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Le régime des promesses technoscientifique

Authors:
  • French National Institute for Agricultural Food and Environment (INRAE)
Le régime des promesses technoscientifiques
Pierre-Benoit Joly, INRA/Lisis
(Joly, P.B. (2015). Le régime des promesses technoscientifiques. In Audétat, M.
Pourquoi tant de promesses, Paris : Hermann, pp.31-48)
Dans Le futur et ses ennemis”, le philosophe Daniel Innerarity (2012) nous
rappelle que l’espoir est l’un des fondements de la vie démocratique. Sans possibi-
lité de construire un horizon d’attente qui permet à un collectif d’envisager un de-
venir commun, le politique (au sens de la construction d’un monde commun) et la
démocratie (au sens de la deliberation publique et ouverte sur le monde commun)
sont menacés. Or, comme d’autres chercheurs qui s’intéressent particulièrement
au temps (Hartog 2003), Innerarity fait le diagnostic d’une crise du futur et il in-
siste sur la nécessité de le réenchanter. Selon lui, les “ennemis du futur” sont, pa-
radoxalement, au rang de ses plus ardents promoteurs:
“The future’s enemies must first be uncovered among those who seem to be its most fervent
supporters. They are found anywhere the future is trivialized and amid those who promote
unproductive accelerations with no concern for the costs of modernization. (…)
A good deal of the rhetoric of innovation (…) constitutes a trivialization of the future when it
is not inserted into a meaningful social context. (…)
There is the sense that future planning is only realized nowadays through technological prom-
ises or forecasts of economic growth. If modernist utopia regarded the future fundamentally
in terms of social innovation, our current rhetoric about the future seems to have restricted it
to areas of technological innovation or expansive marketplaces.” (Innerarity 2012: 4)
Dans des versions antérieures de mes réflexions sur les promesses technoscien-
tifiques (Joly, 2010), j’avais indiqué en en me référant à Antony Giddens que le
futur colonise le présent car les promesses créent un état de nécessité et s’opposent
à la liberd’imaginer plusieurs avenirs possibles (Giddens 2005). J’avais parlé,
en me référant à Jean-Pierre Dupuy, d’inversion de la flèche du temps (Dupuy
2002). Je n’avais pas assez mis en évidence ce que les promesses technoscienti-
fiques font au futur, même si ma revue des formes pathologiques permet d’identi-
fier les principaux problèmes. Ce texte me donne la possibilité d’aborder ce point
essentiel de façon plus frontale.
Dans cette contribution, je voudrais préciser les enjeux d’une analyse du-
gime de l’économie des promesses technoscientifiques, concept que nous avons
d’abord construit avec Arie Rip et Michel Callon dans le cadre de notre contribu-
tion à un rapport pour la Commission Européenne (Felt, Wynne et al. 2007, Rip,
Joly, Callon 2010) et sur laquelle j’ai retravaillé par la suite. Afin de mettre en évi-
dence ces enjeux, il est tout d’abord nécessaire de situer le concept par rapport à
un ensemble de concepts proches, notamment les imaginaires et les visions. Je re-
viens ensuite sur l’importance du régime des promesses technoscientifiques depuis
les années 1970. Dans la troisième section, je reprends l’analyse des pathologies
de ce régime.
Technique, temporalité, histoire – à propos d’imaginaires, de visions
et de promesses
Depuis une vingtaine d’années, le rôle des anticipations dans la création socio-
technique a fait l’objet de tout un ensemble de travaux. En remettant en cause
l’évidence du progrès technique il s’agit d’une part de considérer la façon dont
sont créés des horizons d’attente pour les nouvelles techniques. Il s’agit aussi de
prendre au sérieux l’activité créatrice et de saisir la façon dont des nouvelles tech-
niques sont pensées avant même d’exister. Il s’agit enfin d’examiner les différents
modes de coordination des activités orientées vers le futur, nécessairement mar-
quées par une forte incertitude à la fois technique et stratégique. Les problèmes de
coordination valent autant du côté de la construction (on voit ici l’importance des
dispositifs de prospective, des feuilles de routes, …) que dans les espaces d’utili-
sation. Au sein des STS, un groupe de chercheurs européens a travaillé sur l’ana-
lyse des anticipations techno-scientifiques (Brown et al. 2000, Borup et al. 2006).1
Ces recherches ont contribué à l’élaboration de trois concepts qu’il convient de
rappeler brièvement.
Un premier couple de concepts, imaginaire et vision, prend en compte la façon
dont des sources d’inspiration diverses interviennent dans la création technique.
1Voir aussi les articles publiés dans le numéro special de Technology Analysis & Strategic Man-
agement, 18(3–4), 2006.
2
La notion d’imaginaire a été utilisée dans des sens assez différents. Elle est
d’abord employée par Patrice Flichy dans l’analyse des techniques de l’informa-
tion et des communications et dans son analyse de la création de l’internet (Flichy
2001).2 Flichy indique que la sociologie de la traduction, orientée vers la constitu-
tion des nouvelles associations, a occulté cette dimension de l’innovation techno-
logique, alors que la notion d’imaginaire est mobilisée dans certains travaux amé-
ricains d’histoire des techniques, tels ceux de Leo Marx, de David Nye et de bien
d’autres (Flichy, Picon 2001). L’imaginaire constitue en effet une composante es-
sentielle de l’innovation car il donne une apparence presque tangible à des
concepts ou des idéaux qui en sont a priori dépourvus et compte tenu de sa dimen-
sion collective, il permet aux acteurs de l’innovation de coordonner leurs actions.
