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Symposium S-05.1 au 21
e
colloque de l'ADMEE-Europe
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Symposium S-05.1
au 21e colloque de l’Admee-Europe « Evaluation et développement professionnel »
Louvain-la-Neuve, Université catholique de Louvain, 21-23 janvier 2009
(Le contenu de ce texte est publié sous la seule responsabilité de l’auteur)
L
’
APPROPRIATION DE SAVOIRS PROFESSIONNELS ET LE DEVELOPPEMENT
DANS LA FORMATION DES ENSEIGNANTS
:
QUELS LIENS ENTRE MEDIATIONS
REFLEXIVITE ET REGULATION
?
Buysse, Alexandre, Université de Genève1 et Haute école pédagogique du Valais
Vanhulle, Sabine, Université de Genève1
1
Groupe de recherche Théorie, Action, Langage et Savoirs (TALES)
R
ESUME
:
Nos dispositifs de formation s'inscrivent dans une approche développementale de la
formation des enseignants, conçue sous un angle vygotskien selon lequel les interactions
et les savoirs professionnels sont considérés comme culturellement médiatisés. Dans
cette perspective, nous situons la pratique réflexive comme une des médiations inter-
psychiques fondamentales de l’appropriation des savoirs professionnels et du
développement professionnel.
Dans la perspective proposée, les apprentissages se caractérisent par un mouvement
spiralaire entre intériorisation des savoirs transmis dans les médiations inter-psychiques,
et internalisation progressive de ces savoirs intériorisés à travers les autorégulations qui
donnent un sens aux apprentissages médiatisés par les outils socioculturels. Cette
internalisation engendrée au niveau intrapsychique inscrit le développement
professionnel dans une "subjectivation des savoirs" qui dépasse leur seule appropriation
(Vanhulle, 2005a, 2008, à paraitre). Verbalisés dans les discours singuliers des
étudiants, ces savoirs se détachent en partie des formulations socio-culturellement
admises pour s’intégrer aux réseaux de sens propres à l’apprenant.
Notre hypothèse est que des médiations structurantes offertes en formation peuvent
induire un niveau de réflexion qui provoque un changement de la pensée plutôt que de
suivre un cycle réflexif « spontané », décrit comme une « maturation » par Pastré,
Mayen et Vergnaud (2006). Ces médiations auraient les propriétés de transmettre de
manière artéfactuelle les outils sémiotiques indispensables au développement. Ceux-ci
seraient ensuite l’objet d’autorégulations tant actives, sous contrôle attentionnel de
l’apprenant, que dynamiques, sans attention immédiate mais au caractère créatif et
profondément restructurantes (Buysse, 2007, 2008a, 2008b).
Notre recherche s'intéresse aux impacts de dispositifs fondés sur de tels principes.
Fondée sur des analyses des discours des étudiants, elle dégage des niveaux de
réflexivité à l'œuvre dans la construction des savoirs professionnels et met en avant les
systèmes d'autorégulation sur lesquels des médiations sémiotiques structurantes se sont
exercées. Il en ressort des propositions théoriques pour concevoir les liens entre
réflexivité, (auto)régulation et développement professionnel ainsi que des pistes
méthodologiques pour l’évaluation des productions des enseignants en formation.
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T
EXTE
:
Tout apprentissage s’inscrit à l’intérieur d’une forme culturelle d’action et de
réflexion historiquement marquée, située dans des pratiques sociales, médiatisée par des
langages, des interactions, des artéfacts. L’apprentissage est dès lors un processus de
prise de conscience de la logique historico-culturelle dans laquelle les objets de savoir
doivent se construire (Buysse, 2007, 2008a ; Vanhulle, 2004, 2008, 2009).
Les cursus de formation proposent des savoirs de référence, des référentiels de
compétences et des formats d’acquisition de ces savoirs et compétences que les
étudiants doivent s’approprier pour être jugés aptes à enseigner. La formation consiste
ainsi en une médiation de savoirs et de formes de régulation culturellement établies de
la pensée et de l’agir du futur enseignant (Buysse, sous presse ; Vanhulle, 2009).
