Content uploaded by Anyck Dauphin
Author content
All content in this area was uploaded by Anyck Dauphin on Nov 23, 2016
Content may be subject to copyright.
1
Tablettes numériques au secondaire : quel impact sur les
résultats scolaires?
Anyck Dauphin
Département des sciences sociales
Université du Québec en Outaouais
19 octobre 2016
Plan
INTRODUCTION ................................................................................................................................1
1. PROBLÉMATIQUE......................................................................................................................2
2. CONTEXTE DE L’INTÉGRATION DE L’iPAD .................................................................................6
3. APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE ...............................................................................................7
4. IMPACTS SUR LES RÉSULTATS SCOLAIRES ............................................................................. 10
5. LIMITES DE L’ÉTUDE .............................................................................................................. 18
CONCLUSION ................................................................................................................................. 18
Résumé
Les institutions scolaires sont de plus en plus nombreuses à intégrer les tablettes numériques dans
l’espoir de favoriser la réussite scolaire de leurs élèves. Quoique le ressenti des élèves et du corps
enseignant ayant intégré la tablette numérique semble plutôt positif, très peu d’études ont évalué
ses impacts quantitatifs sur la réussite scolaire. Nous étudions le cas d’une école secondaire qui a
introduit l’iPad dans certains groupes. L’approche méthodologie adoptée consiste à comparer les
résultats scolaires des élèves des « groupes iPad » à ceux des « groupes réguliers » avant et après
l’intégration de l’iPad. Nos résultats montrent que l’utilisation de l’iPad en classe s’est traduite
par une baisse générale des résultats scolaires.
INTRODUCTION
Les institutions scolaires sont de plus en plus nombreuses à recourir aux nouvelles technologies
d’information et de communication (TIC) dans l’espoir de favoriser la motivation et la réussite
2
scolaire de leurs élèves. Dans les écoles secondaires, ce virage numérique prend, dans bien des
cas, la forme des tablettes numériques. À l’heure actuelle, elles constituent une partie intégrale
de la pédagogie d’une quinzaine d’écoles secondaires au Québec et ce nombre sera appelé à
croître au cours des prochaines années. C’est dans ce contexte que l’école que nous étudions a
entrepris son « projet iPad » en septembre 2012, qui consistait à introduire l’utilisation de l’iPad
dans trois groupes de première secondaire.
Les tablettes tactiles sont réputées rendre les cours plus intéressants et la présentation des
contenus plus attrayante, favoriser l’interactivité, faciliter l’organisation et accroître la motivation
scolaire. Quoique la satisfaction globale des élèves des écoles ayant intégré la tablette numérique
semble plutôt positive, très peu d’études ont évalué ses impacts en milieu scolaire. Cette lacune
semble particulièrement importante au vu du coût considérable engendré par l’intégration d’un
tel outil. La pratique est en effet de pourvoir chaque élève d’une tablette numérique. Le projet de
recherche intitulé iPad à l'école : quels usages, quels impacts? mené par Fievez, Karsenti, Collin et
Roy dans une dizaine d’écoles québécoises contribuera à combler cette lacune. Un premier
rapport a été publié en décembre 2013 sur les perceptions des élèves et des enseignants ayant
vécu l’introduction de la tablette en milieu scolaire relativement à l’utilisation qui en est faite, à
ses avantages et aux défis qu’elle pose.
La présente recherche va dans le même sens, mais se veut beaucoup plus modeste en n’étudiant
qu’une seule école. De plus, elle s’appuie sur une méthodologie très différente en analysant
directement les changements dans la réussite scolaire, plutôt que les perceptions relatives à ces
changements. L’accent de la présente recherche est mis sur les résultats scolaires, car c’est une
des préoccupations fréquemment exprimées par les milieux académique et scolaire, ainsi que par
les parents.
Les deux prochaines sections présentent l’état des connaissances sur les impacts de l’utilisation
des tablettes numériques en milieu scolaire et le contexte d’intégration de l’iPad du cas étudié.
La section suivante expose l’approche méthodologique que nous avons suivie pour estimer les
impacts de l’iPad sur les résultats scolaires. Les impacts estimés sont quant à eux rapportés à la
quatrième section et sont suivis d’une discussion sur les limites de nos résultats.
1. PROBLÉMATIQUE
Les technologies de l’information suscitent beaucoup d’espoir dans le milieu de l’éducation. La
littérature foisonne d’articles vantant les mérites de la tablette numérique. Karsenti et Fievez
(2013), qui ont recensé plus de trois cents articles, ont identifié seize avantages supposés de la
tablette numérique. Il s’agit d’avantages supposés puisque de l’avis des auteurs « les résultats de
recherches fondées sur des données empiriques et probantes sont plutôt rares dans les textes
analysés. […] En fait, et malgré la croyance populaire et parfois même scientifique voulant que
l’usage des tablettes numériques favorise l’apprentissage, aucune recherche réalisée jusqu’à
présent, fondée sur des données probantes et empiriques, ne le montre réellement. » (p.5-6).
3
Parmi les seize avantages potentiels avancés, on retrouve en tête de liste, le rôle positif que
pourrait avoir l’utilisation de la tablette numérique sur les apprentissages et la performance des
élèves. Cette amélioration des apprentissages et de la performance découlerait de la possibilité
que la tablette numérique induise une plus grande motivation aux élèves, simplifie l’accès,
l’édition et le partage de l’information, favorise la communication et la collaboration entre les
élèves d’une part et entre les élèves et les enseignants d’autre part, facilite l’évaluation des élèves
par les enseignants et enrichisse l’expérience de la lecture. Certains chercheurs entrevoient aussi
les avantages suivants : diversifier davantage les stratégies d’enseignement, individualiser
l’apprentissage des élèves, faciliter l’apprentissage de l’écriture et favoriser l’organisation du
travail. D’autres recherches évoquent de plus la possibilité que les avantages de la tablette
numérique en classe soient particulièrement prononcés chez les élèves rencontrant des difficultés
d’apprentissage.
1
À partir d’une enquête menée auprès de 6057 élèves et 302 enseignants du Québec ayant
expérimenté l’utilisation de l’iPad en classe, Karsenti et Fievez (2013) ont cherché à cerner ses
principaux avantages et désavantages tels qu’ils sont perçus par les élèves et les enseignants. Le
tableau suivant énumère les avantages perçus et indique pour chacun d’entre eux le pourcentage
des élèves et le pourcentage des enseignants les ayant cités. Les deux avantages de l’iPad les plus
souvent mentionnés par les élèves et les enseignants sont sa grande portabilité et l’accès qu’il
fournit à l’information. La motivation accrue des élèves et la simplification de l’organisation du
travail des élèves sont deux avantages avancés par près du quart des élèves et des enseignants.
