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PRATIQUES ENSEIGNANTES ET TRANSMISSIONS DE SITUATIONS D'ENSEIGNEMENT EN ALGÈBRE

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Abstract

À l’occasion d’une recherche centrée sur l’élaboration et la mise en oeuvre d’une séquence d’enseignement en algèbre destinée à des élèves en difficulté (Miranville 2006), nous avons rencontré des difficultés dans la transmission d’une situation d’enseignement pourtant largement diffusée : le « carré bordé » (centrale dans le document d’accompagnement « du numérique au littéral » publié par la Desco en 2007). Nous interrogeons les difficultés rencontrées par l’enseignante dans la mise en oeuvre du scénario tel qu’il était construit par les chercheurs, au regard des marges de manoeuvre qui subsistaient dans les mailles de ce scénario et d’hypothèses sur les routines d’enseignement de l’algèbre instaurées au sein de la classe observée. Ce qui nous renvoie à un questionnement plus général et théorique sur les conditions de diffusion de situations d’enseignement.
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PRATIQUE ENSEIGNANTES ET TRANSMISSIONS
DE SITUATIONS D'ENSEIGNEMENT EN ALGÈBRE
Lalina C
OULANGE
,
DIDIREM Paris 7 et IUFM de Créteil
Brigitte G
RUGEON
,
DIDIREM Paris 7 et IUFM d’Amiens
Résumé. À l’occasion d’une recherche centrée sur l’élaboration et la mise en œuvre d’une séquence
d’enseignement en algèbre destinée à des élèves en difficulté (Miranville 2006), nous avons rencontré des
difficultés dans la transmission d’une situation d’enseignement pourtant largement diffusée : le « carré bordé »
(centrale dans le document d’accompagnement « du numérique au littéral » publié par la Desco en 2007). Nous
interrogeons les difficultés rencontrées par l’enseignante dans la mise en œuvre du scénario tel qu’il était
construit par les chercheurs, au regard des marges de manœuvre qui subsistaient dans les mailles de ce scénario
et d’hypothèses sur les routines d’enseignement de l’algèbre instaurées au sein de la classe observée. Ce qui nous
renvoie à un questionnement plus général et théorique sur les conditions de diffusion de situations
d’enseignement.
Mots-clés. Pratiques enseignantes, algèbre élémentaire, transmission de situations d'enseignement, mise en
œuvre du professeur, gestion des phases d'une séance, collège.
I. Le contexte initial : une recherche autour des difficultés d’élèves de fin
de collège en algèbre
I.1. Problématique initiale
Comme l’indique le titre, le travail sur lequel s’appuie cet article n’avait pas pour objet
premier l’étude des pratiques enseignantes. La recherche en question (Miranville, 2006)
1
s’inscrit à l’origine dans le cadre d’un projet sur l’enseignement et l’apprentissage de
compétences algébriques (projet Lingot, Delozanne et al., 2004, 2006) qui vise à la fois à
diagnostiquer des difficultés d’élèves en algèbre et à outiller les enseignants de situations
d’apprentissage adaptées aux difficultés repérées. Dans ce contexte, le travail de Miranville
(2006) cherchait précisément à cerner des pistes de travail adaptées à des élèves de fin de
collège aux compétences algébriques défaillantes. Nous avons, à cet effet, élaboré un scénario
didactique, c’est-à-dire une suite de situations d’enseignement, afin de faire évoluer les
connaissances de ces élèves de troisième en algèbre. Ce scénario a été mis en œuvre par une
enseignante, que nous appellerons Nicole, dans ses deux classes de troisième, au sein d’un
collège de la banlieue parisienne
2
. Miranville (2006) a étudié l’impact du scénario didactique
ainsi expérimenté sur les connaissances d’une partie des élèves concernés. Cependant, après
1
Mémoire de master de recherches en didactique des mathématiques de Vanessa Miranville, co-encadré par L.
Coulange et B. Grugeon.
2
Collège qui accueille un public d’élèves de classe sociale moyenne.
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nos observations et l’analyse des données recueillies lors de cette expérimentation
3
, il nous est
apparu intéressant de relire ce travail à la lumière d’une autre perspective : la prise en compte
du rôle du professeur Nicole dans la façon dont s’est joué ce scénario didactique. C’est cette
relecture qui fait l’objet de notre propos. Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, il nous faut
présenter brièvement les acteurs de ce « film didactique ».
I.2. Un premier portrait de Nicole et de ses élèves
Les élèves de troisième de Nicole nous sont apparus comme majoritairement en difficulté en
algèbre à la suite de la passation d’un test diagnostique informatisé (logiciel Pépite, autour
duquel notre équipe travaille depuis 2000 ; Grugeon et Delozanne, 2003, Delozanne et al.,
2005). Les résultats à ce test révèlent des difficultés importantes pour la plupart d’entre eux
:
d’une part dans la mobilisation des outils algébriques pour résoudre des problèmes, tant dans
les problèmes de modélisation
/
généralisation que dans des problèmes de preuve, d’autre part
dans l’interprétation et la manipulation même des expressions algébriques.
Ces difficultés paraissent renvoyer pour une part à des conceptions formalistes des écritures
algébriques : les élèves semblent grosso modo voir le calcul algébrique comme une suite de
règles ou de lois, dénuées de signification et peu articulées avec le cadre numérique. Ainsi, les
arguments employés pour valider ou invalider des égalités vraies ou fausses se situent
quasiment toujours dans un registre que nous avons qualifié de « légal » (Normand et al.,
2004)
4
: « il faut faire la somme des coefficients », « on ne peut pas additionner les x et les
nombres », etc., sans presque jamais faire référence au cadre numérique.
Fortes de ce constat, nous avons élaboré, dans le cadre de notre expérimentation, des séances
visant à faire « remobiliser » par les élèves des éléments du cadre numérique, tels que la
notion de contre-exemple pour montrer que l’égalité de deux expressions algébriques est
fausse, afin de redonner du sens aux écritures formelles. Nous avons alors pu constater la
prégnance d’arguments dans le registre légal au sein d’échanges entre certains élèves, qui
acceptaient mal de rentrer dans les nouvelles règles du jeu mathématique.
Ainsi, même si devant l’insistance de sa voisine Estelle, Élise tente effectivement
d’employer un contre-exemple (x = 2) pour invalider l’égalité 3x+5x
2
= 8x
3
, elle ne
semble pas se contenter de cet argument pour conclure : « Ok, mais je fais d’abord la
justification ». Ce à quoi répond instantanément Estelle : « des x et des x
3
ne
s’additionnent pas ».
5
On peut se demander dans quelle mesure cette prégnance d’une vision formaliste de l’algèbre
par les élèves ne vient pas faire écho à des pratiques ou des attentes exprimées par Nicole. En
effet, certaines des interventions de l’enseignante pendant la première séance de
l’expérimentation nous paraissent susceptibles de renforcer ces attitudes d’élèves.
L’extrait qui suit illustre son habitude apparente de mobiliser des arguments d’ordre légal
3
Les séances ont eu lieu courant et fin avril 2006.
4
Les travaux de Normand et al. (2004) ont permis une analyse linguistique fine des arguments produits par les
élèves dans ce contexte et montré des corrélations entre la nature de ces arguments et leurs compétences
algèbriques.
5
Échanges extraits de la transcription des séances de 3
e
A. Les autres échanges sont extraits de transcriptions,
elles aussi issues du mémoire de master de V. Miranville (2006).
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(même si elle essaie visiblement de s’en détacher pour aller vers la notion de contre-exemple
ou un retour à la définition des puissances) :
Toi tu dis que 4a+3a, c’est bien égal à 7a, mais ils sont pas comme ça, vous oubliez les
exposants. Est-ce que vous vous souvenez de quand on a le droit de multiplier les
exposants ? (…) C’est une somme. Ça c’est bien, tu te dis « ça, je me souviens, je sais que
j’ai pas le droit ». Est-ce que tu te souviens pourquoi tu n’as pas le droit ? C’est bien déjà
de savoir que tu n’as pas le droit.
C’est ce type de spécificités des pratiques d’enseignement de Nicole qui nous a paru jouer un
rôle important tout au long de la mise en œuvre de notre scénario didactique et que nous
voulons interroger plus avant.
II. À l’affût d’une nouvelle problématique
Dans le contexte que nous venons de décrire, une série de questions naïves s’est rapidement
posée : Quel est le rôle joué par l’enseignante dans la réalisation du film didactique
correspondant à notre scénario ? En quoi ce rôle répond-il ou non, voire fait-il obstacle, aux
enjeux d’apprentissage visés par ce scénario ? Et finalement, comment permettre à ce
professeur de respecter les enjeux d’un scénario élaboré par des chercheurs, tout en « gardant
la main » sur ses élèves, et en restant fidèle à sa propre pratique enseignante ?
Ces questions, formulées de façon naïve, renvoient de fait à des préoccupations à la fois assez
anciennes et actuelles des chercheurs en didactique des mathématiques, sur la communication
ou la transmission de situations d’enseignement ou de tâches mathématiques dans des
contextes de classes ordinaires.
II.1. Des situations élaborées par les chercheurs… mises en œuvre par les professeurs
Préoccupation ancienne, voire fondatrice, la question théorique de la reproductibilité des
situations d’enseignement s’est posée d’emblée dans le champ de la didactique des
mathématiques, et est de fait le thème central de la thèse de M. Artigue (Artigue, 1984). Cette
même question a joué un rôle fondamental dans le développement de la théorie des situations
didactiques :
Savoir ce qui est reproduit dans une situation d’enseignement est justement l’objet de la
didactique, ce n’est pas un résultat d’observation, mais celui d’une analyse s’appuyant
sur la connaissance des phénomènes qui définissent ce qu’ils laissent invariant.
