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NEUROLOGIE MÉDICALE 427
POUR EN SAVOIR PLUS
GAJDOS P, CHEVRET S, TOYKA K. Plasma exchange for myasthenia gravis. Cochrane
Database Syst Rev. 2002;(4):CD002275. Review.
GAJDOS P, CHEVRET S, TOYKA K. Intravenous immunoglobulin for myasthenia gra-
vis. Cochrane Database Syst Rev. 2008;(1):CD002277. Review.
HART IK, SHARSHAR T, SATHASIVAM S. Immunosuppressant drugs for myasthenia
gravis. J Neurol Neurosurg Psychiatry. 2009;80(1):5-6.
SCHNEIDER- GOLD C, GAJDOS P, TOYKA KV, HOHLFELD RR. Corticosteroids for
myasthenia gravis. Cochrane Database Syst Rev. 2005;(2):CD002828. Review.
VINCENT A, PALACE J, HILTON- JONES D. Myasthenia gravis. Lancet. 2001;357(9274):
2122-8.
TROUBLES
DE LA CONSCIENCE, COMA
B. Rohaut, S. Kandelman, T. Sharshar
GÉNÉRALITÉS
Les troubles aigus de la conscience constituent un continuum
allant de la simple confusion mentale jusqu’au coma qui en est la
forme la plus grave. La plupart des pathologies altérant le fonction-
nement cérébral peuvent entraîner un coma ; les étiologies sont ainsi
nombreuses (tableau 16- XII), et la démarche diag nostique doit être
rigoureuse.
La première étape de la prise en charge consiste en l’évaluation
des fonctions vitales (classique « ABC » pour Airway, Breathing and
Circulation, figure 16-3). L’évaluation initiale du degré d’altération de
la conscience à l’aide d’un score (figure 16-4) est primordiale car elle
permet de suivre son évolution et de guider les soins.
Dans un second temps, le patient étant stabilisé, l’examen neuro-
logique doit être précis et intégrer le recueil minutieux de l’anam-
nèse et des antécédents du patient afin de déterminer au mieux les
explorations complémentaires utiles au diag nostic étiologique.
L’évaluation pronostique des patients présentant un trouble de la
conscience est un enjeu majeur en réanimation, elle est difficile et
repose sur la mesure et l’interprétation de données cliniques, électro-
physiologiques et neuroradiologiques.
428 LE LIVRE DE L’INTERNE EN RÉANIMATION
Tableau 16- XII Causes particulières de trouble de la conscience (d’après Tenembaum, S., Chitnis, T., Ness, J. & Hahn, J. S. Acute
disseminated encephalomyelitis. Neurology. 2007;68:S23-36).
Path ologie Con texte /terrain Cli nique Ex amens complémenta ires Trait ement
ADEM (Acute
Disseminated
Encephalo-
myelitis)
Enfants, adultes
jeunes ; infection
virale ou vaccination
récente
Déficits focaux
rapidement
progressifs (quelques
jours) dans un
contexte fébrile
IRM : multiples et larges
plages de démyélinisation
asymétriques,
œdémateuses, pouvant
prendre le contraste et
touchant les étages sus-
et sous- tentoriels
PL : inflammatoire,
pléiocytose
Traitement
immunomodulateur
(bolus de corticoïdes,
immunoglobulines,
échanges plasmatiques)
Encéphalite
auto- immune
(à anticorps
antirécepteur
NMDA)
Enfant, adultes jeunes
(plutôt de sexe
féminin). Parfois
tumeur germinale
Présentation initiale
psychiatrique,
mouvements
anormaux
(dystoniques), crises
d’épilepsie voir état
de mal épileptique
IRM : encéphalite limbique
(50 % des cas)
PL : inflammatoire,
anticorps antineuronaux
(anti- NMDAR dans le
sérum et le LCR)
Traitement
immunomodulateur
(bolus corticoïdes,
immunoglobulines,
échanges plasmatiques).
Exérèse de la tumeur
germinale si
paranéoplasique
PRES (Posterior
Reversible
Encephalopathy
Syndrome)
Hypertension maligne,
prise de toxique
(amphétamine,
cocaïne), grossesse,
traitement
immunosupresseur
Violentes céphalées
associées à des
troubles visuels et
des crises d’épilepsie
IRM : lésions symétriques
prédominantes dans la
substance blanche du
territoire vertébrobasilaire
(mais peut être diffus)
Inhibiteurs calciques,
suppression du facteur
causal
NEUROLOGIE MÉDICALE 429
Tableau 16- XII (suite).