On peut poser a priori que le développement professionnel se définit au-delà d’un
processus d’apprentissage professionnel caractérisé par la mise en œuvre de
compétences et de savoirs propres au métier - processus contrôlé par des attentes
académiques et sociales (Vanhulle, 2008). Et que ce développement professionnel peut :
soit, consister en une appropriation par le sujet des savoirs qui lui sont proposés en
formation, qu’il transforme et fait siens ; soit, s’étendre à une internalisation plus
profonde. Dans ce cas, le sujet entre dans un processus de reconstruction de ses rapports
aux savoirs constitutifs de son activité professionnelle et de reconfiguration de son
identité de praticien nanti de savoirs.
D’un cas de figure à l’autre, les médiations formatives sont investies selon leur
caractère contrôlant ou selon leur caractère plus structurant. Dans la foulée, les
régulations de la pensée et de l’agir varient depuis une dynamique externe
(hétérorégulation) vers une dynamique plus interne (autorégulation). Entre
apprentissage et développement, la régulation dépend ainsi de mécanismes qui vont, à
des degrés très diversifiés, de l’acquisition de compétences, gestes, savoirs, attitudes
attendus, à l’intériorisation de ces composantes, voire, à leur internalisation,
transformatrice des modes de penser, d’agir et de se positionner du sujet.
Précisons d’emblée que la frontière entre apprentissage et développement (sous les
deux grandes formes évoquées) n’est pas tranchée (par exemple, entre acquisition pure
et simple et intériorisation) ; qu’aucun processus linéaire ou séquentiel n’est directement
observable ; et que le processus d’apprentissage et de développement peut s’avérer plus
enchevêtré que consécutif. Cependant, l’analyse des discours des étudiants permet
d’inférer des évolutions, des changements. Elles montrent que la réflexivité qui entre
dans le processus de construction de savoirs professionnels peut se déployer selon des
champs, des niveaux, des foyers nouveaux, et que des paliers qualitatifs dans cette
évolution peuvent être observés.
Dans cette perspective, le rôle des médiations formatives, non seulement dans leur
caractère externe, mais aussi dans la manière dont les étudiants les réinvestissent - dans
leurs aspects contrôlants et structurants, semble prégnant. Entre autres, ces médiations
se manifestent dans l’usage des outils réflexifs que les étudiants sont incités à appliquer
pour construire leurs savoirs professionnels.
Nous concevons ainsi le développement sous un angle vygotskien, selon lequel la
construction des savoirs professionnels est culturellement médiatisée. Dans cet esprit,
nous concevons la pratique réflexive comme une des médiations inter-psychiques
fondamentales du développement professionnel, celui-ci se réalisant notamment dans
l’appropriation et la transformation des savoirs professionnels par le sujet (Buysse,
2008c, sous presse ; Vanhulle, 2008).
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Sur ces bases, deux questions se posent pour nous, qui ont été traitées dans deux
symposiums de ce congrès :
- Quels indicateurs (ou indices) permettent d’inférer des processus d’apprentissage
et/ou de développement professionnel à partir des discours (écrits) des étudiants
produits dans l’alternance ? (Vanhulle et Buysse, 2009, in symposium Marcel)
- Quelles médiations - intériorisées par les étudiants - influencent ces processus ?
C’est la question que nous traitons dans cet article.
Ces deux mêmes questions font l’objet d’une élaboration plus approfondie dans
Vanhulle & Buysse (à paraître).
1. De la médiation à l’internalisation
Comment les médiations formatives peuvent-elles conduire à une internalisation ?
