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CHRONIQUE
La formation pratique des enseignants en Belgique francophone
Formation et profession 23(3), 2015
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Chronique internationale
Introduction
Cette contribution vise à dresser un état des lieux de la formation
pratique des enseignants de l’enseignement fondamental et
secondaire en Belgique et, plus particulièrement, en Fédération
Wallonie-Bruxelles (FWB) – la partie francophone du pays –,
anciennement dénommée Communauté française de Belgique
(CFB). Le cursus scolaire d’un élève en Belgique se découpe,
quant à lui, en quatre grandes périodes : l’enseignement
maternel de 2 ans et demi à 6 ans (non obligatoire, mais
fortement recommandé), l’enseignement primaire de 6 ans
à 12 ans (obligatoire), l’enseignement secondaire de 12 ans
à 18 ans (obligatoire) et, enfin, l’enseignement supérieur. À
l’heure actuelle, la formation des enseignants des sections
préscolaire (3-5 ans), primaire (6-12 ans) et secondaire
inférieur (12-15 ans) est organisée en trois années au sein
de hautes écoles (établissements d’enseignement supérieur
de type court) et donne accès à un « bachelier » en trois ans;
celle des enseignants du secondaire supérieur (16-18 ans)
est organisée en 5 années, voire en 6 années à l’université
(établissement d’enseignement supérieur de type long) et
donne accès à un « Master ». Dans le présent article, nous
décrivons les différentes modalités de la formation pratique
des futurs enseignants tant en haute école qu’à l’université
en nous basant sur deux études de cas. Nous terminons en
soulevant les questions ainsi que les défis de cette formation
pratique et éclairons le lecteur sur les évolutions futures de la
formation des enseignants.
La formation pratique
des enseignants en
Belgique francophone
Catherine Van Nieuwenhoven
Université catholique de Louvain
Nicolas Roland
Université Libre de Bruxelles
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Formation et profession 23(3), 2015
La formation pratique des futurs enseignants en haute école
Introduction
En 2001, la réforme de la formation initiale des enseignants en Belgique francophone a induit
divers changements institutionnels et organisationnels importants : imposition d’un référentiel
de 13 compétences1, d’un nouveau cahier des charges avec des intitulés de cours actualisés et d’une
réorganisation des stages. Cette réforme s’est appuyée sur le décret « Missions » (1997) qui énonce
pour tous une approche par compétences. À ce sujet, Frenay et Maroy (2004) ont écrit que ce décret
(1997) s’avère le tremplin à d’autres textes légaux qui s’y réfèreront à visée d’approfondissement.
La réforme du paysage du supérieur
Ce sera ainsi le cas également du décret (FWB, 7 novembre 2013) définissant le paysage de
l’enseignement supérieur et l’organisation académique des études édicté par le ministre Marcourt. Ce
décret vise à centrer la formation sur le parcours de l’étudiant et à garantir la cohérence de l’enseignement
supérieur autour de la création de l’ARES (Académie de recherche et d’enseignement supérieur),
comme seule instance de pilotage.
Selon l’article 121, ce sont les autorités académiques de l’établissement d’enseignement supérieur
qui établissent les profils d’enseignement, les programmes et les calendriers détaillés des activités
d’apprentissage, regroupées en unités d’enseignement (UE), des études pour lesquelles leur établissement
est habilité en tenant compte du programme minimal établi et du référentiel de compétences (FWB,
7 novembre 2013). Ce sont les acquis d’apprentissage terminaux (AAT) qui déterminent les résultats
attendus en fin de formation. Ils sont définis sur base du référentiel de compétences officiel2 et du profil
d’enseignement propre à chaque institution. Les AAT sont ensuite déclinés en acquis d’apprentissages
intermédiaires (AAI) et en acquis d’apprentissage spécifiques (AAS) pour chacune des unités
d’enseignement qui regroupent les activités d’apprentissage qui poursuivent un même objectif. La
figure 1 modélise les balises qui fondent le programme de la formation des enseignants.
