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Il n’y a pas si longtemps, les parcours professionnels étaient semblables
à de longs euves tranquilles: on allait à l’école pour apprendre un mé-
tier qu’on exercerait toute sa vie dans une entreprise qui nous orait en
échange un salaire, des avantages et une sécurité d’emploi. Si l’employeur
estimait que nous avions du potentiel, nous étions pris en charge par le
service du personnel qui nous proposait du développement et un plan de
carrière personnalisés. Cette époque semble dorénavant révolue.
En eet, plusieurs facteurs ont profondément modié le marché de
l’emploi et les conditions de travail: l’essor des technologies de l’infor-
mation, l’automatisation et le développement de la robotique, la mondia-
lisation des échanges, la facilité des transports, la croissance des pays en
émergence, la complexité des contextes socioéconomiques et l’incerti-
tude des marchés nanciers entre autres. On voit diminuer la qualité des
emplois oerts – de plus en plus d’emplois temporaires, à temps partiel
ou juste-à-temps – et augmenter le nombre des travailleurs à la pige ou
autonomes. Dans les pays comme le Canada ou la France, les emplois
du secteur manufacturier migrent vers des pays où les salaires sont bas,
laissant la place aux emplois dans le secteur des services qui ont tendance
eux-aussi à migrer vers ces pays émergents au fur et à mesure que s’élève
le niveau d’éducation de leur population. Conséquence: les parcours pro-
fessionnels ressemblent davantage à un jeu d’échelles et de serpents, où
L’ADAPTABILITÉ PROFESSIONNELLE
POUR RÉUSSIR SA CARRIÈRE
les aUTeUres
Estelle M. Morin, Corinne Prost et Marie-Christine Albert
Estelle M.Morin est psychologue et professeur titulaire à HEC Montréal.
Corinne Prost et Marie-Christine Albert sont spécialistes en développement du Talent et
Apprentissage chez CAP formation et développement
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Gérer sa vie professionnelle
Gérer les changements dans notre vie professionnelle
chacun essaie de monter les échelles pour réussir sa vie professionnelle
en évitant de trébucher sur des serpents, pour ne pas retourner à la case
départ. Le moins qu’on puisse dire, c’est que cela demande une bonne
dose d’adaptabilité pour réussir sa vie professionnelle tout en protégeant
sa santé, son intégrité et la qualité de ses relations.
Le but de cet article est de savoir comment développer l’adaptabilité pro-
fessionnelle pour mieux gérer sa carrière et réussir sa vie professionnelle.
Cette compétence requiert au préalable la connaissance de soi et deux habi-
letés associées à l’intelligence émotionnelle, à savoir l’armation de soi et la
maîtrise de soi. Les cas de Marie-Ève et de Jean-Charles, deux personnes qui
doivent prendre rapidement une décision de carrière, serviront d’exemples
pour en illustrer le propos. Des moyens pour développer l’adaptabilité pro-
fessionnelle sont proposés dans la conclusion.
ENCADRÉ 1
Le cas de Marie-Ève : dois-je saisir cette occasion ?
Marie-Ève, 38 ans, est responsable de la gestion des produits dans une grande
entreprise du secteur pharmaceutique. Lundi dernier, elle est arrivée au bureau
à 8 h et s’est dirigée vers la salle du personnel pour se faire un café, comme
elle le fait tous les matins. C’est une routine qu’elle aime bien, car elle y ren-
contre ses collègues, avec qui elle échange sur les conditions du marché, les
projets en cours, etc. En entrant dans la salle, elle a aperçu Johanne, la direc-
trice de marketing. Sans tarder, Johanne l’a invitée à son bureau. Marie-Ève a
accepté en souriant, en tentant de masquer son étonnement. C’était la pre-
mière fois qu’elle était invitée de cette manière : elle ne savait pas trop quoi
penser. Elle a senti ses joues rougir, une pression dans la poitrine et son cœur
palpiter. Aussitôt assise, Johanne lui a appris que l’entreprise désirait accroître
ses ventes en ligne et la notoriété de ses marques. Transportée de joie, elle lui
a annoncé la création d’un nouveau poste de responsable de l’élaboration du
plan stratégique de commercialisation électronique et de déploiement des opé-
rations commerciales, soulignant le fait qu’il s’agit d’un poste clef qui sera un
tremplin pour des postes de direction. Elle a fait une pause en regardant Marie-
Ève dans les yeux. Cette dernière l’a regardée avec attention, en essayant de
maîtriser l’anxiété qui la gagnait… Johanne lui a proposé le poste et sans
attendre sa réponse, a poursuivi en faisant valoir tous les atouts qu’elle lui
attribuait : ses qualifications (un BAA en marketing et un certificat en TI - en
cours), ses 6 années d’ancienneté dans l’entreprise, son excellente perfor-
mance, son autonomie et sa créativité, sa capacité de travailler en équipe, ses
habiletés de communication, la maîtrise du français et de l’anglais, etc. Marie-
Ève était gênée par tant d’éloges, mais flattée en même temps. Ce matin-là, elle
ne s’attendait pas à une telle reconnaissance de la part de sa directrice.
Heureusement, Johanne lui a proposé de prendre quelques jours pour prendre
sa décision.
