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Mémoires Frank : l’étonnant destin d’un témoignage historique de deux grands médecins liés à l’Alsace

Authors:
  • Cercle d'Histoire Alsace-Lituanie, France, Strasbourg

Abstract and Figures

The memory of emigrants hardly ever survives in their native countries. This is what happened to Jean-Pierre Frank, a professor in medicine – the grandson of an official supplier of the armed forces, born in Alsace – who enjoyed a distinguished academic career in prestigious German, Italian, and Russian universities and who reached fame in the early 19th century as a pioneer in public hygiene. His son Joseph, also a doctor and an academic, drafted their memoirs, a rare historical evidence on medical practises and on social and cultural life in Europe for nearly one century. Strasbourg is mentioned on several occasions. Written in French, the international language at that time, it is a bulky manuscript of nearly 3 500 pages whose full version, paradoxically, remained unpublished so far, while major excerpts came out in the 20th and early 21st centuries in German, English, Italian, Polish and Lithuanian. This document, as a matter of fact, is of great interest, particularly concerning Alsace, a province the Franks were closely related to.
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Philippe EDEL
Mémoires Frank: l’étonnant destin
d’un témoignage historique de deux
grands médecins liés à l’Alsace
Dans la première moitié du XIXe siècle, le médecin et professeur
d’université Joseph Frank rédige ses Mémoires
1 et ceux de son père,
Jean Pierre Frank, également médecin et universitaire, célèbre à
l’époque en Europe comme pionnier de la santé publique. Totalisant
près de 3 500pages, ce volumineux manuscrit constitue un remarquable
témoignage historique sur les pratiques médicales et la vie sociale et
culturelle en Europe pendant près d’un siècle, entre1745 et1842, à travers
les observations et anecdotes de ces deux médecins qui allient carrière
professorale et vie errante. S’y croisent tant des hommes des arts et lettres
–Balzac, Beethoven, Haydn, Stendhal – que de pouvoir –notamment
les trois empereurs Alexandre, François II, Napoléon. Certains ont pu
analyser ce texte comme un vaste récit de voyage
2. Écrits en français et
conservés à la section des manuscrits de la Bibliothèque de l’Université de
Vilnius (Lituanie), les Mémoires n’ont jamais été publiés dans leur version
originale, alors que plusieurs chapitres ont été traduits, édités, voire
réédités en polonais, lituanien, allemand, anglais et italien. Ils présentent
un réel intérêt, notamment pour l’Alsace d’où les aïeuls des Frank sont
originaires et avec laquelle eux-mêmes ont entretenu des liens particuliers.
Bien que Jean Pierre Frank fasse l’objet d’une notice dans le Nouveau
dictionnaire de biographie alsacienne
3 et qu’il soit brièvement cité dans
quelques publications historiques sur la médecine en Alsace
4, ces liens ne
semblent pas avoir fait l’objet d’études approfondies jusqu’à présent.
1. Mémoires biographiques de Jean Pierre Frank et de Joseph Frank son ls rédigés par ce dernier,
Leipzig, 1848 [manuscrit].
2. Genovaitė D, « L’écriture de voyage d’après les Mémoires de Joseph Frank »,
Literatūra, Vilnius, no 50/4, 2008, p.13-20.
3. éodore V , «Frank, Johann Peter», in Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne
(NDBA), fasc.11, 1988, p.1008.
4. Georges L et Georges S (dir.),decine et assistance en Alsace, XVIe‑X Xe siècle,
Strasbourg, Publications de la Société Savante d’Alsace et des Régions de l’Est, tomeXI, 1976,
p.160. Jean-Marie M et Jacques H (dir.), Histoire de la médecine à Strasbourg,
Strasbourg, 1997, p.171. Voir également: Philippe E, «Dynasties expatriées. S’exiler pour
réussir», Saisons d’Alsace, no 56, mai2013, p.90-91.
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Revue d’Alsace
Jean Pierre, Joseph, Christiane… et Louis Frank
Jean Pierre Frank (1745-1821)
5 est né dans la petite ville de Rodalben
dans le Palatinat, à 15km de l’actuelle frontière française. À l’époque,
Rodalben faisait partie du baillage de Gräfenstein, une enclave rattachée
au Margraviat de Bade-Bade. Il est le petit-ls d’un fournisseur des armées
venu d’Alsace qui fut tué dans le Palatinat lors de la guerre de Succession
d’Espagne. Son père Nicolas s’était xé comme agriculteur dans ce bourg,
où il eut quatorze enfants. De constitution fragile, Jean Pierre est destiné
par ses parents à la prêtrise et scolarisé d’abord chez les Piaristes de Rastatt,
puis chez les Jésuites de Bockenheim / Bouquenom (aujourd’hui Sarre-
Union). À partir de1761, il s’oriente cependant vers la philosophie qu’il
étudie à l’Université de Pont-à-Mousson, puis vers la médecine, étudiée à
Heidelberg et à Strasbourg. En1766, il commence à exercer à Bitche et
devient, peu après, médecin de la cour (Hofmedicus) du margrave à Rastatt,
où naît son ls Joseph, puis médecin personnel (Leibartz) du prince-
évêque de Spire, en résidence à Bruchsal. Pendant son séjour dans cette
petite ville est créé un hospice dont la direction lui est conée. Il y donne
ses premières leçons d’anatomie et de physiologie 6. Il se charge également
des cours daccouchement pour les sages-femmes. Ceux-ci ont pour eet
de diminuer fortement la mortalité parmi les jeunes femmes de la ville.
En1779, il publie le premier tome de l’ouvrage qui contribuera le plus à
sa réputation, son célèbre Système complet de police médicale
7, fruit de dix
années d ’étude et de recherche, qui lui vaut d’être élu membre des académies
de Mayence et d’Erfurt. En1784, il accepte la chaire de médecine pratique
qui lui est proposé –à lui, catholique– dans une prestigieuse université
protestante, celle de Göttingen. Il est nommé conseiller aulique (Hofrat)
du prince-électeur de Hanovre (par ailleurs également roi d’Angleterre).
Devant l’impossibilité d’y fonder une clinique, Frank quitte cependant
Göttingen l’année suivante pour occuper un poste de professeur et
de directeur des études médicales à l’Université de Pavie, une des plus
anciennes et des plus illustres d’Europe. Durant dixans, il contribue au
renouveau de l’enseignement de la médecine et forme toute une génération
de médecins qui essaiment à travers tout le Saint-Empire. Un grand nombre
de personnages de distinction de divers pays viennent le consulter à Pavie.
5. Pour les éléments biographiques relatifs à Jean Pierre et Joseph Frank, voir aussi :
Philippe E, « Les professeurs de médecine d’origine française à l’université impériale
de Vilnius au début du XIXesiècle», Histoire des Sciences Médicales, tome XLV, no 4, 2011,
p.359-368.
6. Notice « Frank (Jean Pierre)», in Biographie universelle ancienne et moderne, supplément,
Paris, L.-G. Michaud, 1838, p.454-460.
7. J. P. F, System einer vollständigen medicinischen Policey, Mannheim, 1779-1788, t.I-IV;
Stuttgart, 1813, t.V ; Wien, 1819, t.VI. Sous « police médicale», il convient d’entendre
«politique de santé».
