Accès aux soins, Sites des soins communautaires, participation communautaire, première ligne des soins,
Kabare, Sud-Kivu, République démocratique du Congo.
1 I
NTRODUCTION
Les services de santé constituent un des moyens pour améliorer la santé de la population. Ils visent à organiser la prise en
charge des malades, la prévention des maladies et de leurs conséquences et la promotion de mesures favorables à la santé
individuelle et collective. L'accès aux services de santé est généralement défini par ses aspects physiques, financiers et
culturels [1, 2]. Les pays en voie de développement font face aux barrières d’accès aux soins dont les conséquences sur la
prise en charge sont dramatiques, notamment en milieu rural et particulièrement chez les enfants [3]. Selon les statistiques
sanitaires mondiales [4], le taux de mortalité des moins de 5 ans reste élevé dans la région africaine (95 décès pour 1000
naissances vivantes) par rapport à la moyenne mondiale ( 48 décès pour 1000 naissances vivantes) en 2012. Les moins de 5
ans y décèdent principalement du paludisme, des infections respiratoires aiguës et des maladies diarrhéiques[5].
En République démocratique du Congo (RDC), le taux de décès des moins de 5ans a été de 146 décès pour 1000
naissances vivantes en 2012 [4]. En effet, malgré la mise en œuvre de la stratégie des soins de santé primaires depuis 1982,
l’utilisation des services de santé en général, et celle des services de survie de l’enfant de moins de cinq ans en particulier
demeure faible [6]. Près de 80 % des décès surviennent à domicile, dont 75 % concernent les enfants de 2 à 59 mois [7] .
L’atteinte de l’objectif 4 du millénaire (réduire la mortalité infantile) a été ainsi compromise. La stratégie nationale mise en
place visant la réduction de cette mortalité a introduit le volet de la prise en charge communautaire des maladies les plus
meurtrières de l’enfant en RDC à savoir le paludisme, la pneumonie et les maladies diarrhéiques. Les activités préconisées
sont préventives, promotionnelles et curatives. Elles impliquent non seulement les structures de santé mais aussi la
communauté dont la participation active s’avère indispensable.
La prise en charge intégrée des maladies de l’enfant (PCIME), comme stratégie prioritaire de réduction de la mortalité
infantile et infanto-juvénile, a été progressivement introduite en RDC à partir de 1999. Elle met un accent sur la promotion
des pratiques-clés dans la communauté (exemple : allaitement exclusif durant au moins les 4 premiers mois de vie, suivi du
calendrier vaccinal) et sur l’organisation des soins des enfants. C’est dans cette perspective que la RDC a adopté la mise en
place de la prise en charge communautaire (PCC) à travers les sites des soins communautaires (SSC). Dans plusieurs pays sub-
sahariens, l’évaluation de la PCC a montré des résultats variables sur l’accessibilité aux soins et l’utilisation des services [8-
11].
Le but du présent travail est d’évaluer l’implantation des sites des soins pour la PCC dans la zone de santé rurale de
Kabare par rapport aux étapes d’implantation préconisées par le Ministère de la santé publique en RDC, à la perception de la
population et à l’utilisation des services .
2 C
ADRE
T
HEORIQUE
La Zone de Santé (ZS), niveau opérationnel du système de santé en RDC, comprend un certain nombre de centres de
santé et une structure hospitalière de référence. Une équipe cadre coordonne l’ensemble des activités des structures
sanitaires. Le centre de santé, porte d’entrée du système sanitaire congolais, offre un paquet d’activités curatives,
préventives et promotionnelles. C’est à ce niveau qu’est organisée l’interaction avec la communauté. Afin d’améliorer
l’accessibilité aux premiers soins, la PCC a été renforcée au travers l’implantation des SSC ; une approche particulière,
innovante et différente de l’organisation de la participation communautaire dans d’autres pays africains [12, 13]. Un SSC est
en effet une aire géographique bien définie dans laquelle un ou plusieurs villages d’accès difficile bénéficient des prestations
des soins fournis par deux relais volontaires formés et supervisés par l’infirmier titulaire de l’aire de santé. Le SSC vise à
assurer les premiers soins adéquats aux populations; la référence des cas avec signes de danger vers le centre de santé; la
disponibilité des médicaments essentiels génériques de qualité ainsi que leur utilisation rationnelle ; la notification des cas de
maladies ; la surveillance épidémiologique à base communautaire ainsi que les pratiques clés en rapport avec la survie de
l’enfant [14, 15]. Un comité de gestion du SSC (COGESITE), émanant des villages couverts par le SCC est installé, comprenant
deux relais de site des soins communautaires (RECOSITE) et l’infirmier titulaire (IT) qui les encadre. En RDC, le guide de mise
en œuvre des SSC du ministère de la santé publique définit 10 étapes pour l’implantation d’un SSC [15]. Ces étapes
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comprennent (1) la commande des médicaments et des intrants pour le futur SSC, (2) l’orientation des équipes cadres aux
niveaux provincial et opérationnel sur l’encadrement des SSC, (3) l’identification et la sélection des SSC, (4) la sélection des
relais communautaires ( agents de santé communautaire) et des membres du conseil de gestion du site pour la
sensibilisation et la participation communautaire à la prise en charge de sa santé sur base des critères définis , (5) la
formation des formateurs et encadreurs au niveau opérationnel (ZS et IT), (6) la formation des relais des sites,
(7)l’orientation des comités de gestion des SSC sur le fonctionnement et l’encadrement des sites, (8) l’installation officielle
des relais des sites, (9) les suivis post-formation et (10) l’assurance qualité de mise en œuvre. Avant l’implantation des SSC
dans une ZS donnée, la situation de départ de la zone est analysée.