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CE QU’IL FAUT SAVOIR FAIRE POUR RÉUSSIR SA VIE
PROFESSIONNELLE TOUT EN PRÉSERVANT SA SANTÉ :
FAIRE PREUVE D’ADAPTABILITÉ PROFESSIONNELLE.
Les histoires de Marie-Ève et de Jean-Charles sont typiques des par-
cours professionnels contemporains. L’une et l’autre sont dans des situa-
tions qui mettent à l’épreuve leur capacité de s’adapter aux circonstances,
en leur demandant de réagir rapidement. Dans les deux cas, une déci-
sion doit être prise, celle-ci ayant des conséquences sur la suite de leur
parcours professionnel. En eet, une telle décision est un choix qui les
orientera dans une voie, fermant ipso facto les autres voies possibles. Est-
ENCADRÉ 2
Le cas de Jean-Charles : dois-je retourner aux études ?
À 26 ans, Jean-Charles est un autodidacte. Issu d’une famille modeste, il a dû
travailler pour payer ses dépenses et dès qu’il a eu son diplôme d’études
secondaires, il a quitté l’école pour travailler à temps plein. Il n’avait pas les
moyens de poursuivre ses études. Il a toutefois continué à lire et à apprendre
par lui-même, saisissant toutes les occasions pour développer ses intérêts.
Cherchant la sécurité d’emploi, il a participé aux campagnes de recrutement
postsecondaire du gouvernement fédéral qui donne accès aux postes d’entrée
dans la fonction publique. Grâce à sa débrouillardise, à son sens de l’observa-
tion, à sa curiosité, à sa persévérance, à son talent pour l’organisation et la
résolution de problème, il a pu obtenir un poste d’agent de filature pour le
Service Canadien du Renseignement de Sécurité (SCRS). Cela fait maintenant
quelques années qu’il fait ce travail, la routine s’est installée, et avec elle, l’en-
nui. La semaine dernière, il a pris la décision de changer de poste pour un autre
comportant des responsabilités d’encadrement. En examinant les offres d’em-
ploi du Service, il a pensé qu’un poste d’analyste serait une belle continuité,
étant donné son parcours. Il s’est dit qu’avec ses années d’expérience au
SCRS et ses bonnes performances, il aurait sans doute de bonnes chances
d’obtenir ce poste. Il s’est imaginé déjà en train de faire ce travail. Il a pris ren-
dez-vous avec Martin, son superviseur, pour lui faire part de ses intentions et
obtenir son soutien pour sa candidature. Ils se sont rencontrés hier après-midi.
En fait, la rencontre ne s’est pas déroulée aussi bien qu’il l’avait prévu. En lui
montrant la fiche de description du poste qu’il convoitait, Martin lui a fait réaliser
que l’organisation demandait un premier cycle universitaire pour se qualifier à
cette position. Interloqué par cette information, Jean-Charles s’est tu ne
sachant plus quoi dire… Il a pris congé de Martin et est retourné au travail,
dépité. De toute évidence, il ne peut pas poser sa candidature avant d’obtenir
un diplôme universitaire. Son rêve fait maintenant place à la réalité : pour obte-
nir le poste qu’il désire, il n’a d’autre choix que de s’inscrire à un programme
universitaire qu’il devra suivre le soir, vu qu’il doit continuer de travailler le jour.
Aujourd’hui, il est d’humeur irritable; il envie ses collègues qui ont eu la chance
de poursuivre leurs études.
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Gérer sa vie professionnelle
Gérer les changements dans notre vie professionnelle
ce que Marie-Ève saisira ou non cette occasion ? Est-ce que Jean-Charles
retournera aux études ? Peu importe la décision qu’ils prendront, il faudra
qu’ils acceptent les conséquences des choix qu’ils auront faits.
Un parcours professionnel est marqué par des événements et des tran-
sitions de carrière qui ébranlent l’équilibre qui s’était installé dans le
quotidien (Guichard et Huteau, 2001). Parce qu’ils sont anxiogènes, les
déséquilibres ainsi provoqués stimulent la vigilance et l’anticipation de
conséquences qui peuvent être soit bénéques ou dommageables pour la
personne. C’est pourquoi ces déséquilibres peuvent être perçus comme
des dés ou des menaces. Étant donné que l’équilibre est rompu, il faudra
investir des énergies et faire des eorts pour le rétablir. Pour ce faire,
les capacités d’adaptation de la personne sont mobilisées; les chances de
réussir dépendent ainsi de l’adaptabilité de la personne. L’adaptation est
réussie lorsque l’équilibre est rétabli: cet équilibre est ressenti d’une part,
comme un état de soulagement ou de bien-être psychologique et, d’autre
part, un sentiment de cohérence non seulement dans sa vie profession-
nelle, mais aussi dans sa vie personnelle.
Qu’entend-on au juste par adaptabilité professionnelle ? Pour
Savickas (1997), c’est un ensemble de ressources et de moyens qu’une
personne peut mobiliser pour explorer des possibilités, prendre des déci-
sions et planier des actions en vue de réaliser ses objectifs profession-
nels. L’adaptabilité est mobilisée chaque fois qu’une personne se trouve
confrontée à une situation qui lui demande de prendre une décision
concernant le déroulement de sa carrière.
