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Journal de Thérapie Comportementale et Cognitive 1999, 9, 4, 108-112© Masson, Paris, 1999
PENSÉES DYSFONCTIONNELLES
DE L’ALCOOLO-DÉPENDANCE
Un test du modèle de beck : schémas anticipatoire,
soulageant et permissif
Communication présentée aux 26es Journées de Thérapie Comportementale et Cognitive
Paris, décembre 1998
M. HAUTEKEETE, I. COUSIN, P. GRAZIANI
Université de Lille 3, BP 149, 59653 Villeneuve-d’Ascq Cedex.
E-mail : marc.hautekeete@univ-lille3.fr
Correspondance : M. HAUTEKEETE, à l’adresse ci-dessus.
RÉSUMÉ :
En 1993 Beck et al. ont décrit un modèle cognitif des comportements addictifs qui implique 3 schémas
spécifiques mettant en jeu des pensées automatiques anticipatoires (A), soulageantes (S) et permissives (P).
Cette recherche a pour but de valider ce modèle en ce qui concerne les consommateurs excessifs d’alcool. Nous
avons construit un questionnaire comprenant des items A-S-P présentés sous une orientation positive ou
négative. Les résultats montrent des différences entre alcooliques et non-alcooliques allant dans le sens du
modèle A-S-P. La comparaison entre les formes positives et négatives des items A-S-P atteste de l’existence
réelle de pensées automatiques non conscientes proches des schémas. Un groupe expérimental ayant suivi une
cure avec une thérapie cognitivo-comportementale montre une amélioration significative du score A-S-P.
L’ensemble de ces résultats concorde avec l’hypothèse de Beck et al.
Mots-clés : alcoolisme, schéma, psychologie cognitive, thérapie comportementale et cognitive.
SUMMARY: A test of beck’s dysfunctional beliefs model for alcohol abusers : anticipatory, relief-oriented
and permissive schemas
M. HAUTEKEETE, I. COUSIN, P. GRAZIANI (Journal de Thérapie Comportementale et Cognitive, 1999 ; 9, 4, 108-112).
In 1993, Beck and al. described a cognitive model of substance abuse which implies 3 specific addictive
schemas : anticipatory (A), relief-oriented (S) and permissive (P) automatic thoughts. This research aims to
validate this model for alcohol abusers. We built a A-S-P questionnaire in which items were purposed with positive
and negative orientations. Differences between results of alcoholic and nonalcoholic subjects prove the validity of
the A-S-P model. Comparaison between positive and negative presentations of A-S-P items attests the effectiveness
of non-conscious automatic thoughts (indicators of schemas). An experimental group following a course of
behavioral-cognitive therapy showed a significant improvement of A-S-P score. All results agree with Beck and
al.’s hypothesis.
Key words: alcoholism, schema, cognitive psychology, behavioral-cognitive therapy.
Dès 1985 le modèle de Marlatt et Gordon peut
être considéré en partie comme un modèle mnési-
que des comportements addictifs. D’autres modè-
les mnésiques, tel celui de Goldman (Goldman,
1995 ; Rather et Goldman, 1994) reprenant les
modèles bien connus du réseau associatif de
Bower (1981) et celui de la mémoire associative-
émotionnelle de Hautekèete et Vantomme (1986),
laissent penser que le fonctionnement de la
mémoire pourrait être à l’œuvre dans les conduites
des sujets dépendants à l’alcool. De tels modèles
en réseau décrivent une structure de la Mémoire à
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PENSÉES DYSFONCTIONNELLES DE L’ALCOOLO-DÉPENDANCE 109
Long Terme (MLT) stockant les informations
sémantiques mais aussi les informations épiso-
diques (évènements de vie). Pour ce second type
d’informations la composante émotionnelle de
l’évènement est elle-même stockée en MLT.
Beck a développé son modèle général autour
du concept de schémas inconscients inscrits en
MLT : dans la dépression, dans les troubles
anxieux et dans les troubles de la personnalité.