Les élèves et les enseignants sont également nombreux à croire que l’iPad stimule la collaboration
entre les élèves d’une part et entre les élèves et l’enseignant d’autre part, qu’il améliore les
présentations réalisées par les élèves, qu’il soutient la créativité, qu’il facilite l’annotation de
documents PDF, qu’il permet aux élèves d’aller à leur rythme et qu’il bonifie l’exercice de la
lecture. Fait important, toutefois, la réussite scolaire ne fait pas partie des avantages répertoriés.
Les désavantages de l’iPad en classe recensés par Karsenti et Fievez (2013) lors de leur enquête
sont beaucoup moins nombreux que ses avantages, mais l’un d’entre eux fait l’unanimité comme
on peut le constater au deuxième tableau. Pratiquement 100 % des élèves et des enseignants
soutiennent que l’utilisation de l’iPad est une source de distraction pour les élèves. Plus
précisément, les élèves auraient plus de difficultés à maintenir leur attention sur les
apprentissages scolaires lorsque les jeux électroniques, la messagerie électronique et les réseaux
sociaux sont aussi facilement accessibles. Près de 30 % des élèves et des enseignants avancent
également que l’iPad entrave l’écriture de texte en raison de difficultés techniques, ce qui nuit à
1
Le lecteur est invité à consulter le rapport de Karsenti et Fievez (2013), p. 6-7, pour accéder aux sources
bibliographiques des textes qui avancent ces différents avantages.
4
Tableau 1. Avantages de l’iPad en classe perçus par les élèves et les enseignants
d’après Karsenti et Fievez (2013)
Avantages
% des élèves
% des enseignants
1. Facile à transporter
53.21 %
41.39 %
2. Rend l’information plus accessible
38.30 %
50.99 %
3. Simplifie l’organisation du travail des élèves
19.15 %
24.50 %
4. Accroît la motivation des élèves
23.15 %
17.88 %
5. Stimule la collaboration entre les élèves et entre les
élèves et l’enseignant
14.63 %
34.77 %
6. Améliore la qualité des présentations réalisées par
les élèves
33.25 %
14.24 %
7. Soutient la créativité
27.67 %
12.91 %
8. Facilite l’annotation de documents PDF
22.90 %
11.26 %
9. Permet aux élèves d’aller à leur rythme
8.27 %
31.13 %
10. Bonifie l’exercice de la lecture
23,15 %
10.60 %
11. Développe des compétences informatiques chez
les élèves
10.10 %
6.29 %
12. Améliore la qualité des présentations réalisées par
l’enseignant
--
14.90 %
13. Génère des économies de papier pour les
enseignants
--
12.58 %
14. Permet de varier les ressources présentées par les
enseignants (images, vidéos, applications, etc.)
--
12.25 %
15. Développe des compétences informatiques chez
les enseignants
--
6.29 %
l’apprentissage de l’écriture. Ils sont aussi nombreux à mentionner que certains manuels scolaires
sont encore mal adaptés au travail avec des tablettes tactiles. Le dernier des désavantages, mais
non le moindre, est que l’utilisation de l’iPad nuirait à la réussite. Il est vrai que seuls 13 % des
élèves et 5 % des enseignants mentionnent cet effet néfaste de l’iPad, mais étant donné les
espoirs qui étaient placés à ce sujet dans la tablette numérique, on ne peut que se désoler.
5
Tableau 2. Désavantages de l’iPad en classe perçus par les élèves et les
enseignants d’après Karsenti et Fievez (2013)
Désavantages
% des élèves
% des
enseignants
1. Accroît la distraction des élèves
99.97 %
99.67 %
2. Entrave l’écriture de textes en raison de difficultés
techniques
28.71 %
29.47 %
3. Gestion des travaux des élèves par les enseignants
plus compliquée
26.07 %
23.51 %
4. Certains manuels scolaires mal adaptés au travail
avec des tablettes tactiles
22.07 %
15.56 %
5. Peut nuire à la réussite scolaire des élèves en raison
de la distraction accrue
12.50 %
4.64 %
Source : Karsenti et Fievez (2013).
Puisque l’introduction de la tablette numérique en classe est très récente, il n’existe pas encore,
à notre connaissance, d’étude qui mesure directement ses impacts sur la réussite scolaire, c’est-
à-dire en analysant les changements dans la réussite scolaire plutôt que les perceptions relatives
aux changements dans la réussite scolaire. Un certain nombre d’études concernant les impacts
de l’utilisation des TIC en classe sur les résultats scolaires est cependant disponible.
Du côté des études les plus rigoureuses portant sur les résultats scolaires, on retrouve les
suivantes
2
. D’abord, l’étude d’Angrist et Lavy (2002) qui a évalué les effets d’une politique
« d’informatisation » du système d’éducation primaire et secondaire en Israël. La politique en
question visait à intégrer les TIC dans une gamme d'activités au sein de l'école à travers le
financement d’ordinateurs, de logiciels et de formations destinées aux enseignants. Les
chercheurs ont déterminé que l’utilisation accrue des ordinateurs en classe ne s’est pas traduite
par une amélioration des résultats à des tests standardisés. Ils ont même constaté que les effets
se sont révélés négatifs en mathématique pour les élèves de 4e année du primaire. Leuven et al.
(2004) ont étudié les effets d’un programme similaire aux Pays-Bas qui s’adressait toutefois aux
écoles dont la majorité des élèves était issue de groupes défavorisés. Leurs résultats montrent
que l’accès à des ordinateurs a eu un impact négatif sur les apprentissages des élèves,
particulièrement les filles.
2
Ces études sont très rigoureuses dans la mesure où les élèves et les écoles qui ont bénéficié des programmes ou des
interventions pédagogiques qui sont analysés ont été sélectionnés au hasard ou d’une façon qui reproduit en grande
partie ce qu’aurait fait le hasard. Cela permet d’éliminer un biais parfois très important. De plus, ces études utilisent
toutes de grands échantillons.
6
Sur une note plus positive, Machin McNally et Silva (2005) ont trouvé au contraire que ce type de
programme au Royaume-Uni a permis d’accroître sensiblement les résultats scolaires des élèves
du primaire en anglais et en science, mais pas en mathématique. Rouse et al. (2004) ont analysé
plutôt les impacts d’une utilisation bien définie de l’ordinateur, celle du logiciel Fast ForWord
destiné aux élèves ayant des difficultés d’apprentissage en lecture et conçu pour améliorer leurs
compétences au niveau du langage et de la lecture. Ils constatent que l’utilisation de ce logiciel
peut effectivement faire progresser certaines compétences linguistiques, mais que cela ne se
traduit pas, de façon générale, par une plus large acquisition du langage ou de réelles
compétences en lecture. Barrow et al. (2009) ont également analysé les impacts d’une utilisation
très concrète de l’ordinateur. Ils se sont intéressés au logiciel I Can Learn destiné à l’acquisition
de connaissances associées à l’algèbre. Les auteurs de l’étude jugent que l’utilisation de ce logiciel
en classe permet effectivement d’améliorer la performance des élèves en algèbre.
