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Bull. Soc. Herp. Fr. (2014) 150 : 25-39
Phénologie d’activité d’une communauté de squamates
au nord de la Loire‑Atlantique
par
Gaëtan GUILLER(1), Jérôme LEGENTILHOMME(2) & Olivier LOURDAIS(3, 4)
(1) N°1 Le Grand Momesson, 44130 Bouvron, France
gaetan.guiller@free.fr
(2) Le Planté, 44350 Saint-Gildas-des-Bois, France
jerome.legentilhomme@neuf.fr
(3) Centre d’Études Biologiques de Chizé, CNRS, 79360, Villiers-en-Bois, France
(4) School of Life Sciences, Arizona State University, 85287-4501 Tempe, AZ, USA
lourdais@cebc.cnrs.fr
Résumé – Un suivi de terrain sur une période de 16 années (1997 à 2012) a permis de cumuler des don-
nées d’observations d’émergence (au printemps) et d’entrée en hibernation (en automne) chez sept
espèces de squamates (cinq de serpents et deux de lézards). Ces observations ont été réalisées dans une
quinzaine de communes de la moitié nord du département de la Loire-Atlantique. Nous avons pu met-
tre en évidence des variations annuelles liées aux espèces, au sexe ou aux classes d’âge. Un décalage
d’émergence en faveur des mâles (protandrie) est observé chez cinq espèces. Une relation négative
existe entre les dates d’émergence et celles d’entrée en hibernation. Les afnités climatiques ne per-
mettent pas d’expliquer les variations entre espèces. Les espèces à mode de vie caché (i.e. thermocon-
formes) semblent caractérisées par des durées d’activité plus courtes. La comparaison avec les données
historiques pour les deux espèces de vipères souligne des sorties d’émergence désormais plus précoces.
Ces observations peuvent contribuer à mieux évaluer les effets des bouleversements climatiques en
cours sur ce groupe de vertébrés très sensibles aux uctuations thermiques.
Mots‑clés : Squamates, émergence, suivi à long terme, Loire-Atlantique, France.
Summary – Activity phenology of a squamates community in the North of Loire‑Atlantique
department (France). A eld survey was carried over 16 years (1997 to 2012) and dates of rst vernal
and last autumnal observations were collected in seven squamate species (ve snakes and two lizards).
These observations were obtained in fteen municipalities of the North of Loire-Atlantique Depart-
ment. Important annual variations related to species, sexes and age classes were detected. A sex differ-
ence in emergence date (protandry) was observed in ve species. A negative relationship was detected
between emergence and last observation date: species that emerge early in the year are the one entering
later in hibernation. Climatic afnities do not provide satisfying explanation for this pattern, but con-
trasts in exposure strategies is probably more relevant. That is, species with reclusive life styles seem to
have shorter activity duration when compared with more exposed, thermophilic ones. Comparisons
with historical data in the two viper species suggest earlier emergence dates. Overall, our observations
will contribute to better understand the impact of current climate changes on squamates that are partic-
ularly sensitive to thermal uctuations.
Key‑words: Squamates, winter emergences, long term study, Loire-Atlantique Department, France.
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I. INTRODUCTION
Les ectothermes ne produisent généralement que très peu de chaleur interne et leur acti-
vité est donc directement dépendante des conditions thermiques ambiantes (Angilletta et al.
2002). Ainsi, les conditions thermiques inuencent l’ensemble des performances en incluant
les fonctions locomotrices, physiologiques et reproductrices (Huey & Kingsolver 1989,
Lourdais et al. 2004, Seebacher 2005). Malgré les variations thermiques de l’environnement,
les ectothermes utilisent des moyens comportementaux (thermorégulation) pour atteindre et
maintenir une température corporelle favorable permettant d’optimiser leurs performances
(digestion, mue, reproduction) (Blouin-Demers & Weatherhead 2002, 2008, Lourdais et al.