(Brousseau, 1986)
Cependant, au-delà de ce fil d’interrogation théorique qui a motivé de nombreuses recherches
dans le champ de la didactique, la question concrète de la transmission de situations élaborées
par les chercheurs dans les classes se pose autrement.
La mise en oeuvre d’ingénieries didactiques dans des contextes « ordinaires » a montré ses
limites
: parfois du point de vue des élèves, notamment dans le cas de publics d’élèves en
difficulté (Perrin, 1993) ; mais plus encore, du point de vue des enseignants dont le rôle s’est
montré souvent plus important qu’il n’était prévu par les chercheurs. Initialement, suivant
Margolinas (1999), les recherches présentant des ingénieries didactiques sont restées floues
sur le rôle joué par le professeur :
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Ainsi, en allant chercher les traces de l’activité du professeur dans les articles qui
présentent des ingénieries nous entraîne toujours à la marge de ces textes, dans les “zones
d’ombre” sans doute les moins contrôlées (…). La difficulté qui apparaît dans la dernière
phrase me paraît révélatrice : même dans une revue de recherche, on ne sait pas encore
quels sont les éléments pertinents, minimaux, indispensables à préciser, quand il
s’agit du rôle du professeur. (Margolinas, 1999)
Mais à partir de la fin des années 1980, des travaux mettent en avant le poids important du
rôle du professeur dans la mise en œuvre de situations didactiques, au point de « jeter un
doute sur la possibilité même de leur transmission », selon Margolinas (1999). Cette auteure
précise que cela vient en partie du problème des positionnements respectifs du chercheur et de
l’enseignant. Le chercheur semble négliger ou n’a pas la possibilité de prendre en compte
l’action du professeur en deçà du rôle que celui-ci a à jouer dans la classe, durant l’ingénierie
ou la situation didactique, alors que précisément ce rôle ne pourrait être pensé
indépendamment de son activité sur du plus long terme et de ce qui la caractérise : de ses
coutumes de travail avec les élèves, de ses représentations du savoir mathématique à
enseigner, etc.
Il s’agit sans doute d’un effet de la relation entre un chercheur qui pense se substituer au
professeur qui prépare et un professeur qui serait apparemment réduit à son rôle dans la
classe. Ce type de transmission ne peut être efficace que si ces deux fonctionnements du
professeur étaient suffisamment indépendants (…) ce qui revient à nier l’existence
possible d’une mémoire didactique, en considérant le professeur toujours dans l’instant de
l’action didactique en classe. La prise en compte d’autres dimensions cognitives et
temporelles du professeur semble au contraire nécessaire. (Margolinas, 1999)
Cette incertitude autour du rôle joué par le professeur dans la mise en œuvre de situations
élaborées par les chercheurs a pu en partie ou entre autres
6
inciter une partie d’entre eux à
ouvrir un nouveau champ d’étude autour des pratiques enseignantes en contexte de classe
ordinaire, au sein duquel les recherches abondent depuis plus d’une dizaine d’années.
Toutefois cette thématique n’a pas été reliée à la question de la transmission ou des conditions
de communication de situations d’enseignement élaborées dans le cadre de recherches sur
l’enseignement des mathématiques.
II.2. Mises en œuvre par les professeurs… de situations élaborées par les chercheurs
Quelques recherches font cependant exception et font un lien explicite entre ces deux
questions. Notamment, les travaux de Sensévy et al. (2005) étudient la façon dont deux
enseignants de CM2 mettent en œuvre dans leur propre classe une situation élaborée par Guy
Brousseau : la fameuse « course à 20 » (Brousseau, 1998)
7
.
Les deux professeurs concernés (des enseignants expérimentés du premier degré, maîtres
6
Beaucoup de facteurs peuvent expliquer l’intérêt croissant des chercheurs en didactique des mathématiques
pour l’étude des pratiques enseignantes à partir des années 1990 : notamment leur implication dans la formation
des enseignants au sein des IUFM a joué un rôle essentiel.
7
La course à 20 est un jeu qui oppose deux joueurs. Le premier joueur joue un entier naturel inférieur à 3. Le
deuxième joueur dit un deuxième nombre obtenu en additionnant 1 ou 2 à ce premier nombre. Le premier joueur
dit un troisième nombre obtenu en additionnant 1 ou 2 à ce deuxième nombre… et ainsi de suite… Le joueur qui
dit 20 le premier gagne la partie. La stratégie gagnante découvrir au cours de la situation par les élèves), qui
pourrait être formulée ainsi : « commencer le premier et dire dans l’ordre les nombres 2 ; 5 ; 8 ; 11 ; 14 ; 17 ;
20 », repose sur la division euclidienne.
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formateurs à l’IUFM) ont tout d’abord expérimenté le jeu mathématique de la course à 20.
Les chercheurs leur ont ensuite demandé de mettre en œuvre la situation de la course à 20 (en
les laissant libres d’organiser les situations d’enseignement correspondantes dans leurs classes
respectives), puis d’analyser les données filmiques correspondantes (avec un regard croisé sur
ces données).
L’analyse révèle d’une part que l’un des maîtres utilise deux techniques enseignantes peu
pertinentes au regard des enjeux mathématiques de la situation : comme poser des questions
aux élèves sur ce que pourrait bien signifier le sens des mots « course à 20 », afin de leur faire
découvrir le fonctionnement du jeu à travers ces échanges de « questions-réponses », alors
que ceci est susceptible d’engendrer un glissement métacognitif
8
éloignant les élèves de
l’enjeu véritable de savoir. D’autre part, en visionnant les vidéos correspondantes, on voit que
le deuxième enseignant valorise ces deux techniques enseignantes, à cause de leur caractère
visiblement générique : dépassant potentiellement le champ de la situation d’enseignement
considérée. Sensévy et al. (2005) affirment dès lors :
En fait, la distance est grande entre le point de vue des chercheurs qui sont avant tout
concernés par le sens mathématique spécifique des situations, et celui des enseignants qui
semblent avant tout concernés par la cohérence de leurs activités en classe, et la
pertinence éducative de formes reproductibles d’actions enseignantes. (Traduction de
Sensévy et al., 2005, p. 7)
Pour le dire autrement, les routines ou les techniques d'enseignement routinisables prendraient
aisément le pas sur des techniques enseignantes plus spécifiques à mettre en jeu au sein des
situations élaborées par les chercheurs, ce qui compromet une transmission efficace de ces
situations.
Cette étude renverse en quelque sorte le point de vue initial sur la question de la
communication de situations élaborées par les chercheurs : Sensévy et al. (2005) analysent le
brouillage dans la transmission des situations, dans le but d’étudier des spécificités des
pratiques enseignantes. D’autres travaux relient également ces deux thématiques, mais en
poursuivant un nouvel objectif : cerner les conditions d’une transmission fidèle de situations
d’enseignement.
II.3. Vers les conditions d’une transmission de situations ou de tâches mathématiques ?
Plusieurs auteurs (Bloch, 2000 ; Robert, 2007) sont revenus plus récemment sur les difficultés
de transmission des situations mathématiques élaborées par les chercheurs. À la différence de
leurs prédécesseurs, ils mettent en avant des spécificités de ces situations susceptibles d’en
rendre la transmission particulièrement délicate : elles comportent en particulier une dose
d’incertitude non négligeable, notamment du point de vue de la phase d’engagement des
élèves dans la situation, ou de la gestion didactique de leur activité.
Ainsi, Bloch (2000) oppose-t-elle l’enseignement « classique » tendance magistrale ou
8
Le glissement métacognitif est le remplacement d’une connaissance par un de ses modèles, par une description
en métalangage. L'exemple le plus frappant est probablement celui qui concerne l'usage des graphes dans les
années 60 pour enseigner les structures, (…). Les propriétés ou les objets mathématiques étaient définis par des
prédicats, eux même représentés par des ensembles, représentés par des graphes, eux mêmes par des « patates »,
etc. Chaque niveau avait son langage propre et son métalangage. (Brousseau, 1986)
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« par ostension ») et une situation « comportant des phases adidactiques la dévolution
paraît très difficile à obtenir. » Ce qui recoupe ce qu’affirme Robert (2007) en évoquant les
aides que le professeur pourrait avoir tendance à apporter aux élèves lors du déroulement de
ces situations, découpant les tâches en sous-tâches, courant dès lors le risque d’en détourner le
fonctionnement du point de vue des apprentissages visés :
Par exemple, les situations a-didactiques pour lesquelles le professeur doit au début se
contenter d’observer les élèves, de retenir ce qu’ils font, mais ne doit pas les aider
directement, perdent évidemment de leur intérêt si elles sont gérées avec des aides
permanentes de l’enseignant. (Robert, à paraître)
Une grande part des situations élaborées par les chercheurs sur l’enseignement des
mathématiques à ce jour serait particulièrement difficile à diffuser auprès des professeurs,
du moins sans en payer le prix fort
: d’un accompagnement, voire d’un guidage par les
chercheurs, ou de compétences expertes préalables de la part des enseignants dans la gestion
de ce type de situations.
9
Mais élargissons maintenant notre propos aux situations voire aux tâches
mathématiques plus « ordinaires » : quelles seraient les conditions d’une diffusion la plus
fidèle possible de situations d’enseignement auprès des professeurs ? C’est ce type de
questionnement, allié à une problématique de formation d’enseignants, qui conduit Robert
(2007) à définir le degré de robustesse des tâches, en le caractérisant de la façon suivante :
(…) D’où notre idée d’introduire le deg de « robustesse » des tâches. Il s’agit de
caractériser la manière dont les activités induites par ces tâches peuvent être ou non
influencées par les déroulements. Une tâche robuste donne lieu à des activités possibles,
voire a minima, peu différentes des activités analysées a priori, quelles que soient les
interventions de l’enseignant. La robustesse correspond ainsi à un potentiel de « non
variabilité » des activités attachées à un énoncé. (Robert, 2007)
Ce point de vue nous paraît intéressant dans le sens il élargit la problématique initiale
autour de la transmission de situations d’enseignement, en tentant d’en préciser les
conditions du point de vue de la nature des tâches mathématiques en jeu et non pas
seulement du point de vue des acteurs professeurs ou élèves de ces situations.