L’interaction entre formateur et formé conduit dans un premier temps à une
intériorisation des savoirs de différentes origines liés à la profession enseignante, qu'ils
soient reliés à des références issues de la recherche en éducation ou à l'expérience. Cette
alternance entre les différents types de savoirs auxquels les étudiants sont confrontés ne
va pas sans qu’il y ait d’inévitables - et à notre sens, heuristiques - hiatus. Au centre de
l’intériorisation des savoirs référentiels et expérientiels, se situe la reconstruction par
l’apprenant des différents savoirs en un savoir professionnel. Cette interaction entre le
sujet et les offres de savoir conduisant à une première intériorisation constitue avant tout
une médiation contrôlante (Buysse, 2008a, sous-presse) lors de laquelle le contrôle de la
régulation est partagé entre l’espace formatif et le formé. Mais elle ne suffit pas en elle-
même à la poursuite par le sujet d’une intériorisation autorégulée et davantage marquée
par un processus d’appropriation que d’adaptation.
Entre autres, l’intériorisation passe par la prise de conscience par le sujet d’un
problème ou d’une réussite – que ce soit dans le cadre de l’expérience sur le terrain ou
de l’expérience théorique (Buysse, 2008a, à paraître), menant à une problématisation, et
une tentative de résolution se déroulant sous un contrôle attentionnel de l’apprenant.
Cette autorégulation active (Iran-Nejad, 1990) est nourrie du savoir-faire accumulé par
sa propre expérience, des savoir-faire transmis par un médiateur (pair, formateur), des
savoirs traditionnels de sa profession, mais aussi des savoirs académiques en lien avec
son activité.
Certains outils agissent en tant que médiation et permettent en général de la
prolonger, facilitant la poursuite de l’intériorisation au niveau intra-pschique que nous
qualifierons avec Brossard (2004) d’internalisation. Buysse fait l’hypothèse que celle-ci
dépend avant tout, de médiations structurantes, car seules ces médiations peuvent faire
l’objet d’une décomposition et d’une reconstruction par l’apprenant indispensable à
l’internalisation et au développement (Buysse, 2008a).
Parler de développement sous-entend une transformation du fonctionnement
psychique de l’apprenant, résultant de l’intégration de savoirs intériorisés en leur
donnant un sens par rapport aux savoirs préexistants. Une simple association aux
savoirs de l’apprenant ne saurait suffire (Vygotski, 1978). Cette intégration n’apporte
pas seulement des savoirs à l’apprenant : elle entraîne des changements de plans au
niveau des concepts qui modifient les modes de penser. En effet, pour pouvoir parler de
développement, cette restructuration doit permettre à son tour le déplacement de la zone
proximale de développement. Celle-ci est en effet indicative de ce que l’apprenant
pourra atteindre à partir de son niveau de développement actuel, déterminé par la
maturation déjà atteinte des fonctions intrapsychiques (p. 86), avec les apports des
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médiations dans la zone inter-psychique. Le processus n’est pas maturationniste : il
s’agit d’une restructuration des fonctions psychiques, générées au départ par des
interventions formatives médiatisant le processus. Il ne s’agit en aucun cas de permettre
la réalisation d’une tâche dans une sorte de zone d’apprentissage proximal qui ne
permettrait à toutes fins pratiques qu’une imitation différée malgré l’appropriation de
savoirs procéduraux et de savoirs conditionnels. Vu sous l’angle de l’analyse
piagétienne (Piaget, 1974 ; Inhelder et de Caprona, 1992), une réelle compréhension
d’un apprentissage (d’une réussite) consiste à donner un sens, ce qui est l’effet d’une
abstraction réfléchissante de la part de l’apprenant résultant en un dépassement du
système. L’internalisation à travers la création d’un sens dépassant la simple association
(Vygotski, 1978), suppose, toujours d’un point de vue piagétien, la reconstruction sur
un palier supérieur et par conséquent l’élaboration d’une série de nouveautés
irréductibles aux instruments du palier inférieur (Piaget, 1974).
Le développement réside ainsi dans la transformation du fonctionnement psychique
de l’apprenant, résultant de l’intégration de savoirs investis de sens, et pas uniquement
de leur association, à des savoirs préexistants (Vygotski, 1978).
Le développement dépend donc à la fois de l’intériorisation, qui peut être vue comme
l’apprentissage acquis et dépassant des aspects strictement adaptatifs, et d’une
internalisation subséquente dépendante à la fois de l’intériorisation suite à des
interactions et de l’auto développement de l’apprenant (Brossard, 2004; Buysse, 2008a).
