Content uploaded by Antoine Leveque
Author content
All content in this area was uploaded by Antoine Leveque on Mar 06, 2016
Content may be subject to copyright.
Alexanor, 25 (1), 2011 (2012) : 59-63 59
Observation de Leucodonta bicoloria en nombre...
et autres surprises solognotes !
(Lepidoptera Notodontidae et Drepanidae)
par Antoine LÉVÊQUE
Résumé
L’auteur relate son observation d’une forte abondance du Bombyx bicolore (Leucodonta bicoloria) lors
d’une prospection nocturne effectuée en Sologne du Loiret le 10 mai 2012. Il signale par ailleurs quelques autres
espèces observées ce soir-là, parmi lesquelles Furcula bicuspis, assez abondante également, Notodonta torva,
mais surtout Tetheella fluctuosa, un Papillon très rarement cité en région Centre. Il attire l’attention sur la riches-
se et l’intérêt de la faune lépidoptérique nocturne de la Sologne, trop peu étudiée.
Abstract
Leucodonta bicoloria seen in abundance… and other surprises from the Sologne ! (Lepidoptera
Notodontidae and Drepanidae). The White Prominent, Leucodonta bicoloria, was attracted in profusion
during a light trapping session in the Sologne part of the département of the Loiret (45) on May 10th, 2012. Some
other species seen that evening are mentioned, including the Alder Kitten, Furcula bicuspis, also present in
numbers, the Large Dark Prominent, Notodonta torva, but above all the Satin Lutestring, Tetheella fluctuosa,
a moth rarely mentioned from the Centre region. The reader’s attention is drawn to the wealth and interest of
nocturnal Lepidoptera to be found in the Sologne, an area very rarely studied.
Avec son ornementation caractéristique d’un jaune or à orangé sur un fond blanc pur,
le Bombyx bicolore ne passe généralement pas inaperçu dans les guides d’identification.
C’est un Papillon que tout lépidoptériste s’intéressant de près ou de loin aux espèces
nocturnes a rêvé un jour de rencontrer, tant il est élégant et peu fréquent.
La Sologne, le plus grand site Natura 2000 de France, est un vaste territoire essentiel -
lement forestier et humide, à cheval sur trois départements : le Cher, le Loir-et-Cher et
le Loiret. Installé dans ce dernier département depuis maintenant presque huit ans, j’ai
toujours beaucoup apprécié de prospecter les milieux naturels solognots du sud du Loiret.
On y rencontre en effet de très belles bétulaies et landes à Bruyères hébergeant une richesse
spécifique importante. Parmi les espèces les plus intéressantes ou les plus caractéristiques
que j’ai pu observer en ces lieux, mentionnons par exemple Endromis versicolora,
Gastropacha populifolia, Archiearis parthenias, Thetidia smaragdaria, Isturgia limbaria,
Pachycnemia tibiaria, Epione repandaria, Ennomos erosaria, Selidosema taeniolaria,
Clostera anastomosis, Notodonta torva, Catocala optata, pour ne citer qu’elles (LÉVÊQUE
et al., 2011 et 2012 ; ARCHAUX et al., 2011; FAUCHEUX et al., in praep.) (1).
(1)Faucheux (Franck), Lévêque (Antoine) et Archaux (Frédéric), in praep. — Contribution à l’inven-
taire des Hétérocères du Loiret (4enote). Alexanor.
2153-Lévêque_Leucodonta_V0-1_2153-Lévêque_Leucodonta_V0-1 29/10/12 23:08 Page59
En ce printemps 2011, j’avais décidé d’installer mon ampoule à vapeur de mercure
dans un site solognot que j’avais préalablement visité en journée l’année précédente, mais
que je n’avais encore jamais prospecté de nuit. Sis sur la commune de La Ferté-Saint-Aubin
(Loiret), au lieu-dit « Les Maçonneries », ce site se trouve à la croisée de diffé rents
habitats parmi lesquels une chênaie claire, une bétulaie assez dense et un ensem ble impor-
tant de landes à Bruyères plus ou moins boisées.
Nous sommes le 22 avril 2011, cinq jours après la pleine lune. Je suis accompagné
par Philippe DUEYMES, un collègue de la Société pour le Muséum d’Orléans et les Sciences
(So.MOS). Il est presque neuf heures et demie, le ciel est dégagé, avec quelques
nuages,
la soirée douce (19,5 °C). Le ronron du groupe électrogène démarre, et les premiers Papillons
ne tardent pas à arriver : Orthosia gothica, Drymonia ruficornis, Aethalura punctulata...
