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Réflexivité et registres d'interdisciplinarité : une boussole pour la recherche entre natures et sociétés

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Cet article est la réflexion commune de quatre "jeunes chercheurs" sur les pratiques d'évaluation de la recherche interdisciplinaire. Nous souhaitons comprendre comment qualifier des registres d'interdisciplinarité afin d'accroître leur transparence méthodologique. Nous proposons tout d'abord un état des lieux des modes d'objectivation de l'interdisciplinarité. Puis nous insistons sur le caractère continuellement inédit de la construction des objets interdisciplinaires, appelant la création de catégories d'évaluation dynamiques. Nous proposons enfin une boussole à cinq axes afin d'orienter l'évaluation des pratiques interdisciplinaires sur l'interface natures/sciences/sociétés : dynamique temporelle de l'interdisciplinarité, distance disciplinaire des différents corpus, dimension collective de la recherche, formes d'engagement dans le débat public et portée extra-académique.
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Natures
Sciences
Sociétés
Repères
Réflexivité et registres d’interdisciplinarité.
Une boussole pour la recherche entre natures et sociétés
Marion Borderon1, Arnaud Buchs2, Vincent Leblan3, Elisa Vecchione4
1Géographie, chercheuse au Z_GIS, Universität Salzburg, doctorante à Aix-Marseille Université, UMR 7300 Espace, 13100 Aix-
en-Provence, France
2Économie institutionnaliste, maître de conférences, Université Toulouse - Jean Jaurès, UMR Dynamiques rurales, 31000 Toulouse,
France
3Anthropologie, chargé de recherche, IRD, UMR 208 Paloc (IRD et MNHN), 75005 Paris, France
4Politiques publiques, chargée de recherche, London School of Hygiene & Tropical Medicine, Global Health and Development
Dep., WC1H 9SH, London, United Kingdom
Cet article est le fruit d’un travail de réflexion réalisé à l’occasion du colloque à Cerisy-la-Salle qui marquait les vingt ans de la
revue NSS. Un collectif de quatre jeunes chercheurs s’interroge dans le présent texte sur les registres d’interdisciplinarité dans
les processus d’évaluation. Les auteurs proposent une boussole pour le cheminement interdisciplinaire associant des enjeux
dynamiques, épistémologiques et une vision réflexive particulièrement salutaire dans une période où, plus que jamais,
l’évaluation de l’interdisciplinarité reste à construire. Nul doute que cette démarche et ces propositions aideront à renouveler
les pratiques de la recherche et guideront les collectifs présents et à venir sur le chemin d’une interdisciplinarité assumée et
ouverte à des interactions avec la société civile.
La Rédaction
Résumé – Cet article est la réflexion commune de quatre « jeunes chercheurs » sur les pratiques
d’évaluation de la recherche interdisciplinaire. Nous souhaitons comprendre comment qualifier des
registres d’interdisciplinarité afin d’accroître leur transparence méthodologique. Nous proposons tout
d’abord un état des lieux des modes d’objectivation de l’interdisciplinarité. Puis nous insistons sur le
caractère continuellement inédit de la construction des objets interdisciplinaires, appelant la création de
catégories d’évaluation dynamiques. Nous proposons enfin une boussole à cinq axes afin d’orienter
l’évaluation des pratiques interdisciplinaires sur l’interface natures/sciences/sociétés : dynamique
temporelle de l’interdisciplinarité, distance disciplinaire des différents corpus, dimension collective de la
recherche, formes d’engagement dans le débat public et portée extra-académique.
Abstract – Reflexive patterns of interdisciplinarity. A compass for research linking nature and
society. This paper opens new avenues for reflection on interdisciplinarity via the combinatory
perspective that four “young researchers” propose on research evaluation practices, including editorial
practices, call for proposals, teaching, recruitment, etc. For instance, all interdisciplinary journals impose
specific requirements on their incoming authors. With this paper we wish to take their standpoint in
order to highlight, discuss and organize these requirements into a usable product – a compass – that
could eventually guide processes of interdisciplinary work evaluation. Therefore, our analysis is driven
by the question of how to qualify patterns of interdisciplinarity in order to improve the methodological
transparency of evaluation practices. Further, taking the example of editorial practices we start by
presenting a brief inventory of the way in which interdisciplinarity gets objectified through practices,
Natures Sciences Sociétés, 23, 399-407 (2015)
© NSS-Dialogues, EDP Sciences 2016
DOI: 10.1051/nss/2015060
Disponible en ligne sur :
www.nss-journal.org
Auteur correspondant : V. Leblan, vincent.leblan@ird.fr
L’ordre des auteurs est alphabétique. Chacun des auteurs a contribué de façon égale à l’écriture de cet article.
Mots-clés :
réflexivité ;
interdisciplinarité ;
objectivation ;
pratiques d’évaluation
Keywords:
reflexivity;
interdisciplinary;
objectivation;
evaluation practices
Article publié par EDP Sciences
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Introduction
En septembre 2013 à Cerisy-la-Salle, s’est tenu le col-
loque « Interdisciplinarités entre natures et sociétés »
organisé par l’association « Natures Sciences Sociétés –
Dialogues » qui porte la revue éponyme1. L’enjeu était
de retracer l’évolution des enjeux sociaux, épistémolo-
giques et politiques de la production des savoirs inter-
disciplinaires à la jonction sociétés/environnements
depuis la création de NSS, vingt ans auparavant
(Arnauld de Sartre et Petit, 2013).
Hormis les autres participants et conférenciers, seize
« jeunes chercheurs » ont été sélectionnés par le comité
d’organisation, invités au colloque et répartis en quatre
groupes de travail. Ils devaient restituer leur réflexion
collective à l’occasion d’une table ronde clôturant la
semaine. Si la commande de retour d’expérience, d’ana-
lyse critique des pratiques actuelles et de propositions de
perspectives était relativement souple afin de laisser à
chaque groupe la possibilité de se l’approprier, les
regroupements ont été imposés par les organisateurs sur
la base de plusieurs critères visant à favoriser le plura-
lisme. Chaque groupe de quatre associait des jeunes
chercheuses et chercheurs qui ne se connaissaient pas
auparavant, au parcours plus ou moins avancé (docto-
rants, post-doctorants et jeunes recrutés) et aux ancrages
disciplinaires distincts. Enfin, chaque groupe était
encouragé à échanger avec un interlocuteur « senior » de
son choix parmi les autres participants. Le présent article
restitue le travail conjoint mené par un de ces quatuors
au cours du colloque et poursuivi depuis.