Figure 1. Cadre théorique de l’étude
3 M
ÉTHODOLOGIE
3.1 D
ESCRIPTION DU SITE D
’
ÉTUDE
La ZS de Kabare, localisée dans la province du Sud-Kivu en RDC, a une population estimée à 164550 habitants en 2010.
Elle comprend un hôpital général de référence, quinze centres de santé avec quatre postes de santé répartis dans 15 aires de
santé [16] . L’appui à l’implantation des SSC par International Rescue Committee (IRC) fait partie d’un appui global qu’apporte
cette organisation à la ZS au travers le financement du Department for International Development (DFID) du gouvernement
britannique. Le tableau 1 présente les aires de santé ainsi que les structures et les SSC disponibles.
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Tableau 1. Aires de santé et SSC dans la ZS de Kabare en 2012
3.2 T
YPE D
’
ÉTUDE
Il s’agit d’une étude évaluative réalisée dans la ZS de Kabare entre mai et décembre 2013. Elle est basée sur des principes
qui s’appuient sur un ensemble de procédures globales relatives à l’analyse inductive. Ces principes préconisent la définition
des objectifs et questions de recherche, la lecture à plusieurs reprises des données brutes et leur interprétation, des résultats
provenant directement de l’analyse des données brutes et non de réponses souhaitées par les chercheurs, un
développement des éléments nouveaux à partir des données brutes devant être intégrés dans un cadre de référence ou un
modèle, des résultats construits à partir de la perspective et de l’expérience des chercheurs et la confiance dans les critères
de rigueur des résultats [17].
3.3 C
OLLECTE ET ANALYSE DES DONNEES
L’étude a recouru à la revue documentaire, à l’analyse des données du système d’information sanitaire de la ZS de Kabare
et aux entrevues individuelles auprès des mères.
3.3.1 R
EVUE DOCUMENTAIRE
Elle a porté sur les rapports de la ZS des années 2007 à 2012, les comptes rendus des réunions de l’équipe cadre de la ZS
(ECZS) et les rapports de supervision des SSC. Les modalités de déroulement de chaque étape d’implantation des SSC ont été
analysées à l’aide d’un guide élaboré à partir des directives du ministère de la santé publique relatives à l’implantation et à la
gestion des SSC [15]. Les informations issues de la revue documentaire ont été comparées aux directives nationales en vue
de dégager des écarts et des contraintes.
3.3.2 A
NALYSE DES DONNEES DU SYSTEME D
’
INFORMATION SANITAIRE
La PCC remonte en 2004 avec la supplémentation en zinc dans la diarrhée aiguë de l’enfant au niveau communautaire.
Cependant, la PCC intégrée de trois maladies (paludisme, pneumonie et diarrhée) ne commence qu’en 2008. Ainsi, les
données collectées et analysées concernent les années 2007 à 2012. Les variables prises en compte sont : la population
totale de la ZS ; le nombre total des consultations pour paludisme, pneumonie et diarrhée chez les moins de 5 ans, le nombre
des supervisions des SSC par l’ECZS et le nombre des réunions des COGESITE. Les données, analysées avec le logiciel Excel,
ont permis de construire et d’analyser des courbes d’évolution dans le temps de nouveaux cas de 3 pathologies meurtrières.