Quelles seraient des tâches relativement robustes sans que pour autant celles-ci ne
deviennent totalement simples et isolées ? Et quels pourraient être des critères de robustesse
ou de « non robustesse » des tâches ? Autant de questions qui nous paraissent cruciales tant
du point de vue de la recherche sur l’enseignement des mathématiques que du point de vue
élargi de la conception de ressources pédagogiques (notamment les manuels scolaires),
voire même de la formation initiale et continue qui sous-entendent fréquemment la diffusion
de situations d’enseignement.
II.4. Retour à notre questionnement
À la lueur de ces réflexions sur la transmission de situations d’enseignement des
mathématiques développées ci-dessus, il nous semble intéressant de reformuler nos
questions initiales de la façon suivante.
9
Toutes choses que Bloch (2000) essaie de cerner en modélisant la situation du professeur au sein de situations
d’enseignement comportant des phases adidactiques.
11
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Du point de vue des caractéristiques des situations d’enseignement concernées :
Comment caractériser le degré de robustesse des tâches mathématiques qui composent le
scénario didactique élaboré en vue d’un enseignement de l’algèbre adapté à des élèves en
difficulté ? Notamment, est-il possible de déterminer a priori des passages plus ou moins
obligés du déroulement des situations d’enseignement en fonction des enjeux
d’apprentissage et des difficultés prévisibles des élèves ? Ou à l’opposé, des zones
d’incertitudes pour lesquelles le déroulement demeure potentiellement variable, ou plus
sujet aux décisions du professeur et de ses élèves ?
Du point de vue des pratiques enseignantes :
Quels sont les éléments des pratiques enseignantes susceptibles de jouer un rôle majeur dans
la mise en œuvre de ce scénario didactique ? Et parmi ces éléments : quelles routines
pédagogiques ou spécifiquement liées à l’enseignement de l’algèbre ? En particulier, quels
choix du professeur pendant le déroulement, à travers les modalités de travail ou les aides
proposées, peuvent-ils modifier le déroulement envisagé et les apprentissages visés ? Mais
aussi, quelles représentations de l’enseignement de l’algèbre, quelles contraintes extérieures
liées au travail réel de cette enseignante dans son établissement, peuvent-elles influer sur
l’évolution du scénario didactique prévu par les chercheurs ?
10
La méthodologie qui a guidé les analyses qui vont suivre (autour d’une situation
d’enseignement issue de notre scénario didactique) découle de ce double axe de
questionnement. Elle consiste tout d’abord en une analyse a priori de la situation
: un peu
particulière car conduite plutôt du point de vue du rôle joué par l’enseignant, que des élèves
ou du savoir en jeu.
11
C’est-à-dire que nous cherchons à travers cette analyse à préciser le
potentiel de variabilité de l’activité du professeur au cours de certaines phases prévues dans
le déroulement de cette situation
; ce qui n’est pas étranger à une tentative de caractérisation
du degré de robustesse des tâches mathématiques mises en jeu : nous mettrons en
perspective cette dimension privilégiée de notre analyse a priori de l’activité ou des
apprentissages des élèves susceptibles de résulter des actions enseignantes. Puis notre
analyse a posteriori du déroulement effectif de cette situation consistera à étudier comment,
dans le déroulement effectif de cette situation, l’enseignante a investi ces marges de
manœuvre, les zones d’incertitude correspondantes. Nous tenterons également de dépister
comment ses actions peuvent être justifiées au regard de routines, voire de régulations, dans
ses pratiques.
III. Étude autour d’une situation emblématique : le carré bordé
Dans le cadre de notre scénario didactique, à la suite d’une première phase destinée à
déstabiliser les connaissances erronées en algèbre (en revenant sur l’interprétation des
écritures algébriques dans le cadre numérique ou dans le cadre géométrique), nous avons
envisagé la mise en œuvre d’une séance inspirée d’une situation d’apprentissage élaborée
10
Nous reprenons la description proposée par Robert (2007) pour approcher les pratiques enseignantes en
imbriquant deux points de vue : celui des apprentissages des élèves à travers leurs activités et celui du métier à
travers les déterminants extérieurs, institutionnels et personnels rendant compte du travail réel.
11
Nous reprenons l’idée des différentes dimensions à distinguer dans une analyse a priori approfondie de
situations d’enseignement dans un contexte « ordinaire », avancée par Sensévy et al. (lors d’une intervention au
séminaire national en 2007) : du point de vue du professeur, des élèves et du savoir mathématique.
12
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dans le cadre d’une recherche et d’une expérimentation autour de l’enseignement de l’algèbre
(Combier et al., 1997) : « le carré bordé ».
La tâche ou le problème mathématique sur lequel se base cette situation consiste à établir une
formule qui permet de calculer le nombre de carreaux grisés de la bordure, quel que soit le
nombre de carreaux du côté du carré blanc :
Conçue à l’origine pour initier des élèves de sixième à la production d’une formule
algébrique, cette situation est devenue assez emblématique d’une partie des nouvelles
attentes officielles de l’enseignement de l’algèbre au collège (concernant notamment la
production et l’usage de formules). On voit effectivement réapparaître le « carré bordé »
dans le document d’accompagnement intitulé : « du numérique au littéral » (Desco, 2007).
Les auteurs de ce texte élargissent l’emploi potentiel de cette situation du début à la fin du
collège : en évoquant la possibilité de produire la formule s’appuyant sur la notion d’aire,
telle que
n
2
– (n–2)
2
,
avec n le nombre de carreaux du côté du carré « global », de montrer
l’équivalence entre les différentes formules produites en faisant appel aux connaissances sur
le développement et la factorisation, etc.
Il nous a semblé pour notre part intéressant de l’employer dans le contexte présent, pour
élaborer une situation d’enseignement adaptée à des élèves de fin de collège en difficulté en
algèbre, et ce pour différentes raisons :
Dans sa version d’origine, le problème du « carré bordé » peut permettre de prouver la
nécessité d’utiliser une lettre en tant que variable dans la production d’une formule pour
modéliser/généraliser une situation et en cela, redonner une signification nouvelle aux
expressions algébriques (apparemment dénuées de sens pour de nombreux élèves de
troisième des deux classes de Nicole) comme programme de calcul du nombre de
carreaux de la bordure grisée ou comme différence d’aires de deux carrés.
Suivant les prolongements envisagés dans le projet document d’accompagnement, le
travail sur l’équivalence des différentes formules produites par les élèves peut permettre
un retour sur le travail technique de transformation des expressions algébriques
(développement / factorisation) dans un contexte de modélisation.
Préambule : un manque méthodologique lié au glissement de problématique
Précisons que nous ne disposons pas de données objectives concernant la façon dont le
scénario prévu par les chercheurs autour « du carré bordé » a été présenté à Nicole ; exception
faite de la feuille d’activité qui lui a été transmise (jointe en annexe) et qu’elle a reprise telle
quelle. Nous avons certes des souvenirs quant à la façon dont la situation d’enseignement a
été présentée, communiquée à l’enseignante au fil d’entretiens menés avec elle (pour lui
présenter à la fois l’ensemble de l’expérimentation envisagée, les résultats de ces élèves au
13
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test, le scénario didactique élaboré, etc.). Mais nous ne disposons d’aucune donnée vidéo ou
audio relatives à ces entretiens.
Cela représente un manque méthodologique certain et dans le cadre d’une recherche qui
viserait d’emblée à cerner le rôle du professeur dans la transmission de situations
d’enseignement, nous aurions procédé différemment. Mais rappelons que la problématique
initiale du travail engagé ne concernait pas la façon dont un enseignant pouvait s’approprier
ce scénario et le mettre en œuvre.
La seule chose que nous pouvons raisonnablement affirmer, c’est que la deuxième auteure à
qui cette tâche incombait s’est efforcée de « faire au mieux » dans le temps et le cadre
impartis. Son objectif était bien sûr que Nicole s’approprie le scénario prévu par les
chercheurs et y reste la plus fidèle possible, ou préserve les enjeux didactiques essentiels :
notamment ceux liés à la fonctionnalité de l’algèbre comme outil de modélisation.
III.1. Analyse a priori de la situation « carré bordé » du point de vue du professeur
Nous décrivons le scénario prévu par les chercheurs de la situation d’enseignement « le carré
bordé », tout en présentant une analyse a priori du point de vue du professeur, autour de
certaines étapes.
12
III.1.1. Dévolution du problème, vers la recherche de procédures numériques
Voici l’énoncé qui a servi de support à la première étape du scénario :
1. Quel est le nombre de carrés en bordure des trois carrés ci-dessous ?
Carré 2
Carré 3 Carré 7
Cette étape doit permettre une présentation du problème du carré bordé à partir de quelques
cas particuliers « simples »
13
: les carrés 2, 3 et 7. Ce choix de valeurs numériques
raisonnables doit permettre aux élèves des stratégies de base qui peuvent aller du
dénombrement à partir des figures représentées, à des premières stratégies de calcul
numérique du type 4 × 7 + 4 ou 4 × (7 + 1), etc. Même pour des élèves de fin de collège,
12
Nous avons dans les faits élaboré cette analyse a priori, après observation des séances mises en œuvre dans la
classe de Nicole. Notre projet initial n’étant pas d’étudier le rôle du professeur, elle n’a d’ailleurs pas été
précédée d’une analyse préalable (avant déroulement) faite du point de vue de l’enseignant. Mais comme toute
analyse a priori, elle n’en demeure pas moins un outil théorique destiné à démêler ce qui relève du nécessaire et
du possible dans le déroulement d’une situation didactique.