Un petit nombre d’études a évalué l’impact d’une utilisation plus intensive des ordinateurs où
chaque élève possède son propre ordinateur portable, comme dans le cas étudié ici. L’une d’elles
porte sur l’une des premières initiatives à large échelle à avoir doté chaque élève d’un ordinateur
portable aux États-Unis. Il s’agit de l’état du Maine, qui en 2002, a fourni un ordinateur à chaque
élève en 7e et 8e années ainsi qu’à chaque professeur. En comparant les performances en
rédaction des élèves avant et après l'introduction des ordinateurs portables, il a été constaté
qu’elles s’étaient améliorées d'environ un tiers d'un écart-type (Policy Research Institute Maine
Education, 2007). Il faut noter toutefois que cette étude ne comportait aucun groupe contrôle ce
qui pourrait avoir faussé les résultats. Grimes et Warschauer (2008) ainsi que Suhr et al. (2010)
ont également examiné le rendement des élèves fréquentant des écoles ayant intégré des
ordinateurs portables en classe sur une base 1:1 en Californie. À partir d’une comparaison entre
les rendements de ces élèves et ceux d’élèves n’ayant pas fréquenté une école intégrant
l’ordinateur portable, ils trouvent que l’impact a été négatif lors de la première année du
programme pour les élèves de la 6e à la 8e année. Lors de la deuxième année d’intégration
toutefois, les impacts sont devenus positifs et sont parvenus à compenser la base initiale.
Ce bref survol de la littérature, quoique très incomplet, permet de faire ressortir que les impacts
des TIC dans le cadre scolaire sont loin de faire consensus. L’absence d’uniformité dans les
résultats suggère fortement que l’impact de ces technologies est indissociable de l’utilisation
précise qui en est faite, de l’intensité de ses utilisations et des compétences des enseignants à les
exploiter. Les programmes 1 :1 semblent ressortir comme plus prometteurs. Comme le
mentionnent Karsenti et Fievez (2013), le défi est donc de trouver « comment rendre effectif le
potentiel présumé des nouvelles technologies en éducation » (p.5).
2. CONTEXTE DE L’INTÉGRATION DE L’iPAD
L’école a lancé son projet iPad à l’automne 2012. Il s’agissait de faire de l’iPad un outil
pédagogique crucial que les élèves utiliseraient tous les jours pour lire, pour consulter leurs
7
manuels et dictionnaires, pour prendre des notes, pour faire des exercices, pour communiquer,
etc. Le projet s’est déployé de façon graduelle à travers les cohortes successives d’élèves entrant
au secondaire.
Au cours de l'année précédant l’intégration de l’iPad en salle de classe, la direction de l'école a
informé les parents à la recherche d’une école secondaire pour leur enfant qu'elle envisageait de
créer des classes d'iPad en première secondaire lors de la prochaine rentrée scolaire. Après la
période d'inscription, l'école a envoyé un courriel aux parents des 209 enfants inscrits pour la
première secondaire leur demandant s’ils souhaiteraient que leur enfant intègre un groupe iPad
si le projet allait de l'avant. Près d'une centaine de parents ont alors répondu positivement. Suite
à cette réception très encourageante, l'école a créé trois « groupes iPad », totalisant 92 élèves.
Comme le nombre d'élèves dont les parents avaient exprimé leur intérêt dépassait légèrement le
nombre de places disponibles, la direction de l'école a retenu ceux dont les parents avaient
exprimé leur intérêt le plus rapidement. Ces parents ont été invités à fournir un iPad à leur enfant
avant le début de l'année scolaire. Les autres enfants ont été distribués en quatre « groupes
réguliers », c’est-à-dire recevant un enseignement traditionnel.
À la fin de leur première secondaire, les élèves des groupes réguliers se sont fait offrir la possibilité
de joindre un groupe iPad pour leur deuxième secondaire. La direction a alors reçu suffisamment
de réponses positives pour créer deux nouveaux groupes iPad. Mais, comme les parents d’une
soixantaine d’élèves continuaient à souhaiter que leur enfant reçoive un enseignement
traditionnel, la direction a dû conserver deux groupes réguliers. L’école s’est donc retrouvée à
l’an 2 du « projet iPad » avec, en deuxième secondaire, 5 groupes iPad et 2 groupes réguliers.
Cette même année, en 2013-2014, tous les élèves qui entraient en première secondaire
intégraient un groupe iPad, de même que les cohortes suivantes de première secondaire.
L’assignation des enseignants de l’école aux groupes iPad lors de la première année d’intégration
s’est aussi faite sur une base volontaire. La direction n’a eu aucune difficulté à trouver des
volontaires pour chacune des disciplines enseignées. La direction a fourni un iPad à chacun des
volontaires à l’hiver précédant le début des classes iPad. Les enseignants iPad ont aussi reçu une
formation à l’interne et un appui technologique interne pendant toute l’année scolaire. Pour
chaque matière enseignée, sauf pour le français et l'éthique, au moins un enseignant a enseigné
à la fois à un groupe régulier et à un groupe iPad.
3. APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE
La méthode employée pour évaluer les impacts de l’utilisation de l’iPad sur les résultats scolaires
n’est pas la même que celle utilisée par Karsenti et Fievez (2013). Alors que la leur est qualitative,
la nôtre est quantitative. Plutôt que d’examiner la perception des participants en demandant aux
élèves et aux enseignants s’ils croient que l’utilisation de l’iPad en classe a favorisé la réussite
scolaire, nous remontons à la source pour voir comment la réussite s’en est trouvée modifiée.
8
Dans cette recherche, nous n’étudions que la première cohorte du projet iPad parce qu’elle seule
comporte un groupe contrôle : les élèves dans les groupes réguliers. Sans groupe contrôle, il est
impossible d’isoler l’effet qu’a eu l’utilisation de l’iPad de l’effet d’autres évènements qui se sont
produits au cours de l’année scolaire. Les méthodes d’estimation sont explicitées un peu plus loin.