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Mémoires Frank
À partir de1786, il assure parallèlement la fonction d’inspecteur général
de la médecine et de la pharmacie de Lombardie. En1794, à la suite de
tracasseries et de l’hostilité croissante que lui témoignent les professeurs
italiens, il prend l’occasion d’une convocation à Vienne pour briguer
auprès de l’empereur FrançoisII et de son administration un poste dans
la capitale impériale. Finalement, il obtient l’année suivante la direction
de l’Hôpital général de Vienne, ainsi que la chaire de médecine clinique à
l’université de la ville. Il fonde le musée d’anatomie pathologique qui, en
moins de dix ans, devient le premier d’Europe. En1796, il a la douleur de
perdre son second ls, François Frank, déjà reçu docteur et qui vient d’être
nommé assistant à la clinique. Réputé être un des meilleurs médecins de
son temps, Frank est cependant victime d’intrigues, notamment de la
part du médecin personnel du nouvel empereur, ce qui l’incite à accepter,
en1804, l’invitation de l’Université impériale de Vilna (Vilnius). C’est à
l’époque la plus importante de Russie en nombre d’étudiants. Il y prend
en charge la chaire de médecine clinique, fonde la clinique universitaire
et fait adopter un Plan pour l’organisation de la faculté de médecine –sur
le modèle de Pavie– qui est approuvé en trois mois par le ministre russe
de l’Instruction publique. Il professe pendant près d’un an à Vilnius où
il marque l’enseignement de son empreinte avant d’être appelé à Saint-
Pétersbourg pour enseigner à l’Académie médico-chirurgicale. En outre,
il y assiste la tsarine Elisabeth Alexeïevna (née princesse Louise Augusta
de Bade), sa compatriote. Après trois années dans la capitale russe où il
supporte mal le climat, il revient à Vienne en1808. Napoléon le convoque
Fig. 1: Jean Pierre Fran k, gravure d ’Ambroise
Tardieu (collection privée). Fig. 2 : Joseph Frank, portrait par Jan
Rustem (Musée des Beaux-Arts de
Lituanie, Vilnius).
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Revue d’Alsace
en1809, lors de son passage à Schönbrunn, pour lui proposer un poste
à Paris, mais il décline l’ore. Médecin de Beethoven et de la famille
impériale autrichienne, il passe le reste de ses jours à Vienne où il meurt
en1821.
Le destin de son ls Joseph Frank (1771-1842) est tout aussi nomade.
Né à Rastatt comme nous l’avons vu, il suit les cours de médecine de
son père à Pavie, où, grâce à la protection de celui-ci, il débute dans
l’enseignement dès l’année académique 1795-1796, à l’âge de 24ans. À
l’arrivée de «l’Armée d’Italie» de Bonaparte, il quitte Pavie pour Vienne en
mai1796, malgré ses idéaux républicains et les pressions d’un de ses amis,
le docteur Pietro Moscati, futur membre du Directoire de la République
cisalpine. À Vienne, il poursuit sa carrière de professeur et, grâce à son
père, exerce comme Premier-médecin (Primarartz) de l’hôpital général.
En1802-1803, alors qu’il est déjà bien connu pour ses travaux scientiques,
il fait un «voyage d’instruction» en France (Paris), Angleterre (Londres,
Oxford, Cambridge, York, Newcastle, Birmingham, Manchester,
Liverpool, Bristol, Bath), Écosse (Édimbourg, Glasgow) 8 et Allemagne du
Nord (Kiel, Hambourg, Berlin). Ce voyage lui permet de rencontrer les
plus éminents médecins et professeurs de l’époque et de visiter hôpitaux et
établissements de soins. Durant ce périple, Joseph est élu membre associé
ou correspondant de diérentes sociétés savantes, à Strasbourg (où il fait
une halte), Paris, Londres, etc. En1804, il part à Vilnius pour occuper
la chaire de pathologie de l’université, en même temps que son père
dont il reprend une partie des activités au départ de celui-ci pour Saint-
Pétersbourg en1805. Là-bas, il dirige le département de pathologie, ainsi
que le musée d’anatomie pathologique et crée l’institut de vaccination,
premier établissement du genre en Europe continentale. Avec plusieurs
professeurs de la faculté et médecins de la ville, il prend l’initiative de créer
la Société de médecine de Vilnius, la première en Europe de l’Est 9, toujours
en activité. Avec son épouse Christiane Gerhardy, soprano de talent, il
contribue à animer la vie culturelle de la ville en organisant de fréquentes
soirées musicales autour d’œuvres de Haydn et de Beethoven, ce qui lui
permet de nancer des actions de soins en faveur des nécessiteux 10. Durant
un long séjour viennois, ChristianeGerhardy a en eet fait connaissance
et a travaillé avec ces deux grands compositeurs, dont elle devient une
admiratrice enthousiaste, avec une certaine réciprocité. Joseph Haydn
8. Joseph F, Reise nach Paris, London, und einen grossen eile des übrigen Englands und
Schottlands, in Beziehung auf Spitäler, Versorgungshäuser, übrige Armen‑Institute, Medizinische
Lehranstalten und Gefängnisse, Vienne, Camesianische Buchhandlung, 1804-1805, 2volumes.
9. Dalia T (dir.), Vilniaus Medicinos Draugija – 200 – Societas Medica Vilnensis,
Vilnius, 2005, p.23.
10. Caroline P, «La maison Fra nk et l’intel ligentsia de Vilniu s au début du XIXesiècle»,
Cahiers Lituaniens, Strasbourg, no 10, 2009, p.23-29.
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Mémoires Frank
compose ainsi pour elle un rôle dans
une de ses œuvres majeures, l’oratorio
La Création(Die Schöpfung) 11. Quant
à Ludwig van Beethoven, celui-ci
éprouve probablement pour elle de
tendres sentiments, bientôt frustrés
par le mariage de la jeune femme avec
Joseph Frank
12. Notons par ailleurs
que la maison des Frank à Vilnius,
abandonnée en 1812 lors de la fuite
de Joseph et de Christiane devant les
troupes de Napoléon, est un moment
occupée par un ocier français de
l’intendance du nom d’Henri Beyle…
qui n’est pas encore Stendhal. Joseph
quitte Vilnius en 1823, après dix-
neuf années de service passées à son
université, pour retourner à Vienne et
prendre possession de l’héritage de son père. Puis, il s’installe sur les rives
du lac de Côme, dans le faubourg de Borgo Vico de la ville éponyme.
Devenu propriétaire de la Villa Gallietta, il mène une vie fantasque,
organisant de somptueuses fêtes. Il y meurt en1842. Sa sépulture se trouve
cependant à Laglio, autre petit village très pittoresque au bord du lac, situé
à 12km de Côme. Il aimait y rendre visite au comte Silvestri, propriétaire
de la Villa Oleandra, luxueux palais du XVIIIe siècle. Joseph Frank y
repose dans une imposante tombe de forme pyramidale de 20mètres de
haut et 13 de large
13, construite après le décès de son épouse (1849) par
l’Université de Pavie pour la somme de 25 000francs suisses, selon le plan
initialement conçu par lui-même pour la sépulture de son ami le physicien
Alessandro Volta 14. Cette disposition était expressément incluse dans son
testament, en contrepartie du legs de son héritage à cette université où il
commença sa carrière professorale. La pyramide de Frank, qui donna aussi
son nom à l’actuel bulletin communal de Laglio 15, est aujourd’hui une des
attractions touristiques du lac de Côme.
11. Mémoires, op. cit., tome 2, chapitreXXXIV.
12. Les lettres de Beethoven. L’intégrale de la correspondance 1787‑1827, Arles, Actes Sud, 2010,
p.33-34, 55-56. Ce recueil comprend trois lettres à Christiane Gerhardy. Dans la seconde,
datée de 1797 à Vienne, Beethoven cite Frank en termes peu élégants : « ce triple sot de
Joseph» (traduction de Jean Chuzeville).
13. http://himetop.wikidot.com/joseph-frank-s-tomb [consulté le 29 juin 2016].
14. Selon les données recueillies par Giovanni Galli, c’est le refus de la commission en charge
de l’érection d’un mémorial à Volta dans sa ville natale de Côme de retenir son projet de
monument en forme de py ramide qui aura it décidé Frank à l’i nclure dans son propre te stament.
15. La piramide di Laglio. Periodico della Giunta Comunale.
Fig. 3: Christiane Gerhardy, portrait
par Jan Rustem (Musée des Beaux-
Arts de Lituanie, Vilnius).