Flichy montre que les imaginaires des communautés qui ont inventé internet sont
encodées dans l’objet technique et en sont des éléments constitutifs : libre accès,
action distribuée, coopération dans des communautés de pairs,… Pour prendre en
compte le rôle des imaginaires, Flichy construit un modèle d’analyse qui reprend
l’idée de dialectique entre idéologie et utopie de Ricoeur : l’utopie est construction
d’alternatives, exploration des possibles alors que l’idéologie est essentielle pour
légitimer le pouvoir et souder l’identité d’un groupe. Une toute autre utilisation de
la notion d’imaginaire est celle proposée par Sheila Jasanoff dans ses travaux en
collaboration avec Sang-Hyun Kim (Jasanoff, Kim, 2009 et 2015), (Felt 2015). Il
s’agit d’analyser les répertoires dans lesquels la création de nouvelles techniques
puise ses repères et son inspiration. Comme pour Flichy, l’analyse se situe au ni-
veau des grands ensembles techniques (dans le cas de Jasanoff et Kim la produc-
tion d’énergie nucléaire en Corée du Sud et aux Etats-Unis). Mais l’analyse porte
ici sur des discours, des épistémés, des représentations sociales, des identités, des
référents symboliques et la construction de sens. La notion d’imaginaire est ici
inspirée des approches de Charles Taylor et de Cornelius Castoriadis, qui consi-
dèrent l’imaginaire social comme un sens commun qui fonde l’action en société et
une conception largement partagée de la légitimité. Les imagninaires socio-tech-
niques s’inscrivent dans une histoire longue qui fonde les rapports entre l’individu
et le collectif, entre liberté et solidarité, le rapport à l’Etat, le rapport à la connais-
sance, à la propriété,… Les imaginaires socio-techniques sont donc marqués par
une histoire qui s’inscrit dans le cadre des Etats-Nations. On peut ici mentionner
les travaux de Gabrielle Hecht (Hecht 2001). Si elle ne se réfère pas à la notion
d’imaginaire mais utilise le concept de régime technopolitique, son analyse3
montre bien que la possibilité de créer un ensemble socio-technique radicalement
nouveau s’appuie sur des éléments d’un répertoire national très ancien.
Le concept de vision est proche de celui d’imaginaire, mais à une échelle plus
réduite. Il s’apparente à celui de « mythe rationnel » utilisé en sciences de gestion
2 Bien que la version anglaise soit publiée par les Presses du MIT en 2007, cet ouvrage est
malheureusement très peu utilisé dans la littérature sur les imaginaires socio-techniques.
3 Hecht analyse la façon dont le programme français de production d’électricité nucléaire in-
carne une conception de la grandeur de la France et s’appuie sur un Etat fort, rationalisateur, cen-
tralisé et sur des corps d’ingénieurs tout puissants.
3
pour analyser les dynamiques de l’action collective dans des contextes de change-
ment (Hatchuel 2008). Adam Hedgecoe et Paul Martin définissent les visions
comme un type spécifique d’anticipation, à la fois spéculative et projective, qui
constitue un cadre stratégique pour les acteurs attachés à cette vision et qui
construisent des nouveaux réseaux socio-techniques (Hedgecoe, Martin
2003 :331). Des coalitions d’acteurs se forment autour de ces visions d’un ordre
socio-technique prospectif et contribuent à leur dynamique. On peut ainsi identi-
fier des visions alternatives dans des domaines émergents, soutenus par autant de
coalition d’acteurs : la pharmacogénomique (Hedgecoe, Martin 2003), la biologie
de synthèse (Hilgartner 2015),… Si l’on admet cette distinction conceptuelle entre
imaginaires (à des échelles amples –la Nation- et d’inscrivant dans la longue du-
rée) et visions (caractéristiques de coalitions d’acteurs et actives sur des périodes
de moyenne durée), se pose la question des interactions entre les deux niveaux.
Comme l’indique Stephen Hilgartner se pose la question de savoir quelle est la re-
lation entre imaginaires et visions (Hilgartner 2015). On peut probablement mobi-
liser ici la théorie de la structuration et considérer les imaginaires socio-techniques
comme des répertoires dont les éléments sont activés par les coalitions d’acteurs
qui construisent les visions. Les imaginaires sont à la fois des éléments constitutifs
et ils sont constitués au cours de l’action.
Les approches par les promesses technoscientifiques comportent plusieurs di-
mensions différentes. La promesse a d’emblée une dimension relationnelle car elle
sous-tend l’engagement crédible d’une partie envers une autre. La promesse est
généralement positive. Même si, dans des situations assez rares, on peut dire « si
tu fais cela, je te promets que cela va mal se passer ! » pour appuyer la crédibilité
d’une menace, en général on promet des jours meilleurs. A la différence des vi-
sions et des imaginaires pour lesquelles le contenu des agencements techniques
prime, ce qui est essentiel pour les promesses technoscientifiques, c’est donc l’ins-
tauration d’une relation, la création d’un horizon d’attente. Le contenu n’est qu’un
moyen au service de cette orientation vers le futur, de cette lutte contre l’irréversi-
bilité et l’imprévisibilité du processus déclenché par l’action (Harendt). C’est pro-
bablement Harro van Lente qui a le premier thématisé les promesses technolo-
giques (van Lente 1993). Les promesses sont essentielles dans la création techno-
logique car elles permettent aux acteurs de l’innovation de légitimer leurs projets,
de mobiliser des ressources et de stabiliser leur environnement (van Lente 1993 :
187). Pour les promesses, la question des échelles joue également. Les promesses
qui sont formulées à propos de technologies spécifiques (par exemple les techno-
logies membranairesou la TV haute définition étudiées par van Lente) s’inscrivent
dans un contexte de macro-promesses, celui par exemple de la croyance dans la
notion de progrès.
Le régime des promesses techno-scientifiques comme forme domi-
nante
Toute promesse technoscientifique doit convaincre un large public qu’elle
conditionne un avenir meilleur que les solutions alternatives, même si la réalisa-
4
tion de la promesse requiert des transformations majeures, parfois douloureuses.