La formation pratique par les stages et les ateliers de formation professionnelle
La formation des enseignants se veut davantage « professionnalisante » et a pour but de former un
enseignant développant une identité professionnelle forte et capable de s’adapter aux nouveaux défis
de transformation de l’école. Le temps accordé aux stages y est important, couvrant près de 500 heures.
Les stages sont, selon le décret de 2000, « des activités pédagogiques pratiques en situation réelle »
(CFB, 2000, article 15, p. 5). Ces stages, fondements de la formation initiale des enseignants, sont des
lieux privilégiés d’expérimentations, de réflexion, d’engagement dans un métier collectif, d’affirmation
du soi professionnel et de développement personnel.
1 Ministère de la CFB, décret du 12 décembre 2000, p. 2.
2 Ce référentiel s’articule maintenant autour de sept compétences qui s’inscrivent dans le cadre européen des
certifications (CEC).
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En haute école, la rencontre avec la pratique est organisée de manière progressive par des stages
d’observation et se poursuit par des stages en responsabilité dès la deuxième année, avec des durées de
plus en plus longues. Ainsi le décret du 12 décembre 2000 impose deux semaines de stage en première
année, quatre semaines en deuxième année et dix semaines en troisième année, et ce, pour toutes les
sections. Alors qu’en première année, l’étudiant est surtout amené à observer le fonctionnement d’une
classe, la gestion des apprentissages et à planifier des séquences d’apprentissage en prenant en charge
l’une ou l’autre activités, lors de la deuxième année, une alternance de type intégrative est mise en
place et conduit l’étudiant à passer à plusieurs reprises de l’institut de formation à plusieurs lieux de
pratique. L’alternance n’est pas formatrice en tant que telle, elle n’est que la condition nécessaire d’une
articulation théorie-pratique.
C’est dans ce cadre que le législateur a introduit, dès 2001, un dispositif innovant, appelé les ateliers de
formation professionnelle (AFP) pour tisser des liens entre les deux lieux de formation. Leur objectif est
de placer théorie et pratique dans un rapport de fonctionnalité réciproque : la théorie sert à élaborer et
réguler les processus d’enseignement alors que la pratique sert à contextualiser, éprouver et réorganiser
les contenus théoriques, dans le contexte du développement des compétences professionnelles. Ces
ateliers sont coanimés par des didacticiens, des psychopédagogues et des nouveaux partenaires, à savoir
des maitres de formation pratique (MFP) présents pour témoigner de leur expertise du terrain. Au sein
de la réforme de 2013, ces AFP sont placés en articulation directe avec les stages et intégrés dans les
mêmes unités d’enseignement.
Selon le texte officiel, l’objectif central des AFP est « d’expérimenter, d’observer et d’analyser les
différentes composantes de la profession. Ils intègrent la didactique disciplinaire et générale dans le
cadre d’activités organisées à la fois sur le terrain et à la haute école » (CFB, 2000, Article 10, p. 4).
Concrètement, même si les AFP constituent un lieu privilégié d’intégration, ils ne suffisent pas à
développer chez l’étudiant la posture réflexive nécessaire pour répondre à la complexité des tâches
et des situations professionnelles (Perrenoud, 2001). C’est pourquoi les dispositifs qui soutiennent
les stages ont également un rôle essentiel dans l’accompagnement du développement d’une posture
réflexive chez l’étudiant pour le rendre capable d’adapter ses actions aux contextes mouvants et difficiles
qu’il rencontre sur le terrain (Nitonde et Paquay, 2011). Ensemble, les AFP et les stages couvrent
près d’un tiers de la formation. Pour aborder l’accompagnement et l’évaluation des stages, nous nous
référons au dispositif mis en place par l’Institut supérieur de pédagogie Galilée (ISPG) afin d’illustrer
la traduction du prescrit sur le terrain.