Path ologie Con texte /terrain Cli nique Examens complém entaire s Traiteme nt
Encéphalopathie
associée au sepsis Dysfonction cérébrale
globale (confusion)
survenant chez un
patient infecté en
l’absence de lésion
objectivable du
système nerveux
(∼70 % des sepsis
sévères)
De la confusion
(delirium des Anglo-
Saxons) au coma ;
les formes sévères
sont souvent
associées à une
neuromyopathie
de réanimation
Pas d’examen spécifique,
l’imagerie cérébrale
standard et la ponction
lombaire sont normales
Pas de prise en charge
spécifique en dehors
du traitement de la
cause et du contrôle
des facteurs d’agression
cérébrale
Encéphalopathies
métaboliques Insuffisance hépatique/
rénale, médicament
(valproate
de sodium,
imipénem, etc.),
trouble ionique
(sodium, calcium,
acidose respiratoire)
Présentation initiale
avec astérixis,
myoclonies
proximales,
mouvements
oculaires horizontaux
spontanés
EEG : ondes lentes
triphasiques très
évocatrices ; parfois
hyperammoniémie
(valproate de sodium,
déficit enzymatique
du cycle de l’urée,
insuffisance hépatique)
Correction du facteur
causal
Maladies
métaboliques
héréditaires à
révélation tardive
Facteurs déclenchants :
période de stress
catabolique
(chirurgie,
sepsis, jeûne),
augmentation
de la consommation
en protéine
Comas récidivants sans
cause retrouvée Ammoniémie, lactatémie,
chromatographie des acides
aminés et organiques
sanguins et urinaires
Dépend du déficit
enzymatique
430 LE LIVRE DE L’INTERNE EN RÉANIMATION
RAPPELS PHYSIOLOGIQUES
La conscience est un concept complexe qui peut être schématique-
ment divisé en deux composantes : l’éveil (ou vigilance, wakefulness
ou arousal en anglais) et le contenu conscient (conscience de soi,
de l’environnement ; awareness en anglais, terme sans équivalent en
français, traduit par « conscience de… », ce qui prête à confusion).
Ces deux fonctions sont sous- tendues par deux systèmes distincts :
• Le système de l’éveil qui est sous le contrôle de neurones situés
dans le tronc cérébral. Il s’agit des noyaux de la « substance réticulée
activatrice ascendante » (SRAA) situés pour la plupart dans la partie
postérieure du pont et du mésencéphale (noyaux de Meynert : basal
forebrain). Ces neurones régulent le niveau de vigilance (éveil, sommeil
lent, sommeil paradoxal) par des projections diffuses vers l’ensemble
du cortex cérébral (directes ou relayées par les noyaux réticulaires du
thalamus).
Trouble de la conscience
Fonctions vitales/premiers secours/« ABC »
VVP + Bilan (HGT iono glycémie calcémie GDS NFS BHC)
Vit B1 puis G30 si hypoglycémie (ou pas d’HGT)
discuter naloxone et flumazénil
Si signe de localisation
discuter osmothérapie (HTIC ?) et imagerie en urgence
Examen clinique et anamnèse détaillés
Selon hypothèses : PL, EEG, IRM, examens de 2
e
ligne
Examen neurologique rapide et orienté
Figure 16-3 Principe de prise en charge d’un patient comateux.