Les modèles en réseau en MLT sont compatibles
avec les modèles en schémas, Bower lui-même
(Bower et Cohen, 1982) introduisant le concept
de schéma dans sa description de la mémoire
associative-émotionnelle.
Un modèle structuro-fonctionnel se révèle le
plus apte à rendre compte de la complémentarité
de ces deux apports (Hautekèete, 1998). Il per-
met en outre de décrire une hiérarchie des sché-
mas qui ne soit pas strictement stratifiée comme
l’avait proposée Beck et Emery (1985) mais de
décrire la mémoire schématique par des structu-
res propositionnelles dont la prégnance sur le
fonctionnement psychique dépend de facteurs
tels que le nombre de schémas de base inclus
dans les schémas plus généraux, la fréquence
d’activation des liaisons entre les nœuds constitu-
tifs du schéma, l’importance de la sélection de
l’information dans l’environnement en fonction
de l’état d’activation des schémas dysfonctionnels
qui occupent la Mémoire à Court Terme (ou
Mémoire de Travail).
Ainsi des schémas peuvent se constituer à dif-
férents âges et s’activer en fonction des évène-
ments de vie. Si des schémas mal-adaptés
précoces (Young et Klosko, 1993) peuvent avoir
un rôle dans la construction de schémas de per-
sonnalité plus englobants à l’âge adulte, il n’en
reste pas moins que même l’adulte peut voir
s’installer et évoluer des schémas nouveaux. C’est
dans ce cadre que nous recentrons les proposi-
tions de Beck, Wright, Newman et Liese (1993).
Beck et al. décrivent les schémas mis en jeu dans
les addictions et en particulier dans l’alcoolisa-
tion. Par exemple une certaine situation sociale
peut activer un schéma < consommation d’une
substance → être à l’aise en société > et l’accumu-
lation de ce genre de schémas spécifiques produit
une augmentation de la consommation d’alcool.
On peut supposer que les schémas addictifs
reposent sur des Schémas Centraux Dysfonction-
nels — SCD — (Dysfunctional Core Beliefs)
mais que, même s’ils ne sont pas directement pré-
disposants, ils peuvent se construire durant
l’addiction, contribuer à la maintenir et évoluer
jusqu’à être des agents causaux de la rechute.
Deux catégories de SCD peuvent être relevées :
celles concernant la liberté, l’autonomie, la réus-
site personnelle et celles concernant les relations
avec autrui : se croire accepté ou rejeté.
Le principe général serait le suivant :
1. pré-existence de SCD ;
2. création de schémas spécifiques : (ex. : activa-
tion d’une liaison permanente entre la consomma-
tion d’alcool et de nombreuses situations sociales
conduisant à :
a) la mise à l’aise,
b) l’envie de consommer,
c) l’augmentation de la vulnérabilité à l’abus,
d) l’augmentation de la probabilité d’alcoolisa-
tion,
e) l’augmentation de l’anxiété et du « craving »,
hypervigilance à ces sensations.
Nous avons bien affaire à une boucle structuro-
fonctionnelle qui suppose que l’alcoolisation
excessive produit de nouveaux schémas qui
contribuent à l’élaboration des schémas suivants.
Ces schémas addictifs, plus récents que les Sché-
mas Centraux Dysfonctionnels seraient plus
accessibles que ces derniers et l’on peut avancer
l’idée d’une construction séquentielle, c’est-à-dire
d’un enchaînement particulier d’activation des
schémas addictifs :
— d’abord apparaîtraient des « schémas antici-
patoires » (A) : caractérisés par le développement
de croyances prédictives de bien-être, d’efficacité
accrue, d’aide dans les relations sociales, etc. :
attentes d’effets positifs de l’alcool ;
— ensuite viendraient des « schémas soula-
geants » (S), plus impératifs, menant au craving :
attente de la réduction d’un inconfort. Certaines
personnes selon Beck et al. (1993) attribueraient
leur consommation à l’un ou l’autre ou encore à
ces deux schémas de base ;
— enfin s’installeraient des « schémas permissifs »
(P) justifiant la prise d’alcool malgré les diverses dif-
ficultés de vie qui apparaissent : permission de
consommer et organisation de la vie autour de plans
d’action pour trouver et consommer l’alcool. Ils
joueraient un rôle primordial dans la rechute (voir
Marlatt).