Les personnes qui font preuve d’adaptabilité professionnelle passent
au travers des transitions de carrière en sauvegardant leur santé et leur
intégrité personnelle. Elles rebondissent, retombent sur leurs pieds, re-
trouvent leur équilibre. Concrètement, elles se replacent dans d’autres
emplois, dans des postes, des organisations, des contextes de vie qui leur
conviennent mieux qu’avant les transitions.
CE QUI DISTINGUE LES PERSONNES QUI FONT PREUVE
D’ADAPTABILITÉ PROFESSIONNELLE
Savickas (1997) a montré que les personnes qui font preuve d’adapta-
bilité professionnelle se distinguent des autres de la façon suivante: elles
accordent de l’attention à leur carrière; curieuses et prêtes à examiner les
occasions qui se présentent, elles exercent un contrôle sur le déroulement
de leur carrière et elles ont conance dans leur capacité de réussir dans
leurs entreprises. Pour évaluer l’adaptabilité professionnelle, Savickas et
Porfeli (2012) ont mis au point une échelle de 24 énoncés; le tableau 1 en
présente un échantillon.
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L’adaptabilité professionnelle est donc décrite à l’aide de quatre com-
posantes.
1. L’attention à sa carrière correspond à la capacité de se projeter dans
l’avenir, d’être attentif à ses objectifs de carrière et d’établir ce qu’il
faut faire pour les réaliser en tenant compte de son environnement.
Jean-Charles est actuellement dans une position qui lui demande
d’être attentif à sa carrière: il doit prendre une décision concernant
le retour aux études. Il pourrait consulter le service des ressources
humaines pour connaître les possibilités de développement de com-
pétences oert à la relève. Peut-être pourrait-il avoir le soutien de
l’organisme pour faciliter son retour aux études et la conciliation des
exigences de son travail avec les exigences du parcours universitaire ?
2. La curiosité est la tendance personnelle à explorer son environne-
ment, à découvrir les possibilités qu’il ore pour se réaliser. Mani-
festement, Jean-Charles est curieux d’apprendre ce qu’il faut faire
Jusqu’à quel point êtes-vous fort pour…
Pas fort
Plutôt fort
Fort
Très fort
Le plus fort
Imaginer ce que pourrait être votre avenir ? 1 2 3 4 5
Être conscient(e) que les choix que vous faites aujourd’hui
façonnent votre futur ?
1 2 3 4 5
Tenir à jour vos connaissances et vos compétences ? 1 2 3 4 5
Assumer la responsabilité de vos choix professionnels
et de vos décisions ?
1 2 3 4 5
Chercher des possibilités de vous réaliser en tant que
personne ?
1 2 3 4 5
Explorer différentes possibilités de développement
avant d’en choisir une ?
1 2 3 4 5
Surmonter les obstacles à votre développement
professionnel ?
1 2 3 4 5
Faire attention à donner la meilleure performance
dans votre travail ?
1 2 3 4 5
Source:Inventairedeshabiletésd’adaptationdelacarrière(Career Adapt-Abilities Inventory – International
Version 2.0),développéeparSavickasetPorfeli,2012(p.672)
TABLEAU 1
Comportements typiques de l’adaptabilité professionnelle
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Gérer sa vie professionnelle
Gérer les changements dans notre vie professionnelle
pour obtenir le poste qu’il convoite. Il ne faut pas cependant qu’il
baisse les bras au premier obstacle qu’il rencontre. En cherchant de
l’information concernant les programmes de gestion de la relève ou
d’autres programmes fédéraux ou provinciaux, il est probable qu’il
trouve une issue qui lui soit favorable.
3. Le contrôle de sa carrière est la capacité de comprendre et de maîtri-
ser les éléments déterminants de la réussite de ses projets profession-
nels. Par exemple, Marie-Ève pourrait obtenir des précisions sur ce
que représente le poste que lui ore Johanne an d’évaluer sa capa-
cité de relever ce dé.
4. La conance est l’assurance qu’une personne a en ses propres capa-
cités pour résoudre les problèmes que lui pose sa carrière. Marie-
Ève et Jean-Charles ont déjà démontré leur capacité à réussir leurs
projets professionnels. Pourquoi en serait-il autrement maintenant ?
Faire un bilan de leurs expériences pourrait raermir leur sentiment
d’ecacité personnelle.
L’adaptation de Marie-Ève et de Jean-Charles dépendra de l’eca-
cité des stratégies de gestion de carrière qu’ils auront choisies. Celles-ci
seront d’autant plus ecaces qu’elles sauront harmoniser leurs besoins,
leurs intérêts et leurs aspirations avec les possibilités que leur ore leur
milieu. Dès lors, un comportement d’adaptation ecace exige une prise
en charge personnelle de son parcours professionnel qui soit en accord
avec l’image qu’on a de soi-même et de son projet de vie. Cela suppose que
la personne se connaisse bien (la connaissance de soi), sache s’armer
de manière respectueuse (l’armation de soi) et se maîtriser devant les
dicultés (la maîtrise de soi).
POUR DÉVELOPPER L’ADAPTABILITÉ PROFESSIONNELLE :
LA (RE) CONNAISSANCE DE SOI
Le développement de l’adaptabilité professionnelle relève de la
connaissance de soi. Mieux on se connaît, meilleures sont les décisions
de carrière. En eet, l’adaptabilité professionnelle fait appel à des capa-
cités cognitives et aectives pouvant faciliter ou empêcher la réalisation
des objectifs personnels de carrière devant les conditions changeantes de
l’environnement de travail, selon qu’elles soient maîtrisées ou non.