13
Dans le document d’accompagnement, la variable implicitement mise en avant n’est pas le nombre de
carreaux du côté du carré « global » mais le nombre de carreaux du côté du carré blanc.
14
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cette étape nous paraît essentielle pour que les élèves s’approprient le problème posé et
entrevoient des premières stratégies numériques.
Le rôle du professeur lors de cette phase, à travers les tâches qu’il peut proposer, reste assez
ouvert. Les difficultés prévisibles du côté de la recherche de stratégies pour les élèves sont
certes limitées (la stratégie de base par le dénombrement étant toujours accessible) et la
dévolution des tâches correspondant à la première question de l’énoncé en est certainement
facilitée. Le temps accordé à cette phase doit dès lors rester limité (5 minutes tout au plus).
Mais l’enseignant peut par exemple faire reformuler ou non les questions par les élèves pour
expliciter « les carreaux en bordure », les interroger dès cette première phase sur ce que
signifie les intitulés « carré 2 », « carré 3 », pour engager davantage les élèves dans la
dévolution du problème générique du carré bordé, en leur faisant notamment pressentir la
variable implicitement mise en avant : le nombre de carreaux du côté du carré blanc.
III.1.2. Recherche d’une procédure numérique dans un cas plus complexe
La deuxième question posée aux élèves est la suivante :
2. Quel est le nombre de carrés en bordure du carré 56 ?
Cette question est destinée à conduire les élèves à dépasser le cap des stratégies de
dénombrement éventuellement conservées lors de l’étape précédente : la représentation du
carré 56 n’étant pas fournie et étant fastidieuse, les élèves doivent certainement abandonner la
procédure de dénombrement et mettre en œuvre des procédures de calcul numérique, qui
peuvent être du type : 4 × 56 + 4 ; 4 × (56 + 1) ; 2 × (56 + 2) + 2 × 56 ; (56 + 2)
2
– 56
2
.
Suivant ce que l’enseignant a ou non mis en avant lors de l’étape précédente, il pourra ou non
s’attarder avec eux sur ce que signifie l’intitulé « carré 56 » afin de s’assurer de leur
compréhension de la situation générique à modéliser par la suite, laisser du temps de
recherche aux élèves ou les accompagner dans la production des formules avec un guidage
plus ou moins important appuyé sur des stratégies développées à la question précédente.
En ce qui concerne les stratégies de calcul numérique mises en œuvre par les élèves dans le
cas d’une phase de recherche, le professeur peut choisir de s’y attarder plus ou moins :
décider de les rendre publiques à l’oral ou à l’écrit (en faisant apparaître les écritures
correspondant aux calculs), d’amener l’ensemble de la classe à les valider ou à les invalider
ou à l’opposé, de les laisser dans la sphère du travail individuel ou par binômes d’élèves.
Cette phase apparaît donc assez ouverte du point de vue du professeur, alors qu’elle paraît
cruciale pour la suite de la situation d’enseignement : en effet, il s’agit bien ici d’aménager un
milieu suffisamment riche, constitué en partie des différentes expressions numériques et de la
formulation des stratégies de calcul sous-jacentes liées au contexte, afin de faciliter la
production d’une formule algébrique et sa validation dans l’étape qui va suivre.
III.1.3. Passage à la formule
La question censée inciter le passage à la formule est la suivante :
3. Quel est le nombre de carreaux en bordure de « n’importe quel carré » ?
En réponse à cette question, les élèves peuvent produire soit des formulations en langage
naturel (du type « multiplier le nombre de carreaux d’un côté du carré blanc par 4 et ajouter
15
Petit x
78
4 »), soit des formules algébriques diverses, correspondant dans tous les cas aux calculs
effectués à l’étape précédente : c’est dans ce sens que le résultat des actions d’élèves lors de la
phase « carré 56 » sert de point d’appui lors de cette phase. Dans le cas présent, on peut
penser que le contexte (classe de troisième, travail qui vient à la suite de séances dédiées à un
travail autour les expressions algébriques) favorise la mobilisation d’une variable pour
généraliser et la production de formules algébriques. Ces formules peuvent dès lors être de
différents types : 4x + 4 ; 4(x+1) ; 2(x+2) + 2x ; (x + 2)
2
x
2
. Notons que si l’enseignant ne
donne pas d’indication à ce sujet, ces formules peuvent impliquer l’usage de différentes
lettres : x, n, etc., selon les élèves ou les groupes d’élèves concernés. Ceci pourrait dès lors
être l’occasion d’établir le fait que le choix d’une lettre pour désigner une variable donnée
importe peu (lors d’une phase de mise en commun des différentes formules).
Parce qu’il dépend en partie du déroulement des étapes précédentes et repose sur les enjeux
fondamentaux de la situation pour l’enseignant, le rôle du professeur pendant cette phase
paraît à la fois crucial et très ouvert : comment va-t-il engager les élèves dans cette
généralisation, dans la production d’une formule algébrique via l’utilisation d’une lettre-
variable (sans toutefois forcément la donner) ? Va-t-il s’appuyer sur les expressions
numériques produites à la question précédente et le rôle de 56 comme nombre générique ?
Quel temps va-t-il attribuer à la production des formules ? Comment va-t-il invalider ou
valider les formules : en s’appuyant sur d’éventuels contre-exemples, par des allers-retours
avec la situation à modéliser, ou en proposant des arguments plus formels (concernant
l’interprétation des expressions en particulier le parenthésage, les priorités des opérations en
jeu, etc.) ? Comment organisera-t-il une éventuelle mise en commun autour des différentes
formules produites par les élèves ?
Une partie du rôle du professeur n’est pas non plus sans lien avec le déroulement
envisageable pour la dernière phase de la situation, centrée sur un questionnement relatif à
l’équivalence des formules produites par les élèves.
III.1.4. Équivalence de formules
Cette dernière phase ne fait l’objet d’aucune question de l’énoncé. Elle correspond toutefois à
un enjeu important de la situation : prouver l’équivalence des expressions algébriques
produites en amenant les élèves à mobiliser leurs connaissances sur le calcul littéral.
encore, le déroulement de cette étape dépend fortement de celui des phases précédentes,
des formules qui auront été produites et rendues publiques. On peut envisager des marges de
manœuvre non négligeables pour le professeur, selon les objets de savoir algébrique qu’il peut
choisir de mettre en avant. Notamment, il peut mettre l’accent sur le développement (qui
permet aisément de prouver que 2(x+2) + 2x = 4x+4, mais aussi, au travers des par les
identités remarquables, que (x+2)
2
x
2
= 4(x+1) ) ou sur la factorisation (qui permet aisément
de prouver que 4x+4 = 4(x+1) mais rend sans aucun doute la tâche plus délicate pour prouver
l’équivalence entre les autres formules). Ce choix dépendra certainement et fortement du
travail en cours dans la classe sur le calcul algébrique.
III.1.5. Conclusions de l’analyse a priori du point de vue du professeur
L’analyse a priori de la version de situation du « carré bordé » présentée ci-dessus, du point
de vue du professeur, révèle des zones d’incertitude importantes lors des différentes phases
16
Petit x
78
envisagées dans le scénario didactique suggéré par les chercheurs. Cette situation conserve
certes une part de robustesse du point de vue des procédures susceptibles d’être mises en
œuvre par les élèves, lors des principales étapes considérées : dénombrement ou calcul
numérique, production de formules algébriques. Mais le professeur conserve des marges de
manœuvre non négligeables dans le déroulement des premières étapes, relatives à la
dévolution de la situation générique à modéliser : notamment, quelle place accorde-t-il aux
premières stratégies de dénombrement ou de calcul numérique, considérées comme
nécessaires pour l’appropriation de cette situation ? Quel temps y consacre-t-il ?
La phase de production des formules algébriques qui suit sera en partie contrainte par le
déroulement des étapes précédentes, en particulier les tâches et les modalités de travail mises
en place par le professeur (part du travail individuel ou collectif, nature des interventions du
professeur). Mais quoiqu’il en soit, encore, le professeur garde une marge de liberté : au
travers d’indications données ou non en amont de la production d’expressions algébriques
(comme indiquer qu’il s’agit d’utiliser une lettre-variable, préciser le choix d’une lettre
donnée, etc.) susceptibles d’influer sur les apprentissages visés. Enfin la façon dont
l’enseignant se saisit des formules algébriques produites par les élèves (la mise en commun, la
validation, etc.) et organise le travail en aval sur l’équivalence de ces expressions littérales
peut également varier et avoir des répercussions importantes sur les apprentissages des élèves.
Remarquons que les zones d’incertitude prévues autour de la situation « carré bordé » par
notre analyse a priori du point de vue de l’enseignant, correspondent à des phases-clés par
rapport aux processus de dévolution de la situation et d’institutionnalisation des
connaissances en jeu. Dès lors, elles sont susceptibles d’avoir un impact non négligeable sur
les apprentissages potentiels d’élèves dans la situation d’enseignement correspondante.
Voyons maintenant comment l’enseignante observée dans le cadre de notre recherche, Nicole,
investit singulièrement ces espaces de liberté, lors de la mise en œuvre de la situation du carré
bordé dans une de ses classes de troisième, identifiée comme 3
e
A.
III.2. Analyse a posteriori de deux réalisations du carré bordé : le rôle de Nicole
III.2.1. Première mise en œuvre dans la Troisième A
a. Dévolution et stratégies de base « zappées » ?