2013). Dans les régions tempérées et froides, les reptiles sont généralement forcés à mener
une vie ralentie pendant les mois d’hiver (Gregory 1982). Cette pause est généralement iden-
tiée comme l’hibernation (ou hivernation) par distinction avec l’hibernation (sensu stricto)
des mammifères. L’hivernage des reptiles impose des modications physiologiques comple-
xes (Abdelkader et al. 1995, Voituron et al. 2002) et ne doit donc pas être considérée comme
évolutivement “inférieur” (Pough 1980). En effet, l’hibernation des mammifères (et plus
généralement la torpeur) soulignent plutôt les limites énergétiques de l’endothermie. Lors-
que les conditions sont trop froides, la baisse de température et l’arrêt de l’activité devien-
nent obligatoires pour permettre la survie mais les phases de réveil demeurent très coûteuses.
Le phénomène est beaucoup plus exible chez les ectothermes et très peu consommateur
d’énergie.
La pause hivernale des reptiles a été largement étudiée (Saint Girons 1952, Viitanen
1967, Sexton & Marion 1981, Gregory 1982, Naulleau & Fleury 1988, Albadry et al. 1992,
Naulleau 1992, Abdelkaker et al. 1995, Hailey & Loveridge 1997). Les principaux facteurs
déclencheurs de son entrée et de sa sortie sont la température et la durée de l’ensoleillement
(Duguy 1963, Fleury & Naulleau 1987, Weatherhead 1989). Chez les squamates, d’impor-
tantes variations entre espèces semblent exister dans les périodes et durée annuelles d’ac-
tivité. Par exemple, chez le Lézard des murailles, une activité hivernale est régulièrement
constatée (Eble 2012) notamment chez les mâles. Plus généralement, il existe des différen-
ces marquées entre les sexes avec un décalage dans les dates d’émergences comme des sor-
ties plus précoces chez les mâles (i.e. protandrie). Le comportement de thermorégulation
plus précoce des mâles serait imposé par des contraintes de maturation des spermatozoïdes
(Saint Girons & Joly 1974, Olsson et al. 1999). D’autres différences peuvent également exis-
ter notamment entre espèces. Ainsi, dans une zone tempérée, les espèces à afnités climati-
ques froides (nord-européennes) devraient sortir plus précocement que les espèces à afnités
méridionales et en limite nord d’aire de répartition. En considérant à la fois les dates d’émer-
gences (première observation vernale [POV] dans la suite du texte) et les dates de ns d’ac-
tivité (dernière observation automnale [DOA]), l’étude de la phénologie de l’activité devient
importante à appréhender dans un contexte global de réchauffement climatique (Pörtner &
Farrel 2008, Sinervo et al. 2010, Le Galliard et al. 2012).
Nous avons étudié la phénologie d’activité de sept espèces de squamates (cinq serpents
et deux lézards) avec des afnités climatiques contrastées, en situation de sympatrie dans
le nord de la Loire-Atlantique (France). Nous avons examiné si un décalage d’émergence
en faveur des mâles existait chez les espèces étudiées. Par ailleurs nous avons comparé les
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durées d’activité entre espèces pour tester des différences selon les afnités climatiques. Ces
données ont été collectées sur une période de 16 ans (1997-2012).
II. MATÉRIEL ET MÉTHODES
A. Situation géographique
La zone géographique où se concentrent nos observations est située au nord de la
Loire dans la moitié supérieure du département de la Loire-Atlantique au sein du vaste
système bocager du nord-ouest de la France. Les observations proviennent principalement
des communes de Bouvron, Blain, Campbon et Drefféac et, secondairement de Pontchâ-
Figure 1 : Carte du département de Loire-Atlantique et de ses limites communales. Les données ont été
principalement collectées sur les communes de Bouvron, Blain, Campbon et Drefféac (communes gri-
ses foncées) et secondairement de Pontchâteau, Le Gâvre, Missillac, Saint-Gildas-des-Bois, Vigneux-
de-Bretagne, Fay-de-Bretagne, Le-Temple-de-Bretagne, Prinquiau, Malville, Le Grand-Auverné, et La
Chapelle-Launay (communes grises claires). Des observations phénologiques ont été collectées par
Hubert Saint Girons (1975) sur la commune de Nozay (hachures horizontales noires sur fond gris
clair).
Figure 1: Map of the Loire-Atlantique department and location of the study sites. Data were mainly
collected in the districts of Bouvron, Blain, Campbon, Drefféac (dark grey) and, to a less extent, in
Pontchâteau, Le Gâvre, Missillac, Saint-Gildas-des-Bois, Vigneux-de-Bretagne, Fay-de-Bretagne, Le-
Temple-de-Bretagne, Prinquiau, Malville, Le Grand-Auverné, et La Chapelle-Launay (light grey). Pre-
vious observations were collected by Hubert Saint Girons (1975) in Nozay district (horizontal hatch
and grey background).