N° Aires de santé Sites des Soins Communautaires
1 Bugobe Mukaba
2 Bwirembe Mosho III
3 Cibingu Bubinzi
4 Cirunga Karambi et Mbonombono
5 Citungano Lugerero
6 Kalulu Mungocha
7 Kinjuba Cikoma
8 Ludaha Kashugushugu et Ngakwa
9 Mbiza Kadaku
10 Mbobero Mufuma
11 Mukongola Irambo et Cidjo III
12 Mulege Mulege I
13 Mulengeza Mugurhu
14 Mushweshwe Cisirwe et Lugusha
15 Nshanga
TOTAL 18
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3.3.3 E
NTREVUES INDIVIDUELLES AUPRES DES MERES
La perception de la population bénéficiaire des SSC a été évaluée grâce aux entrevues individuelles. Une liste des mères a
été élaborée à partir des listes des moins de 5ans soignés pour fièvre, diarrhée ou toux dans l’ensemble des SSC en 2012. A
partir de cette nouvelle liste, au moins deux mères étaient choisies par SSC en fonction de leur accessibilité et de leur
disponibilité pour l’entrevue. De manière délibérée, 50 mères ont été retenues en tant qu’informatrices clés dans les 15 aires
de santé de la ZS de Kabare. L’entrevue était conduite à l’aide d’un questionnaire ouvert, portant sur la connaissance des
rôles des SSC et des tâches des RECOSITE, les causes de recours aux SSC, la participation aux activités organisées par les
RECOSITE et les propositions d’amélioration du fonctionnement des SSC. Les informations issues des entrevues ont été
encodées dans un fichier Excel avant leur analyse.
3.4 C
ONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES
Le protocole d’étude a été présenté et approuvé à deux niveaux, d’abord à l’ECZS de Kabare et ensuite au bureau d’étude
et de planification de la division provinciale de la santé du Sud- Kivu. Le consentement verbal éclairé des personnes
interrogées a été systématiquement obtenu.
4 R
ESULTATS
4.1 É
TAPES DE LA MISE EN PLACE DES SITES DES SOINS COMMUNAUTAIRES DANS LA
ZS
DE
K
ABARE
4.1.1 S
ITUATION DE DÉPART
Le personnel de l’International Rescue Committee (IRC) a encadré techniquement l’équipe cadre de la zone de Santé
(ECZS) de Kabare durant le processus de l’implantation des SSC pour la PCC, de 2007 à 2012. Au 31 décembre 2007, il existe
dans la ZS 570 relais communautaires (RECO) en soutien aux activités des soins de santé primaires. Les nombres des
nouveaux cas de paludisme, pneumonie et maladies diarrhéiques sont respectivement de 1268, 3528, 8759 en 2007 chez les
enfants de moins de 5 ans dans la ZS de Kabare.
4.1.2 P
RÉPARATION DE L
’
IMPLANTATION
Une réunion d’orientation de l’ECZ, des IT et des présidents des comités de développement des aires de santé a eu lieu
(11 avril 2007). Elle a déclenché l’élaboration des cartographies des aires de santé par les équipes des centres de santé (12
avril au 25 juin 2007) et leur présentation par les IT (26 au 29 juin 2007) à la réunion de validation au bureau central de la
zone de santé (BCZ). Au total 78 SSC ont été proposés. Les membres du BCZ ont ensuite visité les SSC proposés (juillet à
septembre 2007). Seulement 33 SSC ont été validés à l’issue des visites, sur base de deux critères : la densité démographique
et la difficulté d’accès aux soins dans les centres de santé respectifs. Les leaders et les populations des villages des sites
validés ont été sensibilisés. Des élections organisées ont donné lieu à une équipe de 66 RECOSITE dans la ZS de Kabare dont
34 femmes, soit 52 %.
4.1.3 I
MPLANTATION PROGRESSIVE DES
SSC
Les formateurs de la ZS au nombre de 9 ont été formé sur les SSC (29 novembre au 1er décembre 2007). La formation de
30 encadreurs de sites (2 au 3 décembre 2007) a été suivie de celle des 66 RECOSITE (4 au 8 décembre 2007). Une réunion
d’orientation des membres des 33 COGESITE et des leaders locaux a été organisée (9 décembre 2007). Outre les
médicaments essentiels, des intrants pour le démarrage de 33 SSC ont livrés aux centres de santé par IRC (31 janvier 2008).
Ces intrants sont : 170 minuteurs, 33 balances Salter, 33 registres de supervision (A4), 33 registres de consultations au site
(A4), 33 registres de réunions mensuelles des Comités de gestion des sites (A4), 33 Registres d'Utilisation des Médicaments
Essentiels et des Recettes (RUMER) , 33 cahiers de dettes au site, 33 armoires de sites avec fermetures à clé, 33 carnets de
commande, 33 lampes torches, 33 paires de piles GF, 66 signes distinctifs de RECOSITES (Badges), 33 bidons de 20 litres pour
eau potable, 66 gobelets métalliques pour 1ère prise de médicaments, 66 cuillères à soupe, 66 cuillères à café, 2000 fiches
individuelles de prise en charge, 792 fiches de rapport du site, 1650 fiches de suivi-supervision, 1980 bons de référence, 33
fiches de consultation préscolaire plastifiées pour l’interprétation du poids et 33 classeurs des fiches et rapports.
La cérémonie de l’installation officielle des RECOSITE est intervenue par site (entre le 5 janvier et le 15 juillet 2008). Le
calendrier pour le suivi post-formation et la supervision des sites a été élaboré. Après installation de trois premiers sites
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(Cisirwe à Mushweshwe, Ngakwa et Kashugushugu à Ludaha), une grande hésitation de l’ECZS à poursuivre l’installation
d’autres SSC a été observée. La préférence d’installation progressive, afin d’identifier les problèmes des sites au vu du
fonctionnement des premiers sites installés et le scepticisme sur la disponibilité permanente de médicaments et sur la
capacité de supervision d’un nombre important des SSC, motivaient cette hésitation. L’accompagnement technique de l’ECZS
par IRC a facilité la poursuite d’ouverture progressive d’autres SSC. Au 12 décembre 2012, 18 SSC étaient fonctionnels.
4.1.4 F
ONCTIONNEMENT DES
SSC
ET CONTRAINTES OBSERVEES
Les fréquentes réunions des comités de gestion (8 réunions par mois en 2012) et supervisions (12 supervisions par mois
en 2012) des SSC ont assuré l’accompagnement de leur fonctionnement.
L’étude a identifié deux contraintes :
D’abord l’insuffisance des armoires ; une seule armoire des médicaments et intrants décrits plus haut était en effet
fournie par SSC, pour les deux RECOSITE. Le relais qui ne disposait pas d’armoire chez lui semblait moins actif et moins
motivé, devant se déplacer pour accéder aux médicaments et autres intrants. Le travail dans le village où l’armoire du SSC
était installée a été privilégié.
Ensuite, l’abandon des RECOSITES dans certains SSC. En effet, un SSC à Lulamboluli, installé officiellement à Mulengeza,
n’a pas fonctionné car les deux RECOSITES n’ont pas été à la hauteur des tâches, jugées par eux exigeantes. Pour pallier à ce
disfonctionnement, un autre SSC a été installé en mars 2009 dans la même aire de santé, dans un village avoisinant
(Mugurhu). De même, le SSC de Cisirwe dans l’aire de santé de Mushweshwe a été fermé en novembre 2011 à la suite du
départ de deux RECOSITE qui s’étaient brusquement orientés vers des professions mieux rémunérées, les obligeant à
déménager loin de la ZS de Kabare.
4.2 U
TILISATION DES
SSC
PAR LES MOINS DE
5
ANS DANS LA
ZS
DE
K
ABARE ENTRE
2007
ET
2012
Les nombres de nouveaux cas du paludisme, de pneumonie et de diarrhée chez les enfants de moins de 5 ans sont passés
respectivement de 1268, 3528, 8759 en 2007, à 908,950 et 3740 en 2012. Les tendances sont représentées par la figure 2.
Figure 2. Évolution de nouveaux cas de paludisme, de pneumonie et de diarrhée chez les enfants de moins de 5 ans dans la ZS de
Kabare entre 2007 et 2012
4.3 P
ERCEPTION DES MERES SUR LES
SSC
A
K
ABARE ET PROPOSITIONS D
’
AMELIORATION
L’administration des soins apportés à la population en cas de maladie à tout moment, y compris la nuit ou durant le
travail d’accouchement, constitue le rôle des SSC le plus cité par les mères interrogées ( n=22), suivi de l’administration des
2007 2008 2009 2010 2011 2012
Tendances de nouveaux cas entre 2007 et 2012
dans la ZS de Kabare
Fièvre ( nombre de cas) Pneumonie ( nombre de cas) Diarhée ( nombre de cas)
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soins préventifs et promotionnels dont les CPN, CPS, PF, Hygiène, etc. (n=12), la sensibilisation pour le changement de
comportement (n=8), la facilitation du transfert au centre de santé (n=5) et l’offre d’équipement et de matériel roulant à la
communauté (n=1). La sensibilisation de la communauté (prévention et promotion de la santé en lien avec la consultation
préscolaire, la consultation prénatale, l’hygiène, la consommation d’eau potable, l’utilisation des moustiquaires imprégnées
d’insecticide ou la planification familiale) est la tâche des RECOSITE la plus citée par les mères interrogées (n=36), suivi de la
vaccination des enfants (n=6), de l’administration des soins aux patients (n=2), de la réalisation des travaux communautaires
(n=2), de la collecte d’information dans la communauté (n=1), du transport des médicaments (n=1), du plaidoyer en faveur
de la population (n=1) et de l’orientation des patients vers le centre de santé (n=1). Le tableau 2 résume les suggestions
proposées par les mères interrogées en vue d’améliorer le fonctionnement des SSC.
Tableau 2. Suggestions pour améliorer le travail des relais et des SSC
Actions Fréquence de
citation (n=50)
1. Multiplier les séances de CCC (y compris la sensibilisation porte à porte) 29
2. Renforcer les compétences des RECOSITE 17
3. Rendre disponible les médicaments et intrants des SSC 16
4. Augmenter le nombre des SSC – plus proches de la population 15
5. Motiver les RECOSITE (payer les relais correctement) 7
6. Impliquer les membres de la communauté aux initiatives locales 5
7. Doter les SSC d’une ambulance 4
8. Améliorer l’attitude des RECOSITE (simplicité, gentillesse, amour du travail) 3
9. Réduire les tarifs des soins dans les centres de santé 3
10. Réaliser le plaidoyer au profit de la population 3
5 D
ISCUSSION
5.1 L
IMITES DE L
’
ÉTUDE
La présente étude ne permet pas d’analyser l’évolution de la morbidité ni de la mortalité de la population cible faute de
données complètes. Certaines études cependant ont démontré le lien entre l’utilisation des services de PCC et la réduction
de la morbidité [9, 18-21] . Aussi, des acteurs importants n’ont pas pu être interrogés lors de l’évaluation de l’implantation
des SSC pour compléter les explications factuelles sur les éléments observés. C’est notamment les membres de l’ECZS, les IT
et les RECOSITES.
L’étude soulève des points de discussion suivants :
• Une phase d’implantation inachevée
Des 78 SSC identifiées, 33 étaient choisies et seulement 18 SSC ont été implantées malgré l’approvisionnement du
matériel et la formation des RECOSITES pour 33 SSC. La faible implantation des SSC est associée au départ de l’assistance
technique de IRC, à la faible implication des autorités administratives et sanitaires, à l’affectation des matériels destinés aux
SSC aux besoins des centres de santé et à la faible implication des IT dans les activités communautaires. Ces facteurs
corroborent ceux observés dans d’autres études en lien avec les barrières à la PCC [12]
• Une phase de fonctionnement avec des contraintes
Deux contraintes auraient pu être prévenues. Premièrement des armoires pour la gestion des médicaments et d’autres
intrants ont été insuffisantes par rapport au nombre des RECOSITE, obligeant ces derniers à parcourir une certaine distance
pour accéder aux médicaments. Cette contrainte est d’ordre financière et hypothèque la pérennité des SSC. Ensuite,
l’abandon de certains RECOSITE par inadaptation aux tâches (travail plus exigeant) ou pour la recherche d’un travail mieux
rémunéré dans une zone très éloignée du SSC. La sélection des RECOSITE constitue ainsi un des facteurs clé du succès de
l’intervention et devrait être priorisée. Des critères devraient être formalisées, incluant la représentativité des femmes, le
niveau d’étude, le travail préalable en tant que bénévole ou les capacités à être formé [12]. Aussi, face au caractère bénévole
du RECOSITE, des mesures efficaces pourraient être prises afin de maintenir la motivation initiale et la qualité des prestations
des RECOSITES [19, 22]. Parmi ces mesures, les cadres de la ZS pourraient accompagner la communauté à identifier et à
appliquer des incitants adaptés au contexte en vue de motiver les RECOSITE. Ces cadres soutiendraient également
l’appropriation des interventions au niveau communautaire en aidant chaque RECOSITE à identifier et à former à son tour
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son successeur [23], ce qui minimiserait les risques de fermeture d’un SSC en cas d’abandon, comme cela a été observé dans
deux villages de la ZS de Kabare.