Le premier enjeu relevait de la nécessité de se com-
prendre. En effet, comment mettre « en réseau » nos
quatre domaines de recherche respectifs, allant des vul-
nérabilités sociales face au paludisme à Dakar (Marion
Borderon), à la gouvernance des ressources hydriques en
Méditerranée et en Suisse (Arnaud Buchs), en passant
par les rapports entre incertitude scientifique et prise
1www.ccic-cerisy.asso.fr/interdisciplinaires13.html
de décision publique concernant le changement clima-
tique (Elisa Vecchione), ou encore les relations socioéco-
logiques entre humains et primates en Afrique de l’Ouest
(Vincent Leblan) ? La seule optique pouvant donner du
sens à une telle diversité d’objets consistait à insister sur
la dimension relationnelle et réflexive de nos recherches,
et ce à toutes les étapes de la démarche scientifique : de
la construction d’objets a priori hétérogènes aux plans
académique et épistémologique, aux processus plus ou
moins enchevêtrés de production de connaissances et
d’actionpublique.Unautreaspectnousconfèreuneiden-
tité et des dispositions scientifiques communes, celui
d’être issus d’une même « génération ANR ». Celle-ci se
distingue par l’importance de la recherche sur contrat,
avec des conséquences évidentes à tous les niveaux : for-
mulation des problématiques, temporalités de la produc-
tion et de la mise à l’épreuve des connaissances, réorga-
nisationdesrapportsentre scientifiques, commanditaires
et publics, sans omettre l’essor récent des pratiques de
recherche collective (surtout dans les sciences sociales) et
leur impact sur la formation scientifique.
Durant son parcours, chacun d’entre nous a eu à
situer ses propres travaux dans un paysage institution-
nel toujours fortement marqué par les identités discipli-
naires, du point de vue des institutions en charge de
l’évaluation des carrières jusqu’aux revues qui conti-
nuent à exiger, à tort ou à raison, que l’on se situe dans
une discipline particulière (en exergue d’un article, par
exemple). La conséquence de ces usages est donc sou-
vent celle d’injonctions contradictoires entre les proces-
sus de formation interdisciplinaire dans lesquels nous
nous sommes engagés et les procédures d’évaluation de
la recherche. Sans être disjoints, ces deux processus res-
tent toutefois différents. Dans cette contribution, nous
nous focalisons sur le second, et plus particulièrement
sur l’évaluation des pratiques interdisciplinaires.
L’objectif est de qualifier des formes d’interdisciplinarité
grâce à une nouvelle perspective qui met en lumière
l’aspect dynamique de la constitution de l’identité d’un
scientifique. Pour ce faire, nous repartons des vœux
d’interdisciplinarité exprimés dans la présentation de la
from the identification of the authors’ disciplinary background via their institutional affiliations to the
acknowledgement of combinatory approaches via the use of bibliometric measures. We then insist on the
scarcely fixable, ever-changing character of the construction of interdisciplinary objects. We take this
feature as the stepping point to revisit evaluation categories in order to make them more suitable to the
dynamic process of interdisciplinary construction. Our goal is not to provide an additional analysis of
the interdisciplinary object itself; rather we aim to provide a tool to scrutinize the author’s
interdisciplinary intents in relation to his/her own creation of the research object and his/her own
objectivation perspective. Therefore, we propose a compass consisting of 5 axes, each reflecting a specific
aspect of interdisciplinary practices at the interface between natures/sciences/societies: temporal
dynamics of interdisciplinarity, distance between disciplines, collective dimensions of research practice,
style of engagement in public debate and extra-academic scope.
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revue NSS2sur internet en adoptant le regard d’un
comité de sélection qui se trouverait par exemple dans la
posture de qualification et d’évaluation de programmes
de recherche, d’articles ou encore de candidats à un
poste académique. Il s’agit de proposer un outil appli-
cable à tout processus d’évaluation de l’interdisciplina-
rité afin de qualifier les étapes des pratiques scientifiques
en fonction de leur style d’intégration des disciplines.
Leur diversité et les nombreux moyens de « faire » de
l’interdisciplinarité nous ont amenés à nous interroger
quant à la possibilité de les reconnaître et de les classi-
fier. Quels critères pouvons-nous alors mobiliser afin
d’objectiver les pratiques de recherche interdiscipli-
naire ? Comment peut-on distinguer et qualifier des
registres d’interdisciplinarité en dépassant la polysé-
mie de multi-, pluri-, et transdisciplinarité, et ainsi
accroître la transparence méthodologique des processus
d’évaluation ? Pour ce faire, nous proposons une bous-
sole pour la recherche typiquement interdisciplinaire
entre natures et sociétés, scénario qui nous a fédérés
dans cette démarche réflexive à propos de la polysémie
de la notion d’interdisciplinarité.
Du côté des pratiques d’évaluation :
état des lieux
L’évaluation est un procédé quasi permanent dans la
vie d’un chercheur actif : évaluation lors d’un processus
de recrutement ou dans l’objectif d’une promotion, éva-
luation par son/ses organismes, évaluation de chaque
article soumis, de chaque demande de financement, etc.
Or, à l’instar de la recherche internationale, l’évaluation
2Site de la revue NSS (rubrique « Présentation », onglet
« Objectifs et domaines ») : http://www.nss-journal.org.
est un aspect peu envisagé par les institutions et les
scientifiques en France (Joulian et al., 2005 ; Milard, 2010).
La question spécifique de l’évaluation des actions et des
pratiques interdisciplinaires ajoute donc une difficulté
dans
« un monde où la recherche et les institutions se sont his-
toriquement formées en disciplines spécialisées, où la
construction des connaissances s’opère souvent dans des
cadres paradigmatiques et des dispositifs extrêmement
contraignants (ceux des différentes sections du Comité
national du CNRS, par exemple) et générateurs d’exclu-
sion (“ceci est hors de notre champ”), peu congruents avec
l’émergence de novations intellectuelles ou de collabora-
tions transversales » (Joulian et al.,2005, p. 285).
Dès 1970 par exemple, le CNRS (Centre national de la
recherche scientifique) a mis en œuvre des actions inter-
disciplinaires de recherche. Cette démarche est dite
cohérente avec les lignes directrices de l’organisme pour
assurer la complémentarité entre disciplines voisines et
la pluridisciplinarité d’objectifs. Il faut cependant
attendre 2002 pour qu’une première commission inter-
disciplinaire voie le jour (assurant alors les carrières des
chercheurs impliqués dans cette aventure). Plus récem-
ment, en 2011, une Mission pour l’interdisciplinarité est
créée au sein de l’organisme. La manière dont l’interdis-
ciplinarité est considérée, pratiquée, qualifiée dans les
différents axes de recherches de la mission n’est cepen-
dant pas clairement explicitée (CNRS, 2013). En outre,
cette remarque semble pouvoir s’appliquer à d’autres
processus d’évaluation. La plupart des revues nationales
et internationales dans le champ de l’environnement, par
exemple, publient tant des articles monodisciplinaires
que des travaux empreints d’interdisciplinarité. Au
niveau des procédures de sélection et d’évaluation des
publications, les pratiques éditoriales ne semblent pas
avoir pour habitude de distinguer les unes des autres. Or
Les auteurs
Marion Borderon est chercheuse en géographie. Son parcours académique est principalement monodisciplinaire,
mais les thématiques sur lesquelles elle travaille et les projets européens dans lesquels elle est impliquée l’amènent
très souvent à des collaborations et des questionnements interdisciplinaires.
Arnaud Buchs est enseignant-chercheur en économie institutionnaliste. Avec pour dénominateur commun le
recours au terrain dans une perspective diachronique, ses recherches portent sur l’analyse des politiques et des
règles qui encadrent la régulation des ressources en eau et de leurs usages, notamment en Méditerranée et en
Suisse (pénurie en eau et sécurité hydrique, gestion intégrée par bassin, etc.).