Environ trois quarts d’heure à une heure après avoir allumé, un Papillon blanc se
rapproche du drap. Très vite, je comprends de quelle espèce il s’agit. C’est une première
pour moi, en une quinzaine d’années de prospections nocturnes dans des contrées aussi
variées que la Picardie, l’Auvergne, la région Centre ou encore les Alpes. Je ne m’attendais
pas, ce soir-là, à attirer à ma lampe un imago de Leucodonta bicoloria (Denis &
Schiffermüller, 1775). Ce sera le seul. Nous plions bagages après trois heures de pros -
pection et cinquante-quatre espèces de Macrohétérocères observées.
Un an plus tard, le 10 mai 2012, je retourne prospecter de nuit sur la commune de
La Ferté-Saint-Aubin, et décide de m’installer sur un autre site, non loin de l’étang Neuf,
à moins de quatre kilomètres, à vol d’oiseau, à l’ouest des « Maçonneries ». L’autoroute
A 71 sépare les deux sites. C’est la seconde fois que je prospecte la très belle bétulaie
située à environ 300 m à l’ouest de l’étang Neuf (en direction du Château de Villaine) ;
la première fois, c’était le 23 mars 2012, date à laquelle je recherchais plus particuliè -
rement Endromis versicolora, et dont j’attirais ce soir-là deux individus.
En ce 10 mai de l’an 2012, quatre jours après la pleine lune, je suis accompagné par
trois collègues de travail non entomologistes (Delphine VILAYSACK, Guillaume MALFAIT
et Cyril GIQUIAUX). La soirée est douce ; le thermomètre affiche 21 °C en début de nuit,
un peu avant vingt-deux heures. Alors que plus d’une douzaine d’espèces de Macro hété -
ro cères sont déjà parvenues jusqu’au drap, parmi lesquelles quinze Jodis lactearia, ou
encore trois Phyllodesma tremulifolia, voilà qu’arrive un Bombyx blanc, au ras du sol...
C’est lui... Un bicoloria... pour la deuxième année consécutive ! Suivi de deux autres
individus, même pas cinq minutes après !
La nuit avance, d’autres espèces viennent à leur tour jusqu’à nous. La liste s’allonge
peu à peu. Relevons, entre autres, l’abondance de Furcula bicuspis, avec huit individus.
Mais ce qui est le plus remarquable, c’est que pendant environ trois quarts d’heure,
les Leucodonta bicoloria se succèdent, les uns après les autres, jusqu’à la lampe. Vigilance
requise pour ne pas les piétiner !
Nous sommes en semaine. Il faut savoir s’arrêter et penser au lendemain matin,
lorsqu’il faudra se lever pour se rendre au travail. Il est donc minuit lorsque nous décidons
d’éteindre et de remballer le matériel. Le thermomètre affiche tout de même encore 18 °C, avec
un ciel pourtant entièrement dégagé ! Le bilan de la soirée est très positif. Parmi les trente-
sept espèces de Macrohétérocères recensées, on en retiendra plus particulièrement trois :
– Tout d’abord, Leucodonta bicoloria (D. & S., 1775), bien sûr, et sa remarquable
abondance, avec dix-huit individus différents comptabilisés, tous arrivés en moins d’une heure.
À ma connaissance, la dernière mention pour le Loiret remonte à près d’un quart de siècle,
60 Alexanor, 24 (1), 2009 (2010) : 60
2153-Lévêque_Leucodonta_V0-1_2153-Lévêque_Leucodonta_V0-1 29/10/12 23:08 Page60
Alexanor, 24 (1), 2009 (2010) : 61 61
FIG. 1. — Un des nombreux Leucodonta bicoloria (Denis & Schiffermüller, 1775) observés à La Ferté-
Saint-Aubin (Loiret) dans la soirée du 10 mai 2012. Cliché : © Antoine LÉVÊQUE.
le 26 mai 1988 en forêt d’Orléans, à Chambon-la-Forêt (massif d’Ingrannes), où notre
collègue de la So.MOS Jean-François HERVILLARD observa deux mâles (2). Par ailleurs,
l’espèce avait déjà été notée en forêt d’Orléans quelques années auparavant, par Denis
CÉLESTIN, le 5 mai 1976, dans le secteur de Semoy et Chanteau (massif d’Orléans) (2).