NEUROLOGIE MÉDICALE 431
Score de Glasgow
• Ouverture des yeux
4 = spontanée
3 = sur stimulation
2 = sur stimulation douloureuse
1 = absente
• Réponse verbale
5 = appropriée
4 = confuse
3 = incohérente
2 = incompréhensible
1 = absente
• Réponse motrice
6 = sur commande verbale
5 = localise la douleur
4 = retrait du membre stimulé
3 = flexion stéréotypée des membres
supérieurs (décortication)
2 = extension stéréotypée
(« enroulement », décérébration)
1= absente
Four score
• E4 = fermeture des yeux sur
commande ou poursuite visuelle
• E3 = yeux ouverts sans
poursuite visuelle volontaire
• E2 = ouverture des yeux
au bruit
• E1 = ouverture des yeux
à la douleur
• E0 = pas d’ouverture des yeux
à la douleur
• M4 = mouvement sur commande
• M3 = localisation de la douleur (PMF)
• M2 = réponse en flexion à la douleur
(compression du lit de l’ongle)
• M1 = réponse en extension stéréotypée
• M0 = pas de réponse motrice ou
myoclonies si état de mal épileptique
• R4 = respiration spontanée régulière
• R3 = respiration spontanée
Cheyne- Stokes
• R2 = respiration spontanée
irrégulière
• R1 = respiration assistée
(déclenche le ventilateur)
• R0 = respiration contrôlée ou apnée
• B4 = réflexes pupillaires
et cornéens présents
• B3 = mydriase fixe unilatérale
• B2 = réflexes pupillaires ou
cornéens absents
• B1 = réflexes pupillaires et
cornéens absents
• B0 = réflexes pupillaires
et cornéens et de toux absents
Réponse oculaire Réponse motrice
Réflexes du tronc cérébral Ventilation
Figure 16-4 Scores cliniques.
432 LE LIVRE DE L’INTERNE EN RÉANIMATION
• Un système organisé en réseau dont le substrat anatomique reste
débattu, mais qui implique des neurones à connexions longues, situés
en grande partie dans les régions associatives frontales et pariétales.
Un coma peut résulter d’une atteinte organique ou fonctionnelle
d’un de ces deux systèmes. Ainsi, un processus focal touchant la
SRAA peut provoquer un coma, mais dans 90 % des cas il s’agit
d’un processus pathologique touchant l’ensemble de l’encéphale
(voir tableau 16- XII).
DIAG NOSTIC ET PRISE EN CHARGE IMMÉDIATE
Le coma est une absence d’ouverture des yeux et de réaction adap-
tée à la stimulation douloureuse chez un patient ayant par ailleurs une
ventilation et une hémodynamique efficace. L’évaluation initiale doit
donc s’assurer que le trouble de la conscience n’est pas secondaire à
une insuffisance respiratoire aiguë et/ou un état de choc qui nécessi-
tent tous deux une prise en charge spécifique (voir figure 16-3 et Cha-
pitres 13 et 14). Il faut également rapidement s’assurer qu’il n’y ait
pas de signes d’engagement temporal [mydriase unilatérale, réponse
motrice stéréotypée – en décérébration (enroulement) ou décortica-
tion (flexion)] ou occipital (posture spontanée en décérébration, voire
en opistotonos, instabilité cardiorespiratoire) qui peuvent imposer une
osmothérapie dans l’attente de la réalisation d’une imagerie et d’une
éventuelle intervention neurochirurgicale en urgence (SSH à 7,5 %
250 mL ou mannitol 0,25 à 1 g/kg sur 20 min, voir Chapitre 15, Prise
en charge de l’HTIC).
La distinction clinique entre obnubilation, stupeur, somnolence, léthar-
gie, ou confusion (figure 16-5) n’a pas vraiment d’utilité en pratique cli-
nique car les définitions de ces états sont imprécises et d’interprétation
trop subjectives. Nous avons à notre disposition des méthodes de mesure
plus objectives et reproductibles comme le score de Glasgow ou plus
récemment le Four Score (voir figure 16-4). Cette mesure du niveau de
conscience est fondamentale puisque c’est le moyen le plus simple et le
plus efficace d’en suivre l’évolution.
Une fois le diag nostic de coma posé, un certain nombre de causes
facilement réversibles doivent être éliminées d’emblée :
— l’hypoglycémie, par la réalisation d’un hémo- gluco- test systé-
matique. En cas d’impossibilité, l’administration de 50 mL de G30
en IVL (précédé de 100 mg de vitamine B1 en IVD pour prévenir une
éventuelle carence) doit être immédiate ;
— le surdosage en morphinique est suspecté devant l’association
d’un coma hypotonique avec un myosis serré et une bradypnée. Si
NEUROLOGIE MÉDICALE 433
le contexte est évocateur, une antagonisation immédiate par naloxone
(0,5 à 2 mg IVD) doit être réalisée ;
— le surdosage en benzodiazépine est une cause de coma hypoto-
nique. Dans un contexte évocateur, une antagonisation par flumazénil
(0,5 à 2 mg IVD) peut être réalisée après s’être assuré de l’absence
d’épilepsie connue ou suspectée ou de la prise récente d’un médi-
cament abaissant le seuil épileptogène (neuroleptiques, trycycliques,
quinidine…).