Vincent Leblan est chercheur en anthropologie. Ses travaux intègrent ethnologie, primatologie de terrain et his-
toire environnementale dans l’étude des relations entre hommes et primates en Afrique de l’Ouest à des fins
d’anthropologie fondamentale et de recherches sur les politiques de patrimonialisation de la nature.
Elisa Vecchione est chercheuse en politiques publiques de la santé auprès de la London School of Hygiene and Tro-
pical Medicine de Londres. Son parcours académique est marqué par des déviations disciplinaires continues débu-
tant avec l’économie du risque. Depuis lors, elle étudie à travers des projets variés les pratiques épistémiques et nor-
matives de l’incertitude scientifique ainsi que le lien entre les deux.
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la question se pose quant à l’identification d’un article
interdisciplinaire : comment l’interdisciplinarité se met-
elle en place, à quel(s) moment(s) du processus de
recherche, avec quels instruments méthodologiques ?
On peut en effet distinguer plusieurs modèles de pra-
tiques interdisciplinaires selon la nature de la question
posée ou la nature de la collaboration ayant fondé l’inter-
disciplinarité. Par exemple, des phases monodiscipli-
naires peuvent alterner avec des phases interdiscipli-
naires (Mathieu, 1999).
Dans l’exemple des pratiques éditoriales, si une revue
est explicitement interdisciplinaire, elle impose dès lors
aux auteurs d’épouser cette démarche ou de la question-
ner. Cela devient un critère, une gageure. Mais comment
qualifier les pratiques interdisciplinaires à travers les
revues s’en réclamant ? Cela demanderait de tenir
compte de leur rôle dans la reconnaissance tant de l’inter-
disciplinarité en tant que régime(s) de scientificité, que
de ses acteurs et des chercheurs interdisciplinaires qui
ont besoin de reconnaissance, de promotion et de publi-
cations – qui donnent légitimité et forgent leur identité et
leur CV (Joulian et al.,2005). La diversité des lieux de
publications et de citations est révélatrice des choix, des
engagements et de la représentativité des chercheurs
engagés dans la pratique et la communication inter-
disciplinaire. Or l es procédures sélectives et les normes
éditoriales des revues restent obscures. Les efforts
d’objectivation se contentent généralement d’approches
bibliométriques et n’analysent pas le contenu des articles
en profondeur (Prud’homme et al.,2012). L’exemple des
trois formes de mesures bibliométriques utilisées pour
discerner le degré d’interdisciplinarité d’un article est
éloquent : l’identification des différentes disciplines des
auteurs en fonction de leur adresse institutionnelle (Qiu,
1992), l’adéquation entre la discipline du ou des auteur(s)
et celle(s) dominant la revue (Rinia et al.,2001) ou encore
la prise en compte du nombre de sujets ou thématiques
associés à un article par les bases de données Web of
Science ou Scopus (Levitt et Thelwall, 2009). Enfin,
l’approche la plus communément utilisée dans les revues
de littérature se limite aux références et aux citations, en
considérant l’hypothèse que la diversité des disciplines
qui citent un article ou qui sont citées par celui-ci refléte-
rait son degré d’interdisciplinarité.
Objectivation et réflexivité
Aussi intéressantes soient-elles, ces mesures ignorent
les pratiques qui ont lieu plus en amont. Elles correspon-
dent à une compréhension de l’interdisciplinarité qui ne
dépasse pas l’assemblage de différentes disciplines au-
delà d’un certain renforcement mutuel en vue de la pro-
ductionderésultats.L’opérationscientifiquequiestsous-
jacente à l’exercice interdisciplinaire est pour ainsi dire
appréhendée dans sa seule dimension de conformité à un
espace d’évaluation déjà établi. Cependant, une dimen-
sion cruciale de l’opération scientifique réside dans la
construction de l’objet de recherche par le chercheur.
SelonBachelard(1969,p. 239),lesavant« nepeutprendre
pour une pensée objective une pensée qu’il n’a pas per-
sonnellement objectivée ». Comprendre la particularité
de la posture de chaque chercheur, qu’il soit disciplinaire
ou interdisciplinaire, est ainsi fondamental pour com-
prendre le sens de son travail de synthèse. Cependant,
l’évaluation des recherches interdisciplinaires est com-
plexe du fait qu’elles ne s’imposent pas de facto, qu’elles
n’émergent pas spontanément ; au contraire, elles s’argu-
mentent par le choix d’une démarche spécifique et sont
ancrées dans un contexte (Hubert et Bonnemaire, 2000).
La construction des objets interdisciplinaires est ainsi
continuellement inédite, nécessitant d’être dynamique
dans nos catégories d’évaluation. Dès lors, il n’y a d’autre
choix que de procéder à une étude du contenu de chaque
article, de chaque programme, de chaque candidature,
etc., pour saisir la nature de l’interdisciplinarité revendi-
quée (Schummer, 2004 ; Porter et al.,2008). Leur évalua-
tion ne peut avoir un sens que si elle est menée qualitati-
vement, c’est-à-dire, contextuellement.
À titre d’exemple, une comparaison rapide d’articles
parus dans le dossier « Interdisciplinarité » de la revue
NSS3révèle différentes façons de catégoriser et de distin-
guer les pratiques interdisciplinaires, ces définitions
pouvant être rapportées à des motivations variées. Ainsi,
les analyses ayant pour ligne de mire les enjeux institu-
tionnels de l’interdisciplinarité, c’est-à-dire une traduc-
tion en termes de « pilotage de la recherche », la conçoi-
vent plutôt comme une pratique de fédération de
chercheurs appartenant à des disciplines différentes
autour d’un thème, visant à varier les éclairages d’un
même objet (Aubertin à l’IRD, 2004 ; Deffontaines et
Hubert à l’Inra, 2004). La dimension collective et sociali-
sée de la recherche interdisciplinaire est somme toute
monnaie courante, et sans doute même inévitable car :
« Par définition, les étudiants sont formés via des
ensembles plus ou moins disciplinaires et les chercheurs
sont socialisés aux paradigmes et modes de travail de com-
munautés spécifiques. La créativité faisant son œuvre, ces
cadres de travail et de pensée se trouvent toutefois réguliè-
rement mis en porte-à-faux – et de l’interdisciplinarité
apparaît, des champs voisins se fécondent, de nouveaux
cadres d’appropriation se déploient » (Pestre, 2004, p. 195).
Notons qu’un nombre croissant de jeunes chercheurs,
revenant sur leurs parcours d’apprentissage, définissent
aujourd’hui plus volontiers l’interdisciplinarité comme
3Le dossier « Interdisciplinarité » de la revue NSS regroupe
des articles qui participent à la caractérisation des pratiques
interdisciplinaires. Les parutions sur ce thème ont été particu-
lièrement nombreuses entre 2004 et 2006.
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une pratique individuelle, soulevant des enjeux épis-
témologiques d’autant plus prégnants qu’ils sont
constamment confrontés à des instances d’évaluation
disciplinaires refusant une légitimité académique à leur
démarche (Bühler et al.,20064).
