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Entrée dans l’écrit et entrée par l’écrit
en langues étrangères et secondes
Coordonné par Jean-Michel Robert
études de
linguistique appliquée
revue de didactologie
des langues-cultures
et de lexiculturologie
Didier Érudition
Klincksieck
179
juillet-septembre 2015
179 études de linguistique appliquée revue de didactologie des langues-cultures juillet-septembre 2015
ISBN 978-2-252-03980-9
ISSN 0071-190X 54e année
Avant-propos
Écrit
… Participe passé ou substantif ?
Mais assurément didactique
Jean PRUVOST
Présentation
Jean-Michel ROBERT
L’écrit et la langue :
Quelles priorités ? Quelles articulations ?
Gérard VIGNER
Lire et comprendre en langue étrangère :
la méthodologie promue par l’intercompréhension
Sandrine CADDÉO
Les avantages de l’entrée en langue étrangère via
l’intercompréhension : « j’ai l’impression de lire du français
mais écrit différemment donc je me sens puissante ! »
Sandra GARBARINO
Vers un modèle didactique d’apprentissage de la lecture
en français langue seconde et maternelle
Jean-Charles RAFONI
Entrer dans l’écrit en français
et en zone créolophone : le cas du
r
Emmanuelle EGGINTON, Juliette FACTHUM-SAINTON,
Béatrice JEANNOT-FOURCAUD, Paula PRESCOD
Pour un entrée en douceur dans l’écrit en français
langue étrangère et seconde
Jean-Michel ROBERT
179
juillet-septembre 2015
Entrée dans l’écrit et entrée par l’écrit
en langues étrangères et secondes
Coordonné par Jean-Michel Robert
Didier Érudition
Klincksieck
études de
linguistique appliquée
revue de didactologie
des langues-cultures
et de lexiculturologie
Entrée dans l’écrit et entrée par l’écrit
en langues étrangères et secondes
Avant-propos. —
Écrit
… Participe passé ou substantif ? Mais
assurément didactique .......................................................... 261
par Jean PRUVOST
Présentation ........................................................................ 267
par Jean-Michel ROBERT
L’écrit et la langue : Quelles priorités ? Quelles articulations ?... 269
par Gérard VIGNER
Lire et comprendre en langue étrangère : la méthodologie pro-
mue par l’intercompréhension ............................................... 281
par Sandrine CADDÉO
Les avantages de l’entrée en langue étrangère via l’intercom-
préhension : « j’ai l’impression de lire du français mais écrit
différemment donc je me sens puissante ! » ........................... 289
par Sandra GARBARINO
Vers un modèle didactique d’apprentissage de la lecture en
français langue seconde et maternelle ................................... 315
par Jean-Charles RAFONI
Entrer dans l’écrit en français et en zone créolophone :
le cas du
r
........................................................................... 335
par Emmanuelle EGGINTON, Juliette FACTHUM-SAINTON,
Béatrice JEANNOT-FOURCAUD, Paula PRESCOD
Pour un entrée en douceur dans l’écrit en français langue étrangère
et seconde ........................................................................... 351
par Jean-Michel ROBERT
COMPTES RENDUS DE THÈSES ET DE PUBLICATIONS
OUVRAGES
La sémantique et ses interfaces
, Actes du colloque 2013 de l’Association des
Sciences du Langage. Textes réunis et présentés par Alain Rabatel, Alice
Ferrara-Léturgie et Arnaud Léturgie, Lambert-Lucas, 2015. Compte rendu par
Valerio Emanuele ...................................................................................... 359
Fables du français, Une langue et ses représentations en cinq siècles et
vingt-cinq textes
, Préfacé par Douglas Kibbee, par Gilles Magniont et Chantal
Wionet, Éditions Honoré Champion, 2015, 202 pages. Compte rendu par Jean
Pruvost ..................................................................................................... 364
Dictionnaire du français classique littéraire. De Corneille à Chateaubriand
,
Préface de Jean Pruvost, par Bruno Hongre et Jacques Pignault, Honoré
Champion, Champion Classique, Collection Références et Dictionnaires, 2015,
770 pages. Compte rendu par Valerio Emanuele .......................................... 368
La bière, « mets de roi… à la mousse immaculée »
, Jean Pruvost, Collection
Champion Les mots, Honoré Champion, 2015, 144 pages. Compte rendu par
Valerio Emanuele ...................................................................................... 370
Glossaire du verlan dans le rap français
, Préface de Christophe Rubin, Valéry
Debov, L’Harmattan, 2015, 448 pages. Compte rendu par Jean Pruvost ......... 374
BIOBIBLIOGRAPHIE DES CONTRIBUTEURS............................ 377
LES AVANTAGES DE L’ENTRÉE EN LANGUE
ÉTRANGÈRE VIA L’INTERCOMPRÉHENSION :
« J’AI L’IMPRESSION DE LIRE DU FRANÇAIS
MAIS ÉCRIT DIFFÉREMMENT
DONC JE ME SENS PUISSANTE ! »
Résumé : A partir d’exemples tirés du forum Galanet et de l’expérience des
étudiants de deux cours d’intercompréhension, via des questionnaires et des
bilans d’activité périodiques, cette recherche tâche de démontrer l’aisance des
étudiants à entrer dans une langue par l’intercompréhension écrite et se donne
pour objectif de mettre en évidence les avantages de cette approche, notam-
ment l’effet de valorisation des compétences, de sécurisation des apprenants et
l’aisance donnée au moment de l’entrée dans une langue étrangère auparavant
inconnue par les stratégies d’intercompréhension.
1. INTRODUCTION
Bien avant le structuralisme et l’approche communicative dans toutes ses
déclinaisons, il y eut une époque où l’accès à la langue étrangère se faisait
par l’écrit. Une période où, comme l’observe P.E. Balboni, l’approche basée
sur la lecture, ou Reading Method fut fondamentale. C’étaient les années
1930 : à cause des tragédies qui traversaient l’Europe, la langue avait cessé
d’être vivante, orale et communicative comme elle l’avait été pour Berlitz
quelques années auparavant pour devenir un simple instrument de lecture, à
travers lequel on pouvait avoir accès aux ouvrages scientiques, profession-
nels, littéraires, qui provenaient de l’étranger (Balboni, 2002 : 235). Par cette
approche, explique Balboni, l’apprenant était autonome et déduisait les règles
de la langue et du lexique des textes qu’il lisait : l’enseignant était un tuteur
qui aidait l’étudiant à lire, interpréter et traduire les textes et la langue était
un instrument de communication authentique, bien que limité à l’écrit (Ibid)
1
.
1. Comme nous pourrons le voir plus loin, l’attitude de l’enseignant de langue décrit
par Balboni ressemble beaucoup à celle de l’enseignant d’intercompréhension qui
aide ses étudiants à lire et interpréter des textes écrits dans différentes langues sans
290
Au sujet du Reading method, et pour compléter les propos de P.E. Balboni,
nous citerons W. Decoo selon lequel plusieurs sont les facteurs qui ont contribué
à la diffusion de cette méthode de lecture à partir des années 1920, deux en
particulier nous paraissent pertinents. D’une part le fait que H. Palmer et
M. West, qui travaillaient au Japon et en Inde, utilisaient cette méthode pour
familiariser le public avec la langue anglaise ; d’autre part le fait qu’en 1929
sur la base du Modern Foreign Language Study, A. Coleman était parvenu
à la conclusion que la maîtrise de la lecture était l’objectif le plus facile à
atteindre pour les programmes d’apprentissage des langues disposant de peu
de temps (Decoo, 2011 :64).
Après la seconde moitié du siècle, dans les années 1970, nous rappellent
S. Caddéo et M.C. Jamet, on a développé « des modèles d’enseignement du
français qui s’appuient sur les besoins des apprenants et qui privilégient la
lecture. Il s’agit du “français fonctionnel” (cf. Moirand, 1980 ; Vignier, 1980,
Lehman, 1993), qui anticipe le développement du FOS (Français sur objectifs
spéciques) » (Caddéo & Jamet, 2013 : 42).
Puis, en 1993 dans son Évolution de l’enseignement des langues, C. Germain
consacre le chapitre 20 à l’« approche axée sur la compréhension », une approche
qu’il présente comme « pas encore très répandue ». (Araujo, Degache, Spiţa :
2010). Pourtant c’était l’époque où, au Canada, se développait l’approche basée
sur la compréhension et où, en France, des pionnières comme Louise Dabène
et Claire Blanche Benveniste commençaient à parler de « diversication et
hiérarchisation des objectifs » (Dabène, 1994 : 42) et de « dissociation des
compétences » (Dabène, 1995 ; Degache et Masperi, 1995). Ainsi revenait-on
à la compréhension écrite :
Priorité aux habiletés réceptives, primauté du sens, respect des besoins, identification
des stratégies efficaces, sélection pertinente des contenus, tels sont les principes clés
de l’approche axée sur la compréhension. La plupart de ces principes, moyennant par-
fois une interprétation propre […], se retrouveront dans la démarche du projet qui,
autour de Louise Dabène et de la nymphe Galatea qu’elle choisit pour emblème, a
réuni un groupe de chercheurs européens et a pris l’intercompréhension en langues
romanes comme objet de travail. (Araujo, Degache, Spiţa : 2010)
De nos jours la didactique des langues se développe de plus en plus en
direction des compétences dissociées, notamment de la compréhension écrite,
et ce grâce à l’intercompréhension (cf. entre autres De Carlo, 2011). Non
pas parce que nous avons peu d’occasions d’échanges, comme c’était le cas
en Europe dans les années 1930, mais parce que, bien au contraire, nous en
avons énormément et très souvent à l’écrit. Nous sommes tous constamment
en contact, passif ou actif, réel ou virtuel, en synchronie ou en différé, avec
des locuteurs de langues étrangères. « Le temps de fréquentation de l’écrit
est aujourd’hui de plus en plus important, de plus en plus nécessaire, à un âge
de plus en plus précoce : Interne, messagerie, sms. » (Escudé & Janin, 2010 :
pour autant les maîtriser entièrement, mais en permettant à ses formés d’avoir accès
au sens pour pouvoir ensuite communiquer, interagir ou utiliser les textes en langue
étrangère pour leurs recherches.