Tout patient dans le coma, même en rapport avec une des causes
précitées, doit être admis en réanimation pour surveillance et pour-
suite de la prise en charge diag nostique et thérapeutique (figure 16-6).
EXAMEN NEUROLOGIQUE
Il doit être rapide et cibler deux questions urgentes.
1) Quel est le mécanisme de l’atteinte cérébrale ? S’agit- il d’une
lésion du tronc cérébral, d’une lésion hémisphérique ou d’une souf-
france cérébrale diffuse ?
2) Quelles sont les étiologies les plus probables ? Le recueil des
circonstances de survenues et des antécédents sont ici déterminants
contenu conscient
conscience
normale
Somnolence
obnubilation
confusion/delirium
stupeur
léthargie
COMA
niveau de vigilance
ouverture des yeux
état végétatif (VS)
état
de conscience
minimale
(MCS)
Figure 16-5 Les principaux troubles de la conscience.
434 LE LIVRE DE L’INTERNE EN RÉANIMATION
et permettent dans un grand nombre de cas d’orienter la démarche
diag nostique.
L’examen neurologique qui doit être bilatéral et comparatif – toute
asymétrie constituant un signe de localisation – comprend :
• L’examen du tronc cérébral, particulièrement important en rai-
son de la proximité anatomique des noyaux des nerfs crâniens avec la
SRAA. Lorsque le coma est lié à un processus expansif intracrânien,
on peut observer une disparition séquentielle des réflexes du tronc
cérébral dans le sens rostrocaudal : oculocéphalique horizontal puis
vertical, photomoteur, cornéen, grimace à la compression des articu-
lations temporomandibulaires et enfin réflexe de toux (chez un patient
intubé). La recherche du réflexe oculocardiaque exposant au risque
de bradycardie extrême doit être réservée au diag nostic de mort céré-
brale.
• Les pupilles sont le plus souvent en myosis modéré et réac-
tif. Une anisocorie doit être recherchée et s’explique soit par une
mydriase unilatérale (atteinte du III devant faire suspecter un engage-
ment temporal ou une rupture d’anévrysme carotidien) soit un myosis
unilatéral (souvent associé à un ptosis – syndrome de Claude Bernard
Quand intuber
un patient comateux ?
Tout de suite en présence de signes
manifestes d’encombrement
bronchique et/ou d’inhalation
(râles bronchiques, apnées
obstructives, désaturaon).
A discuter rapidement en l’absence
d’encombrement patent, si Glasgow
≤ 8 mais il faut garder à l’esprit que
cette limite repose sur un faible
niveau de preuve. La décision
d’intuber pourra donc, sous réserve
d’une surveillance satisfaisante, être
temporisée notamment en fonction
des hypothèses diagnostiques (coma
post-critique par exemple) ou
de l’évolution initiale (amélioration
du score de Glasgow).
Contre-indications
à la ponction lombaire
1) Risque d’engagement cérébral
il est recommandé de réaliser une
TDM avant la PL si :
– score Glasgow < 12
– signe de localisation à l’examen
–- crise d’épilepsie récente
2) Anomalie de l’hémostase connue
ou suspectée
3) Instabilité hémodynamique
En cas de contre-indication ou
d’impossibilité à réaliser une PL,
l’antibiothérapie doit être
immédiatement administrée dès lors
qu’une méningite est suspectée
(voir Chapitre 5, Infections du SNC
communautaires et acquises).
Figure 16-6 Questions pratiques.
NEUROLOGIE MÉDICALE 435
Horner – qui peut être en rapport notamment avec une thrombose du
sinus caverneux ou une dissection carotidienne). Des mouvements
oculaires spontanés horizontaux ou plus rarement verticaux (dipping,
bobbing) peuvent être observés. Ils sont le plus souvent en rapport
avec une cause métabolique mais parfois en rapport avec une lésion
mésencéphalique ou diencéphalique. Tout mouvement conjugué lent
sans saccade exclut une cause psychogène.