D’emblée, lors de sa première intervention dans la classe de 3
e
A, Nicole modifie le scénario
didactique prévu par les chercheurs. Elle écrit simultanément les deux premières questions de
l’énoncé, et annonce qu’il s’agit de « trouver une méthode pour compter les carreaux en
bordure du carré 56. ». Dès lors, on peut penser que les élèves s’interdisent le dénombrement
(première stratégie de base) même pour les cas simples, pour répondre aux attentes explicitées
par l’enseignante
: trouver une méthode de calcul généralisable. Mais on peut faire
l’hypothèse que cela gêne la dévolution de la situation pour une partie des élèves (qui
n’entrevoient pas précisément l’intérêt de trouver des stratégies de calcul numérique pour les
premiers cas de carrés bordés).
Quoiqu’il en soit, Nicole laisse peu de temps de recherche et envoie très rapidement des
élèves au tableau expliquer leurs calculs en réponse au cas du « carré 4 » ; soit, dans l’ordre
de leurs interventions :
17
Petit x
78
Yohan, qui produit le calcul 2 × 4 + 4 ;
Géraldine, qui explicite une stratégie mixte, entre calcul et dénombrement : elle
calcule l’aire du « grand » carré auquel elle retranche les 4 carreaux dénombrés qui
constituent le « petit » carré 4 × 4 – 4 ;
Elise, qui produit le calcul (2+1) × 4.
Si elle prévoit visiblement dans un premier temps de détailler les stratégies de calcul pour le
« carré 3 », une simple remarque d’élève (« Mais c’est la même chose madame ») conduit en
apparence à une régulation spectaculaire de l’action de l’enseignante qui détourne fortement
le scénario didactique prévu. Elle ne revient pas sur les carrés 3 et 7, ni ne laisse de temps de
recherche personnelle autour de la question de l’énoncé concernant le « carré 56 » : Nicole
envoie des élèves au tableau et prend en charge la généralisation des méthodes entrevues sur
le carré 4 au carré 56 (voire à d’autres cas numériques évoqués à l’oral) en leur dictant
quasiment tout le détail des calculs correspondants.
Nicole : On va voir. Xavier, viens appliquer ça (en montrant le calcul de Yohan) pour le
carré 56. Comment on peut faire ? La longueur c’est quoi ? 56 (…) Donc voilà son
raisonnement, c’est de dire « j’ai cette barre là 4 fois, si elle fait 56, elle fait 56, si elle fait
38, elle fait 38, si elle fait 1 million, elle fait 1 million, on s’en fiche et ensuite, il rajoute 4
coins. Donc tu marques 56 × 4 + 4. (…)
Les questions de Géraldine mettent en évidence que la stratégie mobilisée par Xavier n’a
certainement pas été reconnue par d’autres élèves :
Géraldine : Le côté c’est 56, c’est çà ? Pourquoi 56
fois
4 ? Ah oui, c’est les 4 côtés. Ben
non.
Nicole : Donc finalement, tu trouves 228, pas 224.
Géraldine : Pourquoi fois 4 ? Ah ! Il y a 4 côtés, oui.
Nicole : Tu fais la longueur du carré blanc 4 fois, donc c’était 56, ça aurait pu être 38, je
sais pas moi. Plus on y rajoute les 4 coins.
L’épisode relatif à la tentative de généralisation de la méthode « par les aires » de Géraldine,
fortement guidée par l’enseignante, montre aussi que cette généralisation ne va pas de soi
pour certains élèves :
Samantha passe au tableau. Nicole :
L’aire du grand carré, elle vaut combien ?
Samantha : Longueur au carré.
Nicole : Oui, mais combien vaut la longueur ? 56. Donc 56+2 au carré, 58 au carré. Et le
petit carré ? Le petit carré, il a pour côté 56. Son aire ?
Samantha : Si le côté est de 56, eh ben son aire, elle est de … 54 ?
Nicole : L’aire d’un carré c’est quoi ? Côté au carré. Si le côté fait 56 ?
Samantha : 56 au carré ?
Samantha écrit (56+2)
2
56
2
,
mais dit qu’elle ne comprend rien. Nicole réexplique la
méthode de Géraldine.
Lors de cette première mise en œuvre du « carré bordé » en troisième, l’enseignante observée
passe donc très rapidement sur les phases consacrées à la recherche de stratégies de base de
dénombrement et de calcul numérique. Nicole prend dès lors une grande part du travail
numérique attendu à sa charge, semblant en sous-estimer nettement le rôle du point de vue
d’une dévolution satisfaisante de la situation (pour permettre aux élèves de dégager les
stratégies de calcul liées au contexte correspondant aux expressions numériques et
18
Petit x
78
généralisables dans le cadre algébrique) et du point de vue des élèves qui se retrouvent
contraints de suivre les explications de leur professeur.
De fait, l’activité dans le cadre numérique devient un prétexte à faire saisir aux élèves ses
attentes, en amont du travail algébrique technique à venir. Ainsi, à la suite de l’épisode
retranscrit ci-dessus, Nicole va-t-elle demander à l’élève envoyée au tableau d’utiliser les
identités remarquables pour développer l’expression numérique (56+2)
2
–56
2
et effectuer le
calcul numérique correspondant.
b. Production forcée et guidée de formules
L’enseignante introduit l’étape centrée sur la production des formules par un assez long
discours qui, d’une part, met en avant l’enjeu de la toute dernière phase du scénario
didactique à venir ensuite (prouver l’équivalence des expressions algébriques
correspondantes) puis qui, d’autre part, donne une indication sur la lettre-variable x à
employer pour produire ces formules. De plus, Nicole, au vu de la réaction de la classe,
semble vouloir relier le travail en cours dans la séance au travail mené dans le cadre d’un
devoir à la maison, à savoir, choisir l’écriture d’une expression la plus adaptée en fonction du
calcul visé. Elle s’appuie ainsi sur la mémoire de la classe pour tenter de remobiliser les
élèves et de les enrôler à partir d’une intervention collective : d’où le long monologue non
envisagé a priori.
Nicole : Il y a quelqu’un qui a dit c’est plus long, c’est plus compliqué, selon les
expressions, donc on n’a pas encore vu si elles étaient équivalentes, il vous faudra choisir
celle qui vous permet d’obtenir un calcul le plus rapide possible. Aujourd’hui,
apparemment, il y en a qui sont un peu plus rapides quand on regarde le détail des calculs.
Dans le devoir maison, vous avez une expression, quand on vous demande de développer
l’expression, ça fait une autre formulation, quand on vous demande de la factoriser, cela
fait une autre formulation, et ensuite on vous demande de faire le calcul pour x = –2, je
crois dans votre devoir maison. Eh bien à vous de choisir la bonne expression qui va au
plus vite pour vous, au plus simple pour vous. Est-ce que je prends la 1
re
expression :
l’expression développée, l’expression factorisée ? (…). Maintenant, on vous demande de
faire ce travail quand le côté vaut x. J’avais déjà bien avancé le travail en essayant de
commenter chaque nombre, expliquer ce que représente chaque nombre.
encore, à la suite de cette intervention, c’est sur le mode collectif et très rapidement que
Nicole gère dès lors la production de ces formules : elle envoie une « bonne » élève au
tableau qui réussit à écrire les expressions x × 4 + 4 et (x+1) × 4, et qu’elle guide pas à pas
dans l’écriture de l’expression correspondant à la méthode « des aires ».
À travers cet épisode, l’introduction de l’algèbre pour modéliser la situation du « carré
bordé » n’a pas été clairement problématisée pour les élèves : l’enseignante observée ne
permet pas à la production d’expressions algébriques de venir répondre à un véritable
questionnement mathématique, mais plutôt à ses interventions didactiques. Mais comme
l’extrait de discours cité ci-dessus le suggère, pour Nicole, le principal enjeu de la séance ne
se situe sans doute pas dans la production de formules pour modéliser une situation : il paraît
plutôt lié à la dernière étape prévue dans le scénario didactique, relative au travail sur
l’équivalence entre les expressions littérales. Ceci explique le survol de l’étape de production
d’expressions algébriques pour en venir plus rapidement à travailler la technique, ici motivée
par la question de l’équivalence des expressions.
19
Petit x
78
c. Vers un travail « technique » autour de la factorisation
L’analyse de l’épisode de cette séance, correspondant à la dernière phase prévue dans notre
scénario didactique révèle plusieurs faits marquants. Tout d’abord, le peu d’allers-retours avec
la situation « carré bordé » qu’il s’agissait à l’origine de modéliser ; mise à part une
intervention brève destinée à lancer cette phase
:
Nous, en essayant de raisonner sur la figure, on a trouvé trois expressions différentes
permettant de calculer le nombre de carreaux en bordure. Effectivement pour montrer
qu’elles sont équivalentes, tu peux peut-être développer ou factoriser certaines… ,
l’enseignante n’y fait plus du tout référence par la suite.
D’autre part, Nicole incite rapidement les élèves à factoriser deux des expressions produites,
notamment celle correspondant à la méthode « par les aires », (x+2)
2
x
2
, en s’aidant d’un
formulaire autour des identités remarquables ; elle va jusqu’à préciser l’identité en jeu :
Nicole : a
2
b
2
. La fiche rose. Essaie de me le factoriser. Toute la classe, essayez de
factoriser. (…) Vous essayez de factoriser : vous indiquez quelle formule, la 3
e
identité
remarquable. Elle a reconnu qu’elle avait cette somme-là a
2
b
2
, c’est-à-dire la différence
de deux carrés. Ça, ça fait partie de vos compétences exigibles, donc essayez. Vous avez
la formule sous les yeux.
Cet épisode montre encore l’importance accordée par Nicole à relier cet épisode aux
compétences exigibles en fin de la classe de troisième. À la suite de cette intervention, les
élèves disposent d’un temps de travail individuel dédié à la factorisation de (x+2)
2
x
2
, et de
4x + 4, pendant lequel Nicole passe dans les rangs, donnant des aides plus ou moins adaptées
aux élèves en difficulté
14
.