Le phénomène des promesses techno-scientifiques est une caractéristique générale
de l’évolution technologique et de l’innovation et, sous des formes différentes, a
probablement toujours existé. L’histoire de l’électricité constitue un exemple em-
blématique (Marvin 1988). Plus près de nous, différents exemples illustrent la fa-
çon dont la rhétorique des promesses technoscientifiques impose une solution
technique comme point de passage obligé pour rédoudre des problèmes essentiels.
Deux exemple seulemet : la révolution verte conçue dans les années 1960 qui a
fait de la diffusion de variétés à haut rendement la solution de la faim dans le
monde (alors que, comme le montrent Amartya Sen et de Jacques Drèze, la faim
résulte d’un problème de distribution de ressources et non de disponibilité) ou en-
core la guerre contre le cancer annoncée par le Président Nixon en 1973 pour lan-
cer un ambitieux programme de recherche biomédicale (négligeant les causes en-
vironnementales du cancer, notamment l’exposition croissante aux produits chi-
miques).
Notre concept de régime des promesses technoscientifiques s’appuie sur ce
phènomène mais il désigne la façon dont il s’est systématisé pour devenir, depuis
une quarantaine d’années, le mode de gouvernance des nouvelles technosciences
(les biotechnologies et la génomique, les nanotechnologies, les neurosciences, la
biologie synthétique, la géo-ingénierie, etc.). Résumons ici les caratéristiques du
régime des promesses technoscientifiques que nous avons déjà exposées ailleurs
(Joly 2010).
La construction d’une promesse technoscientifique répond à deux contraintes
contradictoires : la contrainte de nouveauté radicale et celle de crédibilité. Pour re-
prendre l’expression de Francis Chateauraynaud, la promesse technoscientifique
est déjà -mais pas encore- là » (Chateauraynaud 2013). La première étape dans la
production d’une promesse est la problématisation. La phrase : «Vous avez un
problème et j’ai la solution » qui instancie le faiseur de promesses comme un
point de passage obligé – implique la définition du problème qui doit être résolu.
Par exemple, depuis les années 1980, les promoteurs des OGM prétendent qu’il
s’agit de la solution au problème de la faim dans le monde. Aujourd’hui, ils pré-
tendent que les OGM sont nécessaires pour résoudre le réchauffement climatique
et être la clé d’une agriculture durable. Pour que cette demande soit crédible, les
biologistes moléculaires ont disqualifier des solutions alternatives. Ils se sont
ainsi employés à présenter la sélection végétale comme une vieille technologie
dont le potentiel était épuisé (Joly, Ducos, 1993). Le même phénomène s’est pro-
duit avec les nanotechnologies (McGray 2005). Pour ne prendre qu’un exemple –
dans un domaine où les promesses se multiplient –, considérons cette citation du
sous-secrétaire au Commerce des États-Unis pour la technologie lors d’une confé-
rence du réassureur Swiss Re sur les nanotechnologies (décembre 2004) :
“Given nanotechnology’s extraordinary economic and social potential, it would be unethical,
in my view, to attempt to halt scientific and technological progress in nanotechnology. Nan-
otechnology offers the potential for improving people’s standard of living, healthcare and
nutrition; reducing or even eliminating pollution through clean production technologies; re-
pairing existing environmental damage; feeding the world’s hungry; enabling the blind to
5
see and the deaf to hear; eradicating diseases and offering protection against harmful bacte-
ria and viruses; and even extending the length and the quality of life through the repair or re -
placement of failing organs. Given this fantastic potential, how can our attempt to harness
nanotechnology’s power at the earliest opportunity—to alleviate so many earthly ills—be
anything other than ethical? Conversely, how can a choice to halt be anything other than un -
ethical? » (cité par Rip, 2006).
Plus le problème est grave et urgent, plus la promesse est attractive et plus légi-
times seront les décisions. Le régime des promesses technoscientifiques est ainsi
fortement associé à une logique d'urgence, qui peut résulter de la gravité du pro-
blème à résoudre mais aussi bien souvent de la nécessité de garder son rang dans
la compétitiion économique internationale. Les promesses sont d'autant plus im-
portantes que l'innovation ou le changement technologique nécessitent d'énormes
ressources pour le financement, l’adaptation de la réglementation, la conception de
cadres politique adéquats, la fabrique de nouveaux usages et de nouveaux utilisa-
teurs, ... Il faut alors convaincre des auditoires hétérogènes de la nécessité et de
l’urgence de la nouvelle technique et donc adapter les discours à ces différences
audiences. Les biotechnologies et les nanotechnologies sont deux exemples qui
illustrent parfaitement le phénomène. La fabrique de ces expressions a en soi un
effet performatif ; une nouvelle technologie existe d’abord parcequ’elle est nom-
mée. Kaushik Sunder Rajan (2007) pour les biotechnologies et Paul McGray
(2005) pour les nanotechnologies ont analysé comment le « battage » (hype) est
orchestré par des groupes d’acteurs qui font le marketing du nouveau domaine.
Pour ces deux auteurs, un régime de promesses technoscientifiques prend en
compte le décalage systématique entre les anticipations et les réalisations, intègre
les inévitables déceptions que provoque un tel décalage.