Participants
Tous les élèves de première secondaire de la cohorte 2012-2013 ont été invités à participer à
l’étude en mai 2013. Nous n’avons pas eu recours à un échantillon. Par conséquent, chaque élève
et parent d’élève a fait l’objet d’une demande de consentement pour participer à l’étude. Sur les
206 élèves en première secondaire, nous avons reçu le consentement de l’élève et de ses parents
pour 149 d’entre eux. L’année suivante, toujours au mois de mai, de nouvelles demandes de
consentement pour participer à l’étude ont été soumises aux élèves n’ayant pas consenti la
première année. Nous avons alors obtenu les consentements de 9 élèves supplémentaires, ce qui
nous a permis d’observer 158 élèves ayant vécu la première année d’intégration de l’iPad. Ainsi,
nous nous retrouvons au final avec un bon taux de participation de 77 % pour les élèves en
première secondaire en 2012-2013.
Les élèves des groupes réguliers se sont montrés moins intéressés à participer avec un taux de
participation de 71 % comparativement à 84 % pour les élèves des groupes iPad
3
. Cette
participation plus faible tient essentiellement au fait que les élèves des groupes n’ayant pas
intégré un iPad ne comprenaient pas bien l’utilité de leur participation. Il faut reconnaître
toutefois que les élèves qui n’ont pas consenti à participer pourraient être des élèves moins
motivés par l’école ou moins organisés
4
. Comme il est vraisemblable que les élèves et les parents
qui ont préféré ne pas participer soient différents
5
, nos résultats pourraient sous-estimer ou
surestimer les impacts moyens de l’iPad pour la totalité des élèves.
Il y a eu de nombreux départs à la fin de la première secondaire, 49 au total, parmi lesquels 22 qui
avaient consenti. La cohorte que nous observons est donc passablement réduite en deuxième
année. Nous n’observons que 136 élèves ayant vécu les deux premières années d’intégration de
l’iPad. Il est fort probable que les élèves ayant quitté après la première année étaient différents
de ceux qui sont restés, ce qui pourrait biaiser les estimations de l’impact pour la deuxième
année.
6
3
Soit 81 élèves ayant été dans un groupe régulier la première année sur un total de 114 et 77 élèves ayant été dans
un groupe iPad sur un total de 92.
4
Les élèves devaient apporter un formulaire de consentement à leurs parents pour signature et le ramener ensuite à
l’école.
5
En comparant la moyenne des notes des élèves ayant participé à l’étude à la moyenne pondérée des groupes (qui
inclut tous les élèves), nous pouvons déterminer si les élèves qui n’ont pas participé étaient plus forts ou moins forts.
Nos résultats montrent qu’ils étaient, en moyenne, légèrement moins forts (moins d’un point) en français et en
mathématique.
6
Une comparaison entre les élèves ayant quitté à la fin de leur première secondaire et ceux étant restés montre que
les premiers ont obtenu des notes significativement moins élevées au cours de l’année.
9
Outils de collecte de données
Les résultats scolaires nous proviennent de trois sources : le bulletin de fin d’étape de la
cinquième année du primaire, les résultats au test d’entrée à l’école secondaire privée et les
bulletins du secondaire. Ils ont tous été extraits du dossier scolaire des élèves.
Les données sur le profil des élèves ont été obtenues à partir d’un questionnaire. Des
informations sur les perceptions et le type d’utilisation fait de l’iPad ont également été recueillies
auprès des élèves et des enseignants qui intervenaient dans les groupes iPad. Au total, trois
questionnaires ont été utilisés : un pour les élèves des groupes iPad, un pour les élèves des
groupes réguliers et un dernier pour les enseignants œuvrant auprès des élèves des groupes iPad.
Le questionnaire destiné aux élèves des groupes iPad comprenait 152 questions dont 136 à choix
multiples et 16 à court développement. Les questions étaient regroupées en six grands thèmes :
utilité de l’iPad à l’école, utilisation de l’iPad, compétences avec l’iPad, compétences générales,
information personnelle et motivation à l’école. Le questionnaire destiné aux élèves réguliers était
très similaire, mais plus court puisqu’une partie des questions sur le deuxième thème (l’utilisation
de l’iPad) ne s’appliquait pas.
L’école était responsable de distribuer et de récupérer les formulaires de consentement et les
questionnaires. Les questionnaires destinés aux élèves ont été remplis en classe lors d’une
période d’étude réservée pour cette activité en mai 2013. Du côté des enseignants, ils ont été
invités à remettre le questionnaire à l’école une fois celui-ci complété.
Évaluation des impacts sur les résultats scolaires
Nous entendons par impact sur les résultats scolaires la différence entre les résultats qu’ont
obtenus les élèves des groupes iPad et ceux qu’ils auraient obtenus s’ils avaient plutôt été dans
un groupe régulier. Évidemment, nous ne savons pas quels résultats ils auraient obtenus (s’ils
avaient plutôt été dans un groupe régulier), mais nous pouvons nous en faire une idée à partir des
résultats moyens obtenus par les élèves réguliers. Notre approche consiste donc à comparer les
notes moyennes des élèves des groupes iPad à celles des élèves dans les groupes réguliers. Mais,
afin de prendre en compte des différences qui pourraient exister entre les élèves des deux
groupes et qui pourraient influencer leurs résultats, nous comparons les notes moyennes des
élèves des deux groupes durant leur 5e année du primaire et leur première secondaire. Cette
approche permet également d’éliminer l’effet d'autres évènements qui auraient pu causer un
changement de notes entre le primaire et le secondaire.
Cette comparaison doit idéalement être faite avec des élèves ayant eu le même enseignant (pour
la discipline concernée) au secondaire. Mis à part le français et l'éthique, au moins un enseignant
a enseigné à la fois à un groupe régulier et à un groupe iPad en première secondaire. Ainsi, en
mathématique, anglais, science, univers social, arts et éducation physique, nous sommes en
10
mesure de comparer l’évolution des groupes iPad à l’évolution des groupes réguliers qui ont eu
le même enseignant en première secondaire. Cette approche permet d’évacuer l’effet que des
différences entre les deux groupes (autres que l’utilisation de l’iPad) pourraient avoir sur les écarts
de notes observés dans ces disciplines.
Comme plusieurs élèves ont quitté en deuxième secondaire et que parmi ceux qui restent,
plusieurs passent d’un groupe régulier à un groupe iPad, il est impossible de bien estimer l’impact
qu’a eu l’iPad lors de la deuxième année de son intégration. Il aurait fallu pouvoir comparer un
nombre suffisant d’élèves ayant été dans un groupe iPad en première et deuxième secondaires à
un nombre suffisant d’élèves ayant été dans un groupe régulier en première et deuxième
secondaire, ayant tous eu les mêmes enseignants dans la matière concernée au cours des deux
années, ce qui n’est malheureusement pas le cas. Pour cette raison et parce que les nombreux
départs pourraient créer un biais important, nous n’estimons pas l’impact qu’a eu l’iPad lors de
sa deuxième année d’intégration.