• L’analyse des réponses motrices aux stimuli externes consiste
d’abord en des ordres verbaux (avec appel par le prénom du patient),
et dans un deuxième temps par stimulations physiques indolores
puis nociceptives (elles ne doivent pas être traumatiques : pression
du lit unguéal, des trous supra- orbitaires ou des jonctions temporo-
mandibulaires ; pression et non friction du manubrium sternal). Elles
doivent être réalisées aux 4 membres afin de rechercher une éven-
tuelle lésion médullaire (absence ou diminution de réponse motrice
aux membres inférieurs alors qu’elle est préservée aux membres supé-
rieurs, suggérant une lésion dorso- lombo- sacrée ; discordance entre
les réponses motrices faciales et des membres indiquant une probable
lésion du rachis cervical).
• L’étude des réflexes ostéotendineux, du réflexe cutané plan-
taire et du tonus musculaire renseigne sur l’intégrité de la voie
motrice. Le tonus musculaire est le plus souvent diminué. Une hyper-
tonie s’intègre le plus souvent dans un syndrome pyramidal. Un coma
avec syndrome extrapyramidal doit faire évoquer des étiologies parti-
culières (intoxication ou syndrome malin des neuroleptiques, maladie
de Parkinson déséquilibrée, catatonie, hypocalcémie majeure).
• L’étude du rythme ventilatoire peut révéler certaines anomalies
ayant une valeur localisatrice ou peut faire évoquer certaines étiolo-
gies. Les principales anomalies observables sont
— l’hyperventilation régulière (sepsis, acidose métabolique, insuf-
fisance hépatique) ;
— la ventilation cyclique de Cheyne- Stokes (coma toxique, méta-
bolique, plus rarement lésions diencéphaliques ou insuffisance car-
diaque sévère) ;
— les apnées ;
— la respiration apneustique ou hectique (lésions du pont ou du
bulbe).
• La recherche d’une raideur méningée doit être systématique
quand une instabilité du rachis cervical n’est pas suspectée. Sa pré-
sence oriente vers une méningite ou une hémorragie méningée.
•La mesure des constantes vitales et l’examen général sont indis-
pensables pour évaluer le retentissement du coma sur les fonctions vitales
et orienter le diag nostic. L’examen général comprend l’examen cardio-
vasculaire et pulmonaire. L’hypertension artérielle fréquemment obser-
vée est le plus souvent en rapport avec une réponse adrénergique non
436 LE LIVRE DE L’INTERNE EN RÉANIMATION
spécifique à l’agression cérébrale et/ou systémique ; elle peut être induite
par une HTIC ou une prise de toxique (cocaïne et amphétamine princi-
palement) ou être la cause du coma dans le cadre d’une encéphalopathie
hypertensive (PRES). L’examen des téguments peut révéler :
— un purpura fulminans ;
— une anomalie de coloration cutanée (pâleur, cyanose, coloration
rouge cochenille de l’intoxication au CO) ;
— des signes renseignant sur les antécédents du patient (signes
d’insuffisance hépatocellulaire, d’hypothyroïdie, stigmates de toxico-
manie etc.).
Il faut rechercher des signes de traumatisme et de compression cuta-
née. Il ne faut pas hésiter à prendre l’avis d’un dermatologue devant
toute lésion atypique. L’hypothermie est fréquente et peut contribuer
en cas de valeur très basse au trouble de la conscience ; l’hyperther-
mie fait suspecter une cause infectieuse, une prise de toxique particu-
lière, et beaucoup plus rarement un coup de chaleur.
• Le fond d’œil est souhaitable et peut mettre en évidence rapide-
ment certaines lésions spécifiques (œdème papillaire de HTIC, pété-
chies en rapport avec des lésions microvasculaires, micro abcès, etc.).
Il faut éviter d’utiliser un collyre mydriatique pour ne pas gêner la
surveillance des pupilles (et préférer sinon le tropicamide à l’atropine
qui peut avoir un effet sur plusieurs jours).
Les données de cet examen permettent de calculer les scores cli-
niques tels que le score de Glasgow ou le Four Score, l’examinateur
devant spécifier les valeurs de chacun des items testés en plus de la
note globale. Comme déjà mentionné ces scores sont très utiles mais
l’examen neurologique ne doit pas s’y limiter.