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teau, Le Gâvre, Missillac, Saint-Gildas-des-Bois, Vigneux-de-Bretagne, Fay-de-Bretagne,
Le-Temple-de-Bretagne, Prinquiau, Malville, Le-Grand-Auverné, et La-Chapelle-Launay.
(Fig. 1).
B. Espèces concernées
Les observations ont été effectuées chez sept espèces de squamates (cinq serpents et
deux lézards) en sympatrie dans la zone d’étude. Les espèces concernées sont brièvement
présentées ci-dessous.
1. Serpents
• Vipera berus (Linnaeus, 1758)
La Vipère péliade est une espèce à afnité climatique froide qui arrive en limite sud de
distribution dans la zone d’étude (Naulleau 1986, 2003). Le mode de reproduction est vivi-
pare et les mâles doivent réaliser une mue prénuptiale en sortie d’hibernation.
• Vipera aspis (Linnaeus, 1758)
La Vipère aspic est une espèce sud européenne qui trouve sa limite nord de distribution
dans la zone d’étude (Naulleau 1986, 2003). Le mode de reproduction est vivipare et les
mâles ne sont pas contraints par une mue prénuptiale en sortie d’hibernation.
• Coronella austriaca Laurenti, 1768
La Coronelle lisse est un petit serpent à reproduction vivipare à afnités climatiques
septentrionales. En France, l’espèce est assez largement distribuée dans une bonne partie
du pays mais fait défaut dans la zone méditerranéenne (Saint Girons 1989). Elle exploite les
milieux bien exposés comme les landes, les afeurements rocheux mais aussi les infrastruc-
tures humaines (vieux murs, carrières, bords de voies de chemin de fer).
• Natrix natrix (Linnaeus, 1758)
La Couleuvre à collier est un serpent semi aquatique de taille moyenne, largement dis-
tribué en Europe. Il est ovipare et utilise régulièrement les débris végétaux comme sites de
ponte (Lowenborg et al. 2012).
• Zamenis longissimus (Laurenti, 1768)
La Couleuvre d’Esculape est une grande couleuvre ovipare à répartition sud européenne.
En France, elle occupe la moitié méridionale du pays et sa limite nord de répartition est assez
proche de notre zone d’étude (Le Garff 1988). Elle a un mode de vie discret qui rend difcile
sa détection à vue.
2. Lézards
• Anguis fragilis Linnaeus, 1758
L’Orvet fragile est un lézard sans patte, largement distribué en Europe occidentale, dont
le mode de reproduction est vivipare (Vacher & Geniez 2010). Il s’agit d’une espèce discrète,
difcilement détectable à vue.
• Lacerta bilineata Daudin, 1802
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Le Lézard vert occidental est espèce thermophile et ovipare présentant des afnités méri-
dionales assez nettes (Vacher & Geniez 2010). C’est un lézard qui est facilement détectable à
vue et très dépendant des talus dans la zone de bocage considérée.
C. Méthodes d’observations
Les observations de reptiles provenant des quatre principales communes sont le résultat
de plusieurs années de suivi d’un certain nombre de zones d’études où les animaux sont indi-
vidualisés et étudiés par CMR (Capture-Marquage-Recapture) et dont la détection repose sur
deux méthodes de prospection. La première consiste à cheminer le long de talus ensoleillés,
de chemins, de routes, de parcelles agricoles, de voies ferrées désaffectées…, tous lieux où
les animaux sont découverts en exposition directe au rayonnement solaire (héliothermie).
La seconde méthode consiste à soulever des matériaux au sol ayant accumulé sufsamment
de chaleur via l’ensoleillement (p. ex. : tôle en acier galvanisée ou brociment, bâches opa-
ques utilisées pour recouvrir les tas d’ensilage souvent stockées en bordure de haie après leur
utilisation). Les reptiles sont alors découverts sous ces matériaux où ils thermorégulent en
thigmothermie (Graitson & Naulleau 2005, Vacher 2010).