Des pensées conflictuelles concernant l’attrait
ou le rejet peuvent coexister momentanément,
mais ce conflit produisant lui-même un sentiment
d’inconfort contribue de manière paradoxale à
consommer pour se soulager.
Dans un travail précédent (Tison et Hau-
tekèete, 1998) mené sur des héroïnomanes nous
avions déjà testé le modèle des schémas A-S-P de
Beck et al., 1993). Non seulement nous avions pu
montrer qu’ils différencient bien les consomma-
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M. HAUTEKEETE et coll.110
teurs d’héroïne des témoins mais qu’une thérapie
cognitive s’était révélée très efficace. Le modèle
de Beck et al. concerne l’ensemble des addictions
et il est donc prévisible que des résultats identi-
ques soient obtenus avec des sujets alcooliques.
L’hypothèse d’une apparition séquentielle des
schémas addictifs implique que des sujets
alcoolo-dépendants et des sujets témoins non
consommateurs excessifs se différencient pro-
gressivement dans la prégnance de ces schémas
car elle suppose que c’est l’alcoolisation qui fait
évoluer les schémas. Ainsi il est probable que le
schéma addictif d’anticipation ne distingue que
faiblement ces deux types de sujets car même les
sujets non-alcoolo-dépendants peuvent avoir des
croyances anticipatoires « positives » sur, par
exemple, la facilité des relations sociales. En
revanche on peut attendre une différenciation
nette pour les deux autres schémas dont l’appari-
tion est liée à l’alcoolisation elle-même.
PROBLÉMATIQUE
Les schémas Anticipatoires (A), Soulageants
(S) et Permissifs (P) doivent être beaucoup plus
développés chez des alcoolo-dépendants que
chez des sujets non dépendants. La différencia-
tion doit être moins visible pour les schémas de
type A que pour ceux de type S et P qui sont acti-
vés directement par l’alcoolisation.
Cependant ces schémas ne sont pas directe-
ment accessibles puisqu’ils sont inconscients en
MLT. Par conséquent on ne peut les mettre en
évidence qu’à travers une quantification des pen-
sées automatiques qui leur sont reliées.
Enfin, même si a priori, il semble qu’une trans-
formation profonde des schémas nécessite un
temps assez long, il ne parait pas impossible de
montrer l’efficacité d’une prise en charge en TCC
durant une cure de 21 jours car nous agissons sur
les schémas spécifiques et non sur les SCD (tout
au moins dans un premier temps).
MÉTHODE
Sujets
Il y a 2 groupes de sujets qui ont été appariés
« au mieux » selon les principales variables
signalétiques :
— un groupe de sujets diagnostiqués alcoolo-
dépendants selon les critères du DSM-IV. Nous
avons exclu les personnes dont le déficit cognitif
était trop important. Il reste 45 personnes volon-
taires recrutées durant une cure de 21 et qui ont
passé une fois le questionnaire A-S-P. Elles pro-
viennent de 2 centres (St-Amand et Calais). Il y a
une majorité d’hommes. L’âge moyen de dépen-
dance est estimé à 8,43 ans. La moyenne d’âge est
de 38,41 ans. Parmi ces 45 sujets, 26 ont pu être sui-
vis 21 jours et retestés à la fin de leur cure. Ces
sujets ont suivi une thérapie cognitivo-compor-
tementale basée entre autre sur les stratégies de
prévention de la rechute (Marlatt), l’affirmation
de soi et une restructuration cognitive ;
— un groupe non-dépendant, a priori non
consommateur excessif (50 sujets). Ces sujets ont
tous un score ≤ à 5 au SMAST ce qui vérifie qu’ils
n’ont pas de problèmes liés à l’alcool. Leur
moyenne d’âge est comparable (36,45 ans, t < 1 ;
NS). Cependant il n’a pas été possible de les égali-
ser parfaitement avec les alcoolo-dépendants sur
les autres variables descriptives : il y a une plus
forte proportion de femmes et un niveau d’étude
plus élevé dans l’ensemble sans que cela soit fran-
chement disproportionné. En revanche la situa-
tion professionnelle est fortement différenciée
comme attendu : le nombre des sans-emplois est
nettement plus important chez les alcoolo-dépen-
dants. L’alcoolo-dépendance a des répercussions
sociales telles qu’il est très difficile d’apparier
exactement les sujets témoins et expérimentaux.