Lors de la phase de récupération et surtout lorsqu’elle se prolonge,
il faut savoir différencier un coma d’un état végétatif (ouverture des
yeux, cycle veille/sommeil ; SRAA fonctionnelle mais absence de
traitement cognitif conscient) et d’un état de conscience minimale
(minimally conscious state : MCS) (fixation/poursuite oculaire, mou-
vements adaptés et/ou sur demande ; traitements cognitifs conscients
mais sans communication fonctionnelle possible, voir figure 16-5).
Cette distinction est importante pour le pronostic et sur le plan juri-
dique. Un coma peut aussi évoluer vers un état de mort cérébrale
répondant à des critères médicolégaux stricts.
DIAG NOSTICS DIFFÉRENTIELS
L’évaluation clinique de l’état de conscience d’un patient repose sur
l’analyse de l’interaction verbale et motrice avec le patient, certaines
déficiences peuvent donc conduire à tort à un diag nostic de trouble
NEUROLOGIE MÉDICALE 437
de la conscience (surdité, cécité, trouble sensitif, paralysie motrice,
aphasie, négligence spatiale, démence avancée).
L’exemple classique est celui du Locked in Syndrome (trétraplégie avec
diplégie faciale quasi totale ; lésion de la partie antérieur de la protubé-
rance interrompant les faisceaux corticospinaux et corticobulbaires mais
laissant intacte la SRAA). On peut rapprocher de ce syndrome les tableaux
de paralysies extrêmes (par exemple certaines formes graves de polyra-
diculonévrite aiguë), de mutisme akinétique (apathie et akinésie majeure
avec niveau de vigilance normal ; lésions préfrontales paramédianes) et
de manière moins exceptionnelle les patients atteints de la maladie de
Parkinson, qui peuvent dans un contexte notamment infectieux présenter
une akinésie majeure empêchant tout mouvement volontaire.
Une cause « psychogène » (trouble de la personnalité de type conver-
sion, trouble dépressif de type catatonie) doit rester un diag nostic d’ex-
clusion. Certains signes cliniques le suggèrent dès le début de la prise
en charge comme une résistance à l’ouverture des yeux, ou un compor-
tement d’évitement (le patient évitant la chute du bras sur son visage).
En cas de doute sur la profondeur du trouble de la conscience, il faut
rechercher une poursuite oculaire (le stimulus le plus « attirant » étant
la propre image du patient dans un miroir) et tester toutes les fonctions
motrices élémentaires (clignement, contraction labiale, haussement des
épaules…) permettant d’établir un contact avec le patient. La présence
d’un clignement à la menace ou d’une fixation oculaire sans poursuite
visuelle est compatible avec le diag nostic d’état végétatif. En revanche
un EEG normal et réactif témoigne d’un état conscient. Dans certaines
situations, des méthodes indirectes comme l’IRM fonctionnelle ou les
potentiels évoqués cognitifs peuvent s’avérer utiles par la mise en évi-
dence d’activités cérébrales témoignant d’un état conscient (concept de
Functional Locked in Syndrome).
ÉTIOLOGIES
La figure 16-7 résume les principales étiologies, certaines sont rares
voire exceptionnelles. Les causes les plus fréquentes de coma sont :
— les traumatismes crâniens ;
— l’hypoxie/ischémie cérébrale ;
— les surdosages médicamenteux/toxiques (Chapitre 24) ;
— les accidents vasculaires cérébraux (hémorragique surtout, Cha-
pitre 15) ;
— les états de mal épileptiques (Chapitre 16) ;
— les méningo- encéphalites (Chapitre 5) ;
—les tumeurs cérébrales (compliquées d’épilepsie le plus souvent).
