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Revue suis se de pédagogie spé cialisée, 3 / 2016
LECTURE ET DÉFICIENCE INTELLECTUELLE
Introduction
Les connaissances issues de la recherche sur
l’enseignement-apprentissage de la lecture
aux élèves ayant une déficience intellec-
tuelle (DI) ont bien évolué au cours de ces
20 dernières années. Elles viennent souvent
contredire certaines idées reçues et
amènent des pistes utiles et prometteuses
pour la pratique. Le but de cet article est de
dresser un état des connaissances à ce su-
jet. Ne pouvant prétendre à l’exhaustivité,
nous allons axer notre propos sur l’ensei-
gnement-apprentissage des compétences
de décodage que tout élève doit acquérir, et
automatiser dans une certaine mesure,
pour comprendre ce qu’il lit.
Dans un premier temps, nous rappelle-
rons les processus en jeu dans la lecture
chez les élèves tout-venant. Nous traiterons
ensuite de l’apprentissage du décodage
chez les enfants avec une DI. Ces élèves
peuvent-ils apprendre à décoder, quelle que
soit la sévérité de leurs limitations ? Quel
est le rôle de la conscience phonologique
dans cet apprentissage ? Finalement, nous
présenterons des pistes d’intervention pour
l’enseignement du décodage aux élèves
avec une DI basées sur les résultats de re-
cherche très prometteurs d’études interna-
tionales.
Comment les enfants apprennent-
ils à lire ?
La lecture de mots implique la mise en place
de deux procédures (Martinet & Rieben,
2015). La première – l’assemblage – permet
au lecteur de lire tout mot orthographique-
ment inconnu en le découpant en gra-
phèmes (ex. : « bon » ➝b-on), en convertis-
sant chacun d’eux à l’aide du phonème qui
lui est le plus fréquemment associé dans la
langue (ex. : b
➝[b] et on
➝ [ɔ̃]) et ensuite
en fusionnant ces unités orales afin de pro-
noncer le mot (ex. : [b] + [ɔ̃]➝[bɔ̃]). Cette
procédure n’aboutit à la lecture correcte du
mot inconnu que si celui-ci est régulier
Rachel Sermier-Dessemontet et Catherine Martinet
Lecture et déficience intellectuelle :
clés de compréhension et d’intervention
Résumé
Cet article dresse un bref état des connaissances actuelles au sujet de l’enseignement-apprentissage de la lecture aux
enfants et adolescents présentant une déficience intellectuelle. Des pistes d’intervention mises en évidence par la re-
cherche pour l’enseignement de la lecture, et plus spécifiquement pour celui du décodage, sont également décrites.
Elles tiennent compte des difficultés connues que ces élèves peuvent rencontrer dans cet apprentissage complexe,
mais surtout de leur potentiel d’apprentissage trop longtemps sous-estimé.
Zusammenfassung
Dieser Beitrag gibt einen kurzen Überblick über den aktuellen Forschungsstand zum Erwerb und zur Förderung von
Lesekompetenzen bei Kindern und Jugendlichen mit einer intellektuellen Beeinträchtigung. Zudem werden empirisch
gestützte Hinweise zur pädagogischen Begleitung des Leselernprozesses und insbesondere der Decodierung beschrie-
ben. Dabei wird nicht nur auf Schwierigkeiten eingegangen, mit denen diese Schülerinnen und Schüler konfrontiert
sind, sondern auch auf ihr oft lang unterschätztes Lernpotential.
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c’est-à-dire que si ses graphèmes corres-
pondent aux phonèmes les plus fréquents
(ex. : « mur » ou « bateau »). La seconde pro-
cédure, dite d’adressage, permet une recon-
naissance quasi immédiate des mots écrits
connus, que ceux-ci soient réguliers ou irré-
guliers (ex. : « écho » ou « monsieur »). Elle
suppose alors que les mots aient été préa-
lablement mémorisés sous un format ortho-
graphique (et non photographique).