Ces deux méthodes sont utilisées en complémentarité sur le terrain tant que les conditions
météorologiques, durée d’ensoleillement et température, restent favorables pour la sortie des
reptiles. Les prospections sur le terrain sont stoppées du milieu de l’automne (début novem-
bre) au milieu de l’hiver (n janvier/début février). Pendant cette période de pause, quelques
rares prospections sont cependant effectuées lors de journées douces et ensoleillées.
Nous avons déterminé la durée d’activité en faisant la soustraction, pour une année don-
née, entre la DOA et la POV. Il s’agit d’une approximation de la période d’activité basée sur
les animaux “visibles” sur le terrain. Cela permet également une comparaison avec la plupart
des travaux publiés sur le sujet, qui ont aussi choisi ce critère de détermination de la durée de
l’activité annuelle.
D. Traitement des données
Les observations présentées dans cet article couvrent la période 1997 à 2012. Peu d’ob-
servations ont été réalisées au début du suivi (années 1997 et 1998) et elles ont été omi-
ses dans certaines analyses. Pour effectuer les analyses, les dates d’observations (calen-
drier julien) ont été transformées en dates ordinales an de calculer des moyennes (i.e. jour
de l’année compris entres entre 1 et 365). Nous avons pris en considération et ajusté les
années bissextiles dans nos moyennes. Les observations d’adultes sont majoritaires (Tab. I)
(POV = 92 % et DOA = 78 %, pourcentages globaux, toutes espèces confondues), et nous
avons exclu les subadultes et les nouveau-nés de toutes les analyses, hormis celles sur les
classes d’âge, et conservé donc uniquement les adultes.
Les variations de POV, DOA, et durée d’activité ont fait l’objet d’analyses de variances
(ANOVA) en testant les effets espèce et sexe (facteurs xes). Les comparaisons entre groupes
on été réalisées à l’aide de test post-hoc HSD de Tukey. Enn, les corrélations entre variable
(POV et DOA) ont été examinées à l’aide de corrélations linéaires simples de Pearson. Le
seuil de signicativité considéré est de 0,05. Les valeurs sont données ± erreur standard.
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III. RÉSULTATS
A. Premières Observations Vernales (POV)
1. Classe d’âge
La majorité des observations vernales ont été réalisées sur des adultes (Tab. I). Pour trois
espèces (Vipera berus, Coronella austriaca, Zamenis longissimus) les juvéniles sont parfois
observés les premiers.
2. Variation entre espèces
Pour l’ensemble des sept espèces, les POV moyennes varient entre le 23 février (L. bili-
neata) et le 20 avril (Z. longissimus) (Tab. II). D’importantes variations existent entre espè-
ces (Fig. 2a & Fig. 3, F(6, 185) = 57,159, p < 0,0001). Notamment C. austriaca et Z. longissi-
mus se distinguent par les dates de sorties plus tardives (Tab. II, Figs 2a, 3). Les deux espèces
de vipères (V. aspis et V. berus) et L. bilineata ont les dates de sortie les plus précoces. Natrix
natrix et Anguis fragilis sont en position intermédiaire.
3. Inuencedusexe
On détecte un effet global signicatif du sexe sur les dates d’émergences (F1, 197 = 15,12,
p = 0,0001) avec des sorties plus précoces chez les mâles (jour moyen : 70.6 ± 23.4 pour
les mâles versus 82,2 ± 18,3 pour les femelles). L’examen espèce par espèce montre des
variations importantes (Tab. II, Fig. 2a) avec une interaction très signicative entre espèce et
sexe : (F6, 185 = 3,25, p = 0,004). Chez Z. longissimus et C. austriaca on observe des dates de
sorties comparables entre les deux sexes (test post-hoc de Tukey, p = 0,99 dans les deux cas).
Chez les cinq autres espèces, les mâles émergent en moyenne une quinzaine de jours avant
les femelles (13, 15, 15, 16 & 20 jours respectivement pour A. fragilis, V. berus, N. natrix, V.
aspis et L. bilineata).
Tableau I : Proportion d’adultes dans les données des Premières Observations Vernales (POV) et des
Dernières Observations Automnales (DOA) au nord du département de la Loire-Atlantique. La valeur
entre parenthèses désigne le nombre d’années d’observations disponibles dans la période 1997-2012.