L’attention, le raisonnement et la exibilité des schémas mobilisés pour don-
ner un sens aux événements qui jalonnent son parcours professionnel et pour
estimer ses chances de réussir dans ses entreprises sont des capacités cogni-
tives. L’estimation de ses chances de réussite varie en fonction de l’évaluation
qu’une personne fait de ses capacités et de ses ressources. En eet, l’énergie
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dont elle dispose, ses dispositions personnelles envers le travail et sa carrière,
ses aptitudes, ses compétences et ses expériences passées font partie de cette
évaluation. Cette estimation dépend aussi de l’évaluation des ressources dont
une personne dispose: le temps qu’il faudra investir, l’argent qu’il faudra dé-
penser, le soutien qui lui sera oert, etc. Si cela a du sens pour elle et qu’elle
s’estime capable de réussir, il est fort probable qu’elle s’engage dans la voie qui
s’ouvre devant elle.
Des capacités aectives sont également mobilisées. Il s’agit des moti-
vations et des émotions. Celles-ci orientent les choix professionnels dans
le sens des intérêts de la personne et régulent les attitudes et les compor-
tements tout au long de son parcours professionnel. En eet, les motiva-
tions et les émotions inuencent la perception de la situation et orientent
les décisions et les comportements en conséquence. En outre, les émo-
tions positives ont pour eet de stimuler des conduites d’approche et les
émotions négatives, des conduites d’évitement. Par exemple, si Marie-Ève
éprouve de l’enthousiasme à propos de l’ore que lui fait Johanne, elle
aura tendance à l’accepter (approche); si Jean-Charles éprouve de l’anxié-
té à l’idée de retourner aux études, il aura tendance à vouloir abandonner
son projet (évitement).
Les changements et les transitions de carrière déterminent le devenir
d’une personne. Au fond, c’est l’identité même de la personne qui est en
jeu, d’où l’importance de reconnaître ce qui est important pour soi (à
savoir, ses intérêts, ses forces, ses talents et ses limites) pour être capable
de garder le cap sur ce qu’on souhaite devenir. Cela nécessite un travail
d’introspection visant à se re–connaître et à choisir des rôles sociaux et
professionnels qui conviennent à son identité. Pour Marie-Ève, un com-
portement ecace dépendra de son intérêt pour le domaine du commerce
électronique, de l’adéquation entre ses aspirations de carrière et le poste
oert. Pour Jean-Charles, cela reposera sur l’importance et l’intérêt qu’il
accorde à poursuivre sa carrière dans le domaine de la sécurité.
Dans le contexte de gestion de carrière, une telle attitude favorise la
prise en charge de sa destinée en se xant des objectifs à court, à moyen
et à long termes, cohérents avec son identité, ses intérêts, ses aspirations
et ses valeurs. La connaissance de soi permet d’orienter naturellement ses
décisions et ses actions de manière cohérente avec son identité et ce, dans
le respect de son entourage. Dans une conférence qu’il a donnée en Cali-
fornie, Carl Rogers (1995) exprimait l’idée suivante : J’ai appris de mes
expériences personnelles et de celles de mes clients que nous ne pouvons pas
changer (…) ce que nous sommes avant que nous n’ayons accepté qui nous
sommes. Par la suite, le changement semble se faire sans que nous nous en
rendions compte. (p. 10).
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Gérer sa vie professionnelle
Gérer les changements dans notre vie professionnelle
POUR DÉVELOPPER L’ADAPTABILITÉ PROFESSIONNELLE :
L’AFFIRMATION DE SOI
En psychologie, le « soi » est un système qui sert à dénir l’identité, à
ce qui fait de chacun, un être intègre, égal à lui-même, au l de son exis-
tence. L’identité se dénit généralement à l’aide de trois dimensions: ma-
térielle (par exemple, le corps, ses biens et ses acquisitions), sociale (par
exemple, sa famille, ses groupes d’appartenance et ses positions sociales)
et spirituelle (par exemple, sa conscience, ses désirs et ses aspirations, ses
ambitions) (James, 1892).
Selon Sherman et Cohen (2006), chaque élément de l’identité est asso-
cié aux autres de manière relativement cohérente, ce qui confère de l’inté-
grité à l’ensemble. Ainsi, chaque fois qu’un événement est perçu comme
une menace à l’intégrité personnelle, des comportements sont activés en
vue de la protéger: c’est l’armation de soi. Cette réaction a pour fonc-
tion de conserver l’identité au cours de l’histoire personnelle. En d’autres
termes, les personnes cherchentà maintenir l’image qu’elles ont d’elles-
mêmes et à protéger leur intégrité personnelle (Festinger, 1957; Steele,
1988). Ainsi, dans un contexte où l’image de soi et l’intégrité personnelle
sont mises en cause, des comportements défensifs sont activés dans le but
de restaurer l’image personnelle ou de préserver son intégrité. Des com-
portements comme la justication, l’explication, la rationalisation, l’évi-
tement ou la réparation en sont des exemples. Cela explique le malaise
de Jean-Charles quand il comprend qu’il devra retourner à l’école s’il
souhaite être admissible pour le poste qu’il désire obtenir: l’information
que lui donne Martin pique son amour-propre en lui rappelant les condi-
tions qui l’ont empêché de poursuivre ses études, d’où l’envie qu’il ressent
envers ses collègues qui ont obtenu un diplôme universitaire.