291
48). Nous avons donc « le besoin de comprendre des énoncés dans plusieurs
langues et de développer une Compétence Plurilingue (Trim et al., 2001),
pour agir socialement », (S. Melo-Pfeiffer, 2011 : 245).
Non seulement les individus ont besoin de cela mais notre société entière a
un véritable besoin d’intercompréhension à tout niveau : nous vivons dans un
« contexte de mondialisation des échanges accélérée par la dématérialisation
des contacts et des documents et issues pour la très grande majorité d’entre
elles de sociétés à forte tradition écrite (accords, contrats, législations, ...) »
(Castagne, 2007) et dans ce contexte il nous est de plus en plus nécessaire de
pouvoir accéder directement et rapidement au sens de certains documents, écrits
dans des langues que nous ne maîtrisons pas forcément. Ainsi, le manque de
temps et la nécessité d’avoir accès rapidement à des textes écrits en langues
étrangères, poussent à se concentrer sur une seule compétence, celle de com-
préhension écrite, et sur plusieurs langues, souvent appartenant à la même
famille. Par conséquent, l’intercompréhension est en progression constante,
notamment auprès du public universitaire, même s’il s’agit, le plus souvent,
d’initiatives individuelles (Degache et al. 2012).
Face à cette progression, il est intéressant de se questionner sur les avan-
tages de l’entrée en langue étrangère par le développement de la compétence
de compréhension écrite via l’intercompréhension, une approche présentant
d’une part une grande exibilité au niveau de son insertion dans le processus
d’apprentissage des langues et d’autre part plusieurs atouts pour les appre-
nants : entre autres, sécurisation, valorisation des compétences, acquisition
de stratégies transversales applicables à toutes les langues.
Avant de rentrer dans le détail des atouts que cette approche a pour les
apprenants – en nous appuyant sur des expériences pratiques tirées de nos
cours d’intercompréhension en présence et à distance ainsi que sur des ques-
tionnaires et témoignages directs des étudiants – il nous incombe de mieux
expliquer les concepts qui sous-tendent notre étude, les différentes fonctions
de l’intercompréhension ainsi que ses différentes typologies. Cela nous per-
mettra de mieux cerner les objectifs de notre étude.
1. 1. L’intercompréhension : concepts, fonctions et typologies
L’intercompréhension est ici dénie comme une approche de l’apprentis-
sage des langues qui cherche :
üà optimiser et élargir le répertoire langagier préalable de l’apprenant ;
üà développer ses stratégies d’apprentissage tout en accordant la priorité
aux activités réceptives et en stimulant la démarche réexive, notamment
autour de la parenté linguistique ;
üpour les plateformes dédiées (comme Galanet, Lingalog, Galapro, Miriadi…),
à favoriser les interactions verbales au moyen d’échanges en ligne où cha-
cun s’exprime dans la langue de son choix et fait l’effort de comprendre
l’autre tout en veillant à se faire comprendre.
Ces efforts y sont vus à la fois comme proches de ce qui se passe dans des
situations naturelles, valorisants, rassurants, bénéques à un développement
292
induit des compétences, et surtout très motivants pour découvrir l’autre, sa
langue, son environnement, sa culture. La dimension interculturelle y est en
effet le principal stimulant des échanges (Degache, 2006 ; Degache et al, 2007).
Les concepts et présupposés didactiques pour la lecture en langue étran-
gère voisine ayant été très bien développés par des recherches antérieures
(S. Melo-Pfeiffer, 2011), nous nous limiterons ici à en souligner quelques-uns
qui nous paraissent fondamentaux dans le contexte de notre recherche. En
premier lieu le fait que l’intercompréhension réhabilite le recours aux connais-
sances préalables de l’étudiant (Escudé & Janin, 2010) et à ses connaissances
et compétences en langue maternelle :
La langue maternelle reprend le rôle qui aurait toujours dû être le sien. En effet, si elle
a été pendant un certain temps considérée comme un fardeau générateur de difficultés
et d’erreurs, elle doit maintenant apparaître comme un stimulateur d’hypothèses, c’est-
à-dire comme un appui décisif bien que non exclusif à l’activité cognitive de l’appre-
nant (Dabène, 1994 : 184)
Celui-ci est un aspect fondamental pour l’apprenant qui, comme nous aurons
l’occasion de le remarquer plus loin, est rassuré par cet apprentissage fondé sur
ses besoins et lui permettant de s’appuyer sur ses connaissances préalables : de
la chasse aux faux amis, on passe à la recherche et à l’étude – rassurante – des
vrais amis, des ressemblances, des transparences, des possibilités de transfert
et de rapports linguistiques entre les langues (S. Melo Pffeiffer, 2011 ; Araujo
e Sá & Melo, 2007, Blanche-Benveniste &Valli, 1997) :
Dans le cas de langues proches, voisines (français, espagnol et roumain par exemple),
la transparence assure dès le début de l’apprentissage une certaine compréhension. On
devine la catégorie grammaticale, on comprend globalement le sens, et on adapte sa
langue maternelle à cette langue étrangère qui n’en serait, au fond, qu’une variante
(superposition). (Robert : 2001, 5)
Dans le cas des langues de la même famille ou de langues proches, la
transparence lexicale joue le rôle de facilitateur et de propulseur de la compré-
hension, ce qui non seulement rassure mais motive l’apprenant qui peut ainsi
avancer dans la compréhension et dans l’interaction très vite (Melo-Pfeiffer,
2011 : 248). Ainsi, l’apprenant sera accompagné par l’enseignant-tuteur qui
maîtrise une méthodologie et non pas des langues (Escudé & Janin, 2010 :
59) dans son exploration-découverte du texte, une exploration qui n’aura pas
pour but la compréhension détaillée, au moins aux premières lectures, mais
visera l’identication des possibilités de transfert et la reconnaissance de la
transparence au niveau lexical, syntaxique, grammatical.
De l’apprentissage individuel, isolé, des règles apprises par cœur, on passe à
une collaboration (Escudé & Janin, ibid) une co-construction de sens, dans une
démarche énactive, par laquelle la compétence en langues sera « l’avènement
conjoint d’un monde et d’un esprit à partir de l’histoire des diverses actions
qu’accomplit un être dans le monde » (Varela et al., 1993, p. 35).
Autre concept clé de l’intercompréhension qui nous semble fondamental
pour notre recherche est celui du recours aux stratégies de compréhension
(d’inférence, de transfert, d’association, d’analyse, de contrôle, etc.). (Araujo,
Degache, Spiţa : 2010).
293
L’étudiant, auquel l’enseignant aura appris à reconnaître et xer les prin-
cipales stratégies, une fois appris la méthodologie, sera ensuite amené à la
transposer aux autres langues qu’il apprendra, en capitalisant son apprentissage.
Cela renforcera son assurance car « moins l’apprentissage est frontal, plus les
stratégies de passage de forme et de sens sont pour l’apprenant multipliées et
donc sécurisantes » (Escudé & Janin, 2010 : 59)
De par sa versatilité, l’intercompréhension est une approche qui se prête à
de nombreuses utilisations, à plusieurs moments différents de l’apprentissage
des langues et pour des objectifs pédagogiques variés. Comme le remarque
C. Degache, l’intercompréhension peut avoir quatre fonctions :
ü La première fonction est une fonction d’entrée ou d’introduction à l’apprentis-
sage d’une langue cible donnée.
ü Deuxième fonction : une fonction de soutien ou de renforcement de l’apprentis-
sage d’une langue cible en particulier.
ü La troisième est une fonction de déclencheur de motivation ou bien de revitali-
sation, par la mise en situation rapide et authentique, d’utiliser les compétences
dont on dispose au préalable.
ü Une quatrième fonction est une fonction de redéfinition de la finalité des
apprentissages, par hiérarchisation des objectifs autour d’un bouquet de langues.
(Degache, 2014b)
Pour ce qui nous concerne, nous tâcherons dans cette recherche de mettre
en évidence la première fonction, celle d’entrée dans l’apprentissage d’une
langue cible donnée, et la troisième, celle de déclencheur de motivation. Nous
essaierons ainsi de mettre en évidence d’une part l’effet positif de la mise en
situation, notamment sur des forums où l’intercompréhension est pratiquée
via la télécollaboration (cf. infra), et d’autre part sur l’importance de la prise
en compte de la part de l’apprenant des compétences acquises préalablement.