Deux méta-analyses internationales,
l’une réalisée par le National Reading Panel
(NICHHD, 2000) et l’autre par le National
Early Literacy Panel (National Institute for
Literacy, 2008) o nt montré que la conscience
phonologique – la capacité à percevoir et à
manipuler les différentes unités sonores de
la langue – ainsi que la connaissance des
graphèmes et de leurs correspondants pho-
nologiques associés jouent un rôle essentiel
dans l’acquisition de la lecture. Leur entrai-
nement explicite conduirait à de meilleurs
résultats en décodage que tout autre type
d’approche. L’élève doit ainsi apprendre à
distinguer oralement des mots entre eux et
à percevoir les différentes unités qui les
constituent. Il existe une progression déve-
loppementale dans ce domaine (Ziegler &
Goswami, 2005). Les tâches de conscience
phonologique impliquant des syllabes,
comme la segmentation de mots en syl-
labes (ex. : [samdi]
➝
[sam] – [di]), sont les
plus faciles et sont généralement possibles
vers l’âge de 3 à 4 ans. Les activités deman-
dant à identifier deux mots qui riment (ex. :
[amiRal] – [bokal]) ou qui commencent par
la même attaque (ex. : [bRa] – [bRik]) sont,
quant à elles, habituellement réussies vers
4 à 5 ans. Celles impliquant les phonèmes –
on parle alors de tâches de conscience pho-
némique – telles que l’identification du pre-
mier phonème d’un mot (ex. : [bRa] ➝
[b])
sont les plus difficiles et émergent généra-
lement quand l’élève commence à être sen-
sibilisé aux lettres, soit vers l’âge de 5 à
6 ans.
Le National Reading Panel (NICHHD,
2000) montre que l’entrainement de la
conscience phonémique produit, compara-
tivement à toute autre forme d’entraine-
ment, une amélioration des compétences
de décodage, que les élèves présentent ou
non des difficultés de lecture. Cet entraine-
ment est d’autant plus efficace s’il propose
des tâches de fusion (ex. : [p]+[a] ➝
[pa]) et
de segmentation (ex. : [pa] ➝
[p]-[a]), s’il est
accompagné de manipulation de lettres et
s’il est réalisé en petits groupes plutôt qu’en
individuel ou en plus grand groupe. De ré-
centes recherches montrent qu’apprendre à
nommer les lettres (Foulin & Pacton, 2006)
et / ou à reconnaitre des lettres en relief par
le toucher (Gentaz, Colé, & Bara, 2003) fa-
ciliterait encore plus l’établissement des
connexions entre les graphèmes et les pho-
nèmes.
Les élèves avec une DI dite
moyenne ou sévère peuvent-ils
apprendre à décoder ?
Le potentiel d’apprentissage des élèves
ayant une DI considérée comme moyenne
ou sévère sur la base d’un test d’intelligence
(avec respectivement un QI entre 40 / 45 et
50 / 55 ou entre 20 / 25 et 40 / 45) a long-
temps été sous-estimé. La lecture a souvent
été perçue comme une compétence inac-
cessible pour eux. Ainsi, son enseignement
a pu être considéré comme inutile ou se ré-
duire à les entrainer à reconnaitre de ma-
nière globale quelques mots courants sur la
seule base de leur apparence visuelle sans
aborder les correspondances graphèmes-
phonèmes (Browder, Wakeman, Spooner,
Ahlgrim-Delzell, & Algozzine, 2006 ; Joseph
& Seery, 2004). Or, le recours exclusif à
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cette méthode idéo-visuelle ne permet pas
d’acquérir la procédure d’assemblage et ne
fournit donc pas la possibilité à l’élève de
lire et d’apprendre de nouveaux mots. Elle
ne permet pas non plus à l’élève d’acquérir
la procédure d’adressage en développant
un lexique orthographique puisque les mots
sont mémorisés sous forme photogra-
phique. Concrètement, l’élève ne pourra
stocker, et donc reconnaitre, qu’un nombre
réduit de mots sous ce format. Il ne pourra
pas lire les mots travaillés s’ils sont présen-
tés sous un format différent (ex. : majus-
cules vs minuscules), ni lire des mots non
travaillés même très fréquents.