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Revue d’Alsace
Enn, remarquons que les Mémoires citent fréquemment un troisième
Frank: Louis Frank (1761-1825), neveu de Jean Pierre et cousin de Joseph,
lui aussi médecin
16. Né à Lauterbourg où son père Martin tient une
auberge, il fait ses études d’abord à Bruchsal, puis à Göttingen, sous les
auspices de son oncle Jean Pierre, qui l’emmène à Pavie où il reçoit le grade
de docteur en médecine et chirurgie en1787. Il entre rapidement au service
du prince de Khevenhüller, représentant plénipotentiaire de lempereur
et du Saint Empire à Milan, dont il devient le médecin particulier, puis
obtient en1789 la place de médecin-assistant à l’hôpital central de la ville.
Parallèlement, il collabore au journal Nuovo giornale della piu recente
letteratura medica. Il publie également une Bibliotheca med. Browniana
en trois volumes (1797), dans laquelle il se fait l’ardent défenseur des
nouvelles conceptions médicales de l’Écossais John Brown (1735-1788),
président de la Société de médecine d’Édimbourg. Lors de l’entrée des
troupes révolutionnaires françaises en Italie en1796, il suit le prince à
Florence, puis décide d’étudier les maladies des pays chauds, en Égypte.
Pour cela, il embarque à Livourne et visite, durant la traversée, les îles de
Malte et de Rhodes. En novembre 1797, Louis arrive à Alexandrie, visite
le Caire et s’installe en Haute-Égypte. Quand le corps expéditionnaire
français de Bonaparte débarque à Alexandrie en 1798, Louis, comme la
plupart des Européens déjà présents dans le pays, est emprisonné par les
Mamelouks jusqu’à la prise du Caire. Libéré par les Français, il sert comme
médecin de l’Armée d’Orient et exerce notamment au grand hôpital
militaire du Caire. En1804, après un séjour d’un an à Tunis au service de
Gammüda Bey, il quitte l’Égypte pour servir comme médecin personnel
d’Ali Pacha de Janina (1741-1822), le légendaire gouverneur ottoman de
la région de l’Épire 17. Il reste cinqans à ce poste et en prote pour étudier
les maladies de Grèce. De1810 à1814, il exerce comme médecin en chef
à Corfou, alors sous domination française. Obligé de partir à la chute
de Napoléon, LouisFrank obtint en1816, grâce à son oncle Jean Pierre,
le poste de médecin personnel de Marie-Louise d’Autriche, l’ancienne
impératrice des Français devenue duchesse de Parme. Nommé également
inspecteur de la faculté médico-chirurgicale de l’université de la ville, il
contribue activement en cette qualité au développement de l’enseignement
16. Édouard S, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres d’Alsace, Rixheim,
1909 (réédition 1973), tome1, p.518-519. éodore V, «Frank, Jean François Louis»,
in NDBA, fasc.11, 1988, p.1008. «Ludwig Frank. Leben und Wirken in Ägypten, auf dem
Balk an und in Italien», in Alois D et Hermann M (di r), Johann Peter Frank
(1741‑1821), Gegen Armut und Krankheit, Leben und Wirken eines großen Arztes, Rodalben,
Johann Peter Frank-Gesellschaft, 2004 (réédition 2007), p.177-206.
17. Ce personnage public connu pour sa cruauté inspira plusieurs écrivains et librettistes, dont
Alexandre Dumas en France (dans Le Comte de Monte‑Cristo), Albert Lortzing en Allemagne
(Ali Pascha von Janina), Mór Jókai en Hongrie (Le Déclin des janissaires) et plus récemment
Ismail Kadaré en Albanie (La Niche de la honte).
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Mémoires Frank
pratique et à la création de nouveaux services : fondation d’une chaire
de thérapeutique, d’une école d’anatomie, d’une clinique médicale,
d’un établissement d’accouchement, généralisation de la vaccination. Il
succombe à une maladie d’estomac en1825 à 64ans, à la suite d’un excès
de travail. Honoré à Parme, sa dernière ville dadoption 18, LouisFrank était
membre de nombreuses sociétés savantes d’Italie, de France, dAllemagne
et d’Angleterre et laisse plusieurs travaux remarqués, traduits en italien ou
en allemand.
Une notoriété toujours visible
Les Frank jouèrent souvent un rôle marquant dans les villes où
ils séjournèrent. C’est pourquoi de nombreux signes commémoratifs,
monumentaux, iconographiques, odonymiques ou autres, y sont encore
visibles de nos jours. Près d’une trentaine d’entre eux ont pu être recensés
à ce jour dans dix villes de cinq pays européens:
- à Rodalben (Palatinat), la sculpture en pied de Jean Pierre dans le parc
de la ville; la plaque commémorative sur sa maison natale; le buste
en bronze dans le petit musée éponyme (Johann Peter Frank‑Museum)
géré par la Johann Peter Frank‑Gesellschaft; la rue à son nom (Dr. Joh.
Peter Frank‑Str.);
- à Bruchsal (Bade), la plaque commémorative en l’honneur de Jean
Pierre au château et celle à l’hôpital de la ville; la rue adjacente à son
nom (Peter Frank‑Str.);
- à Pavie (Lombardie), le buste de Jean Pierre dans lAula Scarpa; les
plaques commémoratives en l’honneur de Giov. Pietro Frank dans la
cour d’honneur et en celui de Giuseppe Frank au sommet de l’escalier
d’honneur de l’université; le portrait à l’huile de Joseph jeune à la
préfecture de la province; la rue dans le centre historique au nom de
Joseph (Via Giuseppe Frank);
- à Laglio (au bord du lac de Côme, Italie), l’imposante tombe
pharaonique de Joseph au centre du village, face au petit port, avec
– sous son egie – l’inscription Ioseph Frank MDCCCLI (1851),
l’année étant celle de l’achèvement de l’édice et non celle de sa mort
(1842);
- à Turin (Piémont italien), le portrait de Jean Pierre dans la galerie
des savants du Palazzo Madama, l’ancien palais de la régente Marie
Jeanne Baptiste de Savoie.
18. Carlo S, Cenni biograci del Cavaliere Luigi Frank, Parme, G. Paganino, 1825.
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Revue d’Alsace
- à Vienne (Autriche), le monument et la plaque à l’hôpital central, la
tombe de Jean Pierre dans le Ehrenfeld, carré réservé aux personnalités
du cimetière central de la ville, et la rue à son nom (Frankgasse), dans
le quartier Alservorstadt du 9earrondissement, près de l’université de
médecine;
- à Vilnius (Lituanie), la plaque commémorative en l’honneur de Jean
Pierre dans le hall d’entrée de l’université; celle portant le nom de
Joseph (Jozefas Frankas) dans la cour d’honneur, ainsi que le buste
en argile dans la prestigieuse Petite Aula, toujours à l’université; les
portraits de Joseph et de Christiane par Jan Rustem à la Galerie de
peinture du Musée des Beaux-Arts de Lituanie; un autre portrait de
Joseph par Józef Oziębłowski dans la même galerie; son egie en
fresque sur une voûte de la librairie académique Littera; la statue en
pied de Jean Pierre près de l’Institut d’hygiène; leur nom donné à
la maison (Franko namas) qu’ils ont habité et qui abrite aujourd’hui
l’Institut Français, à côté de l’Ambassade de France en Lituanie; la
rue en mémoire de Joseph (J.Franko gatvė) dans un nouveau quartier
de la ville, près de l’hôpital universitaire de Santariškės.
Par ailleurs, une prestigieuse distinction portant le nom de Jean
Pierre ( Johann Peter Frank‑Medaille) est décernée chaque année en
Allemagne, depuis1972, par la fédération des médecins des services de
santé publique (Bundesverband der Ärztinnen und Ärzte des Öentlichen
Gesundheitsdienstes ‑ BVÖGD) aux plus éminentes personnalités
– ministres, universitaires, chercheurs, médecins – qui contribuent au
développement de l’hygiène publique dans ce pays 19.