Si une promesse technoscientifique doit être légitime, le second ingrédient est
la crédibilité. La production de la crédibilité est depuis longtemps un thème clas-
sique des STS. Pour qu’une théorie scientifique soit crédible, sa validité est une
condition ni nécessaire ni suffisante. La crédibilité résulte de pratiques sociales et
culturelles situées. Il existe bien sûr des différences évidentes entre les énoncés
scientifiques et les promesses techno-scientifiques. Les énoncés scientifiques
concernent des recherches déjà réalisées. Les promesses sont par définition spécu-
latives, et couvrent un champ plus large ; et les destinataires ont bien peu de
moyens pour apprécier leur validité. Toutefois, comme les énoncés scientifiques,
les promesses techno-scientifiques doivent bénéficier du soutien d’un cercle de
spécialistes. Sinon, elles ne peuvent pas résister aux oppositions qui se manifestent
soit dans les arènes scientifiques soit dans les arènes publiques. Différence impor-
tante, outre pour les scientifiques du noyau de spécialistes, les promesses doivent
être crédibles pour un ensemble d’acteurs hétérogènes comme par exemple : les
agences gouvernementales, les entreprises privées, les sociétés de capital-risque,
etc, qui doivent aussi passer le test de l’opinion publique.
L’une des principales ressources rhétoriques pour la production de crédibilité
dans les arènes publiques est la « naturalisation » du progrès technologique. On en
observe une version extrême lorsque les spécialistes se réfèrent à des lois natu-
6
relles pour faire croire au caractère inéluctable de l’évolution technologique : la loi
de Moore (l’efficacité de la technique double tous les 18 mois) d’abord pour l’in-
formatique, puis pour la génomique et loi de Gabor (tout ce qui est techniquement
possible se réalisera). La référence à une « loi » suggère qu’il n’existe aucun
moyen d’échapper à l’avenir.
Pour les scientifiques et les technologues, l’économie des promesses techno-
scientifiques est associée à des cycles de crédit (et de crédibilité). Pour convertir
crédibilité scientifique en crédit financier, souvent à un stade très précoce, les
droits de propriété intellectuelle sont cruciaux. Cela favorise de nouvelles relations
entre la recherche, l’enseignement supérieur et l’industrie, et conduit à breveter
des connaissances de base, ce qui n’était guère envisageable avant les années
1970.
Pour la légitimité et pour la crédibilité, les questions d’échelle comptent. Les
biotechnologies apparaissent tout d’abord dans les années 1970 comme un nou-
veau terme parapluie qui permet d’attirer des ressources. Il en est de même pour
les nanotechnologies à la fin des années 1990 et la biologie synthétique dans les
années 2000. Les biotechnologies recouvrent toute une gamme de domaines tech-
no-scientifiques, et des promesses sont faites de façon récurrente sur les nouvelles
vagues technologiques telles que les protéines recombinantes, la thérapie génique,
la génomique et la postgénomique, les cellules souches, etc. Chaque vague est for-
mée par une myriade d’innovations élémentaires. Il y a donc clairement une dyna-
mique caractérisée par des interactions entre les niveaux supérieur (légitimité) et
inférieur (crédibilité) : chacun implique différents types d’épreuves et, au-delà, les
interactions entre niveaux influent sur la dynamique de la promesse techno-scien-
tifique. Ainsi, en principe, les promesses génériques ne sont pas soumises à des
tests de validité ; cependant, le niveau de confiance dans les promesses génériques
peut évoluer, à la suite de divers facteurs, y compris une incapacité d’un niveau in-
férieur à réaliser ce qui était promis (Van Lente et al. 2010). L’échec de la théra-
pie génique a entraîné une appréciation critique de la promesse des biotechnolo-
gies dans leur ensemble, notamment par les principales autorités publiques (FDA,
2004).
La thèse de l’existence d’un régime des promesses technoscientifiques tient à
l’intensification et à la systématisation du recours à de telles anticipations pour
gouverner la recherche scientifique et technique. Cette intensification est renforcée
par trois éléments complémentaires. Tout d'abord, depuis les années 1970, nous
vivons dans un régime d'historicité (Hartog 2003) où l'avenir est contesté et où il
constitue plus une menace qu’une source d'espoir. Deuxièmement, dans ce
contexte, la recherche et l'innovation sont maintenant souvent présentées comme
la seule façon de résoudre les problèmes, de répondre aux « grands défis socié-
taux ». Cela peut être observé en Europe, d'abord avec l'agenda de Lisbonne
(2001) et le discours de l'économie de la connaissance et plus récemment avec Ho-
rizon 2020. Le troisième élément est observé au niveau micro. L'impact de la nou-
velle gestion publique sur la recherche signifie que les acteurs, des individus aux
organisations, doivent démontrer leurs impacts sociétaux et promettre que leurs re-
cherches contribueront à résoudre les grands problèmes de société. Ces trois élé-
7
ments ont un effet systémique et produisent une nouvelle forme de gouvernement,
un régime des promesses technoscientifiques. L’attention accordée par la re-
cherche aux besoins sociétaux n’est évidemment pas criticable en soi. Mais le ré-
gime des promesses soulève des questions cruciales car il construit une relation bi-
univoque entre problèmes sociétaux et recherche.
Le régime des promesses technoscientifiques, ennemi d’un futur en-
chanté
Pourquoi ce régime des promesses technoscientifiques constitue-t-il une me-
nace pour le futur ? En identifiant ce que j’ai appelé les pathologies de ce régime,
je montre en quoi les relations instaurées entre la science, la technique et la société
posent problème.
Les promesses technoscientifiques et leurs publics
Le régime de l’EPT fonctionne avec une conception spécifique de la gouver-
nance et des rapports de pouvoir : une division du travail entre les promoteurs de
la technologie d’une part, et la société civile de l’autre : « Let us (= promoters)
work on the promises without too much interference from civil society, so that you
can be happy customers as well as citizens profiting from the European social
model. » Le rapport Aho (2006) pour la Commission européenne est explicite sur
cette conception lorsqu’il recommande :
The need for Europe to provide an innovation-friendly market for its business […]. This
needs actions on regulation, standards, public procurement, IPR and fostering a culture which
celebrates innovation.”