Cette vision pessimiste du potentiel de ces
élèves à entrer dans des apprentissages
scolaires a été récemment remise en ques-
tion par la recherche. Plusieurs études
montrent en effet que les élèves ayant des
limitations moyennes du fonctionnement
intellectuel peuvent apprendre à décoder à
condition de bénéficier d’un enseignement
explicite, systématique, intensif et inté-
grant les composantes d’un enseignement
de la lecture reconnues comme probantes
auprès des élèves ayant des difficultés en
lecture (Allor, Mathes, Roberts, Cheatham,
& Otaiba, 2014 ; Bradford, Shippen, Alber-
to, Houchins, & Flores, 2006 ; Frederick,
Davis, Alber to, & Waugh, 2013). Pour beau-
coup, cet apprentissage doit être prévu sur
le long terme, car la plupart des enfants
avec une DI moyenne a besoin d’environ
trois ans et demi pour apprendre à décoder
des phrases ou de courts textes (Allor et
al., 2014). Quelques élèves font cependant
des progrès surprenants qui dérogent à ce
constat. Dans l’étude de Bradford et al.
(2006) trois adolescents de 12 à 15 ans ini-
tialement non décodeurs sont par exemple
parvenus à développer des habiletés de dé-
codage basiques leur permettant de lire
des phrases après seulement six mois d’en-
seignement explicite et intensif du déco-
dage, à raison de trois séances de 45 mi-
nutes par semaine.
Quelques études, encore trop rares, in-
diquent que les élèves ayant des limitations
moyennes à sévères accompagnées d’une
absence de langage oral ou d’un langage
très limité et parfois d’un trouble du spectre
de l’autisme, peuvent eux aussi progresser
en conscience phonologique et dans l’acqui-
sition des correspondances graphèmes-pho-
nèmes (Browder, Ahlgrim-Delzell, Flowers,
& Baker, 2012) et ainsi apprendre à décoder
des mots comprenant les sons enseignés
(Ahlgrim-Delzell et al., 2015). Pour cela, ils
doivent être outillés de moyens augmenta-
tifs et alternatifs de communication et béné-
ficier d’un programme d’enseignement expli-
cite et systématique intensif. Les études lon-
gitudinales sur plusieurs années manquent
toutefois pour pouvoir évaluer jusqu’où ces
élèves, plus sévèrement touchés, peuvent
progresser.
Quel est le rôle de la conscience
phonologique chez les élèves avec
une DI ?
Nous avons vu précédemment que la
conscience phonologique est fortement im-
pliquée dans l’apprentissage de la lecture
chez les enfants tout-venant. Or, elle semble
être une faiblesse marquée chez les élèves
avec une DI dite légère ou moyenne (Chan-
Les élèves ayant des limitations moyennes
du fonctionnement intellectuel peuvent
apprendre à décoder à condition de
bénéficier d’un enseignement explicite,
systématique, intensif.
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nell, Loveall, & Conners, 2013; Klusek et al.,
2015; Lemons & Fuchs, 2010). Il est toutefois
difficile de déterminer si cette faiblesse té-
moigne d’un déficit spécifique lié à la DI, ou
d’un manque d’exposition à un enseigne-
ment adapté de la conscie nce phonologique.
Quoiqu’il en soit, plusieurs recherches ré-
centes montrent que la conscience phonolo-
gique joue aussi un rôle important dans l’ap-
prentissage de la lecture chez les élèves
ayant une DI (Barker, Sevcik, Morris, & Rom s-
ki, 2013 ; Klusek et al., 2015 ; Sermier Desse-
montet & de Chambrier, 2015). Il s’avère
donc essentiel de travailler la conscience
phonologique chez ces élèves, même si c’est
un champ dans lequel ils ont des difficultés.
Elle peut être acquise grâce à des interven-
tions ciblées ou intégrées dans un pro-
gramme plus large d’enseignement de la lec-
ture (Hill, 2016 ; Joseph & Seery, 2004 ; Le-
mons & Fuchs, 2010).
Comment enseigner la lecture de
mots aux élèves présentant une DI ?
Les résultats des revues systématiques
d’études indiquent que les interventions
probantes pour enseigner la lecture aux en-
fants en difficulté – qui se traduisent par un
entrainement de la conscience phonolo-
gique et un enseignement systématique et
explicite des correspondances phonèmes-
graphèmes – sont aussi efficaces pour les
enfants avec une DI légère, moyenne ou sé-
vère (Browder et al., 2006 ; Hill, 2016 ; Jo-
seph & Seer y, 2004). Dans certaines études,
ces deux composantes sont travaillées
conjointement. Dans d’autres, elles sont in-
tégrées à un programme plus large d’ensei-
gnement de la lecture comprenant par
exemple un travail sur le vocabulaire et la
compréhension de textes et / ou un entrai-
nement à la reconnaissance globale de
mots. Certains principes généraux pour un
enseignement efficace de la lecture aux
élèves avec une DI ont été confirmés au tra-
vers de ces études.