Nous nous permettrons ici d’ajouter une cinquième fonction à celles men-
tionnées par C. Degache, à savoir celle d’instrument métacognitif d’acquisition
des principales stratégies de compréhension, applicables à toutes les langues
et permettant une plus grande autonomisation et émancipation de l’apprenant
au niveau de son apprentissage linguistique. Nous tâcherons également, par
les témoignages des étudiants et par nos observations, de détailler cet aspect.
De la même manière, l’intercompréhension se décline en deux typologies
qui ont donné naissance à deux courants qui se complètent réciproquement.
D’une part celle qui se fonde sur la lecture, et que nous pourrions dénir, avec
Degache, intercompréhension réceptive, et celle qui se fonde sur l’interaction,
en particulier via des plateformes d’apprentissage collaboratif, dite intercom-
préhension interactive (Degache, 2014a).
Jusqu’à présent, à part de rares études axées sur l’intercompréhension plu-
rilingue (Melo-Pfeiffer, 2011), la plupart des travaux développés en matière
d’intercompréhension au niveau universitaire se sont basés sur l’étude com-
parative de deux langues et très souvent l’une des deux langues était le
français (cf. entre autres, Carrasco, 1996 ; Degache, 1994 ; Masperi, 1996 ;
Malheriros Poulet, Degache, Masperi, 1994, Fiorenza & Bonvino, 2011). Ces
études avaient pour but de démontrer comment l’apprentissage d’une langue
294
étrangère pouvait bénécier des apports de l’intercompréhension. Aujourd’hui
nous pouvons aller un peu plus loin, en nous questionnant sur le potentiel de
l’approche de l’intercompréhension au niveau de l’accès au sens dans le cas
de textes plurilingues ou bien de textes écrits dans des langues totalement
inconnues au départ. Notre objectif est par conséquent de démontrer par des
exemples concrets ces potentialités, un objectif que nous essaierons d’atteindre
avec un corpus, des modalités de test et une méthodologie d’observation des
données que nous décrirons ci-dessous.
2. CONTEXTE, CORPUS, DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE ET
PUBLIC
2. 1. Contexte
Pour développer cette étude nous avons constitué un corpus qui se fonde
sur plusieurs sources d’observation (cf. infra) et qui prend appui en particulier
sur les activités des étudiants de deux cours optionnels d’Intercompréhension,
intitulés « Apprentissage simultané des langues romanes » (ASLR) ayant eu
lieu à l’Université Lyon 2 pendant le 1
er
et 2
e
semestre de l’année universitaire
2014-15. Il s’agit de deux cours semestriels de 21 heures présentielles chacun
dont l’objectif était de développer la compétence d’intercompréhension chez
des apprenants provenant de Facultés différentes, cette option étant proposée
à tous les étudiants de l’Université, et inscrits en 2e ou 3e année de Licence.
Cependant, le cours du 1er semestre prévoyait le développement de compé-
tences en intercompréhension réceptive et interactive, à l’écrit (travail sur la
plateforme Galanet 2 ainsi que sur le manuel Eurom 5 3) et à l’oral en classe ;
celui du 2e était basé sur des activités qui visaient l’intercompréhension
réceptive à l’écrit (Eurom 5 et textes de tirés de la presse ou d’autres supports
écrits) et l’interaction orale en intercompréhension en classe. Ainsi, les tâches
déroulées pour atteindre ces objectifs étaient différentes au 1er semestre par
rapport au 2e : pour ce qui concerne l’écrit, les étudiants du 1er semestre ont
effectué des activités de lecture de textes en langue étrangère et d’interaction
sur la plateforme Galanet (interactions qui se sont déroulées en ligne, pendant
le cours, mais également à l’extérieur de la classe, après la n du cours), alors
que les étudiants du 2e semestre ont travaillé sur la lecto-compréhension sans
interaction.
2. 2. Corpus
Pour le cours au 1er semestre, nous avons observé principalement l’activité
d’intercompréhension interactive en ligne, ou d’intercompréhension télécol-
laborative, en analysant les messages postés par les étudiants lyonnais sur
2. Plateforme pour l’apprentissage collaboratif par tâches de l’intercompréhension (www.galanet.
eu). Pour plus d’informations cf. Quintin, Masperi, 2006 ; Degache, Tea, 2003 :75-76 ; Carrasco,
Degache, Pishva, 2008 :4, Garbarino, 2011 : 75.
3. Pour plus de renseignements sur cette méthode, cf. Fiorenza & Bonvino 2011.
295
la session Galanet intitulée « Aude sapere ». Cette session a eu lieu entre le
29 septembre et le 23 décembre 2014 et a vu collaborer une équipe argentine
(Curuzú Cuatiá), deux équipes françaises (Lyon 2 et Grenoble 3) et une équipe
brésilienne (Campinas), pour un total de 82 étudiants. Pendant la session les
étudiants ont échangé 1 074 messages dont 426 postés par les Lyonnais sur le
forum principal, dans les différentes phases. Pendant le cours et à sa n, nous
avons eu des feedbacks des étudiants via des bilans de la formation qu’ils ont
rempli en ligne et que l’enseignante nous a fait partager.
Pour le cours au 2
e
semestre nous avons nous-mêmes proposé aux étudiants
des activités de lecto-compréhension qu’ils ont effectuées pendant les cours,
en groupe ou individuellement, selon un déroulement que nous avions stipulé
auparavant. En effet, an d’avoir une vision complète de leur entrée en langue
étrangère via l’intercompréhension à l’écrit, nous avions décidé de procéder
de trois manières différentes :
1) en soumettant des textes dans des langues qu’ils ne connaissaient pas au
préalable mais qui pouvaient être assez accessibles (une recette en corse
et un texte de présentation d’un événement en occitan), sans donner des
indications précises sur le déroulement de la lecture. Les étudiants ont
essayé de décortiquer individuellement mais en prenant des notes sur un
pad collectif.
2) En les divisant en petits groupes (de 4 ou 5) et en soumettant un texte court
mais présentant des inputs complexes et un très haut degré d’opacité (la
dédicace du Petit Prince en dialecte piémontais), et en lmant leurs réac-
tions pendant qu’ils essayaient de faire une lecture-compréhension du texte
à l’oral. Nous préciserons par ailleurs que nous avons ôté toute référence
au livre et que donc les étudiants n’avaient aucune référence paratextuelle,
mis à part la structure de la dédicace elle-même.
3) En proposant des textes brefs en six langues romanes (italien, catalan,
espagnol, roumain, portugais, dialecte piémontais) avec des questions sur
la compréhension générale, sur les mots transparents, sur les mots opaques
et sur la difculté de compréhension des six langues et en leur demandant
de prendre des notes sur un pad individuel.
Dans ce cas, comme dans l’autre, nous avons demandé aux étudiants de
rédiger quelques lignes de bilan de la formation qui nous permettront de
prendre en compte leurs avis sur ce type d’approche relative à l’entrée en
langue étrangère.
2. 3. Démarche méthodologique d’analyse des données
Le corpus de données est complexe : riche au niveau des indicateurs à
prendre en compte et, comme nous le verrons plus bas, hétérogène au niveau
des prols des étudiants. De ce fait, nous avons tout d’abord effectué une
exploration globale basée sur le principe de l’observation par balayage (Ati et
al., 2005) an de mieux saisir les traits saillant de chaque situation et de chaque
activité que nous avons ensuite classées par rapport aux indicateurs que nous
avions établis auparavant. Cela car notre recherche s’appuie sur une approche
296
empirico-inductive et se base sur un travail de terrain (Blanchet, 2000), qui
pourrait s’apparenter à une étude d’impact, et qui nous a permis d’extraire des
hypothèses à partir de l’observation de la pratique de l’intercompréhension
dans la classe et à l’extérieur de celle-ci, sur la plateforme Galanet.
An de prendre en compte des données de manière scientique, nous avons
effectué des analyses qualitatives et quantitatives selon le indicateurs analysés.
Mais surtout nous avons laissé la parole aux étudiants et à leurs observations
au sujet de leurs activités, dans une perspective émique (Mondada, 2000),
an de prendre en compte et mettre en valeur les orientations et la manière
de penser des sujets de l’enquête. Cela car « saisir la réalité <de l’intérieur>
permet de comprendre le sens donné aux faits par les individus eux-mêmes. […]
L’approche émique peut ainsi être dénie comme une tentative pour envisager
les phénomènes humains, en rendant compte de leurs signications pour les
individus qui les vivent. » (Matthey, 2003 : 51).
2. 4. Profil du public de l’enquête
An de mieux comprendre les caractéristiques de notre public, qui n’est
pas en principe un public de polyglottes mais d’étudiants universitaires nor-
maux, nous avons demandé aux étudiants de deux cours de nous donner des
renseignements au sujet de leur biographie linguistique. Ils ont effectué cette
première tâche via des pads en ligne et via des questionnaires nous permettant
de dénir les expériences en langue étrangères des apprenants composant les
deux groupes.