L’accompagnement des étudiants en stage
L’accompagnement des étudiants en stage est dévolu, dans l’institut de formation, aux superviseurs
(psychopédagogues et didacticiens) ainsi que, sur le terrain, aux maitres de stage. Très rapidement
est apparue la nécessité de développer le pôle formatif de l’accompagnement des stages. Ainsi,
l’encadrement des stages par l’institut de formation est assuré par deux interlocuteurs différents pour
chaque étudiant : le superviseur qui assure l’accompagnement formatif, dans sa dimension relationnelle,
méthodologique et institutionnelle, des étudiants, tout au long d’une année académique (soit en 2e,
soit en 3e) et le professeur visiteur qui atteste de la maitrise des compétences visées par chaque stage. Il
est entendu qu’un même professeur peut assurer les deux rôles simultanément pour un stage, mais pas
pour les mêmes étudiants. Il est même souhaitable que les superviseurs d’une année aient une charge
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de cours auprès des étudiants qu’ils encadrent. Pour préparer leur stage, les étudiants disposent d’un
temps d’observation de leur classe et d’une semaine de préparation de leurs séquences didactiques
avec des aller-retour entre leurs enseignants et le maitre de stage. Des temps forts jalonnent aussi le
dispositif d’accompagnement de chaque étudiant en stage en deuxième et troisième année :
• une rencontre collective avec le superviseur et les autres étudiants qui gravitent autour de celui-
ci pour inscrire l’accompagnement dans une dynamique réflexive collective et prendre sa propre
pratique comme objet de réflexion, voire de théorisation;
• un entretien individuel avant le début du stage pour fixer le contrat de stage et identifier les
objectifs personnalisés poursuivis par l’étudiant;
• un entretien « à chaud » sur place à la suite de l’observation d’une séquence de cours en
présence du maitre de stage. Cet échange en triade permet d’amener l’étudiant, par un
questionnement orienté, à une prise de conscience de son fonctionnement et à identifier des
pistes de régulation à court terme;
• un entretien réflexif individuel avec le superviseur comprenant une étape de description
objective d’une situation de stage, une étape d’analyse de la situation (aider l’étudiant à
expliciter ce qu’il perçoit qui a bien ou moins bien fonctionné), une interprétation de la
situation (explicitation des choix et comprendre les effets des actions menées) et une étape
créative de mise en projet (dégager les priorités pour l’activité d’enseignement future en
précisant les critères d’observation-évaluation).
La circulaire du 14 juin 2001 (FWB) précise que le maitre de stage joue aussi un rôle formatif dans
l’accompagnement de l’étudiant en l’aidant à dépasser le cadre de la reproduction au profit d’une
pratique professionnelle réflexive. Toutefois, Van Nieuwenhoven et Colognesi (2013) signalent que
le décret prévoit, pour ces accompagnateurs, que les instituts de formation puissent leur assurer une
formation complémentaire, mais dans les faits, aucune formation ne leur est actuellement proposée. Ils
ne sont dès lors pas préparés à ce rôle d’accompagnateurs de jeunes débutants.
Globalement, pour assurer une cohérence entre les objectifs de stage poursuivis par l’institut de
formation et ceux que les maitres de stage décodent et acceptent de poursuivre en fonction de leur
contexte professionnel, un minimum de culture commune des formateurs-accompagnateurs est
nécessaire.
L’évaluation des stages
Le conseil d’évaluation est la dernière étape du dispositif d’accompagnement des stages et met en
présence le stagiaire, le superviseur, le professeur visiteur et le maitre de stage s’il a pu se libérer (dans le
cas contraire, son rapport est commenté par le superviseur). Le superviseur initie le conseil et en assume
la conduite. C’est donc collégialement que la note de l’étudiant est établie sur base de l’autoévaluation
de l’étudiant, des rapports du superviseur et du maitre de stage en tant que témoins du parcours et de
la progression de l’étudiant et du rapport du visiteur qui atteste de la maitrise des compétences visées
lors de sa visite, sur base d’appréciations et de commentaires rédigés pour argumenter sa position et
alimenter la discussion. Les quatre acteurs se basent sur une même grille d’évaluation, construite sur
base du référentiel des 7 compétences et ventilée en critères de maitrise. Un seuil minimal de réussite
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est identifié pour chacune des compétences et fonctions des stages. Au terme du conseil, l’étudiant
reçoit un avis global et indicatif (réussite, balance, échec). La note finale est établie pour chacun des
étudiants par l’ensemble des superviseurs, en fin d’année, sur base des bilans des deux stages réalisés.