• Un enseignement explicite systéma-
tique : cet enseignement, très structuré
et fortement guidé par l’enseignant, pro-
cède par étapes à complexité croissante
et se caractérise notamment par le re-
cours à des explications très claires, des
démonstrations ou du modelage et une
quantité importante de pratique per-
mettant aux élèves d’exercer la compé-
tence ciblée tout en bénéficiant de feed-
backs et étayages de l’enseignant.
• Le recours systématique à l’évaluation
formative : l’enseignement et l’entraine-
ment des compétences doivent être sys-
tématiquement adaptés au niveau des
élèves et à leur progression au moyen
d’évaluations formatives régulières per-
mettant de déterminer si on peut avan-
cer dans un nouvel apprentissage ou s’il
faut continuer à exercer l’habileté visée.
• Un degré d’intensité élevé : dans la ma-
jorité des études, des interventions
d’environ 45 minutes sont proposées au
moins trois fois par semaine, voire tous
les jours. L’enseignement intensif doit
être appréhendé et dispensé sur le long
terme, les élèves avec une DI ayant en
général besoin de plus de pratique pour
intégrer des notions. Avec les élèves
ayant une DI dite moyenne ou sévère,
les enseignants doivent faire preuve de
persévérance et ne pas abandonner
l’enseignement après quelques leçons
malgré des progrès qui peuvent sembler
minimes. Par exemple dans l’étude de
Frederick et al. (2013), 14 leçons ont été
nécessaires pour qu’une élève du pri-
maire avec une DI moyenne maitrise
quatre correspondances graphèmes-
phonèmes.
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• Des activités qui donnent du sens à l’ap-
prentissage de la lecture : dans beau-
coup d’études, l’intervention comprend
la lecture interactive d’histoires par
l’adulte. Cela permet non seulement de
donner du sens à l’apprentissage de la
lecture, mais aussi de travailler parallè-
lement le vocabulaire et les stratégies de
compréhension de textes. Il est conseillé
de faire décoder le plus rapidement pos-
sible des mots avec les correspondances
graphèmes-phonèmes apprises à l’inté-
rieur de passages de ces textes.
Pour l’enseignement de la conscience pho-
nologique, quelques principes de base sont
à respecter. Il est essentiel de bien choisir les
activités proposées aux élèves en fonction
du niveau où ils se situent et du degré de
complexité des activités demandées et des
unités manipulées (syllabes ➝ rimes ➝ pho-
nèmes ; voir point 2). Au vu de la difficulté
marquée que certains élèves avec une DI,
notamment les enfants ayant une trisomie
21, peuvent rencontrer lorsqu’ils doivent
identifier des rimes (Naess, 2016), et du ca-
ractère moins fortement prédictif des pro-
grès en lecture de la conscience des rimes
comparée à celle des phonèmes, nous au-
rions tendance à recommander aux ensei-
gnants de ne pas trop « s’acharner » sur les
tâches portant sur les rimes et de passer ra-
pidement à des tâches de conscience pho-
némique, une fois les tâches de conscience
syllabique maîtrisées. Un enseignant peut
varier le type d’activités proposées tout en
travaillant sur un même objec tif afin d’éviter
un certain ennui chez l’enfant (ex. : trier des
mots selon leur premier son, repérer des in-
trus parmi des mots commençant presque
tous par le même son, etc.). Pour des idées
d’activités classées par ordre de complexité
croissante, le lecteur intéressé pourra se
référer à l’outil PHONO (Cèbe, Goigoux, &
Paour, 2004) ou au nouveau moyen d’en-
seignement complémentaire du canton de
Vaud PhonoDEL (Monney, Martinet, de
Chambrier, & Rouèche, 2016).