Matériel
Nous avons construit un questionnaire de
30 items à partir d’entretiens semi-directifs basés
sur les schémas A, S et P avec 10 alcoolo-dépen-
dants de façon à obtenir des verbalisations reflé-
tant leurs pensées automatiques, de sélectionner
le vocabulaire, le langage adéquat à une bonne
compréhension des items. Nous avons utilisé éga-
lement comme base le questionnaire « Belief
About Substance Use » de Beck et al. (1993).
Nous avons constaté un très bon recoupement de
ces deux approches et constitué 3 ensembles
d’items A, S et P.
Afin d’éviter les réponses stéréotypées, la moi-
tié des items correspondant à chacun des 3 grou-
pes était présentée de façon positive, l’autre de
façon négative devant servir de situation contrôle
intra-sujet. Les 6 types d’items sont présentés
dans un ordre aléatoire contrôlé.
À chaque item les sujets répondent sur une
échelle en 5 points de « tout à fait faux » à « tout
à fait vrai ». La notation est inversée pour les
items négatifs. Les sujets sont volontaires et assu-
rés de l’anonymat de leurs réponses.
Les sujets expérimentaux passent 2 fois le
questionnaire, au début et à la fin de la cure.
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PENSÉES DYSFONCTIONNELLES DE L’ALCOOLO-DÉPENDANCE 111
RÉSULTATS
a) Le score Total (A-S-P, items positifs + items
négatifs) des sujets contrôles et expérimentaux au
premier test montre (figure 1) une nette densifi-
cation de l’ensemble des 3 schémas chez les
alcoolo-dépendants : la différence avec les
témoins est très significative (F(1,93) = 24,31 :
p < .001).
Puisque ces résultats proviennent de 2 établis-
sements différents nous avons testé l’équivalence
des deux sous-groupes alcoolo-dépendants. Il n’y
pas de différence statistiquement significative
entre eux (t < 1 ; NS). Ils seront donc mélangés
pour la suite des résultats.
b) Les scores séparés A, S et P (items
positifs + items négatifs) des sujets contrôles et
expérimentaux au premier test dénotent une dif-
férence significative pour les scores S (F(1,93) =
23,94 ; p < .001) et P (F(1,93) = 26,79 ; p < .001)
mais il n’y a qu’une tendance pour le score A
(F(1,93) = 3,28 ; p = .07). Ceci est conforme aux
prévisions en fonction du modèle de Beck. Les
schémas A (anticipatoires) apparaissant les pre-
miers, il est probable qu’ils soient en partie éga-
lement intégrés par les non dépendants. Les
schémas S et P plus tardifs dans la maladie et liés
à l’alcoolisation différencient plus nettement les
2 populations.
c) Analyse séparée des items positifs et
négatifs : comparaison des sujets contrôles et
expérimentaux aux schémas A, S et P.