4. IMPACTS SUR LES RÉSULTATS SCOLAIRES
Impacts par discipline
Comme nous venons de l’expliquer, pour évaluer l’impact qu’a eu l’intégration de l’iPad sur les
résultats scolaires, nous devons avoir une idée des résultats qu’auraient obtenus les élèves des
groupes iPad s’ils avaient plutôt été dans un groupe régulier. À défaut d’avoir cette information,
nous avons recours aux résultats qu’ont obtenus les élèves des groupes réguliers. Le prochain
tableau nous fournit une première impression de l’impact qu’a eu l’utilisation de l’iPad pour une
première année. Il présente la moyenne des résultats scolaires de la première secondaire, pour
l’ensemble des trois étapes, des élèves des groupes iPad et des groupes réguliers, ainsi que l’écart
qui les sépare.
En français, la moyenne des résultats des élèves des groupes iPad s’établit à 69.26 alors que celle
des élèves des groupes réguliers s’élève à 73.08, plus élevée de près de 4 points. En
mathématique, les élèves des groupes iPad ont obtenu en moyenne 74.88, alors que ceux des
classes régulières ont fait très légèrement mieux qu’eux. En anglais, science et éthique, les notes
sont très similaires. En arts, l’écart est d’un point à l’avantage des élèves réguliers. La différence
est favorable aux groupes iPad dans seulement une discipline : univers social. Les chiffres
présentés au tableau 3 suggèrent donc que l’introduction de l’iPad a eu un impact plutôt négatif
ou nul dans la quasi-totalité des disciplines.
Cette façon de mesurer l’impact de l’iPad n’est toutefois pas exempte de problèmes. Elle suppose,
entre autres choses, que les élèves des deux groupes sont similaires au plan scolaire. Plus
précisément, elle requiert que les nombreux facteurs qui déterminent les résultats scolaires des
élèves tels que la motivation, les habiletés scolaires, les troubles d’apprentissage, l’approche
pédagogique des enseignants, le milieu socio-économique dont ils sont issus, l’encadrement des
11
parents, etc., soient, en moyenne, sensiblement les mêmes pour les élèves des groupes iPad et
réguliers. Si ce n’est pas le cas, alors les résultats des élèves réguliers ne sont pas une bonne
indication des résultats qu’auraient obtenus les élèves des groupes iPad s’ils avaient plutôt été
dans un groupe régulier.
Tableau 3. Résultats scolaires moyens des 3 étapes de la première secondaire
Moyenne
Écart
Groupes
iPad
Groupes
réguliers
Français
69.26
73.08
- 3.75
Mathématique
74.88
75.48
- 0.59
Anglais
76.85
76.91
- 0.06
Science
78.64
78.67
- 0.03
Univers social
76.86
75.58
+ 1.28
Éthique
78.10
78.28
- 0.17
Arts
73. 66
74.67
- 1.01
Éducation physique
83.05
82.54
+0.51
Pour évaluer la comparabilité des deux groupes, il faudrait disposer de données sur les multiples
facteurs individuels qui causent les résultats scolaires. Or, ces données ne sont disponibles que
pour un petit sous-ensemble de facteurs. Dans notre cas, nous n’observons que le sexe des élèves,
la présence d’un diagnostic susceptible d’entraver les apprentissages, les indices dits de milieu
socioéconomique et de faibles revenus selon l’école primaire, les résultats au test d’entrée
relativement aux habiletés scolaires et à la personnalité. Ces données sont présentées au
tableau 4.
On y constate que les élèves composant les groupes iPad et réguliers sont relativement similaires
sur ces aspects. Presque 50 % sont des filles, près d’un élève sur quatre présente un diagnostic,
les élèves sont généralement issus d’un milieu socio-économique très favorable
7
, avec une faible
prévalence de faible revenu
8
et ils possèdent des habiletés scolaires moyennes et une perception
7
L’indice de milieu socioéconomique selon l’école primaire est composé de la sous-scolarisation de la mère et de
l’inactivité des parents des élèves fréquentant l’école primaire. Plus l’indice est élevé, moins le milieu socio-
économique des élèves est favorable à la réussite scolaire.
8
L’indice de faible revenu selon l’école primaire indique le pourcentage des familles, habitant dans le secteur de
l’école primaire, dont le revenu est inférieur à un seuil jugé minimal.
12
positive d’eux-mêmes. Cependant, de légers écarts sont observables pour chacune de ces
caractéristiques et dans tous les cas, sauf un (le pourcentage de filles), ces écarts suggèrent que
les élèves des groupes iPad sont davantage susceptibles de bien réussir à l’école.
Tableau 4. Variables susceptibles d’influencer les résultats scolaires
Groupes
iPad
Groupes
réguliers
Effet présumé de
la variable sur la
réussite scolaire
% de filles
44 %
46 %
+
% d’élèves ayant un diagnostic
23 %
25 %
-
Moyenne de l’indice de milieu
socioéconomique selon l’école
primaire
6.52
7.24
-
Moyenne de l’indice de faible
revenu selon l’école primaire
9.38 %
11.17 %
-
Moyenne du test d’entrée sur les
habiletés scolaires
69 %
65 %
+
Moyenne du test d’entrée sur la
personnalité
74 %
70 %
+
Ces données nous portent à croire que les élèves dans les groupes iPad disposent de conditions
légèrement plus favorables à la réussite scolaire. Si cela est vrai, alors les élèves des groupes iPad
auraient dû obtenir, en moyenne, de meilleurs résultats en cinquième année du primaire. Comme
on peut le constater au tableau 5, lors de leur cinquième année du primaire, les élèves des
groupes iPad obtenaient en moyenne 78.64 en français alors que ceux des groupes réguliers s’en
tiraient plutôt avec 76.01. En mathématique, la moyenne des élèves des groupes iPad s’élevait à
80.09 alors qu’elle s’établissait à 75.50 pour les élèves réguliers. Le même schéma s’applique à
toutes les autres disciplines : les élèves qui se retrouveront dans les groupes iPad au secondaire
obtiennent des notes tangiblement supérieures à celles des élèves qui se retrouveront dans les
groupes réguliers.
La dernière section du tableau 5 présente les résultats que les élèves ont obtenus en français et
en mathématique au test standardisé d’entrée à l’école secondaire. Là aussi, les élèves des
groupes iPad ont mieux performé en français et en mathématique et les différences sont
substantielles. Ainsi, tant les résultats moyens de la 5e année du primaire, que ceux du test
standardisé d’entrée, laissent croire que les élèves des deux groupes ne sont pas tout à fait
13
comparables : les élèves des groupes iPad réussissent mieux à la fin de leur primaire que les élèves
des groupes réguliers, en particulier en mathématique.