Cette transformation tient vraisemblablement à l’évo-
lution des situations d’apprentissage de la recherche
durant la dernière décennie : là où l’interdisciplinarité
résultait surtout d’un échange entre spécialistes ayant
appris à forger leurs hypothèses au sein d’institutions
fortement disciplinarisées, on assiste à l’arrivée de cher-
cheurs ayant assimilé dans un même élan, via les projets
ANR et la création des UMR, les concepts et les instru-
ments de plusieurs sciences (Leblan, sous presse).
Pour l’ensemble de ces raisons, l’interdisciplinarité
exacerbe la nécessité d’une démarche réflexive qui
puisse mettre en relation deux éléments fondamentaux
de la définition de l’identité du chercheur interdiscipli-
naire : la pratique scientifique au cours de sa trajectoire
de recherche et son évaluation. Cette réflexivité « aug-
mentée » résulte d’une attention particulière portée au
processus de construction de l’objet de toute recherche
(Hubert et Bonnemaire, 2000). À l’amont, cette attention
amène à accroître la transparence des modes d’objectiva-
tion des savoirs coconstruits sur la base d’apports disci-
plinaires pluriels ; en aval, elle contribue à renforcer la
responsabilité de tout organisme ou organisation appelé
à évaluer la recherche interdisciplinaire (telle qu’une
revue interdisciplinaire, par exemple) vis-à-vis de la
communauté scientifique et de la société en général.
Considérant que les critères d’évaluation de la perti-
nence des contributions interdisciplinaires résultent de
choix, il importe selon nous d’aider la prise de décision
grâce à des indicateurs qui permettent à la fois de dessi-
ner une trajectoire ou politique de recherche claire et, en
même temps, d’induire une introspection plus profonde
de la pratique interdisciplinaire au sein de toute institu-
tion engagée à son développement. Cette nécessité n’est
certes pas nouvelle. Par exemple, dans le cas de la revue
NSS, son comité de rédaction avait identifié, lors d’un
exercice d’autoévaluation, 4 types d’articles interdisci-
plinaires : 1) les articles traitant d’un programme inter-
disciplinaire ; 2) ceux autour d’un thème, d’un objet de
recherche, provenant d’auteurs de disciplines diffé-
rentes ; 3) ceux traitant d’« objets déformés » un
auteur d’une discipline écrit sur un objet de recherche
pour d’autres disciplines ; 4) les articles traitant de la
4D’autres jeunes chercheurs jugent, pour leur part, que les
pratiques interdisciplinaires dans le cadre des recherches finan-
cées par contrat affaiblissent les discussions épistémologiques
sur « […] la scientificité des sources, les protocoles de recherche,
les modalités d’administration de la preuve […] » en raison,
notamment, du pouvoir des commanditaires et de l’importance
accordée aux « produits finis » (Goxe et Nollet, 2006, p. 16-17).
question de l’interdisciplinarité en elle-même (Évalua-
tion interne revue NSS 2005-2008).
Cependant, cette procédure d’évaluation qualifie des
types d’interdisciplinarité à partir de l’objet construit et
de la diversité des disciplines qu’il « rassemble » (en
retraçant ses sources), tout en laissant de côté le
constructeur de l’objet, c’est-à-dire la spécificité de sa
démarche : selon que l’objet scientifique soit construit de
façon solitaire ou collective ; de manière plus « com-
pacte » ou plus « déformée » ; enutilisant des disciplines
reconnues comme voisines ou s’affranchissant de ces
barrières académiques et épistémologiques. Nous por-
tons alors notre attention sur la construction de l’objet de
recherche à partir de l’intention des chercheurs quant à
leur trajectoire et à leur perspective d’objectivation, afin
de mieux appréhender leur propre processus réflexif.
Une boussole pour le cheminement
interdisciplinaire
La qualification usuelle des pratiques interdiscipli-
naires (mono-, multi-, inter-, trans- et pluridisciplinaire)
revêt un caractère formel qui ne permet pas de rendre
compte finement de la construction de l’objet de re-
cherche. Nous proposons donc de diriger la réflexion vers
l’amont de la pratique interdisciplinaire à travers une
boussole dont l’objectif est moins d’aboutir à une (autre)
catégorisation formelle que d’appréhender la teinte
d’une contribution donnée et de dessiner les contours du
registre d’interdisciplinarité dans lequel elle s’inscrit
(voir Fig.).
Nous proposons cinq axes, chacun renvoyant à des
critères non normatifs d’appréciation de l’interdiscipli-
narité, visant à qualifier sa teinte à travers un type d’inté-
gration interdisciplinaire « en actes ». Le centre de cette
boussole correspond à un niveau zéro d’intégration ; au-
delà du centre, l’interdisciplinarité s’active en fonction
de circonstances contingentes au(x) chercheur(s) impli-
qué(s) et se structure selon des formes d’intégration
spécifiques : dynamique temporelle, niveau de « trans-
gression » disciplinaire et niveau de collaboration
(dimension collective), ces trois dimensions renvoyant
strictement au caractère scientifique de l’interdisciplina-
rité ; rapport à l’action (formes d’engagement) et portée
extra-académique, renvoyant au caractère social de sa
mise en acte.
Dynamique temporelle
Le processus de recherche et sa valorisation fonction-
nent souvent par étapes convenues formellement : des
questionnements aux hypothèses de recherche, des pro-
cédés méthodologiques engagés aux discussions des
résultats apportés et, selon les intérêts en jeu, des choix de
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support pour les présenter à la communauté scientifique
et les transmettre au public. Cependant, les rencontres
entre disciplines ne respectent pas toujours une telle
continuité ou ne s’effectuent pas toujours selon une coré-
flexion linéaire dans le temps. En d’autres termes, il n’est
pas toujours aisé d’apprécier la dynamique temporelle de
la démarche interdisciplinaire. Elle est néanmoins pal-
pable lors de trois moments-clés de ce processus.
Juste au-dessus du degré zéro qui correspond à une
recherche monodisciplinaire, l’interdisciplinarité n’appa-
raît qu’à l’étape d’écriture, de la diffusion et de la valori-
sation des résultats : c’est notamment cette conception
qui semble prévaloir dans les instances de pilotage de la
recherche, lorsqu’il s’agit de faire valoir un éventail de
disciplines présentes au sein d’une institution ou d’un
programme, sans que celles-ci ne se soient mutuellement
questionnées. A contrario, une problématisation non spé-
cifique à une discipline appellera un enracinement fort de
larecherchedansunepratiqued’interdisciplinarité.Dans
ce cas, dès le démarrage d’un projet, l’intégration néces-
site la recherche d’un compromis (sinon d’un consensus)
sur le sens et la pertinence des données à observer et des
méthodes à mettre en œuvre pour plusieurs disciplines
mobilisées. Elle peut également conduire à la production
de concepts transverses. Enfin, la situation intermédiaire
caractérise une publication ou un projet dont la problé-
matique respecte une compartimentation plutôt clas-
sique des intérêts propres à chaque discipline mais néces-
sitant, pour y répondre, le croisement de procédés
méthodologiques issus de diverses disciplines. C’est donc
seulement lors de la construction méthodologique que le(s)
chercheur(s) côtoie(nt) d’autres horizons disciplinaires.
