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Exemple de référence
Wohlgemuth, T.; Gallien, L.; Zimmermann, N.E., 2016. Régénération du hêtre et de l’épicéa dans le contexte
des changements climatiques. Dans: Pluess, A.R.; Augustin, S.; Brang, P. (Réd.), Forêts et changements
climatiques. Éléments pour des stratégies d’adaptation. Ofce fédéral de l’environnement OFEV, Berne;
Institut fédéral de recherches WSL, Birmensdorf; Haupt, Berne, Stuttgart, Vienne. 119–141.
Rédaction
Andrea R. Pluess
Sabine Augustin
Peter Brang
Forêts
et changements
climatiques
Éléments pour des stratégies d’adaptation
Conséquences des changements climatiques sur la forêt 3
3.3 Régénération du hêtre et de l’épicéa dans
le contexte des changements climatiques
Thomas Wohlgemuth1, Laure Gallien1,2 et Niklaus E. Zimmermann1
1 Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage WSL, Birmensdorf
2 Stellenbosch University, Matieland, South Africa
Correspondance : thomas.wohlgemuth@wsl.ch
La survie des arbres sur leurs stations forestières actuelles ainsi que leurs vitesses de
migration dépendent du processus de régénération (dissémination et germination des
graines puis survie des plantules), et sont donc fortement contraintes par le climat. Le
processus de régénération est généralement simplifié en une seule variable dans les
modèles de dynamique forestière, alors que dans les modèles phénoménologiques
(type enveloppe climatique ou modèle de distribution) ce processus est seulement pris
en compte de façon implicite par la présence de l’espèce. Cependant, si les données
sont disponibles, les modèles phénoménologiques peuvent distinguer la phase adulte
de la phase juvénile. Notre étude utilise cette approche en s’appuyant sur les données
de régénération des inventaires forestiers nationaux suisses 2 à 4 (IFN). La présence de
jeunes hêtres et épicéas de « petites » (10–39 cm) et « grandes » tailles (40–129 cm) est
estimée pour les climats actuel et futur au moyen de modèles phénoménologiques in-
tégrant des facteurs liés au climat, au peuplement et au sol. Les résultats obtenus avec
les données climatiques actuelles coïncident avec les données de l’IFN. À partir d’un
scénario d’émissions moyen (A1B) avec réchauffement et décalage des précipitations
saisonnières, la modélisation prédit l’absence de régénération naturelle de l’épicéa dans
le couvert semi-ouvert jusqu’aux étages montagnard supérieur et haut-montagnard dans
toute la Suisse. Ce scénario prévoit une diminution de la régénération de « grands »
hêtres sur le Plateau, mais n’en détecte pas dans la plupart des régions d’altitude. Les
modèles prédisent l’absence de « petite » régénération des deux essences à basse alti-
tude. Deux mécanismes peuvent mener à un tel déplacement altitudinal de la niche de
régénération du hêtre et de l’épicéa : des perturbations naturelles sur de larges surfaces
et la sylviculture proche de la nature. La repousse directe dans les petites trouées de
peuplement agit contre un rapide décalage des aires de répartition.
< Régénération naturelle d’épicéa et de hêtre 15 ans après la tempête Lothar à Diessenhofen, TG. Photo : U. Wasem. 119
Régénération
les jeunes arbres puissent survivre malgré les ef-
fets délétères des changements climatiques ? Le
processus de régénération englobe aussi bien
le renouvellement de la population d’arbres que
l’établissement de nouvelles essences et donc le
changement de la composition des essences.
Le succès de la régénération passe par de
nombreux processus
La régénération commence avec la formation de
boutons floraux qui a lieu de l’été jusqu’à l’au-
tomne. La chaleur et les réserves suffisantes de
nutriments dans l’arbre favorisent la formation
de bourgeons (tab. 3.3.1), processus qui peut être
prématurément interrompu par le froid à la fin de
l’été. Le hêtre (Fagus sylvatica), l’érable de mon-
tagne (Acer pseudoplatanus) et le pin sylvestre
(Pinus sylvestris) ont besoin d’une phase de froid
prononcée (chilling) pour un débourrement pré-
coce des feuilles l’année suivante (l
auBe
etal.
2014). Une phase de froid peu intense peut re-
La régénération – un processus complexe
Conservation de l’essence et facteurs limitants
Une population d’arbres peut survivre lorsqu’un
nombre suffisant d’individus atteint l’âge de se
reproduire et que les conditions stationnelles per-
mettent aux jeunes plantes de s’établir. Lorsque
les conditions environnementales sont propices
à la régénération d’une espèce, on parle de niche
de régénération (gruBB 1977). Plusieurs facteurs
limitent la croissance et, en particulier, la régéné-
ration des végétaux : la lumière, l’eau, la tempé-
rature, les nutriments et les perturbations (p. ex.
perte soudaine de parties de la plante ou d’in-
dividus). À terme, les changements climatiques
peuvent modifier la disponibilité en eau ainsi que
la température locale (notamment les périodes de
gel et de froid hivernal) et peuvent donc locale-
ment affecter la vitesse de croissance des arbres.
Dans ce contexte se pose la question suivante :
comment les ressources peuvent-elles être ré-
gulées par des interventions sylvicoles pour que
Tableau 3.3.1. Facteurs d’influence durant les phases de régénération des arbres : +, ++ (forte) influence positive, – influence né-
gative, ∙ sans influence. Saisons : P printemps ; É été ; A automne ; H hiver. Le terme chill désigne le processus du froid hivernal,
important pour les essences des zones modérées (p. ex. MenZel 2006). Autres termes selon ott et al. (1991).
Année 1 Année 2 Année 3 Années 4–10
É A H P É A H P É A
Plante
(tout ou partie)
Phases
Facteur
Température
Chaleur + + ∙ + + ++ ∙ + ∙ ∙ +/–
Chill ∙ ∙ + ∙ ∙ ∙ + ∙ ∙ ∙ ∙
Lumière ∙ ∙ ∙ + + + ∙ ∙ + + ++
Eau + ∙ ∙ – – + ∙ + + + +
Nutriments + ∙ ∙ + ∙ + ∙ ∙ + + +
Perturbation
bouton floral
formation
gel gel tardif gel tardif abroutissementconsommation
maturité
recrû initial
semis
établissement
jeunes plants
germination
semence plantulefleur/pollen
ouverture
dissémination
120
Conséquences des changements climatiques sur la forêt 3
tarder l’ouverture des bourgeons foliaires (kelly
1994 ; lauBe etal. 2014). Le gel tardif au printemps
peut endommager complètement non seulement
les jeunes feuilles mais aussi les fleurs et, en au-
tomne, le gel précoce peut stopper la maturation
des fruits. À longue échéance, les épisodes de
gel réguliers délimitent la période de végétation
et, avec elle, la présence de feuillus (chuine etal.
1998) et de résineux (lenz etal. 2013). La période
de végétation est donc considérée comme le prin-
cipal paramètre responsable des limites altitudi-
nale et latitudinale de la répartition des espèces
végétales (chuine 2010) : elle détermine la durée
minimale nécessaire au déroulement de toutes les
phénophases, en particulier la survie au gel prin-
tanier (fleurs et feuilles) et la maturation du fruit.
Les semences des arbres sont disséminées
par le vent ou les animaux sur des distances va-
riant en moyenne de 25 à 200 m (l
iSchke
et l
öFFler
2006). La survie des semis après la germination
dépend des conditions locales et de la résistance
spécifique au gel et à la pénurie d’eau temporaire.
Lorsque l’année est humide, les graines peuvent
aussi germer dans des endroits secs. Pendant la
phase d’établissement, les jeunes plantes, compa-
rées aux vieux arbres, sont plus vulnérables au gel
printanier (v
itaSSe
etal. 2014) et plus vulnérables à
la sécheresse, parce que leur système racinaire est
encore insuffisamment développé. Parmi les pro-
cessus de régénération mentionnés, nous consi-
dérons que la dissémination des semences, la pé-
riode de végétation limitée par le gel et le risque de
dessèchement sont les facteurs qui limitent le plus
la conservation ou la migration des essences. Sur
une grande partie de la surface forestière suisse,
l’abroutissement par le gibier n’a pas d’impact sig-
nificatif sur la régénération de la forêt et sur une
majorité d’essences, même si, parmi les essences
principales, les chênes de l’étage collinéen et les
sapins de l’étage montagnard sont aujourd’hui
très limités par l’abroutissement (k
uPFerSchmid
etal. 2015).