Tableau 5. Résultats scolaires moyens aux 3 étapes de la 5e année du primaire
et au test d'entrée
Groupes
iPad
Groupes
réguliers
Écart
Moyenne des résultats de la 5e année du primaire
Français
78.64
76.01
+ 2.63
Mathématique
80.09
75.50
+ 4.59
Anglais
81.60
79.02
+ 2.59
Science
82.08
78.59
+3.49
Univers social
81.54
77.40
+ 4.14
Éthique
82.44
79.87
+ 2.58
Arts
82.39
80.20
+ 2.19
Éducation physique
83.54
81.85
+ 1.69
Moyenne des résultats au test d’entrée au secondaire
Français
75.92
71.40
+ 4.52
Mathématique
76.08
69.35
+ 6.73
Puisque les élèves des groupes iPad sont plus susceptibles de bien réussir à l’école et qu’ils ont en
effet mieux réussi leur cinquième année du primaire et leur test d’entrée, une simple comparaison
des résultats de la première secondaire entre les élèves des groupes iPad et réguliers, comme
nous l’avons fait plus tôt au tableau 3, ne peut pas permettre d’isoler l’effet qu’a eu l’intégration
de l’iPad en classe. Si les élèves des groupes iPad étaient plus forts avant d’entrer au secondaire,
ils auraient normalement dû conserver leur avance sur les élèves des groupes réguliers s’ils
avaient été eux aussi dans des groupes réguliers. Dans cette logique, si l’intégration de l’iPad
n’avait eu aucun effet, l’écart qui séparait les élèves des deux types de groupe se serait
maintenu. Au contraire, si l’introduction de l’iPad avait eu un impact positif, l’écart qui séparait
les deux types de groupe se serait accru, alors qu’il aurait diminué si l’iPad avait plutôt eu un
impact négatif. Les résultats des tableaux 3 et 5 suggèrent donc fortement que l’introduction de
l’iPad n’a pas eu les effets espérés. Au contraire, il semble avoir eu un impact négatif sur les
résultats scolaires dans la plupart des disciplines, en particulier en français et en mathématique.
14
Pour chiffrer la baisse dans les résultats due à l’introduction de l’iPad, il faut prendre l’écart qui
prévalait entre les moyennes des groupes iPad et réguliers après l’entrée au secondaire et lui
soustraire l’écart qui prévalait avant l’entrée au secondaire. De plus, il faut idéalement faire cette
comparaison avec des élèves ayant eu le même enseignant (dans la discipline concernée) en
première secondaire. Mis à part le français et l'éthique, au moins un enseignant a enseigné à la
fois à un groupe régulier et à un groupe iPad en première secondaire. Ainsi, en mathématique,
anglais, science, univers social, arts et éducation physique, nous sommes en mesure de comparer
l’évolution des groupes iPad à l’évolution des groupes réguliers qui ont eu le même enseignant en
première secondaire. Cette approche permet non seulement d’évacuer l’effet que des différences
entre les deux groupes (autres que l’utilisation de l’iPad) pourraient avoir eu sur les écarts de
notes observés dans ces disciplines, mais elle permet aussi d’éliminer l’effet d'autres évènements
qui auraient pu causer un changement de notes entre le primaire et le secondaire.
Le prochain tableau montre nos estimations de l’impact par discipline. Elles se fondent sur une
comparaison des élèves des groupes iPad et réguliers ayant eu le même enseignant dans la
discipline concernée en première secondaire, sauf en français et en éthique puisque ce n’est pas
possible. En français et en éthique, nos estimations sont donc fondées sur des élèves qui n’ont
pas eu le même enseignant en première secondaire et, en conséquence, n’isolent pas l’effet de
l’iPad de l’effet de l’enseignant.
Tableau 6. Impact estimé de l’iPad sur les résultats scolaires
Impact
moyen pour
les 3 étapes
Français
- 6.28***
Mathématique
-1.22
Anglais
-1.86
Science
-2.91***
Univers social
-2.82**
Éthique
- 2.55*
Arts
-0.72
Éducation physique
-0.89
*** : Pr < 0.05, ** : 0.05 < Pr < 0.10, * : 0.10 < Pr < 0.15.
En mathématique, l’impact moyen de l’iPad sur les résultats scolaires sur l’ensemble de l’année
est estimé à -1.22 point. Cela signifie que les élèves des groupes iPad auraient eu au cours de la
première secondaire, en moyenne, des notes supérieures de 1.22 point s’ils avaient plutôt été
15
dans des groupes réguliers. En anglais, l’iPad a eu un impact très similaire à celui en
mathématique, soit de -1.86 point. En science et univers social
9
, les impacts sont également
négatifs, mais plus forts. Selon nos estimations, les élèves des groupes iPad auraient
vraisemblablement obtenu, en moyenne, des notes plus élevées de 2.91 points en science s’ils
avaient plutôt été dans un groupe régulier. En univers social, les notes se seraient avérées plus
hautes de 2.82 points. Comme il s’agit d’impacts moyens, la variabilité des impacts d’un élève à
l’autre n’est pas captée. Pour certains élèves, l’impact s’est certainement avéré plus grand que
l’impact moyen alors que pour d’autres, il s’est fort probablement avéré plus faible que l’impact
moyen.
En français et éthique, les estimations présentées captent à la fois les effets de l’iPad et des
enseignants, car des professeurs différents enseignaient aux groupes iPad et réguliers. En français,
l’estimation est -6.28 points et en éthique de -2.55 points. Comme l’impact négatif estimé en
français est beaucoup plus important que les impacts estimés pour les autres matières, il y a lieu
de croire qu’il surestime l’impact réel qu’a eu l’intégration de l’impact en français.
En résumé, la science et l’univers social, et potentiellement le français et l’éthique, sont les
disciplines à avoir subi les impacts négatifs les plus importants. En mathématique, anglais, arts et
éducation physique, l’iPad a eu des effets négatifs moins prononcés. De plus, les impacts estimés
sont statistiquement significatifs en français, en science, en univers social et en éthique, mais ne
le sont pas en mathématique, en anglais, en arts et en éducation physique.
Différents facteurs peuvent expliquer pourquoi les impacts de l’iPad ont varié d’une discipline à
l’autre. Certaines matières se prêtent probablement davantage à l’utilisation de l’iPad, certains
enseignants sont probablement plus à l’aise avec les TIC, l’utilisation de l’iPad a peut-être été plus
fréquente dans certaines disciplines, les usages de l’iPad ont peut-être varié d’une discipline à
l’autre, etc. Les données recueillies à partir des questionnaires destinés aux élèves iPad et aux
enseignants iPad nous fournissent de l’information sur la fréquence d’utilisation de l’iPad par
discipline. La compilation des réponses des élèves est présentée au tableau 7. Ainsi, en français,
80 % des élèves considèrent que l’iPad était utilisé presque tous les cours alors que 20 % jugent
qu’elle était utilisée un cours sur deux. En mathématique, ils sont 63 % à croire que l’iPad était
utilisé presque tous les cours, alors qu’ils sont 35 % à penser qu’il était plutôt utilisé un cours sur
deux. Quoique les élèves ne s’entendent pas tous sur la fréquence d’utilisation de l’iPad dans les
différentes disciplines, il semble assez clair que c’est en français et en mathématique qu’il ait été
le plus utilisé. Il semble aussi avoir été fréquemment utilisé en anglais et en univers social. Du côté
des matières ayant le moins utilisé l’iPad, on retrouve l’éducation physique et les arts.