À Hanovre, c’est le Niedersächsisches Institut für Sportgeschichte –un
centre de documentation et de recherche sur le développement du sport–
qui rend hommage à Jean Pierre Frank en le faisant gurer depuis 1998
dans sa «Galerie d’honneur du sport» (Ehrengalerie des Sports). Dans sa
notice biographique, il est précisé que, non seulement Frank professait
que l’hygiène corporelle et morale passait par les exercices physiques, mais
qu’il en t également une liste: «la marche à pied, la randonnée, la course,
le saut, le lancer, le patinage, la luge, le jeu de balles, l’escrime, l’équitation,
la danse, le tir à l’arc, les bains froids, la natation, la marche sur échasses
et l’escalade 20».
À Dresde, c’est un buste en marbre représentant Jean Pierre qui orne
depuis 1931 le Deutsches Hygiene‑Museum.
19. http://www.aerzte-oegd.de/medaillentraeger/medaillentraeger.html [consulté le 29 juin
2016].
20. Ehrenportal (Ehrengalerie‑Datenbank), Niedersächsisches Institut für Sportgeschichte,
Aufnahme 1998.
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Mémoires Frank
À Londres, le nom de Frank apparaît sur la grande frise extérieure de
l’imposant bâtiment de la London School of Hygiene and Tropical Medicine,
construit en1929 en style Art Déco dans le quartier de Bloomsbury, dans
le centre de la capitale anglaise. À noter que, parmi les vingt-deux autres
éminents noms de cette frise monumentale, gurent ceux de deux autres
«Strasbourgeois»: Louis Pasteur et Alphonse Laveran.
Par ailleurs, un cycle annuel de conférences internationales sur la
gestion stratégique de l’information dans les hôpitaux, les Frank ‑ van
Swieten Lectures, organisé depuis 2000 par des universités allemandes,
autrichiennes et néerlandaises, porte son nom associé à celui de
Gerhard van Swieten (1700-1772), médecin catholique hollandais et
professeur de talent qui servit également la maison des Habsbourg à
Vienne 21.
On notera enn que Joseph Frank fut souvent cité comme ayant servi
de modèle au personnage principal du roman Le médecin de campagne
d’Honoré de Balzac, le docteur Benassis. Cette armation se fonde sur
une lettre que Balzac écrivit à sa sœur Laure Surville le 30avril1849 de
Wierzchownia, le domaine d’Ewelina Hańska en Volhynie (aujourd’hui
en Ukraine) : «Heureusement, il y a ici l’un des premiers élèves du
fameux Franck [sic], l’original de mon Médecin de campagne
22 ». Pour
Moïse LeYaouanc 23, il ne s’agissait pas de Jean Pierre Frank, eectivement
célèbre à l’époque dans toute l’Europe, mais de son ls Joseph qui eut
probablement comme élève le docteur Knothe, devenu médecin à
Wierzchownia. Cependant, selon Roger Pierrot, conservateur en chef
à la Bibliothèque nationale de France qui réunit, classa et annota la
correspondance de Balzac, cette assertion semble dicilement vériable,
car il est improbable que Balzac ait pu connaître en1833 l’activité d’un
médecin exerçant en Lituanie
24. Pour l’historien Giovanni Galli, il y
aurait eectivement confusion sur la personne : le supposé modèle du
médecin de campagne de Balzac ne serait cependant ni Joseph Frank,
ni a fortiori Jean Pierre, mais le docteur Knothe. Pour lui, le héros du
roman, le docteur Benassis, ne ressemble en aucune manière au ls Frank,
ni dans son histoire, ni dans sa personne, ni dans son caractère. Notons
que Balzac t connaissance avec Joseph Frank en mars ou avril1838 à
Milan lors dune soirée au théâtre de la Scala. Giovanni Galli relève à ce
propos que, tout comme Joseph Frank dans la réalité, le docteur Benassis
21. Mar ta F , « Frank, Johann Peter », in R ussische Karriere. Leibär zte im 19. Jahrhundert,
Aix-la-Chapelle, Shaker, 2010, p.96-99.
22. Honoré de B, Correspondance, tome V (Mai 1845 ‑ Août 1850), Paris, Garnier Frères,
1969, p.557.
23. Moïse L Y, Nosographie de l’humanité balzacienne, Paris, Maloine, 1959, p.11-12.
24. Honoré  B, op. cit. p.557, notes 2 et 3.
182
Revue d’Alsace
est inhumé –dans le roman– sous une pyramide haute de 20pieds. Et de
se demander s’il s’agit d’une coïncidence ou si Frank avait lu le roman et
s’en était inspiré 25 !
Liens des Frank avec Strasbourg et l’Alsace
On l’a vu, le destin des trois Frank les a conduits à étudier, exercer,
voyager et séjourner à travers toute l’Europe, des rives de la Baltique à
celles de la Méditerranée. Au cœur de l’Europe, Strasbourg et l’Alsace
leur sont également familiers pour plusieurs raisons. Outre leur lointain
aïeul alsacien, ils sont nés tous les trois dans la région du Rhin supérieur:
Jean Pierre dans l’actuel Sud-Palatinat, Joseph en pays de Bade et Louis en
Alsace du Nord. Comme évoqué plus haut, Jean Pierre étudie notamment
chez les Jésuites à Sarre-Union, puis –après l’Université de Heidelberg–
poursuit sa médecine à partir de1765 à Strasbourg, chez les professeurs
Jacques-Reinbold Spielmann (1722-1783), Jean Pfenger (1728-1782) et
Jean-Frédéric Lobstein l’aîné (1736-1784).
Si Spielmann le déçoit – ses leçons l’amènent à conclure que « cet
enseignant n’a jamais été malade » – Jean Pierre Frank apprécie par
contre Lobstein, «homme remarquable qui, malgré un ton assommant,
donnait d’excellentes leçons sur l’anatomie », dont Frank vantera plus
tard le mérite. Précisons qu’au milieu du XVIIIe siècle, la faculté de
médecine de Strasbourg, à l’image de celles de Leyde, d’Édimbourg et de
Vienne, bénécie en eet d’une réputation exceptionnelle en Europe
26.
Contrairement à Heidelberg, elle propose une formation pratique qui
est très appréciée. La présence à Strasbourg d’un hôpital militaire royal
–le plus important en France avec un millier de lits – qui, doté d’un
amphithéâtre d’instruction, a introduit un enseignement appliqué aux
malades dès 1718
27, stimule l’université municipale protestante de la
ville. Frank, soucieux d’acquérir des connaissances pratiques et de se
perfectionner, obtient la permission d’accompagner le médecin-chef de
l’hôpital militaire lors de la visite des malades. Il est cependant earé par
certaines pratiques, notamment ces visites au pas de charge qu’il décrit dans
son autobiographie: «Accompagné d’un assistant et d’un pharmacien, le
médecin-chef passait d’un lit à l’autre []: «Jean ! Comment vous portez
vous ?», «Très mal, Monsieur le médecin», «Avez-vous été saigné ?», «Oui
25. Giovanni G, La piramide di Laglio, Côme, L’Editoriale, 2002.
26. Ernest W, « La clinique de l’Hôpital de Strasbourg au XVIIIe siècle»,
Archives Internationales d’Histoire des Sciences, Paris, no 64, juillet-septembre 1963, p.257-276.
27. J a c q u e s H, « L’hôpital militaire de Vauban : un enseignement et une formation
cliniques très en avance sur la faculté », in Jean-Marie M et Jacques H (dir.), op.cit.
p.146-151.
183
Mémoires Frank
Monsieur !», «Avez-vous pris la médecine à purger?», «Oui Monsieur !»