Il ressort de ce qui précède une explication possible des manières dont les étudiants
intègrent à des degrés divers les outils réflexifs qui leur sont proposés pour analyser
leurs pratiques. Ces outils font appel à des stratégies métacognitives de résolution de
problèmes autant qu’à l’analyse des savoirs théoriques et de leur portée.
Vue sous cet angle, la pratique réflexive constitue une des médiations inter-
psychiques fondamentales de l’appropriation des savoirs professionnels (Buysse, 2008c,
sous presse) et du développement cognitif du sujet.
La pensée réflexive, pour Schön (Schön, 1983), est en effet un processus cognitif
continu, un retour de la pensée sur elle-même visant à faire émerger de nouveaux
savoirs et savoir-faire de la pratique (Vanhulle, sous presse). A notre avis, toute
formation à la pratique réflexive peut être vue comme étant accompagnée d’un
dispositif de médiation de l’apprentissage autorégulé tel qu’il ressort d’études portant
sur d’autres champs (Buysse, 2007, 2008b ; Zimmerman, 2005). Se basant sur une
relecture des descriptions de l’entraînement du praticien réflexif (Schön, 1987), Buysse
(sous presse) définit celui-ci comme un professionnel, en activité ou en formation, qui
utilise la réflexion sur et dans l’action en vue de résoudre les problèmes se posant dans
l’exercice de son métier ou en vue d’être conscient des solutions qu’il apporte. Il nourrit
cette pensée réflexive du savoir-faire accumulé par sa propre expérience, des savoir-
faire transmis par un médiateur (pair, formateur), des savoirs traditionnels de sa
profession, mais aussi des savoirs académiques en lien avec son activité. Il acquiert
ainsi non seulement une culture professionnelle composée de savoirs, de savoir-faire et
d’une manière de réguler, de résoudre des problèmes, qui sont propres à la profession,
mais aussi une approche réflexive de sa pratique.
La pratique réflexive peut dès lors être vue comme une médiation permettant de
surmonter le hiatus entre les différents savoirs proposés au formé, de le doter des
moyens de créer des savoirs professionnels, mais surtout de conscientiser l’abstraction
réfléchissante, de la sémiotiser, permettant ainsi de favoriser une subjectivation des
savoirs appropriés, un développement vers des structures supérieures permettant à leur
tour des appropriations plus complexes.
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Notre hypothèse est que des médiations structurantes peuvent induire un niveau de
réflexion et provoquer ainsi un changement plutôt que de suivre un cycle réflexif
« spontané », décrit comme une « maturation » par Pastré, Mayen et Vergnaud (2006).
Ces médiations auraient les propriétés de transmettre les outils indispensables au
développement. Ceux-ci seraient ensuite l’objet d’autorégulations tant actives, sous
contrôle attentionnel de l’apprenant, que dynamiques, sans attention immédiate mais au
caractère créatif et profondément restructurantes. Le formateur transmet certes des
savoirs mais induit une réflexivité garante de la création progressive et subséquente
d’un sens par l’apprenant. Ces interventions portent sur différents systèmes de
régulation, qu’ils visent l’action, les conceptions ou les sous-jacents (Buysse, 2008c,
sous-presse) et différents objets ou niveaux de réflexion, technique, contextuel ou
critique (Van Manen, 1977).
Ces outils de développement sont non pas simplement des instruments (par exemple,
les savoirs déclaratifs de la recherche pour pouvoir mieux exercer son travail) : ils
fonctionnent en tant que systèmes de signes (les savoirs doivent pouvoir se transformer
en concepts, en outils pour penser et agir).
C’est dans la mise en discours individuelle et collective que des savoirs
professionnels se construisent. Leur énonciation articule des savoirs de référence avec
des savoirs qui émanent de la pratique en milieu de travail et de l’expérience singulière
(Vanhulle, à paraître). Cette mise en discours indiquerait, à notre avis, le niveau de
subjectivation donc de développement.