Distance disciplinaire
Une plus grande distance disciplinaire se traduit
généralement par un échange plus difficile, voire labo-
rieux. Cette situation correspond notamment à l’utilisa-
tion de méthodologies profondément différentes, telles
que celles relevant des sciences sociales et des sciences
naturelles. Toutefois, l’usage de concepts communs peut
induire des échanges non moins laborieux. C’est le cas,
par exemple, de l’opposition disciplinaire entre les
Fig. Une boussole pour qualifier des registres d’interdisciplinarité.
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sciences économiques et les sciences sociales, susceptible
desetraduirepar des « querelles de chapelles » précisément
en vertu de leur proximité conceptuelle. À l’inverse, des
échanges entre sciences historiques et sciences phy-
siques, apparemment très distantes quant à l’objet de
leur intérêt, peuvent être très proches par leur concept de
« récits » pour la modélisation des systèmes complexes. Il
s’agit donc finalement de comprendre comment s’orga-
nise la « transgression » des auteurs lorsqu’ils s’affran-
chissent de leur « habitat [disciplinaire] naturel » à la
recherche de compromis, voire de nouveaux équilibres
épistémologiques.
Ainsi, au-delà du niveau zéro, notre boussole com-
mence à détecter une forme d’intégration horizontale
entre disciplines qui, en vertu de leur « voisinage » et de
leur simple juxtaposition, sont facilement appelées à se
côtoyer pour finalement se renforcer les unes avec les
autres. On appellera ce type d’interdisciplinarité « de
proximité », en opposition à une approche dite « élar-
gie » associant par exemple sciences de la vie et sciences
de la société (Jollivet et Legay, 2005). Ce type d’approche
« plus affranchie, plus ouverte » donnant lieu à des
échanges plus invasifs est à ce titre qualifiée de « déda-
léenne » par Bühler et al. (2006). En s’éloignant du degré
zéro, on tend ainsi vers une interdisciplinarité plus
fusionnelle entre disciplines grâce à une remise en cause
de leurs présupposés respectifs.
Dimension collective de la recherche
Une publication ou un projet interdisciplinaire peu-
vent être rédigés à un ou plusieurs claviers. Il convient, le
cas échéant, de clarifier les formes d’implication des
auteurs dans la construction de l’exercice interdiscipli-
naire en question. L’ordre des signataires dans une
publication, par exemple, ne constitue pas un indicateur
suffisant dans la mesure où des éléments autres que la
pertinence de la contribution à une recherche peuvent se
jouer dans la cosignature d’un article (insertion de la
publication dans une série de publications des auteurs,
statuts et désirs/besoins divergents de visibilité acadé-
mique, etc.). La prise en compte de cet axe doit inciter les
relecteurs d’un article à en repérer la dimension collec-
tive, entendue comme le degré d’intégration intersubjec-
tive dans le processus de recherche.
Nous avons distingué trois dimensions au-delà du
niveau zéro, celui-là correspondant à une recherche inter-
disciplinaire individuelle. Cette intégration peut relever
d’une simple contribution : elle est caractérisée par un
déséquilibre dans la représentation des disciplines (ainsi
du sociologue-accessoire d’un programme sur l’« adap-
tation au changement climatique », par exemple). La co-
opération relève d’une démarche plus intégrative. Les
auteurs sont alors d’accord : sur la pertinence d’un thème
de recherche ; sur les phénomènes à observer, sans que
ceux-cine soient nécessairement les mêmes pour chacun ;
sur les objectifs visés, lesquels peuvent être connexes ou
juxtaposés les uns aux autres. On peut faire l’hypothèse
que ces deux premières dimensions sont celles que l’on
obtient souvent en réponse à une injonction d’interdisci-
plinarité. Enfin, la collaboration implique un volonta-
risme fort pour transcender les différences disciplinaires
par la recherche d’une épistémologie commune. De
façon contre-intuitive, cette intégration des disciplines
est plus aisée à atteindre au « niveau zéro » du collectif,
c’est-à-dire lorsqu’un chercheur individuel, mobilisant
plusieurs disciplines, n’a d’autres choix que « […]
d’inventer la façon dont vont s’articuler et se nourrir les
différents apports (extra-) disciplinaires qu’il mobilise »
(Bühler et al.,2006).
Formes d’engagement
Ce critère vise à rendre compte du positionnement du
(ou des) auteur(s) vis-à-vis de leur objet d’étude et, par-
tant, il permet de caractériser l’enjeu de l’article le long
d’un continuum positif-normatif dont les deux extrêmes
seraient : d’une part, celui relevant de la pratique scien-
tifique où les faits seraient présentés comme étant axio-
logiquement neutres et, d’autre part, celui relevant du
dogmatisme militant. En considérant que la première
borne n’est qu’illusoire et que la seconde ne relève pas de
la pratique scientifique, ce continuum est restreint à trois
degrés.
Le premier qualifie les articles où l’enjeu est avant
tout empirique et analytique et principalement le fait
d’une restitution d’observations. Le deuxième est quali-
fié de recherche-action : il comprend les articles dont
l’argumentation conduit à l’énoncé de propositions, plus
ou moins normatives, pour orienter les pratiques ou
l’agenda de politiques publiques. Enfin, le troisième
degré comprend les articles qui relèvent d’une forme
d’engagement plus poussée, voire militante. Ce degré
comprendra alors les articles dont l’objectif est de parti-
ciper activement à l’agenda politique, quitte à revendi-
quer une certaine indépendance vis-à-vis des milieux
académiques (en ancrant notamment la recherche dans
les milieux associatifs, par exemple). En résumé, ce cri-
tère tend à rendre compte de l’intégration d’une
démarche politique dans la pratique de recherche.
Portée extra-académique
Parmi les déterminants du style d’intégration, la
mobilisation de savoirs extra-académiques doit être
considérée. Il s’agit de rendre compte de l’implication
directe de parties prenantes autres que scientifiques
dans le processus de production de connaissances. Cela
est le cas lorsqu’elles dépassent le statut « d’objet de
recherche » pour devenir des contributeurs à un proces-
sus de coconstruction de savoirs et de leur diffusion
(Callon, 1999). Ainsi, cet axe caractérise les dimensions
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sociales des pratiques scientifiques qui ont à cœur de sor-
tir des frontières académiques.
Outre le degré zéro signifiant une production scienti-
fique strictement académique, nous distinguons trois
degrés d’implication des parties prenantes. Le premier
correspond au recours à des processus consultatifs entre
autres modalités de recueil de données empiriques
(entretien et/ou questionnaire dans le cadre d’une
enquête de terrain, par exemple). Le deuxième degré
qualifie les démarches pour lesquelles la coproduction
des savoirs via des démarches participatives est au
centre de la production scientifique. Le troisième degré
témoigne d’une relation plus « équilibrée » entre savoirs
scientifiques et savoirs citoyens. Il correspond aux tra-
vaux qui non seulement, s’appuient sur des parties pre-
nantes (coconstruction), mais dont l’objectif est aussi de
déboucher sur la production d’outils d’aide à la décision
communs. Ces compétences extra-académiques sont
alors investies au cours du processus d’élaboration ainsi
que pour la diffusion des connaissances, dans une pers-
pective d’« encapacitement5» des parties prenantes.