2. 4. 1. Biographie linguistique des étudiants du 1e semestre
Les étudiants du 1er semestre ont rempli leur biographie linguistique sur
un pad en ligne. D’après l’observation de ce document, nous remarquons que
sur les 16 étudiants du cours 10 sont de langue maternelle française (62 %).
Parmi les six autres il y a deux Allemands, un Russe, un Roumain, un Arabe
et un Peulh. La classe est romanophone pour ses 2/3 (11/16 étudiants).
Au sujet de leurs langues étrangères, quinze étudiants de ce cours, afrment
connaître l’anglais mais seulement huit afrment avoir cette langue comme
LV1. Sur les quinze quatre se disent « uents », cinq disent l’avoir appris à
l’école mais ne donnent pas un niveau et pour les six autres nous n’avons
aucun complément d’information. L’étudiant russe, le roumain et l’étudiant de
langue peulh signalent le français comme première langue étrangère, alors que
pour les allemands le français vient en LV2, l’anglais étant la LV1 pour l’un
et le vietnamien pour l’autre. Deux français indiquent l’allemand comme LV2
et un le portugais. L’étudiant algérien, tout en étant bilingue arabe-français,
ne mentionne pas du tout cette deuxième langue parmi celles qu’il connaît.
Concernant leurs LV2 le panorama de la classe est plus bigarré. Sur les
quinze étudiants qui évoquent une deuxième langue étrangère, l’espagnol
est parlé par 7 étudiants français, l’anglais par la roumaine et une française,
le français par les 2 allemands, l’italien par deux français, le chinois par
l’étudiant russe et le russe par le roumain. Aucune mention n’est faite du lieu
297
d’apprentissage de ces langues, sauf pour l’espagnol que les étudiants français
afrment avoir appris à l’école.
Treize étudiants mentionnent une LV3 qui est l’espagnol pour 4 d’entre eux,
l’arabe pour deux, le portugais pour deux aussi. Ensuite un étudiant indique le
corse, un l’italien, un le russe, un l’anglais et un le dialecte auvergnat.
Douze des participants au cours d’ASLR connaissent une quatrième langue
étrangère qui est l’italien pour trois parmi eux et le russe pour deux. Vient
ensuite une liste de langues signalées en LV4 par un seul étudiant chacune : le
berbère, le latin, l’espagnol, le hollandais, le portugais, le catalan, et l’anglais.
Parmi les autres langues, signalées en n de liste, mais présentes dans la
classe, remarquons le grec ancien (4 étudiants), le japonais (4 étudiants aussi),
le turc (2), le tchèque (3), l’ukrainien (1), le hongrois (1), le slovène (1).
2. 4. 2. Biographie linguistique des étudiants du 2e semestre
Les étudiants du 2
e
semestre ont répondu à un questionnaire en ligne.
D’après les réponses qu’ils ont données, le français est la langue maternelle
de 16 étudiants sur 20 (80 % du groupe) ; un étudiant est de langue portugaise,
un autre est roumain, deux sont hispanophones (mais un des deux a également
le russe comme langue maternelle) et un étudiant est arabophone. Donc, dans
ce 2e groupe tous les étudiants sauf un sont romanophones.
Pour ce qui concerne les langues étrangères, l’anglais est la première langue
étrangère de la grande majorité des étudiants ayant répondu au sondage (14
sur 20) et la deuxième est l’espagnol (4/20) ; deux étudiants allophones ont
le français comme LV1. Quant à leur apprentissage, la plupart des étudiants
remarquent qu’il s’est fait à l’école (19/20) et ils estiment avoir un niveau qui
se situe entre B2 et C2 pour les quatre compétences (on exclut l’interaction).
Dix-neuf étudiants déclarent connaître une LV2. Parmi eux, seize étudiants
déclarent avoir appris ces langues à l’école et cinq seulement disent les avoir
apprises ou rencontrées par leurs voyages, en famille ou avec les amis. La
variété des langues est beaucoup plus importante que pour la LV1 et l’espa-
gnol, le portugais et l’allemand se retrouvent au même niveau (4 étudiants
sur 19 pour chacune de ces langues). Nous remarquons que 11 étudiants ont
des langues romanes comme LV2 et 7 ont des langues germaniques. Seize
étudiants ont appris ces langues à l’école et seulement cinq disent les avoir
apprises pendant les voyages, en famille ou avec les amis (deux étudiants
citent l’école et la famille). Le niveau de compétences diminue légèrement,
le minimum descendant à B1 et le maximum se situant à C1.
Sur les 21 étudiants ayant répondu au questionnaire seulement 16 ont une
LV3. Dans ce cas nous remarquons un éclatement au niveau de la variété. Les
langues romanes sont très représentées (12 sur 16 étudiants ont une langue
romane comme LV3), alors que les langues germaniques ne sont presque pas
représentées (1 seul étudiant pour l’anglais). Cinq étudiants disent connaître
le portugais. Des autres, un connaît le russe, un le latin, un le catalan, un
l’anglais, un l’arabe et un dit connaître plusieurs langues (ferait-il référence
298
à l’intercompréhension ?). Huit étudiants afrment avoir appris ces langues
à l’école, cinq à l’université et deux en autodidacte. L’auto-évaluation des
apprenants situe leurs compétences à un niveau « moyen » ou « passable »,
certains se dénissent A2 ou B1.
La moitié des étudiants du cours parlent une 4
e
langue étrangère. Il convien-
dra de relever à ce niveau l’importance du Chinois (4/10) et de l’Italien (3/10),
langues que les étudiants disent avoir appris à l’Université (6/10) ou dans la
vie privée (3/10 citent la famille et les voyages) ; deux seulement disent avoir
appris ces langues à l’école. Pour ces langues le niveau afché est souvent
« débutant », « basique » ou encore – et très souvent – « nul » !
Deux étudiants seulement afrment connaître une cinquième langue étran-
gère : un connaît l’espagnol et un autre le roumain.
Et enn, sur la totalité de la classe, trois étudiants afrment qu’ils n’ont jamais
lu de textes dans une langue qu’ils ne connaissaient pas, sans doute parce qu’ils
n’ont pas eu le temps de rééchir à leur biographie linguistique. Sur les autres 18,
sept afrment avoir lu des textes (panneaux ou autres) en italien lors de voyages
en Italie ; parmi les autres, deux citent des voyages en Grèce, en Irlande.
Si nous comparons les deux cours, nous remarquerons que le panorama est
très varié et irrégulier mais nous pouvons déjà saisir deux traits importants :
en premier lieu que chaque étudiant a une biographie langagière très vaste (la
plupart des étudiants ont des compétences en trois ou quatre langues étran-
gères) et deuxièmement la prédominance des langues romanes et de l’anglais
(parlées par 83 % des étudiants au total).
Or, au vu de cela, pourquoi faudrait-il oublier tout le savoir-faire lié à
l’apprentissage de ces langues et toutes les compétences et connaissances
linguistiques de ces étudiants au moment de l’accès à une nouvelle langue
étrangère ou bien au moment de l’approfondissement d’une des langues
qu’ils connaissent ? C’est justement sur cela que se fondent les théories de
l’intercompréhension et les données ci-dessus seraient déjà sufsantes pour
en justier l’importance. Mais il y a plus : l’approche de l’intercompréhen-
sion a des avantages qui vont bien au-delà du simple apprentissage lexical ou
sémantique et qui sont à l’origine d’un tel apprentissage.
3. RÉSULTATS : LES AVANTAGES DE L’APPROCHE INTERCOMPRÉ-
HENSIVE
Nous le savons bien : les enseignants de langue sont – depuis les années 1950,
à cause d’une certaine vision de la didactique des langues et à cause « d’une
certaine représentation des langues » (Escudé & Janin, 2010 : 47) – habitués
au binôme traditionnel « un cours/une langue ». En plus d’être bousculés
par cet apprentissage de langues qu’ils ne maîtrisent pas 4 et qui leur paraît
4. « Lorsque nous avons introduit l’idée d’un apprentissage partiel, les professeurs de langue ont
pour la plupart été épouvantés » (Conti et Grin, 2008 : 34, cités par Escudé et Janin, 2010 : 48).
299
amoindrir la place de leur langue, ils craignent que l’apprentissage simultané
de plusieurs langues puisse créer de la confusion et des interférences chez
l’apprenant (Bonvino et al., 2011 : 166). Cependant, comme le remarquent
plusieurs chercheurs et notamment les auteurs d’Eurom 5, du point de vue
de la réception, une confusion initiale entre les langues ne compromet pas la
compréhension ; tout au contraire, cela la rend plus aisée et est à la base de
la rapidité du résultat (idem). Donc, ces enseignants gagneraient beaucoup
à utiliser l’intercompréhension dans leurs cours, notamment pour motiver
leurs étudiants, les rassurer au niveau des compétences qu’ils possèdent déjà
et valoriser des études qui sont, très souvent, vus comme des problèmes à
résoudre. Cela car elles sont ressenties non pas comme un levier d’apprentis-
sage à partir duquel les apprenants peuvent faire des comparaisons et tisser des
liens logiques mais plutôt comme un obstacle étant à l’origine de la plupart
des « faux amis » produits par les apprenants et si fortement condamnés par
les enseignants monolingues.