2. Outils d’analyse
Il convient donc d’examiner la médiation des savoirs professionnels, et du
développement professionnel qui peut en découler, à travers les différents systèmes de
régulation et les niveaux de réflexivité sur lesquels s’exerce cette médiation (Buysse,
sous-presse). Les dispositifs de formation proposent en effet de nombreuses
médiations : interventions des formateurs, portfolios de développement professionnel,
les journaux réflexifs et autres outils, porteurs de manières diverses de médiations
contrôlantes et/ou structurantes.
Notre recherche repose sur les résultats d’un dispositif d’intervention longitudinale
menée auprès de futurs instituteurs. Ces résultats portent sur les parcours réflexifs et les
processus de subjectivation (Vanhulle, 2005a, sous presse).
L’outil d’analyse initial s’enrichit actuellement à partir d’indicateurs qui articulent
l'analyse de l'appropriation des médiations sémiotiques à l'analyse des processus
cognitifs à l'œuvre dans la construction des savoirs professionnels. Il croise nos
différents travaux antérieurs et en cours.
Nous procédons ainsi à des discours qui articulent :
1. D’une part, l’analyse des énoncés et de leurs mises en texte, selon les indicateurs
suivants :
- Les réélaborations thématiques effectuées par les étudiants sur les divers savoirs
de référence que leur formation théorique et pratique leur propose.
- L’ancrage de ces réélaborations dans les contextes de leur émergence, compte
tenu en particulier des expériences rapportées par les étudiants des situations de
travail qu’ils rencontrent.
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- L’expression de motifs « en vue de l’agir » (projections vers le futur) et de motifs
« parce que » (retour sur les actions accomplies) (Friedrich, 2001 ; Lenoir et
Vanhulle, 2006 ; Schütz, 1998).
- L’émergence d’un « devenir professionnel » avec ses formes d’intentionnalité.
- L’usage de types discursifs hétérogènes croisés entre raconter (interactif ou
autonome) et exposer (impliqué ou théorique) (Bronckart, 1996), révélant
l’émergence de « logiques d’action ».
- Les formes de l’énonciation subjective (Bronckart, 1996 ; Kerbrat-Orrecchioni,
1999) : modalisations du discours, prise en charge des voix d’autrui.
- Les propositions de savoirs à l’intérieur de « mondes représentés » (Habermas,
1987) référant à des lois, normes, valeurs pour concevoir son agir.
2. D’autre part, les paramètres qui conditionnent la production et la mise en forme
par le sujet de savoirs professionnels et qui dépendent :
- Des foyers sur lesquels se porte volontairement l’attention du sujet et des niveaux
de réflexivité qu’il mobilise (ou pas…) : technique ; contextuel ; critique, à travers
diverses opérations cognitives (reformuler, juger, relier, etc.).
- Des mécanismes de régulation dans lesquels le sujet s’engage
psychologiquement : portant sur des conceptions, des actions ou des « sous-
jacents » (affects, images de soi…).
- Des ressources (médiations) utilisées – intériorisées, internalisées – par les sujets
dans cette production.
Ces différents indicateurs sont ensuite entrés dans une seule grille d’analyse qui est
issue du croisement de différentes grilles d’analyse issues de nos recherches
concernant :
- Les systèmes de régulation (Buysse, 2008c, sous presse).
- Les niveaux réflexifs (Buysse, 2008c, sous presse) et les opérations et foyers
d’attention réflexifs (Vanhulle, 2002, 2005, 2008, 2009).
- Les processus de construction des savoirs professionnels (Buysse, id. ; Vanhulle,
id.) et les critères de définition des « savoirs professionnels » (Vanhulle, 2008,
2009).
Combinés avec
- Une analyse des sources de médiation.
3. Résultats
Nos analyses des différents discours des étudiants au fil de leur formation permettent
d’établir des paliers qualitatifs passant par l’acquisition de savoirs, leur appropriation et
leur subjectivation dans des savoirs professionnels. Partant, ces analyses permettent de
distinguer des niveaux et des mouvements itératifs dans cette construction, entre
appropriation et subjectivation des savoirs professionnels. Elles font ressortir ce que
nous considérons comme être des indices du développement caractérisés par la prise en
charge par les étudiants d'« expériences cruciales » générant des processus
d'autorégulation de leur pensée et de leur identité professionnelles.