Sherman et Cohen (2006) ont mis au jour six composantes de l’iden-
tité particulièrement sensibles aux questions d’intégrité. Ces compo-
santes sont décrites à la gure 1. Ce sont les valeurs, les rôles, les groupes
d’appartenance, les convictions personnelles, les buts personnels et les
relations. Par conséquent, une personne gagne à connaître ou à recon-
naître ces composantes pour s’adapter ecacement aux événements qui
marquent sa carrière et réussir sa vie professionnelle.
POUR DÉVELOPPER L’ADAPTABILITÉ PROFESSIONNELLE :
LA MAÎTRISE DE SOI
Les changements professionnels et les transitions de carrière peuvent
supposer de la nouveauté, de l’inconnu et de l’incertitude, ce qui peut re-
présenter un stress pour la personne. Pour réussir son adaptation dans de
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telles conditions, il importe de savoir maîtriser ses réactions spontanées
(émotions, pensées, réexes) et concentrer son attention et son énergie
sur la recherche de solutions appropriées aux circonstances (Muraven et
al., 1998). C’est la maîtrise de soi, c’est-à-dire la capacité de dominer ses
réactions pour les rendre conformes à ses valeurs et à ses intérêts dans
l’atteinte de ses objectifs à moyen et à long termes (Baumeister, 2011).
Intégrité
Valeurs
Groupes
Buts
Rôles
Convictions
personnelles
Relations
• Ami
• Parent
• Professionnel
• Foi
• Convictions politiques
• Conception de la nature
humaine
• Famille
• Amis
• Relations d'affaires
• Sécurité
• Justice
• Autodétermination
• Nationalité
• Langue maternelle
• Association professionnelle
• Santé
• Accomplissement
• Contribution sociale
SCHÉMA 1
Composantes du soi associées à l’intégrité personnelle
Composa ntes du soi associées à l’ intégrité personnelle (Source: Adapté de Sherman, D. K., Cohen,
G. L. (20 06). « e psycholog y of self-defence: Sel f-armation t heory”, dans M . P. Zanna (E d.) Advances
in Experimental Social Psychology. 2006, Vol. 38. (pp. 183-242). San Diego, CA, US: Elsevier Academic
Press. p. 188)
61
Gérer sa vie professionnelle
Gérer les changements dans notre vie professionnelle
La maîtrise de soi s’exerce sur diérents aspects du comportement :
les impulsions, les émotions, les pensées, les paroles et les actions. Par
exemple, cela peut signier de ne pas dire quelque chose de blessant à
quelqu’un qui nous irrite, de gérer son anxiété à l’annonce d’une restruc-
turation, de cesser de penser à quelque chose d’ennuyeux ou de se disci-
pliner pour arriver à l’heure à ses rendez-vous.
Se maîtriser c’est se contrôler pour empêcher quelque chose de se pro-
duire, qu’il s’agisse d’une impulsion, d’une émotion, d’une pensée ou
d’une conduite. C’est un peu comme si nous faisions un calcul du coût et
du bénéce de se contrôler: est-ce que le coût de se contrôler (empêcher
un plaisir immédiat, accepter la frustration actuelle) est compensé par le
bénéce de se contrôler (obtenir un plus grand plaisir dans un futur plus
ou moins proche) ? Parce qu’il faut opposer une force équivalente à l’élan
qu’on veut contrôler, cela requiert de l’énergie. C’est ce qu’on appelle en
anglais le « willpower ». Après s’être maîtrisé, on a moins d’énergie dis-
ponible: on a donc moins de capacité pour se maîtriser à nouveau. C’est
que qu’on appelle l’aaiblissement du contrôle (Muraven et Baumeister,
2000). Par exemple, Jean-Charles est parvenu à retenir ses réactions émo-
tionnelles devant Martin; par contre, quand il a repris le travail, à la suite
de cette rencontre, il a eu du mal à gérer ses émotions.
L’énergie dépensée pour se maîtriser doit être récupérée si l’on veut pou-
voir se maîtriser à nouveau. Pour cette raison, il importe d’alterner l’exer-
cice de la maîtrise de soi avec des périodes de repos et de récupération. C’est
aussi pour cette raison qu’il est important de gérer ses réserves d’énergie.
La motivation à se maîtriser augmente la capacité à se maîtriser. Cette
motivation varie toutefois selon la sensibilité à se faire plaisir, laquelle est
plus forte après s’être maîtrisé (Inzlicht et Schmeichel, 2012). On peut
aisément observer ce phénomène à la suite d’un eort. Nous sommes
enclins à vouloir nous faire plaisir quand nous avons accompli une tâche
dicile, car nous estimons que nous méritons une récompense. On peut
donc comprendre l’irritation de Jean-Charles. En eet, celui-ci estime
qu’il mérite la position qu’il convoite, étant donné ses années de service et
sa bonne performance. Or, il vient d’apprendre que cela n’est pas susant
et qu’il doit encore faire des eorts pour l’obtenir.
DES MOYENS POUR DÉVELOPPER LA CONNAISSANCE,
L’AFFIRMATION ET LA MAÎTRISE DE SOI
Pour développer l’adaptabilité professionnelle, il est important de se
connaître (la connaissance de soi), de savoir s’armer de manière res-
pectueuse (l’armation de soi) et de se maîtriser devant les dicultés (la
maîtrise de soi). Voici des moyens concrets pour développer ces capacités.