Table I: Proportion of adults for the rst spring observations (POV) and the last autumn observations
(DOA) in the North of the Loire-Atlantique Department. The value between brackets is the number of
years of observations for the period 1997-2012.
Espèce POV DOA
Vipera berus 88 % (16) 86 % (14)
Vipera aspis 100 % (12) 100 % (13)
Coronella austriaca 93 % (14) 85 % (13)
Natrix natrix 100 % (16) 100 % (15)
Zamenis longissimus 69 % (16) 50 % (16)
Anguis fragilis 100 % (16) 50 % (12)
Lacerta bilineata 100 % (15) 75 % (8)
Moyennes 92 % 78 %
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B. Dernières Observations Automnales (DOA)
1. Classe d’âge
Contrairement aux POV la proportion de juvéniles observée en n d’année est plus éle-
vée (Tab. I) et concerne cinq des sept espèces considérées. Les dernières observations ont été
réalisées sur des juvéniles dans des proportions variables selon les espèces sur la durée de
suivi.
2. Variation entre espèces
De façon similaire aux POV, d’importantes variations existent entre espèces dans les
DOA (F6, 144 = 11,14, p < 0,0001) mais ces dernières sont cependant moins marquées (Tab.
II, Fig. 2b). Les dates de n d’activité sont plus précoces chez Z. longissimus, A. fragilis et
C. austriaca. V. berus est l’espèce dont l’entrée en hibernation est la plus tardive.
3. Inuencedusexe
Pour chaque espèce, les mâles et les femelles entrent en hibernation au même moment
car on n’observe pas d’effet du sexe sur les DOA (F1, 144 = 0,20, p = 0,65) ni d’interaction
entre espèce et sexe (F6, 144 = 0,64, p = 0,70).
Tableau II : Gamme de variation des premières observations vernales (POV) et dernières observations
automnales (DOA) d’adultes chez sept espèces de squamates du nord du département de la Loire-
Atlantique. Les données correspondent à des moyennes réalisées sur seize ans, entre 1997 et 2012
(M = mâle, F = femelle).
Table II: Phenology of the rst spring (POV) and last autumn (DOA) observations of adults of seven
species of reptiles of the North of the Loire-Atlantique Department. Data represent means for 16 years,
from 1997 to 2012 (M = male; F = female).
Espèce Sexe Amplitude des POV Amplitude des DOA Durée d’activité moyenne
Vipera berus M
F
10-fév au 14-mars
09-fév au 27-mars
06-oct au 08-nov
18-sept au 05-nov
244,8 ± 12,5
227,3 ± 14,2
Vipera aspis M
F
10-fév au 15-mars
10-fév au 28-mars
08-oct au 06-nov
16-oct au 06-nov
236,7 ± 11,8
226,6 ± 14,1
Coronella austriaca M
F
13-mars au 13-mai
05-mars au 11-mai
17-sept au 04-nov
12-sept au 26-oct
194,0 ± 40,0
191,2 ± 28,7
Natrix natrix M
F
02-fév au 05-avr
28-fév au 07-avr
24-sept au 06-nov
16-sept au 03-nov
233,8 ± 21,8
211,9 ± 16,7
Zamenis longissimus M
F
03-avr au 10-mai
02-avr au 04-mai
08-sept au 03-nov
15-sept au 14-oct
171,0 ± 19,2
165,4 ± 11,3
Anguis fragilis M
F
22-fév au 17-mars
28-fév au 02-avr
14-sept au 29-oct
05-sept au 30-oct
218,5 ± 19,2
227,5 ± 49,6
Lacerta bilineata M
F
03-fév au 26-mars
26-fév au 28-mars
07-oct au 06-nov
04-oct au 03-nov
240,9 ± 21,9
219,0 ± 22,1
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C. Durée d’activité
1. Variation entre espèces
On observe une corrélation linéaire globale négative entre les DOA et les POV sur l’en-
semble du suivi (r = 0,39, F1, 151 = 27,75 ; p < 0,001). Cette corrélation est renforcée et reste
statistiquement signicative lorsque l’on considère les dates moyennes par espèce (r = 0,83,
F1, 5 = 11,28 ; p < 0,02), ce qui conrme que les espèces à sorties d’hibernation précoces ont
également des dates de n d’activité tardives (Fig. 3).