Intérêt et application
Appliquant la boussole à cet article, nous dirions, au
plan de la « dynamique temporelle », que ce bref essai a
fait l’objet d’une problématisation commune : nos
accords sur la pertinence des faits à observer (l’empirie
des pratiques interdisciplinaires) et sur le besoin d’un
instrument d’évaluation (la boussole) tiennent sans
doute à la familiarité initiale de chacun d’entre nous avec
le carrefour Natures Sciences Sociétés, ainsi qu’à notre
appartenance à la « génération ANR ». Pour la même rai-
son, nous qualifierions de proximales plutôt que d’élar-
gies nos « distances disciplinaires » réciproques. La
« dimension collective » de cette réflexion relèverait de la
collaboration,lecontexteinitialdestravauxà« huisclos »
du colloque de Cerisy-la-Salle ayant indéniablement
favorisé cette dynamique. Quant à sa « forme d’engage-
ment » et à sa « portée extra-académique », elle apparaît
respectivement analytique (elle fut rédigée indépendam-
ment de tout agenda politique, si ce n’est celui de l’éva-
luation scientifique) et académique (absence d’acteurs
tenus par une politique publique environnementale).
Rappelons cependant que la vocation de cette boussole
est moins de qualifier un article isolé que de rendre com-
parables entre elles des pratiques scientifiques issues de
processus d’interdisciplinarité différents.
Conclusion
Il est évident que ces critères ne permettent pas
d’embrasser la diversité des pratiques scientifiques.
5Les auteurs ont volontairement choisi de traduire le terme
«empowerment » par ce néologisme.
Chaque axe comprend une myriade de nuances que
seule une analyse fine peut apprécier avec précision.
De plus, nous insistons sur l’idée générale que cette gra-
dation ne permet pas de préjuger de la qualité de la
démarche, seulement de la qualifier du point de vue de
l’enjeu fixé par les auteurs. Comme pour le reste des cri-
tères, cette boussole ne peut suffire pour apprécier un
article, un programme ou encore le profil d’un candidat
interdisciplinaire. Elle ne peut donc se substituer à une
analyse rigoureuse par les rapporteurs et les comités
d’évaluation. Elle permet néanmoins l’adoption de cri-
tères communs pour orienter collectivement les pra-
tiques d’évaluation interdisciplinaires. Dans une pers-
pective réflexive, outre une contribution à l’orientation
du comité, cette boussole permet également de retracer
le chemin parcouru.
Loin d’être arrêtés, les critères sont ici énoncés
comme des suggestions pour que chaque comité puisse
adopter ceux qui lui permettent « de ne pas perdre
l’orientation » quant à l’évolution de sa perspective
interdisciplinaire face aux enjeux scientifiques et sociaux
de la recherche entre natures et sociétés. Tout comme il
ne peut y avoir une seule « bonne » interdisciplinarité, il
ne peut y avoir un seul « bon thermomètre » pour en
rendre compte. Néanmoins, ce qui nous semble impor-
tant relève de l’adoption collégiale de ces critères au sein
d’un comité et de leur remise en question périodique lors
de l’examen critique. Ainsi, cette boussole ne pourra pré-
tendre à trouver l’azimut vers un idéal, mais plutôt
d’accompagner et de corriger en continu la trajectoire.
Remerciements
Les auteurs remercient les organisateurs du colloque
de Cerisy-la-Salle « Interdisciplinarités entre natures et
sociétés », et particulièrement Olivier Petit et Xavier
Arnauld de Sartre pour la mise en place des ateliers
« Jeunes chercheurs ». Nous tenons également à remer-
cier sincèrement l’équipe du Centre culturel internatio-
nal de Cerisy pour son accueil.
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... By developing pluri-or interdisciplinary approaches crossing several disciplines in humanities and social sciences and natural sciences, or even transdisciplinary approaches at the crossroads of disciplines and citizen knowledge (Baumgärtner et al., 2008;Borderon et al., 2015), published research in the field of ecological economics of water is primarily dedicated to management, governance, policy and decisionmaking. This is shown by the content analysis performed in Buchs et al. (2020): most articles addressing water issues published in the journals Ecological Economics, Environmental Policy and Governance (EPG) and Environmental Values (considered as representative of the field) address these issues (37.1% of the segments of abstracts over a corpus made up of 701 abstracts refer to these issues). ...
Article
This paper introduces the special section entitled “Ecological Economics of Water: social and political perspectives”, which brings together articles published in successive issues of the journal in 2020 and 2021. By discussing the literature, we review contemporary issues and controversies surrounding water management and water policies to highlight the importance of the social and political dimensions that an ecological economics of water should address. We promote comprehensive and reflective approaches that consider institutions and institutional change seriously, e.g. to discuss the role of water-related indicators in water policies. We demonstrate the relevance of this special section that comes after two water-related special issues already published in Ecological Economics. Finally, we introduce each of the articles of this special section, which we believe can help shape a new avenue of research among ecological economists of water.
... Some authors solve the epistemological problems posed by broad interdisciplinary research by adopting a constructivist and pragmatic approach. Interdisciplinarity can then be conceived as a fluid process, built and rebuilt in various ways as research projects develop and during interactions with other researchers (Borderon et al. 2015). Jollivet and Carlander (2008) use the term "bricolage", i.e. a work not subjected to theoretical rules, to speak about interdisciplinary courses. ...
Thesis
Full-text available
In the boreal forest of northern Sweden, fire was used from around 1920 to 1970 as a forest regeneration measure, and then abandoned for some decades. Since the 1990s, fire restoration has been carried out through regeneration and conservation burning in commercial and protected forests. The same forest is also used as reindeer pasturelands by indigenous Sami herders. The overall aim of this thesis was to investigate the human dimensions of fire regimes in the Swedish boreal forest, with a focus on interactions between fire, Sami reindeer husbandry and forest management during the 20th century and up to the present. This goal was addressed through an interdisciplinary approach combining historical ecology and environmental anthropology. The results show that while forest managers conceive fire as a natural perturbation, Sami herders have conflicting feelings about fire, as they have had to endure the effects of imposed burning strategies on their livelihood. While burning can promote summer pasture and maintain the long-term availability of winter pasture, it destroys lichen pasture temporarily and Sami ecological knowledge shows that burning also affects the behaviour and movement patterns of the reindeer. These pitfalls already affected reindeer herding during the first half of the 20th century, and even triggered an early form of consultation with the forestry sector. Today, while generally opposed to all external measures that affect reindeer grazing grounds, Sami herders increasingly see in burning a way to restore winter pasturelands. They use the consultation process with forest owners to negotiate for burning that serves their interests. The fire regime thus reflects a combination of technical constraints, forest management and nature conservation objectives, and conditions posed by Sami herders. However, in order for Sami herders to actually assert their interests, true fire co-management would have to be implemented.
... Parce que les acteurs porteurs sont impliqués et s'approprient les démarches, parce que les actions collectives mettent en relation les incitations politiques et les initiatives locales, les démarches participatives de projet de territoire deviennent légitimes (Barnaud, 2013). Elles sont les supports d'interdisciplinarité et de transdisciplinarité nécessaires à la prise en compte de systèmes complexes (Borderon et al., 2015). ...