Entre-temps, le médecin mit deux doigts sur la veine du poignet du
patient et déclara à haute voix: «Saignée ! Médecine évacuante !» Aussitôt,
l’assistant et le pharmacien prirent note de l’ordre à la hâte tandis que le
médecin se penchait déjà au chevet du prochain patient pour y répéter les
mêmes questions et ordres 28.»
Frank garde cependant un excellent souvenir de Strasbourg. Selon les
Mémoires, «Jean Pierre gagna tellement la conance de ses condisciples
qu’ils le prièrent de répéter avec eux les leçons de physiologie, ce qu’il t
gratuitement, mais en conrmant le proverbe «docendo discimus» («en
enseignant, nous apprenons»)
29». En 1762, il présente à la faculté de
médecine sa dissert ation inaugura le sur le thème de l’éducation des enfants:
De educatione infantum physica. Cette thèse sera réécrite et condensée à
Heidelberg, avec l’aide de son professeur de physiologie et de pathologie
Mattheus Gattenhof (1722-1788), pour être soutenue publiquement
en1766 sous le nouvel intitulé: De cunis infantum. C’est cette mouture
dénitive, issue donc de son travail initialement entamé à Strasbourg, qui
sera plus tard largement diusée en Europe; d’abord publiée à Pavie en
1793 dans sa version latine d’origine au sein du volumeXII de la collection
de textes de Frank, Delectus opusculorum medicorum
30, traduite ensuite
du latin en allemand et publiée à Leipzig en 1794
31, puis traduite de
l’allemand en français et publiée à Paris et à Strasbourg en1799 32.
Si «Strasbourg présentait toutes les séductions imaginables pour un
jeune homme
33», l’amour de Jean Pierre Frank pour une jeune Lorraine
– une certaine Katharine qu’il appelle Katisch, lle d’un négociant de
Pont-à-Mousson– ne le retint cependant pas dans la cité alsacienne.
Quant à son ls Joseph, c’est en décembre 1802 qu’il vient à Strasbourg
où il rencontre les professeurs les plus éminents de l’époque : Lauth,
Masuyer, Gerboin, Maréchal. Dans les Mémoires, il écrit:
28. Johann Peter F, Selbstbiographie, Herausgegeben von Professor Erna Lesky, Bern -
Stuttgart, Verlag Hans Huber, 1969, p.44-45.
29. Mémoires, op. cit., tome 1, chapitre III.
30. Joannes Petrus F, Delectus opuscolorum medicorum antehac in Germaniae diversis
Academiis editorum, quae in Auditorum commodum collegit, et cum notis hinc inde aucta reduci
curavit, vol.I-XII. Ticini 1785-1793.
31. Johann Peter F, Abhandlung über eine gesunde Kindererziehung nach medicinischen
und physikalischen Grundsätzen für sorgsame Aeltern, besonders für Mütter, denen ihre und ihrer
Kinder Gesundheit am Herzen liegt. Aus dem Lateinischen von J. G. Gruber, Leipzig, 1794,
95p.
32. J. P. F , Traité sur la manière délever sainement les enfants, sur les principes de la
médecine et de la physique, destiné aux parents, particulièrement aux mères, qui ont à cœur leur
santé et celle de leurs enfants. Traduit de l’allemand par Michel Boehrer, Paris, Crapelet, anVI
(1798-1799) et Strasbourg, Boehrer, 1799, 142p.
33. Mémoires, op. cit., tome 1, chapitre III.
184
Revue d’Alsace
J’avais reçu jusqu’à présent, pendant mes voyages, beaucoup de politesses et
d’amitié, mais nulle part des témoignages de considération et d’estime tels qu’à
Strasbourg. Le corps des professeurs me donna un dîner somptueux, où l’on
porta les toasts les plus atteurs pour mon père et pour moi. Après le dîner, je
fus conduit à la Société des sciences et arts du département du Bas-Rhin où je
fus proclamé membre associé (le diplôme du quinze germinal anXI est signé
Hermann) 34.
Lors de son passage à Strasbourg, Joseph tente de régler une aaire
qui tracasse son père et qu’il relate dans le récit de son périple européen 35.
En eet, la notoriété internationale de son père a poussé certains
charlatans à s’emparer de son nom pour vendre des remèdes prétendument
recommandés ou préparés par lui, à l’image d’un certain Rouvière qui, à
Paris, vend des «grains de santé du DrFrank, Professeur de Vienne», sans
que l’on sache toutefois en quoi consistent ces grains. Denis Durand de
Bousingen résume ainsi l’aaire:
Le père de Frank a fait paraître plusieurs fois des démentis dans la presse pour se
démarquer de ce Rouvière, si bien que ce dernier a changé sa publicité et arme
désormais que ces grains lui viennent d’un «D
r
Léopold Frank, de Strasbourg».
En route vers Paris, Frank tente de trouver ce médecin à Strasbourg, qui bien
entendu n’existe pas. Les déboires de Frank ne s’arrêtent pas là: une fois à
Paris, il est interrogé par la police qui le prend pour le véritable promoteur
des grains de santé, et ne doit son salut qu’à une intervention des professeurs
parisiens (dont Michel-Augustin ouret, directeur de l’École de médecine)
auprès du ministre de l’Intérieur (Jean-Antoine Chaptal, un ancien médecin).
Le sieur Rouvière, quant à lui, restera introuvable et poursuivra tranquillement
son commerce…
36
.
On retiendra aussi les liens particuliers des Frank avec le naturaliste
Louis Henri Bojanus (1776-1827) originaire de Bouxwiller
37. Le père de
celui-ci, Jean-Jacques Bojanus, greer en charge des registres forestiers,
travaillait à la Régence du comté de Hanau-Lichtenberg jusqu’à la
Révolution. Fuyant la Terreur en 1793, il se réfugie avec sa famille à
Darmstadt, où s’est repliée l’administration comtale. Jeune diplômé de
médecine et de chirurgie de l’Université d’Iéna, Bojanus suit les cours du
père Frank à Vienne, où il fait la connaissance de Joseph Frank et de la lle
d’un pasteur, Wilhelmine Roose, qui sera courtisée par les deux jeunes
médecins. C’est Bojanus qui nalement l’épousera à Vienne en 1803.
34. Mémoires, op. cit., tome 2, chapitre X XXVI.
35. Joseph F, Reise, op. cit. , Ier eil, p.171-174.
36. Denis D  B, « Récits de voyages hospitaliers entre Strasbourg et
l’Allemagne au XIXesiècle», Histoire des Sciences Médicales, Paris, Société Française d’Histoire
de la Médecine, tome XLV, no 4, 2011, p.392.
37. Ph il ip pe E et Piotr D, Louis Henri Bojanus, le savant de Vilnius, Strasbourg,
Vent d’Est, 2015 (Portraits célèbres d’Alsace).
185
Mémoires Frank
Rivaux en amour, Frank et Bojanus se retrouveront devoir enseigner
pendant près de vingt ans dans la même université à Vilnius, alors que
l’un aura parcouru une partie de l’Europe pour fuir l’autre.
Notons que, de son côté, Joseph Frank épousera Christiane Gerhardy,
dont la famille est paradoxalement aussi originaire de Bouxwiller
38. Son
grand-père, René-Henri Gerhardy
39, a été conseiller à la Régence du
comté (collègue donc de Jean-Jacques Bojanus) et membre du Conseil
consistorial de l’Église protestante de Hanau-Lichtenberg, avant de fuir
également la Terreur en 1793 avec femme et enfants pour Darmstadt.
Son propre père, Jean-Henri Gerhardy, avait été pasteur à Bouxwiller et
son beau-père, Jean-René Koch, conseiller à la chambre des comptes du
comté 40. Quant au père de Christiane, né à Bouxwiller, il a créé avec un
associé une fabrique de coton à Lettowitz (Letovice), en Moravie 41, où est
née sa lle.