La combinaison des DOA et des POV nous permet d’évaluer la durée moyenne d’acti-
vité (Tab. II, Fig. 4). On constate d’importantes variations entre les espèces (F6, 143 = 26,28 ;
p = 0,0001) avec les périodes d’activité les plus courtes chez Z. longissimus et C. austricaca
Figure 2 : Date moyenne de première observation vernale (POV) (a) et date moyenne de dernière
observation automnale (DOA) (b) selon le sexe chez sept espèces de reptiles dans le Nord du départe-
ment de la Loire-Atlantique. Seules les observations d’individus adultes ont été retenues.
Figure 2: Date of (a) rst spring observation (POV) and (b) last autumn observation (DOA) according
to sex in seven squamates species in the Northern of the Loire-Atlantique Department. Only data col-
lected on adults were considered.
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(168,3 ± 15,8 et 192,75 ± 34,48 jours respectivement). La période d’activité de V. berus est
la plus longue (236,03 ± 15,8 jours) mais reste cependant comparable avec celle des quatre
autres espèces (222,82 ± 22,10 ; 223,50 ± 38,44 ; 229,96 ± 24,06 ; 231,62 ± 13.67 jours res-
pectivement pour N. natrix, A. fragilis, L. bilineata et V. aspis).
2. Inuencedusexe
On observe un effet global du sexe sur la durée d’activité (Tab. II) avec une durée plus
longue chez les mâles (F1, 143 = 7,07, p = 0,01). L’examen des différentes espèces montre que
ce dimorphisme est très signicatif pour V. berus (17 jours, test de Tukey, p < 0,004) et N.
natrix (22 jours, test de Tukey, p < 0,01) et marginal pour L. bilineata (21 jours, test de Tukey
p = 0,06) mais ne l’est pas pour les autres espèces (p > 0,30).
D. Variations interannuelles
D’importantes uctuations interannuelles ont été observées dans les POV et DOA. Cer-
taines années (2003 et 2005), l’ensemble des espèces a ainsi émergé de l’hibernation en l’es-
pace d’une trentaine de jours, alors que pour d’autres années (1998, 2004 et 2008), les POV
se sont échelonnées sur une durée de presque 80 jours. Des variations entre espèces et selon
le sexe semblent exister (Tab. II). Les plus fortes amplitudes interannuelles de POV sont
observées chez C. austriaca (mâles et femelles) et chez les mâles de N. natrix et L. bilineata
(Tab. II). Les DOA sont également variables mais sans tendances marquées selon les espèces
Figure 3 : Relation entre les dates de première observation vernale (POV) et de dernière observation
automnale (DOA) chez sept espèces de squamates.
Figure 3: Relation between emergence dates (POV) and last autumn observation dates (DOA) in seven
species of squamates in the Northern of the Loire-Atlantique Department.
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(Tab. II). Il en résulte d’importantes variations interannuelles dans la durée d’activité des
différentes espèces (Fig. 4).
Figure 4 : Variation interannuelle de durée d’activité en jours sur l’ensemble de la période de suivi
chez sept espèces de squamates. Les années 1997 et 1998 ont été omises du fait d’un trop petit nombre
d’observations.
Figure 4: Annual variation in activity duration (days) in seven squamates species in the North of the
Loire-Atlantique Department. Years 1997 to 1998 were not included because of too small number of
observations.
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IV. DISCUSSION ET CONCLUSION
Nos seize années d’observations mettent en évidence plusieurs sources de variations dans
la phénologie d’activité des espèces étudiées. La sortie de l’hibernation est souvent décalée
entre les sexes avec des sorties plus précoces chez les mâles (phénomène observé chez cinq
des sept espèces étudiées). L’explication de l’émergence décalée entre les sexes chez la plu-
part des espèces serait associée aux contraintes spéciques de la reproduction (Olsson et al.
1999, Herczeg et al. 2007). En effet, les mâles matures sortent d’hibernation pour réaliser ou
achever leur spermatogenèse. Différents cycles mâles ont été décrits (maturations estivales
ou vernales) mais dans tous les cas les étapes nales de la spermatogenèse sont sensibles à
la température (Saint Girons & Joly 1974). Une spermatogenèse précoce est probablement
avantageuse chez les mâles en permettant des accouplements avec les femelles peu de temps
après la sortie d’hibernation de ces dernières. La sortie tardive des femelles est vraisembla-
blement associée aux besoins alimentaires pour la reproduction et permet aussi d’éviter les
mâles infertiles (Olsson & Madsen 1996). Les différences observées sont en accord avec la
littérature. Par exemple, chez les vipères, des décalages intersexuels comparables de sortie
d’hibernation ont été rapportés par Monney (1994) dans les Préalpes bernoises.