... From an epistemological point of view, we differ from Spash and advocate distinguishing pluridisciplinarity (PD) or multidsiciplinarity (an approach that refers to several disciplines), interdisciplinarity (ID) (shaping concepts and identifying issues at the crossroads of several disciplines) and transdisciplinarity (TD) (shaping concepts and identifying issues at the crossroads of academic and citizen spheres) (Borderon et al., 2015). These three epistemological propositions are respectively attached to the ideal types of ERE, IEE and SEE. ...
Article
This paper seeks to characterize the importance of the social and political dimensions of the literature dedicated to water in the field of ecological economics. It attempts to assess the relevance of Spash's division of the community into three "camps", namely "new resource economists", "social ecological economists" and "new environmental pragmatists" through the literature focusing on water issues published in leading scientific journals. We begin with an analysis of the main ontological, epistemological and methodological tenets of the three "camps". We then analyze the relevance and limits of such categorization for water research through papers published in Ecological Economics. We then explore the field of ecological economics of water through textual statistics obtained from research abstracts published in five selected journals since the late 1980s. Our results raise questions regarding the relevance of the partition of the ecological economics community thanks to a Venn diagram that presents limited overlaps. We promote an inclusive representation of the "big tent" of ecological economics, thus suggesting new perspectives for the debate on methodological pluralism in Ecological Economics. To conclude, a series of recommendations are suggested to promote water social ecological economics , and strengthen pluralism within the community.
... En s'appuyant sur la conception d'un itinéraire méthodologique de diagnostic de territoire adapté au questionnement de terrain, nous pouvons concevoir un outil d'aide à la décision pour les acteurs. Ce faisant, nous élaborons aussi des éléments de questionnement pour les chercheurs disciplinaires et interdisciplinaires ( Borderon et al., 2015), afin qu'ils intègrent progressivement différents systèmes de connaissances et différentes compétences ( Stock and Burton, 2011). Ce sont aussi des éléments d'apprentissage pour les étudiants (Lardon et Mainguenaud, 2006). ...
... En s'appuyant sur la conception d'un itinéraire méthodologique de diagnostic de territoire adapté au questionnement de terrain, nous pouvons concevoir un outil d'aide à la décision pour les acteurs. Ce faisant, nous élaborons aussi des éléments de questionnement pour les chercheurs disciplinaires et interdisciplinaires (Borderon et al., 2015), afin qu'ils intègrent progressivement différents systèmes de connaissances et différentes compétences (Stock and Burton, 2011). Ce sont aussi des éléments d'apprentissage pour les étudiants (Lardon et Mainguenaud, 2006). ...
Conference Paper
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RESUME. Pour aborder la complexité des systèmes agricoles et alimentaires dans les territoires, une approche systémique est requise, tant les dynamiques sont inter-reliées et nécessitent des regards croisés. Nous proposons une approche de diagnostic prospectif participatif valorisant la transversalité et l'articulation des échelles. L'itinéraire méthodologique suivi vise à faire ressortir les perceptions et motivations quant à ce territoire de vie, et ce, à travers des cartes à dire d'acteurs et des lectures de paysage in situ ainsi que l'organisation d'un jeu de territoire. Les diagnostics thématiques retranscrivent des informations obtenues lors des entretiens individuels menés à travers le territoire, et se voient enrichis des discussions et débats qui se sont tenus lors d'une après-midi de rencontre entre acteurs. L'étape des scénarii et des actions reprend les idées et les volontés évoquées durant cette journée à propos de l'avenir de la Vallée et des moyens à mettre en oeuvre pour le développement de ce territoire. Cette approche empirique, qui part du terrain et des objectifs pédagogiques de formation des étudiants, pour répondre aux objectifs de l'action et réinterroger les concepts et méthodes de la recherche, donne un fil directeur pour penser la généricité de l'itinéraire méthodologique et un cadre d'analyse pour les transitions territoriales. Ainsi, tout au long de l'itinéraire méthodologique, il pourrait y avoir des traitements géomatiques complémentaires pour consolider les analyses, extraire les connaissances et faciliter la participation. ACTES de la conférences https://sageo2019.irstea.fr/actes/ ABSTRACT: To address the complexity of farming and food systems at the territorial level, a systemic approach is required, as the dynamics are interrelated and require cross-referencing. We propose a prospective participatory diagnostic approach that emphasizes transversality and the articulation of scales. The methodological itinerary followed aims to highlight the perceptions and motivations for this territory of life, through actors' maps and readings of landscape in situ and the organization of a territory game. The thematic diagnosis transcribes information obtained during individual interviews conducted throughout the territory, and are enriched by discussions and debates held during an afternoon of meetings between actors. The stage of the scenarios and actions takes again the ideas and the wills evoked during this day about the future of the Valley and the means to be implemented for the development of this territory. This empirical approach, which starts from the field and the educational objectives of student training, to answer the objectives of the action and to reexamine the concepts and methods of the research, gives a guiding thread to think the genericity of the methodological itinerary and a framework of analysis for territorial transitions. Thus, all along the methodological itinerary, there could be complementary geomatics treatments to consolidate the analyzes, extract the knowledge and facilitate the participation. FULL conference proceedings : https://sageo2019.irstea.fr/actes/
... Parce que les acteurs porteurs sont impliqués et s'approprient les démarches, parce que les actions collectives mettent en relation les incitations politiques et les initiatives locales, les démarches participatives de projet de territoire deviennent légitimes (Barnaud, 2013). Elles sont les supports d'interdisciplinarité et de transdisciplinarité nécessaires à la prise en compte de systèmes complexes (Borderon et al., 2015). ...
Article
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The paper offers a review of recent research on collective action adopting a territorial perspective. This review is based on a synthesis of studies in the fields of natural resource management, agriculture, food supply, land planning and development of rural and peri-urban areas. We highlight the insights brought by a territorial standpoint on collective action along three main axes: how territories affect the development of collective action; how collective dynamics develop locally (actors involved and their contributions, construction of common worlds); how, in return, collective action affects territories and their development. Two research avenues emerge from the proposed review. First, the complexity of interactions between collective action and territories calls for the adaptation and combination of existing conceptual frames. Second, the interest of a research-action perspective for understanding and supporting collective dynamics of territorial development is highlighted.
... We can mention the assessment of the place of integration of knowledge and disciplines in a scope of Swiss research programs related with water issues (Hoffmann, 2017), giving methodological insights to achieve ID & TD at different degrees. We can also mention the efforts of Natures Sciences Sociétés journal, in the French literature, to strengthen ID & TD efforts in environmental research (see Jollivet and Legay, 2005, or Borderon et al., 2015. A last example of classification and experience of ID & TD (among many others) appear in the typology Thompson Klein offers (2017): ...