Dans les autres départements de la région Centre, l’espèce fut très peu observée :
à Bailleau-l’Évêque (Eure-et-Loir), le 19 mai 1981, par Pierre GALLOU (3) ; pas bien loin
du Loiret, à Saint-Laurent-des-Eaux (Loir-et-Cher), le 8 juin 1976, par Michel RIVIÈRE (2);
et à Monnaie (Indre-et-Loire), en mai 1971, où CAMA & PELLETIER (1985 : 363) ne font
état que d’une capture et considèrent le Papillon comme très rare dans ce département.
Historiquement (XIXesiècle), deux autres observations sont à signaler : à Villeny, en
Sologne du Loir-et-Cher, en limite du Loiret (4), par Henri PICHERY (2), et en Sologne du
Cher, à Sommerère (commune de Presly), dans les bois de Bouleaux, par SAND (1879 : 38),
qui y indique l’espèce comme rare.
– Ensuite, Tetheella fluctuosa (Hb., [1803]). Un seul individu de cette espèce
septentrionale, évaluée comme en danger en région Centre, a pu être observé ce soir-là.
Le Papillon fréquente, de mai à août en une génération, les forêts claires et les landes
boisées, où sa chenille se développe principalement sur les Bouleaux (Betula) et le Tremble
(Populus tremula). Les mentions régionales se comptent sur les doigts d’une main : une
(2) D’après un manuscrit de Michel RIVIÈRE correspondant au sixième fascicule de son Catalogue
des Macrolépidoptères de la région Orléanaise, qu’il n’a jamais pu publier, car décédé avant.
(3) Information relevée par Laurent PÉRU, probablement d’après la collection Gallou (donnée qui n’avait
encore jamais été publiée).
(4) Concernant cette localisation, voir LÉVÊQUE et al. (2012 : 458, note infrapaginale n° 21, et 471,
note n° 28).
2153-Lévêque_Leucodonta_V0-1_2153-Lévêque_Leucodonta_V0-1 29/10/12 23:08 Page61
citation au XIXesiècle en Sologne du Cher, à Sommerère, par SAND (1879 : 41), qui déjà,
à l’époque, la disait rare ; par ailleurs, l’espèce est notée en un unique individu à La Ferté-
Saint-Cyr, en Sologne du Loir-et-Cher, le 11 mai 1956, par Rodolphe HOMBERG (2), unique
donnée pour la région au XXesiècle. L’observation du Papillon à La Ferté-Saint-Aubin,
en Sologne du Loiret, constitue donc là, à ma connaissance, la troisième mention pour
la région Centre, où l’espèce n’avait plus été signalée depuis plus de cinquante ans,
et semble-t-il la première donnée pour le Loiret (5).
– Enfin, Notodonta torva (Hb., [1803]). Deux individus sont venus à ma lampe.
Personnellement, ce n’est que la troisième fois que j’observe cette Notodonte dans
le Loiret, depuis que j’y prospecte, et je n’y avais pas revu l’espèce depuis 2006 (ARCHAUX
et al., 2011 : 416). Les autres mentions qui me sont connues de ce département sont
au nombre de six : au XIXesiècle dans les environs de Gien, en mai et août (ABICOT,
ca 1850 : 15), en forêt d’Orléans le 16 mai 1973 (Chilleurs-aux-Bois, par Denis CÉLESTIN),
le 27 juillet 1975 (par Michel RIVIÈRE), le 5 mai 1976 (par Denis CÉLESTIN) ainsi que
les 22 juillet 1983 et 9 août 1985 (Chambon-la-Forêt, respectivement deux mâles et une
femelle, par Jean-François HERVILLARD) (2). Sans entrer dans le détail des données connues
en région Centre, intéressons-nous seulement au département voisin du Loir-et-Cher, et
plus particulièrement aux localités situées aux portes du Loiret, où l’espèce fut observée
au XIXesiècle par PICHERY à Villeny (4), puis à nouveau trouvée par Michel RIVIÈRE
à Saint-Laurent-des-Eaux les 8 août 1977 et 24 avril 1988 (2).
Décidément, la Sologne se révèle vraiment riche en Hétérocères. Elle héberge
des Papillons rarement observés. Dès lors que l’on se donne la peine d’y prospecter
— ce qui n’est pas toujours simple en raison du statut de propriété privée des bois —,
les découvertes et belles rencontres sont au rendez-vous. Cette nuit mémorable du 10 mai
2012, et sa petite vingtaine de bicoloria, le prouve encore une fois, tout comme la pré sence
de T. fluctuosa.