On signalera enn qu’au début des années 1810, Joseph Frank est mis
en contact avec Henri-Gottfried Oberlin (1778-1817), par l’intermédiaire
d’un inspecteur des écoles de Vilnius, un certain Friebé. Fils de Jean-
Frédéric Oberlin, le célèbre pasteur de Waldersbach, et neveu de
Jérémie-Jacques Oberlin, le dernier recteur de l’Université protestante de
Strasbourg, Henri-Gottfried réside alors à Riga. Dans sa correspondance
avec Friebé
42, il fait l’éloge du père et du ls Frank pour la qualité des
soins à la clinique médicale et loue les concerts de Madame Frank dont les
recettes permettent la création de la clinique ambulante.
Les attaches des deux mémorialistes avec l’Alsace, où leurs séjours
furent nalement assez brefs, s’appuient donc aussi sur leurs relations avec
les Alsaciens en exil qui communiquent souvent entre eux et tentent de
garder le contact avec le pays natal.
38. Caroline P, «Entre Joseph Frank et Louis Bojanus, une longue et tenace inimitié
à l’université de Vilnius sur fond de guerres napoléoniennes», Cahiers Lituaniens, Strasbourg,
no 11, 2012, p.18-29.
39. Reinhard Heinrich Gerhardi. Voir: «Das gelehrte Buchsweiler», in Carl K, Beiträge
zur Geschichte des ehemaligen Gra Hanau‑Lichtenberg und Ihrer Residenz‑Stadt Buchsweiler,
Strasbourg, Verlag v. Wilhelm Jahraus, 1912, p.12.
40. Richard S, Registres paroissiaux protestants de Bouxwiller, 2008, Cercle
Généalogique d’Alsace, tome Baptêmes 1700-1792, p.64; tome Mariages 1700-1792, p.75,
139; tome Sépultures 1700-1792, p.101.
41. Mémoires, op.cit., tome 2, chapitre XXXIV.
42. Archives de la Ville et de l’Eurométropole de Strasbourg, fonds 77Z, cote MS459, Papiers
du pasteur Oberlin (Correspondances d’Henri‑Gottfried Oberlin avec M. Friebé. Manuscrits
1810-1813, consulté par Jean Rinderknecht).
186
Revue d’Alsace
Périples et péripéties du manuscrit
C’est à partir de 1824, à son retour en Italie et à l’âge de 54ans, que
Joseph Frank commence la rédaction des Mémoires. Il prend comme
fondement l’autobiographie écrite en allemand par son père, déjà décédé,
datée de décembre1801 et intitulée:Biographie du Dr Jean Pierre Frank,
Conseiller de cour impérial et royal, directeur d’ hôpital et professeur de
médecine pratique à la Haute école de Vienne, membre de diérentes sociétés
savantes. Écrite par lui‑même. Ce premier texte fut publié en neufparties
dans l’almanach Gesundheits‑Taschenbuch für das Jahr 1802, édité par
la Société de médecine de Vienne créée en 1800 par Joseph et danciens
étudiants de Jean Pierre. Il fut réédité trois fois, en1802 chez un éditeur
indépendant à Vienne
43, puis en1969 à Berne
44 et en2013 à Berlin
45. Il
est également disponible en ligne sur Internet en texte intégral
46. À noter
qu’il fut par ailleurs édité en italien dès1802
47 et en anglais en1948
48.
C’est parce que son père jouissait d’une réelle renommée européenne que
Joseph avait choisi de rédiger ses propres Mémoires –incluant ceux de
son père– en français, langue internationale par excellence à l’époque,
plutôt que dans sa langue maternelle, l’allemand. C’est en évoquant ce
projet avec son ami le chevalier Jean de Carro (1770-1857), originaire de
Genève et également médecin, qu’il t ce choix. Joseph t la connaissance
du chevalier en 1795 à Vienne et c’est lors d’une cure en1833 dans la
ville thermale de Carlsbad, en Bohème, où exerçait Jean de Carro durant
la belle saison, que ce dernier lui proposa de l’aider dans la rédaction en
français des Mémoires pour les faire publier. Ils passeront deux hivers, à
Prague puis à Dresde, à retravailler ensemble le style des textes couvrant la
période allant jusqu’à1833. Cependant, Joseph poursuivit leur rédaction
jusqu’à sa mort en1842, alors qu’il résidait à Côme.
Selon Carro, c’est en 1847 que Christiane Gerhardy, la veuve de Joseph,
reprit contact avec lui et lui transmit les derniers feuillets qu’il mit alors en
forme, notamment ceux relatifs à la maladie et à la mort de Joseph. Carro
structura l’ensemble des textes en 116chapitres –dont il rédigea les titres–
43. Biographie des D. Johann Peter Frank, k. k. Hofrathes, Spitaldirektors und Professors der
praktischen Arzneywissenschaft auf der Hohenschule zu Wien, Mitgliedes verschiedener Gelehrten
Gesellschaften. Von ihm selbst geschrieben. Vienne, Carl Schaumburg & Cie, 1802.
44. Johann Peter F, Selbstbiographie, Bern - Stuttgart, Verlag Hans Huber, 1969.
45. Johann Peter F, Selbstbiographie, Berlin, Holzinger, 2013.
46. http://www.zeno.org/Naturwissenschaften/M/Frank,+Johann+Peter/Seine+Selbstbiogra-
phie [consulté le 29 juin 2016].
47. Biograa del consigliere e professore Giovanni Pietro Frank. Traduzione dal tedesco. Milano,
1802.
48. Biography of Dr. Johann Peter Frank written by himself. Translated from German with
introduction and notes of George Rosen. Oxford, Journal of the History of Medicine and
Allied Sciences, III, 1948.
187
Mémoires Frank
et en sixtomes reliés de plus de 500pages chacun, soit un total de près de
3 500pages. À la mort de la veuve Frank, le chevalier n’avait toujours pas
trouvé d’éditeur, d’autant plus que les troubles liés à la révolution de1848
rendaient la tâche dicile, surtout pour une œuvre si colossale. Carro
essaya alors de condenser les Mémoires en deux volumes, mais sans plus
de succès. Fort heureusement, il entra en contact vers1854 avec un certain
Leonard Karczewski, membre de la Société de médecine de Vilnius. Ce
dernier en parla aux autres membres de la Société, créée –on la vu– à
l’initiative de Joseph Frank en1805. Ceux-ci montrèrent un vif intérêt
pour les Mémoires. Karczewski fut très vite chargé par Adam Ferdynand
Adamowicz, président de la Société et ancien élève de Joseph, de négocier
les conditions d’achat du manuscrit. Grâce à l’aide nancière du prince
Rainold Tyzenhauz, la Société put acquérir en mai 1855 les six tomes des
Mémoires au prix de 25ducats 49.
La présence du manuscrit suscita un vif intérêt à Vilnius, notamment
à la suite de la conférence que t en octobre1856 Adamowicz qui gardait
en dépôt le manuscrit. Les tomes 3, 4 et 5, qui relatent les souvenirs
de Joseph à Vilnius, furent particulièrement consultés par ses anciens
élèves et collègues, les médecins et notables de la ville, des personnes qui
l’avaient côtoyé ou connu durant ces années. Le ton souvent ironique
voire sarcastique de Joseph ne plut cependant pas à certains. Lors de prêts,
certains feuillets vinrent à manquer et un volume entier, le tome5, disparut.
Selon Stanisław Trzebiński, professeur d’histoire et de philosophie de la
médecine à l’Université de Vilnius et secrétaire de la Société dans lentre-
deux-guerres 50, ce volume serait resté dans la bibliothèque domaniale de
l’ancien recteur Wacław Pelikan, où il aurait été détruit par un incendie.