Et plus loin :
« Europe and its citizens should realize that their way of life is under threat but also that the
path to prosperity through research and innovation is open if large scale action is taken now
by their leaders before it is too late. »
En plus de la nécessité de promouvoir une culture de l’innovation, de sorte que
les promesses rouveront un terrain fertile, le régime des promesses technoscienti-
fiques reconnaît également la nécessité d’intégrer la société et les réactions du pu-
blic à un stade précoce des processus d’innovation. Les leçons tirées de la biotech-
nologie et, à d’autres égards, des produits pharmaceutiques, ont joué un rôle im-
portant. De grandes promesses provoquent inévitablement de grandes préoccupa-
tions. Ainsi, la promotion des nanotechnologies aux États-Unis et en Europe s’ac-
compagne d’un examen des aspects éthiques, juridiques et sociaux actuels et fu-
turs, ainsi que de l’impératif de participation du public.
Néanmoins, les promoteurs de l’innovation technologique et les responsables
politiques voient généralement les acteurs de la société civile comme un « pu-
blic », en proie à des peurs irrationnelles, et qu’il faut suivre et observer avec des
sondages d’opinion. On a même pu parler des « peurs de la peur du public » (Rip,
2006) pour souligner la fragilité de cette conception de la société civile, qui s’ins-
crit encore dans le « modèle du déficit » dont les chercheurs en sciences sociales
8
ont démontré le caractère inapproprié (Wynne, 1992). Mais rien n’y fait : ni les
analyses de ces chercheurs, ni la curiosité des citoyens pour les nouveautés scien-
tifiques et techniques, ni la confiance dans les institutions scientifiques mise en
évidence par les sondages (y compris l’Eurobaromètre). Le mythe d’un public en
proie à des peurs irrationnelles et qu’il convient d’éduquer et de rassurer constitue
le schéma intangible dans lequel les promoteurs des nouvelles technologies ins-
crivent leurs rapports aux autres acteurs.
Les bulles spéculatives des promesses techno-scientifiques
Les promoteurs des promesses techno-scientifiques sont des marchands d’es-
poirs et ne manquent pas d’exagérer les possibilités des solutions technologiques.
Les promesses se comportent ainsi comme des bulles spéculatives : les attentes gé-
nèrent un surinvestissement qui conduit inévitablement à des déceptions lorsque
les résultats ne sont pas au rendez-vous, ce qui provoque une baisse de moyens.
Fait intéressant, les récents modèles de gestion de l’innovation ont intégré ce phé-
nomène. Le cycle hype/hope/disappointment a été identifié dans les années 1990
par Gartner, une des plus grandes sociétés de conseil informatique dans le monde.
L’idée de base est que les nouvelles technologies ont tendance à suivre des trajec-
toires différentes du battage médiatique. Dans la vision du monde selon Gartner, la
visibilité des nouvelles technologies grimpe rapidement vers des sommets sous
l’effet d’une excitation initiale pour la nouveauté. Cette phase est suivie par un
« creux de la désillusion », phase au cours de laquelle les attentes démesurées sont
confrontées à la réalité. Puis, les technologies gagnant progressivement en effica-
cité, leur visibilité commence à croître à nouveau à un rythme plus mesuré.
Ce modèle a été critiqué par plusieurs spécialistes des modèles d’innovation
(voir par exemple Borup et al., 2006). Cependant, bien que techniquement justes,
ces critiques manquent un point important : l’intérêt du cycle hype/hope/disap-
pointment réside dans la vision du monde sur laquelle il se fonde. Le modèle sup-
pose qu’il existe un décalage systématique entre la dynamique des opinions so-
ciales – marquée par la vitesse et l’accélération – et les processus de création tech-
nologique – qui ont une forte inertie. Dans ce contexte, tout le monde veut la tech-
nologie avant qu’elle existe. C’est un monde bien étrange, si différent de ceux qui
fondent les modèles de diffusion à l’ancienne !
L’un des effets du cycle est de naturaliser la désillusion. Par conséquent, il n’y
a pas de responsabilité dans les promesses qui nourrissent le battage médiatique et
l’espoir, il y a juste un cycle « naturel ». Une telle représentation occulte évidem-
ment des problèmes essentiels. Considérons par exemple les technologies de la
santé, à juste titre appelées « technologies de l’espoir » par Sarah Franklin. Les
promesses peuvent générer des attentes chez ceux qui souffrent de maladies incu-
rables et peuvent conduire à de douloureuses déceptions. Le cas des OGM offre un
exemple intéressant de la manière dont les attentes relatives à un traitement médi-
cal ont été mises en évidence afin de favoriser l’acceptation de la technologie.
Dans le débat français, les militants anti-OGM ont été accusés d’entraver l’accès
au traitement pour les enfants atteints de mucoviscidose parce qu’ils s’opposaient
9
à la production de maïs transgénique exprimant une lipase gastrique. On a ensuite
mis en évidence que les alternatives aux plantes génétiquement modifiées existent
et que les risques liés à la dissémination du pollen devaient être pris au sérieux. Ce
cas illustre les questions morales associées au régime des promesses technoscienti-
fiques.
Ce modèle du cycle hype/hope ne nous apprend pas grand-chose concernant les
promesses qui ne sont pas tenues. Les retours critiques sur de tels cas peuvent ce-
pendant être très instructifs, comme le montre un travail en ce sens de Nightingale
et Martin (2004) dans le cas des biotechnologies médicales. Ce type d’analyse
pourrait très utilement être développé.
Rupture technologique ou contrôle et sécurité ?