Or, en observant attentivement l’effet que l’apprentissage de l’intercompré-
hension peut avoir sur les apprenants, il y a surement de quoi se surprendre,
et très positivement. Nous le démontrerons à travers des exemples concrets
ainsi que par les témoignages des étudiants que nous découvrirons d’ici peu.
3. 1. Valorisation des compétences acquises au préalable
Si on revient sur les compétences en langues déclarées par les étudiants des
deux cours, nous remarquerons qu’ils sont bien au courant des langues qu’ils
connaissent (3 ou 4 chacun, plus ou moins bien) et ont, généralement, une idée
plutôt claire de leur niveau de compétence dans ces langues (certains d’entre
eux précisent leur niveau par rapport au CECRL). En plus, nos étudiants sont
curieux, ils lisent beaucoup de textes sur internet (parfois tout simplement lors
d’échanges avec des amis sur Facebook) et ils voyagent, ce qui leur permet
d’acquérir, parfois sans s’en apercevoir, des compétences plurilingues. An
de mieux saisir la portée de ces aspects, citons les réponses de quelques-uns
des apprenants du cours d’ASLR du 2
e
semestre à la question « Avez-vous
déjà lu des textes dans une langue que vous ne connaissiez pas ? » :
ü J’ai déjà lu ce qui est marqué au dos des briques de jus de fruits ou de désodori-
sants par exemple (c’est en général marqué en hollandais)… Je lis donc chaque
notice en hollandais.
ü Ayant voyagé plusieurs fois en Italie, j’ai déjà lu des brochures touristiques en
italien.
ü Oui, lecture de l’italien dans le cadre d’un voyage scolaire en Italie lors de ma
terminale.
ü Oui, je suis une étudiante en anthropologie et certains textes/auteurs ne sont pas
traduits donc j’ai lu certains textes pour voir si je pouvais tout de même avoir
quelques informations.
ü J’ai lu du norvégien, du flamant [sic] et du néerlandais au cours de différents
voyages.
ü Oui, c’était l’italien avant que je l’avais appris [sic]. Un article sur la culture
italienne.
ü Oui, en catalan, dans le cadre de certain cour [sic] pour apprendre la distinction
entre l’espagnol et le catalan.
300
Nous ne citons ci-dessus que quelques réponses, les plus intéressantes.
Or, en comptant les réponses afrmatives et négatives à cette question, nous
remarquons que seulement quatre étudiants sur vingt (20 %) déclarent ne jamais
avoir lu des textes dans des langues qu’ils ne connaissaient pas auparavant.
Ces chiffres sont essentiels pour comprendre le degré d’exposition aux langues
non connues de nos étudiants et pour qu’on puisse se faire une idée de l’effet
positif de leurs réactions au moment où ils se rendent compte que, malgré la
non-connaissance de la langue en question, ils parviennent à saisir le sens de
mots ou de phrases entières et ce grâce à leur « bagage » de compétences.
C’est ce que nous pouvons observer dans les échanges ci-dessous, extraits
des enregistrements vidéos que nous avons effectués lors de la lecture-décou-
verte de la dédicace au début du Petit Prince traduite en dialecte piémontais :
Prof : Partiamo. Come vedete si tratta di un testo in una lingua strana. Innanzi tutto,
secondo voi, di che lingua potrebbe trattarsi ? Che lingua potrebbe essere ? …
Etu1 : Sembra l’italiano perché, ehm, posso vedere qualche parola che risembra all’ita-
liano, come « sto », « scusa », « critica » ma…. Senza… [il fait le signe de l’accent
avec la main]
Prof : con l’accento, sì.
Etu1 : « Granda », … « persona »…
Prof : Lei conosce…, Lei parla italiano… ?
Etu1 : Un po’, ho imparato al liceo ma ho… ho dimenticato un po’… [rire]
Prof : E la sua lingua materna è il francese ?
Etu1 : Francese, sì.
Prof : Altre lingue che conosce ?
Etu1 : Euh… Tedesco, Inglese, un po’ di… euh….non mi ricordo come si dice…
scine…
Prof : Cinese ?
Etu : Sì, Cinese. Ma solo dodici settimane, non molto…
Prof : E voi cosa mi dite ?
Etu2 : Pour moi ça ressemble à de l’italien aussi, en sachant que je ne connais pas
l’italien, ’fin… je l’ai entendu mais je ne l’ai jamais appris…Mais ça a l’air de sonner
comme de l’italien.
Prof : hmm hmm
Etu3 : Sembra come un italiano di dialetto. Ma, ma… la cosa che è strana sarebbe la
jot
Prof : La i lunga….?
Etu 3 : oui, la jot….mmmm… la ji… oui… Perché non esiste in italiano.
Prof : Ahhhh… Anche lei parla italiano ?
Etu3 : Sì, maaaa, sì. Mai imparato così… a scuola però l’ho imparato un po’ così….
Prof : Lei è di origine spagnola…. No…
Etu3 : Sì, eh… Argentina. Ma è un po’ diverso perché in Argentina abbiamo un sacco
di parole che vengono dall’italiano ma si usano per strada.
Prof : Sì… perché ci sono tanti immigrati italiani. E voi altre, parlate…. ? Francese
e…. ? Altre lingue ?
Etu4 : Tutto…
Prof : Tutto ? Fantasico !
Etu4 : Un po’… Mais là, pour le coup, ça m’aide pas…
Etu5 : Parlo spagnolo, un po’ di italiano, anche russo.
Prof : Mmmm ! Siete tutti plurilingue ! Anche lei ?
Etu6 : Espagnol, portugais….
[…] lecture à haute voix du texte
Etu3 : Non è catalano, non è italiano, allora… [rire]
Prof : [rire] Non è catalano, non è italiano però effettivamente ha un po’ di catalano e
un po’ di italiano. Ci trovate anche un po’ di francese o no ?
301
Etu1 : con « j » all’inizio di jero…
[…]
Etu 2 : ça pourrait ressembler à un patois français… oui, p’t être à la frontière entre la
France et l’espagnol, euh… l’espagnol ! Et… l’Italie, pardon…
Etu 4 : Je sais que le corse ressemble à l’Italien mais bon, j’ai vu du Corse et ça ne
ressemble pas à ça.
Avant de rentrer dans ce dialogue, nous expliquerons la raison du choix du
texte : sachant que notre public était plurilingue et que l’activité se ferait en
groupe, nous avons voulu choisir une « langue » qu’aucun étudiant ne pou-
vait connaître. Or, au lieu de chercher un texte tiré de la presse, nous avons
voulu leur proposer cette dédicace au début du Petit Prince car elle présentait
des caractéristiques singulières, notamment une structure particulière et un
certain nombre de mots opaques récurrents qui faisaient barrage au moment
de l’accès au sens.
Or, le long extrait ci-dessus n’est qu’une partie du début de l’activité de
décryptage du texte qui a duré au total une vingtaine de minutes pour ce groupe
présentant des italophones.
L’aspect le plus intéressant vient justement du fait que trois parmi les six
étudiants de ce groupe parlent italien (ils ont tout de suite le réexe de nous
répondre dans cette langue, qu’ils parlent à un niveau B1-B2) et ils découvrent
vite le lien de parenté entre cette langue et celle du texte. Ils trouvent dans
l’extrait des mots qu’ils reconnaissent, ainsi que des graphèmes et des sonorités
qui leur paraissent italiennes. L’étudiante 4 attend longtemps avant de prendre
la parole mais quand elle la prend, elle compare le texte proposé au Corse,
vu en classe quelque temps auparavant, en disant qu’il y a des ressemblances
mais que ce n’est pas ça.
Dans cette lecture, nous remarquons l’échange typique des activités d’inter-
compréhension, entre des processus « bottom-up » un mouvement semblable
à eux qui tâtent le tronc d’un arbre et grimpent par hypothèses (De Mauro,
1999 : 58), liés au décryptage du texte, à la reconnaissance des lettres (la j), la
combinaison des lettres en mots (sto, scusa, critica, jero), des groupes logiques
portant une signication, et les processus « top-down », concernant l’utilisation
des connaissances préalables (l’italien, le catalan, le corse) et des schémas
mentaux des lecteurs (l’hypothèse d’une langue à la frontière entre la France
et l’Italie), suivis par des hypothèses et des interprétations, qui viendront plus
loin dans la vidéo (Fiorenza & Bonvino, 2013). Les étudiants cherchent des
points d’ancrage pour situer le texte par rapport à leurs connaissances et ceux
qui ont des compétences en italien situent le texte par rapport à celles-ci. Idem
pour le corse et pour le catalan qui sont cités par deux étudiantes (étu3 et étu4)
pour dire que, sans que ce soit une de ces langues, il y a des ressemblances.
Rien que ce début sufrait pour convaincre les plus sceptiques de l’impor-
tance des pré-acquis des étudiants au moment de l’entrée dans un texte écrit
dans une langue étrangère totalement inconnue. Cette première activité nous
permet d’afrmer que même s’ils ne comprennent pas tout de suite le sens
du texte, les apprenants arrivent à avoir une idée de la langue très vite et à
comprendre plusieurs mots. En vingt minutes, ils ont décrypté ce texte de 150
302
mots. Et l’effet positif de cette lecture est indéniable, au point qu’une des six
étudiantes remarque, à la n du travail de lecture :
C’est vrai que ça permet d’appréhender des textes selon l’expérience en langues qu’on
a… Donc, ouais c’est…c’est agréable… Moi je suis fière d’avoir réussi à comprendre
ça !
