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Abstract

Ces dernieres annees, universitaires et journalistes ont frequemment recours a l'adjectif « virtuel » pour qualifier des entites et phenomenes sociaux. L'emploi de l'expression «communaute virtuelle », aujourd'hui naturalisee dans la langue courante, est particulierement representatif de cette tendance. Cependant, son usage en sciences sociales souleve plusieurs questions: etant donne la polysemie des mots virtuel et communaute, que signifie exactement l'expression «communaute virtuelle»? Quel nouveau type de collectif est-elle censee decrire et eclairer? N'implique-t-elle pas paradoxalement la nostalgie d'une forme mythique de communaute, ainsi que l'idealisation du face a face comme situation de communication? Cet article tente d'apporter des elements de reponse a ces questions a travers un examen critique de textes recents en sciences sociales. Dans un premier temps, nous distinguons trois conceptions principales de la relation entre le reel et le virtuel - representation, resolution et hybridation - puis nous recourons a cette typologie pour categoriser les principaux discours'sur les « communautes virtuelles ». Dans un deuxieme temps, nous passons en revue diverses approches de la notion de communaute, en relation avec celles de public et de reseau social. En conclusion, nous discutons brievement de l'evolution des roles respectifs de la communication en face a face et de la communication mediatisee dans la formation des collectifs. A l'ere d'lnternet, les frontieres entre tous ces concepts semblent s'estomper; cela explique peut-etre l'attrait croissant de la virtualite comme categorie pour penser le social
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Article
«La virtualité comme catégorie pour penser le social: l’usage de la notion de communauté
virtuelle»
Serge Proulx et Guillaume Latzko-Toth
Sociologie et sociétés
, vol. 32, n° 2, 2000, p. 99-122.
Pour citer cet article, utiliser l'information suivante :
URI: http://id.erudit.org/iderudit/001598ar
DOI: 10.7202/001598ar
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Le virtuel, tant vanté, est un terme de plus en plus utilisé qui a tendance à remplacer celui de
réseau dans le langage courant, et subit les mêmes variations et glissements. En fait, tout comme le
concept de réseau, c’est une notion passerelle, qui sert à rejoindre les contraires, à en faire une seule
entité, dans une formule qui est le véritable chiffre du réseau contemporain sous la forme d’Internet.
Lucien Sfez (1999,p.22)
Cet article est né d’un constat : le recours de plus en plus fréquent — dans la lit-
térature scientifique aussi bien que sous la plume des journalistes — à la notion de
«virtuel» pour qualifier des phénomènes et des réalités d’ordre social. Ainsi,princi-
palement dans les articles et ouvrages récents de langue anglaise, mais également dans
de nombeux travaux de langue française, on retrouve l’adjectif associé à des notions et
concepts aussi divers que: culture, société, communauté, démocratie,université, en-
treprise, territoire et géographie, pour ne citer que les plus marquants.Emblématique
de cette tendance, l’expression «communauté virtuelle» s’est diffusée rapidement dans
le vocabulaire courant par le biais des médias, au point d’être presque un cliché au-
jourd’hui. Cette naturalisation d’un néologisme mis à l’avant-scène par l’ouvrage de
Howard Rheingold (1993,1995 : trad.française) a accompagné celles de «réalité virtuelle»
et de «cyberespace». S’appuyant sur une étude statistique de la fréquence de l’expres-
sion «réalité virtuelle » dans la presse écrite entre 1988et 1993,Biocca et al. (1995,p.5-6)
serge proulx
Groupe de recherche sur les médias
Département des communications
Université du Québec à Montréal
C.P. 8888, Succ. Centre-ville
Montréal (Québec), Canada H3C 3P8
courriel : proulx.serge@uqam.ca
guillaume latzko-toth
Groupe de recherche sur les médias
Département des communications
Université du Québec à Montréal
C.P. 8888, Succ. Centre-ville
Montréal (Québec), Canada H3C 3P8
courriel : latzko-toth.guillaume@uqam.ca
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La virtualité comme catégorie pour
penser le social :
l’usage de la notion de communauté virtuelle
parlent à son propos de «trajectoire météorique» et y voient un symbole «à la fois de
notre enthousiasme et de notre ambivalence à l’égard des transformations sociales et
culturelles [qui accompagnent le développement] technologique1».
Tout se passe comme si l’inflation des discours visant à promouvoir ce que Philippe
Quéau (1993) appelle les «techniques du virtuel» avait stimulé l’ouverture ou la réou-
verture de grands chantiers théoriques dans pratiquement toutes les disciplines des
sciences sociales et humaines (sociologie, anthropologie, sciences politiques, histoire,
géographie et études urbaines, linguistique, études littéraires, communication), en pas-
sant par la philosophie (Holmes, 1997a).Réalité virtuelle, communauté virtuelle et
réalité sociale sont les thèmes récurrents de ces réflexions, souvent polémiques, qui
proposent généralement un ré-examen de problématiques anciennes à la lumière de la
notion de virtuel. Or,en regard de l’abondance de ces écrits, les réflexions sur la perti-
nence du recours à cette notion pour éclairer des réalités sociales sont pratiquement
inexistantes. Cette notion apporte-t-elle quelque chose de nouveau? Si oui, est-elle
toujours appliquée à bon escient? Ne risque-t-on pas de verser dans l’effet de mode,
influencé par le jargon des informaticiens lui-même repris par les spécialistes du mar-
keting? Comment la notion de virtualité pourrait-elle s’articuler à une description fine
des nouveaux usages sociaux liés à la réticulation technique des territoires humains?
Dans le but d’esquisser une réponse à ces questions, nous proposerons dans ce
texte un premier repérage, une première cartographie de l’usage de la virtualité dans un
corpus de textes récents et qui nous ont semblé significatifs en sciences sociales2.En
effet, la première difficulté à laquelle nous sommes confrontés lorsque nous essayons
d’aborder de manière critique cet ensemble de travaux, c’est que chaque auteur s’ap-
puie sur sa propre définition du virtuel sans toutefois, en général, l’expliciter.Ainsi,
dans la plupart des articles de notre corpus où il est question de communautés virtuelles,
l’expression n’est définie que vaguement,renvoyant à une notion de virtualité encore
plus floue — au point que l’on est tenté de parler de «virtualité» de la virtualité dans
les sciences sociales. À cet égard,le constat de Fernback et Thompson (1995) est toujours
d’actualité : «La communauté virtuelle est encore un concept amorphe en raison du
manque de modèles mentaux partagés sur ce que constitue exactement une commu-
nauté dans le cyberespace.»
C’est d’ailleurs parce qu’elle semble cristalliser les principaux malentendus et ambi-
guïtés qui caractérisent le rapprochement du social et du virtuel que nous avons choisi
100 sociologie et sociétés vol. xxxii.2
1. La plupart des citations de textes en anglais résultent d’une traduction libre de notre part. Dans les
cas où une édition traduite en français nous était disponible, c’est d’elle que nous tirons les citations, et c’est
elle qui apparaît dans la bibliographie.
2. Cette étude, essentiellement inductive dans son approche,ne prétend pas s’appuyer sur un corpus
exhaustif, mais plutôt sur un échantillon exploratoire de textes (au sens des méthodologies qualitatives).
Nous avons ainsi privilégié une certaine cohérence en ne conservant, à quelques rares exceptions près, que
des textes de nature académique (monographies, chapitres d’ouvrages collectifs,articles, textes de
communications scientifiques) qui se proposaient de faire le point sur ces objets d’étude en émergence que
sont les nouveaux espaces sociaux issus de la rencontre entre les technologies numériques et les réseaux de
communication. Nous croyons que notre échantillon, malgré son caractère exploratoire, atteint ainsi une
certaine représentativité de la production intellectuelle dans ce domaine.
de nous concentrer ici sur l’expression «communauté virtuelle». Elle se retrouve en
effet au cœur d’un débat à plusieurs niveaux, puisqu’elle ravive un questionnement
lancinant en sociologie : la définition même de la communauté en tant que forme
d’organisation sociale et figure de la vie en société. De fait, si l’on s’en tient à la défini-
tion traditionnelle formulée par Tönnies (1887) de la notion de communauté
(Gemeinschaft), il s’agirait d’un collectif fondé sur la proximité géographique et émo-
tionnelle, et impliquant des interactions directes, concrètes, authentiques entre ses
membres. Il est donc a priori paradoxal d’y associer le qualificatif «virtuel »,qui renvoie
dans notre imaginaire à l’idée d’abstraction, d’illusion et de simulation.
La question est également posée de l’utilité de forger un nouveau concept et du
choix des mots pour le nommer (Tremblay, 1998).Quel phénomène social nouveau
est-il censé décrire et éclairer? En effet, le contexte d’une prolifération de discours
visant à souligner le caractère radicalement nouveau des technologies informatiques de
communication (Mosco, 1998; Markley, 1996) incite à la circonspection. D’ailleurs,
l’effet de flou terminologique créé par la coexistence d’une grande variété d’expres-
sions voisines et souvent employées comme synonymes — communautés en ligne
(online communities) ou médiatisées par ordinateur,communautés électroniques,télé,
cyber- ou technocommunautés,technosocialité, etc.— et la prudence dont font mon-
tre certains auteurs dans l’emploi de l’expression «communauté virtuelle» semblent
traduire un certain malaise.
Notre propos n’est cependant pas de nous ériger en arbitres du choix des mots, et
encore moins de dénoncer ou de légitimer l’emploi de la notion de communauté
virtuelle. Au contraire, nous pensons qu’au-delà de ses qualités et défauts intrinsèques,
la persistence de cette expression — qui de statut de néologisme est en voie de passer
à celui de champ de recherche émergent,s’explique précisément par son caractère
dérangeant (Wilbur,1997), et qu’il ne faut pas négliger non plus son aspect perfor-
matif. Plutôt que de nous positionner dans ce débat, nous préférons donc porter sur
celui-ci un regard transversal et latéral, et tenter d’en dégager ce qui nous semble être
les ressorts et les enjeux principaux de cette propension récente à penser le social à
l’aune du virtuel.
1. visions de la virtualité et figures de la communauté virtuelle
1.1 Entre l’ersatz et le sublime : les trois conjugaisons du virtuel
L’étymologie de l’adjectif «virtuel» fait surgir plus d’ambivalences qu’elle n’apporte
d’éclaircissements, ce qui explique en partie la grande variabilité de son sens et la con-
fusion qu’elle entraîne (Wood, 1998,p.4.). Blaise Galland (1999) note que «l’histoire du
vocable “virtuel” est tributaire de l’usage social qui en est fait».Ainsi, Pierre Lévy (1995,
p. 13) rappelle que le mot provient du latin médiéval virtualis dérivant lui-même de
virtus qui signifie littéralement «force, puissance». Serait donc virtuel ce «qui n’est tel
qu’en puissance» (Le Petit Robert), en puissance par rapport à une actualisation qui
peut survenir ou non. En ce sens, le virtuel est réel mais «non actuel» (Granger, 1995;
101
La virtualité comme catégorie pour penser le social
Deleuze,1996). Mais par ailleurs virtus signifie aussi vertu (Quéau,1993,p.26;Cadoz,
1994,p.8) au sens archaïque de «qualité» ou «pouvoir». Il est intéressant de noter que
ce sont surtout les auteurs de langue anglaise qui soulignent les implications éthiques
de ce «chevauchement sémantique entre les termes “vertu”et “virtuel”» (Keown, 1998,
p.76). Ainsi, Shawn Wilbur (1997,p.9) considère que la notion de virtualité s’enracine
profondément dans «une vision religieuse du monde dans laquelle pouvoir et bien
moral sont unis dans la vertu».
Comme l’expliquent Gilles-Gaston Granger (1995) et Jean-Michel Besnier (1995),
ce sont les sciences physico-mathématiques qui,dès le xviiiesiècle, ont répandu l’usage
du mot «virtuel», tout en le diversifiant considérablement selon les champs d’appli-
cation. Son utilisation en mécanique, théorie des forces et du mouvement, renvoie à des
phénomènes non observables, mais à valeur étiologique, explicative.D’où la notion
de «particules virtuelles» de Dirac, si fugaces qu’elles sont indétectables individuelle-
ment, tandis que leur influence est statistiquement mesurable (voir Iliopoulos,1995).
Dans d’autres cas, les réalités virtuelles de la physique sont de pures constructions de
l’esprit, mettant de l’avant l’idée que le monde empirique n’est qu’une actualisation
particulière parmi «la matrice des [mondes] possibles» (Besnier, 1995,p.6).
«Assez naturellement, c’est la notion de modèle que connote positivement celle de
virtuel», résume Besnier (ibid.,p.13). Or,on sait combien le statut du modèle est am-
bigu aussi bien pour le sens commun que pour les philosophes. Car s’il peut connoter
l’idée d’«épure» ou d’«idéal» sous-jacent aux phénomènes empiriques, inversement il
peut évoquer la réduction, par abstraction, d’une réalité plus riche,voire l’imitation de
l’objet de référence. D’ailleurs l’ambiguïté fondamentale du virtuel provient proba-
blement de son usage en optique. Est dite virtuelle l’image qui paraît se former entre
l’objet réel et une lentille divergente (loupe). À la différence de l’image réelle produite
par une lentille convergente,l’image virtuelle ne peut être matérialisée sur un écran :
elle n’existe que sur notre rétine.Autrement dit, cette «image » n’est qu’une perception
subjective. Elle n’existe pas indépendamment du sujet-spectateur.Dans une certaine
mesure, l’optique assimile la virtualité à l’illusion.
On voit donc s’esquisser dans les sciences physiques deux manières bien distinctes
d’envisager le rapport du virtuel au réel, qui ont influé chacune à sa façon sur l’épisté-
mologie du virtuel. Tandis que la théorie des forces oppose le virtuel à l’actuel,deux
modalités de l’être tout aussi «réelles» l’une que l’autre, la théorie de la lumière,plus
proche en cela de l’intuition ordinaire,oppose le virtuel au réel.
Il n’est donc pas surprenant que la philosophie et les sciences sociales aient égale-
ment suivi des lignes d’interprétation divergentes de la notion de virtuel, divergences
pour lesquelles les «nouvelles technologies» se réclamant du virtuel ont servi de révéla-
teur et sans doute aussi de catalyseur. Marcus Doel et David Clarke ont effectué une
synthèse particulièrement éclairante sur ces différents courants de pensée, dans laquelle
ils notent que «l’erreur la plus importante [généralement commise] est la réduction du
réel à l’actuel, et du virtuel au possible : comme si l’actuel et le virtuel étaient respec-
tivement le donné et le pré-donné» (1999,p.262). Et ils poursuivent : «C’est la nécessité
102 sociologie et sociétés vol. xxxii.2
de repenser l’espace-temps, plutôt que telle ou telle technologie à la mode, qui con-
stitue le défi le plus pressant.»
À partir de la réflexion de Doel et Clarke, qui repose sur un corpus théorique très
vaste, nous avons retenu trois approches principales de la virtualité, que nous avons
trouvées particulièrement utiles pour catégoriser les différents discours sur les «com-
munautés virtuelles ».En schématisant, ces approches se distinguent en fonction du type
de rapport qu’elles posent entre le réel et le virtuel, et des glissements de sens qu’il fa-
vorise. Dans la première approche, le virtuel est «subordonné [au] réel» et renvoie à la
re-présentation (Doel et Clarke, 1999,p.262). Autrement dit,à la simulation et donc à la
«fausse approximation» de la réalité que constituent les images virtuelles et la réalité
virtuelle générée par ordinateur (ibid.). Cette dernière est perçue comme un «fac-similé
du réel» (p. 265), une copie, donc, mais une copie «forcément dégradée» (p. 263), une
«réalité divorcée du monde» (Slouka, 1995,p.13), «du faux réel» (Lebrun, 1996), un
«simulacre» ou un «double» du réel (Baudrillard,1981,1996), à considérer péjorative-
ment étant donné l’inhérente duplicité de tout duplicata (Doel et Clarke, 1999,p.264).
Diamétralement opposée à ce discours de dénigrement, la deuxième approche en-
visage la virtualité comme une « résolution» d’un monde frappé d’imperfection du fait
même de son actualité, résultant d’un processus de réduction des possibles et donc
d’appauvrissement inéluctable. «Dans ce cas, le virtuel est au réel ce que le parfait est à
l’imparfait», résument Doel et Clarke (1999,p.268). Ainsi les penseurs adoptant cette ap-
proche n’hésitent-ils pas à inverser le rapport ontologique entre le virtuel et l’actuel.
Pour Pierre Lévy (1995), virtualiser une entité, un processus, c’est remonter à son essence,
à son être abstrait et général et, par là même, à la matrice de ses actualisations possibles.
Ici, la simulation informatique n’est plus considérée comme une dégradation, mais au
contraire comme un moyen d’explorer,d’«ausculter la réalité» (Weissberg, 1999,p.49),
voire de l’amplifier ou de la démultiplier. Quant aux réseaux globaux de communica-
tion, ils affranchissent l’activité humaine des contraintes de la matière,de l’espace et du
temps, ouvrant sur des possibilités inédites. En ce sens, le virtuel est davantage «plein»
que l’actuel, il est «hyperréel», et les technologies du virtuel sont perçues comme libéra-
trices, dans la mesure où elles ouvriraient une porte sur toute la richesse du réel :
Le monde réel a toujours été marqué par la rareté. Sur cette base, l’évolution apparaît comme
une tentative laborieuse de «remplir» un peu plus le monde, d’en réaliser quelques
possibilités supplémentaires (Doel et Clarke, 1999,p.267).
Comme on peut le constater, les deux courants de pensée présentés plus haut «re-
posent sur une stricte séparation [fallacieuse] entre le réel et le virtuel» (ibid,p.263).
Nous pouvons ajouter qu’ils sont tous deux empreints de déterminisme technique,
puisque dans chacun des cas, l’irruption du virtuel dans le quotidien coïncide avec le
progrès technologique. Or on peut non seulement envisager une relation beaucoup
plus complexe entre virtualité et actualité, mais aussi considérer que le virtuel n’est pas
tributaire d’un quelconque appareillage technique pour exister : «La vie quotidienne
est toujours-déjà une réalité virtuelle» (ibid., p.279). La troisième approche que nous
avons retenue du travail de Doel et Clarke est ainsi d’inspiration fortement deleu-
103
La virtualité comme catégorie pour penser le social
zienne. Elle renvoie à l’hybridation du réel et du virtuel, ou plus exactement à l’imma-
nence du virtuel dans le réel, et à une conception du réel dans laquelle l’actuel et le
virtuel sont en interrelation circulaire et productive; de leur interaction perpétuelle
jaillit un réel en constante «création et expérimentation» (p.280).
Pour schématiser davantage cette grille de lecture des discours contemporains sur
la virtualité, on pourrait dire qu’elle oscille entre deux visions extrêmes, entre l’ersatz et
le sublime. La première,«paranoïaque» (Boal, 1995,p.9), tend à décrier le virtuel comme
une «réalité artificielle», opposée un peu naïvement à une Nature «mythique » (Woolley,
1992,p.8). Brook et Boal (1995),qui se défendent de toute idéalisation simpliste de la «vie
naturelle» (p. vii), en appellent néanmoins à «résister à la vie virtuelle» car, écrivent-
ils, «les technologies virtuelles sont pernicieuses quand elles déploient leurs simulacres
de relations [humaines] à travers la société, en remplacement des interactions en face à
face, qui sont intrinsèquement plus riches que les interactions médiatisées» (ibid.).
Confinant parfois à l’euphorie, la deuxième vision du virtuel est, à l’inverse,
utopique (Weissberg, 1996; Robins, 1996; Bardini, 1996). Elle appréhende les mondes
virtuels comme les pionniers de l’Ouest américain parlaient de la « frontière3» (Eudes,
1996; Wilbur, 1997,p.8), ou encore comme «la quête du Saint Graal» technologique
(Heim,1993,p.124). Kevin Robins ne cache pas son ironie en résumant ces «discours
dithyrambiques [...] sur la réalité virtuelle » (Bardini,1996) qui participent de l’idéolo-
gie accompagnant généralement le développement des nouvelles technologies de
l’information et de la communication (Breton et Proulx, 1989):
la croyance [...] qu’une technologie nouvelle viendra enfin et complètement nous délivrer des
limitations et des frustrations de ce monde imparfait. [...] L’espace utopique — le Réseau [the
Net], la Matrice [the Matrix] — sera un nulle-part-quelque-part [nowhere-somewhere] dans
lequel nous retrouverons le sens et l’expérience de la communauté (Robins, 1996,p.2).
Certains auteurs s’insurgent toutefois contre ce qu’ils estiment être une dichotomie
infondée entre le virtuel et le réel et proposent en quelque sorte une troisième voie,
«vers une compréhension plus nuancée (textured) des formes variées de la virtualité
qui se manifestent à travers différentes technologies,en divers temps et lieux» (Crang et
al.,1999,p.3). Michael Ostwald note ainsi que «l’essor des technologies du virtuel est le
prolongement naturel du mouvement par lequel les espaces urbains communaux (urban
commonal spaces) constituent déjà des environnements virtuels» (1997,p.127). Et d’a-
jouter : «Il y a souvent très peu voire aucune distance entre les soi-disant mondes réel”
et “virtuel” » (ibid., p.128) ; en conséquence,il estime urgent de s’intéresser «à cette zone
où les frontières entre le physique et le virtuel sont complètement brouillées» (ibid.).
1.2 Communautés simulées ou communautés stimulées?
En reprenant les trois perspectives que nous venons de distinguer,nous allons essayer
de montrer qu’elles sous-tendent les principaux points de vue exprimés dans la lit-
térature sur les communautés virtuelles. Mais auparavant,nous nous attarderons sur
le contexte d’émergence de cette notion dans l’espace public.
104 sociologie et sociétés vol. xxxii.2
3. D’où le nom de l’Electronic Frontier Foundation (eff), dont l’un des co-fondateurs,John Perry
Barlow, est «un authentique cow-boy du Wyoming» (Eudes, 1996,p.38).
Si l’on peut situer précisément l’origine de l’expression «réalité virtuelle » — elle
aurait été forgée par l’ingénieur informaticien Jaron Lanier autour de 1989 (Woolley,
1992; Pimentel et Teixeira, 1994) —, celle de «communauté virtuelle» est tout aussi
nébuleuse que sa signification. Sandy Stone l’attribue au groupe de pionniers de la
télématique qui a conçu l’un des premiers Bulletin Board Services (bbs) ou «babil-
lards électroniques4», CommuniTree : «[Ils] avaient développé l’idée que le bbs était
une communauté virtuelle, une communauté qui promettait des transformations rad-
icales dans la société existante, et l’émergence de nouvelles formes sociales» (1991,
p. 88).
On peut avancer que l’expression «communauté virtuelle» serait apparue comme
une synthèse entre, d’une part, la fascination croissante qu’exerçait le mot même de vir-
tualité aussi bien sur l’imaginaire des ingénieurs que sur celui de «gourous» tels
Timothy Leary et, d’autre part, le terme online community. Ce dernier fut introduit dès
la fin des années soixante par deux des «pères» de la communication médiatisée par or-
dinateur,J. C.R. Licklider et Robert W.Taylor, dans un texte visionnaire intitulé «The
Computer as a Communication Device» (l’ordinateur comme dispositif de commu-
nication), qui les décrivait en ces termes: «[...] elles seront constituées de membres
isolés géographiquement [...]. Ce ne seront pas des communautés de lieu,mais des
communautés d’intérêt 5» ([1968] 1990,p.37-38).
Quoi qu’il en soit,c’est surtout grâce au well (Whole Earth ’Lectronic Link), un bbs
fondé en 1985à Sausalito en Californie, que la notion de communauté virtuelle a vu sa
notoriété monter en flèche (Hafner, 1997),notamment grâce à l’ouvrage très médiatisé
de l’un de ses membres les plus fameux, Howard Rheingold. Ce dernier définit les
communautés virtuelles comme «des regroupements socioculturels qui émergent du
réseau lorsqu’un nombre suffisant d’individus participent à ces discussions publiques
pendant assez de temps en y mettant suffisamment de cœur pour que des réseaux de
relations humaines se tissent au sein du cyberespace» (1995,p.6).
Dans un autre passage, il les décrit de manière plus imagée mais aussi plus concrète :
Les membres des communautés virtuelles font appel à des mots inscrits sur les écrans pour
échanger des plaisanteries; débattre; participer à des digressions philosophiques; faire des
affaires; échanger des informations; se soutenir moralement ; faire ensemble des projets [...];
tomber amoureux ou flirter; se faire des ami(e)s; les perdre; jouer [...]. Les membres des
communautés virtuelles font sur le Réseau tout ce qu’on fait «en vrai» ; il y a juste le corps
physique qu’on laisse derrière soi (ibid.,p.3).
Autre usager ou «membre» célèbre du well, John Perry Barlow (1995) y voit un
lieu d’ancrage, fût-il virtuel, propre à restaurer aux États-Unis un lien social menacé par
un nomadisme croissant :
105
La virtualité comme catégorie pour penser le social
4. Ordinateurs offrant des services de messagerie asynchrone et auxquels on accède directement par
modem. Ils ont dû leur succès en Amérique du Nord à la tarification forfaitaire des appels locaux. Mais en
contre-partie, leur «enclavement» local, et la limitation drastique du nombre d’usagers connectés
simultanément — chaque usager mobilisant une ligne téléphonique et un modem — constituent leurs
principaux défauts par rapport à des réseaux distribués de type Usenet.
5. Souligné par les auteurs.
À nouveau, les gens [...] avaient un endroit où leur âme pouvait s’installer tandis que les
compagnies pour lesquelles ils travaillaient ballottaient leurs corps à travers l’Amérique. Ils
pouvaient se faire des racines qui ne seraient pas arrachées par les forces de l’histoire
économique. Ils avaient un intérêt6collectif.Ils avaient une communauté.
Mais le co-fondeur de l’Electronic Frontier Foundation, auteur d’une «déclara-
tion d’indépendance du cyberespace» (Barlow, 1996), a aussi en tête l’idée que les
communautés virtuelles pourraient permettre à la société civile de se réapproprier le
gouvernement accaparé par un État omniprésent. En ce sens,il s’inscrit dans une tra-
dition politique associée aux États-Unis à la personnalité de Thomas Jefferson,à laquelle
se réfère explicitement l’autre co-fondateur de l’eff,Mitch Kapor
7: «La vie dans le
cyberespace semble prendre exactement la forme que Thomas Jefferson aurait
souhaitée : fondée sur la primauté des libertés individuelles et un engagement envers
le pluralisme, la diversité et la communauté» (1993,p.53; souligné par nous).
Pour Sandy Stone,les références à l’arbre que l’on retrouve dans les propos de Barlow
et dans le nom CommuniTree ne sont pas fortuites; elles renvoient non seulement à la no-
tion d’arborescence logique exploitée en informatique, mais «également aux qualités
organiques des arbres qui étaient de bon ton dans les années soixante-dix» (1991,p.89).
Car,on l’aura compris, la notion de communauté virtuelle prend sa source directement
dans les valeurs de la contre-culture californienne des années soixante-dix, et se présente
comme un nouveau mythe fédérateur capable de régénérer le rêve communautariste :
Les [télé-]conférenciers ne se percevaient pas principalement en tant que lecteurs d’un
babillard ou tenants d’un discours novateur, mais plutôt comme les acteurs d’un nouveau
type d’expérience sociale (ibid., p.90).
Stone souligne d’ailleurs le fait que ces expériences socio-techniques reposaient
sur l’utilisation de logiciels que l’on dirait aujourd’hui «libres», c’est-à-dire en share-
ware. Or, poursuit-elle,«le principe du shareware, tel qu’énoncé par de nombreux
programmeurs qui écrivaient ce type de programmes, faisait de l’ordinateur un point
de passage pour la circulation de concepts communautaires» (ibid.,p.88).
Sherry Turkle (1995) relève cependant une ambiguïté de taille dans ces aspirations
communautaires. Comparant les premiers usagers de la micro-informatique aux pre-
miers usagers des mud (Multi-User Domains) — ces réalités virtuelles partagées en
mode texte (Curtis, 1997) — Turkle note que si les premiers voyaient dans «leur rela-
tion avec l’ordinateur — la construction de micromondes sûrs et transparents à la
compréhension — [...] une métaphore politique» transposable à la société dans son en-
semble en vue d’y instaurer «un système politique plus participatif» (1995,p.243),elle
constate que «lorsque près de vingt ans plus tard, un autre groupe de gens se tourne vers
l’informatique comme ressource pour bâtir des communautés,les communautés aux-
quelles ils pensent n’existent que sur et à travers l’ordinateur» (ibid.).
Développant cette idée, Turkle note que « si la virtualité signifie la démocratie en
ligne et l’apathie hors ligne, il y a lieu de s’inquiéter» (ibid.,p.244). Cette remarque per-
106 sociologie et sociétés vol. xxxii.2
6.Stake : qui signifie aussi au sens propre «tuteur» (pour une plante, un arbre...).
7. Également fondateur de l’entreprise de logiciels Lotus.
met d’introduire au passage une distinction entre les communautés virtuelles et les
communautés en réseau (community networks), parfois appelées «communautiques»
(Harvey, 1995).Tandis que la notion de communauté virtuelle renvoie à des formes
sociales fondées davantage sur la communauté d’intérêt que sur le voisinage géo-
graphique, la notion de communauté en réseau traduit l’appropriation citoyenne des
réseaux interactifs au profit du développement de la démocratie locale (Schuler,1996).
Plus généralement, ces considérations posent le problème de la «réalité» de ces
communautés virtuelles. Quelle est leur «consistance» sociologique et surtout quelle
est l’ampleur du rôle qu’elles peuvent jouer sur le plan macrosocial, ou en d’autres
mots, «dans quelle mesure la plupart des communautés virtuelles permettent-elles
aux individus de contribuer à la collectivité élargie?» (Fernback, 1997,p.42). En décli-
nant les trois conceptions de la relation du virtuel au réel énumérées plus haut —
représentation,résolution et hybridation — on retrouve les grand axes de la réflexion sur
la «réalité» des communautés virtuelles.
Commençons par la représentation. Elle renvoie à plusieurs notions, telles la fiction.
Ainsi, Margaret Morse (1998) envisage les relations médiatisées comme des «fictions de
présence» (p. 17),sans pour autant leur dénier une certaine efficacité. Mais la représen-
tation renvoie aussi à l’idée d’imitation,ou — pour employer un jargon informatique
dérivé de l’anglais — d’émulation. C’est le sens que le mot «virtuel » a acquis en infor-
matique, rappelle Benjamin Woolley (1992,p.58), depuis qu’ibm a commercialisé, en
1972, une invention du nom de mémoire virtuelle, «une simulation [...] parfaite dans les
moindres détails excepté qu’elle pourrait être plus lente que la mémoire “réelle”» (ibid.,
p.60). En ce sens,la communauté virtuelle peut s’interpréter comme une «simulation
fonctionnelle» de communauté, non sans bien sûr une certaine perte quelque part.
Cette idée peut paraître exagérée à maints égards. Pourtant, selon Turkle la «cul-
ture de la simulation» aurait pénétré notre civilisation aussi sûrement que l’ordinateur,
et avant lui la télévision, ont investi notre vie quotidienne. C’est ce qu’elle nomme
«l’effet Disneyland» (1995,p.236), qui nous conduirait à l’aberration de considérer les
nouveaux centres commerciaux et autres complexes récréatifs comme des répliques
convaincantes des petits villages d’antan, avec leurs places du marché et leurs perrons
d’église. Ce qui l’amène à se montrer très critique à l’égard des communautés virtuelles,
se demandant : «Est-il vraiment sensé de suggérer que, pour revitaliser la commu-
nauté, il suffit de nous asseoir tout seuls dans nos chambres,de taper sur nos
ordinateurs connectés au réseau, et de remplir nos vies d’amis virtuels ?» (ibid., p.235).
D’autres vont plus loin en redoutant que des «simulacres de communauté» ne
viennent prendre la place des «vraies» communautés. Fernback et Thompson (1995)
rapportent notamment les propos d’Ed Schwartz, publiés en 1994 dans un forum de
discussion sur le sujet, «Communet» :
[Les forums électroniques] ajoutent la pièce finale au mécanisme nécessaire pour s’assurer
que nous ne parlions jamais de quoi que ce soit sur le plan personnel aux individus situés
immédiatement au-delà du cercle d’amis et du cercle familial.La communauté globale, reliée
par des terminaux, remplace la communauté où nous sommes.
107
La virtualité comme catégorie pour penser le social
Frank Weinreich (1997) abonde dans ce sens quand il écrit : «Je ne crois pas que
nous en soyons déjà arrivés au point où nous aurions perdu le contact “réel”les uns avec
les autres. Mais le danger est imminent si nous continuons à croire que nous pour-
rions constituer et faire fonctionner des communautés uniquement dans le monde
virtuel.»
Pour conclure sur cet ordre d’idées, citons enfin la position de Michael Heim (1993,
p. 102) qui s’inscrit tout-à-fait dans cette vision sombre (et déterministe) du virtuel :
La communication par ordinateur élimine la face physique du processus de communication.
[...] Même la vidéoconférence n’apporte qu’une simulation de rencontre en face à face,
qu’une représentation ou l’apparence d’une véritable rencontre. [...] La communication en
face à face, le lien charnel entre les personnes,apportent la chaleur et la loyauté du long
terme, et un sens de l’obligation pour lesquels les communautés médiatisées par ordinateur
n’ont pas encore fait leurs preuves.
Nous reviendrons, dans la deuxième partie de cet article, sur les présupposés para-
digmatiques qu’implique cette emphase sur la communication en face à face.
Si la deuxième approche du virtuel est celle d’une résolution ou, autrement dit,
d’une vertu par laquelle le virtuel peut servir à combler les lacunes du réel, on la recon-
naîtra aisément dans le discours enthousiaste et prosélyte de Rheingold — quoiqu’il
reconnaisse lui-même que son immersion dans l’expérience ne facilite pas le recul cri-
tique — quand il prête aux communautés virtuelles «un potentiel libérateur» (1995,
p. 4), les réseaux globaux «ouvr[ant] aux individus de nouveaux modes d’interaction
et la perspective de nouveaux projets en commun, comme l’ont fait avant elle le télé-
graphe, le téléphone ou la télévision» (ibid., p. 7). Mais Pierre Lévy (1997,p.154) se
veut plus radical sur ce registre, proposant une vision que l’on pourrait qualifier de
prométhéenne :
Les amateurs de cuisine mexicaine, les fous du chat angora, les fanatiques de tel langage de
programmation ou les interprètes passionnés de Heidegger,auparavant dispersés sur la
planète, disposent maintenant d’un lieu familier de rencontre et d’échange. On peut donc
soutenir que lesdites «communautés virtuelles» accomplissent en fait une véritable
actualisation (au sens d’une mise en contact effective) des groupes humains qui étaient
seulement potentiels avant l’avènement du cyberespace.
On ne sera pas surpris toutefois de voir régresser peu à peu ce type de discours
prophétisant l’avènement d’une nouvelle ère chaque fois qu’arrive une nouvelle tech-
nologie de communication (Carey, 1989). D’ailleurs, dans un texte d’un rare scepticisme
chez cet auteur, Barlow (1995) admet que «[s]on enthousiasme pour les communautés
virtuelles est retombé».
Cela dit, cette conception des communautés virtuelles comme instances de libéra-
tion persiste, et avec elle une utopie plus subtile.Elle ne se limite bien évidemment pas
à des considérations spatio-temporelles, mais concerne également le genre, l’apparte-
nance ethnique, la classe sociale, l’identité sexuelle, et les divers handicaps physiques.
Bref, la communauté virtuelle est vue par certains auteurs comme un moyen de s’af-
franchir de la prison du corps et par suite, d’égalisation des différences et d’émancipation
108 sociologie et sociétés vol. xxxii.2
des minorités sociales (Plant, 1996; Willson, 1997),et ce, nonobstant les études statis-
tiques qui continuent de révéler de forts écarts en termes de classes sociales et d’origine
ethnique dans l’accès à Internet aux États-Unis notamment,et certaines études dé-
montrant le maintien des indicateurs de genre et de race dans la communication
médiatisée par ordinateur (Smith et Kollock, 1999), ainsi que la reproduction de rap-
ports de domination (Herring, 1993) ou d’une forme d’élitisme (Gimenez, 1997).
Jusqu’à présent, les deux types de réflexions que nous avons décrits mettaient
l’accent sur deux aspects particuliers : la corrélation entre les communautés virtuelles
et l’émergence des réseaux informatiques, et la nature essentiellement «abstraite»
(Willson,1997) de ces communautés d’où les corps sont absents. Ces deux présupposés
sont l’objet d’une critique de plus en plus fournie, appuyée sur au moins trois argu-
ments épistémologiques. Le premier concerne la faiblesse de l’articulation entre la
théorie et la recherche sur le terrain. «On retrouve très peu d’études ethnographiques
détaillées de communautés virtuelles», déplorent Wellman et Gulia (1999,p.170), tan-
dis que Beckers (1998) note que «bien que l’intérêt pour les communautés virtuelles soit
élevé, on peut questionner la qualité d’ensemble et la profondeur des recherches».
Enfin, Smith et Kollock (1999,p.16) considèrent que le discours académique sur les
communautés virtuelles «tient plus de l’opinion que de l’analyse».
Le deuxième argument vise la dichotomie trop accentuée entre virtualité et actua-
lité que l’on retrouve généralement à propos des communautés virtuelles.Ainsi,
Wellman et Gulia (1999,p.179) rappellent que :
Les enthousiastes comme les critiques des communautés virtuelles considèrent généralement
les relations comme si elles prenaient place exclusivement en ligne. Leur fixation sur la
technique les amène à ignorer les observations abondantes de liens de type communautaire
se manifestant à la fois en ligne et hors ligne, le Réseau n’étant qu’un parmi de nombreux
moyens de communication.Malgré tout le discours sur la capacité des communautés
virtuelles à transcender le temps et l’espace sui generis, l’essentiel des contacts a lieu entre des
personnes qui se voient en personne et vivent à proximité les unes des autres.
Sandy Stone (1991,p.112) généralise cette perspective, en considérant que
les membres des communautés virtuelles électroniques du cyberespace vivent sur la zone
frontalière entre les cultures physique et virtuelle [...]. Leur système social comprend d’autres
personnes, des quasi-personnes ou des agences déléguées qui représentent des individus
spécifiques, et des quasi-agents qui représentent des machines «intelligentes», des
regroupements de personnes, ou les deux à la fois.
C’est l’hybridité qui caractérise donc cette troisième figure de la communauté
virtuelle. Par ailleurs, et c’est le troisième argument critique à l’égard des deux autres,
celle-ci transcende les techniques particulières et même les époques. Stone distingue
ainsi quatre époques comportant chacune une forme typique de «communauté
virtuelle», depuis la formation des premières communautés intellectuelles et scien-
tifiques au xviiesiècle jusqu’aux mud, en passant par les publics de la radio et de la
télévision. Elle définit ainsi les communautés virtuelles comme «des espaces indénia-
blement sociaux au sein desquels les gens continuent à se rencontrer face à face, mais
109
La virtualité comme catégorie pour penser le social
selon des définitions nouvelles à la fois des mots “rencontreet “face à face”» (Stone,
1991,p.85).
Jusqu’à présent, nous avons problématisé une partie seulement de la notion de
communauté virtuelle : son inscription dans la virtualité. Si elle permet de mieux cerner
les lignes de forces du discours sur la virtualité dans les sciences sociales, cette approche
a cependant ses limites, puisque la notion de communauté virtuelle est tout autant,
sinon davantage, tributaire de la grande variabilité de sens du mot «communauté».
Dans la deuxième partie de l’article, nous nous attachons à mieux circonscrire cette
polysémie, tout en proposant de situer le concept de communauté par rapport à d’autres
figures du collectif. Ce faisant,nous serons amenés à nous interroger sur l’idéalisation
du face à face qui constitue l’intertexte de nombreux discours sur les collectifs médiatisés.
2. médiation technique et mutations du collectif
2.1 Communauté, public, réseau social :
trois figures du collectif qui s’enchevêtrent
Tout comme les concepts de culture et de communication auxquels il est d’ailleurs lié, le
concept de communauté a fait l’objet d’innombrables définitions, pour lesquelles l’émer-
gence de «nouvelles formes sociales» dans Internet a suscité un intérêt renouvelé (Jones,
1995,1997;Fernback,1997,1999). En fait, il semble qu’un siècle de théorie sociologique ne
soit pas parvenu à circonscrire le sens de ce maître-mot des sciences sociales,définition
qu’elles auraient eu aussi tendance à éluder pour des raisons idéologiques (Dubost, 1995,
p. 3). «Communauté» fait partie de ces mots «fourre-tout» qui permettent d’évacuer
(provisoirement) certains questionnements, voire de masquer les lacunes d’un para-
digme. En fait, l’idée même de communauté renvoie à des conceptions implicites si
intimement liées à notre pensée du collectif qu’elle constitue en quelque sorte une «tache
aveugle» de la théorie du social. Mais il semble que son rapprochement récent avec la vir-
tualité ait fait éclater cette «boîte noire» — pour ne pas dire boîte de Pandore — que
constitue la notion de communauté, mettant ainsi en lumière le nœud d’interrogations
qu’elle renferme et qui concernent essentiellement l’articulation entre les niveaux micro-
et macrosocial, et le rôle des diverses modalités de communication dans cette articulation.
Un détour par l’étymologie nous rappelle que «communauté» provient du mot
communis dérivant lui-même de cum (avec, ensemble) et munus (charge,dette), et qu’il
renverrait donc originellement à une relation sociale caractérisée par des obligations
mutuelles, autrement dit «un réseau défini par des règles du type “donner-recevoir-
rendre”» (Dubost, 1995,p.4). Mais l’on peut aussi,tout comme pour le mot
«communication», associer directement la racine latine communis à l’idée de «com-
munion», c’est-à-dire,comme le rappelle Yves Winkin (1984,p.14):«lacte de partager,
de mettre en commun».
Le premier penseur à avoir formulé une véritable théorie de la communauté
comme catégorie sociologique est Ferdinand Tönnies, dans son ouvrage Gemeinschaft
und Gesellschaft ([1887] 1992), dans lequel il oppose «communauté» et « société», deux
110 sociologie et sociétés vol. xxxii.2
formes antagonistes d’organisation sociale reposant respectivement sur deux types de
volonté humaine :la volonté «organique» ou affective et la volonté «réfléchie» ou
rationnelle (ibid.,p.198). Selon Tönnies, «partout où des hommes dépendent les uns
des autres par leurs volontés organiques et s’approuvent réciproquement il y a com-
munauté d’une sorte ou d’une autre» (ibid., p. 199). Il distingue ainsi trois genres de
communautés, fondées respectivement sur les relations parentales, de voisinage, et
amicales. Les deux premières se caractérisent essentiellement par une «vie commune»,
ce qui implique un «habitat commun» et «de nombreux contacts», quoiqu’elle puisse
«aussi se maintenir dans l’éloignement» (p. 200).Pour sa part, la communauté d’ami-
tié se fonde sur «l’identité [...] des façons de penser». Tönnies note que dans certains
cas, l’amitié est «spirituelle» — sans être nécessairement religieuse — et forme alors
une espèce de lien invisible, [...] une réunion mystique animée en quelque sorte par une
intuition et une volonté créatrice. Les rapports entre les hommes [...] ont, ici,le moins
nécessairement un caractère organique [...]; ils sont de nature mentale et [...] semblent [...]
reposer soit sur le hasard, soit sur le libre choix (ibid.).
Ce dernier point est d’un intérêt particulier car, quoique rarement mis de l’avant
par les ardents défenseurs de l’existence de communautés électroniques,en ligne,
virtuelles, etc., il en laisse présager la possibilité, et relativise quelque peu les affirma-
tions selon lesquelles Gemeinschaft et cyberespace seraient a priori inconciliables.
Toutefois,par là même, Tönnies introduit un certain flou dans ses catégories, et donc
une ambiguïté, puisque cette forme limite de communauté s’approche beaucoup de sa
description de la société (Gesellschaft), dont l’existence est
un sujet fictif et nominal, flottant dans l’air tel qu’il est sorti des têtes de ses supports
conscients qui se tendent les mains par-dessus toutes les distances,frontières et idées,désireux
d’échange, et considérant cette perfection spéculative comme le seul pays, la seule ville,
tous les chevaliers d’industries et les aventuriers [merchant adventurers] ont un réel intérêt
commun (ibid.,p. 207).
Plus précisément, Tönnies définit la société comme «une somme d’individus natu-
rels et artificiels dont les volontés et domaines se trouvent dans des associations
nombreuses et demeurent cependant indépendants les uns des autres et sans action
intérieure réciproque» (ibid.).
Selon la pensée de Tönnies, les deux formes sociales, communauté et société,
s’excluent mutuellement.Leur coexistence au xixesiècle doit être comprise comme
traduisant une situation de transition vers la modernité — correspondant notamment
au passage de la vie rurale et villageoise à la vie urbaine et citadine —, un passage qui
consacrerait la société comme système social dominant. Toutefois, l’histoire comme
observation empirique ont montré que cette vision — largement ethnocentriste —
était intenable, et que l’on devait plutôt considérer Gemeinschaft et Gesellschaft comme
deux «idéal-types ».En d’autres mots, il s’agit des deux pôles abstraits d’un continuum
empirique des formes d’organisations sociales concrètes, celles-ci comportant à des
degrés divers, des traits caractéristiques de l’un et de l’autre, c’est-à-dire différentes
formes de sociabilité, diverses rationalités enchevêtrées.
111
La virtualité comme catégorie pour penser le social
Ce schéma bipolaire a eu cependant un impact important en sociologie et en
ethnologie, et on peut noter qu’il conserve un certaine prégnance, sans préjuger de sa
pertinence. Brigitte Fichet (1995,p.33) note à cet égard que «les études relatives aux
questions communautaires citent le travail de Ferdinand Tönnies avec une fréquence
qui pourrait s’interpréter comme une sorte de rituel».
Ces dernières années, plusieurs auteurs ont proposé de reconceptualiser la notion
de communauté sur des bases différentes et, notamment,à partir d’un point de vue
constructiviste. Dans cette perspective, nous retenons en particulier les notions de com-
munauté imaginée de Benedict Anderson ([1983] 1991) et de communauté interprétative
de Janice Radway (1984,1991).Anderson s’intéresse plus spécifiquement à la nation en
tant que forme de «communauté politique», caractéristique selon lui de la modernité.
Or,ce type de communautés partagerait avec les autres une caractéristique essentielle.