Des tensions peuvent exister entre la dynamique formative liée à la régulation des apprentissages de
l’étudiant et à celle qui s’inscrit dans une visée certificative nécessaire à l’établissement d’un profil
de compétences de l’étudiant en fin de parcours. C’est pourquoi l’ISPG a décidé de distinguer ces
deux fonctions de l’évaluation et de favoriser l’accompagnement de la progression de l’étudiant. C’est
dans cette perspective de soutien accru à la réflexivité (Campanale, 1997; Saussez et Allal, 2007) que
l’autoévaluation de l’étudiant est suscitée tout au long des stages par l’intermédiaire d’un carnet de bord,
de grilles d’observation critériées. Ces outils réflexifs sont réinvestis lors des rencontres de supervision
collective et individuelle.
La formation pratique des futurs enseignants à l’université
Introduction
À l’université, deux voies existent pour devenir enseignant dans le secondaire supérieur : d’une part,
effectuer un baccalauréat (3 ans) suivi d’un master disciplinaire (2 ans) et, ensuite, d’une année
supplémentaire pour obtenir « l’agrégation de l’enseignement secondaire supérieur », correspondant à
un programme de formation de 30 crédits (ou ECTS). Un baccalauréat (3 ans) à l’université, suivi d’un
master à finalité didactique (2 ans) correspondant à deux années d’études et 120 crédits (ou ECTS), dont
30 spécifiques de formation pédagogique (Denis, 2013). En effet, depuis 20043, les études de deuxième
cycle universitaire (« master ») sont organisées selon trois finalités différentes : premièrement, la finalité
dite « spécialisée », préparant à l’exercice d’une ou de plusieurs professions liées à un champ disciplinaire
particulier; deuxièmement, la finalité dite « didactique », préparant à l’enseignement de cette (ou de
ces) discipline(s); troisièmement, la finalité dite « approfondie », préparant plus particulièrement à la
recherche dans le domaine considéré.
De manière commune à l’ensemble des établissements, la formation pédagogique des enseignants
à l’université correspond à 300 heures de cours et de stages. Toutefois, les universités disposent de
30 % de marge de manœuvre pour adapter leur curriculum (Mathy, 2011). Cette formation comprend
quatre axes : les connaissances socioculturelles (30 heures ou plus), les connaissances pédagogiques
assorties d’une démarche scientifique et d’attitudes de recherche (60 heures ou plus), les connaissances
socioaffectives et relationnelles (30 heures ou plus) et, enfin, le savoir-faire (90 heures ou plus).
L’axe savoir-faire : préparation, action et réexion
Le temps consacré à la formation pratique des enseignants – l’axe « savoir-faire » – diverge en fonction
des établissements, mais des éléments communs se dégagent : premièrement, des cours ou exercices
préalables aux stages tels que le microenseignement (autoscopie) sont proposés aux étudiants. Ces
séances formatives d’enseignement filmé centrées sur la mise en œuvre d’habiletés pédagogiques
3 Décret de la Communauté française de Belgique du 31-03-04.
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ciblées permettent aux étudiants de se préparer à la phase d’enseignement devant une classe réelle.
Deuxièmement, l’axe savoir-faire offre trois types de stages : des stages d’observation, des stages
d’enseignement ainsi que des stages d’implication « hors cours », c’est-à-dire proposant une implication
dans des activités liées au fonctionnement de l’établissement et aux relations entre ses acteurs. Enfin,
des séances de pratique réflexive permettent aux futurs enseignants de prendre du recul par rapport à
leurs pratiques, leurs représentations et de réfléchir sur leurs manières d’agir (Paquay, 2005).
