Book

Natacha, Kitty et Lev Nikolaevitch sur le divan d'Ossipov, ou les destinées psychanalytiques de l'oeuvre de Tolstoï dans la Russie des années 1910

Authors:

Abstract

Bien qu’adversaire résolu de la modernité et apôtre d’un idéal d’abstinence sexuelle, Lev Tolstoj a fondé une bonne partie de son œuvre sur cette double tentation propre à l’Age d’argent russe : la tentation du sexe et la tentation de la mort. Si la modernité « mauvaise », à savoir la modernité économique et sociale (et plus précisément l’émancipation des femmes), fait dans l'oeuvre de cet indiscutable découvreur littéraire de l’inconscient qu’est Tolstoj l’objet d’une constante protestation, la modernité littéraire trouve quant à elle à s’y exprimer admirablement : tentatives de formaliser les conflits intrapsychiques dans l’écriture et de leur trouver une structure narrative, descriptions presque cliniques d’états paranoïaques où se mêlent amour et haine des femmes, etc. La dualité tragique des pulsions (pulsion de vie et pulsion de mort), formulée dès 1912 par la psychanalyste russe Sabina Spielrein avait déjà trouvé chez Tolstoj son expression littéraire, que ce soit sur le mode de l’analyse ou sur celui de la symbolisation. Le psychiatre russe Nikolaj Osipov ne s’y est pas trompé, qui a fait de Tolstoj et de son œuvre la matière privilégiée de ses études de psychanalyse clinique appliquée à la littérature et aux personnalités littéraires. Même si la démarche psychanalytique d’Osipov ne convainc pas toujours, elle a le mérite d’offrir une issue intellectuelle relativement satisfaisante aux multiples tensions, contradictions voire aberrations sans cesse soulevées par la critique, dans l’œuvre de Tolstoj comme chez l’homme : l’archaïste qui fut l’un des plus grands modernes, le moraliste qui cohabitait avec le sensualiste, le pourfendeur de l’art qui le disputait à l’artiste consommé.
ResearchGate has not been able to resolve any citations for this publication.
ResearchGate has not been able to resolve any references for this publication.