Les promesses techno-scientifiques sont fondées sur une rhétorique de la nou-
veauté et de la rupture. Étant donné que la mobilisation de ressources requiert de
disqualifier les approches traditionnelles, les promoteurs soulignent généralement
la nouveauté radicale de la technologie et font miroiter les perspectives grandioses
qu’elle laisse entrevoir. Cependant, une telle discontinuité signifie qu’il y a une in-
certitude radicale sur la façon dont la nouvelle technologie peut influer sur la santé
et l’environnement, ou encore qu’il peut y avoir des incertitudes ontologiques.
Cela explique que les discours sur les nouvelles technologies suivent un schéma
commun (Larrère, 2009). La technologie est présentée comme radicalement nou-
velle lorsque ses promoteurs s’adressent aux investisseurs, aux décideurs ou aux
offices de brevets, ou encore à des publics enrôlés dans l’aventure technologique.
Mais ces mêmes acteurs s’empressent de clamer que cette même technologie n’a
rien d’inhabituel (nous avons modifié des organismes vivants de tout temps, la na-
notechnologie ne change rien, il s’agit juste de faire plus petit et plus rapide,…)
lorsque pointent les inquiétudes et les contestations. La rencontre de ces deux dis-
cours contradictoires est une source de méfiance.
Il y a donc un problème de communication associé au régime des promesses
technoscientifiques, mais il y a aussi quelque chose de plus profond. Dans un tel
régime, les promoteurs ont tendance à surestimer la capacité de contrôle associée à
la puissance des nouveaux outils. Par exemple, le génie génétique a été présenté
comme une technologie plus propre et plus précise que la sélection végétale. La
promotion des OGM a donc été basée sur une représentation des gènes et de la
biologie moléculaire qui est maintenant considérée comme largement inexacte
(voir Fox Keller, 2000, sur ce point). La même chose s’applique aux nanotechno-
logies (Rip, 2006). La promesse du contrôle de la matière à l’échelle nanométrique
est un élément récurrent dans les déclarations publiques sur les nanotechnologies.
Contre cette vision du contrôle et de la maîtrise, Jean-Pierre Dupuy suggère de fa-
çon tout à fait convaincante que les créations des nouvelles technologies sont mar-
quées par un art du bricolage sophistiqué, car les effets produits par les objets et
systèmes complexes qui sont manipulés ne sont pas prédictibles ; compte tenu des
propriétés émergentes de ces systèmes complexes, il n’existe aucune possibilité de
prédiction, nous avons à expérimenter. Ainsi, ces technologues sont des apprentis
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sorciers intentionnels (Dupuy, 2002). Le problème avec le régime de l’EPT est
qu’il oblige tous les acteurs à courir après la nouveauté, transformant ainsi la so-
ciété en laboratoire (Krohn, Weyer, 1994).
Un processus d’engrenage : promesses et prophéties de malheur
Les réactions qu’elles déclenchent sont à la hauteur des promesses. De grandes
promesses peuvent conduire à des discussions interminables sur des fictions, dé-
tournant ainsi des problèmes importants et bien réels. Prenons le cas de la nano-
technologie, avec les débats suscités par l’amélioration de l’espèce humaine ou
avec la controverse sur la grey goo. Ces débats ont contribué à faire connaître les
nanotechnologies, mais ils ont attiré l’attention vers des questions qui n’avaient
rien à voir avec la réalité des recherches et avec les enjeux économiques et indus-
triels.
La recherche biomédicale est un autre exemple extrême les (bio)technolo-
gies de l’espoir excluent d’autre futurs et d’autre façons de concevoir les pro-
blèmes de santé et les solutions non techniques (Rose 2005). Les recherches bio-
médicales mobilisent les ressources, souvent sur des cibles intéressantes du point
de vue de la prouesse technique mais non significatives en termes de santé pu-
blique alors que les épidémiologistes ont montré que les troubles courants tels que
l’obésité, les ulcères d’estomac et les maladies cardiaques sont déterminés par des
facteurs environnementaux et socio-économiques. Dans ce sens, Nightingale et
Martin (2004) affirment à juste titre :
Unrealistic expectations are dangerous as they lead to poor decisions, misplaced hope, and
distorted priorities, and can distract us from acting on the knowledge we already have about
the prevention of illness and disease.”
Ces arguments renvoient à la critique de la technicisation du social et du poli-
tique. La technique peut beaucoup mais elle ne peut pas tout ! Mais il faudrait aller
plus loin et examiner dans quelle mesure les promesses technoscientifiques ont
pour fonction de créer un état de nécessité qui permet de cacher des intérêts parti-
culiers. La révolution verte a d’abord été conçue comme un instrument géopoli-
tique pour garder les économies du tiers-monde dans la sphère d’influence des
pays capitalistes et freiner les mouvements en faveur de la réforme agraire (Cor-
nilleau & Joly 2014). La guerre contre le cancer a été façonnée par les lobbies du
complexe médico-industriel états-uniens (Coleman 2013) et elle a renforcé les po-
sitions de ceux qui produisaient l’ignorance sur les sources environnementales des
cancers (Proctor 1995).
Conclusions
Comme l’indique Daniel Innerarity (2012), il est actuellement d'une importance
cruciale de défendre le futur face à ses ennemis et de recréer une politique de l'es-
poir. Cela signifie que nous devons trouver des moyens pour faire face collective-
ment aux défis actuels que nous avons à traiter, des façons d’organiser des débats
sur les possibilités de la recherche et de l'innovation pour relever ces défis, et aussi
trouver les moyens sérieux intégrer ces questions dans nos institutions démocra-
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tiques.
Dans cet article, je soutiens que le régime technoscientifique est l'un des enne-
mis du futur. Ceci est lié à la façon dont il reproduit une séparation nette entre
ceux qui formulent la promesse et ceux qui sont censés l'accepter. Ce régime am-
plifie la méfiance dans nos institutions politiques et dans la capacité de la re-
cherche à résoudre les problèmes importants.