Il est à noter que des variations phénologiques marquées peuvent être observées au
sein d’un même sexe. Par exemple, chez le Lézard des murailles Podarcis muralis (Lau-
renti, 1768), les femelles les plus grandes et probablement les plus âgées sont celles qui se
reproduisent le plus tôt dans l’année (Le Hénanff 2011) et qui parviennent ainsi à réaliser
des pontes multiples. Les pontes les plus précoces favorisent la survie des jeunes du fait
d’une période d’activité plus grande (Le Hénanff et al. 2013). Chez cette espèce, les mâles en
meilleure condition thermorégulent de façon plus intense. Une sortie précoce des mâles peut
donc être avantageuse pour optimiser la spermiogenèse et permettre un accès aux femelles de
meilleure qualité. Notons que le décalage de sortie entre sexes n’est pas observé chez C. aus-
triaca ni chez Z. longissimus mais ces deux espèces sont caractérisées par des POV tardives
(Figs 2a, 3). Ce résultat pourrait être éventuellement lié à une détectabilité plus réduite chez
ces espèces au mode de vie “discret” (Kery 2002, Lelièvre et al. 2010). Cependant, la pres-
sion de recherche était importante dans notre étude en combinant les observations à vue et les
plaques refuges, ce qui suggère une réalité biologique. D’une manière générale et contraire-
ment aux émergences, les entrées en hibernation sont beaucoup moins variables. Par exem-
ple, on n’observe pas d’effet du sexe sur les DOA. Les entrées en hibernation sont aussi
moins variables d’une espèce à l’autre et s’échelonnent en moyenne sur une vingtaine de
jours, et ces valeurs de DOA moyennes sont toujours obtenues au mois d’octobre (Tab. II).
Cet aspect mériterait cependant une attention particulière. Par exemple, des travaux télémé-
triques menés en Suisse (Monney 1994) ont mis en évidence des différences individuelles
importantes chez les mâles de V. aspis, dans les dates d’entrée en hibernation (entre le 10
septembre et le 24 octobre en 1990).
La corrélation négative entre les POV et les DOA démontre que les espèces à émergen-
ces précoces sont aussi celles qui rentrent en hibernation le plus tard (Figs 2, 3). Il en résulte
d’importantes variations entre espèces dans les durées d’activité (Tab. II, Fig. 4). Contraire-
ment à notre prédiction, ces variations ne semblent pas directement liées aux afnités bio-
géographiques mais reètent peut être des contraintes spéciques aux espèces. La Vipère
péliade et la Coronelle lisse, par exemple, sont deux espèces à afnité “froide” (Vacher &
- 36 -
Geniez 2010) mais dont les phénologies divergent fortement dans notre site d’étude. De
même, le Lézard vert occidental, à afnité méridionale a une phénologie similaire à celle
des deux espèces de vipères. Les besoins thermiques et les stratégies de thermorégulation
peuvent offrir une explication plus pertinente des variations interspéciques. Par exemple, la
Couleuvre d’Esculape est une espèce à mode de vie caché qui s’expose rarement directement
au soleil. Des suivis thermiques sur cette espèce soulignent une certaine “thermoconformité”
avec des variations thermiques corporelles proches de celles du milieu environnant (buis-
sons) (Lelièvre et al. 2010). Dans ce contexte, l’activité de cette espèce est possiblement
dépendante de conditions thermiques favorables pour atteindre sa température préférée sans
s’exposer. Ce mode de vie caché avec une exposition réduite est aussi celui de la Coronelle
lisse dont la durée d’activité est très proche de celle de la Couleuvre d’Esculape. L’Orvet
fragile est une espèce également discrète mais qui occupe une position intermédiaire, avec
une émergence précoce associée à une entrée en hibernation également précoce. À l’opposé,
les quatre espèces les plus héliophiles (L. bilineata, N. natrix, V. aspis et V. berus) ont les
durées d’activité plus importantes. Ces espèces bénécient possiblement d’une meilleure
efcacité comportementale et physiologique pour optimiser les opportunités de thermoré-
gulation, même ponctuelles. D’autres travaux sont requis pour tester la validité générale de
notre hypothèse sur la relation entre stratégie de thermorégulation et phénologie, par exem-
ple en ajoutant le Lézard des murailles dans nos analyses.