Dès qu’un travail sur la conscience phoné-
mique est entamé, il est nécessaire d’intro-
duire les lettres écrites qui peuvent prendre
la forme de lettres mobiles. Dans ce cas, il
est conseillé de les choisir sous une forme
épurée, sans fioriture, afin que l’enfant avec
une DI ne soit pas attiré par des informa-
tions non pertinentes, car il aura plus de mal
qu’un autre élève à les inhiber. Des études
manquent encore sur les stratégies qui
aident les élèves avec une DI à mémoriser
les correspondances phonèmes-graphèmes.
Toutefois, il semble possible que l’intégra-
tion d’images aux lettres elles-mêmes pour
aider à leur mémorisation (ex : le serpent qui
représente la let tre S) ralentisse leur appren-
tissage des correspondances graphèmes-
phonèmes au lieu de le faciliter, ce phéno-
mène ayant été constaté dans l’enseigne-
ment de la reconnaissance globale de mots
(Didden, de Graaff, Nelemans, Vooren, &
Lancioni, 2006). Cela doit toutefois être vé-
rifié par des recherches supplémentaires.
L’enseignement systématique des conver-
sions graphèmes-phonèmes devrait lui aus-
si être mené dans un ordre pré-déterminé en
fonction de la complexité de celles-ci, en
Nous nous sommes ici centrées sur
la lecture-décodage, mais il est également
nécessaire d’enseigner, dès que possible,
des stratégies de compréhension si l’on
souhaite que l’élève puisse lire et comprendre
des textes de manière autonome.
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tout cas au début pour favoriser l’établisse-
ment du lien entre graphèmes et phonèmes.
L’enseignement peut par exemple commen-
cer par les graphèmes correspondant à des
phonèmes acoustiquement bien distincts et
pouvant « s’allonger » (ex. : a, i, l, r, f, etc.).
Chez les enfants avec des limitations
moyennes ou sévères, dès qu’une corres-
pondance graphème-phonème est intro-
duite, il semble prometteur de travailler sys-
tématiquement sur la fusion de ces pho-
nèmes avec des lettres mobiles pour former
des syllabes ou des mots monosyllabiques
(Bradford et al., 200 6 ; Frederick et al., 2013 ;
Flores, 200 4). Les enseignants peuvent exer-
cer les enfants à donner le son correspon-
dant à une lettre en l’allongeant pendant
deux secondes (ex. : Mà[mmmm]), puis à fu-
sionner cette lettre mobile avec une autre
lettre connue rapprochée de la première
(ex. : M + A ➝ [mmmmaaaaaaa]) et ➝ fina-
lement « téléscoper » les sons ➝ [ma]).
Conclusion
Apprendre aux élèves ayant une DI à lire,
notamment aux élèves ayant des limitations
plus sévères, est une tâche complexe qui re -
quiert un investissement soutenu tant de la
part des enseignants que de leurs élèves.
Cet apprentissage doit être appréhendé et
poursuivi sur un plus long terme qu’avec des
élèves tout-venant. Les études montrent à
ce titre que les personnes avec une DI
peuvent continuer à significativement amé-
liorer leurs compétences en lecture grâce à
des interventions adéquates à l’adoles-
cence et à l’âge adulte (Hill, 2016 ; Van Nak-
ken, Nicolay, & Van Houten, 2007). Nous
nous sommes ici centrées sur la lecture-dé-
codage, mais il est également nécessaire
d’enseigner, dès que possible, des straté-
gies de compréhension si l’on souhaite que
l’élève puisse lire et comprendre des textes
de manière autonome (Cèbe & Lévite,
2015). Bien que l’apprentissage de la lec-
ture requière efforts soutenus et persévé-
rance de la part des enseignants et des
élèves, c’est un investissement nécessaire
et indispensable afin que le monde de l’écrit
soit accessible à cette population. Les com-
pétences en lecture offrent non seulement
plus d’opportunités dans le monde scolaire
et professionnel, mais aussi dans le quoti-
dien puisqu’elles permettent d’acquérir de
nouvelles connaissances, de se divertir et
de participer aux activités de la commu-
nauté.
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Dr. Rachel Sermier-Dessemontet
Haute École Pédagogique du canton
de Vaud
UER Pédagogie Spécialisée
Avenue de Cour, 33
1014 Lausanne
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