La formation pratique par les stages
La formation pratique des enseignants par les stages à l’université est peu documentée, tant dans les
textes officiels que dans les programmes de cours des institutions universitaires. Légalement, l’étudiant
doit effectuer un minimum de 60 heures effectives de stage (qui comprend l’observation préalable des
classes, les préparations et les activités pédagogiques hors leçons). Qui plus est, une diversification des
lieux de stage doit permettre aux étudiants de rencontrer le plus de situations professionnelles possible
– allant de l’enseignement général à l’enseignement professionnel en passant, parfois, par l’enseignement
spécialisé (Mathy, 2011). Ces stages actifs en milieu réel d’enseignement sont supervisés par le
professeur de didactique de la discipline ainsi que par un maitre de stage dans chaque établissement.
Le superviseur conseille l’étudiant en amont de sa pratique de stage et encadre sa réalisation. Il assiste
également à au moins deux leçons appelées « Leçons publiques d’examen ».
Parmi les programmes de cours disponibles sur Internet, celui de l’Agrégation de l’enseignement
secondaire supérieur « Information et communication » de l’Université catholique de Louvain (UCL)4
présente de manière précise les différentes modalités organisationnelles et pédagogiques liées aux
stages; nous utilisons ce programme en guise d’illustration pour offrir au lecteur une description des
activités de la formation pratique par les stages à l’université.
Le contenu des stages
Dans ce programme, les stages se découpent en trois parties : d’une part, plusieurs stages d’observation
et d’analyse de pratiques pédagogiques préalables à l’enseignement d’une durée de 10 heures avec un
minimum de 2 heures par classe; d’autre part, trois stages d’enseignement, dont deux d’une durée
de 16 heures et un d’une durée de 8 heures. Ces derniers comprennent trois phases distinctes :
l’observation des classes et la préparation des leçons (avant), les leçons prestées en classe (pendant)
et l’évaluation formative des leçons (après). Enfin, la dernière partie concerne la participation à une
activité pédagogique d’une durée de 10 heures.
L’évaluation des stages
Au sein de l’Agrégation de l’enseignement secondaire supérieur « Information et communication » de
l’UCL, les stages sont évalués sur base d’une grille critériée remise aux étudiants dès le début de l’année
académique. Cette grille est utilisée tant par l’étudiant dans le cadre de son autoévaluation – afin de
favoriser sa pratique réflexive – que par l’ensemble des évaluateurs – superviseur et maitre de stage.
La cote finale attribuée pour les stages est pondérée en fonction de 4 dimensions : les informations
contenues dans la farde de stage de l’étudiant-stagiaire, les prestations des étudiants-stagiaires lors
4 http://www.uclouvain.be/cours-2014-LAGES9009
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des leçons publiques d’examen en présence des superviseurs et l’évolution de ces prestations, le
rapport commenté des maitres de stage ainsi que le rapport de stage de l’étudiant-stagiaire (capacité
d’autoévaluation). En outre, les leçons publiques d’examen constituent un moment clé parmi les sources
de l’évaluation; elles possèdent donc une pondération particulière dans l’attribution de la note finale.
Conclusion
En guise de conclusion, nous proposons au lecteur quelques enjeux liés à la formation pratique des
enseignants en Fédération Wallonie-Bruxelles avant de décrire les évolutions futures de la formation
des enseignants.
Premièrement, à l’heure actuelle, il existe peu de balises structurant les rôles attendus des maitres
de stage, en haute école comme à l’université. Ceci engendre une impossibilité de cohérence et
d’harmonisation des pratiques d’accompagnement et d’évaluation avec les acteurs de l’institut de
formation. Deuxièmement, la collaboration interprofessionnelle (Dezutter, 2009) inhérente aux unités
d’enseignement (regroupant des psychopédagogues, des didacticiens et des MFP) et aux stages (mettant
en jeu des accompagnateurs issus de l’institution de formation et du terrain) est encore à construire.