Pour les items positifs les sujets doivent donner
leur adhésion directe à une proposition correspon-
dant à une « pensée automatique ». Effectivement
avec les items positifs (figure 2) il est prouvé que
pour les 3 schémas les alcooliques ont significative-
ment plus intégré ces schémas dysfonctionnels que
les non-dépendants : A (F(1,93) = 14,73 ; p < .001),
S (F(1,93) = 48,86 ; p < .001), P (F(1,93) = 13,95 ;
p < .001). Pour les items orientés négativement, le
sujet étant confronté à ce qui n’est pas son mode
de pensée automatique (seule l’inversion de la
cotation permettant la comparaison des deux types
d’items) on constate qu’il n’y a, comme attendu,
aucune différence entre les moyennes des scores
Total A-S-P des alcoolo-dépendants (m = 15,29) et
des témoins (m = 15,20) ; F (1,93) < 1 ; NS). Ainsi
que l’on peut le constater avec la figure 3 ces deux
scores sont proches de celui des non-alcooliques
en situation « items positifs ».
L’ensemble de ces résultats montre que l’adhé-
sion aux schémas A, S et P des alcoolo-dépen-
dants est une réalité.
d) Effets de l’intervention cognitivo-comporte-
mentale (26 sujets).
Le score Total (A-S-P) des 2 centres de Saint-
Amand et de Calais était identique au prétest.
Pour les 26 sujets ayant bénéficié durant leur cure
d’une approche T.C.C., on obtient une diminu-
tion de ce score entre le test et le retest très
comparable (-10 à Calais : F(1,10) = 14,98 ; p < .01
et – 11,74 à St-Amand : F(1,14) = 23,11 ; p < .001).
Cette amélioration de 11 points en moyenne pour
les 26 sujets expérimentaux est spectaculaire pour
un traitement de 21 jours. La différence entre le
premier test et le retest en fin de séjour est
FIG. 1. — Scores aux schémas A, S et P pour les alcoolo-dépen-
dants et les non-dépendants. FIG. 2. — Scores aux schémas A, S et P pour les alcoolo-dépen-
dants et les non-dépendants.
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M. HAUTEKEETE et coll.112
significative : F(1,24) = 39,24 ; p < .001. On remar-
que en outre que le score au retest (28,31) est
devenu très proche (différence NS) du score total
A-S-P du groupe contrôle (29,38).
CONCLUSION
Les résultats obtenus confirment le bien fondé
de l’élaboration théorique de Beck en termes de
schémas impliqués dans l’alcoolo-dépendance. Il
est bien entendu que nous nous sommes limités à
la mesure des effets au niveau des pensées auto-
matiques prises comme indicateurs des schémas
inscrits en MLT. Un point qui nous semble essen-
tiel est que nous sommes assurés que ce sont bien
des pensées automatiques qui sont mesurées
comme l’atteste la différence entre les résultats
aux items orientés positivement et négativement
et non de réponses consciemment élaborées
auquel cas les résultats auraient été identiques
entre les deux types d’items. Il apparaît donc évi-
dent que nous avons mis en évidence des proces-
sus non-conscients très proches des schémas
addictifs et non seulement des contenus de cons-
cience. La différence attendue entre les schémas
A, S et P des alcoolo-dépendants et non-dépen-
dants est ainsi fortement validée par ces résultats
expérimentaux. Cependant il reste un doute sur
la profondeur des modifications obtenues par
l’intervention TCC. Elles peuvent ne concerner
que les pensées automatiques sans que les sché-
mas profonds (SCD) soient fondamentalement
modifiés. Cette restriction provient paradoxale-
ment de l’efficacité très nette de la cure. Il faut
préciser que cette cure mélange une approche
traditionnelle et des apports cognitivo-comporte-
mentaux que nous ne pouvons distinguer. Cepen-
dant le fait d’obtenir des résultats comparables
dans deux centres différents, avec un personnel,
un entourage, un fonctionnement différent et où
seules les pratiques TCC sont identiques nous
renforce dans l’idée qu’il est possible de modifier
les schémas addictifs chez les alcooliques ainsi
que nous l’avions montré avec les héroïnomanes.
La voie tracée par Beck et al. est ainsi confortée
mais il reste à prouver l’efficacité à long terme du
traitement TCC, où nous avons inclus la préven-
tion de la rechute, ce qui nécessiterait sans doute
un travail plus approfondi sur les SCD.
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FIG. 3. — Score Total A-S-P aux items orientés positivement
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dépendants.
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