Cet effet de valorisation des compétences mais aussi des apprenants eux-
mêmes est un résultat récurrent de l’intercompréhension sur les étudiants qui se
sentent, par conséquent, sécurisés par cette approche. Nous le verrons ci-après.
3. 2. Sécurisation et valorisation des apprenants
Tous les spécialistes d’intercompréhension sont d’accord sur le fait que
cette approche permet aux étudiants de se sentir rassurés. Cet effet est dû au
fait que, par dénition, les étudiants n’ont pas la crainte de se tromper comme
dans une activité d’expression dans la langue de l’autre. Pour vérier les
succès de cette approche nous pourrons porter notre regard sur le cours du 1er
semestre, ayant eu lieu en partie sur la plateforme Galanet. En comptant les
messages postés sur la session à laquelle ont participé les étudiants du semestre
1, nous avons remarqué que l’équipe lyonnaise, composée de 16 personnes,
a posté 426 messages sur les 1 076 de toute la session, pour une moyenne de
26 « posts » par étudiant, un chiffre révélateur de la quantité d’activité sur la
plateforme. Pour la qualité de cette activité, regardons de près un petit extrait
tiré du Forum de la phase 4, pendant laquelle les étudiants rédigent le dossier
de presse :
SalvadorP, 1/12/14 à 23h09
Olá, pessoal
Pedi para minha professora colocar o Marvin e a Yannick como redatores.
Fico à disposição para ajudar no que for preciso :)
Marvin, le 3/12/14 à 18h24
Bonsoir ! Si vous voulez proposer des photos, textes, documents, liens URL, ... faut
que vous fassiez cela dans la salle de rédaction ! Ce n’est plus le but de faire ça ici
dans le forum.
@Claire @xpovos : Voudriez vous travailler ensemble et créer un document sur les
deux fêtes qui se ressemblent apparemment jusqu’à certain point ? Claire, ton post est
intéressant, mais pour le dossier il serait quand même trop long, il faudrait le résumer/
couper un peu.
Marcbar, le 3/12/14 à 21h23
Si voleu, ja m’encarrego jo d’escriure el text introductori de 10 línies. Intentaré tenir-
ho llest aviat.
Xpovos, le 6/12/14 à 13h16
Hola a todos. Ya puse el vínculo a mi álbum de fotos de Picasa con fotos de mi ciudad.
Cualquier información complementaria, estoy a su disposición :)
Marvin le 10/12/14 à 17h18
@marcbar, t’en es où pour l’introduction ? sinon on la fait tous ensemble : je
commence avec une phrase et quelqu’un la reprend pour en rajouter d’autres etc pp...
«Sapin, crèche, couronne et calendrier de l’avent, pyramide et marché de noël, des
lumières dans la maison, rue et ville - la décoration de noël diffère de culture à culture
et famille à famille. ...»
303
Marcbar, le 10/12/14 à 20h28
@marvin, Si, si, ja casi estic ! Entre avui i demà, ho tindrem. Afegiré aquesta frase
teva que m’ha agradat ! :)
Lidiacr94, le 12/12/14 à 16h01
putem cauta multe decoratii pentru Noel pe Pinterest :)
Les étudiants de ce groupe de travail avaient pour but de rédiger une partie
du dossier de presse concernant les repas de Noël. Ils ont échangé en écrivant
chacun dans sa langue et la discussion a abouti à un travail collaboratif : ils ont
rédigé une section quadrilingue, en français, portugais, catalan et espagnol.
Une autre section de ce dossier de presse vaut la peine d’être regardée de
près, il s’agit de celle concernant le repas de Noël. Les étudiants ont rédigé
des textes dans cinq langues romanes (aucun étudiant catalan n’était présent
dans ce groupe) :
MariaPop (les E.O plats :)) Cred că nu de puține ori v-ați gândit care ar fi tradițiile
de Crăciun și bucatele în alte părți, sau că aveți cele mai bune și gustoase tradiții culi-
nare care pot impresiona pe oricine. Ei bine, vă invităm să descoperiți tradiții culi-
nare și rețete delicioase de Crăciun din alte țări pentru a vă inspira în pregătirile de
sărbătoare […] 5
ColineM (les E.O plats :)) Noël est une période de l’année très importante, couvrant
généralement l’intégralité du mois de décembre. Elle est l’occasion de réunir la famille
ou les amis autour d’un bon repas, qui demande généralement quelques jours de pré-
paration afin que la fête soit parfaite […]
chevalin (Les sardines plurilingues) In Italia, ci sono numerose varianti tra le
regioni. Al sud si fa globalmente piuttosto un pasto col pesce corredato di verdure. Nel
nord, dopo gli antipasti, ci sono spesso delle paste foderate, per esempio dei tortellini,
in brodo, seguito di una carne. Un punto comune sembra essere il panettone o il pan-
doro alla fine del pasto. [… ]
MottaJ (Kaos delle patatine). No Brasil, começa-se a pensar no Natal já em meados
de outubro, quando as lojas e supermercados começam a vender Panetones e enfeites
de Natal : é tudo uma preparação para o dia 24 de dezembro, em que tradicionalmente
é servida a Ceia de Natal. O cardápio admite algumas variações, mas o que nunca
falta é uma carne assada - peru, chester, tender ou pernil. É comum também servir um
peixe, como o bacalhau. O brasileiro também serve acompanhamentos fartos : além
da salada, normalmente há arroz branco, farofa, batata, e maionese de legumes. […]
MSchatz (« Cambalache »). Las Fiestas Navideñas en Argentina se perciben ya
desde los primeros días de diciembre, cuando los comercios son adornados con luces
de colores, guirnaldas, además del infaltable arbolito de Navidad. Una costumbre muy
arraigada en Argentina y que se realiza en la mayoría de los hogares argentinos, es
armar el arbolito de navidad el 8 de diciembre, día en que se festeja la Inmaculada
Concepción de la Virgen Maria. Además, desde éste día, las plazas de varias ciudades
se adornan con luces de colores al igual que las calles […]
Pendant cette 4
e
phase de rédaction du dossier de presse, les étudiants
ont échangé 306 messages sur le forum. Ils en avaient échangés 475 dans la
1
re
phase (Briser la glace/choix d’un thème), 185 dans la 2
e
phase (Remue-
5. Nous avons raccourci toutes les parties car elles ont une valeur d’exemple.
304
méninges) et 109 pendant la phase 3 (collecte de documents et débat). Comme
nous pouvons le remarquer, les phases les plus appréciées – celles où il y a
plus d’activités sont la 1e, pendant laquelle les étudiants font connaissance et
rencontrent toutes les langues sur la plateforme et la dernière qui leur permet
de travailler en groupes de travail multilingues.
Au sujet de cette approche et des modalités de travail associées, les étudiants
lyonnais ayant travaillé sur la plateforme au 1
er
semestre remarquent que c’est
une activité « ludique », que c’est « intéressant pour discuter de thématiques
différentes », que l’idée de Galanet est « sympa ». Regardons de près trois
extraits des bilans personnels :
Je suis rassurée : je préfère faire de l’intercompréhension que d’apprendre plein de
langues de façon académiques…parce que ça m’intéresse pas. Trop dégouté de la
façon dont on nous apprends les langues dans le milieu scolaire français. Et puis ce qui
est pas mal, c’est que ça me force, moi grande feignasse, de réfléchir pour trouver
des moyens de comprendre ce que je ne comprends pas, à la base. D’habitude je
baisse les bras vite, mais dans certaines réponses, j’avais vraiment envie de savoir ce
que l’autre disait. Ça c’est cool, et puis ça m’a fait un peu réviser mon petit niveau
d’espagnol ;) 6
Les posts que je lis et je comprends le plus, sont ceux écrits en espagnol, italien et
catalan ! il y a peu de différences au niveau de l’écriture et du vocabulaire avec le
français als à lire, c’est plutôt facile ! j’ai l’impression de lire du français mais écrit
différemment dc je me sens puissante ! :D
« c’est cool de se confronter avec les autres cultures, et c’est une nouvelle façon
d’appréhender les langues (moi qui suis nul dans les cours de langue traditionnels,
ça me va). Concernant le travail linguistique, je pense que j’ai tendance à moins lire
les posts en roumain […], car le roumain avec tout ses accents et cédilles bizarres
m’effraie un peu je pense ! Et puis j’ai l’impression que dans le vocabulaire, c’est plus
éloigné des langues que je connais déjà. Après je me suis surpris à bien comprendre
le portugais que je n’avais jamais rencontré, ou encore l’espagnol et le catalan
que je connaissais un tout petit peu plus. »
Pour la première
étudiante l’intercompréhension est un moyen d’apprendre
des langues qui s’oppose d’une certaine manière à l’apprentissage « acadé-
mique » et « scolaire ». L’approche de l’intercompréhension la rassure et la
motive car elle lui permet de chercher des moyens pour accéder au sens . Pour
la deuxième le travail de lecture des posts en espagnol, italien et catalan est
comme lire du français mais écrit différemment, ce qui lui fait ressentir un
sentiment de puissance. Pour le troisième étudiant, qui avoue être « nul » dans
le cours traditionnels, cette manière de travailler semble convenir davantage
que les cours classiques et elle lui a permis de développer la compréhension
de trois langues romanes. Ces posts dénotent d’une conance qui est due au
fait que la compétence de compréhension est celle dans laquelle on réussit le
plus vite au début, d’où une valorisation de l’étudiant. Dans une interaction
par écrit, cette seule compétence nous rend capable de dialoguer avec un natif,
parfois dès le premier jour (c’est ce qui se passe sur la plateforme Galanet lors
de chaque session). L’esprit de groupe qui se crée et le rôle des dynamiques
6. C’est nous qui soulignons en gras, ici et dans tous les extraits suivants.
305
socio-affectives ont déjà été mis en évidence par d’autres chercheurs (plus
récemment par Araújo e Sá et al., 2014), mais nous souhaitons tout de même
y revenir en citant le post et le commentaire suivants :
De ma part je voudrais vous remercier pour votre investissement et votre travail ! Ce
fut vraiment un plaisir de travailler avec vous. Nous comptons 122 messages ! Quel
dynamisme ! Et l’ambiance super ! Au début, j’avoue que je ne m’attendais pas à ça !