Elle exige que l’identité professionnelle de chaque groupe d’acteurs soit reconnue, mais surtout
valorisée et respectée. Troisièmement, l’évaluation formative assurée durant toute la durée des stages
par les accompagnateurs entre parfois en tension avec la dimension certificative exigée par l’institut
de formation pour valider la maitrise des compétences chez l’étudiant. Quatrièmement, l’insertion
des jeunes enseignants dans le métier reste préoccupante avec un taux de sortie élevé surtout dans
l’enseignement secondaire. En effet, 35 % des enseignants débutants quittent le métier endéans les cinq
premières années dont 19 % partent déjà durant la première année ou au terme de celle-ci (Delvaux,
Desmarez, Dupriez, Lothaire et Veinstein, 2013). Enfin, nous soulignons l’importante différence en
termes de temps consacré à la formation pratique des futurs enseignants entre les étudiants-stagiaires
de haute école qui disposent, en moyenne, de 480 heures de « savoir-faire » alors que les étudiants-
stagiaires à l’université n’ont que 90 heures consacrées à ce « savoir-faire ».
Plusieurs facteurs tels que le nombre très élevé d’élèves en difficulté à l’école, l’hétérogénéité des classes,
le manque de disponibilité des élèves à apprendre ainsi que la difficulté à attirer un public motivé à
s’engager et à persévérer dans le métier suscitent des questionnements sur la formation initiale des
enseignants. Dans ce contexte d’accroissement des exigences envers les enseignants et d’incapacité du
système éducatif à soutenir la réussite de tous les élèves, la formation des enseignants est remise en
question. Dès lors, un groupe de réflexion commandité par l’ARES5 soutient qu’il faudrait avancer vers
une formation de tous les enseignants correspondant au niveau 7 du cadre européen de certification
sans préjuger par contre de l’organisation des études en termes d’opérateur de référence (haute école ou
université ou co-gestion), de durée, etc. La formation est un processus de longue haleine qui se déploie
tout au long de la carrière, notamment par la formation continuée et le travail collaboratif suscité au sein
des établissements. Ainsi, les stages resteraient la composante majeure de la formation, en articulation
étroite avec les autres axes de formation – disciplinaire, didactique, pédagogique, etc. – et soutenus par
une démarche réflexive auprès des étudiants. Deux autres priorités sont encore pointées par ce groupe :
une formation en sciences sociales qui pourrait offrir un cadre d’analyse pour soutenir le recul réflexif
5 Groupe de travail dit des « quatre opérateurs » de la formation initiale (GT4O).
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des étudiants sur les situations professionnelles rencontrées et une formation réellement adossée à la
recherche en éducation, entre autres par la réalisation du travail de fin d’études ou mémoire, mais aussi
par l’implication dans des recherches.
Références
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septembre 1997. Repéré à http://www.gallilex.cfwb.be/fr/leg_res_01.php?ncda=21557&referant=l01
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http://www.gallilex.cfwb.be/document/pdf/39681_005.pdf
Delvaux, B., Desmarez, P., Dupriez, V., Lothaire, S. et Veinstein, M. (2013). Les enseignants débutants en Belgique
francophone : trajectoires, conditions d’emploi et positions sur le marché du travail. Les cahiers de recherche du
GIRSEF, 92.
Dezutter, O. (2009). La collaboration interprofessionnelle, une clé de la continuité des apprentissages. Dans
M. Coupremanne (dir.), Les dynamiques des apprentissages, la continuité au cœur des apprentissages (p. 22-34). Bruxelles :
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Frenay, M. et Maroy, C. (2004). L’école, six ans après le décret « Missions » : regards interdisciplinaires sur les politiques scolaires en
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http://www.fapeo.be/wp-content/analyses/analyses_2011/formationinitiale.pdf
Nitonde, F. et Paquay, L. (2011). Vers quelles pratiques de stage en formation initiale des enseignants du secondaire?
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