Toujours est-il qu’à partir de1860, le manuscrit fut coné à la bibliothèque
de la Société pour y être conservé. En1912, sur proposition de l’archiviste
de la ville, Wacław Studnicki, il fut mis en dépôt aux Archives de la
ville, dans une armoire de fer protégée contre le feu. En1936, nouveau
transfert : la Société de médecine cona lensemble de ses archives, y
compris les Mémoires Frank, à la Bibliothèque de l’Université de Vilnius
pour un prêt à durée indéterminée, contre le paiement de frais annuels de
dépôt. En1938, la Société ne pouvant plus payer ces frais, les Mémoires
devinrent la propriété de la bibliothèque universitaire qui les cona à son
service des manuscrits.
49. Aldona P, « Jozefas Frankas ir jo “Atsiminimai” », in Jozefas F ,
Atsiminimai apie Vilnių, Vilnius, Mintis, 2001, p.5-17.
50. Stanisław T  , W sprawie Pamiętników Franka, Wilno, 1925.
188
Revue d’Alsace
Notons qu’à la n des années 1920, Stanisław Trzebiński t
dactylographier une partie du manuscrit dans sa langue originale 51. Selon
certaines sources, la bibliothèque de l’Université Jagellonne de Cracovie
disposait éga lement, à la même époque, d’une version dactylographiée d ’une
partie des Mémoires. À Vilnius, la Société de médecine imagina en1934 le
projet de photographier l’ensemble du manuscrit. Le photographe vilnois
Jan Bułhak fut associé à ce projet, qui ne se réalisa pourtant pas, faute
demoyens.
Durant l’époque soviétique, le manuscrit était rendu dicilement
consultable. Ainsi, au début des années1970, le doctorant français Daniel
Beauvois ne fut pas autorisé à le consulter dans le cadre de ses recherches
sur l’Université de Vilnius à l’époque de Frank
52, contrairement au
doctorant américain d’origine lituanienne, Ramūnas Kondratas, venu à
la même époque à Vilnius pour préparer une thèse sur un thème proche,
qui, lui, y eut accès 53.
Au lendemain du rétablissement de l’indépendance de la Lituanie
en1990, quelques journalistes
54 et universitaires français marquèrent un
intérêt à consulter le manuscrit, procédure complexe et malaisée. Caroline
Paliulis, alors directrice de la Librairie française de la ville et petite-lle
du fondateur d’une des plus anciennes librairies de Lituanie, prit alors
l’initiative, en2002, d’acheter les droits de transcription du manuscrit à la
bibliothèque de l’université, transcription qui fut achevée en2007.
Les Mémoires paraissent… en traduction
À ce jour pourtant, les Mémoires Frank n’ont toujours pas été publiés
–même partiellement– dans leur version originale française, alors que de
nombreux extraits et plusieurs tomes en ont été traduits et édités depuis
plus de 150ans. Ce n’est pas le moindre des paradoxes pour une œuvre
qui a été justement rédigée en français par son auteur parce qu’il pensait
pouvoir ainsi atteindre un plus grand nombre de lecteurs.
51. Des Mémoires biographiques de Jean Pierre et Joseph Frank rédigés par ce dernier. Manuscrit de
la Société de Médecine de Wilno retranscrit par Stanisław Trzebiński, Wilno, 1928-1929.
52. Daniel B, Lumières et société en Europe de l’Est: l’Université de Vilna et les écoles
polonaises de l’empire russe (1803‑1832), Paris-Lille, Champion, 1977.
53. Ramūnas K, Joseph Frank (1771‑1841) and the Development of Clinical Medicine.
A study of the Transformation of Medical ought and Practice at the End of the 18th Beginning
of the 19thCentury. Cambridge (Massachusetts), Harvard University, 1977.
54. Voir notamment Sylvie B, «Les Mémoires de Joseph Frank, médecin de l’époque»,
Libération, Paris, 11décembre2002.
189
Mémoires Frank
C’est en 1863, à l’initiative du publiciste Dominik Chodźko, que
parurent les premiers extraits issus des tomes 2 et 3 des Mémoires, en
traduction polonaise, dans plusieurs numéros de la revue Przegląd
Europejski éditée à Varsovie. En1872, d’autres extraits paraissent, toujours
en polonais, dans la revue Na Dziś de Cracovie. Ils seront annotés et
accompagnés de commentaires d’un ancien élève de Joseph Frank, Michał
Homolicki. En 1913 seulement parut enn à Vilnius une édition vraiment
signicative : la deuxièmemoitié du tome2 et l’intégralité des tomes3
et4 des Mémoires, publiées en trois volumes dans une traduction réalisée
par le DrWładysław Zahorski 55 . Cette édition fut réimprimée en1921 56,
toujours à Vilnius mais dans un autre contexte international : la ville
appartient alors à la Pologne, redevenue indépendante au lendemain de la
Première Guerre mondiale.
Dans l’entre-deux-guerres, deux projets de publication en France et en
Italie se dessinèrent. Venant de Paris, un certain docteur Bugel arriva à
Vilnius pour préparer une édition française, mais l’aaire resta sans suite.
Un médecin italien, le professeur Pietro Capparoni, marqua également
son intérêt dès1919. Devant le refus de la bibliothèque universitaire de lui
prêter le manuscrit, il se procura une copie de la version dactylographiée
de Cracovie. Et c’est ainsi que parurent à Rome, entre1926 et1929, des
extraits des Mémoires en traduction italienne dans plusieurs numéros
du Bollettino dell’Istituto storico italiano dell’arte sanitaria. Plusieurs
traductions furent également réalisées sans être publiées. Ainsi, en1935,
un membre de la Société de médecine, Ireneusz Szymański, traduisit
l’intégralité du premier tome en langue polonaise. Dans les années1970,
une traduction partielle en allemand, également non publiée, fut réalisée
sur la base de l’édition polonaise, vraisemblablement à la demande d’Erna
Lesky, historienne de la médecine à l’Université de Vienne ; elle est
consultable à la Johann Peter Frank‑Gesellschaft à Rodalben 57.
Avec la chute de l’URSS et la réouverture de la Lituanie au monde, le
manuscrit est rendu à l’accès public par la Bibliothèque de l’Université de
Vilnius. L’intérêt pour les Mémoires ressurgit dans le pays. Et c’est en2001
que paraît la première traduction en lituanien
58. Il s’agit du dernier tiers
du 2etome et des 3e et 4etomes en entier, correspondant essentiellement
aux années vilnoises des Frank. Les tomes1 et 6 font l’objet d’une seconde
55. Pamiętniki d‑ra Józefa Franka, Z francuskiego przetłum., wstępem i uwagami opatrzył
Władysław Zahorski. Wilno, Zawadzki, 1913. t.1-3.
56. D-r Józef F, Pamiętniki, Z francuskiego przetłum., wstępem i uwagami opatrzył
Władysław Zahorski. Wilno, Księgarnia Stowarz. Naucz. Polskiego, 1921, t.1-3.
57. Document consulté par l’auteur en mai 2008.
58. Jozefas F , Atsiminimai apie Vilnių, iš prancūzų kalbos vertė Genovaitė Dručkutė.
Vilnius, Mintis, 2001. Réimprimé chez le même éditeur en 2013 sous le titre: Vilnius ‑ XIX
amžiuje: atsiminimai.
190
Revue d’Alsace
publication, parue n2015
59, traduits en lituanien –comme la première
publication– par Genovaitė Dručkutė, professeur de littérature française
à l’Université de Vilnius.
En 2006, c’est l’intégralité du tome1 qui est publiée en italien à Milan
à l’initiative de Giovanni Galli pour le compte du Fonds d’étude pour
l’histoire de l’Université de Pavie, suivi en2007 du tome6 et en2010
du tome2, également en intégralité
60. Enn, une édition en anglais est
actuellement en préparation, à l’initiative de Ramūnas Kondratas, devenu
chef du département d’histoire de la médecine de la Smithsonian Institution
à Washington et actuellement directeur du Musée de l’université de
Vilnius.