9
La discipline intitulée univers social au primaire se scinde en deux au secondaire : géographie et histoire. Pour les
besoins de la comparaison, les résultats en univers social au secondaire correspondent à la moyenne des résultats en
histoire et géographie.
16
Tableau 7. Fréquence d’utilisation de l’iPad par discipline d’après la perception des élèves
Presque
tous les
cours
Un cours
sur deux
Un cours
sur trois
Un cours
sur quatre
Rarement
Jamais
Français
80 %
20 %
Mathématique
63 %
35 %
2 %
Anglais
50 %
39 %
9 %
2 %
Science1
ND
ND
ND
ND
ND
ND
Univers social
34 %
29 %
23 %
5 %
8 %
2 %
Éthique
16 %
41 %
20 %
17 %
6 %
Arts
11 %
14 %
15 %
55 %
5 %
Éducation physique
97 %
3 %
1. L’information n’est pas disponible pour cette discipline.
Étant donné la très faible utilisation de l’iPad en éducation physique et en arts, il est logique que
nous ayons trouvé plus tôt que l’iPad n’avait pas eu d’impact déterminant sur les résultats dans
ces deux disciplines. Il est également logique que les impacts les plus importants aient été
ressentis en français, puisque c’est dans cette matière qu’il semble avoir été le plus utilisé.
Tableau 8. Fréquence d’utilisation de l’iPad des enseignants par discipline
Fréquence
d’utilisation
Nombre de tâches
scolaires obligatoires
par semaine
Nombre de tâches
scolaires non
obligatoires par
semaine
Français
2 à 3 fois pas sem.
5 à 6
0
Anglais
2 à 3 fois pas sem.
1 à 2
1 à 2
Science
1 fois par sem.
1 à 2
0
Histoire
Tous les cours
1 à 4
1 à 2
Arts
1 fois par sem.
0 à 2
1 à 2
Éducation physique
1 fois par étape
0
1 à 2
17
Les questionnaires des enseignants nous renseignent également sur la fréquence avec laquelle ils
ont utilisé l’iPad en classe, mais il nous manque l’information pour trois disciplines :
mathématique, géographie et éthique. Le tableau 8 synthétise les informations qu’ils ont fournies
relativement à leur utilisation de l’iPad en classe.
Ces données confirment que l’iPad a été utilisé plus fréquemment en français, en anglais et en
histoire qu’en arts et en éducation physique. Sa forte utilisation en histoire pourrait expliquer
l’impact plus important observé en univers social.
Impacts différenciés selon le profil de l’élève
Comme nous l’avons noté plus haut, les élèves n’ont pas tous vécu la transition au secondaire de
la même façon et n’ont pas tous réagi de la même façon à l’introduction de l’iPad. Derrière
l’impact moyen de l’iPad se cachent donc des impacts différenciés d’un élève à l’autre. Ces
impacts différenciés s’expliquent en partie par le fait que les élèves ont des profils différents.
Certains ont des déficits d’attention, d’autres sont particulièrement doués avec les nouvelles
technologies de l’information, etc. Et ces différentes caractéristiques pourraient faire en sorte de
rendre l’impact de l’iPad davantage positif ou négatif. Dans cette section, nous examinons si le
fait d’avoir un diagnostic pouvant nuire aux études atténue ou exacerbe les impacts de l’iPad.
Tableau 9. Modulation de l’impact de l’iPad chez les élèves ayant un diagnostic
Modification
de l’impact
estimé
Impact
spécifique
estimé
Français
+3.11**
-3.82***
Mathématique
+3.00
+1.12
Anglais
-2.24
-3.65**
Science
+3.06
-0.47
Univers social
+0.57
-2.36
Éthique
-0.12
-2.66
Arts
-4.44***
-4.21***
Éducation physique
-0.49
-1.28
*** : Pr < 0.05, ** : 0.05 < Pr < 0.10, * : 0.10 < Pr < 0.15.
La première colonne du tableau indique de quelle façon l’impact moyen de l’iPad présenté au
tableau 6 est modifié par le fait d’avoir un diagnostic. La deuxième colonne nous renseigne sur
18
l’impact spécifique estimé pour les élèves ayant un diagnostic. Comme on peut le constater, le
fait d’avoir un diagnostic pouvant nuire aux apprentissages atténue de façon importante l’impact
négatif moyen de l’iPad dans plusieurs matières, soit en français, en mathématique et en science.
La réduction de l’effet est de 3 points dans ces disciplines. Ainsi l’impact spécifique pour les élèves
ayant un diagnostic est de -3.82 points en français plutôt que de -6.28 points comme l’indiquait
le tableau 6. L’effet devient même positif en mathématique, soit de +1.12, et pratiquement nul
en science. Toutefois, le fait d’avoir un diagnostic exacerbe l’impact négatif présenté au tableau 6
en anglais et en arts. Il apparaît d’ailleurs que l’effet négatif estimé au tableau 6 pour les arts est
entièrement dû aux élèves ayant un diagnostic. Encore une fois, il est vraisemblable que ces
différences soient attribuables aux types d’usage faits.
5. LIMITES DE L’ÉTUDE
Comme nous l’avons déjà mentionné, les élèves formant les groupes iPad et réguliers sont
différents. Nous avons choisi l’approche méthodologique la plus apte à prendre en compte ces
différences étant donné les données disponibles. Notre approche méthodologique nous permet
d’éliminer l’effet de toutes les caractéristiques distinguant les élèves iPad et réguliers qui sont
constantes de la 5e année du primaire à la première secondaire, telles que le sexe des élèves, leurs
habiletés intellectuelles (innées), leurs diagnostics, etc. Notre approche nous permet également
d’évacuer l’effet que l’enseignant a pu avoir sur les résultats scolaires sauf en français et en
éthique. Lorsque c’était possible, nos estimations sont en effet issues d’une comparaison d’élèves
ayant eu le même enseignant en première secondaire.
Une autre source potentielle d’erreur vient du taux de participation inférieur à 100 %. Il est
possible que les élèves qui n’ont pas voulu participer à notre étude soient différents de ceux qui
ont accepté de participer et que cela ait biaisé notre estimation. Enfin, il est important de
souligner que les estimations présentées pour les élèves ayant un diagnostic reposent sur très
peu d’observations.