Technical Report
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On September 29 th , REMAKE Research Program (or REMAKE-Website: http://remake.osug.fr/) held an international workshop called Interdisciplinarity / Transdisciplinarity: from announcement to implementation, the example of the geo-hazards in the Andes. REMAKE's WP6 aims at improving Disaster Risk Reduction (DRR) and Disaster Prevention Policies (DPP) through both knowledge and action. Workshop's insights relate with one of the 2 objectives of REMAKE's WP6 ("cognitive objective"-see website), which is "how to turn ID & TD into actual research practices in REMAKE research program?" According to international assessments (like GAR, 2015), fragmentation of knowledge, risk governance, or low integration of different kinds of actors involved in DRR initiatives are among the main shortcomings for achieving better and more efficient DPP policies on the ground. To solve part of these problems, interdisciplinarity and transdisciplinarity (ID & TD) are acknowledged as appropriate approaches for assessing risks and how it is managed. We can find many definitions of what ID and TD are. In our case, and in line with a clear distinction coming from various international institutions as with the Swiss EAWAG :-ID corresponds to the articulation of different disciplines (concepts, methodologies, viewpoints, or data) in risk assessment-TD refers to the integration of different kinds of actors (scientists, policy-makers, inhabitants, political representatives, or leaders from the private sectors) in the ways problems and assessments are framed, as well as in the manners options are chosen, or initiatives are implemented on the ground. Yet, limits and obstacles for achieving both ID & TD are also well acknowledged in the literature. This is the issue at the heart of this REMAKE Workshop.
Article
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This article presents results to date produced by a team charged with evaluating the National Academies Keck Futures Initiative, a 15-year US$40 million program to facilitate interdisciplinary research in the United States. The team has developed and tested promising quantitative measures of the integration (1) and specialization (S) of research outputs, the former essential to evaluating the impact of the program. Both measures are based on Thomson-ISI Web of Knowledge subject categories. 'I' measures the cognitive distance (dispersion) among the subject categories of journals cited in a body of research. 'S' measures the spread of subject categories in which a body of research is published. Pilot results for samples from researchers drawn from 22 diverse Subject categories show what appears to be a surprisingly high level of interdisciplinarity. Correlations between integration and the degree of co-authorship of selected bodies of research show a low degree of association.
Article
This study used the organizational affiliations of authors of published research to investigate interdisciplinary collaboration, a topic of increasing interest for both researchers and science policy-makers. It found that the amount of interdisciplinary collaboration research has steadily increased over a 20-year period. A journal's quality is positively correlated with the proportion of interdisciplinary papers it contains. However, there is insufficient evidence to support the belief that this type of research is, in general, of higher quality. The study also determined disciplines that collaborate most with the library and information science field.
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Ces quelques mots d'ouverture n'ont d'autre objectif que de mieux cerner les contours des débats de ces jour-nées 1 . Il ne s'agit bien sûr que de notre point de vue sur la façon d'aborder le thème qu'elles proposent à notre réflexion. Mais il peut être utile de se donner au moins un canevas de départ pour s'accorder sur les questions à aborder, quitte à le remettre, en fin de compte, en cause. Pour une science du dialogue entre les disciplines Une première précision s'impose concernant la termi-nologie. La notion d'interdisciplinarité est en effet utilisée dans de multiples sens et il est sans doute indispen-sable de s'accorder sur ce que nous entendrons ici par ce terme. Il s'agit bien pour nous d'une démarche de re-cherche construite en assemblant de façon méthodique des connaissances, des points de vue, des techniques de travail provenant de disciplines scientifiques différentes. Trois points de cette définition méritent d'être souli-gnés et commentés : 1) il s'agit bien d'une « démarche », c'est-à-dire d'un processus de recherche à construire, et la grosse question est de savoir comment procéder à l'« assemblage » visé : l'expression « de façon métho-dique » prend donc une particulière importance puis-qu'elle renvoie directement à cette question et en sou-ligne la dimension méthodologique ; on pourrait dire Auteur correspondant : M. Jollivet, marcel.jollivet@u-paris10.fr 1 Ce texte reprend les termes de l'exposé introductif fait par les auteurs à l'école thématique Ladyss/NSS-Dialogues « La démarche interdisciplinaire dans le domaine de l'environne-ment : méthodes et outils pour partager les savoirs » (Aussois, 29 septembre-2 octobre 2003).
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Evaluation of interdisciplinary research is problematic owing in particular to its being generally viewed as a variant of usual research, which is simply ‘enriched’ through associating several disciplines. Based on work carried out in the Département Systèmes Agraires et Développement (Sad) of Inra, the authors suggest that evaluation procedures accord the same importance to the conditions in which the research results are being produced as they do to the results themselves, given that the research involves opting for a particular approach justified by particular conditions of carrying out research on concrete ‘objects’ and, in most cases, in partnership with other actors. This problemoriented research, which generally involves intervention research procedures, requires that a reflexivity process evolves between the people who formulate the problem, those it aims to produce results which will help the non-scientific partners participating in the research to renew their framework of action in order to deal with new challenges. Emphasis is laid on highlighting the process of methodological construction of research settings and objects, using examples of work on the grazing management of herds on rangelands, the management of cattle batches and the creation of a new type of gastronomic sausage in Corsica. To simultaneously evaluate the scientific rigour of the research and its relevance requires analysing and judging jointly the research outputs and the processes by which these outputs have been achieved. The former can be evaluated on the one hand by checking them against the scientific disciplines and testing their contents and limits, and on the other hand by testing the efficiency of the research outputs against the categories and rules for action. The latter are evaluated with reference to a stated logic of research object construction and treatment. In this perspective the authors propose a framework to analyse the elaboration process of the partnership research setting and to translate the problems into research questions and objects. They demonstrate the need to develop relevant evaluation procedures for this type of research, which is increasingly challenged by the questions posed to research bodies by the social actors. Evaluation exclusively based on academic criteria can no longer satisfy the research institutions.RésuméLes recherches interdisciplinaires sont difficiles à évaluer, en particulier parce qu'elles sont généralement assimilées à une variété des recherches habituelles, simplement • enrichies • par l'association de plusieurs disciplines. En nous appuyant sur l'exemple de travaux du département Systèmes Agraires et Développement de l'Inra, nous proposons ici d'accorder autant d'attention aux conditions de production des résultats qu'aux résultats eux-mêmes, considérant que de tels travaux s'argumentent par le choix d'une démarche spécifique, justifiée par une situation particulière d'exercice des recherches, autour d'objets concrets et le plus souvent en partenariat avec d'autres acteurs. Ces recherches sur problèmes invitent à développer une réflexivité conjointe entre ceux qui posent les problèmes, ceux qui sont mis en cause dans ces problèmes et ceux qui contribuent à les traiter. Ces recherches ont pour particularité de produire des résultats qui visent à aider les partenaires, avec lesquelles elles sont conduites, à renouveler leurs cadres d'action pour faire face à de nouveaux enjeux. L'accent est mis sur la démarche d'explicitation d'une construction méthodique des dispositifs et des objets de recherche à partir d'exemples de travaux concernant la gestion du pâturage sur parcours, la conduite des bovins en lots, la génération d'un nouveau type de saucisson gastronomique en Corse. Evaluer de telles recherches, à la fois dans leur rigueur et leur pertinence, c'est analyser et juger les produits de la recherche d'une part par confrontation aux cadres des disciplines et mise à l'épreuve de leur contenu et de leurs frontières, d'autre part du point de vue des catégories et règles d'action mobilisées par les partenaires. C'est également rendre explicite la logique de construction et de traitement des objets. © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés