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La guidance parentale logopédique
Un outil pour améliorer la com munication
et le comportement d’enfants d’âge préscolaire
La guidance parentale logopédique
Un outil pour améliorer la com munication
et le comportement d’enfants d’âge préscolaire
Elise Brassart
Promoteur Thèse présentée en vue de l’obtention
Marie-Anne Schelstraete (UCL) du grade de Docteur en Psychologie et
Sciences de l’éducation
Collection de thèses de l’Université catholique de Louvain, 2015
Président
Nathalie Nader-Grosbois
Comité d’accompagnement et jury
Chantal Desmarais (UL)
Christelle Maillart (ULG)
Isabelle Roskam (UCL)
Emmanuelle Zech (UCL)
Couverture : Sophie Bouzin
Table des matières
TABLE DES MATIERES 5
RESUME 9
REMERCIEMENTS 11
INTRODUCTION GENERALE 15
1. Introduction 15
2. Troubles externalisés du comportement et facteurs de risque : quelles relations ? 17
2.1 Troubles externalisés du comportement et facteurs de risque chez l’enfant 17
2.2 Troubles externalisés du comportement et facteurs de risque chez le parent 20
2.3 Troubles externalisés du comportement et facteurs de risque : origines 22
2.4 Troubles externalisés du comportement et facteurs de risque : conclusion 24
3. Les programmes de guidance parentale logopédique 25
3.1 La guidance parentale logopédique : présentation 25
3.2 Efficacité des programmes de guidance parentale logopédique : synthèse 27
3.3 Efficacité des programmes de guidance parentale logopédique chez les enfants avec troubles du
comportement 29
4. Limites des recherches actuelles 30
4.1 Liens entre troubles comportementaux et langagiers 30
4.2 Les programmes de guidance parentale logopédique 31
4.3 Guidance parentale logopédique et troubles du comportement 32
5. Objectifs et questions de recherche 33
6. Aperçu des chapitres 35
QUELS SONT LES LIENS ENTRE LE DEVELOPPEMENT DU LANGAGE ET LES TROUBLES
EXTERNALISES DU COMPORTEMENT ? ETUDE CHEZ TROIS GROUPES D’ENFANTS D’AGE
PRESCOLAIRE 43
1. Introduction 43
1.1 Les déficits communicationnels des enfants avec troubles externalisés du comportement 44
1.2 Origine de la relation entre troubles comportementaux et langagiers 46
1.3 Objectifs de l’étude 48
2. Méthode 49
2.1 Participants 49
2.2 Procédure 50
2.3 Variables dépendantes 51
2.3.1 Développement langagier 51
2.3.2 Interactions parent/enfant 51
2.4 Analyses statistiques 52
3. Résultats 53
La guidance parentale logopédique : un outil pour améliorer la communication et le comportement…
6
3.1 Comparaisons intergroupes 53
3.1.1 Variables sociodémographiques 53
3.1.2 Variables comportementales 55
3.1.3 Variables langagières 55
3.2 Corrélations entre les mesures de langage et de comportement 56
4. Discussion 58
4.1 Interprétation des résultats 58
4.2 Implications théoriques et cliniques 61
4.3 Limites de l’étude 62
5. Conclusion 62
LA GUIDANCE PARENTALE LOGOPEDIQUE OUTIL DE PREVENTION CHEZ DES ENFANTS
TOUT-VENANTS 67
1. Introduction 67
1.1 Characteristics of parental language input 67
1.2 Parent-implemented language interventions 69
1.3 Current study 70
2. Method 71
2.1 Participants 71
2.2 Procedure 71
2.2.1 Pretest 71
2.2.2 Language assessment 72
2.2.3 Intervention 72
2.2.4 Posttest 75
2.3 Measures 75
2.3.1 Parents’ and children’s verbal interactions 75
2.3.2 Parents’ verbal responsive strategies 76
2.4 Predictions 77
3. Results 77
3.1 Comparability of groups 77
3.2 Parent linguistic complexity: Mean Length of Utterances (MLU) 78
3.3 Conversational participation: Mean Length of Turns (MLT) 79
3.4 Parents’ verbal responsive strategies 79
4. Discussion 80
4.1 Training effects 80
4.2 Clinical implications 82
4.3 Limitations and futures perspectives 83
LA GUIDANCE PARENTALE LOGOPEDIQUE OUTIL D’INTERVENTION CHEZ DES ENFANTS
A RISQUE 87
1. Introduction 87
2. Method 90
2.1 Participants 90
Table des matières
7
2.2 Procedure 92
2.3 Program setting 93
2.4 Treatment program description 93
2.5 Dependant measures 95
2.5.1 Parent/child interactions 95
2.5.2 Referential communication skills 96
2.5.3 Children’s externalizing behavior problems 97
3. Results 98
3.1 Children’s interactive behaviors and parents’ practices (MCIT procedure) 100
3.2 Number of relevant messages (referential communication task) 100
3.3 Children’s externalizing behavior problems (CBCL questionnaire) 101
4. Discussion 101
4.1 Effectiveness of the intervention 102
4.2 Implications 103
4.3 Study limitations 103
4.4 Conclusion 104
LA GUIDANCE PARENTALE LOGOPEDIQUE OUTIL D’INTERVENTION CHEZ DES ENFANTS
AVEC TROUBLES DU COMPORTEMENT 109
1. Introduction 109
2. Method 111
2.1 Participants 111
2.2 Procedure 115
2.3 Program setting 115
2.4 Treatment program description 115
2.5 Dependant variables 116
2.5.1 Parents’ self-efficacy belief 116
2.5.2 Parents’ responsiveness 116
2.5.3 Parents’ negative practices 117
2.5.4 Children’s behavior within interaction 117
2.5.5 Children’s behavior according to a questionnaire 118
3. Results 118
3.1 Effects on parents’ responsiveness and negative practices 119
3.2 Effects on parents’ self-efficacy belief 119
3.3 Effects on children’s behavior 120
4. Discussion 120
LES DETERMINANTS DE L’EFFICACITE D’UN PROGRAMME DE GUIDANCE PARENTALE
LOGOPEDIQUE EVIDENCE-BASED PRACTICE 127
1. Introduction 127
2. Méthodologie 129
2.1 Design expérimental 129
2.2 Mesures 129
La guidance parentale logopédique : un outil pour améliorer la communication et le comportement…
8
2.3 Participants 131
3. Etude 1 132
3.1 Question de recherche 1 et prédictions 132
3.2 Résultats 134
3.2.1 Liens entre les variables avant l’intervention : analyses de corrélations de Spearman 134
3.2.2 Evolution des variables à l’issue de l’intervention : analyses de corrélations de Spearman 138
3.2.3 Evolution des variables après l’intervention : tests de Mann-Whitney 140
3.3 Conclusion 142
4. Etude 2 143
4.1 Question de recherche 2 et prédictions 143
4.2 Résultats 144
4.2.1 Liens entre les variables avant l’intervention : analyses de corrélations de Spearman 144
4.2.2 Evolution des variables à l’issue de l’intervention : Analyses descriptives 145
4.2.3 Evolution des variables à l’issue de l’intervention : analyses de corrélations de Spearman 147
4.3 Conclusion 148
5. Discussion 149
5.1 Interprétation des résultats 149
5.1.1 Données langagières 149
5.1.2 Données tempéramentales 151
5.1.3 Données socioéconomiques 152
5.1.4 Comportements externalisés 153
5.1.5 Pratiques éducatives parentales 153
5.1.6 Communication référentielle 154
5.1.7 Sentiment de compétence parentale 155
5.2 Limites 155
5.3 Implications cliniques 156
DISCUSSION GENERALE 161
1. Résultats obtenus 161
1.1 Liens entre troubles du comportement et développement langagier 161
1.2 Rôle de la parentalité dans le développement de l’enfant 164
1.3 Implémentation de sessions de guidance parentale logopédique à des fins de prévention 166
1.4 Implémentation d’un programme de guidance parentale chez des enfants avec troubles externalisés
du comportement 167
2. Limites 173
3. Implications 177
4. Conclusion 180
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 185
ANNEXE 1. PROGRAMME DE GUIDANCE PARENTALE LOGOPEDIQUE UTILISE 205
Résumé
Les troubles externalisés du comportement chez les enfants d’âge préscolaire sont
fréquemment associés à différents facteurs de risque, et notamment à un retard langagier et
communicationnel. Dans un premier temps, ce travail a pour but d’étudier plus précisément
l’association entre les différents niveaux de langage (articulation/phonologie, lexique,
morphosyntaxe) et les comportements externalisés chez des enfants de 3 à 5 ans. Puis, dans
un second temps, ce travail relate la mise en place et l’évaluation d’un programme de
guidance parentale logopédique, dans le but de remédier aux difficultés
communicationnelles et comportementales, chez trois populations d’enfants d’âge
préscolaire : des enfants tout-venant, des enfants à risque de présenter des troubles du
comportement et des enfants avec un niveau clinique de problèmes comportementaux.
Enfin, dans une troisième étape, les facteurs déterminants de l’efficacité de ce programme
(variables sociodémographiques, niveau langagier et comportemental, tempérament, etc.)
ont été évalués.
Abstract
Externalizing behavior problems in preschoolers are often associated with several risk
factors, including language and communication difficulties. Firstly, the present research
aims to study the association between language development (articulation/phonology,
vocabulary, grammar) and externalizing behavior in 3 to 5 year-old. Secondly, the present
research analyses the impact of a parent-based language intervention, aiming to enhance
children’s communication and behavioral abilities, on three groups of preschoolers: a group
of typically developing children, a group of children at risk for behavior problems and a
group of children with a clinical level of externalizing behavior problems. Finally, thirdly,
the factors influencing this program efficiency (parents’ socioeconomic variables and
children’s language development, behavior problems, temperament) were evaluated.
Remerciements
Il est d’usage de dire que le doctorat est un parcours très solitaire. Je n’ai pas eu cette
impression… Tant de personnes ont facilité la réussite de ce travail, j’aimerais en remercier
quelques-unes !
Tout d’abord, un immense merci à ma promotrice Marie-Anne Schelstraete, la
confiance que tu m’as accordée a été extrêmement précieuse. Merci de m’avoir laissé la
marge de manœuvre dont j’avais besoin tout en enrichissant ce travail par tes excellents
feedbacks ! Merci également aux membres de mon comité d’accompagnement Isabelle
Roskam et Christelle Maillart. Isabelle, mille mercis pour la création de ce si beau projet de
recherche et pour nos agréables discussions lors de sessions de jogging, elles ont été source
d’inspiration… Merci de m’avoir donné l’impression que « rien n’était impossible » par ton
attitude rassurante et tes conseils toujours justes et sensés. Christelle, merci également à toi,
la rigueur scientifique et le sens clinique que tu adoptes m’ont donné envie de persévérer
dans ce métier de chercheur ! J’adresse aussi de sincères remerciements à la présidente du
jury Nathalie Nader-Grosbois. Merci Nathalie d’avoir accepté ce rôle, merci également
pour ta sensibilité et ta présence renforçante tout au long de ce parcours. Pour finir, je tiens
à remercier les membres de mon jury de thèse Chantal Desmarais et Emmanuelle Zech.
Merci Chantal pour l’enthousiasme que tu as exprimé pour ce projet mais également pour ta
confiance et ta disponibilité sans faille ! Enfin, un immense merci à Emmanuelle Zech pour
tes nombreux feedbacks positifs et pour le regard différent et si juste que tu poses sur ce
travail…
Un grand merci également à mes collègues de l’Université catholique de Louvain,
jamais je n’aurais cru pouvoir trouver tant d’optimisme, de gaieté et de solidarité dans un
milieu professionnel. Mille mercis à Marine Houssa, Alexandra Volckaert, Laurie Loop et
Bénédicte Mouton, sans notre collaboration enthousiaste, rien n’aurait été possible. Merci
également à Stéphanie Mazzone pour ton dynamisme à toute épreuve, à Nathalie
Timmermans pour nos discussions stimulantes, à Emilie Jacobs pour tes encouragements, à
Neda Bebiroglu pour ton humour et ton aide dans la correction de l’anglais et à Sarah
Galdiolo pour ta bonne humeur. Merci surtout à nos secrétaires Isabelle Legrain et
Marianne Bourguignon, pour votre aide au quotidien et pour nos discussions plaisantes, à
Dominique Hougardy, pour ta gentillesse et ton support dans la logistique, à Nathalie
Lefèvre, pour ta patience et ton aide statistique et enfin à Martine Janssens pour la rigueur
que tu mets en place dans l’organisation administrative des épreuves du doctorat. Un tout
grand merci aux logopèdes Stéphanie Paquot, Emilie Collette, Sylvie Duval et Anne
Bragard pour votre amitié et votre aide dans la conception méthodologique de ce travail.
J’adresse enfin un remerciement très spécial à Sophie Hancisse, Auriane de Pierpont et
Anne-Sophie Tilmant, qui ont mis leur expérience clinique au service de l’animation des
séances de guidance parentale logopédique de ce travail. Votre aide a été précieuse et
indispensable, merci beaucoup !
La guidance parentale logopédique : un outil pour améliorer la communication et le comportement…
12
J’ai également une pensée toute particulière pour ma famille et mes amis. Merci à mes
parents, Nathalie et Michel pour m’avoir encouragée et soutenue dans ces études et pour
avoir, malgré la distance, toujours été là en cas de problème. Merci à mes sœurs Gaëlle et
Marie et à leurs enfants Noé, Arthur et Théo, tous ces beaux moments de vie passés
ensemble m’ont apporté beaucoup d’énergie. Merci à Kevin pour ton aide dans la
conception des affiches de diffusion de cette recherche. Merci à mes amis Justine, Pauline,
Estelle et Sébastien pour être toujours présents, quel que soit le moment ; nos rencontres
m’ont énormément ressourcée! Merci également à Emily Delespaux, ton empathie m’a aidé
à dédramatiser ce parcours doctoral et à Fanny Rossi, ton amitié sincère et touchante m’a
été précieuse ! Enfin, je souhaite remercier tout particulièrement Youri Carlson, que j’ai eu
la chance de croiser durant ce parcours de thèse, rencontre qui a, sans nul doute, contribué à
la réussite de ce travail. Merci pour avoir toujours cru en moi quelles que soient les
circonstances et pour m’avoir aidé à garder confiance !
Pour finir, j’adresse de sincères remerciements aux écoles des villes de Bruxelles,
Louvain-la-Neuve, Wavre, Ottignies, Charleroi, Andenne, Liège et aux membres de
l’équipe du CPAS de Charleroi pour avoir cru en ce projet et nous avoir aidés dans sa
diffusion. Enfin, ce travail n’aurait pu voir le jour sans la participation active de nombreux
parents et enfants. La détermination et le courage que montrent ces familles face aux
difficultés rencontrées m’ont épatés. Un immense merci à elles !
Chapitre 1
Introduction générale
Cette section est adaptée de plusieurs articles :
Brassart, E., & Schelstraete, M.-A. (sous presse). La guidance parentale logopédique : un
outil pour améliorer la communication et diminuer les problèmes de comportement. In I.
Roskam & M. Mikolajczak, Stress et défi de la parentalité. Bruxelles : De Boeck.
Brassart, E. (2014). Zoom sur quarante ans de recherche sur la guidance parentale :
synthèse de deux méta-analyses. Les cahiers de l’ASELF, 11(2), 3-11.
Brassart, E. (2014). Le petit rapporteur. International Association of Child Language. Zoom
sur les liens entre des variables environnementales ou constitutionnelles et différentes
habiletés langagières. Les cahiers de l’ASELF, 11(3), 22-31.
Introduction générale
1. Introduction
Être parent n’est pas une tâche facile. Être parent d’un enfant qui présente des troubles
externalisés du comportement l’est encore moins. Ces comportements d’impulsivité, de
désobéissance, d’agressivité et de non-respect des limites, présents à un niveau
pathologique chez 6% des enfants d’âge préscolaire, ont de quoi bouleverser la vie des
familles. Certains parents relatent que la vie quotidienne se désorganise peu à peu, qu’ils
sont soumis au jugement et à la culpabilisation de l’école et des proches et qu’ils vont
parfois jusqu’à s’isoler pour éviter toute sortie avec l’enfant. L’enfant, quant à lui, est
confronté progressivement au rejet de ses pairs, de son instituteur, à l’exaspération de ses
parents et de sa fratrie. Comprendre comment ces manifestations en cascade engendrent une
spirale infernale qui mène à l’installation et à l’aggravation des troubles du comportement
est donc facile.
Ces débordements comportementaux chez des enfants en bas âge interpellent et
déroutent bien des professionnels de santé qui n’ont souvent que peu de solutions à offrir à
des parents très en demande. « Attendez un peu », « Ça passera », « Il est encore jeune »,
font partie des conseils donnés à ces parents qui multiplient les avis professionnels dans le
but d’enfin trouver LA solution. Car « attendre » est souvent impossible pour ces parents
qui perçoivent les conséquences parfois dramatiques qu’entrainent les débordements
comportementaux de leur enfant à la fois pour lui-même et pour ses proches. Agir au plus
vite, pour enrayer le cercle vicieux menant parfois à l’exclusion sociale ou scolaire et au
développement de troubles psychopathologiques chez ces enfants, apparait donc comme
une priorité d’un point de vue clinique.
Mais que faire chez de si jeunes enfants alors que les parents qui consultent estiment
souvent avoir « tout essayé » ? Le programme H2M (Hard-t(w)o-Manage Children), mis en
place par des chercheurs de l’Université catholique de Louvain (UCL), privilégie une
approche multidisciplinaire afin de répondre à cette question (Roskam, 2012). Dans une
première étape, menée de 2004 à 2011, une équipe composée de psychologues,
neuropsychologues et logopèdes - orthophonistes a tenté de mettre en lumière, chez 250
enfants « difficiles » de 3 à 5 ans, dont les parents consultaient aux cliniques universitaires
Saint-Luc de Bruxelles, les facteurs de risque qui contribuent à alimenter et à maintenir les
difficultés comportementales. Du côté des parents, ont été observés des pratiques
éducatives plus dures et inconsistantes, un niveau de sentiment de compétence parentale
faible et peu de cohérence éducative entre les parents (Roskam, 2012). Du côté de l’enfant,
ont été mis en évidence dans de nombreux cas des troubles des fonctions exécutives, un
niveau faible de compétences socioémotionnelles ainsi qu’un retard langagier. Ce dernier
facteur de risque fera l’objet de notre attention dans ce travail.
La guidance parentale logopédique : un outil pour améliorer la communication et le comportement…
16
Deux thèses récentes, présentées à l’UCL et qui s’inscrivent dans le cadre du
programme H2M, ont eu pour but d’analyser la prévalence du retard langagier chez des
enfants d’âge préscolaire avec troubles du comportement (Hoang, 2014; Van Schendel,
2014). D’une part, dans une perspective longitudinale, Céline Van Schendel a étudié
l’évolution langagière des enfants du programme de recherche H2M. Leurs habiletés
comportementales, communicationnelles, cognitives et psychoaffectives avaient été
évaluées tous les six mois sur une période de deux ans. Cette chercheuse a montré que trois
clusters pouvaient être créés pour classer ces enfants selon leur niveau de langage (enfants
sans difficultés langagières, enfants avec des difficultés initiales qui avaient tendance à se
normaliser, enfants avec des difficultés langagières sévères et persistantes). D’autre part,
Thi Vân Hoang a comparé les profils langagiers d’enfants Vietnamiens présentant un
trouble spécifique du langage à ceux d’enfants qui montraient des problèmes
comportementaux. De nouveau, une grande partie des enfants qui présentaient des
difficultés comportementales avaient également des troubles touchant plusieurs aspects
langagiers.
Dans une deuxième étape logique, qui s’échelonne de 2011 à 2017, des chercheurs du
projet H2M ont créé et testé l’efficacité d’interventions destinées à agir sur ces différents
facteurs qui semblent alimenter les problèmes comportementaux. Ainsi, les améliorer
devrait conduire à une diminution des comportements problèmes. Plusieurs interventions
ont donc été créées, chacune axée sur un des facteurs de risque spécifiquement liés aux
troubles du comportement, qui visent soit l’enfant (fonctionnement exécutif, compétences
socioémotionnelles), soit le parent (sentiment de compétence parentale, interactions
verbales, gestion des émotions de l’enfant). L’efficacité de ces interventions a ensuite été
évaluée et comparée chez différentes populations d’enfants d’âge préscolaire dont les
comportements externalisés variaient d’un niveau normal à pathologique (enfants tout-
venant, enfants à risque de présenter des troubles du comportement, enfants avec un niveau
clinique de troubles du comportement). Ce travail de thèse, dont le but est de tester l’effet
d’une modification des interactions verbales parent/enfant, grâce à une intervention de type
guidance parentale logopédique, s’intègre dans cette démarche multidisciplinaire.
Nous commencerons, dans cette introduction, par décrire le contexte théorique de ce
projet de thèse, démarche qui nous permettra ensuite de formuler les objectifs et questions
de recherche qui en découlent. Dans un premier temps, nous montrerons qu’un retard
langagier et/ou communicationnel accompagne fréquemment les troubles externalisés du
comportement et participe à leur maintien et aggravation dans le temps. A partir de ce
constat, nous détaillerons les différents programmes de guidance parentale logopédique,
technique d’intervention mise en place dans le cadre de cette thèse pour parer aux
difficultés langagières et comportementales de ces enfants, ainsi que les études qui ont
montré leur efficacité. Puis, nous exposerons les limites de ces études, desquelles découlent
les objectifs et questions de recherche auxquels nous tenterons de répondre. Enfin, dans un
dernier temps, nous présenterons brièvement le contenu des différents chapitres abordés et
le cheminement expérimental que nous avons suivi tout au long de ce travail.
Chapitre 1. Introduction générale
17
2. Troubles externalisés du comportement et facteurs de
risque : quelles relations ?
La littérature montre que certaines caractéristiques du tempérament sont présentes chez
les enfants avec troubles du comportement et notamment la tendance à exprimer davantage
d’émotions négatives, des difficultés à retrouver son calme dans une situation de frustration
ainsi que des troubles attentionnels (Meunier, Roskam, Stievenart, et al., 2011; Qi &
Kaiser, 2003). Néanmoins, les recherches s’accordent pour dire que la présence de traits
tempéramentaux ne suffirait pas, à elle-seule, à déclencher les troubles externalisés du
comportement. En effet, ceux-ci apparaitraient lorsque ces caractéristiques
tempéramentales interagissent avec d’autres facteurs comme un dysfonctionnement des
pratiques éducatives ou des troubles chez l’enfant. Dans cette partie, nous présenterons
donc les différents facteurs de risque liés à l’enfant et au parent qui entretiennent le
développement de problèmes comportementaux.
2.1 Tro u bles ext e rnalisé s du c o m porte m ent et fact e urs
de risq u e chez l’enfant
Parmi les facteurs propres à l’enfant, un dysfonctionnement des fonctions exécutives a
été objectivé (Hughes & Ensor, 2008). Ces compétences recouvrent un ensemble de
processus de « haut niveau » qui impliquent à la fois l’attention et la mémoire. Elles sont
principalement composées de trois capacités : l’inhibition (capacité de supprimer des
pensées ou des comportements), la flexibilité (capacité de se désengager et de passer à un
autre type de traitement) et la mémoire de travail (capacité de maintenir en mémoire, de
supprimer et transformer de l’information) (Miyake et al., 2000). Un déficit à différents
niveaux de ces compétences a été fréquemment mis en évidence chez les enfants avec
troubles externalisés du comportement. En effet, deux méta-analyses récentes ont révélé des
difficultés dans les tâches d’inhibition et de mémoire de travail, principalement à un niveau
verbal chez ces enfants (Pauli-Pott & Becker, 2011; Schoemaker, Bunte, Espy, Deković, &
Matthys, 2014; Schoemaker, Mulder, Deković, & Matthys, 2013). Les troubles
attentionnels font par ailleurs partie intégrante d’un syndrome, qui sera diagnostiqué à partir
de 6 ans chez une partie des enfants avec troubles du comportement : les Troubles
Déficitaires de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH).
En outre, une grande partie des enfants avec troubles du comportement montrent des
difficultés sociales et émotionnelles (Nader-Grosbois, Houssa, & Mazzone, 2013; Qi &
Kaiser, 2003). Ainsi, des recherches récentes illustrent notamment la présence de déficits en
Théorie de l’esprit qui se définissent comme des difficultés à comprendre l’état mental ou à
prendre la perspective d’une autre personne ainsi qu’à inférer ses intentions, ses émotions et
ses connaissances (Nader-Grosbois et al., 2013). En outre, ces déficits émotionnels
engendrent fréquemment des difficultés sociales puisqu’ils entrainent chez l’enfant un
manque d’empathie et de comportements pro-sociaux.
Enfin, l’association entre des troubles externalisés du comportement et un retard
langagier est maintenant bien reconnue par la littérature scientifique (Desmarais, Sylvestre,
La guidance parentale logopédique : un outil pour améliorer la communication et le comportement…
18
Meyer, Bairati, & Rouleau, 2008; Van Schendel, Schelstraete, & Roskam, 2013). En effet,
il est montré qu’environ un tiers des enfants avec troubles externalisés du comportement
présentent des difficultés touchant les aspects formels du langage : l’articulation, la
prononciation des sons (Iwanaga, Ozawa, Kawasaki, & Tsuchida, 2006), le vocabulaire
(Van Schendel, Schelstraete, Regaert, & Roskam, 2008), la production et la compréhension
de phrases (Van Schendel, Schelstraete, Regaert, & Roskam, 2009). A ces difficultés
s’ajoutent fréquemment des troubles pour comprendre ou produire des histoires (Lorch et
al., 1999).
De plus, une large proportion de ces enfants présente un déficit sur le plan pragmatique.
La pragmatique réfère à la capacité d’utiliser le langage dans un contexte social, pour tenir
une conversation et comprendre le sens d’un message. Cette aptitude permet de réaliser des
actes de langage tels qu’attirer l’attention, formuler une demande, gérer les tours de parole,
tenir une conversation, conduire une argumentation ou construire un récit (Kail, 2012). Des
déficits pragmatiques ont été mis en évidence dans plusieurs pathologies
développementales : troubles du spectre autistique, dysphasies et TDAH (Green, Johnson,
& Bretherton, 2014). Dans certains cas, ces déficits sont la conséquence secondaire des
troubles du langage formel. En effet, les enfants qui ont des compétences langagières
restreintes ont moins d’expériences sociales, ce qui peut les mener à utiliser le langage de
manière inappropriée. Dans d’autres cas, ils apparaissent sans que les niveaux formels du
langage ne soient touchés.
Les quelques études qui ont analysé cette relation montrent qu’environ 80% des enfants
avec troubles du comportement ont un déficit de la communication sociale qui se situe à un
niveau pragmatique (Ketelaars, Cuperus, Jansonius, & Verhoeven, 2010). Ketelaars et ses
collaborateurs (2010) ont analysé les relations entre les troubles du comportement et les
problèmes pragmatiques chez plus de mille enfants de 4 ans. Dans ce but, les instituteurs
avaient rempli la Children Communication Checklist (CCC) (Bishop, 1998) pour évaluer
les capacités pragmatiques des enfants et le Strenghts and Difficulties Questionnaire (SDQ)
(Goodman, 1997) afin de mesurer leur comportement. Les auteurs montrent que les
compétences pragmatiques à cet âge sont un important prédicteur des comportements
externalisés. En revanche, dans cette étude, les aspects formels du langage ne corrélaient
pas avec les problèmes comportementaux des enfants. Au quotidien, le déficit pragmatique
des enfants qui présentent des troubles du comportement se manifeste par des conversations
stéréotypées ainsi qu’un non-respect des tours de parole et des besoins de l’interlocuteur.
En outre, ces enfants parlent beaucoup et ne semblent pas écouter ce qu’on leur dit.
Pour finir, des études montrent que la présence de troubles langagiers peut aggraver les
problèmes comportementaux. C’est le constat réalisé par Céline Van Schendel, dans le
cadre du projet H2M, parmi une population de 112 enfants avec troubles du comportement
divisés en trois clusters selon leur niveau de langage. En effet, la chercheuse a montré que
le groupe d’enfants présentant les habiletés langagières les plus faibles démontrait
davantage de difficultés comportementales. Ces enfants étaient en moyenne plus agressifs,
égoïstes, inattentifs et hyperactifs, comportements mesurés par un paradigme multi-
informateurs, multi-méthodes (questionnaire rempli par l’instituteur et paradigme
Chapitre 1. Introduction générale
19
d’observation de l’enfant dans une situation de jeu frustrante codée par un clinicien). En
outre, le groupe d’enfants qui ne présentait pas de difficultés langagières était celui pour
lequel une moindre intensité de comportements externalisés était observée (Van Schendel,
Schelstraete, & Roskam, 2015). Pour finir, d’autres études montrent que les enfants qui
présentent des problèmes comportementaux accompagnés de difficultés langagières ont
plus de risque de montrer une aggravation et une persistance de ces difficultés
comportementales par comparaison aux enfants dont les facultés langagières sont
préservées (Conti-Ramsden & Botting, 2008).
Enfin, selon certains chercheurs, les problèmes langagiers pourraient nuire à la réussite
scolaire des enfants avec troubles du comportement. Comme peu de recherches ont étudié
cette problématique chez les enfants d’âge préscolaire, nous présenterons ici les résultats
d’une étude récente qui a analysé cette question chez une population d’enfants d’âge
scolaire diagnostiqués TDAH. Dans cette étude de grande envergure, des chercheurs
Australiens ont tenté d’établir la prévalence de la comorbidité TDAH/retard de langage
chez une population d’enfants tout-venant de 6 à 8 ans ainsi que le lien entre ces déficits et
le fonctionnement scolaire et social de ces enfants (Brassart, 2014a; Sciberras et al., 2014).
Pour cela, ils ont demandé à quatre mille parents, rencontrés dans plusieurs écoles, de
remplir un questionnaire de dépistage du TDAH. Plus de 180 enfants se sont révélés
positifs et ont été appariés à 210 enfants contrôles. Les habiletés langagières réceptives et
productives ainsi que les capacités académiques de ces enfants ont été évaluées par des tests
standardisés. En outre, leurs compétences sociales ont été mesurées par un questionnaire
rempli par les parents et les professeurs : le SDQ (Goodman, 1997). Les résultats ont
montré que le risque de retard langagier était trois fois supérieur au sein de la population
d’enfants TDAH. De plus, cette recherche a mis en évidence quelques spécificités chez ces
enfants qui présentaient des faiblesses langagières par comparaison aux enfants avec TDAH
sans retard de langage. En effet, ils montraient beaucoup plus de problèmes scolaires
principalement pour la lecture de mots et les mathématiques. Le retard de langage a donc
une influence considérable sur le développement de ces enfants avec TDAH. Or, seulement
40% d’entre eux avaient consulté un logopède - orthophoniste et moins d’un quart suivaient
une rééducation langagière.
En conclusion, la littérature met en évidence d’importantes difficultés langagières à la
fois sur le plan formel et pragmatique chez les enfants avec troubles du comportement. En
pratique clinique, ces difficultés sont malheureusement souvent perçues comme des
problèmes associés aux troubles du comportement et ne sont que rarement diagnostiquées
et prises en charge. Elles sont également souvent masquées par les symptômes
comportementaux, davantage saillants pour l’entourage. Néanmoins, ces difficultés
langagières impactent largement la vie de ces enfants puisqu’il est démontré qu’elles
freinent leurs compétences scolaires et contribuent à l’aggravation de leurs problèmes
comportementaux. Après avoir décrit les facteurs de risque associés aux troubles du
comportement chez l’enfant, et notamment le retard de langage, nous aborderons les
facteurs propres aux parents. Nous explorerons également un postulat sur lequel reposera ce
travail de thèse, selon lequel des pratiques éducatives dysfonctionnelles pourraient en partie
La guidance parentale logopédique : un outil pour améliorer la communication et le comportement…
20
expliquer l’association entre troubles langagiers et problèmes comportementaux chez les
enfants d’âge préscolaire.
2.2 Tro u bles ext e rnalisé s du c o m porte m ent et facte u r s
de risq u e chez le pare n t
La littérature montre que les pratiques éducatives parentales sont associées à la fois au
développement du langage et du comportement des enfants. Tout d’abord, de nombreuses
recherches ont observé que les enfants acquièrent le langage grâce aux interactions avec
leurs pairs ou leurs donneurs de soins.
Tableau 1. Description des stratégies réactives de stimulation du langage
Stratégies
Définition
Exemple
Commentaire
descriptif
L’adulte produit un commentaire qui a
trait à sa propre activité, à l’activité de
l’enfant ou à un évènement immédiat.
L’enfant pousse un camion
AD : Tu pousses le camion
Interprétation
L’adulte interprète le message de
l’enfant en utilisant le contexte.
L’enfant regarde la fenêtre
ENF : Un zozo
AD : Un oiseau ?
Répétition
L’adulte répond à l’enfant en répétant
une partie de ce qu’il a dit juste avant.
ENF : Il y a deux cochons
AD : Deux cochons
Requête de
clarification
L’adulte demande à l’enfant de répéter
son message car il ne l’a pas compris.
ENF : Nana
AD : Pardon ?
Question
ouverte
L’adulte demande une information à
l’enfant qu’il ne possède pas et dont la
réponse et autre que oui ou non.
AD : Qu’est-ce que tu as
fait à l’école ?
Reformulation
L’adulte répond par un énoncé qui
maintient le sens de celui de l’enfant
mais qui comporte des corrections
lexicales ou sémantiques.
ENF : Des beaux chevals
AD : Des beaux chevaux
Labellisation
L’énoncé de l’adulte a une fonction
d’apprentissage déterminée par la
présence d’un nom accentué en position
finale.
ENF : Oh un oiseau
AD : Ah tu as vu la belle
pie !
Expansion
Le parent répète l’énoncé de l’enfant en
le complétant par l’ajout d’un ou
plusieurs mots.
ENF : Une pelle !
AD : Une pelle pour creuser
dans le sable
Chapitre 1. Introduction générale
21
Plusieurs caractéristiques de l’input langagier de l’adulte favorisent l’acquisition
langagière des enfants. Premièrement, des études prouvent l’importance de la réceptivité et
de la réactivité du parent aux initiatives communicationnelles de l’enfant (Desmarais et al.,
2008; Sylvestre & Desmarais, 2015). La réceptivité désigne la capacité du parent à
percevoir les tentatives communicationnelles de son enfant alors que la réactivité verbale
désigne son aptitude à donner des réponses sémantiquement et temporellement adaptées
aux énoncés de l’enfant (Girolametto, Weitzman, Wiigs, & Pearce, 1999). L’adulte produit
un énoncé sémantiquement réactif lorsque celui-ci rencontre le centre d’intérêt immédiat de
l’enfant. De plus, l’énoncé de l’adulte est temporellement réactif s’il est produit dans une
limite de temps adéquate par rapport à l’énoncé de l’enfant. En outre, un langage réactif
comprend des stratégies de stimulation du langage qui spécifient les relations entre les
objets et les actions de l’enfant (expansions des énoncés de l’enfant, répétition, etc.) (voir
Tableau 1) (Girolametto et al., 1999; Maillart et al., 2011).
Deuxièmement, des recherches montrent que le langage de l’enfant est favorisé si
l’input langagier de l’adulte se situe à un niveau légèrement supérieur aux capacités
langagières de l’enfant. Ceci s’observe lorsque l’adulte produit des énoncés reliés au centre
d’intérêt de l’enfant et simplifie son langage pour l’adapter à ce dernier. Ces
caractéristiques vont permettre de rendre le langage du parent plus accessible et
compréhensible pour l’enfant qui pourra ainsi allouer plus de ressources cognitives à
l’apprentissage du langage (Yoder & Warren, 1993). Ces modifications permettent à
l’enfant de connecter plus facilement ce qui est dit à ce qui se passe dans son
environnement. Elles ont des effets sur le développement du vocabulaire, de la
morphosyntaxe et de la capacité à utiliser le langage pour participer à une conversation ou
raconter une histoire (Becker, 1994; Yoder & Warren, 1993).
En outre, selon Roberts et Kaiser (2011), deux autres aspects des interactions verbales
parent/enfant favorisent le développement harmonieux du langage. Les auteurs insistent
d’abord sur l’importance de la fréquence de ces interactions : il a été montré que les parents
d’enfants avec troubles langagiers sont moins souvent engagés dans des activités
conversationnelles avec leur enfant que les parents d’enfants au développement typique
(Hart & Risley, 1995). De plus, la qualité de l’input langagier adressé à l’enfant, et
principalement sa richesse lexicale, est essentielle puisque cette variable est liée au
développement du vocabulaire.
Ensuite, il apparait que les pratiques éducatives, et plus précisément la réactivité du
parent aux initiatives de l’enfant, sont également associées au développement des
compétences sociales et du comportement (Keown & Woodward, 2002; Roskam, Kinoo, &
Nassogne, 2007). C’est le constat réalisé par Kaiser et ses collaborateurs (2000) dans une
étude de large ampleur dont le but était d’étudier les relations entre le développement
langagier et comportemental chez 259 enfants de 3 ans issus de milieux socioéconomiques
défavorisés. Les problèmes comportementaux étaient évalués par un questionnaire parental,
le Child Behavior Checklist for toddlers (CBCL 1½ - 5) (Achenbach & Rescorla, 2000) et
le langage expressif et réceptif par un test standardisé, le Preschool Language Scale- 3
(PLS-3) (Zimmerman, Steiner, & Pond, 1992). Les chercheurs ont montré que les enfants
La guidance parentale logopédique : un outil pour améliorer la communication et le comportement…
22
qui présentaient un niveau clinique de troubles externalisés du comportement avaient
environ 50% plus de risque de développer un retard langagier. Selon eux, cette relation
s’expliquerait par le fait que les parents de milieux socioculturels défavorisés produiraient
moins de comportements soutenant à la fois le développement du langage et la gestion du
comportement. D’une part, les mères qui ont un faible niveau d’éducation et les familles
défavorisées sur le plan socioéconomique auraient tendance à parler peu à leur enfant, à
fournir moins de modèles linguistiques corrects et à avoir un vocabulaire peu diversifié et
peu spécifique (Desmarais et al., 2008; Hart & Risley, 1995). D’autre part, ces familles
présenteraient une parentalité plus dure, punitive et inconsistante ainsi que moins de
réactivité aux initiatives de l’enfant, ce qui est associé à des troubles du comportement
(Kaiser, Hancock, Cai, Foster, & Hester, 2000; A. Martin, Ryan, & Brooks-Gunn, 2007;
Pungello, Iruka, Dotterer, Mills-Koonce, & Reznick, 2009).
Toutefois, il convient de ne pas considérer le lien entre le développement de l’enfant et
les pratiques éducatives de manière causale mais plutôt interactive ou bidirectionnelle. En
effet, la présence d’un trouble du comportement ou d’un retard langagier chez l’enfant
affecte les pratiques éducatives parentales. Dans ce cas, les parents sont moins sensibles et
réactifs à l’enfant et utilisent davantage de pratiques contrôlantes et punitives (Carson,
Carson, Klee, & Jackman-Brown, 2007; Maillart et al., 2011; Roskam & Meunier, 2012).
Sur ce point, l’étude de Barnett et de ses collaborateurs (2012) est intéressante. Ces
chercheurs ont mesuré, chez des enfants tout-venant de 12, 24 et 36 mois, le comportement
du parent par une échelle composée de différentes variables : sensibilité, retrait, affects
positifs, affects négatifs, joie et stimulation du développement cognitif. En outre, les
compétences sociales et le langage des enfants avaient été évalués aux mêmes temps de
mesure. Les auteurs ont montré que le comportement des parents à 12 mois prédisait le
développement du langage et des compétences sociales de l’enfant à 24 mois. De plus, dans
un second temps, les compétences langagières et sociales des enfants à 24 mois prédisaient
la sensibilité et la réactivité du parent à 36 mois. Dans le même ordre d’idée, Carson et ses
collaborateurs (2007) ont montré que des parents d’enfants de 2 ans présentant un retard de
langage avaient mis en place des pratiques éducatives plus contrôlantes et peu réactives.
Pour expliquer en partie ce constat, les auteurs émettent l’hypothèse selon laquelle un
problème de compréhension du langage chez l’enfant aurait entrainé une incompréhension
des instructions du parent. Le donneur de soin favoriserait alors la mise en place de
pratiques éducatives plus autoritaires et punitives. Il s’ensuivrait donc un cercle vicieux
puisque ces attitudes parentales freinent le développement du langage et du comportement
(Maillart et al., 2011). Les résultats de ces deux études illustrent donc parfaitement
l’importance de considérer la relation parent/enfant de manière transactionnelle et non
unidirectionnelle.
2.3 Tro u bles ext e rnalisé s du c o m porte m ent et facte u r s
de risq u e : ori g ines
Peu d’études ont évalué l’origine de la relation entre les troubles du comportement et du
langage chez les enfants d’âge préscolaire. Bien que plusieurs hypothèses soient évoquées
Chapitre 1. Introduction générale
23
dans la littérature, la plupart des études adoptent une perspective multifactorielle pour
expliquer cette comorbidité.
D’une part, il est possible que cette relation soit de type causal. Premièrement, certaines
études montrent que les problèmes comportementaux restreignent les interactions sociales.
Ainsi, l’enfant a moins d’occasion d’avoir des conversations avec ses pairs, ce qui peut
mener à l’émergence d’un retard de langage (Ripley & Yuill, 2005). De plus, des difficultés
comportementales et attentionnelles précoces peuvent freiner le processus d’attention
conjointe qui est un moteur de l’apprentissage du langage (Petersen et al., 2013).
Deuxièmement, la présence d’un déficit communicationnel peut engendrer de la frustration
chez l’enfant qui ne parvient à comprendre le langage ou à exprimer ce qu’il ressent, ce qui
conduit parfois à l’émergence de problèmes comportementaux (McCabe, 2005). En outre,
des recherches récentes montrent que l’utilisation d’un langage interne (adressé à soi-
même) peut jouer un rôle dans la gestion comportementale (Petersen et al., 2013).
D’autre part, cette comorbidité entre troubles du comportement et retard de langage
pourrait être engendrée par la présence d’une variable tierce qui influencerait à la fois le
développement du langage et du comportement. Premièrement, l’influence d’un déficit des
fonctions exécutives est évoquée par la littérature pour expliquer les liens entre le
développement langagier et comportemental. Thi Vân Hoang (2014) a souhaité vérifier
cette hypothèse en comparant sur le plan du langage, du comportement et des fonctions
exécutives trois groupes d’enfants Vietnamiens d’âge préscolaire : (a) des enfants avec
retard langagier, (b) des enfants avec troubles du comportement et (c) des enfants qui
présentaient les deux difficultés. Les résultats mettent en évidence une faiblesse des
fonctions exécutives chez les trois groupes d’enfants ce qui pourrait indiquer qu’une partie
de la comorbidité entre troubles du langage et problèmes comportementaux chez les enfants
d’âge préscolaire résulterait de la présence de difficultés qui touchent les fonctions
exécutives (attention, inhibition et mémoire à court terme) (Vân Hoàng, Schelstraete, Trần,
& Bragard, 2014). En effet, nous avons déjà abordé le fait qu’un dysfonctionnement
exécutif était associé aux problèmes comportementaux. En outre, les compétences
exécutives sont également essentielles à un niveau grammatical, pragmatique ou discursif
par exemple, pour activer, maintenir actives et se remémorer des représentations
linguistiques.
Deuxièmement, un dysfonctionnement des pratiques éducatives parentales a été évoqué
par la littérature pour expliquer les relations entre le développement langagier et
comportemental. En effet, les recherches montrent que les pratiques éducatives sont
associées à la fois au développement du langage et aux troubles du comportement (Brassart
& Schelstraete, en révision). Ainsi, même si l’influence conjointe de plusieurs facteurs doit
être considérée pour tenter de comprendre les liens entre les troubles du comportement et
les compétences langagières et communicationnelles des enfants d’âge préscolaire, le rôle
des pratiques éducatives dans l’origine de cette relation semble crucial. Céline Van
Schendel (2014) a tenté d’analyser le développement langagier et les pratiques éducatives
parentales des dyades parent/enfant avec troubles du comportement de l’étude H2M.
Néanmoins, les analyses n’ont montré aucun lien entre les pratiques éducatives et le
La guidance parentale logopédique : un outil pour améliorer la communication et le comportement…
24
développement langagier des enfants. Au regard des quelques limitations de cette recherche
(mesure des pratiques éducatives uniquement par un questionnaire, population de milieu
socioculturel plutôt favorisé, etc.), des analyses complémentaires restent néanmoins
nécessaires. Ce travail de thèse aura donc pour but d’explorer plus en profondeur
l’hypothèse selon laquelle un dysfonctionnement des pratiques éducatives parentales
expliquerait en partie l’association entre les troubles du comportement et le retard de
langage chez les enfants d’âge préscolaire.
2.4 Tro u bles ext e rnalisé s du c o m porte m ent et facte u r s
de risq u e : con c lusion
En conclusion, comme l’illustre la Figure 1, les études montrent que différents facteurs
de risque, liés à la fois aux parents et à l’enfant favorisent l’apparition et le maintien de
troubles externalisés du comportement. La relation entre ces variables et les problèmes
comportementaux est bidirectionnelle puisque les troubles du comportement contribuent à
maintenir les difficultés langagières, sociales, cognitives ou parentales. Les études montrent
par ailleurs que c’est l’accumulation de ces facteurs de risque qui engendre l’apparition et
la persistance des problèmes comportementaux (Roskam et al., 2007). Notons que cette
notion de cumul de facteurs de risque est présente pour différents troubles
développementaux puisque, par exemple, Sylvestre et ses collaborateurs ont montré, chez
plus de 100 enfants de 18 à 36 mois qui présentaient des faiblesses langagières, que
l’ampleur du retard de langage dépendait du nombre de facteurs de risque que ces enfants
cumulaient (développement cognitif et moteur faible, troubles du comportement,
prématurité, dépression de la mère, stimulation du parent, niveau socioéconomique de la
famille, etc.).
Figure 1. Les facteurs de risque des troubles externalisés du comportement
Chapitre 1. Introduction générale
25
Dans ce travail, nous nous baserons sur l’hypothèse selon laquelle des pratiques
éducatives dysfonctionnelles expliqueraient en partie la relation entre les troubles du
langage et du comportement chez les enfants d’âge préscolaire. Ainsi, en manipulant les
pratiques éducatives de réactivité verbale et les stratégies communicationnelles des parents
nous devrions à la fois améliorer le niveau de langage des enfants mais aussi diminuer leurs
problèmes comportementaux. L’objectif sera donc d’agir sur deux facteurs de risque
spécifiquement liés aux troubles du comportement : les pratiques éducatives et le niveau de
langage. Dans la suite de chapitre, nous présenterons la méthode d’intervention qui sera
utilisée dans ce but : la guidance parentale logopédique.
3. Les programmes de guidance parentale logopédique
3.1 La g u idance p arenta l e logo p é dique : pr é sentati o n
Comme nous l’avons évoqué précédemment, la littérature montre que les parents ont un
rôle essentiel à jouer dans le développement de la communication de leur enfant (A. Martin
et al., 2007). Ainsi, la richesse du langage adressé à l’enfant au cours des premières années
de sa vie est le support du développement de sa communication et de ses apprentissages
scolaires ultérieurs (Hart & Risley, 1995; Vernon-Feagans & Bratsch-Hines, 2013).
Néanmoins, la présence d’un retard de langage ou d’un trouble du comportement chez
l’enfant peut freiner la mise en place de ces pratiques éducatives positives associées au bon
développement du langage (Barnett, Gustafsson, Deng, Mills‐Koonce, & Cox, 2012;
Maillart et al., 2011). Dans ce cas, il arrive fréquemment que les parents passent moins de
temps à interagir avec leur enfant, utilisent peu de stratégies de stimulation langagière et
diminuent leur réactivité aux initiatives communicationnelles de l’enfant (Carson et al.,
2007; Hart & Risley, 1995; Maillart et al., 2011). Un cercle vicieux se crée puisque le
parent développe des attitudes qui favorisent le maintien du retard langagier de l’enfant. Il
est alors essentiel d’agir au plus vite.
Les programmes « naturels » de guidance parentale logopédique visent à déjouer ce
cercle vicieux en modifiant les caractéristiques de la communication entre le parent et son
enfant. Le postulat global est d’améliorer la réactivité verbale du parent aux initiatives
communicationnelles de l’enfant, tout en minimisant la directivité. Ainsi, ils favorisent la
mise en place, dans des conditions naturelles d’interaction avec l’enfant, d’attitudes
propices au développement de la communication. L’objectif de ces programmes n’est pas
réellement tourné vers l’amélioration du langage de l’enfant, puisqu’une augmentation des
scores aux tests standardisés de langage est rarement observée. Leur but est plutôt
l’augmentation de la communication de l’enfant et l’amélioration des interactions entre les
parents et leur enfant (Tannock & Girolametto, 1992). Différents conseils sont donnés aux
parents dans ce but : suivre l’attention de l’enfant, reconnaitre ses besoins, équilibrer les
tours de parole, adapter son langage au niveau de l’enfant, imiter l’enfant, répéter et
allonger ses énoncés, maintenir son thème de conversation et stimuler son langage par
différentes stratégies (reformulations, labellisations, commentaires descriptifs, etc.) (voir
Tableau 1).
La guidance parentale logopédique : un outil pour améliorer la communication et le comportement…
26
Tableau 2. Présentation et comparaison de trois types de programmes de
guidance parentale logopédique
Type de programme
Hanen Parent Program
Enhanced Milieu Teaching
Play and Learning
Strategies
Description
des stratégies
enseignées
Réactivité
verbale
Suivre les initiatives de l’enfant
Lui laisser le temps pour initier
l’interaction
Imiter l’enfant
Équilibrer les tours de parole
Poser des questions qui
encouragent la conversation
Commenter son centre d’intérêt
Suivre les initiatives de
l’enfant
Lui laisser le temps pour
initier l’interaction
Demande de clarifications
Équilibrer les tours de parole
Répondre rapidement
Écouter
Suivre les initiatives
de l’enfant
Répondre de manière
chaleureuse et
appropriée
Équilibrer les tours
de parole
Stratégies de
stimulation
du langage
Utiliser des expansions
Interpréter ce que dit l’enfant
Utiliser des labellisations
Utiliser des expansions
Utiliser des
labellisations
Activités
avec l’enfant
Utiliser des routines de jeu pour
faciliter l’acquisition langagière
(exemple : coucou beuh, jeux de
poursuite, de tri, etc.)
Utiliser la lecture partagée
Utiliser musique, chant
Organiser l’environnement
de jeu pour encourager
l’engagement et l’initiation
de l’enfant
Sélectionner de manière
appropriée les jeux selon les
intérêts de l’enfant
Importance du jeu et
des activités de la vie
quotidienne
Utiliser la lecture
partagée
Utiliser musique,
chant
Adaptation à
l’enfant
Adapter son langage au niveau de l’enfant
Autres
Sélectionner des cibles
langagières appropriées au
niveau de l’enfant (optionnel)
(par exemple : mots de
vocabulaire, structures
grammaticales cibles)
Sélectionner des cibles
langagières appropriées au
niveau de l’enfant
L’inciter à utiliser ces cibles
Renforcer leur utilisation
Utiliser un modèle verbal
- Utiliser des questions pour
inciter à réaliser des requêtes
Importance d’un
attachement secure
Utiliser stratégies
disciplinaires
positives et
renforcements
positifs
- Utiliser un langage
riche
Durée du programme
2.5 mois
3 – 5 mois
3 mois
Nombre et types de séances
6 à 8 sessions de groupe de 2.5
heures
3 visites à domicile d’1 heure
24 à 36 sessions
individuelles de 45 minutes
24 sessions de
groupe de 30
minutes
Âge et types d’enfants visés
Enfants de 18 à 30 mois avec
troubles langagiers, troubles
envahissants du développement,
déficits cognitifs et moteurs
Enfants de 35 à 51 mois
avec troubles langagiers,
troubles envahissants du
développement, retards
mentaux
Enfants de 25 à 40
mois avec troubles
langagiers, retards
développementaux
Chapitre 1. Introduction générale
27
Différents programmes de guidance parentale logopédique existent. Les principaux sont
le Hanen Parent Program créé par Ayana Manolson (Manolson, 1985), dont l’efficacité a
été évaluée par de nombreuses études (Baxendale, Frankham, & Hesketh, 2001;
Girolametto, 1988; Girolametto, Pearce, & Weitzman, 1995, 1996; Girolametto, Sussman,
& Weitzman, 2007), le Enhanced Milieu Teaching (EMT) (Kaiser, 1993) également
largement validé scientifiquement (Delaney & Kaiser, 2001; Hancock, Kaiser, & Delaney,
2002; Kaiser & Hemmeter, 1996; Kaiser & Roberts, 2013; Peterson, Carta, & Greenwood,
2005; Roberts & Kaiser, 2012) et le Play and Learning Strategies (PALS) (Landry &
Smith, 1996), dont l’efficacité a aussi été maintes fois démontrée (Deutscher, Fewell, &
Gross, 2006; Landry, Smith, Swank, & Guttentag, 2008; Mahoney, Boyce, Fewell, Spiker,
& Wheeden, 1998). Une comparaison de ces différents programmes a été réalisée pour ce
travail de thèse et se trouve dans le Tableau 2.
3.2 Eff i cacité d es p rogram m es d e g uidanc e parent a l e
logopéd i que : synthè s e
L’efficacité de ces programmes a été largement étudiée et démontrée par la littérature
scientifique. En effet, depuis le début des années 70, de nombreuses études ont évalué les
bénéfices de la mise en place de programmes de guidance parentale logopédique pour la
remédiation du langage de l’enfant. Il est toutefois difficile de faire le point sur cette
littérature puisque ces recherches varient sur de nombreuses variables : longueur et nature
du programme de guidance utilisé, diversité des pathologies des enfants, etc. (Brassart,
2014b). Trois méta-analyses récentes ont été réalisées dans le but de maximiser la
puissance statistique des études qui ont évalué l’efficacité de programmes de guidance
parentale logopédique (Kong & Carta, 2013; Rakap & Rakap, 2014; Roberts & Kaiser,
2011). Dans cette partie, nous synthétiserons les résultats obtenus par ces trois études.
Tout d’abord, Roberts et Kaiser (2011) ont sélectionné 18 recherches sur un total de 950
selon certains critères : les parents étaient les agents principaux de l’intervention, les
enfants étaient âgés de 18 à 60 mois et présentaient des troubles du langage. Dans cette
méta-analyse, les interventions se déroulaient sur une période de 10 à 13 semaines. Pour
leur méta-analyse, Kong et Carta (2013) ont, quant à eux, choisi 31 études parmi les 224
qu’ils avaient présélectionnées. Cette sélection s’est basée sur les critères suivants : les
enfants devaient avoir moins de 6 ans et avaient un retard de développement ou étaient à
risque d’en présenter. Dans cette méta-analyse, les interventions des études sélectionnées se
déroulaient sur une période de 6 à 27 semaines. Il est important de souligner que, même si
plusieurs études se retrouvent dans les deux méta-analyses, les critères de sélection étaient
différents. En effet, Roberts et Kaiser (2011) ont choisi des études qui objectivaient un
retard de langage chez les enfants. En revanche, Kong et Carta (2013) n’ont pas utilisé ce
critère puisque certaines des recherches sélectionnées portaient sur des enfants à risque de
développer ces troubles. De ce fait, cette dernière méta-analyse englobe davantage de
recherches. Enfin, Rakap et Rakap (2014) ont sélectionné 15 études de cas uniques, cette
fois, sur un total initial de 519. Les enfants devaient avoir moins de 60 mois et présentaient
un déficit développemental. Les interventions comprenaient 17 à 86 sessions.
La guidance parentale logopédique : un outil pour améliorer la communication et le comportement…
28
Tout d’abord, les trois études montrent que les guidances parentales logopédiques ont
des effets sur la communication du parent. Le principal changement, qui se retrouve dans
90% des études sélectionnées par Kong et Carta (2013), est une augmentation de la
réactivité verbale du parent aux initiatives de l’enfant et une diminution de la directivité à la
suite de l’intervention (réduction des directives et initiations non réactives du parent). De
plus, une augmentation des stratégies réactives de stimulation du langage est mise en
évidence (commentaires descriptifs, labellisations, reformulations, allongements) dans les
études. En revanche, selon Kong et Carta (2013), aucune des études sélectionnées ne révèle
une diminution de la complexité linguistique du langage parental après l’intervention.
Enfin, ces mêmes auteurs montrent que quelques études évaluent les comportements
émotionnels du parent et observent une amélioration de ceux-ci (davantage de félicitations,
d’encouragements et de chaleur dans l’interaction).
Les trois méta-analyses révèlent que cette modification des comportements du parent au
sein de l’interaction a ensuite conduit à des améliorations du langage et de la
communication des enfants. En effet, des effets positifs sur le vocabulaire, la
morphosyntaxe (augmentation de la longueur moyenne des énoncés) et la communication
(augmentation des initiations et requêtes) sont mis en évidence. En outre, il est important de
noter que les résultats sont équivalents si l’on compare des mesures rapportées par les
parents et des observations directes du vocabulaire et de la syntaxe de l’enfant. Cela atteste
du fait que ces résultats sont objectifs et ne dépendent pas seulement de la perception du
parent. Selon Roberts et Kaiser (2011), dans les études sélectionnées, les interventions
agissent le plus favorablement sur le développement syntaxique alors que l’effet sur les
capacités langagières réceptives est le moins important. De plus, Kong et Carta (2013)
mentionnent que, généralement, les études n’ont pas d’effet sur la taille du vocabulaire et
les tours de parole au sein de l’échange.
L’influence des caractéristiques des participants sur l’efficacité des interventions a
également été étudiée par les auteurs des méta-analyses. Ainsi, ils montrent que l’efficacité
des interventions est similaire selon que les enfants aient ou non un retard intellectuel et
selon le niveau socioéconomique des parents. En revanche, selon Kong et Carta (2013), les
enfants qui sont à risque de développer des troubles bénéficient davantage de cette
intervention que les enfants qui présentent des retards avérés dans différents secteurs de
développement.
Enfin, quelques études sélectionnées dans la méta-analyse de Kong et Carta (2013) ont
évalué les compétences sociales et émotionnelles des enfants. Toutes montrent que les
programmes de guidance parentale logopédique ont créé une amélioration des compétences
sociales des enfants qui se traduit par un meilleur niveau de coopération et d’engagement
dans la tâche. De plus, leurs comportements émotionnels se sont également améliorés à la
suite de l’intervention puisque les enfants présentent davantage d’affects positifs et moins
d’affects négatifs et d’irritabilité dans l’interaction avec leur parent. Par ailleurs, les études
montrent que cette amélioration s’est généralisée puisqu’elle se retrouve quand l’enfant
interagit avec d’autres personnes que le parent qui a suivi l’intervention.
Chapitre 1. Introduction générale
29
En conclusion, ces méta-analyses confirment les effets positifs des guidances parentales
logopédiques chez les enfants avec retard de langage ou à risque d’en développer. Chez le
parent, on note une amélioration de la réactivité verbale aux initiatives de l’enfant ainsi
qu’une meilleure utilisation de stratégies de stimulation du langage et une amélioration des
comportements émotionnels. Chez l’enfant, des améliorations du langage, de la
communication et des compétences sociales et émotionnelles sont mises en évidence. Ces
changements ne dépendent pas du quotient intellectuel des enfants ni du niveau
socioéconomique des familles. Toutefois, ces interventions semblent plus efficaces chez les
enfants à risque de développer des troubles, qui évoluent dans des environnements moins
favorables, ce qui montre l’importance d’une approche préventive dans ce domaine.
Quelques faiblesses des interventions de guidances parentales logopédiques sont néanmoins
relevées dans ces méta-analyses. Ainsi, elles semblent moins favorables pour les enfants
qui ont des difficultés de compréhension du langage. En effet, ces programmes mettent
principalement l’accent sur l’expression de l’enfant. Enfin, il est important de souligner une
des limites de ces méta-analyses : dans le domaine de la publication, il est souvent plus
facile de faire valoir et de publier une étude lorsqu’elle donne des résultats significatifs.
Ainsi, ces méta-analyses pourraient être biaisées en faveur des études qui montrent un effet
des guidances parentales logopédiques. Enfin, peu de recherches ont étudié l’effet de la
mise en place de ces programmes chez les enfants avec troubles du comportement. Dans le
point suivant, nous présenterons les quelques études qui ont traité cette problématique.
3.3 Eff i cacité d es pro g r ammes d e g u idance p arental e
logopéd i que che z les enf a n ts ave c t rouble s du
compor t e ment
Deux études de cas uniques ont évalué l’effet du programme de guidance parentale
Blended Communication and Behavioral Support (BCBS), qui comprend à la fois des
techniques de guidance parentale logopédique et de gestion du comportement, chez des
enfants issus de milieux socioculturels défavorisés, à risque de présenter des troubles du
comportement (Delaney & Kaiser, 2001; Hancock et al., 2002). Le BCBS est dérivé du
programme Enhanced Milieu Teaching (EMT). Les techniques de guidance parentale
logopédique comprennent l’importance d’augmenter la réactivité verbale du parent aux
initiatives de l’enfant, de balancer les tours de parole en permettant à l’enfant d’augmenter
sa participation conversationnelle et de fournir des stratégies réactives de stimulation du
langage (expansions, reformulations, etc.). Les stratégies de gestion comportementale
comprennent l’importance d’émettre des requêtes claires, de diminuer les instructions, de
fournir des conséquences positives lorsque l’enfant obéit, de diminuer les réponses verbales
négatives et d’utiliser des techniques spécifiques pour augmenter l’obéissance de l’enfant
aux instructions de l’adulte.
Dans une étude réalisée en 2001, Delaney et Kaiser ont testé l’effet de ce programme,
comprenant 25 à 35 sessions individuelles à domicile, chez quatre enfants, âgés de 3 à 4
ans, et leur mère, issus de milieux socioculturels défavorisés. L’efficacité du programme a
été évaluée par des tests standardisés de langage ainsi que par une procédure d’observation
La guidance parentale logopédique : un outil pour améliorer la communication et le comportement…
30
d’un moment de jeu libre entre le parent et son enfant, d’une part de manière standardisée
en laboratoire et, d’autre part de manière libre au domicile du parent, afin de mesurer la
généralisation des effets du traitement. Les auteurs de l’étude ont montré que les parents ont
utilisé et généralisé les stratégies enseignées lors de ce programme puisqu’une réduction
des tours de parole du parent ainsi que des augmentations de la réactivité verbale aux
énoncés de l’enfant, du nombre de stratégies réactives de stimulation du langage
(expansions), du nombre de réponses appropriées aux comportements de l’enfant et du
nombre de renforcements positifs ont été observées.
En outre, ces modifications ont créé des effets chez certains des enfants puisqu’une
augmentation de la longueur moyenne des énoncés, indicateur du développement
grammatical, a été observée chez deux enfants et une augmentation du nombre d’énoncés,
indicateur de la participation conversationnelle, ainsi qu’un vocabulaire plus diversifié ont
pu être mis en évidence. De plus, une diminution de la désobéissance aux requêtes
parentales est apparue. Néanmoins, cette amélioration des variables comportementales et
communicationnelles n’a été généralisée à domicile que chez deux des quatre enfants.
Enfin, seule une faible amélioration aux tests langagiers standardisés a été mise en
évidence.
En conclusion, cette étude montre qu’un programme alliant stratégies de guidance
parentale logopédique et techniques de gestion du comportement peut créer une
modification des pratiques éducatives qui conduit à une amélioration des capacités
communicationnelles et comportementales d’enfants d’âge préscolaire à risque de présenter
des troubles du comportement. Néanmoins, l’utilisation des stratégies enseignées par ce
programme à domicile ne semble pas être systématique. Après avoir passé en revue la
littérature relative aux facteurs de risque des troubles du comportement chez l’enfant d’âge
préscolaire et aux techniques d’interventions qui permettraient une prise en charge de ceux-
ci, nous évoquerons, dans le point suivant, les limites de ces études auxquelles nous
tenterons de remédier tout au long de ce travail.
4. Limites des recherches actuelles
La littérature qui traite de la compréhension des liens entre les troubles du
comportement et le retard de langage ainsi que des bénéfices de la mise en place d’un
programme de guidance parentale logopédique peut paraitre conséquente. Néanmoins, cette
analyse de littérature nous permet d’en dégager un certain nombre de limites. Dans cette
partie, nous tâcherons de les répertorier.
4.1 Lie n s ent r e troubl e s com p o rtement aux et
langag iers
Tout d’abord, de nombreuses études ont mis en évidence une association entre les
troubles du langage, à la fois sur le plan formel et pragmatique, et les troubles externalisés
du comportement chez les enfants d’âge préscolaire (Van Schendel et al., 2013).
Néanmoins, ces recherches présentent plusieurs failles. Premièrement, elles n’évaluent
Chapitre 1. Introduction générale
31
généralement pas quelles sont les sphères langagières (articulation, lexique,
morphosyntaxe, pragmatique) qui sont spécifiquement liées aux différentes dimensions
comportementales (désobéissance, affects positifs, irritabilité, engagement dans une tâche,
agressivité, troubles attentionnels) puisque la plupart des études utilisent une variable
langagière composite (Hoang, 2014; Van Schendel et al., 2015). Or, approfondir nos
connaissances à ce niveau permettrait d’avancer dans la compréhension de ce lien.
Deuxièmement, bien souvent les recherches ne statuent pas sur la cause de cette
association. En particulier, l’étude du rôle du facteur « parentalité » dans l’origine de
l’association entre troubles du comportement et retard langagier est lacunaire. En effet,
aucune étude, n’a, à notre connaissance, mesuré simultanément les trois variables : niveau
de langage, problèmes comportementaux, pratiques éducatives. Or, pour pouvoir prendre en
charge les difficultés communicationnelles des enfants avec troubles du comportement, il
est essentiel d’avoir une connaissance approfondie de ces liens et de leurs origines.
4.2 Le s progra m m es de guidan c e parent a le
logopéd i que
Dans un second temps, nous avons montré que le développement tant langagier que
comportemental des enfants était conditionné par les pratiques éducatives et notamment par
la réactivité du parent aux initiatives de son enfant (Qi & Kaiser, 2003). Cette aptitude à
réagir verbalement de façon adaptée sémantiquement et temporellement aux énoncés de
l’enfant peut être maximisée par des programmes de guidance parentale logopédique
(Maillart et al., 2011), interventions qui ont prouvé leur efficacité dans l’amélioration des
performances communicationnelles d’enfants avec retard langagier (Roberts & Kaiser,
2011). Toutefois, les recherches montrent que différents points importants semblent être
encore à développer dans le domaine de l’analyse de l’efficacité de ce type d’interventions.
Notamment, concernant leur dosage, plusieurs pistes sont à investiguer.
Premièrement, les programmes de guidance parentale logopédique sont généralement
longs (6 à 27 semaines) et incorporent différentes stratégies qui impactent sur plusieurs
caractéristiques du langage parental (augmentation de la réactivité verbale, du nombre de
stratégies de stimulation du langage, simplification du langage parental, augmentation de la
fréquence des épisodes d’interaction avec l’enfant, etc.). Connaitre précisément quelles sont
les modifications du langage parental qui créent des changements chez l’enfant est donc
complexe (Rakap & Rakap, 2014; Roberts & Kaiser, 2011). Or, cette information est
cruciale d’un point de vue clinique pour pouvoir, dans un second temps, optimiser la durée
de ce type de programme grâce à une sélection des techniques les plus efficaces et les plus
adaptées. Pour cela, il serait intéressant de mesurer et de comparer l’efficacité
d’interventions ciblées sur un aspect particulier et spécifique de la communication du
parent grâce à un design de type micro-trial. Ce type de procédure expérimentale a pour but
de tester l’efficacité d’une brève manipulation d’une variable dans le but de l’isoler et de
différencier son impact de celui d’autres covariables (Howe, Beach, & Brody, 2010).
La guidance parentale logopédique : un outil pour améliorer la communication et le comportement…
32
Deuxièmement, l’efficacité de ce type d’interventions a principalement été évaluée chez
des enfants qui présentaient des déficits développementaux avérés. Il serait toutefois utile
de tester l’efficacité de ces programmes à des fins de prévention chez un public tout-venant
ou à risque de présenter des troubles du langage. Une telle approche permettrait d’éviter
l’installation et l’enracinement de troubles langagiers ou comportementaux.
Troisièmement, toujours dans un but de prévention, pour optimiser la durée et le coût de
ce type de traitement, il serait intéressant de se pencher sur l’effet d’interventions auto-
administrées par le parent sur un ordinateur, sans la présence d’un thérapeute. En effet, bien
que ce type de support ait montré des effets prometteurs dans le domaine de la guidance
parentale de type gestion du comportement (Sanders, Calam, Durand, Liversidge, &
Carmont, 2008), son efficacité n’a été que peu évaluée dans le domaine de la guidance
parentale logopédique.
4.3 Gui d ance par e n tale logopédiq u e e t tr oubles du
compor t e ment
Dans un troisième temps, la mise en place de programmes de guidance parentale
logopédique n’a été que peu évaluée chez des enfants avec problèmes comportementaux.
En effet, chez ces enfants, ce sont généralement des programmes de guidance parentale de
type gestion du comportement qui sont implémentés (Zubrick et al., 2005). Néanmoins,
tester l’efficacité d’un programme de guidance parentale logopédique chez des enfants avec
troubles externalisés du comportement pourrait se révéler intéressant puisque, d’une part,
ces enfants présentent fréquemment un retard communicationnel, et, d’autre part, la
réactivité parentale, compétence maximisée à l’issue de ces programmes, est liée à la fois
au développement du langage et du comportement chez les enfants d’âge préscolaire. La
méta-analyse de Kong et Carta (2013) offre d’ailleurs des pistes de recherche intéressantes
puisqu’elle montre que quelques études ont mis en évidence une amélioration des
compétences sociales et émotionnelles des enfants avec retard de langage à l’issue
d’interventions de type guidance parentale logopédique. Or, des recherches ont observé que
le développement de ce type de compétences était lié au comportement des enfants (Barnett
et al., 2012; Gallagher, 1999).
En outre, nous avons décrit deux études qui ont évalué les effets d’une intervention de
type guidance parentale logopédique comprenant également des stratégies de gestion du
comportement chez des enfants avec problèmes comportementaux (Delaney & Kaiser,
2001; Hancock et al., 2002). Quelques limites de ces études sont néanmoins à souligner.
Tout d’abord, le programme utilisé était très long et onéreux (30 sessions à domicile), ce
qui le rend difficilement applicable sur un plan clinique. Ensuite, comme il incorpore à la
fois des stratégies de guidance parentale logopédique et de gestion comportementale, il est
complexe de savoir quelles techniques ont créé les modifications communicationnelles et
comportementales. En outre, le design de cas uniques, bien que très intéressant à de
nombreux points de vue, rend difficile la généralisation des résultats. Au vu de ces données,
il semblerait donc intéressant d’investiguer plus précisément l’effet de ce type de guidances
Chapitre 1. Introduction générale
33
parentales sur le comportement des enfants par une étude de groupe avec assignation
groupe expérimental/groupe contrôle.
En outre, trois points importants sont à considérer. Tout d’abord, il est essentiel que de
futures études puissent évaluer le maintien dans le temps des effets de ces programmes, ce
qui n’a été que très peu mesuré jusqu’à présent. Ensuite, soulignons que l’utilisation d’une
procédure d’évaluation multi-informateurs multi-méthodes serait souhaitable pour évaluer
les comportements externalisés. En effet, bien que les recherches mesurent généralement le
comportement de l’enfant soit par des questionnaires soit par un paradigme d’observation,
les données de la littérature montrent qu’une évaluation fiable requiert l’utilisation de
plusieurs méthodes et de différents informateurs (Roskam, Meunier, & Stiévenart, 2013).
Enfin, de futures études pourraient s’intéresser aux facteurs déterminants de l’efficacité des
programmes de guidance parentale logopédique afin de maximiser leur portée à un niveau
clinique. Ainsi, analyser l’effet des caractéristiques des participants (types de pathologies,
niveau socioéconomique, tempérament de l’enfant, etc.) sur l’efficacité de ces interventions
permettrait aux cliniciens de pouvoir sélectionner un traitement plus adapté aux patients
(Rakap & Rakap, 2014). Les objectifs de ce travail, que nous présenterons dans le point
suivant, auront pour but de pallier à ces diverses limitations.
5. Objectifs et questions de recherche
Quatre objectifs de recherche seront développés dans ce travail de thèse :
Objectif 1. Comparer sur le plan du développement langagier et des pratiques
éducatives trois populations d’enfants qui se différencient selon le niveau de
comportements externalisés : des enfants tout-venant, des enfants à risque de
présenter des troubles du comportement et des enfants avec un niveau clinique de
troubles externalisés du comportement
Questions de recherche liées à l’objectif 1 :
Ces trois populations d’enfants qui se distinguent par l’intensité et la fréquence des
comportements externalisés varient-elles sur le plan du développement
articulatoire/phonologique, lexical et morphosyntaxique ?
Quels comportements (affects positifs, irritabilité, non compliance, engagement) sont
spécifiquement associés aux différentes compétences langagières (articulation, lexique,
morphosyntaxe) ?
Objectif 2. Comparer l’efficacité de deux programmes très brefs et auto-
administrés de guidance parentale logopédique, à des fins de prévention chez des
enfants tout-venant d’âge préscolaire par un design de type micro-trial
Questions de recherche liées à l’objectif 2 :
Est-il possible d’induire une simplification du langage parental ou une amélioration de
la réactivité verbale avec une unique session de quarante minutes de guidance parentale
auto-administrée sur un ordinateur ?
La guidance parentale logopédique : un outil pour améliorer la communication et le comportement…
34
Quels sont les effets de ces programmes sur la communication des enfants au sein de
l’interaction avec leur parent ?
Objectif 3. Evaluer l’effet de la mise en place d’un programme de guidance
parentale logopédique, classique, en groupe de parents, chez des enfants à risque de
présenter des troubles du comportement ou avec un niveau clinique de troubles
externalisés du comportement
Questions de recherche liées à l’objectif 3 :
La mise en place d’un programme de guidance parentale logopédique induit-elle une
amélioration à court et moyen terme (a) des pratiques éducatives, (b) de la
communication et (c) du comportement chez des enfants à risque de présenter des
troubles du comportement ?
La mise en place d’un programme de guidance parentale logopédique induit-elle une
amélioration à court terme (a) des pratiques éducatives, (b) du sentiment de
compétence parentale et (c) du comportement chez des enfants avec un niveau clinique
de troubles du comportement ?
Comment maximaliser l’efficacité d’une intervention de type guidance parentale selon
une approche evidence-based practice (Maillart, Desmottes, Prigent, & Leroy, 2014;
Schelstraete, Bragard, Collette, Nossent, & Van Schendel, 2011) ? Quelles variables
favorisent l’efficacité du programme : niveau de langage, caractéristiques du
tempérament, niveau de comportements externalisés de l’enfant ou niveau des
pratiques éducatives, du sentiment de compétence parentale, niveau socioéconomique
du parent avant l’intervention ?
Quelles modifications créées par le programme d’intervention conditionnent la
diminution des comportements externalisés de l’enfant : amélioration des pratiques
éducatives, du sentiment de compétence parentale et/ou amélioration de la
communication de l’enfant ?
Objectif 4. Evaluer l’effet du facteur « parentalité » dans l’origine de la relation
entre les troubles du comportement et le retard de langage chez les enfants d’âge
préscolaire
Questions de recherche liées à l’objectif 4 :
Dans une perspective corrélationnelle, quelles sont les relations entre d’une part les
pratiques éducatives et d’autre part les troubles langagiers et comportementaux
d’enfants qui varient selon leur niveau de comportements externalisés ?
Dans une perspective causale, l’augmentation de la réactivité verbale parentale par un
programme de guidance parentale logopédique, engendre-t-elle à la fois une
amélioration des habiletés communicationnelles et comportementales d’enfants qui
sont à risque de présenter des troubles externalisés du comportement ?
Chapitre 1. Introduction générale
35
6. Aperçu des chapitres
Dans le cadre de ce travail de thèse, trois populations d’enfants d’âge préscolaire,
accompagnés d’un de leur parent, ont été rencontrés : des enfants tout-venant (en 2012), des
enfants à risque de présenter des troubles du comportement (en 2013) et des enfants avec un
niveau pathologique de troubles externalisés du comportement (en 2014) (voir Figure 2).
Le deuxième chapitre de ce travail de thèse aura pour but de répondre au premier objectif
énoncé, soit comparer ces trois populations d’enfants, qui se différencient selon l’intensité
des comportements externalisés, sur le plan du développement langagier et des pratiques
éducatives. Nonante cinq enfants (33 tout-venant, 33 à risque et 29 avec un niveau
pathologique de troubles du comportement) ont été comparés sur différentes variables :
Les données sociodémographiques ont été mesurées par un questionnaire : âge de
l’enfant, genre de l’enfant et du parent, niveau d’étude des deux parents, revenus du
ménage, personnes en charge de l’enfant.
Le développement langagier (articulation, lexique, morphosyntaxe) a été évalué par un
test standardisé, la batterie Evaluation du Langage Oral (ELO) (Khomsi, 2001).
Les pratiques éducatives parentales ont été mesurées dans un moment de jeu libre
grâce à une procédure d’observation, la Crowell Mother-Child Interaction Task
(MCIT) (Crowell & Feldman, 1988). Cette procédure comprend l’évaluation de la
réactivité du parent (sensibilité comportementale et émotionnelle offerte à l’enfant,
affects positifs) ainsi que des pratiques négatives (irritabilité) envers l’enfant.
Le comportement de l’enfant a été évalué par la procédure MCIT dans le même
épisode de jeu. Les échelles comprennent une évaluation des affects positifs de
l’enfant, des affects négatifs (irritabilité, non compliance) et de son engagement dans le
jeu (persistance et enthousiasme).
Ensuite, un troisième chapitre aura pour but de répondre au deuxième objectif présenté
qui est de comparer l’efficacité de deux programmes de quarante minutes de guidance
parentale logopédique auto-administrés sur un ordinateur, à des fins de prévention, chez des
enfants tout-venant. Pour cela, deux courtes sessions de guidance parentale logopédique,
dont le but était de stimuler des aspects différents et spécifiques de la communication du
parent ont été créées, grâce à un design de type micro-trial. En outre, 60 dyades
parent/enfant tout-venant, ont été aléatoirement réparties dans trois groupes. Vingt
participants bénéficiaient d’une intervention destinée à simplifier le langage parental, vingt
autres assistaient à une intervention dont le but était l’amélioration de la réactivité verbale
du parent et les vingt derniers participants constituaient le groupe contrôle et ne
bénéficiaient donc pas d’une intervention portant sur la communication. Les interactions
verbales ont été codées lors d’une procédure de jeu libre parent/enfant par différents
processus :
Un logiciel d’analyse du langage spontané, CLAN (MacWhinney & Snow, 1985) dont
le but était d’évaluer la longueur des énoncés du parents ainsi que la participation
conversationnelle (longueur des tours de parole) de l’enfant et du parent.
La guidance parentale logopédique : un outil pour améliorer la communication et le comportement…
36
La comptabilisation manuelle du nombre de stratégies réactives de stimulation du
langage (reformulations, demandes de clarification, répétitions, renforcements,
labellisations, questions ouvertes).
Figure 2. Démarche expérimentale
Chapitre 2 – Objectif 1 et 4
Comparaison de trois
populations : enfants tout-venant
(n = 33), enfants à risque (n = 33),
enfants clinique (n = 29)
(appariement des groupes selon
l’âge)
2012
Recrutement d’enfants tout-
venant
Echantillon final
n = 60
2013
Recrutement d’enfants à risque de
présenter des troubles du
comportement
Echantillon final
n = 36
2014
Recrutement d’enfants avec un
niveau clinique de troubles du
comportement
Echantillon final
n = 30
Chapitre 3 – Objectif 2
Interventions auto-administrées
(répartition aléatoire) :
simplification du langage parental
(n = 20), amélioration réactivité
verbale (n = 20), groupe contrôle
(n = 20)
Chapitre 4 et 6 – Objectif 3 et 4
Intervention de guidance
parentale logopédique : groupe
expérimental (n = 16) et groupe
contrôle (n = 16)
(appariement des groupes selon le
niveau au CBCL)
Chapitre 5 et 6 – Objectif 3
Intervention de guidance
parentale logopédique : groupe
expérimental (n = 21) et groupe
contrôle (n = 20)
(design de waiting liste : certains
participants d’abord contrôle puis
expérimentaux)
Chapitre 1. Introduction générale
37
Puis, un quatrième chapitre abordera l’objectif 3 : évaluer l’effet de la mise en place
d’un programme de guidance parentale logopédique, classique, en groupe de parents, chez
des enfants à risque de présenter des troubles du comportement (voir Annexe 1). Pour cela,
36 enfants ont été recrutés dans des milieux socioculturels moins favorisés de Belgique et
ont été répartis en deux groupes. Seize dyades parent/enfant se sont vues proposer de
participer à un programme de guidance parentale logopédique de huit séances, créées dans
le cadre de cette thèse et 20 dyades constituaient le groupe contrôle. Comme les deux
groupes différaient significativement sur le niveau de comportements externalisés, quatre
dyades contrôle ont été supprimées afin d’apparier les deux groupes. Différentes mesures
ont été prises :
La communication des enfants a été mesurée par une tâche de communication
référentielle, créée dans le cadre de ce travail de thèse.
La réactivité parentale (sensibilité comportementale et émotionnelle offerte à l’enfant,
affects positifs) et les pratiques éducatives négatives ont été évaluées par la cotation
d’un épisode de jeu libre grâce à la procédure d’observation MCIT. Notons que
généralement les études qui évaluent l’effet d’un programme de guidance parentale
logopédique chez des enfants avec retard langagier utilisent une mesure de réactivité
verbale, comme par exemple le nombre d’énoncés du parent sémantiquement réactifs à
l’énoncé précédent de son enfant. Néanmoins, nous avons choisi de mesurer la
réactivité dans une dimension plus large puisque nous appliquons ce programme de
guidance parentale logopédique chez des parents d’enfants avec troubles du
comportement et que cette approche nous a donc semblé plus originale et pertinente.
Le comportement des enfants a été mesuré par une procédure multi-informateurs multi-
méthodes à la fois par le paradigme d’observation MCIT dans une session de jeu libre
et par un questionnaire rempli par les parents de l’enfant, le CBCL 1½ - 5 (Achenbach
& Rescorla, 2000).
Ensuite, dans un cinquième chapitre, qui abordera également l’objectif 3 : évaluer l’effet
de la mise en place d’un programme de guidance parentale logopédique, classique, en
groupe de parents, chez des enfants avec un niveau clinique de troubles du comportement,
ce même programme de guidance a été administré chez des enfants avec un niveau
pathologique de comportements externalisés. Vingt-et-une dyades parent/enfant ont
bénéficié du traitement alors que 20 autres dyades ont constitué le groupe contrôle.
Différentes mesures ont été prises :
Les pratiques éducatives parentales (réactivité et pratiques négatives) ont été évaluées
de la même manière que dans l’étude présentée dans le chapitre 4.
En outre, nous nous sommes intéressées à une variable parentale de nature cognitive,
cette fois, le sentiment de compétence parentale qui a été mesuré par un questionnaire,
l’Echelle Globale du Sentiment de Compétence Parentale (EGSCP) (Meunier &
Roskam, 2009).
La guidance parentale logopédique : un outil pour améliorer la communication et le comportement…
38
Les comportements de l’enfant ont été mesurés par le même procédé que celui utilisé
dans le chapitre 4.
Enfin, un sixième chapitre aura également pour but de répondre au troisième objectif
proposé en évaluant (a) les variables qui ont favorisé l’efficacité du programme de guidance
parentale logopédique (niveau de langage, caractéristiques du tempérament, etc.) et (b) les
modifications créées par le programme d’intervention qui ont conditionné l’amélioration du
comportement de l’enfant (amélioration des pratiques éducatives, du sentiment de
compétence parentale et/ou amélioration de la communication de l’enfant). Pour cela, les
37 dyades parent/enfant à risque ou avec un niveau pathologique de troubles du
comportement qui avaient suivi le programme d’intervention (participants des études
présentées dans les chapitres 4 et 5) ont été regroupées en un échantillon et plusieurs
variables ont été analysées avant et/ou après l’implémentation du programme de guidance
parentale :
Le niveau de langage en prétest mesuré par la batterie ELO.
Les caractéristiques tempéramentales des enfants en prétest mesurées par un
questionnaire : le Colorado Colorado Childhood Temperament Inventory (CCTI)
(Rowe & Plomin, 1977) qui comprend différentes échelles : émotionnalité, attention,
sociabilité, capacités d’auto-apaisement, activité.
Le niveau de comportements externalisés mesuré par le questionnaire CBCL.
Les comportements de l’enfant au sein de l’interaction évalués par la procédure
d’observation MCIT.
Les pratiques éducatives parentales mesurées par la procédure MCIT.
Le sentiment de compétence parentale évalué par le questionnaire EGSCP.
Les caractéristiques sociodémographiques mesurées par un questionnaire.
Ensuite, deux études seront réalisées ; la première aura pour le but d’évaluer les liens
entre ces facteurs ainsi que les relations qu’ils entretiennent avec l’amélioration des
variables dépendantes. En outre, nous comparerons sur le plan de ces variables les enfants
pour qui une diminution des problèmes comportementaux a été mise en évidence à l’issue
de l’intervention à ceux qui ont été moins sensibles au traitement. La deuxième aura pour
objectif de déterminer les améliorations des variables dépendantes qui ont conditionné la
diminution des problèmes comportementaux des enfants.
Pour finir, nous tenterons de répondre au quatrième objectif de cette thèse de manière
transversale tout au long de ce travail. En effet, l’hypothèse selon laquelle des pratiques
éducatives dysfonctionnelles seraient en partie à l’origine de l’association entre les troubles
langagiers et comportementaux des enfants d’âge préscolaire sera étudiée à la fois de
manière corrélationnelle et causale. Premièrement, de manière corrélationnelle, dans le
chapitre 2 nous évaluerons les relations entre les pratiques éducatives parentales mesurées
par le paradigme MCIT et le niveau langagier (épreuves ELO) et comportemental
(paradigme MCIT) des enfants de cette étude. Deuxièmement, le chapitre 4 nous permettra
Chapitre 1. Introduction générale
39
de tester cette hypothèse de manière causale, puisque nous évaluerons l’impact d’une
amélioration de la réactivité parentale par un programme de guidance logopédique à la fois
sur les habiletés communicationnelles et comportementales d’enfants qui sont à risque de
présenter des troubles externalisés du comportement.
Au terme de ces différentes études, la discussion générale proposée au chapitre 6
retracera tout d’abord, de manière succincte, la progression envisagée pour traiter notre
objet d’étude. Ensuite, une synthèse des principaux résultats engrangés tout au long de ce
processus de recherche sera proposée et discutée. Enfin, les apports et les limites des études
menées dans le cadre de ce travail doctoral permettront d’identifier des perspectives de
recherches et de formuler des propositions d’action.
Chapitre 2
Quels sont les liens entre le
développement du langage et les
troubles externalisés du comportement ?
Etude chez trois groupes d’enfants d’âge
préscolaire
La littérature montre une cooccurrence non négligeable entre troubles externalisés du
comportement et retard de langage mais plusieurs limites sont à signaler. D’une part, peu
d’études ont analysé quels sont les aspects langagiers qui s’associent aux différentes
facettes du comportement chez les enfants d’âge préscolaire. D’autre part, les causes de
cette association ont été peu explorées, et particulièrement l’hypothèse selon laquelle elle
serait renforcée par la présence de pratiques éducatives dysfonctionnelles. Cette recherche a
pour but de donner des éléments de réponse à ces questions grâce à la comparaison de trois
groupes d’enfants dont les comportements externalisés varient d’un niveau normal à
pathologique : des enfants tout-venant, des enfants à risque de présenter des troubles du
comportement et un groupe d’enfants avec un niveau clinique de troubles externalisés du
comportement. Les résultats mettent en évidence : (a) Un développement
morphosyntaxique plus faible chez les enfants présentant des troubles du comportement ou
à risque d’en présenter, (b) Des associations entre le niveau de langage des enfants et leurs
comportements de désobéissance et d’engagement dans la tâche, (c) Des relations entre
d’une part les pratiques éducatives et, d’autre part, les troubles langagiers ou
comportementaux des enfants.
Une version de ce chapitre est en révision : Brassart, E., & Schelstraete, M.-A. (en
révision). Quels sont les liens entre le développement du langage et les troubles externalisés
du comportement? Etude chez trois groupes d’enfants d’âge préscolaire. L’Année
Psychologique.
Quels sont les liens entre le
développement du langage et l es
troubles externalisés du comportement?
Etude chez trois groupes d’enfants d’âge
préscolaire
1. Introduction
Les comportements externalisés, qui se caractérisent par de l’agitation, un manque
d’obéissance ou de respect des limites, de l’impulsivité et parfois de l’agressivité, se
présentent sur un continuum, d’un niveau normal à pathologique, chez l’enfant d’âge
préscolaire (Roskam et al., 2007). Les troubles externalisés du comportement, motif très
fréquent de consultations neuropédiatriques, surviennent lorsque la fréquence de ces
comportements perturbe la vie familiale et/ou scolaire de ces enfants (Roskam et al., 2007).
De nombreuses recherches montrent que l’origine de ces difficultés est souvent
multifactorielle (Qi & Kaiser, 2003). En effet, différents facteurs de risque s’y associent :
d’une part des variables intrinsèques à l’enfant (déficit des fonctions exécutives, retard de
langage, difficultés socio-affectives, etc.) et d’autre part des facteurs environnementaux
(pratiques éducatives dysfonctionnelles, milieu socioculturel défavorisé, etc.).
La littérature a montré qu’une proportion non négligeable d’enfants avec troubles
externalisés du comportement présentent un retard de langage associé (Van Schendel et al.,
2013). Celui-ci se marque aussi bien à un niveau formel, par un lexique pauvre et/ou des
difficultés grammaticales, qu’à un niveau pragmatique par des difficultés à mener une
conversation (Gallagher, 1999). D’un point de vue clinique, ce retard de langage, souvent
non diagnostiqué en pratique, a un impact considérable puisqu’il est démontré qu’il
influence largement les relations sociales et la réussite scolaire des enfants avec troubles du
comportement (Bryan, 2004; Monopoli & Kingston, 2012). D’un point de vue théorique,
l’origine de l’association entre ces deux déficits reste encore aujourd’hui l’objet de débats
(Mackie & Law, 2010; Van Schendel et al., 2013). D’une part, la littérature montre que
cette relation pourrait être de nature causale puisque, premièrement, un trouble langagier
peut mener à l’émergence de problèmes comportementaux et, deuxièmement, des
difficultés comportementales initiales peuvent conduire le jeune enfant à développer un
retard de langage (McCabe, 2005; Ripley & Yuill, 2005). D’autre part, cette association
pourrait s’expliquer par la présence d’un ou plusieurs facteurs sous-jacents communs aux
deux difficultés tels qu’une composante génétique, un trouble du fonctionnement exécutif
(attention, inhibition) ou un dysfonctionnement des pratiques éducatives (Beaver, Boutwell,
Barnes, Schwartz, & Connolly, 2014; Green et al., 2014; Kaiser et al., 2000).
Comprendre la nature de ce lien entre développement langagier et troubles du
comportement apparait donc primordial sur les plans théorique et clinique. Les deux
objectifs originaux de cette recherche vont dans ce sens. Celle-ci a pour but de :
La guidance parentale logopédique : un outil pour améliorer la communication et le comportement…
44
Comparer le développement du langage formel (articulation, lexique, morphosyntaxe)
dans trois groupes d’enfants d’âge préscolaire dont les comportements externalisés
varient d’un niveau normal à pathologique : des enfants tout-venant, des enfants à
risque de présenter des troubles externalisés du comportement et des enfants avec un
niveau clinique de troubles externalisés du comportement.
Evaluer les relations entre d’une part les pratiques éducatives et, d’autre part, le
développement langagier et comportemental des enfants dans le but d’explorer
l’hypothèse selon laquelle ces trois facteurs se renforceraient mutuellement.
1.1 Le s d é ficit s c ommun i c ationn e ls des en f ants av e c
trouble s exte r n alisés d u comp o rtemen t
La littérature montre, d’une part, qu’une majorité des enfants avec retard de langage (59
à 80%) souffrent de problèmes émotionnels et comportementaux et, d’autre part, qu’une
large proportion d’enfants avec troubles externalisés du comportement (24 à 65%)
présentent des déficits langagiers, souvent non suspectés (Bornstein, Hahn, & Suwalsky,
2013; Carson et al., 2007; Desmarais et al., 2008; Fagan & Iglesias, 2000; Gallagher,
1999). Les relations entre le développement du langage et du comportement chez les
enfants de plus de 6 ans sont donc bien reconnues au sein de la littérature (Bruce,
Thernlund, & Nettelbladt, 2006). Concernant les enfants d’âge préscolaire avec troubles du
comportement, les données sont néanmoins plus lacunaires (Henrichs et al., 2013). Cette
comorbidité entre troubles du comportement et retard de langage a été d’abord démontrée
dans les milieux socioculturels défavorisés (Kaiser et al., 2000; Qi & Kaiser, 2003). Par
exemple, Kaiser et ses collaborateurs (2000) ont administré des tests de langage et évalué le
comportement par un questionnaire chez plus de 250 enfants de 2 à 3 ans issus de milieux
défavorisés des Etats-Unis. Les chercheurs ont montré que ces enfants avaient quatre fois
plus de risque de présenter des troubles du comportement : 20% en démontraient, contre 3 à
6% dans la population tout-venant. De plus, parmi les enfants qui présentaient des
problèmes comportementaux, 48% montraient également des difficultés langagières à un
niveau clinique, alors que cette proportion était de 33% chez les enfants sans troubles
comportementaux.
Néanmoins, cette cooccurrence ne s’observe pas uniquement dans les milieux
socioculturels défavorisés. En effet, dans une autre étude, réalisée cette fois en Belgique, les
chercheurs ont recruté plus de 112 enfants de 2 à 7 ans avec un niveau clinique de troubles
externalisés du comportement et les ont classés en trois groupes en fonction de leur
développement langagier : « pas de difficulté langagière », « léger retard langagier »,
« importantes difficultés langagières » (Van Schendel, Regaert, & Schelstraete, 2012). Ils
ont ensuite montré que les enfants qui présentaient le profil langagier le plus déficitaire
avaient d’une part davantage de comportements agressifs et égoïstes et d’autre part
souffraient d’inattention et d’hyperactivité.
Ces mêmes auteurs ont par ailleurs réalisé une synthèse qui fait le point sur les études
qui ont analysé les déficits langagiers des enfants d’âge préscolaire avec troubles