CONCLUSION
L'objectif de cette étude était d'évaluer les impacts que l'intégration de l'iPad dans la salle de
classe a sur les résultats scolaires. Nous avons étudié le cas d'une école secondaire du Québec qui
a introduit l'iPad dans certains de ses groupes de première secondaire en 2012-2013. Nous avons
estimé l'impact de l'iPad sur les notes par discipline et évalué s'il y avait une interaction avec le
fait d'avoir un diagnostic pouvant aux apprentissages. La stratégie d'estimation a été de comparer
la performance des élèves des « groupes iPad » à celle des élèves des «groupes réguliers» avant
et après l'intégration de l'iPad. Lorsque c’était est possible, nos estimations se sont fondées sur
une comparaison d’élèves ayant eu le même enseignant en première secondaire afin d’évacuer
l’effet que les enseignants auraient pu avoir sur les apprentissages.
19
Nos résultats indiquent que l’introduction de l’iPad s’est traduite par une baisse générale des
résultats scolaires. Une dégradation des résultats est effectivement observée dans six disciplines
sur huit, soit le français, les mathématiques, l’anglais, la science, l’univers social et l’éthique. Les
estimations de l’impact moyen varient de -6.28 points à -1.22 point selon les disciplines. Cela
signifie que les élèves des groupes iPad auraient eu, en moyenne, une note de 6.28 à 1.22 points
supérieurs, selon les disciplines, s’ils avaient plutôt été dans des groupes réguliers.
C’est en français, en science, en univers social et en éthique que les effets négatifs semblent avoir
été les plus prononcés. En science et en univers social, l’impact moyen de l’introduction de l’iPad
sur les résultats des élèves des groupes iPad est respectivement estimé à -2.91 et -2.82 points. En
français et en éthique, les impacts estimés sont de l’ordre de -6.28 et -2.55. Toutefois, ces deux
estimations captent à la fois les effets de l’iPad et des enseignants, car des professeurs différents
enseignaient aux groupes iPad et réguliers. Ces impacts différenciés entre les matières suggèrent
que les effets de l’iPad peuvent dépendre du type d’intégration et des usages faits, des pistes qui
pourront être explorées dans le futur pour améliorer les effets positifs de l’iPad.
Comme il s’agit d’un impact moyen pour tous les élèves des groupes iPad, ces résultats ne
signifient pas que les notes de chacun d’entre eux ont baissé de cette ampleur. Certains élèves
pourraient avoir connu des baisses plus importantes et d’autres, moins importantes. Une partie
de cette variance provient de l’impact différencié chez les élèves ayant un diagnostic pouvant
entraver leurs apprentissages et les élèves n’en ayant pas. En français et en mathématique, les
impacts négatifs de l’iPad se sont fait beaucoup moins sentir chez les élèves ayant de tels
diagnostics. En français, mathématique et science, la réduction de l’impact négatif de l’iPad est
estimée à environ 3 points pour les élèves ayant un diagnostic. Cela suffit à rendre les impacts
positifs en mathématique et nuls en science. En anglais et arts, l’existence d’un diagnostic vient
toutefois exacerber les impacts négatifs de l’iPad en classe. Encore une fois, il est probable que
ces différences soient dues aux types d'usages faits.
Pour les raisons fournies dans la section méthodologique, nous n’avons pas pu estimer les impacts
de l’utilisation de l’iPad lors de la deuxième d’année d’intégration. Nous croyons néanmoins qu’il
est possible que les effets négatifs se soient partiellement estompés ou qu’ils soient devenus
positifs au cours de la deuxième année et des années subséquentes, au fur et à mesure que les
enseignants acquéraient une maîtrise de ce nouvel outil pédagogique et arrivaient à en exploiter
le potentiel éducationnel.
Il demeure cependant que l’un des plus grands défis auquel sont confrontés les enseignants et les
directions d’école qui se lancent dans un tel projet est la distraction créée par la présence de
tablettes numériques en classe. Comme l’ont montré Karsenti et Fievez (2013), pratiquement
100 % des élèves et des enseignants soutiennent que l’utilisation de l’iPad en classe est une source
de distraction pour les élèves. Les élèves ont plus de difficultés à maintenir leur attention sur les
apprentissages scolaires lorsque les jeux vidéo, la messagerie électronique et les réseaux sociaux
20
sont aussi facilement accessibles. Dans un monde où les jeunes passent de trop nombreuses
heures à jouer à des jeux vidéo et à surfer sur les réseaux sociaux en dehors de l’école, il devient
encore plus difficile pour eux de « décrocher » lorsque l’écran les suit en classe.
REMERCIEMENTS
Nous remercions l'école de nous avoir permis de mener cette recherche. Nous remercions
également Martine Peters, qui a contribué à la première étape de la recherche, ainsi que les
participants aux séminaires pour les discussions et les commentaires utiles.
21
RÉFÉRENCES
Angrist, J. et V. Lavy (2002) « New evidence on classroom computers and pupil learning »,
Economic Journal, 112: 735–765.
Barrow, L., L. Markman et C. Rouse (2009) « Technology’s edge: educational benefits of
computer-aided instruction », American Economic Journal: Economic Policy, 1: 52–74.
Grimes, D. et M. Warschauer (2008) « Learning With Laptops: A Multi-Method Case Study »,
Journal of Computing Research 38(3): 305-332.
Karsenti, T. et A. Fievez (2013) « L’iPad à l’école: usages, avantages et défis : résultats d’une
enquête auprès de 6057 élèves et 302 enseignants du Québec (Canada) ». Rapport préliminaire
des principaux résultats, CRIFPE, Montréal.
Leuven, E., M. Lindahl, H. Oosterbeek et D. Webbink (2004) « The effect of extra funding for
disadvantaged pupils on achievement », The Review of Economics and Statistics, 89: 721–736.
Machin, S., S. Mcnally et O. Silva (2006) « New technology in schools: is there a payoff? »,
Economic Journal, 117: 1145–1167.
Maine Education Policy Research Institute (2007). « Maine’s Middle School Laptop Program:
Creating Better Writers », Maine Education Policy Research Institute, University of Southern
Maine.
Rouse, C., A. Krueger et L. Markman (2004) « Putting computerised instruction to the test: a
randomized evaluation of a ‘scientifically-based’ reading program », Economics of Education
Review, 23: 323–338.
Suhr, K., D. Hernandez, D. Grimes et M. Warschauer (2010). « Laptops and Fourth-Grade
Literacy: Assisting the Jump over the Fourth-Grade Slump », The Journal of Technology,
Learning, and Assessment, 9(5): 1-45.