Mais, ce fut vraiment une expérience super ! (message posté sur le forum Galanet le
19/12/2014)
« Je ne m’attendais pas non plus à travailler sur du tchat mais c’est une manière
comme une autre d’aborder les langues parce qu’on discute quand même avec des
étudiants trans atlantiques ! » (bilan d’un étudiant du 1er semestre).
Ceux-ci nous semblent révélateurs de la motivation dégagée par l’activité
en intercompréhension interactive, un aspect dont nous reparlerons plus
amplement dans la partie qui suit.
3. 3. Motivation
Des études récentes sur les déterminants de la procrastination académique
chez les étudiants français (Osiurak et al, 2015), montrent qu’il existe un lien
entre procrastination et motivation des étudiants. Nos étudiants abandonnent
les cours et ne sont pas capables de relier leurs actions et résultats. Cela car leur
motivation est souvent extrinsèque : liée à une note, à une obligation familiale
ou une intériorisation des sources de contrôle. Or, dans le cas du travail en
intercompréhension, et notamment en interaction, la motivation développée
provient de plusieurs stimuli extérieurs mais elle a des retombées au niveau
intrinsèque. Cela est attesté par les commentaires des étudiants du cours d’
intercompréhension du 1
er
semestre, ceux que nous avons vu à la n de la
section précédente ainsi que les autres que nous observerons ci-après et qui
permettent de saisir les trois déclencheurs de motivation autodeterminée : la
connaissance, l’accomplissement (le fait d’être compétent) et les sensations
positives (par exemple amusement et plaisir) (Vallerand et al.).
Pour ce qui est de l’accomplissement et des sensations positives, regar-
dons ce post d’un étudiant qui vient d’être nommé rédacteur pour le dossier
de presse de Galanet :
A fond ! Je me sens investi d’une tâche divine, même si je ne sais pas en quoi elle
consiste réellement. Pour ma part, je veux bien travailler sur les symboles païens et
leurs significations originelles, si quelqu’un veut m’épauler…
Suivi par cet autre, où ce sont la surprise et le plaisir qui dominent :
« …je ne m’attendais pas du tout à ça ! C’est une très bonne surprise ! Travailler en
chat avec des natifs est une très bonne idée pour apprendre à comprendre les autres
langues. »
Le suivant est plus orienté connaissance et compétences :
« L’idée de “Galanet” est intéressante, puisque l’on aborde l’apprentissage des langues
romanes par le plan de l’intercompréhension, […]. Et petit à petit, on apprend à recon-
naitre les autres langues que l’on ne comprend pas forcément (l’espagnol, le roumain,
ou le portugais par exemple). »
306
Et ces derniers sont entièrement axés sur la motivation des apprenants issue
de la volonté de comprendre, et par conséquent d’élargir leurs connaissances :
En m’inscrivant à ce cours, je pensais qu’on aurais principalement des échanges « en
vrai », entre nous, avec des intervenants… Comme n’importe quel autre cours de
langue. Je voulais apprendre les bases de chaque langues pour avoir quelques repères.
Je n’aime pas trop le système du site, mais il est vrai qu’en lisant des sujets sur ce site
on s’habitue un peu aux constructions des phrases. Généralement en lisant des textes
en autres langues, quand je bloque sur un mot je vais le chercher dans un diction-
naire ou un traducteur (par exemple en espagnol, la dernière fois j’ai bloqué sur le mot
« mantequilla », maintenant je sais ce qu’il veut dire, « beurre ».
« Concernant les posts, j’ai tendance à plus lire ceux en français, parce que je suis
français, et ceux en italien parce que je le parle et le comprends très bien. Après, pour
le reste des posts, j’ai tendance à passer du temps à essayer de comprendre ceux
en roumain, parce que je trouve que c’est très intéressant de vouloir comprendre
une langue qui est moins proche que l’italien et l’espagnol du français, mais j’ac-
corde moins d’importance à ceux écrits en espagnol. »
« Par contre la situation avec la compréhension des langues est [sic] changé un peu,
j’ai commencé à différencier plusieurs langues qui sont vraiment nouveaux pour moi
(le roumain, le catalan, l’italien, le portugais, même l’espagnol). Mais j’aimerais trop
au futur les comprendre (et même parler), mais pas seulement différencier. »
« La langue avec laquelle j’ai le plus de mal, c’est le roumain (avec ses accents
bizarres sous les lettres et tt et tt) et du coup, c’est un vrai “challenge” d’essayer à
comprendre cette langue !
juste après vient le portugais qui est, selon moi, entre l’espagnol et le roumain, avec
ses accents sur les voyelles, ses ‘nh’, ses cédilles…
Le déclencheur de la motivation, dans le cas de ce dernier post, c’est la sen-
sation de « challenge », de dé, de vouloir réussir dans une tâche qui est celle de
la compréhension d’une langue peu ou pas connue. Et, dans le cas du forum, la
compréhension est orientée vers l’interaction avec les natifs. Du coup ce qui motive
c’est le plaisir de réussir dans un dialogue écrit, en ligne, avec des pairs qui sont
dans d’autres universités, dans d’autres pays. Un échange qui ne réussira pas si, en
plus de la reconnaissance et valorisation de ses compétences et de sa motivation,
l’étudiant ne fera pas un pas en avant, en apprenant les principales stratégies d’inter-
compréhension, véritable moment d’« apprentissage » permis par cette approche.
3. 4. Aisance donnée par les stratégies d’intercompréhension
Dans la pratique, ce qui aide les apprenants à entrer dans un texte en langue
étrangère par l’approche de l’intercompréhension ce sont aussi les stratégies de
compréhension. En simpliant beaucoup, nous citerons tout d’abord l’obser-
vation du type de texte et du contexte, ensuite la recherche du sens global
du texte via la recherche des mots transparents et des ressemblances avec
d’autres langues connues, puis l’approximation jusqu’à la lecture-traduction
linéaire, en remplaçant les mots opaques par un mot vide et en terminant par
une recherche de la signication des mots opaques faisant barrage au sens. 7
7. Pour plus de précisions sur les stratégies d’intercompréhension, cf., entre autres, Escudé &
Janin, 2010 ; Martin, 2004 ; Degache, 2000 ; Masperi, 2000 ; Malheiros-Poulet, 1998 ; Degache, 1996 ;
307
La potentialité de la transparence lexicale est citée par la plupart des
étudiants du 1er et du 2e cours qui, dans leurs registres d’activité rédigés vers
la n du semestre, attestent qu’ils ont bien compris que l’une des stratégies
importantes au moment la lecture d’un texte en langue étrangère est celle du
repérage des mots transparents et des possibilités de transfert :
ü Pour comprendre l’italien, la langue sur laquelle je serai évaluée, je me sers
beaucoup de mon espagnol et peut-être pas assez du français. Pour bien
comprendre un texte je pense qu’il faut se baser sur des mots de la même racine.
[…]
ü Pour moi, la meilleure stratégie c’est utiliser nos connaissances dans d’autres
langues romanes pour comprendre un texte écrit. Par exemple à l’aide des mots
transparents. […]
ü j’ai remarqué que les langues romanes avaient beaucoup de ressemblance au
niveau des mots et ça facilite énormément la compréhension. […]
ü Per me, il migliore mezzo di capire un testo in una lingua romana [sic] che non
conosco è di avvistare le parole che sono le stesse nella mia lingua. […]
Un étudiant du cours du S2 remarque à la n de l’activité 3, qui était axée sur
la compréhension des six textes traitant différents aspects d’un sujet semblable
dans 6 langues différentes (Le Petit Prince : les personnages, l’auteur, etc.) :
« La seule langue avec laquelle il semble difficile de faire des comparaison est le rou-
main.