En nous basant sur des descripteurs de l’écriture réflexive, du statut des savoirs dans
le discours, des régulations et des niveaux de réflexivité tels qu’ils ressortent de
l’analyse des discours, nous pouvons distinguer différents indicateurs du
développement.
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Nous distinguons ainsi, sur la base de nos résultats, différentes appropriations par les
étudiants de l’agir professionnel entre objectivation et subjectivation une :
- Acquisition du savoir à travers une grande part d’hétérorégulation ; les traces des
médiations sont omniprésentes, dans leurs dimensions contrôlantes, et
apparaissent comme les déclencheurs principaux de la régulation.
- Appropriation du savoir à travers une autorégulation qui s’inscrit au sein d’une
régulation partagée ; on décèle une cohérence interne du savoir et on peut parler
de compréhension, mais sans traces marquées de restructuration personnelle ; la
régulation peut ou non être basée sur une médiation, l’empan (niveau) réflexif
dépend en général de la médiation ; la médiation n’est pas totalement intégrée,
parfois elle est mentionnée mais pas exploitée.
- Internalisation à travers la création d’un sens en lien avec les savoirs tant
référentiels qu’expérientiels de l’apprenant ; il y a traces de restructuration en
cours à travers des autorégulations ; la régulation est généralement autonome,
l’empan réflexif dépend quelquefois de la médiation, la médiation est reconnue et
suivie ou alors critiquée.
- Expertise lors que la restructuration semble «installée » ; l’intentionnalité propre
apparaît en plus de l’expression de motifs attribués à l’agir ; des savoirs de
référence sont intégrés dans un discours en propre et/ou dûment référés à des
courants de pensée ; ces savoirs sont utilisés comme des outils pour penser l’agir.
Il ressort également de nos analyses que des médiations structurantes peuvent induire
un niveau de réflexion et provoquer ainsi un changement plutôt que de suivre un cycle
réflexif « spontané », décrit comme une « maturation » par Pastré, Mayen et Vergnaud
(2006).
4. Discussion
Ces médiations auraient les propriétés de transmettre les outils sémiotiques
indispensables pour que l’apprentissage professionnel génère du développement, celui-
ci se définissant par des processus d’internalisation et de subjectivation.
Celles-ci seraient ensuite l’objet d’autorégulations tant actives, sous contrôle
attentionnel de l’apprenant, que dynamiques, sans attention immédiate mais au caractère
créatif et profondément restructurantes (Buysse, 2008a, 2008b). Les savoirs
professionnels résultent du travail de sémiotisation lors de la mise en discours sous
l’influence des médiations investies dans leur caractère avant tout structurant.
On ne constate toutefois pas un quelconque processus par étapes que suivraient plus
ou moins tous les étudiants. Tous ne parviennent pas à un niveau élevé de subjectivation
en fin de formation et peuvent rester dans des démarches avant tout appropriatives,
voire adaptatives.
Pour autant, aucun étudiant ne peut être considéré comme « figé » dans l’un de ces
paliers. Le développement n’est jamais « arrêté », car il est lui-même porteur de sa zone
proximale de développement.
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Vanhulle, S. & Buysse, A. (2009, janvier). Évaluer l'impact des médiations structurantes en formation
initiale des enseignants sur leur développement professionnel : quels indicateurs prendre en compte
dans les discours réflexifs des étudiants ? In J.F. Marcel (Prés.), Indicateurs de la professionnalité.
Symposium en janvier 2009 dans le cadre du 21ème colloque de l'ADMEE-Europe.
Vanhulle, S. & Buysse, A. (à paraître). Évaluer l'impact des médiations structurantes en formation initiale
des enseignants sur leur développement professionnel : quels indicateurs prendre en compte dans les
discours réflexifs des étudiants ? In J.F. Marcel (Ed.), Indicateurs de la professionnalité. Questions
Vives 11, 5.
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