Cela ne signifie pas que les politiques publiques qui visent à diriger la re-
cherche et innovation vers les grands défis sociétaux soient une impasse. Au
contraire, ce tournant est d’une extrême importance mais il est menacé par les ha-
bitudes et les routines du régime des promesses technoscientifiques. La reconnais-
sance de ce régime et de ses problèmes constitue donc un impératif auquel ce texte
entend contribuer.
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... Futures studies (FS) which include scenarios, foresight and road mapping, are among the tools and practices used to express expectation coherently. Such FS contribute to the construction of the regime of techno-scientific promises, and to influencing the mode of governance of science and technological development (Joly, 2015). In political arenas, FS are a part of promise-making activities, and are strategic instruments that help shape visions of a technology, by proposing possible scenarios (thereby excluding other possible scenarios). ...
... Among them are FS such as technology forecasting and assessment, back casting, road mapping, scenario methods, foresight, etc. These contribute to the shaping and evolution of visions and expectations (Joly, 2015) as well as constitute "formal articulations of possible futures" amid many more informal activities of future-making (van Lente, 2012). They reveal in part, the axes of the argument and the hypotheses on which the anticipations delivered are based. ...
... In doing so, they contribute to the building of a shared agenda (van Lente, 2012). • FS have a performative character (Hedgecoe & Martin, 2003;Jasanoff & Kim, 2015;Joly, 2015) by reinforcing the legitimacy and credibility of certain promises if their results are in line with them. They can go so far as to contribute to locking in certain technological trajectories with dominating representations (Lumbroso, 2019). ...
... 4) How can we characterise the use of emotion-based vocabulary in abstracts and introductions of QML papers from a discourse analysis perspective? 5) How are the dynamics of power [24] inside deep-tech and QSTs impacted by the appetite for QML? 6) How can the support for QML be understood in the context of a rhetoric of innovation [25]? And in this context, what are its true efforts towards embedding itself in a meaningful social context [25]? ...
... 5) How are the dynamics of power [24] inside deep-tech and QSTs impacted by the appetite for QML? 6) How can the support for QML be understood in the context of a rhetoric of innovation [25]? And in this context, what are its true efforts towards embedding itself in a meaningful social context [25]? 7) What kind of bond have experts (and general audiences) created with QML and how can this be understood as the new type of social bonding beyond the human-human and towards the human-technological object [26]? ...
Preprint
Full-text available
Quantum machine learning has received tremendous amounts of attention in the last ten years, and this trend is on the rise. Despite its developments being currently limited to either theoretical statements and formal proofs or small-scale noisy experiments and classical simulations, this field of quantum technologies has been consistently standing in the spotlight. Moreover, the locus of attention seems to have been skewed towards three central questions: "Can we beat classical computers?", "How?" and "When?". In this work, I argue that focus on quantum machine learning stems from a wide range of factors, some of which lie outside the discipline itself. Based on both recent and key publications on the subject as well as general audience sources, I give a brief overview of the core questions being raised in quantum machine learning and propose a socio-epistemologic interpretation of the motivations behind those and interplay between them. Index Terms-quantum machine learning, sociology of science, philosophy of science, epistemology
... Likewise, the research conducted emphasized that entrepreneurs are aware of the limits of their sustainability impact assessments and of their current actual impact (Article 1, Article 3). In that context, encouraging a sustainability impact assessment for startups solely based on their potential impact creates an "economy of promise" (Joly, 2015), where entrepreneurs' ability to obtain resources depends more on approximate assumptions than on actual practices. Such an economy of promise reached its limits as it led to criticism, and company are now expected to argue and demonstrate their actual current impact. ...
Thesis
Full-text available
Traditionally known for their contribution to innovation and the economy, startups are now considered promising organizations for addressing social and environmental issues. However, turning to startups is not straightforward. Not only does such an expectation add to the already challenging task of launching a startup, but the contribution of startups to sustainability is difficult to determine due to the uncertainty that characterizes them. Therefore, the aim of this research is to explore how startups tackle sustainability given the significant uncertainty. While the literature has extensively explored the practices of large companies, little information is available for smaller ones. According to the literature, they not only face less pressure from stakeholders but also seem to perceive fewer benefits in engaging in sustainable development. The field of sustainable entrepreneurship has begun to fill this gap, but the specific case of startups remains largely overlooked. Providing such knowledge is crucial not only for startups but also for their stakeholders and decision-makers who currently lack information on what to expect from startups in terms of social and environmental impact. So far, research has demonstrated the complexity of the subject and suggested frameworks for assessing their contribution to sustainability. However, startups’ perspective is lacking, especially on how they tackle in the absence of shared norms and practices in the entrepreneurial ecosystem. Given the novelty and complexity of the phenomenon, an exploratory approach was favored. A 36-month action research in an incubator of young innovative startups allowed the collection of various types of data, including direct observations, interviews, and archival documents. Instead of aiming for generalization, this qualitative and comprehensive approach seeks to reveal the practices, challenges, and trade-offs of the actors to better understand the mechanisms at play and how actions are taken. The research drew inspiration from issues met on the field, following an abductive process where surprises led to the identification of sub-research questions. The results are articulated around three research articles, highlighting different aspects of the phenomenon. Sustainability for startups is seen as part of the entrepreneurial process (1), as embedded into an entrepreneurial ecosystem (2), and as a new requirement demanded by public actors (3). The immersive framework revealed that actors acted in favor of sustainability based on the meaning they attributed to this still abstract concept, and that this meaning continually evolved through an interactive and interpretative process. Such a symbolic interactionist perspective enriches the literature by proposing an original approach to describing the management of uncertainty in a complex problem. By combining the results of the three research articles, the thesis focused on an entrepreneurial ecosystem in transition and suggested a new definition for sustainable startups. In line with the collective and contextual approach, the research mobilized the concept of improvisation to emphasize that sustainability for startups is not a static object, leading startups to consider their changing environment. The processual approach contributed to both the literature on sustainable entrepreneurship and the emerging field of research on evaluating the impact of sustainability for startups. Practical recommendations for startups and decision-makers were also provided.