62
La connaissance de soi
La connaissance de soi, c’est la conscience de tout ce qui dénit son
identité: ses forces et ses faiblesses, ses intérêts et ses valeurs, ses désirs
et ses envies, ses attitudes et ses dispositions personnelles, ses états émo-
tionnels, voire même ses contradictions. Pour réussir sa vie profession-
nelle, il est important de bien se connaître an de prendre des décisions
cohérentes avec ses intérêts et ses valeurs. À cet eet, plusieurs question-
naires sont proposés pour aider les personnes à mieux se connaître. Par
exemple, l’Indicateur des types psychologiques Myers Brigss en est un qui
est largement utilisé pour accompagner la personne dans la connaissance
de soi1.
Les professionnels en gestion de carrière (p. ex. conseillers en orien-
tation professionnelle, coachs) utilisent plusieurs techniques pour aider
les personnes qui les consultent, dont le recadrage de leurs croyances, la
clarication de leurs valeurs, l’introspection et la planication de leurs
actions (Stone, 2013).
1. Le recadrage des croyances consiste à reconnaître et à examiner
les idées préconçues ou les convictions qui guident les décisions et
les actions, mais qui peuvent aussi causer des situations embarras-
santes en raison de l’inecacité des conduites qu’elles engendrent.
L’examen de ses croyances personnelles permet de mettre au jour
ses hypothèses de base, prévenant ainsi le risque de tomber dans le
piège des fausses croyances (Buratti et Lenhardt, 2013). Il s’agit en
quelque sorte d’adopter une pensée critique à l’endroit de ses propres
croyances. Ainsi, Jean-Charles pourrait prendre conscience que son
irritation est provoquée par la frustration de son désir de s’accomplir.
Il est frustré de constater qu’il ne peut pas occuper le poste souhaité
faute de diplôme et donc, forcé de rester dans son poste actuel qui ne
le stimule plus. Plutôt que de déplacer sa frustration sur les autres,
il gagne à mobiliser l’énergie qu’elle engendre pour faire les chan-
gements nécessaires au rétablissement de son équilibre. En prenant
un recul pour examiner ses réactions et ses croyances, Jean-Charles
pourrait se concentrer sur le vrai problème : retourner aux études
pour continuer de s’accomplir professionnellement.
2. La clarication de ses valeurs consiste à faire une distinction entre
nos valeurs personnelles, soit celles que nous avons intériorisées, et
les valeurs sociales, celles préconisées par les groupes auxquels on
s’associe (p. ex., profession, métier, classe sociale, famille, société).
Faire cette distinction permet d’agir de manière cohérente avec ce
que nous valorisons tout en respectant les valeurs de notre entourage.
1 Pour un complément d’information, le lecteur peut consulter le site Internet
http : //www.psychometrics.com/
63
Gérer sa vie professionnelle
Gérer les changements dans notre vie professionnelle
Ainsi, Marie-Ève pourrait reconnaître les émotions qu’elle a ressen-
ties an de jauger son intérêt pour le poste que Johanne lui propose:
la erté est l’émotion de l’accomplissement et de l’armation de
soi; l’anxiété est l’émotion de la vigilance. Elle est tentée d’accepter
la proposition, car cela lui ore des possibilités de réalisation et de
développement. Elle craint cependant ne pas être à la hauteur – est-ce
une crainte fondée ? Une telle réexion facilitera la prise de décision,
en assurant la cohérence entre ses désirs et ce que son environnement
lui ore comme possibilités.
3. L’introspection vise à explorer et à prendre conscience de ses pen-
sées et de ses sentiments ainsi que de leur eet sur ses attitudes et ses
comportements. L’introspection conduit à des insights permettant de
faire des ajustements et des changements d’attitudes et de compor-
tements (Stone, 2013). Pour faciliter l’introspection, un bon moyen
est de tenir un journal intime, car l’écriture permet de prendre un
recul par rapport à son expérience et de rééchir à diérentes hypo-
thèses pour comprendre ses réactions. Par exemple, le fait que Jean-
Charles puisse reconnaître qu’il éprouve de l’irritation et de l’envie
envers ses collègues et qu’il prenne le temps d’examiner les pensées
spontanées qui ont accompagné ces émotions pourra lui permettre
de reconnaître son désir d’accomplissement et d’actualisation. Non
seulement cette introspection lui permettra de se reconnaître et de
raermir son intégrité, mais elle lui évitera également d’adopter des
comportements hostiles non justiés à l’égard de ses collègues.
4. La planication de ses actions permet de choisir les comportements
à adopter pour augmenter la cohérence entre les intérêts profession-
nels et les stratégies mises en œuvre pour les réaliser. An de réaliser
ses projets professionnels, il est recommandé de se xer des objectifs
à court terme qui soient cohérents avec ses buts à long terme. Des
objectifs qui peuvent être atteints dans un court laps de temps per-
mettent d’apprécier rapidement ses progrès, stimulant ainsi le sen-
timent d’ecacité personnelle, ce qui renforcera la conance néces-
saire à l’adaptabilité professionnelle (Burrati et Lenhardt, 2013). En
d’autres termes, cette stratégie permet de passer de la réexion sur
soi à la réalisation de ses résolutions, en faisant les changements né-
cessaires dans sa vie professionnelle. Comme le dicton le dit: ‘« Les
bottines doivent suivre les babines ».. Dans le contexte de gestion
de carrière, une telle attitude favorise la prise en charge de sa des-
tinée en se xant des objectifs à court et à long termes, élaborés en
fonction de qui nous sommes et de ce qu’il faut faire pour assurer sa
réussite professionnelle.