• Une perception offrant plus de pouvoir aux RECOSITES qu’ils n’en ont en réalité
L’étude note une attente démesurée de certaines mères face aux RECOSITES et aux SSC. L’administration des soins
d’urgence ou l’offre d’équipement et de matériel roulant à la communauté ne constituent pas la mission des RECOSITES. Les
urgences devront être orientées vers les centres de santé ou l’hôpital de référence selon le cas pour une meilleure prise en
charge.
• Une plus-value de la PCC par l’utilisation des SSC
En considérant le point de départ, le résultat de la figure 3 montre un effet d’amélioration nette en ce qui concerne
l’évolution de nouveaux cas de paludisme, de pneumonie et de diarrhée, pouvant être attribuée à une meilleure utilisation
des SSC. Cela corrobore d’autres études conduites en Afrique [10, 18, 19, 22, 24]. Nous ne disposons cependant pas de
preuves que l’amélioration observée est uniquement associée aux SSC même si les RECOSITE ont fortement sensibilisé les
mères à l’utilisation des moustiquaires imprégnées d’insecticide, à l’hygiène des mains, à l’assainissement des milieux et à
l’utilisation des services de santé , y compris les SSC. L’adhésion de la population au changement ou aux traitements
proposés est capitale pour l’atteinte des résultats escomptés [25].
• Une amélioration est encore possible au niveau de la PCC à Kabare
Afin d’améliorer les rôles des SSC et le travail des RECOSITE, dix activités sont citées dont 4 plus importantes par ordre de
fréquence de citation (voir tableau 2). D’abord la multiplication des séances de sensibilisation pour le changement de
comportement avec passage porte à porte des RECOSITE. Des thèmes de sensibilisation sont variables et doivent répondre
aux besoins réels de la population. Ensuite le renforcement des compétences des RECO, passant par leur formation continue
et leur supervision [22, 26], y compris en technologie de communication [11, 19, 27].Le recours aux tablettes pour l’encodage
des données, aux vélos et motos pour le transport, aux téléphones, révolutionnent la transmission de l’information et
contribue efficacement à la prise en charge de la santé des communautés [28, 29]. L’approvisionnement permanent des SSC
en médicaments et autres intrants constitue la 3
ème
activité. Cette activité nécessite des ressources additionnelles et
régulières [30]. Le financement des services et des soins demeure un des goulots d’étranglement à l’accessibilité aux soins de
santé de qualité dans les pays dits à faible revenu.
6 C
ONCLUSION
La présente étude évaluative a le mérite de démontrer que l’implantation de la PCC par le SSC améliore l’accès aux soins
et in fine l’utilisation des services préventifs, curatifs et promotionnels de la ZS. L’étude démontre également le respect
rigoureux des orientations du ministère de la santé lors de l’implantation des SSC et fait ressortir les limites de ces
orientations face essentiellement à deux contraintes : l’abandon des RECOSITE avec comme conséquence la fermeture des
SSC et ensuite le financement limité des SSC ne répondant pas à la totalité des besoins en intrants. L’étude identifie le
RECOSITE en tant qu’acteur clé dans l’implantation des SSC et préconise de renforcer le mécanisme de son recrutement, de
sa formation, de sa supervision, du maintien de sa motivation et de sa succession. Enfin, l’étude confirme les rôles des SSC et
les tâches reconnues aux RECOSITE, sauf celles bureaucratiques dont la surveillance épidémiologique et la notification des
maladies au niveau communautaire non identifiées par les mères interrogées. L’implantation d’un SSC nécessite un
financement et une méthodologie éprouvée, à l’instar de celle définie par le ministère de la santé en RDC. La limite de cette
méthodologie d’implantation est qu’elle n’anticipe pas les contraintes. L’étude propose des actions susceptibles d’améliorer
le fonctionnement et la pérennité des SSC.
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EMERCIEMENTS
Nous remercions Dr Mignon Bugandwa, Médecin chef de Zone de santé de Kabare et Monsieur Mugisho, superviseur de
la zone de santé pour leur implication dans la collecte des informations.
Une expérience d’implantation des sites des soins communautaires en République Démocratique du Congo
ISSN : 2028-9324 Vol. 20 No. 1, Apr. 2017 50
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