Au final, en l’absence de lien explicite avec la problématique de modélisation de la situation
« carré bordé », on peut se demander s’il subsiste une différence entre le travail effectué par
les élèves pendant cette phase de la séance et l’accomplissement de tâches simples et isolées
autour de la factorisation.
d. Conclusions autour de cette première mise en oeuvre
L’analyse a posteriori de l’ensemble de cette séance sur le carré bordé révèle un écart
marquant entre le scénario didactique projeté par les chercheurs et sa mise en œuvre par
l’enseignante observée. Nicole accorde finalement très peu de temps à des phases pourtant
cruciales pour la dévolution de la situation (correspondant à la recherche de stratégies
numériques sur des cas simples et un cas plus complexe), ou nécessaires en vue d’une
problématisation de la démarche de modélisation algébrique : elle gère ces phases de façon
essentiellement collective, en guidant fortement le travail d’élèves envoyés au tableau.
Pour l’enseignante, l’enjeu prépondérant de la situation « carré bordé » est visiblement le
travail formel permettant de prouver l’équivalence entre les expressions littérales,
correspondant à la toute dernière phase de l’activité, enjeu d’ailleurs rappelé en cours de
14
Pour aider Fanny dans la factorisation de 4x+4, Nicole fait appel au cadre des grandeurs et au calcul d’aires de
rectangles vu lors de la séance précédente : « c’est le petit rectangle de 4 sur 1. Donc, si tu prends 4, il reste 1…
c’est comme si t’avais l’aire d’un rectangle de côtés x et 4, 4 tout seul, c’est l’aire d’un rectangle de côtés 4 et 1,
c’est pour ça qu’on met toujours le 1 ». Ce qui dans ce contexte est une aide maladroite car susceptible
d’engendrer un brouillage supplémentaire avec la situation initiale « carré bordé ».
20
Petit x
78
séance en écho au travail demandé en devoir à la maison (cf. III.2.1.b) : c’est l’unique étape
pendant laquelle elle laisse les élèves travailler individuellement. L’enseignante ne semble pas
entrevoir l’intérêt du travail prévu en amont pour donner une signification aux expressions
algébriques que les élèves manipulent : elle ne fait pas référence à la situation à modéliser ;
ses injonctions se font essentiellement sur un mode légal ; il s’agit d’appliquer des gles
formelles de calcul algébrique (du type « identités remarquables ») :
Nicole : Tout d’abord, est-ce que t’as bien une somme pour avoir le droit de factoriser ?
Est-ce que ceci est une somme ou un produit ?
(...) Nicole : Ce sont trois expressions différentes, et on voudrait trouver un moyen de
prouver qu’elles sont équivalentes. La première expression c’est une somme, donc on
peut peut-être envisager de la mettre sous forme de produit, il y a un facteur commun, la
deuxième c’est une différence de deux carrés, on reconnaît une identité remarquable.
On peut penser que ce décalage provient du fait que la situation « carré bordé » (telle qu’elle
est pensée à l’origine) est inhabituelle pour ce professeur, tant du point de vue des
connaissances algébriques qu’elle est censée mettre en jeu (démarche de modélisation
algébrique, production de formules),
Nicole : (...) c’est pas parce qu’on fait pas comme d’habitude qu’il faut essayer de ....
que d’un point de vue plus pédagogique : relativement à la question de la gestion du temps, à
la nécessité d’articuler toute séance avec le travail en cours pour assurer l’avancée du temps
didactique en lien avec les enjeux de cette classe d’examen, à la place de l’activité des élèves
dans ce type de situations, à la façon de se saisir de cette activité lors de mises en commun.
III.2.2. Éléments autour d’une deuxième mise en œuvre en Troisième B
Peu après cette première expérimentation, Nicole a à nouveau mis en œuvre la situation du
carré bordé dans sa deuxième classe de Troisième (identifiée comme 3
e
B). Mais le scénario
prévu n’a pu être mené à terme : l’enseignante a commencer par revenir sur une activité
abordée la semaine précédente, ce qui a fortement diminué le temps accordé au travail autour
du « carré bordé ».
Pourtant, plusieurs éléments du déroulement observé de la séance concernée révèlent une
évolution assez nette dans la gestion de Nicole :
Elle accorde plus de temps à la recherche de stratégies numériques dans les cas simples et
dans des cas plus complexes (le « carré 56 », mais elle leur demande également « le carré
200 »), prend le temps de reformuler plusieurs de ces stratégies :
Nicole : Alors, Jonathan, il s’est dit, voilà si mon carré à l’intérieur, il a 200 de côté, 200
carreaux de côté, ça veut dire que la bordure elle, elle a 202 carreaux de côté. Donc il a
ajouté 202, 202, puis encore 202, puis encore 202, puis il a enlevé 4. Pourquoi ?
L’enseignante laisse les élèves plus autonomes dans la production de formules pour
modéliser la situation même si elle a commencé elle-même une tentative de généralisation
non aboutie pour s’appuyer ensuite sur le travail d’élèves engagés eux-mêmes dans la
généralisation
: Nicole leur laisse le choix de la désignation par telle(s) ou telle(s) lettre(s).
Ce qui permet de soulever plusieurs questions autour de la production de formule :
certains élèves n’identifiant pas clairement les variables en jeu, utilisant de nombreuses
lettres « tous azimuts », etc.
21
Petit x
78
Nicole : Oui, mais Marianne, elle a fait avec des lettres, donc ça va faire une
généralisation de ce qu’a fait Jonathan (…) Marianne écrit 2
(l + L) Marianne, elle a voulu
exprimer ça avec les côtés, alors, est-ce que tu peux nous préciser ce que t’appelles L et
l ? Un petit dessin, pour voir ce que c’est. Parce que quand on utilise des lettres, il faut
dire à quoi elles correspondent. Alors, ça veut dire que L, c’est ça et l pour toi c’est quoi ?
Voilà, elle met L ici, ton l c’est quoi ? C’est la même chose, alors pourquoi tu as utilisé
deux lettres ? C’est un carré. Alors en fait, tu aurais pu utiliser la même lettre, puisque
c’est la même chose, donc on va mettre que L. Donc finalement, on en a combien de L ? /
Elève : un seul / 1, 2, 3, 4. Donc finalement, tu mets 4L, L fois 4, d’accord ? Et ensuite
t’as enlevé ça ? Est-ce que ça suffit d’enlever 4 ?
Nicole laisse ainsi proposer quatre expressions s’appuyant sur des stratégies de calcul
distinctes : 4L + 4 ; 2 (L + l) ; 2 (L + (L – 2)) ; (c + 2)² – c². Les échanges montrent les
difficultés de certains élèves mais aussi l’incertitude de Nicole à analyser les formules des
élèves et à prendre des décisions parmi les marges de manœuvre pertinentes pour avancer
en fonction des objectifs visés :
(Jonathan est venu au tableau et a écrit a
(b+c).) Nicole : Donc lui, il a mis des lettres
partout, il a mis du a, du b, du c. Alors, est-ce que tu peux expliquer à quoi correspondent
tes lettres pour donner du sens à ta formule. À quoi correspond b, à quoi correspond c ?
Nicole : C’est un facteur commun mais je ne vois pas le lien pour l’instant entre le dessin
et ta formule. Je vais être obligée de vous aider, sinon on ne va pas avoir le temps.
De plus, Nicole reste toujours inquiète du temps qui passe. D’ailleurs, le temps imparti pour
cette séance n’a malheureusement pas permis de voir comment l’enseignante allait se saisir
des différentes formules produites par ses élèves.
L’évolution constatée autour de la gestion par l’enseignante des premières phases de la
situation « carré bordé » correspond à une diminution d’écart avec le scénario didactique
élaboré par les chercheurs. Ce changement peut laisser penser à une appropriation progressive
par Nicole des enjeux de ce scénario, des connaissances visées autour de la démarche de
modélisation algébrique, en particulier le rôle de la lettre-variable pour généraliser.
III.3. Les questions soulevées par nos analyses :
pratiques de professeurs
versus
scénarios didactiques
À la lumière de nos analyses, nous formulons différentes hypothèses sur les difficultés vécues
par Nicole dans la gestion du scénario des chercheurs. Nous distinguons les difficultés
rencontrées par Nicole en nous appuyant sur les origines des déterminants de pratiques des
enseignants (Robert, 2007). Les actions de Nicole peuvent être sous-tendues par :
des représentations sur l’enseignement de l’algèbre en particulier en lien avec la
conception formaliste de l’algèbre qui apparaît fréquemment dans les interventions du
professeur, sur l’analyse et la prise en charge des difficultés des élèves (la meilleure
aide possible : leur donner des recettes) ;
la pression du temps et des exigences d’une classe d’examen avec la proximité du
brevet des collèges et d’épreuves assez stéréotypées, ou même des exigences
implicites d’enseignement dans son établissement qui rendent difficile de s’éloigner
de pratiques habituelles.
22
Petit x
78
La comparaison des deux protocoles montre une appropriation progressive du scénario au vu
de deux évolutions : la mise en place d’une phase de recherche permettant aux élèves une
meilleure dévolution de la situation et la plus grande autonomie laissée aux élèves dans la
production des formules algébriques, en particulier dans le choix de la variable. Quelles
peuvent en être les raisons ? D’abord, la classe de 3
e
B est une classe plus en difficulté que la
3
e
A dans laquelle Nicole s’autorise à laisser davantage les élèves chercher. D’autre part,
Nicole a déjà analysé avec un des chercheurs le déroulement de la séance réalisée en 3
e
A et a
commencé à prendre la mesure des enjeux de la production de formules, du travail sur la
validité des expressions algébriques, sur l’évolution possible des difficultés des élèves en
calcul algébrique. Aussi, laisse-t-elle vivre davantage les phases de recherche pour permettre
aux élèves de produire, tant des expressions numériques que des expressions algébriques.