Quant à la version originale en français de ce monument achevé il y a
plus de 170ans, elle est à ce jour toujours en attente d’un projet d’édition,
malgré les eorts de Caroline Paliulis qui en détient –on l’a vu– une
transcription électronique complète 61.
59. Josephas F , Atsiminimai – antra knyga, iš prancūzų kalbos vertė Genovaitė
Dručkutė. Vilnius, Mintis, 2015.
60. Giuseppe F, Memorie, traduzione dal francese e note a cura di Giovanni Galli,
Milano, Cisalpino – Istituto Editoriale Universitario, 2006, t.I; 2007, t.VI.; 2010, t.II.
61. L’auteur remercie Caroline Paliulis, ainsi que Daniel Beauvois, Piotr Daszkiewicz, Alois
Dauenhauer, Genovaitė Dručkutė, Giovanni Galli, Ramūnas Kondratas, Jean Rinderknecht
et Bernd Wedemeyer pour leur aide et leur conseil.
191
Mémoires Frank
Résumé
Mémoires Frank: l’étonnant destin d’un témoignage historique de
deux grands médecins liés à l’Alsace
La mémoire des migrants perdure rarement dans leur pays dorigine.
C’est le cas du professeur de médecine Jean Pierre Frank, petit-ls d’un
fournisseur des armées originaire d’Alsace, qui t une brillante carrière
académique dans de prestigieuses universités dAllemagne, d’Italie et de
Russie et devint célèbre au début du XIXe siècle comme pionnier de
l’hygiène publique. Son ls Joseph, également médecin et universitaire,
rédigea leurs mémoires qui constituent un remarquable témoignage
historique sur les pratiques médicales et sur la vie sociale et culturelle en
Europe pendant près d’un siècle. Strasbourg y est cité à plusieurs reprises.
Rédigé en français, langue internationale par excellence à l’époque, ce
volumineux manuscrit –près de 3 500pages– na paradoxalement jamais
été publié dans sa version originale, alors que d’importants chapitres
l’ont été au XXesiècle et au début du XXIesiècle en allemand, anglais,
italien, polonais, lituanien. Ce document présente pourtant un réel
intérêt, notamment pour l’Alsace avec laquelle les Frank ont entretenu
des liens singuliers.
Zusammenfassung
Titre
Text e .
Summary
Titre
Text e .
192
Revue d’Alsace
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L'objet de cet article, ce sont Les Mémoi-res 1 de Joseph Frank, d'origine autrichien-ne, représentant d'une famille célèbre de médecins. Joseph Frank, né en 1771, était, lui-aussi, médecin praticien, professeur de pathologie et de thérapie spéciale. Pendant dix-neuf ans, de 1804 à 1823, il occupait un poste de professeur à l'Université de Vilnius. Le docteur Frank a commencé à rédiger ses Mémoires après avoir quitté la Lituanie, peut-être vers 1830 ou un peu plus tôt, et il travaillait sur le texte jusqu'à sa mort, survenue en 1842. Cet article n'est pas la première publication consacrée à ces Mémoires 2 ; cette fois-ci, nous nous propo-sons pour but d'analyser le texte de Frank comme un récit de voyage. Ce qui nous in-téresse, c'est bien sûr la période de Vilnius. Une ville et un pays, une partie de l'Eu- rope tout à fait inconnue de l'auteur et de la majorité de ses lecteurs possibles. Il est intéressant de définir la position de Frank envers la ville, le pays et ses habitants, d'analyser son attitude envers cet "autre" qu'il découvre presqu'au bout du monde, celui de civilisation occidentale au moins. Le regard que Frank pose sur l'Université, la ville et les gens est un regard observateur et scrutant, en même temps un regard qui évalue, qui forme une image de "l'autre", d'un étranger. C'est un regard qui attribue, d'après les résultats de l'examen, certaines significations, tel un médecin qui prononce une diagnose.
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Thesis--Paris I. Includes bibliographical references (p. 6-13). 1. ptie. L'Université.--2. ptie. Les écoles secondaires et primaires.
Voir : « Das gelehrte Buchsweiler Beiträge zur Geschichte des ehemaligen Graff Hanau-Lichtenberg und Ihrer Residenz-Stadt Buchsweiler
  • Reinhard Heinrich
Reinhard Heinrich Gerhardi. Voir : « Das gelehrte Buchsweiler », in Carl Klein, Beiträge zur Geschichte des ehemaligen Graff Hanau-Lichtenberg und Ihrer Residenz-Stadt Buchsweiler, Strasbourg, Verlag v. Wilhelm Jahraus, 1912, p. 12.
Cercle Généalogique d'Alsace, tome Baptêmes 1700-1792
  • Richard Schmidt
Richard Schmidt, Registres paroissiaux protestants de Bouxwiller, 2008, Cercle Généalogique d'Alsace, tome Baptêmes 1700-1792, p. 64 ; tome Mariages 1700-1792, p. 75, 139 ; tome Sépultures 1700-1792, p. 101. 41. Mémoires, op. cit., tome 2, chapitre XXXIV.
Eurométropole de Strasbourg, fonds 77 Z, cote MS 459
  • La Archives De
  • Ville
Archives de la Ville et de l'Eurométropole de Strasbourg, fonds 77 Z, cote MS 459, Papiers du pasteur Oberlin (Correspondances d'Henri-Gottfried Oberlin avec M. Friebé. Manuscrits 1810-1813, consulté par Jean Rinderknecht).
médecin de l'époque », Libération, Paris, 11 décembre 2002. 55. Pamiętniki d-ra Józefa Franka, Z francuskiego przetłum., wstępem i uwagami opatrzył Władysław Zahorski
  • Sylvie Voir
  • Les Briet
  • Joseph Mémoires De
  • Frank
Voir notamment Sylvie Briet, « Les Mémoires de Joseph Frank, médecin de l'époque », Libération, Paris, 11 décembre 2002. 55. Pamiętniki d-ra Józefa Franka, Z francuskiego przetłum., wstępem i uwagami opatrzył Władysław Zahorski. Wilno, Zawadzki, 1913. t. 1-3.
  • D-R Józef Frank
  • Pamiętniki
  • Wstępem I Uwagami Opatrzył Władysław Zahorski
  • Księgarnia Wilno
  • Stowarz
D-r Józef Frank, Pamiętniki, Z francuskiego przetłum., wstępem i uwagami opatrzył Władysław Zahorski. Wilno, Księgarnia Stowarz. Naucz. Polskiego, 1921, t. 1-3. 57. Document consulté par l'auteur en mai 2008.
Réimprimé chez le même éditeur en 2013 sous le titre : Vilnius-XIX amžiuje: atsiminimai
  • Jozefas Frankas
  • Genovaitė Atsiminimai Apie Vilnių
  • Dručkutė
Jozefas Frankas, Atsiminimai apie Vilnių, iš prancūzų kalbos vertė Genovaitė Dručkutė. Vilnius, Mintis, 2001. Réimprimé chez le même éditeur en 2013 sous le titre : Vilnius-XIX amžiuje: atsiminimai.
Voir également : Philippe Edel, « Dynasties expatriées. S'exiler pour réussir
  • Georges Livet
  • Georges Schaff
Georges Livet et Georges Schaff (dir.), Médecine et assistance en Alsace, XVI e-XX e siècle, Strasbourg, Publications de la Société Savante d'Alsace et des Régions de l'Est, tome XI, 1976, p. 160. Jean-Marie Mantz et Jacques Héran (dir.), Histoire de la médecine à Strasbourg, Strasbourg, 1997, p. 171. Voir également : Philippe Edel, « Dynasties expatriées. S'exiler pour réussir », Saisons d'Alsace, n o 56, mai 2013, p. 90-91.