La phénologie est fortement dépendante des conditions climatiques chez les ectother-
mes et plusieurs travaux ont mis en évidence l’impact du réchauffement sur leur activité (Le
Galliard et al. 2012). Par exemple, chez la Couleuvre de Montpellier Malpolon monspessu-
lanus (Hermann, 1804), on observe en Espagne une augmentation de la période d’activité
avec des entrées en hibernation plus tardives (Moreno-Rueda et al. 2009). Des observations
similaires ont été réalisées en Italie centrale chez la Vipère aspic (Rugiero et al. 2013). Dans
notre étude nous n’observons pas de changement directionnel à l’échelle de la période consi-
dérée mais de fortes variations interannuelles vraisemblablement liées aux anomalies clima-
tiques saisonnières. Plusieurs suivis herpétologiques ont été menés en Loire-Atlantique et la
comparaison avec les données obtenues il y a environ vingt cinq ans dans le même secteur
géographique (commune de Nozay) apporte des éléments intéressants (Saint Girons 1975)
(Fig. 1). Ainsi, les deux espèces de vipères semblent bénécier d’une période d’activité plus
longue de 19 et 23 jours respectivement pour les mâles et les femelles chez V. berus et de 11
et 13 jours respectivement pour les mâles et les femelles chez V. aspis. Les dates d’entrée en
hibernation sont similaires pour ces deux espèces de vipères mais les émergences semblent
désormais plus précoces.
Les squamates sont des organismes très sensibles aux variations thermiques actuelles
(Deutsch et al. 2008, Huey et al. 2012). La connaissance précise d’une communauté d’es-
pèces dans une zone géographique réduite est utile an de mesurer l’impact du réchauffe-
ment climatique sur l’activité mais aussi sur le comportement et la physiologie (Bernardo
& Spotila 2006, Chamaillé-Jammes et al. 2006, Rugiero et al. 2013). An de répondre à ces
interrogations, nous allons poursuivre nos observations de terrain concernant la phénologie
d’activité de ces espèces.
Remerciements – Nous remercions les personnes ayant généreusement fait part de leurs observations
de terrain comblant ainsi quelques lacunes de notre jeu de données : Marc Deniaud (Coronella austria-
- 37 -
ca jeune mâle le 18/04/2010), Philippe Evrard (C. austriaca adulte mâle le 16/03/2011), Jean-Louis
Delemarre (Zamenis longissimus adulte femelle le 02/04/2003), Cyril Nabucet (Z. longissimus adulte le
29/10/2009 ; Z. longissimus adulte femelle le 04/05/2012 ; Z. longissimus adulte femelle le 05/10/2012),
Michaël Ricordel (Anguis fragilis adulte femelle le 17/03/2011 ; Natrix natrix le 23/11/2011). Nous
tenons également à remercier Philippe Geniez et Claude-Pierre Guillaume pour leurs remarques
constructives suite à la première lecture du manuscrit ainsi que Jean-Pierre Vacher pour la traduction
anglaise.
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Manuscrit accepté le 2 janvier 2014
Lacerta bilineata Daudin, 1802, mâle
adulte observé le 26 février 2012 dans la
commune française de Blain (Loire-
Atlantique). On remarque l’aspect très
terreux de l’animal, signe d’une premiè-
re sortie après l’hibernation. Photo : G.
Guiller.
Lacerta bilineata male adult observed
February 26th 2012, municipality of
Blain in the Loire-Atlantique French
department. We notice the earthy aspect
of the animal, signs of a first release
after the hibernation. Picture: G. Guil-
ler.
Vipera aspis (Linnaeus, 1758) mâle adulte observé le 26 février 2012 dans la commune française de Blain (Loire-Atlantique). Photo : G. Guiller.
Vipera aspis (Linnaeus, 1758) male adult observed February 26th 2012, municipality of Blain in the Loire-Atlantique French department. Picture:
G. Guiller.