64
L’affirmation de soi
L’armation de soi est la capacité de se reconnaître et de se faire re-
connaître par les autres, d’une manière directe, honnête et respectueuse.
Par exemple, Marie-Ève pourrait armer son désir d’accepter le poste,
mais aussi son besoin d’avoir le coaching nécessaire pour apprendre ses
nouveaux rôles. Jean-Charles pourrait armer son désir de retourner
aux études, mais il devrait aussi armer son besoin d’avoir l’assurance
que cet investissement sera reconnu par son employeur. Pour s’armer,
plusieurs stratégies sont possibles (Sherman et Cohen, 2006).
Des stratégies défensives, activées généralement de manière auto-
matique, visent à diminuer l’importance d’une menace probable perçue
ou réelle. Il s’agit des biais personnels et des mécanismes de défense
comme la justication, la rationalisation, le déni et l’évitement. Jean-
Charles pourrait recourirà la rationalisation en renonçant à son désir
d’accomplissement en se disant qu’après tout, personne dans sa famille
n’a jamais fait d’études et tous ont bien réussi leur vie. Cependant, les
stratégies défensives ne facilitent pas le développement professionnel.
D’autres stratégies sont plus ecaces, mais elles demandent habituelle-
ment plus d’eort.
Par ailleurs, les stratégies de compensation visent à réparer le dom-
mage causé par la menace en portant son attention sur ses qualités, ses
capacités et ses accomplissements en vue de les mettre en valeur et les faire
reconnaître. Ainsi, une personne qui n’a pas obtenu une promotion convoi-
tée peut décider de gérer ses engagements futurs au sein de l’organisation
de manière à mettre plus en valeur ses compétences (p. ex., organisation
d’une campagne de collecte de fonds, comité de travail particulier).
Les stratégies d’action directe visent à identier ce qui est menacé
et à agir de manière à prévenir que le dommage ne se produise, si c’est
possible, sinon à s’en protéger. Il s’agit en quelque sorte de négocier une
solution qui préserve à la fois son intégrité et l’équilibre avec son milieu.
Par exemple, si Marie-Ève craignait une charge de travail trop lourde,
elle pourrait chercher de l’information quant à l’autonomie qu’elle aurait
pour accomplir ses tâches et aux ressources qui seraient mises à sa dispo-
sition pour assurer son ecacité au travail.
Enn, des stratégies d’accommodation servent à reconnaître la me-
nace et à s’adapter aux circonstances en modiant ses croyances, ses atti-
tudes ou ses comportements pour les rendre conformes aux demandes du
milieu tout en préservant son intégrité. Jean-Charles pourrait admettre
qu’un diplôme universitaire soit utile pour être ecace dans le poste qu’il
désire. En acceptant cette exigence, il peut entreprendre les démarches
qui l’aideront à réaliser ses objectifs, à se développer et à améliorer ses
possibilités de carrière.
65
Gérer sa vie professionnelle
Gérer les changements dans notre vie professionnelle
Plusieurs activités développent l’armation de soi, en permettant de
raermir l’identité personnelle et le sentiment de valeur personnelle.
Miller (1992) les regroupe en six catégories : les habitudes de vie, le
développement personnel et professionnel, les groupes d’appartenance,
les modèles culturels, le travail et les activités, les relations intimes.
Elles sont présentées dans le tableau 2. Par exemple, prendre soin de
soi, veiller sur sa santé et faire régulièrement des activités physiques
permettent de se sentir bien dans sa peau et de gérer le stress quotidien.
D’une certaine façon, ce sont des moyens que l’on prend pour se recon-
naître et armer sa valeur personnelle. De la même façon, l’exercice de
son jugement, la résolution de problèmes, la prise de décisions sont des
moyens de raermir le sentiment d’ecacité personnelle. Ainsi, dans
le contexte de la gestion de sa carrière, savoir s’armer permet de faire
Sources Fonctions Exemples
Habitudes de vie Se sentir libre, agile,
bien dans sa peau
Soins du corps,
nutrition, activité physique,
loisirs, etc.
Développement
personnel et
professionnel
Acquérir et développer
des compétences
valorisées
Formation continue,
activité de ressourcement,
codéveloppement, etc.
Groupes
d’appartenance
Se sentir capable
d’apporter sa
contribution à son
milieu
Associations caritatives,
associations
professionnelles, groupes
communautaires, etc.
Modèles culturels Avoir des sources
d’inspiration et
d’espérance
Personnalités,
personnages historiques,
modèles d’identification,
etc.
Travail et activités Pouvoir exercer son
intelligence et son
imagination pour
réaliser quelque chose
d’utile, dont on sera fier
Accomplissement
professionnel, invention,
collecte de fonds pour une
cause sociale, etc.