Ce territoire est vaste, et largement sous-prospecté de nuit. Je ne l’ai exploré que dans
sa partie nord, dans le Loiret. La Sologne du Loir-et-Cher, avec ses très nombreux étangs,
nous réserve probablement son lot de surprises. Et que dire de la Sologne du Cher,
où Maurice SAND allait parfois prospecter en son temps ? Tant d’espèces y sont encore
à inventorier, sans compter les Microlépidoptères ! Parmi elles, une espèce de Notodonte
me résiste toujours, dont je crois la présence possible en Sologne. Il s’agit de l’Odontosia
carmelita. Peut-être l’y trouverai-je un jour prochain...
Remerciements
Je tiens ici à remercier chaleureusement Franck FAUCHEUX, Frédéric ARCHAUX et Philippe MOTHIRON pour
les renseignements qu’ils m’ont fournis. Merci à Franck et Frédéric également pour leur relecture de cet article.
62 Alexanor, 24 (1), 2009 (2010) : 62
(5) La mention de BONNEIL (2005 : 241 et 243), qui se trouve dans son travail de thèse, doit être écartée :
Frédéric ARCHAUX (comm. pers.) précise en effet que deux individus collectés le 26 août 2003 par Philippe
BONNEIL, et identifiés comme fluctuosa, se sont révélés être Cymatophorina diluta, après réexamen desdits
spécimens conservés au centre Irstea (Cemagref) de Nogent-sur-Vernisson (noter au passage la bonne ortho-
graphe originale du genre Cymatophorina, avec un « n », et non un « m » comme on le voit écrit généralement).
2153-Lévêque_Leucodonta_V0-1_2153-Lévêque_Leucodonta_V0-1 29/10/12 23:08 Page62
Références bibliographiques
Abicot (François Adolphe), [ca 1850]. — Catalogue des Lépidoptères des environs de Gien [Catalogue des
Lépidoptères recueillis aux environs de Gien par M. ABICOT, notaire à Gien, membre de la Société
Entomologique de France, de 1838 à 1848]. 1-28. [Catalogue manuscrit, conservé au Muséum des Sciences
Naturelles d’Orléans].
Archaux (Frédéric), Faucheux (Franck) et Lévêque (Antoine), 2011. — Contribution à l’inventaire des
Hétérocères du Loiret (2enote) (Lepidoptera : Drepanidae, Notodontidae, Lymantriidae, Arctiidae).
Alexanor, 24 (7), 2010 : 409-428.
Bonneil (Philippe]), 2005. — Diversité et structure des communautés de Lépidoptères nocturnes en chênaie
de plaine dans un contexte de conversion vers la futaie régulière. Thèse de doctorat. 1-234 + 235-256
(annexes), 23 fig., 35 tabl. Muséum National d’Histoire Naturelle et Cemagref édit., Paris et Nogent-
sur-Vernisson.
Cama (Docteur Alain) et Pelletier (Jean), 1985. — Étude faunistique des Lépidoptères de l’Indre-et-Loire
(suite) (Heterocera). Alexanor, 13 (8), 1984 : 355-364.
Lévêque (Antoine), Archaux (Frédéric) et Faucheux (Franck), 2012. — Contribution à l’inventaire des
Hétérocères du Loiret (3enote) (Lepidoptera Geometridae : Archiearinae, Alsophilinae, Geometrinae,
Ennominae). Alexanor, 24 (8), 2010 : 435-471, 25 fig (37 illustr. photogr. coul.).
Lévêque (Antoine), Faucheux (Franck) et Archaux (Frédéric), 2011. — Contribution à l’inventaire des
Hétérocères du Loiret (1ère note) (Lepidoptera : Hepialidae, Cossidae, Limacodidae, Lasiocampidae,
Endromidae, Saturniidae, Sphingidae). Alexanor, 24 (4), 2009, Suppl. : [21]-[37], 6 illustr. photogr. coul., 3 tabl.
Sand (Maurice, baron Dudevant), 1879. — Catalogue raisonné des Lépidoptères du Berry et de l’Auvergne
(Cher, Indre, Creuse, Puy-de-Dôme, Cantal) (France centrale). 207 p. Émile Deyrolle édit., Paris.
14, avenue des Hauts-de-Lutz, Appt. 15, F-45190 Beaugency.
GIL-Centre et So.MOS
< leveque@mnhn.fr >
Reçu le 28 juin 2012 ; accepté le 27 août 2012.
Alexanor, 24 (1), 2009 (2010) : 63 63
2153-Lévêque_Leucodonta_V0-1_2153-Lévêque_Leucodonta_V0-1 29/10/12 23:08 Page63