Chez la plupart des essences, la production de
semences varie d’année en année, de très abon-
dante (paisson pleine, année de fructification) à
très pauvre. La disponibilité d’une grande quan-
tité de semences à plusieurs années d’intervalle
permet à la recolonisation d’avoir plus de succès
qu’une quantité annuelle moyenne de semences
(k
elly
1994). On suppose qu’avec les changements
climatiques, les intervalles entre les années de
fructification du hêtre vont être plus courts et les
années de fructification plus fréquentes (Paar
etal. 2011 ; Braun et Flückiger 2013).
La modélisation du processus de régénération
Les modèles permettent de se faire une idée de
la composition probable des forêts dans les nou-
velles conditions climatiques. Les modèles dy-
namiques de végétation ou de trouée (gap mo-
dels), comme le modèle de succession ForClim
(B
ugmann
1996), reposent sur les processus de
régénération, de croissance, de concurrence et
de mortalité, qui sont simulés pour des surfaces
d’environ 25 x 25 m en faisant intervenir des fac-
teurs climatiques, édaphiques et topographiques
prédéfinis (chap. 3.6, etzold etal. 2016). Dans ces
simulations, le processus de régénération n’est
souvent contrôlé que par une seule variable expli-
cative (Price etal. 2001). La plupart des modèles
dynamiques de végétation ne représentent pas
les phases de régénération susmentionnées, mais
partent en général d’un volume sur pied constant
de jeunes arbres (sapling pool) de toutes les
essences (l
iSchke
et l
öFFler
2006). Ce volume sur
pied n’est toutefois assuré que si des semences
sont disponibles (loehle et leBlanc 1996). Dans
le modèle TreeMig (liSchke etal. 2006), la quan-
tité de semences par arbre de la strate supérieure
et la dissémination des semences sont explicite-
ment modélisées, ce qui explique que la régé-
nération dans la trouée ne se fait qu’à partir de
semences des arbres des alentours. Le modèle
de développement de paysage LandClim peut
aussi prendre en compte la dissémination des
semences (Schumacher et Bugmann 2006).
121
Régénération
etal. 2006). Les essences de fin de succession,
comme le hêtre, le chêne (Quercus ssp.) ou l’épi-
céa (Picea abies), migrent beaucoup plus lente-
ment dans un paysage morcelé que les essences
pionnières comme le peuplier (Populus spp.) ou le
bouleau (Betula ssp. ; meier etal. 2012). Chez ces
espèces, la dissémination des graines combinée
à des lits de germination favorables peut conduire
à une propagation par sauts. Après l’incendie de
forêt de Loèche (VS), on a trouvé par exemple des
peupliers blancs (Populus alba) à une altitude de
2000 m, à près de quatre kilomètres du peuple-
ment d’origine supposé, situé au bord du Rhône à
600 m d’altitude (W
ohlgemuth
et m
oSer
2009). Gé
-
néralement, les distances de dispersion moyennes
estimées par les modèles forestiers sont de 25 à
200 m par an (P
itelka
etal. 1997 ; k
ing
et W
ith
2002 ; meier etal. 2012).
Il existe de fait un certain scepticisme quant à
savoir si les essences peuvent atteindre assez rapi-
dement et avec une densité suffisante les stations
qui correspondent à leur futur optimum de crois-
sance. Il y a à cela plusieurs raisons. La plupart des
essences présentes en Suisse tolèrent une grande
variété de conditions environnementales, comme
le montre l’ampleur de leurs répartitions altitudi-
nales (fig. 3.3.1). Bien que les températures aient
augmenté d’environ 1,5 °C depuis les années 1960
(Bader etal. 2012), ce qui, théoriquement équivaut
à un décalage altitudinal de près de 250 m (refroi-
dissement de 0,6 °C par 100 m vers le haut), les
mesures montrent que la répartition altitudinale
des essences s’est décalée de seulement 10 à 20m
par décennie (gehrig-FaSel etal. 2007 ; küchler
et W
ohlgemuth
, en prép.). Les facteurs suscep-
tibles d’expliquer ce phénomène ne se limitent pas
aux seuls changements climatiques, mais incluent
également les changements de gestion forestière
et d’utilisation des terres alpestres (gehrig-FaSel
etal. 2007 ; lenoir etal. 20 09 ; Bodin etal. 2013).
Il ne faut donc pas s’attendre à ce que les forêts
progressent en altitude en quelques années, mais
plutôt en plusieurs générations d’arbres, même si
ce processus pourrait localement être accéléré par
Dans les modèles d’enveloppe climatique ou
de répartition des espèces (chap. 3.7, zimmermann
etal. 2016), la régénération est implicite à la pré-
sence de l’essence (sans régénération l’espèce est
fatalement absente). Ces modèles ont été récem-
ment utilisés pour calculer, sur la base de don-
nées régionales, la répartition des espèces non
seulement pour la phase adulte mais aussi pour
la phase juvénile et ont permis de réaliser des pré-
visions plus fines sur le déplacement des aires de
répartition de résineux et de feuillus dans l’Ouest
des États-Unis (Bell etal. 2014 ; doBroWSki etal.
2015). Cependant, jusqu’à présent, la plupart des
modèles de répartition ou de composition des es-
sences ont négligé les aspects relatifs à la régé-
nération ou les ont implémentés sous une forme
très simplifiée.
À quelle vitesse les espèces migrent-elles ?
Pour atteindre de nouveaux sites, les essences fo-
restières doivent disperser leurs semences et être
capable de survivre au stade juvénile. Le proces-
sus de migration est l’une des plus grandes incerti-
tudes dont il faut tenir compte lors de l’estimation
de futures aires de répartition des essences (neil-
Son etal. 2005). Les analyses de pollen montrent
qu’au début de l’Holocène, les essences se propa-
geaient sur des distances de 100 à 1000 m par an
(huntley et BirkSmaiS 1983), mais que plus tard,
par exemple lors de la colonisation des îles Bri-
tanniques, la distance annuelle n’était plus que
de 50 à 100 m (BirkS 1989). Cette nette réduction
est sans doute liée au faible couvert végétal initial
des surfaces susceptibles d’afforestation au début
de l’Holocène, ainsi qu’à la concurrence croissante
qui s’est développée sur les terrains qui ont en-
suite été densément colonisés. Cela a été confirmé
par une simulation réalisée par meier etal. (2012)
sur la base du modèle TreeMig. De plus, l’uti-
lisation des terres par l’homme a conduit au
morcellement des vastes forêts, rendant difficile la
migration entre différents patchs de forêt (liSchke
122
Conséquences des changements climatiques sur la forêt 3
des interventions forestières ou des perturbations.
À quoi est due cette inertie ? Non seulement les
conditions de germination doivent être optimales
pour l’ensemencement de nouveaux patchs de
forêt, mais les nouveaux semis doivent pouvoir
résister à la compétition locale avec les autres es-
sences forestières. Les événements extrêmes ou
les interventions sylvicoles produisent des trouées
dans les peuplements qui, selon leur forme et leur
dimension, influencent différemment la régéné-
ration des essences. L’intensité de la perturbation
détermine le degré d’ouverture des trouées, la mo-
dification de la strate arbustive et de la strate her-
bacée, ainsi que le degré d’endommagement des
couches supérieures du sol (fig.3.3.2), ce qui, se-
lon la station, peut avoir des répercussions sur la
durée pendant laquelle le lit de germination reste
favorable (Frehner etal. 2005). L’étendue spatiale
de la perturbation (fig.3.3.2) détermine la durée
du rayonnement lumineux et influence l’apport
de semences pour les années suivantes (W
hite
et JentSch 2001). Sur de grandes surfaces pertur-
bées, les essences pionnières se propagent plus
rapidement que les essences principales, raison
pour laquelle la présence de régénération déjà en
cours est déterminante pour la composition des
futurs peuplements. La fenêtre temporelle ouverte
par la perturbation a aussi un effet sur la dispo-
nibilité des ressources pour la régénération telles
que la lumière, la température et les nutriments
(daviS etal. 2000). Un substrat de germination fa-
vorable comme la terre minérale bénéficiant d’un
bon ensoleillement ne reste pas longtemps sans
végétation. Les semences d’arbres qui arrivent sur
des stations sèches ne peuvent germer et pousser
en nombre que lorsque le printemps est suffisam-
ment humide (moSer etal. 2015). Sur les stations
forestières moyennes et sèches, les conditions de
régénération favorables deviendront plus rares
pour certaines essences parce que les périodes
de sécheresse estivale augmenteront (chap.2.1,
remund etal. 2016), alors que d’autres espèces
Altitude [m]
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Quercus robur
Quercus petraea
Prunus avium
Castanea sativa
Fraxinus excelsior
Pinus sylvestris
Fagus sylvatica
Acer pseudoplatanus
Abies alba
Betula pendula
Alnus incana
Picea abies
Larix decidua
0
500
1000
1500
2000
2500
Figure 3.3.1. Répartition altitudinale des essences fréquentes avec DHPØ > 12 cm en Suisse. Les barres brunes représentent 90 %
(clair) et 50 % (foncé) des données dans l’IFN 2 (1994–1996), le trait horizontal indique la répartition altitudinale médiane. Les barres
vertes indiquent les valeurs correspondantes de l’IFN 4 (état 2015). Les points verts indiquent les limites altitudinales minimales
(quantile de 5 %) et maximales (quantile de 95 %) de la régénération (DHP < 12 cm), état 2015 (© IFN).
123
Régénération
se propage à basse altitude en Valais, ce qui est
considéré comme un signe clair des changements
climatiques (rigling etal. 2013). Sur le versant sud
des Alpes, les surfaces brûlées sont colonisées par
des essences non indigènes comme le robinier
(Robinia pseudacacia) dans la vallée italienne du
Tessin (m
otta
etal. 2009) ou l’ailante (Ailanthus al-
tissima) près de Bellinzone (maringer etal. 2012).
Pour récapituler, on peut dire que les processus de
migration dus aux changements climatiques sont
visibles dans les zones à basse altitude du Valais
(dynamique pin/chêne), au Tessin (établissement
d’essences non indigènes ; Walther etal. 2002) et
à la limite de la forêt (déplacement des essences
vers des altitudes plus élevées).
Questions
Pour ce qui est des facteurs qui limitent la régéné-
ration des arbres, le présent chapitre se propose
de répondre aux questions suivantes : 1) Comment
les conditions de régénération (niches) de cer-
taines essences sont-elles affectées par les chan-
végétales, mieux adaptées à la sécheresse, en pro-
fiteront.
Tandis qu’après un chablis ou une infestation
de scolytes, la régénération en place peut pousser
rapidement grâce aux meilleures conditions de lu-
mière, il ne reste, après un incendie de forêt, que
peu ou plus de régénération préexistante, raison
pour laquelle la dissémination des semences ou
les rejets de souche jouent un rôle déterminant
(nuSSBaumer et Wohlgemuth 2016). Sur les cha-
blis à basse altitude, on observe souvent une re-
pousse directe du hêtre (Wohlgemuth et kramer
2015), mais au Tessin, après les incendies dans les
hêtraies, les hêtres poussent à partir de la germi-
nation de semences parvenues sur la surface brû-
lée après l’incendie (maringer etal. 2016). Dans
des conditions plus sèches, ce sont les essences
pionnières dispersées par le vent qui s’établissent
le mieux après un incendie de forêt (Wohlgemuth
etal. 2010), alors que le pin sylvestre est limité par
la sécheresse (m
oSer
etal. 2010) et la dissémi-
nation des graines (nuSSBaumer et Wohlgemuth
2016). En conséquence de la forte mortalité du pin
sylvestre après des sécheresses répétées, le chêne
Intensité de perturbation
Biomasse
100%
–10%
Phase de
régénération Phase optimale
–50%
–100%
0%
Décennies, sièclesDécennies
Dynamique
de forêt permanente
Dynamique de trouées
Perturbation
Temps
Perturbation
Figure 3.3.2. Perturbations supposées déclencher les modifications de la composition des essences. Modifié d’après van der
Maarel (1996) ; White et JentSch (2001).
124
Conséquences des changements climatiques sur la forêt 3
Nos modèles prennent en compte les prin-
cipaux facteurs influençant la régénération dé-
crits ci-dessus, pour autant qu’ils aient été carto-
graphiés de façon précise (ce qui n’est pas le cas
par exemple pour la pression d’abroutissement
et la gestion forestière) : structure du peuplement,
part des résineux, conditions édaphiques et para-
mètres topographiques et climatiques. Quelques
autres facteurs comme les dépôts azotés avaient
d’abord été aussi pris en compte, mais ils n’ont fi-
nalement pas été retenus car ils influençaient les
modèles de façon irréaliste.
Pour calibrer et valider les modèles avec les
données de l’IFN, les informations sur la structure
du peuplement doivent être saisies pour chaque
placette exactement comme elles y ont été rele-
vées. Les modèles établis de cette manière ont
été soumis à une procédure de validation croi-
sée. Puis, pour identifier les zones favorables ou
défavorables à la régénération dans le futur, nous
avons utilisé différents scénarios de changements
climatiques tout en fixant à des valeurs constantes
les variables non reliées au climat (c.-à-d. la struc-
ture du peuplement, la capacité au champ utile
et la saturation en bases). Ces simulations per-
mettent donc de visualiser l’impact du climat.
Données et méthodes
Données sur la régénération
Les données sur la régénération proviennent de
mesures réalisées au cours des IFN 2, IFN 3 et
IFN 4. Comme les mesures ont été réalisées dif-
féremment dans chaque inventaire (dimension
des placettes, classe de hauteur) et que, pour de
nombreuses essences, il y a trop peu de données,
nous avons utilisé seulement les données sur la
régénération du hêtre et de l’épicéa qui peuvent
être uniformisées entre les trois inventaires (IFN
2 [1993–1995], IFN 3 [2004–2006] et IFN 4 [relevé
continu depuis 2009]) et nous avons distingué
deux classes de hauteur : 10–39 cm (« petit ») et
40–129 cm (« grand »). L’analyse a inclus des don-
gements climatiques ? Comment la niche de ré-
génération se modifie-t-elle au niveau régional ?
2) Dans un contexte de changements climatiques,
comment la régénération est-elle affectée par des
perturbations de tailles différentes ? 3) Quelle est
l’influence de la structure du peuplement pour la
régénération avec les changements climatiques ?
4) Comment peut-on utiliser la sylviculture pour
favoriser la régénération dans un contexte de
changements climatiques ? Pour répondre à la pre-
mière question, ce chapitre présente les résultats
de modélisation de la distribution de la régéné-
ration du hêtre et de l’épicéa dans les conditions
climatiques actuelles et futures. Pour les autres
questions, il discute les réponses fournies par la
littérature spécialisée.
Modélisation spatiale des jeunes hêtres
et des jeunes épicéas
Modèles de distribution d’espèces
Les modèles de distribution d’espèces (pour la mé-
thode voir chap. 3.7, zimmermann etal. 2016) utili-
sés pour notre étude reposent sur les variables ex-
plicatives qui corrèlent au mieux avec la présence
d’essences à l’échelle régionale. Les différentes
phases de croissance ne sont donc pas explicite-
ment modélisées ensemble (contrairement au mo-
dèle TreeMig), mais de façon indépendante (c.-à-d.
avec des modèles distincts). Nous nous concen-
trons ci-après sur la régénération du hêtre et de
l’épicéa, les deux essences les plus fréquentes de
Suisse, en utilisant les données de l’Inventaire fo-
restier national suisse (IFN ; B
raSSel
et B
rändli
1999 ; Brändli 2010 ; aBegg etal. 2014) selon les
trois facteurs d’influence : le peuplement, l’envi-
ronnement et le climat. Nous montrons, d’une
part, comment ces modèles reproduisent les pa-
trons actuels de régénération et, d’autre part,
quelles sont les prévisions de régénération aux-
quelles on peut s’attendre selon différents scéna-
rios de changements climatiques.
125
Régénération
rélation supérieure à r = 0,7 avec d’autres variables
sélectionnées. Il est ainsi possible d’éviter certains
problèmes lors de la calibration des modèles
(problèmes de multicolinéarité). Les paramètres
climatiques sélectionnés et les autres variables du
modèle sont présentés dans le tableau 3.3.2.
Pour les futures conditions climatiques, nous
avons utilisé les données des modèles climatiques
CLM (« sec »), RCA (« modéré ») et RegCM3 (« hu-
mide »), basés sur le scénario d’émissions de CO2
A1B (chap. 2.1, remund etal. 2016).
Données sur les peuplements
Le modèle inclut, outre le climat, des variables de
structure de peuplement et de concurrence inters-
pécifique, qui servent de grandeurs d’influence sur
la régénération dans les placettes circulaires IFN.
Le diamètre à hauteur de poitrine moyen (DHPØ)
des arbres de la placette est un indice de la densité
du peuplement et donc, indirectement, de la dispo-
nibilité en lumière au sol. La densité du feuillage
au-dessus de 140 cm (CouvertureFeuillage140, es-
timée sur le terrain par quantiles de 5 %) décrit
principalement la densité des houppiers, alors que
la couverture végétale au sol (CouvertureVégé-
tale, estimée sur le terrain par quantiles de 5 %)
indique la concurrence entre les plantules pour
les ressources. Enfin, la part de résineux dans le
peuplement (Résineux%, en proportion de sur-
face terrière) a été utilisée pour décrire une pos-
sible acidification locale du sol. Pour prendre en
compte la disponibilité de semences, la surface
terrière de l’épicéa (Épter) et du hêtre (Hêter) a été
utilisée comme variable explicative dans les mo-
dèles de chaque essence (tab. 3.3.2).
Autres données environnementales
Deux autres variables environnementales impor-
tantes ont été prises en compte pour la modélisa-
tion de la régénération : la saturation en bases des
couches supérieures du sol à 40cm de profondeur
(BasesS) selon Braun etal. (2015) et la capacité
au champ utile (CCu) à 1 m de profondeur maxi-
mum selon remund et auguStin (2015). Pour ces
nées de 3288 (« petit ») et 5141 (« grand ») placettes
circulaires de relevés IFN pour l’épicéa et de 4941
(« petit ») et 5263 (« grand ») placettes circulaires
de relevés IFN pour le hêtre.
Les densités de régénération des placettes
de différentes dimensions ont été converties en
nombre de tiges par hectare. La densité de régé-
nération était faible sur la plupart des placettes.
Un nombre de tiges très élevé, correspondant à
une densité 10 à 20 plus forte, était rare, mais ty-
pique en cas de canopée semi-ouverte. Ces don-
nées de densité de population ont de ce fait été
transformées de deux manières et utilisées pour
la modélisation. D’une part, les densités ont été
log-transformées et, d’autre part, elles ont été ré-
duites en valeur de présence/absence (présence
= 1, dès que le nombre des jeunes arbres > 0).
Données climatiques
Les valeurs moyennes et les valeurs extrêmes de
climat ont été déterminées à partir des séries de
mesures quotidiennes pour la période de référence
1981–2010. Parallèlement, des périodes plus ou
moins longues par rapport au moment du relevé
sur chacune des placettes circulaires de relevés
IFN ont été testées (année du relevé ou durant
les N = 2, 4, 6, 8, 10 années précédentes). Nous
avons aussi contrôlé si le climat (voir tab. 3.3.2)
il y a exactement 2, 4, 6, 8 et 10 ans avait une in-
fluence sur la régénération des individus alors en-
core « petits » ou déjà « plus grands ». Pour les pé-
riodes de références susmentionnées, nous avons
calculé les températures moyennes, minimales et
maximales ainsi que les sommes des précipita-
tions (Tmin, TØ, Tmax, préc.∑). Les modèles utilisent
d’abord la moyenne et l’écart type pour différentes
périodes de temps. Les mesures de variance clima-
tique interannuelles produisaient le plus souvent
des schémas spatiaux difficilement explicables, rai-
son pour laquelle nous ne les avons pas utilisées
pour la calibration des modèles de régénération.
Les variables explicatives ont été choisies parmi
l’ensemble des variables climatiques calculées, de
manière à ce qu’elles ne présentent jamais une cor-
126
Conséquences des changements climatiques sur la forêt 3
Tableau 3.3.2. Récapitulation des variables environnementales utilisées (indiquées par X) dans les quatre modèles de régénération
avec différentes variables cibles. Les variables climatiques ont été adaptées pour chaque modèle selon leur valeur explicative
propre. Les autres variables ont par contre été utilisées dans tous les modèles, à l’exception de la surface terrière de l’essence
semencière respective par placette circulaire de relevés IFN. Les variables indiquées par x n’étaient pas significatives et n’ont
pas été utilisées dans le modèle final. Les variables sont expliquées au bas du tableau.
Variables cibles
Variables explicatives
Hêtre [cm] Épicéa [cm]
10–39 « petit » 40–129 « grand » 10–39 « petit » 40–129 « grand »
Climat préc.∑an (il y a exactement 4 ans) – – X –
préc.∑été6 (Ø 6 dernières années) X – – –
préc.∑été3 (Ø 10 dernières années) – X – –
préc.∑été6 (Ø 10 dernières années) – – – X
TØ hiver6 (Ø 2 dernières années) X – – –
TØ hiver6 (Ø 10 dernières années) – – – X
Tmax été3 (Ø 10 dernières années) – X – –
Tmin hiver3 (Ø 6 dernières années) – – X –
Peuplement Épter – – X X
Hêter X X – –
DHPØX X X X
CouvertureVégétale X X X X
CouvertureFeuillage140 xX X X
Résineux% X X X X
Sol BasesS X X X X
CCu Xx x x
préc.∑, somme des précipitations ; TØ, température journalière moyenne ; Tmax, température journalière maximale ; Tmin, tempéra-
ture journalière minimale ; été3, juillet–septembre ; été6, avril–septembre ; hiver3, janvier–mars ; hiver6, octobre–mars ; Épter, sur-
face terrière de l’épicéa sur le cercle de relevés ; Hêter, surface terrière du hêtre sur le cercle de relevés ; DHPØ, diamètre du tronc
moyen ; CouvertureVégétale, couverture végétale de la strate herbacée ; CouvertureFeuillage140, densité du feuillage au-dessus
de 140 cm ; Résineux%, part de résineux ; BasesS, saturation en bases ; CCu, capacité au champ utile.
Tableau 3.3.3. Évaluation des modèles de régénération pour les jeunes hêtres et épicéas de « petites » et « grandes » tailles. Chaque
modèle estime les conditions qui favorisent la présence ou l’absence de régénération et l’AUC indique la performance prédictive
du modèle ; le Cut-Level indique le seuil à partir duquel les probabilités peuvent être considérées comme présences ou absences
prédites ; percent correctly classified (PCC) indique la proportion de présences et d’absences correctement prédites ; et « sensi-
tivité » indique la proportion des présences correctement prédites (sans tenir compte des absences).
Variables cibles
Comparaison des modèles
Hêtre [cm] Épicéa [cm]
10–39 « petit » 40–129 « grand » 10–39 « petit » 40–129 « grand »
AUC 0,83 0,83 0,80 0,83
Cut-Level 0,60 0,59 0,52 0,62
PCC 0,77 0,74 0,75 0,74
Sensitivité 0,80 0,78 0,73 0,71
127
Régénération
IFN sont représentées. Dans la plupart des simu-
lations, les variables de structure du peuplement
ont été maintenues constantes à des valeurs cor-
respondant à un ombrage faible (désigné ci-après
par « couvert semi-ouvert »), afin de visualiser
l’impact du climat et du sol sur le potentiel de
régé nération (donc en partant de l’hypothèse de
conditions de lumière aussi optimales que pos-
sible). Pour exprimer un couvert semi-ouvert, la
variable CouvertureFeuillage140 a été fixée à 40 %.
Les paramètres non climatiques suivants ont été
gardés à des valeurs constantes correspondant
aux plus fortes densités de régénération trouvées
pour les deux essences : DHPØ = 60 et 30cm (res-
pectivement hêtre et épicéa), CouvertureVégétale
= 20 % (deux essences), BasesS = 100 % et 20 %
(respectivement hêtre et épicéa). Les cartes de
régénération ont été calculées sur la base des con-
ditions climatiques actuelles et avec celles prévues
pour 2050 et 2080 (scénarios A1B).
Distribution de la régénération du hêtre et de l’épicéa
Régénération actuelle
L’évaluation (via split sample) des modèles de ré-
génération (présence /absence) du hêtre a obtenu
en moyenne des valeurs AUC de 0,834 (± 0,007) et
0,828 (± 0,009) pour les « petites » et les « grandes »
jeunes plantes respectivement. Pour l’épicéa, les
valeurs AUC étaient de 0,804 (± 0,010) et 0,828
(± 0,008) pour les « petites » et « grandes » jeunes
plantes respectivement (tab. 3.3.3). Les Cut-Levels,
situés entre 0,52 et 0,62, signifient qu’une proba-
bilité de présence de 0,4 ou 0,5 par exemple a été
définie comme valeur d’absence, ce qui implique
qu’il faut relativiser les valeurs d’absence. Comme
deux variables, Meteotest a établi des cartes pour
le territoire suisse avec une résolution de 1km,
qui ont ensuite permis d’attribuer des valeurs cor-
respondantes aux placettes circulaires de relevés
IFN (tab.3.3.2).
Analyses statistiques
Pour la modélisation, on a utilisé des modèles li-
néaires généralisés, dans lesquels la présence/
absence de régénération (distribution binomiale ;
modèles binaires) a été mise en relation, en tant
que variable dépendante, avec les variables ex-
plicatives (sous leurs formes linéaires et qua-
dratiques ; tab.3.3.2). Des modèles d’abondance
(log-transformée), établis comme alternative avec
des régressions de Poisson, n’ont pas donné de
meilleurs résultats. La qualité des modèles cali-
brés a été contrôlée au moyen d’une validation
croisée répétée cinq fois. Pour mesurer la qualité
du modèle, nous avons calculé la valeur AUC (area
under the curve ; SWetS 1988) de la régénération
simulée par rapport à la régénération observée.
Une valeur AUC de 1 indique une concordance
parfaite entre le modèle et l’observation (ici : la
présence ou l’absence de régénération) et une
valeur de 0,5 indique une concordance aléatoire
(Fielding et Bell 1997). Les propriétés des modèles
ont également été évaluées avec les indicateurs
suivants : le Cut-Level, le PCC (Percent Correctly
Classified), et la sensitivité (explication dans la
légende du tab.3.3.3). L’importance de chaque
variable dans les modèles a également été déter-
minée. Les paramètres du modèle ont été appli-
qués à toute la Suisse dans une grille d’environ
2 x 2,5 km (cordonnées UTM), ce qui signifie que,
dans chaque cellule de la grille, les valeurs d’une
ou de plusieurs placettes circulaires de relevés
Figure 3.3.3. Présence (bleu) et absence (jaune) observées et simulées de la régénération (variable binaire) du hêtre (a, c, e, g) et
de l’épicéa (b, d, f, h), représentées à une résolution d’environ 2x2,5 km (coordonnées UTM avec au moins une placette IFN) dans
le climat actuel. Présence et absence observées de « petites » jeunes plantes (10–39 cm ; a, b) ; présence et absence simulées de
« petites » jeunes plantes (10–39 cm) dans la structure de peuplement observée aujourd’hui (c, d) ; présence et absence simulées
de « petites » (10–39 cm ; e, f) et « grandes » (40–129 cm ; g, h) jeunes plantes pour un « couvert semi-ouvert » et avec les valeurs
moyennes des paramètres relatifs à la structure du peuplement. >
128
Conséquences des changements climatiques sur la forêt 3
a) Hêtre 10−39 cm − observé (IFN)
Régénération
Présence
Absence
b)
É
picéa 10−39 cm − observé (IFN)
c) Hêtre 10−39 cm − structure de peuplement actuelle d) Épicéa 10−39 cm − structure de peuplement actuelle
e) Hêtre 10−39 cm − « couvert semi-ouvert» f) Épicéa 10−39 cm − « couvert semi-ouvert»
g) Hêtre 40−129 cm − « couvert semi-ouvert» h) Épicéa 40−129 cm − «couvert semi-ouvert»
Régénération simulée
Présence
Absence
50 km
129
Régénération
pour les scores d’AUC, des valeurs élevées ont
été obtenues pour le PCC et pour la « sensitivité ».
Les variables de température étaient les plus
importantes tant pour le hêtre que pour l’épicéa
(surtout Tmin en hiver), même si les précipitations
(surtout en été) étaient aussi déterminantes pour
le succès de la régénération. La présence d’arbres
semenciers était en outre décisive, sauf pour la ré-
génération des « grands » épicéas. Pour ce qui est
des variables de peuplement, c’est la part de rési-
neux dans le peuplement qui a eu la plus grande
influence sur les hêtres, car la présence de régé-
nération diminue fortement à mesure que la part
de résineux augmente. Les autres variables impor-
tantes étaient la densité du feuillage au-dessus de
140cm (CouvertureFeuillage140) pour l’épicéa et
la couverture végétale au sol (CouvertureVégétale)
pour le hêtre. Le DHPØ était représenté dans tous
les modèles, mais toujours relativement peu. La
capacité au champ utile (CCu) n’est presque jamais
restée dans le modèle final, sauf pour la « petite »
régénération du hêtre, pour laquelle elle était la va-
riable la moins importante. Bien que la sécheresse
ait un effet limitant sur le succès de la régénéra-
tion (doBroWSki etal. 2015 ; moSer etal. 2015), la
seule capacité au champ utile (c.-à-d. sans combi-
naison avec les précipitations), est un indicateur
inapproprié de la sécheresse de la station. Les don-
nées sur les indicateurs de sécheresse pour toute
la Suisse (chap.2.2, Scherler etal. 2016) n’étaient
pas encore disponibles lorsque nous avons effec-
tué nos calculs.
Les cartes obtenues par simulation concordent
bien avec les cartes de la régénération du hêtre et
de l’épicéa effectivement observée selon les don-
nées de l’IFN (présence ou absence par parcelle
comprenant au moins une placette circulaire de re-
levés IFN ; fig.3.3.3a,b versusc,d). Dans les condi-
tions actuelles pour le climat et la structure du peu-
plement, les calculs indiquent des présences de
« petits » hêtres (10 – 39 cm) surtout dans le Jura,
sur de nombreuses parcelles du Plateau, le long
des grandes vallées des Préalpes septentrionales
ainsi que dans les zones de moyenne altitude du
Tessin (fig.3.3.3c), quoique quelques surfaces
simulées du Plateau et du Jura ne concordaient
pas avec les données de l’IFN. Les modèles pré-
disent des présences de « petits » épicéas surtout
dans la région des Alpes, parfois dans la région
du Napf et sur quelques parcelles du Plateau et
du Jura (fig.3.3.3d), bien que le modèle pour les
« petits » épicéas sur le Plateau calcule un suc-
cès de régénération un peu moins important que
les données de l’IFN. Les modélisations pour les
« grandes » jeunes plantes de hêtre et d’épicéa
coïncident également avec les données de base
(non représentées).
Régénération sous couvert semi-ouvert
À l’échelle régionale, les prédictions sont plus ho-
mogènes lorsque, pour simuler un couvert se-
mi-ouvert, la densité du feuillage (CouvertureFeuil-
lage140) est fixée à une valeur moyenne de 40 %
pour toute la Suisse dans le climat actuel et que
les variables non climatiques restent inchangées
(DHPØ, CouvertureVégétale et BasesS selon IFN).
Ainsi, de « petits » hêtres sont présents dans tout
le Jura et sur tout le Plateau (fig.3.3.3 e). La si-
mulation indique que les zones sèches à basse
altitude du Plateau, les zones à basse altitude du
Jura et le Sottoceneri tessinois sont les seules
régions qui ne conviennent pas aux « petits » épi-
céas, qui sont présents dans toutes les autres ré-
gions (fig.3.3.3 f). Cette simulation de couvert
semi-ouvert représente le potentiel actuel de ré-
génération, par exemple après une intervention
Figure 3.3.4. Régénération prédite à l’échelle de la Suisse, à titre de moyenne de trois modèles basés sur trois scénarios de change-
ments climatiques : « sec », « moyen » et « humide » (A1B), pour 2050 (a–d) et 2080 (e–h). Ces modèles prédisent la régénération du hêtre
(a, c, e, g) et de l’épicéa (b, d, f, h) dans un peuplement semi-ouvert pour des plantes de « petites » (10–39 cm ; a, b, e, f) et « grandes »
tailles (40–129 cm; c, d, g, h). Les couleurs sont choisies de façon analogue à la fig. 3.3.3, mais peuvent prendre des valeurs intermé-
diaires de bleu (présence) à jaune (absence) : bleu clair (présence peu probable) ou vert (présence plutôt improbable).
130
Conséquences des changements climatiques sur la forêt 3
a) Hêtre 10−39 cm − 2050
b) Épicéa 10−39 cm − 2050
c) Hêtre 40−129 cm − 2050 d) Épicéa 40−129 cm − 2050
e) Hêtre 10−39 cm − 2080 f) Épicéa 10−39 cm − 2080
50 km
g) Hêtre 40−129 cm − 2080 h) Épicéa 40−129 cm − 2080
Régénération simulée présence
présence plutôt probable
absence plutôt probable
absence
131
Régénération
trois modèles de présence/absence avec les scé-
narios A1B « sec », « modéré » et « humide » pour
les « petites » et les « grandes » jeunes plantes,
moyenne qualifiée ci-après de succès de régé-
nération. Il peut être noté que la combinaison de
ces trois modèles ne permet pas de résumer l’im-
portance de chaque variable explicative (tels que
leurs effets positif ou négatif sur la régénération et
leurs niveaux de significativité dans les modèles).
Jusqu’en 2050, la régénération sur le Plateau
se modifie peu par rapport à la situation clima-
tique actuelle et les surfaces situées en altitude
deviennent de plus en plus propices pour la régé-
nération. Pour le hêtre, le succès de la régénéra-
tion diminue dans certaines régions du Plateau et
il baisse nettement pour l’épicéa (absences dans
la fig.3.3.4b et d). Au Tessin, le contraste est très
marqué entre la « petite » régénération (unique
-
ment absence) et la « grande » régénération du
hêtre (présence presque partout). Les simulations
montrent qu’une partie des vallées des Alpes cen-
trales du Valais et de l’Engadine conviendront au
hêtre.
Les résultats des modèles prédisent pour
2080 que les « petites » jeunes plantes d’épicéa
et de hêtre ne seront plus présentes (absentes)
sur le Plateau et dans les zones de l’étage mon-
tagnard inférieur des Préalpes. Alors qu’à cette
date, les « petits » hêtres ne seront plus fréquents
et répandus qu’à l’ouest du Jura et à partir de
l’étage montagnard supérieur des Préalpes, le
modèle prédit encore une importante présence
des « grands » hêtres du Plateau jusqu’aux zones
subalpines (fig.3.3.4e et g). On remarque néan-
moins que la présence de « grandes » jeunes
plantes de hêtre n’est plus nettement pronosti-
quée dans les zones inférieures du Plateau (plu-
tôt présent, plutôt absent). Les modèles calculent
souvent des présences du hêtre dans les Alpes
centrales. Les résultats de la distribution de la ré-
génération concordent assez bien avec la simula-
tion des aires de distribution potentielles de cette
essence au stade adulte (chap.3.7, zimmermann
etal. 2016). Ainsi, en 2080, les hêtres seront encore
ou une perturbation, ce qui contraste nettement
avec les cartes de la fig.3.3.3a à d, sur lesquelles
l’absence de régénération est due principalement
au manque de lumière (g
ruBB
1977) dans les peu-
plements forestiers denses. Les surfaces du Pla-
teau que la simulation indique comme non pro-
pices à la régénération du hêtre dans un couvert
semi-ouvert devraient comporter une part élevée
d’épicéa, ce qui a un impact négatif sur la régéné-
ration du hêtre.
La distribution des « grandes » jeunes plantes
est semblable à celle des « petites » jeunes plantes.
Cependant, pour le hêtre, la modélisation prédit
nettement plus de surfaces appropriées, en parti-
culier dans les zones alpines d’altitude (fig.3.3.3g).
Il est intéressant de noter que la modélisation pré-
dit de nombreuses présences de régénération
de « grands » hêtres en Valais – même à des
endroits où il n’existe actuellement pas d’arbres
semenciers –, alors que les « petits » hêtres y sont
presque complètement absents. Cela est probable-
ment dû au fait que les influences négatives de la
sécheresse n’ont pas été tout à fait correctement
paramétrées. Cette régénération assez répandue
de « grands » jeunes hêtres pourrait s’expliquer
par la concurrence pour la lumière des « grandes »
jeunes plantes sous canopée ouverte. Cela est
dû certainement au fait que, dans la majorité des
sites IFN concernés, seules les « grandes » jeunes
plantes d’au moins 40cm étaient établies, surtout
parce que les « petites » plantes atteignent une
hauteur de 10 à 39cm en seulement une année.
Le modèle de distribution des « grands » individus
nous semble par conséquent plus pertinent pour
comprendre et prédire la régénération à l’échelle
régionale. Pour l’épicéa, le nombre de surfaces
avec « grandes » jeunes plantes sur le Plateau est
à peine inférieur à celui des surfaces pour les « pe-
tites » jeunes plantes (fig.3.3.3h versus f).
Régénération avec les changements climatiques
Pour tenir compte des conditions climatiques vers
2050 (fig. 3.3.4 a – d) et vers 2080 (fig.3.3.4 e – h),
nous avons calculé une moyenne des résultats de
132
Conséquences des changements climatiques sur la forêt 3
sences continues qu’aux altitudes plus élevées.
Les schémas de la répartition spatiale de la régéné-
ration des arbres correspondent assez bien à ceux
de la répartition des essences au stade adulte du
chapitre 3.7 (zimmermann etal. 2016).
Les présences (ou absences) signifient que la
combinaison des facteurs convient (ou ne convient
pas) à la régénération de l’épicéa ou du hêtre en
termes statistiques. Les individus qui sont plantés
à des endroits que le modèle qualifie de défavo-
rables peuvent cependant prospérer ou se main-
tenir moyennant des soins appropriés.
Modification de la niche de régénération dans
l’espace et le temps
Pendant la période de végétation, la sécheresse
sera plus fréquente à basse altitude en raison du
décalage saisonnier des précipitations (CH2011
2011). De ce fait, les jeunes épicéas dans les
trouées seront bien plus limités que les jeunes
hêtres, qui développent plus rapidement leurs ra-
cines et peuvent ainsi supporter le manque d’eau
dans les couches supérieures du sol. S’il reste des
populations d’épicéas sur le Plateau, la régéné-
ration n’aura lieu que dans les quelques années
particulièrement favorables sur le plan météorolo-
gique (Savage etal. 2013) ou alors localement se-
lon l’exposition dans les endroits plus frais (B
rang
1998). Étant donné la faible compétitivité des épi-
céas dans les forêts de feuillus (p. ex. W
ohlgemuth
et kramer 2015), la régénération qui a seulement
lieu pendant les années humides ou favorables
(pulse regeneration) ne suffira pas pour des po-
pulations stables. Sans mesures de conservation
ciblées, telles que pratiquées aujourd’hui, l’épicéa
sera très peu présent à basse altitude si le climat
se réchauffe comme prévu. En revanche, la régé-
nération du hêtre sera encore largement répandue
en 2050. En 2080, 30 ans plus tard, les « petits »
hêtres risquent aussi d’avoir des difficultés entre
les zones inférieures et les étages montagnards et
seules les « grandes » jeunes plantes résisteront au
climat sur le Plateau.
très répandus dans les Alpes septentrionales, mais
beaucoup plus rares sur le Plateau.
En 2080, la régénération de l’épicéa sera ab-
sente jusqu’à l’étage montagnard supérieur pra-
tiquement dans toute la Suisse ainsi qu’à des
altitudes plus élevées dans les vallées à foehn
(fig.3.3.4f et h). Les simulations indiquent des
présences dans les Alpes et les parties les plus
élevées du Jura, indépendamment de la taille des
jeunes plantes. Ces résultats correspondent assez
bien à ceux de la modélisation de la distribution
du chapitre 3.7 (z
immermann
etal. 2016). Les deux
simulations prédisent l’absence de cette essence
sur le Plateau en 2080. Les modèles de réparti-
tion prédisent l’absence de l’épicéa dès 2050 au
pied sud du Jura et sur le Plateau, régions dans
lesquelles précisément les résultats pour la régé-
nération prédisent autant sinon plus d’absences.
Même la forte présence dans tout l’espace alpin
– tant en 2050 qu’en 2080 – prédite par les mo-
dèles de répartition du chapitre 3.7 (zimmermann
etal. 2016) correspond aux résultats des modèles
de régénération. Il y a de petites différences dans
le Jura, où les modèles de régénération prédisent
moins de présences que les modèles de réparti-
tion des essences au stade adulte.
Modèle et réalité
Avec des valeurs AUC entre 0,80 et 0,83, les résul-
tats de la modélisation de la régénération dans le
climat actuel coïncident incontestablement avec
les données de régénération et de structures des
IFN 2 à 4 qui les sous-tendent. Les modélisations
calculées avec les valeurs des scénarios clima-
tiques moyens pour 2050 et 2080 aboutissent à
l’absence des jeunes épicéas des deux classes
de hauteur dans les basses altitudes de toute la
Suisse et dans les vallées à foehn des Alpes sep-
tentrionales. D’ici à 2080, les absences atteindront
les étages montagnard supérieur et haut-monta-
gnard. Mais la présence du hêtre diminue aussi en
dessous de 600 à 800m et l’on ne trouve de pré-
133
Régénération
être soumises à d’importants changements de la
composition des essences (White et JentSch 2001).
Les essences pionnières ne sont pas seulement
avantagées en raison de la rapide dispersion des
semences par le vent, mais devraient aussi profi-
ter, plus que les essences principales, de périodes
de végétation plus longues et de la dormance qui
s’affaiblit pendant les mois d’hiver à cause du
réchauffement (lauBe etal. 2014). Les incendies
de forêt influenceront probablement plus les es-
sences que les chablis (Schumacher et Bugmann
2006). Malgré toutes ces considérations, il faut
tenir compte du fait que les grandes surfaces
sinistrées, qui possèdent un potentiel élevé de
transformation, ne représentent qu’une petite par-
tie de la surface forestière totale (SchüePP etal.
1994 ; Wohlgemuth etal. 2015).
Structure du peuplement et régénération
Chaque essence a besoin de lumière durant son
établissement. Cela vaut non seulement pour
les essences pionnières mais aussi pour le hêtre
et le sapin, qui néanmoins supportent l’ombre.
Les trouées induisent une croissance rapide des
jeunes arbres déjà établis, mais elles sont aussi à
l’origine d’un fort réchauffement par rapport au
climat interne à la forêt (von arX etal. 2013), ce
qui augmente le risque de dessèchement tempo-
raire, surtout pendant les phases de germination
et de recrû initial. De nombreux principes de la syl-
viculture proche de la nature (tel que l’évitement
de coupes rases) permettent d’atténuer l’effet des
changements climatiques (Brang etal. 2014). Par
exemple, le concept de forêt permanente poursuit
des objectifs semblables, en mettant encore plus
l’accent sur les mesures qui favorisent le maintien
de canopées aussi fermées que possible (p. ex.
Pommerening et murPhy 20 04 ; huth et Wagner
2013).
Dans un essai sur les « Mesures d’adaptation
de l’économie forestière » dans le contexte des
changements climatiques, kölling (2012) estime
Les résultats des modèles présentés ici
doivent être compris comme la réponse de la régé-
nération à une enveloppe climatique moyenne sur
une parcelle d’environ 2 x 2,5km. Mais qu’est-ce
que cela signifie à l’échelle locale ? Un paysage
topographiquement diversifié offre des alterna-
tives de colonisation, en cas de réchauffement
du climat, comme l’ont montré Scherrer et kör-
ner (2011) pour les plantes des Alpes. Même si les
conditions climatiques se modifient fortement, les
populations d’arbres endémiques devraient pou-
voir continuer à prospérer dans les endroits bien
approvisionnés en eau (W
ohlgemuth
et r
igling
2014). La grande diversité des stations dans tout
le pays devrait permettre même aux petites popu-
lations d’épicéas de persister localement à basse
altitude en cas de réchauffement climatique. L’im-
portance des zones propices locales est étayée
par des études récentes réalisées dans l’Ouest des
États-Unis (S
erra
-d
iaz
etal. 2016). Ces refuges
seront certes sans grand intérêt pour l’économie
forestière, mais la diversité des stations à petite
échelle relativise le risque que des essences dis-
paraissent à l’échelle régionale à cause des chan-
gements climatiques.
Perturbations et régénération
Avec les changements climatiques, le risque d’in-
cendie de forêt augmentera (chap.3.8, P
ezzatti
etal. 2016) et le danger de chablis diminuera à
peine (CH2011 2011 ; Seidl etal. 2014). Comme mo-
Ser etal. (2010) l’ont déjà constaté dans la zone
touchée par l’incendie de forêt de Loèche, il faut
s’attendre à un retard nettement plus marqué de
la régénération sur les surfaces brûlées dans les
Alpes centrales. Tandis que les petites trouées d’un
peuplement, dues à des dégâts épars après une
tempête, devraient continuer de bénéficier de
régénération directe avec des essences du peuple-
ment voisin (kramer etal. 2014), les grandes sur-
faces brûlées ou les grandes surfaces de chablis
ayant fait l’objet d’exploitation forcée devraient
134
Conséquences des changements climatiques sur la forêt 3
2016). Il est donc nécessaire de veiller activement
à ce que la proportion des chênes augmente au
cours des prochaines décennies.
Plusieurs auteurs suggèrent de modifier ac-
tivement la composition des essences des peu-
plements en introduisant des provenances qui
résistent mieux à la sécheresse ou des essences
exotiques (p. ex. Brang etal. 2014 ; léveSque etal.
2015 ; chap. 5.3, Brang et al. 2016). Les prove-
nances méditerranéennes de pins sylvestres et de
pins noirs résistent mieux à la sécheresse durant
la phase de régénération que les pins sylvestres
autochtones (richter etal. 2012) et résistent pa-
reillement au gel (BachoFen et al. 2016). Des
études récentes sur la réaction du pin sylvestre
au stress hydrique ont toutefois montré sa sur-
prenante adaptation aux dessèchements répétés
(BachoFen etal. en prép.). Si les sécheresses es-
tivales devaient devenir plus fréquentes, ce que
l’on observe chez les jeunes arbres pourrait aussi
s’observer chez les arbres plus âgés, à savoir que
les arbres forestiers, en particulier les jeunes in-
dividus, s’adaptent aux sécheresses répétées en
réduisant leur croissance. Cela signifierait que les
arbres ou les peuplements croîtront certes moins
en raison des interactions complexes entre sé-
cheresse et température, mais ne dépériront pas
(p. ex. rigling etal. 2012). L’effondrement de peu-
plements entiers dû à de longues phases de cani-
cule pendant la période de végétation prédit par
différents auteurs (a
llen
etal. 2010 ; m
c
d
oWell
etal. 2016) ne s’est pas encore produit en Suisse,
comme le confirme le travail de Wohlgemuth etal.
(2015) dans un regard rétrospectif sur les dom-
mages subis par la forêt au cours des dernières
décennies.
La régénération : une entrave à la propagation
des essences ?
Les résultats de nos simulations prédisent d’ici
à 2080 une absence généralisée de « petits » épi-
céas (10 – 39cm) sur le Plateau, dans le Jura et le
que 75 % de la forêt bavaroise n’a pas besoin de
faire l’objet d’une conversion sylvicole si la gestion
actuelle est maintenue. Pour 25 % de la surface fo-
restière, une transformation active de la forêt (sur
la base de calculs de modélisation ; kölling etal.
2010), consistant principalement à introduire de
nouvelles essences et à appliquer le principe du
mélange des essences, est nécessaire. Il sera ainsi
possible de réparer les erreurs initiales qui ont été
faites dans le choix des essences.
La régénération des essences souhaitées peut
être optimisée et favorisée pour maintenir les pres-
tations forestières dans le contexte des change-
ments climatiques. Dans les régions où règnent
déjà des conditions sèches, comme les zones infé-
rieures du Plateau, les vallées du Rhin et du Rhône,
ainsi que les vallées situées le long de la partie mé-
ridionale de la chaîne du Jura, il apparaît évident
qu’il faut renforcer les mesures visant à favoriser
les essences appropriées comme le chêne.
Favoriser la régénération
Les chênes – qu’il s’agisse du chêne pédonculé
(Q. robur), sessile (Q. petraea) ou pubescent
(Q. pubescens) – sont considérés en géné-
ral comme les essences indigènes d’avenir les
mieux appropriées aux zones de basse altitude
en Suisse (zimmermann etal. 2006 ; chap.3.7, zim-
mermann
etal. 2016). Cependant, aussi longtemps
que le hêtre sera dominant sur les sols frais et
bien approvisionnés en eau, le chêne ne réussira
pas à s’imposer naturellement à cause de la forte
concurrence (o
tto
etal. 2009). Même dans les
études de modélisation réalisées avec ForClim
simulant des températures plus chaudes de 4 °C, le
chêne ne joue pas non plus un rôle dominant sur le
Plateau (Bugmann 1999 ; Wohlgemuth etal. 2006).
Il n’a pratiquement pas de limites de propagation
car ses semences sont aussi transportées par les
oiseaux, en revanche l’ombre et l’abroutissement
limitent fortement les jeunes plantules (k
uPFer
-
Schmid etal. 2015 ; nuSSBaumer et Wohlgemuth
135
Régénération
des événements extrêmes. Les semenciers situés
en bordure de l’ouverture de la forêt jouent alors
un rôle central.
Les expériences faites jusqu’à présent et
l’exemple de c
orlett
et W
eStcott
(2013) nous
permettent de supposer que les essences ne mi-
greront que lentement parce que la distance de
dissémination des semences est limitée et que les
espèces ligneuses et herbacées sont en compéti-
tion pendant l’établissement. Les conditions de
germination et d’établissement adéquates vont
régresser à basse altitude à cause de la multi-
plication des épisodes de sécheresse, ce qui re-
tardera surtout la régénération dans les grandes
trouées. L’introduction d’essences appropriées
après des interventions forestières et l’évitement
de grandes ouvertures dans la forêt permettent
de réduire le risque de régénération insuffisante.
Nous en déduisons donc que la sylviculture bé-
néficie de manière générale d’une grande marge
de manœuvre.
Conclusions
Dans le scénario d’émissions moyen (A1B), les
niches de régénération du hêtre et de l’épicéa se
décalent nettement en altitude, ce qui signifie que
le hêtre et l’épicéa se régénéreront moins bien,
voire presque plus (épicéa) à basse altitude. Tan-
dis que quelques populations pourront localement
résister aux nouvelles conditions climatiques à
basse altitude dans les endroits offrant des condi-
tions édaphiques favorables, il est probable qu’en
altitude, les deux essences croîtront davantage
qu’aujourd’hui. Les perturbations continueront à
causer localement des dommages importants sur
de grandes étendues, où le potentiel de transfor-
mation naturelle de la forêt sera important. Sur les
petites surfaces sinistrées, la régénération conti-
nuera à se faire directement à partir de semences
provenant de peuplements non touchés. Alors
que, sur les grandes surfaces perturbées, le cli-
mat du peuplement peut devenir défavorable à la
long des Alpes jusqu’à l’étage montagnard supé-
rieur, ainsi qu’une absence quasi totale de hêtres
et d’épicéas dans les vallées à foehn sur le ver-
sant nord des Alpes. Les calculs prédisent aussi
l’absence de hêtre sur le Plateau. Ces schémas
de distribution sont en soi plausibles, mais il est
difficile d’imaginer que ce sera déjà le cas dans
35 ou 65 ans avec les changements climatiques
attendus. Il manque pour cela des exemples ac-
tuels de modification rapide et durable de la forêt
causée par des situations de stress dues au climat.
Il existe certes des signes d’une régénération en-
travée sur les stations les plus chaudes en Valais
(p. ex. pin sylvestre ; moSer et al. 2010 ; rigling
etal. 2013), mais sans études approfondies, les
causes restent souvent incertaines. Quels sont les
processus réels qui mèneraient à un changement
rapide et irréversible de la végétation forestière ?
Les processus qui vont de l’ensemencement à
l’établissement sont-ils une entrave à la continuité
du couvert forestier, ou sont-ils le tournant vers un
changement de la composition des essences ? Les
arbres sont-ils principalement limités par le gel et
la sécheresse durant la phase d’ensemencement
et la phase d’établissement ou bien le sont-ils par
des limites de dispersion ?
Nous ne connaissons pas à ce jour de signe
indiquant une limitation de la disponibilité des se-
mences pour les principales essences de Suisse.
Chez dix essences feuillues étudiées au bord de
leur répartition altitudinale, de petits individus
poussaient en moyenne 73m plus haut que les
arbres semenciers adultes potentiels les plus éle-
vés (vitaSSe etal. 2012). Les essences sont donc
en train de migrer, mais l’établissement dans des
conditions rudes est beaucoup plus lent que sur
les sites plus propices à la croissance (g
ehrig
-
FaSel etal. 2007). À l’inverse, les données de l’IFN
sur la régénération ne fournissent guère d’indices
montrant que les jeunes plantes de différentes
essences cèdent du terrain à la limite inférieure
de leur répartition altitudinale (fig.3.3.1). Actuel-
lement, la majorité des forêts de Suisse se régé-
nèrent naturellement après des exploitations ou
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germination et à l’établissement d’essences pen-
dant les longues périodes de sécheresse, sur les
petites surfaces, les extrêmes météorologiques
seront atténués. La sylviculture peut favoriser des
essences d’avenir au moyen de plantations et de
soins aux jeunes peuplements.
Remerciements
Nous remercions le programme « Forêts et changements cli-
matiques » de l’Office fédéral de l’environnement OFEV et de
l’Institut fédéral de recherches WSL pour le financement des
projets ci-après (direction du projet ; coauteure du chap. 3.3) :
« Trockenheit als limitierender Faktor für An- und Aufwuchs von
Hauptbaumarten : TroLiFa » (T. Wohlgemuth) ; « TroLiFa-Plus »
(B. Moser) ; « ForReg : Waldverjüngung in der Schweiz » (N.E.
Zimmermann ; L. Gallien). Nous remercions les quatre experts
pour leurs remarques critiques sur le texte. Les données de
l’IFN pour la fig. 3.3.1 ont été fournies par M. Küchler. Nos re-
merciements vont également à l’IFN pour l’utilisation des don-
nées sur la régénération et la structure des peuplements, ainsi
qu’à Meteotest pour celles sur le climat, la saturation en bases
et la capacité au champ utile.
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140
Naturwaldreservate sind Schutzgebiete, in denen der
Mensch kein Holz nutzt und die Natur einfach Natur
sein lässt. Das Ökosystem Wald kann sich unbeein-
usst vom Menschen entwickeln – und dabei zeigt sich
eine erstaunliche Dynamik. Diese zu verstehen, ist
für einen wirkungsvollen Naturschutz, eine eziente
Waldbewirtschaftung und die Waldforschung von zen-
traler Bedeutung.
Wie die Walddynamik in den Schweizer Naturwaldre-
servaten seit 1960 abgelaufen ist, worin Naturwälder
sich von bewirtschafteten Wäldern unterscheiden und
inwiefern sie wieder zu Urwäldern werden, zeigt die-
ses Buch auf. Es stützt sich dabei auf Resultate aus
50 Jahren Forschung in Schweizer Naturwaldreserva-
ten und macht diese hiermit erstmals einem breiten
Publikum zugänglich.
Naturwaldreservate sind Schutzgebiete, in denen
der Mensch kein Holz nutzt und die Natur einfach
Natur sein lässt. Das Ökosystem Wald kann sich
unbeeinusst vom Menschen entwickeln – und
dabei zeigt sich eine erstaunliche Dynamik. Diese
zu verstehen, ist für einen wirkungsvollen Natur-
schutz, eine eziente Waldbewirtschaftung und
die Waldforschung von zentraler Bedeutung.
Wie die Walddynamik in den Schweizer Natur-
waldreservaten seit 1960 abgelaufen ist, worin
Naturwälder sich von bewirtschafteten Wäldern
unterscheiden und inwiefern sie wieder zu Urwäl-
dern werden, zeigt dieses Buch auf. Es stützt sich
dabei auf Resultate aus 50 Jahren Forschung in
Schweizer Naturwaldreservaten und macht diese
hiermit erstmals einem breiten Publikum zugäng-
lich.
Brang, Heiri, Bugmann (Ed.) Waldreservate
Waldreservate
50 Jahre natürliche Waldentwicklung
in der Schweiz
Editoren:
Peter Brang, Caroline Heiri, Harald Bugmann
Pluess, Augustin,
Brang (Réd.) Forêts et changements
climatiques
Élévation de la limite altitudinale de la forêt, aggravation des
pullulations de scolytes, mortalité des pins sylvestres dans
les vallées alpines sèches.. . autant de signes qui montrent
que les changements climatiques ont laissé leurs premières
traces. Parce qu’ils ont une longue durée de vie, les arbres
sont particulièrement affectés par la forte hausse des tem-
pératures et les graves sécheresses.
Comment les changements climatiques influencent-ils la ré-
génération, la croissance et la composition des forêts ? Dans
quelle mesure les essences peuvent-elles s’adapter généti-
quement ? Le risque d’incendie évolue-t-il ? Quels sont les
impacts des changements climatiques sur la production de
bois, la biodiversité forestière ou la protection contre les
dangers naturels ? Comment et à quel prix les propriétaires
et les forestiers peuvent-ils, par une gestion adaptée, conti-
nuer à assurer les prestations forestières ?
C’est à ces questions et à bien d’autres que cet ouvrage en-
tend répondre sur la base des résultats du programme de
recherche « Forêts et changements climatiques » de l’Office
fédéral de l’environnement OFEV et de l’Institut fédéral de re-
cherches sur la forêt, la neige et le paysage WSL. L’ouvrage
résume aussi l’état actuel des connaissances à l’intention
des professionnels de la forêt, des propriétaires forestiers et
de toutes autres personnes intéressées.
Institut fédéral de recherches sur la forêt,
la neige et le paysage WSL
ISBN 978-3-258-07996-7
Rédaction
Andrea R. Pluess
Sabine Augustin
Peter Brang
Forêts
et changements
climatiques
Éléments pour des stratégies d’adaptation
Pluess_Wald_Klimawandel_UG_F_NEU_32 mm.indd 1 18.10.2016 11:40:52