Mais, on remarque aussi les doutes de Nicole à choisir parmi les marges de manœuvre celles
les plus adaptées aux réponses ou erreurs des élèves, difficultés liées peut-être en partie à sa
conception formaliste encore prégnante de l’enseignement de l’algèbre mais aussi à son
inquiétude marquée du temps qui passe vu la période de l’année et la proximité du brevet.
Conclusion
À la lueur de ce travail, nous nous interrogeons brièvement sur les conditions de diffusion de
situations d’enseignement, qu’elles soient produites par la recherche en didactique des
mathématiques ou par d’autres « ingénieurs » de l’enseignement des mathématiques. Et ce,
suivant deux principaux axes de questionnement.
D’une part, ce travail montre l’intérêt d’analyses a priori de situations didactiques qui
interrogent davantage le rôle de l’enseignant dans la mise en œuvre de ces situations (déjà mis
en avant par Sensévy et al., 2007), voire d’en évaluer l’impact potentiel du point de vue des
apprentissages d’élèves. Revenons à la notion de robustesse de tâches mathématiques (Robert,
2007), que nous avons reprise à notre compte pour poser notre problématique : des analyses a
priori de situations du point de vue de l’enseignant nous renseignerait sur la robustesse des
tâches mathématiques sollicitées. Et ceci nous paraît à ne pas négliger pour mieux
comprendre les conditions de diffusion de situations didactiques afin d’éviter les malentendus
souvent constatés entre les ingénieurs qui produisent des situations d’enseignement et les
enseignants qui les utilisent, et qui peuvent se traduire par des phénomènes de détournement,
voire de rejet, de ces situations.
Mais ces analyses a priori de situations, « du point de vue de l’enseignant » ne sauraient être
menées sans une étude concomitante des pratiques enseignantes, voire des déterminants de
l’évolution de ces pratiques. À la lueur de l’exemple précédent, on voit bien comment
l’utilisation d’une situation « isolée » d’enseignement prend appui sur des coutumes
didactiques, des routines des pratiques enseignantes : notre exemple est sans doute d’autant
plus frappant que les micro-routines enseignantes concernant l’enseignement de l’algèbre sont
souvent surchargées de médiations qui prennent appui sur le registre « légal », très éloignées
d’un questionnement sur la validité des expressions algébriques. On voit aussi comment
l’utilisation d’une situation d’enseignement peut faire évoluer les pratiques enseignantes et
dès lors, les usages de cette situation à venir, au fil d’une appropriation progressive de ses
enjeux didactiques. Reste également à savoir « à quel(s) prix », cette évolution peut
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Petit x
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éventuellement se produire : d’un accompagnement individualisé dans la mise en œuvre par
les chercheurs ou ingénieurs (difficile si on envisage une diffusion plus large), d’un scénario
(voire de plusieurs scénarios) suffisamment détaillé ou mettant en avant plus clairement des
phases cruciales, explicitant les enjeux de la situation, etc. ?
Bibliographie
ARTIGUE M. (1984) Modélisation et reproductibilité en didactique des mathématiques. Cahier de
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BLOCH I. (2005) Comment analyser la pertinence des réactions mathématiques des professeurs dans
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nd
degré) :
une hypothèse, des inférences en formation. RDM, 27 (3), pp. 271-312.
... Or, leur appropriation par le personnel enseignant révèle, selon des personnes chercheures, un décalage entre ce qui a été réfléchi, élaboré et fondé en amont en recherche et ce qui en résulte sur le terrain (ex. Coulange et Grugeon, 2008). Bednarz (2013) rappelle qu'il y a eu, à cet effet, des efforts de rapprochement entre l'IDR et le personnel enseignant. ...
... Suivant cette ligne, plusieurs mettent en évidence que les personnes enseignantes ont peine à réaliser ce que les personnes chercheures demandent (ex. Coulange et Grugeon, 2008). Comme l'ont déjà souligné Bednarz et al. (2001), en modifiant les situations pensées par les personnes chercheurs, en les adaptant à leurs manières de faire habituelles et selon ce qui se passe classe, le personnel enseignant les dénaturerait. ...
Article
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Dans les recherches collaboratives que nous menons, les situations d’enseignement jouent un rôle central dans la mesure où elles servent de base de discussion entre des personnes enseignantes et chercheures. Or, il arrive que lorsque les personnes chercheures amorcent la discussion en proposant une tâche, elle soit rejetée par les personnes enseignantes. Dans cet article, nous proposons d’étudier plus en profondeur ces cas de rejet. En envisageant la situation d’enseignement sous l’angle d’un objet frontière tel qu’il est entendu par Star et Griesemer (1989), nous analyserons des extraits issus de deux recherches collaboratives dans lesquels des personnes enseignantes rejettent des situations d’enseignement proposées par les chercheurs.
... Cette activité n'est pas nouvelle; elle a été utilisée à plusieurs reprises dans le passé (Bednarz, 2005;Coppé et Grugeon, 2009;Coulange et Grugeon, 2008;Denis et al., 2004;Vlassis et Demonty, 2002 ...
... Si la structure du questionnement n'est pas neuve -on la retrouve notamment chez Coulange et Grugeon (2008) -c'est le regard porté sur ce questionnement grâce aux apports combinés du modèle de Dörfler (1991) et des chaînes de signification qui est neuf. L'apport de Dörfler met en avant les étapes par lesquelles l'enfant doit passer pour avancer dans le processus de généralisation tandis que la structuration en une chaîne de signification oriente l'attention vers le développement de la symbolisation depuis les manipulations concrètes jusqu'à la formulation de la généralité en langage mathématique. ...
Article
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Cet article propose tout d’abord l’exploitation d’une activité de généralisation basée sur des motifs ( patterns ) figuratifs destinée à développer la pensée algébrique. L’activité a été organisée sur la base d’un modèle intégrant une structuration dans les processus de raisonnement basée sur le modèle de Dörfler (1991) en étroite interaction avec une structuration des symbolisations selon une chaîne de significations. Ensuite, cet article présente une analyse des raisonnements et des symbolisations des élèves de début du secondaire au cours de cette activité. Si les premiers résultats témoignent de la capacité des élèves à produire une grande diversité de moyens de généralisation, ils révèlent également certains obstacles rencontrés par les élèves dans le processus de généralisation ainsi que des difficultés à produire des formules utilisant le symbolisme algébrique.
... Elle est composée du problème des « Carreaux colorés » 3 dans les deux versions ci-dessous. Ce problème a été employé et analysé à maintes reprises par le passé (Bednarz, 2005;Coppé et al., 2016;Coulange & Grugeon, 2008;Denis et al., 2004;Vlassis et al., 2017;Vlassis & Demonty, 2002) et ses potentialités pour l'introduction de formules, la généralisation et l'introduction de la lettre ont été soulignées. ...
Article
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Cet article vise à explorer les conditions favorables à une introduction à l'algèbre qui approfondit la compréhension et la signification des symboles algébriques. Nous avons élaboré une séquence d'enseignement axée sur des problèmes de généralisation et de preuves à destination d’élèves de 9H, dans le but de développer des compétences algébriques. Dans cet article, nous analysons leurs procédures concernant trois problèmes de généralisation en nous focalisant sur les évolutions de l’arithmétique vers l’algèbre.
... Depuis de nombreuses années, en formation initiale et continue, nous exploitons une situation très connue dans la littérature nommée toutefois différemment selon les chercheurs, les carrés bordés (Coulange et Grugeon, 2008), les mosaïques (Vlassis et Demonty, 2019, Vlassis, Demonty et Squalli, 2017 ou l'usine à fenêtres (Denis, 1997 ;Landry, 2001 ;Bednarz, 2005) 1 . Cette situation, généralement exploitée avec des élèves du début du secondaire (12-13 ans), peut viser différents objectifs éducatifs (par exemple, introduction du symbolisme algébrique, développement de la pensée algébrique, développement des processus de généralisation, étude des suites, etc.). ...
Conference Paper
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Les filiations communes entre l'algèbre et l'algorithmique nous permettent de définir pensée algébrique et pensée algorithmique de façon similaires. Toutefois, des disparités se dessinent notamment autour des formes et des usages pris par les objets étudiés. Une analyse didactique de deux versions d'une même tâche exploitée en formation des maîtres, respectivement en didactique de l'algèbre et en programmation informatique, nous permet de mieux comprendre ces deux modes de pensée. Mots-clefs : Pensée algébrique, pensée algorithmique, programmation informatique Abstract-Starting from the common ancestry between algebra and algorithmics, we similarly define algebraic thinking and algorithmic thinking. However, disparities appear, especially in the forms and uses of the objects studied. A didactic analysis of two versions of the same task used in teacher training, respectively algebra didactics and computer programming, allows us to better understand these two ways of thinking.
... Comme nous venons de le dire, nous pensons que l'algèbre est davantage enseigné comme un objet que comme un outil. Et pourtant, de nombreuses activités, potentiellement riches d'un point de vue didactique, ont été produites par la recherche pour donner des finalités à cet enseignement mais elles sont peu utilisées dans les classes ou de façon peu pertinente (Coulange et Grugeon-Allys, 2008). Finalement, nous sommes partis des deux constats suivants sur l'enseignement/apprentissage de l'algèbre au début du collège : des difficultés pour les élèves à mobiliser l'utilisation de lettres si on ne l'indique pas dans les problèmes et des erreurs de calcul récurrentes et persistantes chez les élèves. ...