Sinon on peut faire des associations :
Espagnol - portugais- catalan
Italien - Piemontais --> Mais la structure des phrases est très compliquée en
Piémontais, on n’arrive pas trop à saisir la fonction des mots : s’ils sont articles, subs-
tantifs, verbes…
Le plus facile est l’espagnol le portugais et l’italien : je connais l’espagnol qui est
presque transparent même pour la structure des phrases au portugais. En italien c’est
un peu plus compliqué, il faut lire le texte et insister sur la prononciation des mots
pour retrouver des analogies et dégager des parallèles -> nella forma - en la forma
Le roumain reste le plus difficile pour moi, je pense que les accents jouent un role
important dans la prononciation et donc dans la compréhension des analogies »
Cette synthèse nous paraît intéressante car l’étudiant démontre qu’il a
compris quelles stratégies mettre en pratique au moment de la compréhension
des textes : utiliser l’italien pour la compréhension du piémontais et chercher
les parallèles entre l’espagnol, le portugais et le catalan. Son seul problème
reste le roumain, pour lequel il n’arrive sans doute pas à utiliser ses quelques
compétences en italien. L’étudiante suivante, par contre, se rend compte des
potentialités de son apprentissage du latin pour l’accès au sens en roumain :
…au niveau de la grammaire et des constructions syntaxiques le roumain serait la
langue romane qui conserve le plus l’héritage du latin ! Je pratique un peu de latin
(mes 2 dernières années et mon prochain EO). S’il peut me faciliter la tâche la com-
préhension du roumain c’est un super atout, le seul obstacle (ou au moins le premier)
c’est l’alphabet.
Dabène et Degache, 1996. Pour plus de précisions sur les compétences de lecture, cf. Bertocchi ; 2010.
308
Pour ce qui est du processus d’accès au sens dans un texte écrit en langue
étrangère en général, il est très bien décrit par cette étudiante qui détaille
toutes les étapes :
– après une première lecture, mettre en place une stratégie d’inférence : déduction du
contexte d’énonciation selon la forme du texte (lettre, article, dédicace…), identifi-
cation de la langue (aide accents graphiques, place des mots dans la phrase, identi-
fication temps d’énonciation si possible), repérage mots transparents dans une autre
langue romane, mise en place calques linguistiques, lorsque l’on rencontre un mot tout
à fait opaque essayer d’en déduire le sens à partir de l’étymologie et synthèse.
– parfois, il est nécessaire de passer par une phase d’oralisation du texte pour mieux
comprendre (exemples : créole, patois).
Dans la pratique, nous avons pu observer leur activité de décryptage lorsque
nous leurs avons demandé de lire les deux textes en corse (une recette de
cuisine) et en occitan (un article de présentation d’un festival) (activité n2).
Lors du déroulement de cette tâche les étudiants ont pris des notes sur un pad
en ligne. Ne pouvant pas les citer tous, nous observerons ici les exercices de
deux étudiants :
Texte n1 Corse
Se ressemble à l’espagnol, français et en peu à l’italien. Plusieurs mots sont compré-
hensibles : Forru = four, rompi = romper, metti = meter et etc. À l’aide des images
on arrive à comprendre les mots qui ne se ressemblent pas au langues qu’on connaît,
comme par exemple : conca.
Des mots italiens sont aussi présents : scalda = chauffer
Le seul passage que j’ai la difficulté à comprendre est celui là :
Staccia a farina è fà la falà in u latti
[…]
Texte n2
Langue occitane
Se ressemble plus au français et un petit peu d’espagnol.
La Baia est une manifestation de langues occitanes. PA a filme en 2007 un film docu-
mentaire que raconte cette manifestation.
Valadas= valodas (letton)
Cette langue est un mélange d’espagnol et français.
1er texte
langue : italien-> corse
mots : pastitzzu (2 zz) ; ovi (oeuf) ; cucitura (cucina = cuisine) ; la liaison avec "i", ; les
lettres "g" dans le millieu du mot
Il s’agit d’une recette "pastizzu pisticcinu"
La recette est organisée dans 5 étapes ("tappa).
À gauche il y a les informations concernant le temps de cuisine et les ingrédients et
objets nécessaires
309
Première étape : il faut préchaufé le four à 230°-> indice : « forru » se resemble à
« four » en français après il en a déduction du sens
Étape 2 : "latti fretu" -> se ressemble avec « lapte fiert » en roumain, et il s’agit de lait
bouilli -> fretu = frais
"farina"= farine (FR)
misura= mixtura (Ro) ou mélange (FR)
de manière générale, dans l’étape 2 il faut fair bouillir 3/4 de lait et de mettre la farine
dans le lait bouilli
2e
langue : occitan, des ressemblances avec l’espagnol
nous voulons faire les époux … mais i :l faut lépouse
espos=epoux ; film=film ; projectat=projétér
…minorités linguistiques historiques
« baia » nom de l’événement, chaque 5 ans (atendon)
La Baia de Sant Preire en Val Varacha reste une de plus grands maniféstations histo-
riques de notre terres ? occitaines. Paolo Ansaldi a réalisé ce documentair pendant la
Baia de 2007. durée du film 30 min.
Malgré quelques erreurs en français, les deux étudiants montrent qu’ils
ont bien compris le texte et surtout qu’ils ont assimilé les opérations d’accès
au sens nécessaires pour entrer dans une langue inconnue et qu’ils arrivent à
comprendre la plupart des informations contenues dans les deux documents
originaux. Le résultat est donc atteint : la compréhension du corse et de
l’occitan est possible, même sans avoir étudié ces deux langues auparavant
et de manière autonome, les étudiants ayant fait le travail de compréhension
individuellement.
4. CONCLUSIONS ET BILAN
À la n de ce parcours qui nous a amenée à nous questionner sur l’entrée en
langue étrangère par l’approche de l’intercompréhension, nous sommes encore
plus de l’avis que les étudiants tirent un énorme bénéce de cette approche
et ce à plusieurs niveau. Premièrement au niveau de l’accès au sens : la com-
préhension devient aisée au moment où on sait comment s’y prendre et on a
fait un peu de pratique. Deuxièmement au niveau de l’exercice gymnastique
mental permettant de développer des habilités de compréhension autrement
présentes mais en sommeil. Troisièmement au niveau de la motivation, dégagée
d’une part par les activités d’intercompréhension réceptive - qui permettent
d’accéder assez vite à des langues inconnues et qui donnent à l’étudiant un fort
sentiment de valorisation et sécurisation - et d’autre part par celle des activités
d’intercompréhension interactive qui, elles, permettent de dialoguer très vite
avec des personnes parlant des langues différentes et sur des sujets très variés.
310
À partir de cette recherche nous pourrions un jour nous aventurer sur le
terrain de la production, en essayant de voir à quel moment les étudiants qui
ne connaissent pas du tout une langue et qui commencent à la connaître par la
méthode de l’intercompréhension, se « lancent » vers l’activité de production.
Nous pourrions encore essayer de voir si les stratégies apprises en intercompré-
hension sont réutilisées au niveau de l’activité de compréhension de langues
qu’ils connaissent déjà et donc si ces stratégies leur permettent d’aller plus
vite dans leurs activités de compréhension. Nous pourrions enn travailler
avec les étudiants dans leurs spécialités et voir à quel point les stratégies de
l’intercompréhension sont utiles pour la compréhension de textes dans des
langues totalement inconnues mais fondamentaux pour leurs recherches.
Pour le moment, il nous semble important de remercier tout le public qui a
participé à cette enquête, notamment tous ces étudiants et collègues qui nous
ont permis d’apprendre que l’intercompréhension est une aventure motivante
et précieuse, en particulier et surtout parce que, dans cette société liquide et
individualiste (Bauman, 2006), elle nous réunit et nous aide à mieux nous
comprendre.
Sandra GARBARINO
Université Lumière Lyon 2
CRTT (Centre de recherche en terminologie et traduction)
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Entrée dans l’écrit et entrée par l’écrit
en langues étrangères et secondes
Coordonné par Jean-Michel Robert
études de
linguistique appliquée
revue de didactologie
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et de lexiculturologie
Didier Érudition
Klincksieck
179
juillet-septembre 2015
179 études de linguistique appliquée revue de didactologie des langues-cultures juillet-septembre 2015
ISBN 978-2-252-03980-9
ISSN 0071-190X 54e année
Avant-propos
Écrit
… Participe passé ou substantif ?
Mais assurément didactique
Jean PRUVOST
Présentation
Jean-Michel ROBERT
L’écrit et la langue :
Quelles priorités ? Quelles articulations ?
Gérard VIGNER
Lire et comprendre en langue étrangère :
la méthodologie promue par l’intercompréhension
Sandrine CADDÉO
Les avantages de l’entrée en langue étrangère via
l’intercompréhension : « j’ai l’impression de lire du français
mais écrit différemment donc je me sens puissante ! »
Sandra GARBARINO
Vers un modèle didactique d’apprentissage de la lecture
en français langue seconde et maternelle
Jean-Charles RAFONI
Entrer dans l’écrit en français
et en zone créolophone : le cas du
r
Emmanuelle EGGINTON, Juliette FACTHUM-SAINTON,
Béatrice JEANNOT-FOURCAUD, Paula PRESCOD
Pour un entrée en douceur dans l’écrit en français
langue étrangère et seconde
Jean-Michel ROBERT