Certaines causes singulières sont présentées en tableau 16- XII parce
que de description récente (encéphalites auto- immunes, PRES), ou
438 LE LIVRE DE L’INTERNE EN RÉANIMATION
• TC (contusion,
lésions axonales
diffuses)
• Ischémie diffuse
(vascularite, embolie…)
• Thrombophlébite
• Hémorragie
méningée
• Hydrocéphalie
• Encéphalopathie
anoxique
• Méningo-encéphalite
• Épilepsie
• Tumeur (lymphome)
• HTA maligne
• PRES
• ADEM
• Creutzfeldt-Jakob
• AVC sylvien
malin
• Hémorragie
intra- cérébrale
• Abcès
• Tumeurs
• TC (contusion,
HSD, HED)
• Ischémie
• Hémorragie
• Abcès
• Tumeur
• Myélinolyse
centro- pontine
• Compression
par le cervelet
(tumeur, abcès,
infarctus,
hématome)
• TC
2/3 des cas 1/3 des cas
1/3 des cas 2/3 des cas
• SRIS /
Encéphalopathie
septique
• Hypoxie /
hypercapnie
• Hypothermie /
hyperthermie
• Hypoglycémie
• Dysnatrémie
• Hypocalcémie
• Insuffisance
hépatocellulaire
• Insuffisance
rénale
• Encéphalopathie
de Gayet-Wernicke
• Panhypopituitarisme
• Insuffisance
surrénalienne
• Dysthyroïdie
• Médicaments
Opioïdes
BZD
Antiépileptiques
Barbituriques
Tricycliques IRS
Neuroleptiques
Aspirine/
paracétamol
• Drogues
Opioïdes
Éthanol
Méthanol
Amphétamines
Cocaïne
• Intoxications
Monoxyde
de carbone
Éthylène glycol
Causes neurologiques
Lésions bi-
hémisphériques
Lésions
hémisphériques
avec effet de masse
Lésions directes
du tronc Toxiques Métaboliques Endocriniennes
Causes systémiques
Figure 16-7 Principales causes de trouble de la conscience (d’après Posner et al., 2007). SRIS : syndrome de réponse inflam-
matoire systémique ; TC : traumatisme crânien ; HSD : hématome sous- dural ; HED : hématome extradural ; PRES : Posterior
Reversible Encephalopathy Syndrome ; ADEM : Acute Disseminated Encephalomyelitis.
NEUROLOGIE MÉDICALE 439
parce que particulièrement fréquentes en réanimation (encéphalopa-
thies métaboliques, septiques).
PRONOSTIC NEUROLOGIQUE
La prédiction du retour à la conscience et surtout du handicap
est une préoccupation majeure pour le réanimateur mais à ce jour,
il n’existe pas d’algorithme simple qui pourrait s’appliquer indiffé-
remment à l’ensemble des comas. Les études portant sur le pronostic
des comas présentent souvent plusieurs limites. Le principal défaut
est celui de « prophétie autoréalisée », biais résultant d’une prise en
charge involontairement déterminée par le facteur pronostique évalué.
La définition du « bon pronostic », généralement un GOS supérieur à
3 (figure 16-8), est également un élément à prendre en compte.
La cause d’un coma en est le principal déterminant pronostique. Les
informations de l’examen clinique et des examens paracliniques (élec-
trophysiologie, imagerie, biologie) doivent donc impérativement être
interprétées selon le contexte étiologique.
Dans le cas du coma postanoxique, plusieurs marqueurs cliniques
et paracliniques de mauvais pronostic ont pu être déterminés sur de
grandes cohortes :
— état de mal épileptique myoclonique (EME- myoclonique, confirmé
à EEG) ou abolition bilatérale des potentiels évoqués somesthésiques
(PES) après J1 ;
— abolition des réflexes pupillaires ou cornéens ; Glasgow moteur
inférieur à 3 après J3.
Ces critères permettent d’obtenir une valeur prédictive néga-
tive (VPN) proche de 100 %. Cependant en cas d’hypothermie
• 1 mort
• 2 état végétatif persistant*
• 3 handicap sévère (conscient mais
dépendant)
• 4 handicap modéré (indépendant pour
les gestes de la vie courante)
• 5 handicap minime (reprise d’une activité
normale)
position du MCS
* > 12 mois après un TC sinon > 6 mois
Figure 16-8 Glasgow Outcome Scale (GOS).
440 LE LIVRE DE L’INTERNE EN RÉANIMATION
thérapeutique, ils peuvent être pris en défaut et il est conseillé d’ob-
tenir au moins deux marqueurs pour obtenir une VPN satisfaisante,
parmi :
— des PES abolis ;
— un EME myoclonique ;
— un EEG aréactif ;
— des réflexes pupillaires ;
— des réflexes cornéens abolis.
Les facteurs précités ont une faible valeur prédictive positive. La
présence d’une réactivité de l’EEG et la préservation des potentiels
évoqués cognitifs (MMN, P300) sont les principaux éléments paracli-
niques de bon pronostic.
POUR EN SAVOIR PLUS
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