... L'observatoire serait un instrument porteur d'une volonté de démocratisation de l'information (Lenormand, 2011). L'instrument observatoire foncier est mobilisé et mis en avant en tant que promesse sociotechnique susceptible d'apporter des réponses à des problèmes politiques (Briday, 2019 ;Joly, 2015). Cette piste de réflexion fait écho à l'essentiel des travaux de politique publique consacrés à la question de l'instrumentation qui adoptent une orientation fonctionnaliste. ...
Technical Report
Full-text available
GRISLAIN, Q. (2023). Connaître ou mettre en débat, alerter ou éclairer la décision : trajectoires et appropriations des observatoires fonciers en Afrique (1980-2021). Collection Recherche. Paris, Comité technique « Foncier & développement » (AFD-MEAE).
... Aside from technical solutions and promises (Briday, 2019;Joly, 2015), innovative proposals regarding data and cartography should be accompanied by structural organizational changes. This would entail cooperation between local authorities, decentralized state services, and new external services that do not yet exist but would provide important support outside of the partisan and political logics that are not always focused on the common good. ...
Article
The Senegalese delta, like many other agricultural territories in the Global South, is experiencing changes in agricultural trajectory. These changes are related to the promotion of competitive and performance-based forms of agriculture. In a context of tense relations between farmers and herders, the quest for equitable access to land, which is a guarantee of peace, stability, and balanced economic and social development, is being called into question by the arrival of capital investors and new actors that are highly supported by the State. This situation raises questions about two important issues: (i) the challenge of the sustainable management of natural resources, especially land; and (ii) the socio-political stakes related to the fact that land is a sensitive resource, both politically and socially. The situation is exacerbated by the fact that dominant discourses are being built around representation of unused and available lands. The aim of this article is to address this controversy by questioning land-use planning processes and tools and underlining the reality depicted. We demonstrate that discourses around land availability are built upon sectoral visions that tend to overshadow the realities of land use. Indeed, livestock farming and particularly its mobile form (i.e., pastoralism) is rendered invisible by not being considered in the majority of land-use and agricultural policies. Through a participatory survey of campsites, we show that gathering basic information on livestock farming should not to be reduced to technical issues. Beyond that, we acknowledge that these land-use issues are rooted in sector-based and neoliberal visions of development. We conclude by discussing the importance of effective decentralization in financial and technical means and the development of systemic proficiency that goes beyond normative sectoral views to acknowledge and act on territorial development.
Article
At the intersection of the “digitalization” and the “climatization” of the agricultural sector grows a promise of the “decarbonization” of agriculture by “start-ups.” Based on a qualitative study (40 interviews, 9 days of observation, documentary analysis), this article is a contribution to the political sociology of this promise of ecologization by reconstructing its meaning (what does it signify?) and its implementation (what practices is it referring to?). The study analyzes the bases of a narrative allying the political agendas of agricultural leadership and the executive branch of the French state. The focus on soil CO2 sequestration and the politicization of innovative “start-ups” converge on the promotion of economic solutions to global warming. The authors found the “start-ups” working on this “decarbonization” were quite diverse, but could be sorted into three types: innovative businesses seeking rapid growth, consultancy firms offering expertise without aims of growth, and administrative intermediaries. The latter, the most numerous and the least innovative, are invested in voluntary carbon markets, most commonly the “low-carbon label,” a public framework overseen by the Ministry of Ecological Transition. The promise of the decarbonization of agriculture through start-ups thus falls short, as the study documents an optional and partial greening of agriculture that is overseen by the state, implemented by private administrative service providers, and funded by businesses wishing to improve their carbon footprint.
Conference Paper
This article focuses on one element of the institutionalization of the techno-scientific promise of small modular reactors (SMRs) in Finland, namely the regulatory reform designed to facilitate SMR deployment. The research material consists of various public documents and press articles from Helsingin Sanomat. An advocacy coalition of industry, researchers, experts, public authorities and politicians has been formed to argue for a regulatory reform as a vital precondition for the success of the SMR promise. The analysis shows the importance of embedding the SMR promise in, for example, the national climate and energy strategies. The institutionalization of the promise through national regulatory reform is in itself embedded in multi-level and complex transnational dynamics of regulatory harmonization and standardization, which involve a myriad interactions between political, economic and social actors.
Article
Full-text available
Introduction: In 2018, the Rhine transport sector experienced an unprecedented low water crisis, during which large cargo vessels were no longer able to navigate on certain sections of the river. This led to a major disruption in inland waterway transport. This article aims at questioning how the crisis acted as a stimulus for port authorities and their customers to consider the risks for their assets and operations and as a window of opportunity for creating a new collective and for defining “solutions.” Methodology: Inspired by the Impact Chain methodology, a step-by-step protocol integrating focus groups and interviews, was applied so that stakeholders affected by low waters can identify their individual and common vulnerability and define possible ways of acting (pathways). Results: One of these pathways, the transitional infrastructural pathway, targets to increase the water level and overcome low water levels (use of Lake Constance as a water reservoir or creation of new water storage areas; deepening of the channel at Kaub and Maxau). It appears as the most suitable because it is a technical, well-controlled process that provides a comfortable solution in the short term. It exemplifies the lock-ins set by infrastructure. Discussion: However, the participative approach also highlights the fundamental challenge of developing new processes and new intermodal organizations in the long term.
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