Relations
interpersonnelles
Aimer et être aimé,
avoir le sentiment
d’appartenance
Couple, famille,
cercle d’amis
TABLEAU 2
Les sources d’affirmation de soi (Miller, 1992)
66
valoir sa personnalité et de protéger son intégrité, gage de son équilibre
et de sa réussite professionnelle.
La maîtrise de soi
La maîtrise de soi est comme un muscle: il faut l’entraîner pour qu’elle
se développe (Baumeister, 2011). Comme un entraînement sportif, il faut
y aller graduellement, à répétition et les reposer entre les activités pour
récupérer (Muraven et al., 1998).
La maîtrise de soi est une compétence qui se généralise: apprendre à
l’utiliser dans des circonstances données augmente la capacité de pouvoir
l’utiliser dans d’autres circonstances. On peut donc développer sa maî-
trise de soi en faisant des exercices au travail comme à la maison: résister
à l’envie de couper la parole à son interlocuteur, se concentrer sur une
tâche qui doit être faite maintenant alors qu’on pourrait faire autre chose,
s’armer sur un sujet délicat avec une personne de conance, etc.
Parce qu’elle dépend de l’énergie disponible, il est important de sa-
voir gérer ses réserves d’énergie et de savoir anticiper les besoins futurs
d’énergie. Lors de son intégration à son nouveau rôle, si Marie-Ève peut
déterminer les tâches pour lesquelles elle doute de ses capacités, elle peut
planier de les exercer à des moments où son niveau d’énergie est à son
meilleur. Cela lui permet de mieux gérer l’anxiété que ces dernières lui
occasionnent et de mettre de côté ses préoccupations an qu’elle puisse
développer ses compétences. De même, si Jean-Charles décide de retour-
ner aux études en craignant d’avoir du mal à concilier le travail et les
études, il pourrait mieux gérer ses réserves d’énergie en adoptant de
saines habitudes de vie (p. ex. sport, alimentation, sommeil, qualité des
relations) et en nourrissant l’espoir d’occuper un poste dans lequel il
pourrait mieux se réaliser. L’espoir aide à faire preuve de persévérance.
MOT DE LA FIN
Au début de cet article, nous comparions le parcours professionnel à un
jeu d’échelles et de serpents, où chacun cherche à gravir les échelons pour
réaliser ses projets et actualiser son potentiel tout en évitant les écueils d’une
carrière. On dit que ce jeu est d’origine hindoue2; il représenterait le par-
cours moral qui mène au paradis, pourvu qu’on ait le courage de surmonter
les obstacles et la présence d’esprit de saisir les occasions qui s’orent à nous
sur le chemin. Les échelles symbolisent les bonnes actions qui nous font ac-
céder au paradis plus rapidement et les serpents, les mauvaises décisions qui
ralentissent notre course ou pire, nous ramènent à la case départ.
2 http: //tecfa.unige.ch/etu /LME/9899/exterman n-fanac-margot/echelle.html
67
Gérer sa vie professionnelle
Gérer les changements dans notre vie professionnelle
Pour réussir sa vie professionnelle, il faut de ce courage moral pour
être attentif aux occasions qui s’orent, an de réaliser ses projets tout
en préservant son intégrité personnelle. Grâce à l’attention portée à notre
carrière, nous pouvons garder le contrôle sur notre développement pro-
fessionnel et augmenter nos chances de réussir notre vie professionnelle.
Cela requiert toutefois de la curiosité et de la conance en soi. L’adaptabi-
lité suppose que nous soyons capables de prendre du recul par rapport à
notre représentation de la situation et à nos réactions en vue de les modi-
er, surtout lorsqu’elles semblent échapper à notre volonté.
Le développement de l’adaptabilité professionnelle relève de la
connaissance de soi et de deux compétences émotionnelles: l’armation
de soi et la maîtrise de soi. En eet, la carrière se construit en fonction des
choix qu’une personne a faits. Pour qu’ils puissent donner un sens à sa vie
professionnelle, ils devraient être cohérents avec son identité, ses valeurs
et ses intérêts professionnels. C’est pourquoi il est important de bien se
connaître et, surtout, de se reconnaître.
La connaissance de soi est essentielle pour prendre en charge la gestion
de son parcours professionnel qui doit être intégré et cohérent avec qui
nous sommes. Pouvoir ajuster ecacement son parcours professionnel
aux aléas du marché et de l’économie au l de sa vie personnelle et profes-
sionnelle (organisation, travail, famille, événements de la vie ) permettrait
d’assurer à la personne le succès de sa vie professionnelle, la poursuite de
sa croissance personnelle et de son bien-être psychologique. Elle requiert
de pouvoir anticiper et de devenir le concepteur et le constructeur actif de
sa propre carrière en tenant compte de l’évolution de ses besoins, de ses
intérêts et de ses valeurs, qui varient avec son contexte de vie.
Pour réussir sa vie professionnelle, il faut savoir armer ses pré-
férences pour faire des choix cohérents avec ses intérêts et ses valeurs.
L’armation de soi permet de protéger son intégrité personnelle et, par
conséquent, sa santé. Il faut aussi savoir se maîtriser pour réussir sa vie
professionnelle, car le manque de contrôle pourrait entraîner des dom-
mages diciles à réparer. La maîtrise de soi requiert de l’énergie, il faut
donc savoir gérer son énergie si l’on veut préserver sa santé et réussir sa
vie professionnelle.
Références
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