Book
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Cet ouvrage regroupe des contributions de chercheurs et chercheuses membres de l’Observatoire International de la Pensée Algébrique (OIPA) qui représentent différents pays du continent américain ( Argentine, Brésil, Canada), d’Europe (Belgique, France, Luxembourg) et d’Afrique (Bénin, Cameroun, Maroc). Sous le titre Le développement de la pensée algébrique à l’école primaire et au début du secondaire. Recherches et perspectives curriculaires, les auteurs et autrices s’intéressent au développement de la pensée algébrique dès le jeune âge. Ils conçoivent l’algèbre comme un domaine particulier d’activités mathématiques en construction qui contraste avec la conception des mathématiques en tant que corpus de connaissances bouclées. Ils approchent leur intérêt pour le développement de la pensée algébrique dans une perspective curriculaire, de recherche et en tant que domaine de formation des enseignants et enseignantes. Les auteurs et autrices des huit chapitres de cet ouvrage couvrent les quatre axes suivants : (1) fondements épistémologiques et didactiques de la pensée algébrique, (2) curricula et ressources pour le développement de la pensée algébrique, (3) l’apprentissage des élèves, (4) enseignement et formation des enseignants.
Article
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The world of education was marked at the beginning of this century by the notion of competence, particularly in Quebec and Mexican schools, and more particularly in mathematics. In this new vision of teaching and learning, mathematical modeling is ubiquitous and linked to divergent thinking. Our project focuses on the development of this thinking in pupils during algebraic generalization to negotiate the transition from arithmetic to algebra in the primary-secondary transition. Through the proposal of teaching and learning conditions based on collaborative work and the use of technological resources, we report the development in Quebec and Mexican pupils of what we have called the arithmetic-algebraic thinking solicited during the generalization of figurative sequences. In this experiment, the pupils of the two countries mobilized an arithmetic-algebraic cognitive structure which was operationalized through prediction procedures, conjectures, the process of generalization from a non-institutional algebraic point of view and from a numerical validation using applets made available to pupils. In addition, the results from the Mexican side open the way to the consideration of functional-spontaneous representations from primary school in a perspective of primary-secondary transition linked to arithmetic-algebraic thinking.
Article
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Au début de leur cursus professionnel, les futurs professeurs manifestent souvent des conceptions très formelles des mathématiques, d'où l'impossibilité d'envisager des "mises en scène" du savoir mathématique sous forme de problèmes et l'impossibilité d'anticiper les erreurs des élèves. Or le professeur novice doit devenir capable d'instaurer dans sa classe un contrat didactique permettant aux élèves de pratiquer les mathématiques et au professeur de guider cette pratique. Dans notre travail de formatrice, nous avons été amenée à identifier et tenter de définir une aptitude qui apparaît dans des séances d'enseignement : la capacité du professeur à renvoyer aux élèves des réactions mathématiquement pertinentes. Cette capacité dépend fortement de la situation qui est mise en jeu, et des propriétés du milieu disponible, même dans des situations de classe ordinaire ; elle est aussi liée aux connaissances mathématiques et didactiques du professeur, et au contrat didactique qu'il fait vivre dans la classe. Nous tenterons de donner quelques caractéristiques de cette pertinence. Les situations a-didactiques, en formation, peuvent avoir un impact sur la prise de conscience par les professeurs des connaissances mathématiques présentes dans la classe ; certaines conditions sont alors incontournables, comme le fait que les professeurs puissent jouer eux-mêmes, en formation, les situations proposées. Nous donnons en conclusion quelques éléments permettant un retour sur la façon dont certains professeurs réussissent à implanter ces situations dans leurs classes.
Article
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Résumé : En mathématiques, des énoncés formels ne peuvent, à eux seuls, donner accès au sens des objets mathématiques en jeu. De fait, les cours donnés à l'université comme au secondaire sont en général bien structurés, mais ils manquent d'exemples, de situations de recherche et de questions sur le savoir ; les étudiants n'étant pas en mesure de poser eux-mêmes ces questions, ils se bornent à 'apprendre' ce cours. Les situations construites dans la TSD (Théorie des Situations Didactiques) sont appuyées sur des analyses épistémologiques et didactiques pour faire accéder les étudiants au sens des concepts mathématiques. La dimension apportée par la recherche de problèmes est aussi le plaisir de chercher et de trouver. Mots-clés : situations mathématiques, TSD, conditions de réussite, organiser l'enseignement. Abstract: Formal structures in mathematics do not give access to the meaning of mathematical matters. Actually, lessons at University or secondary school are usually well structured, but they lack of examples, research situations, and questions about mathematical knowledge. Students are not able to ask themselves these questions, so in the best case they just 'learn' the lessons. Situations in the TDS (Theory of Didactical Situations) are built from a rigorous epistemological and didactical analysis in order to allow students to gain access to the meaning of concepts. This also includes the pleasure of searching problems and finding solutions.
Article
Partant de la définition de l’apprentissage et des objets mathématiques selon Radford (2008), cet article propose une réflexion sur l’interdépendance des objets mathématiques, leurs symbolisations et les interactions sociales dans le processus d’apprentissage. Il vise à interroger la manière dont s’articulent ces trois composantes indissociables et présente, sur cette base, un modèle intégratif de l’apprentissage des mathématiques. Il vise à examiner en particulier l’importance des interactions entre l’enseignant ou l’enseignante et les élèves. Si l’importance des interactions sociales est démontrée depuis de nombreuses années, ce sont en effet principalement les interactions entre les élèves qui ont été étudiées (Schubauer-Leoni et Perret-Clermont, 1997; Iiskala, Vauras, Lehtinen et Salonen, 2011). Ce n’est qu’assez récemment que l’importance des interactions entre l’enseignant ou l’enseignante et les élèves a été mise en évidence. Dans notre article, nous proposons donc d’analyser plus particulièrement les interactions entre l’enseignant ou l’enseignante et les élèves, dans le contexte d’une activité de généralisation en algèbre. Nous montrons l’importance d’interventions de qualité de la part de l’enseignant, sur la base du modèle de Jacobs et al. (2010, dans Callejo et Zapareta, 2016), pour faire émerger les savoirs mathématiques des pratiques sociales de la classe.
Conference Paper
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We describe an exploratory empirical study to investigate whether some linguistic markers can improve the assessment of students when they answer questions in their own words. This work is part of a multidisciplinary project, the Pépite project, that aims to give math teachers software support to assess their students in elementary algebra. We first set this study within the context of the project and we compare it with related work. Then we present our methodology, the data analysis and how we have linked linguistic markers to discursive modes and then these discursive modes to levels of development in algebra thinking. The conclusion opens onto promising perspectives.
Article
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Les écoles d'été de didactique des mathématiques précédentes ont donné une place importante à l'enseignant. Les travaux qui se centrent directement sur l'enseignant comme objet d'étude sont devenus de plus en plus nombreux depuis une dizaine d'année (voir Margolinas et Perrin-Glorian 1997, RDM 17.3). Néanmoins, le maître, comme partie prenante du système didactique, a toujours été présent dans les travaux de didactique. Produire une synthèse de recherches sur les pratiques de l'enseignant, demande de s'intéresser à un ensemble de travaux en didactique des mathématiques. Le corpus choisi pour ce travail est la revue Recherches en didactique des mathématiques, du volume 1 au volume 19.1 (dernier paru en août 1999). Dans un premier temps, j'ai systématiquement pointé toute mention de l'enseignant, du professeur, du maître (dans les langues employées dans la revue). Le résultat de ce travail est assez surprenant : certains articles, qui ne traitent pas explicitement de l'enseignant, en parlent très fréquemment, d'autres, qui relatent pourtant des expériences en classe, n'y font aucune allusion. J'ai alors repris le corpus en ne m'intéressant qu'aux passages dans lesquels (ou à l'abord desquels) le professeur était nommé. La collecte s'est alors opérée selon plusieurs axes : place du professeur, définitions ou caractérisations du professeur, descriptions de pratiques (actions, contraintes, conditions des actions), méthodologie expérimentale ou d'observation du professeur. Le corpus s'est ainsi réduit à 70 pages de notes, renvoi à des parties d'articles du corpus. Le texte qui suit est donc le résultat d'un choix, et représente environ l'exploitation d'un cinquième du travail.
Stabilité des pratiques des enseignantes de mathématiques (2 nd degré) : une hypothèse
ROBERT A. (2007) Stabilité des pratiques des enseignantes de mathématiques (2 nd degré) : une hypothèse, des inférences en formation. RDM, 27 (3), pp. 271-312.
The teacher's action, the researcher's conception in mathematics
  • G Sensevy
  • F Ligozat
  • F Leutenegger
  • Mercier A
SENSEVY G., LIGOZAT F., LEUTENEGGER F., MERCIER A. (2005) The teacher's action, the researcher's conception in mathematics, in Bosch (éd.), Actes CD-ROM du congrès européen sur l'enseignement des mathématiques CERME 4, 17-21 février 2005, San Feliu de Guixols.
EIAH et apprentissage de l'algèbre élémentaire : les projets Pépite et Lingot
  • Delozanne E Grugeon B
DELOZANNE E., GRUGEON B. (2004) EIAH et apprentissage de l'algèbre élémentaire : les projets Pépite et Lingot. Actes du séminaire national de didactique des mathématiques 2003, IREM de Paris 7 et ARDM.
Du numérique au littéral
  • Desco
DESCO (2006) Du numérique au littéral. Projet de document d'accompagnement, Eduscol.
L'articulation du travail mathématique du professeur et de l'élève dans l'enseignement de l'analyse en première scientifique
BLOCH I. (2000) L'articulation du travail mathématique du professeur et de l'élève dans l'enseignement de l'analyse en première scientifique. RDM, Vol. 19, n°2, pp. 221–266.
Modélisation et reproductibilité en didactique des mathématiques. Cahier de didactique des mathématiques, n°8
  • Artigue M Bibliographie
Bibliographie ARTIGUE M. (1984) Modélisation et reproductibilité en didactique des mathématiques. Cahier de didactique des mathématiques, n°8, IREM de Paris 7.