Elles sont imaginées :
En fait, toutes les communautés plus vastes que les villages primordiaux où les contacts ont
lieu en face à face (et peut-être même celles-ci) sont imaginées. Il nous faut distinguer les
communautés,non d’après leur fausseté/authenticité, mais par le style selon lequel elles sont
imaginées (Anderson, [1983] 1991,p.6; souligné par nous).
«Imaginées» mais pas «imaginaires», note Daniel Dayan (1998,p.182), qui rappelle
que «le fait que [la communauté] soit imaginée — qu’elle commence par une antici-
pation ou une fiction — ne l’empêche pas de se transformer en réalité».
Après avoir discuté de deux formes de communautés plus anciennes — commu-
nauté religieuse et royaume dynastique — dans lesquelles il accorde déjà un rôle
prépondérant à la variable linguistique, Anderson étudie l’émergence des communautés
nationales, à partir de la triple articulation «entre un système de production et de rap-
ports de production (le capitalisme), une technologie de communication (l’imprimé),
et la fatalité de la diversité linguistique humaine» (Anderson,[1983] 1991,p.42-43). Il
analyse ainsi le journal quotidien comme un dispositif à même de créer des commu-
nautés imaginées entre ses lecteurs, un élément déterminant du processus étant l’illusion
d’une simultanéité (que traduit cette fiction que l’on appelle «l’actualité») — jusque
dans l’acte même de lire (ibid.,p.62-63). Dans un autre ordre d’idées,Anderson considère
les classes bourgeoises européennes comme les premiers groupes sociaux à avoir
«développé des solidarités sur une base essentiellement imaginée» (ibid.,p. 77),fondée
sur le langage écrit à travers lequel l’individu peut s’imaginer semblable à des milliers
d’autres.
En schématisant la réflexion d’Anderson, on peut donc considérer que la média-
tisation et la «massification» de la communication humaine auraient transformé les
modalités de genèse et de maintien des communautés, sans modifier pour autant leur
nature fondamentalement abstraite. On entrevoit alors comment il est possible d’élargir
le concept aux usagers des «médias de groupe» (many-to-many media) (voir Smith et
Kollock, 1999,p.3) et de considérer au moins certains types d’aggrégats sociaux en ligne
comme des communautés modernes — quoique non nécessairement politiques — au
sens d’Anderson. Chez ce dernier, en effet,l’idée de communion demeure centrale dans
112 sociologie et sociétés vol. xxxii.2
le concept de communauté,mais contrairement à Tönnies pour qui cet état de com-
munion doit être réalisé concrètement, pour Anderson ([1983] 1991,p.6), il suffit qu’il
existe sous la forme d’une «image» dans l’esprit de ses membres. Le concept subit en
quelque sorte un passage au «virtuel » au sens de représentation explicité dans la partie
précédente.
En provenance de la critique littéraire et s’inscrivant dans le cadre contemporain
des cultural studies, la notion de «communauté interprétative» est utilisée par des ana-
lystes de la réception collective des médias (écrits) en tant que pratiques de lecture.Plus
précisément, Radway a élaboré l’hypothèse que les lecteurs préférant certains genres lit-
téraires (notamment les lectrices de romans populaires «à l’eau de rose») formaient des
collectifs socialement homogènes «partageant plus ou moins inconsciemment cer-
tains présupposés sur la lecture» (1991,p.469), c’est-à-dire à la fois une même grille de
décodage des textes, mais aussi une représentation commune des motivations et signi-
fications de ces pratiques de lecture. Cependant, on peut objecter que ces individus
n’ont pas nécessairement conscience de former ou d’appartenir à une communauté.
Plus généralement, on peut faire l’hypothèse qu’avec la médiatisation croissante de
la communication sociale qui accompagne le développement des médias — proces-
sus que John Thompson (cité par Crang et al.,1995,p.10) nomme la « médiatification»
(mediazation) de la société moderne —, les collectifs, qu’on leur reconnaisse le statut de
communauté ou non, correspondent de plus en plus avec la notion de public telle que
définie par Gabriel Tarde ([1901] 1989), et que résume ainsi Armand Mattelart (1994,
p.282) : «une collectivité purement spirituelle entre des individus physiquement séparés
et dont la cohésion est toute mentale». En outre,pour Tarde comme pour Anderson,
la «sensation de l’actualité» est à la fois une résultante du développement des tech-
niques de communication (et notamment des journaux à grand tirage) et la condition
nécessaire à l’existence de cette forme «d’association». Par ailleurs, Mattelart (ibid.)
rappelle que Tarde élabore sa notion de «public» en critiquant la notion de «foule»
élaborée par Gustave Le Bon.Tarde considère que la «foule» est une forme sociale
d’un autre âge parce que fondée sur la contiguïté physique et les contacts immédiats,
côte à côte et face à face, alors que les moyens modernes de communication permet-
tent «le transport de la pensée à distance» et par suite, la «contagion sans contact»
(ibid.).
Aujourd’hui,le concept de «public» demeure une catégorie pertinente pour les
chercheurs s’intéressant aux pratiques médiatiques,notamment à la réception télévi-
suelle, et ce, malgré les controverses dont il est l’objet (Dayan,1998). Comme pour les
«communautés virtuelles», le statut des publics est ambigu : s’agit-il de collectifs «ob-
jectifs» ou d’artefacts créés de toutes pièces par les chercheurs et les marketers? Un
autre aspect que les publics partagent avec les communautés virtuelles est la possibil-
ité pour un même individu d’appartenir à plusieurs de ces entités à la fois. Or, aussi bien
dans la définition de Tönnies que dans celle d’Anderson, la communauté est par essence
exclusive.Selon ces auteurs, de même que l’on ne peut appartenir à plusieurs voisi-
nages à la fois, l’on s’identifie en principe à une nation, et non à plusieurs.On pourrait
113
La virtualité comme catégorie pour penser le social
bien sûr objecter que ce n’est plus le cas aujourd’hui — où l’on retrouve de nombreuses
figures hybrides de nomadismes et d’identités multiculturelles — et de même que l’on
peut appartenir simultanément à plusieurs nations et à plusieurs cultures, l’on pour-
rait, par le truchement d’Internet, fréquenter plusieurs «voisinages» virtuels.
Mais il existe une autre façon de penser le collectif,qui se propose de créer un
pont entre les niveaux microsocial et macrosocial,c’est par le recours à la notion de
réseau social de communication, ou tout simplement de «réseau social». Récemment,
quelques chercheurs dont Barry Wellman (1997; Wellman et al., 1996) ont proposé
d’utiliser ce concept pour tenir compte de la spécificité des nouveaux réseaux tech-
niques de communication — leur schéma «horizontal» de communication de tous
vers tous par opposition à celui, «vertical», des médias de masse classiques — et de
considérer les collectifs d’usagers de ces réseaux comme des réseaux sociaux articulés
sur des réseaux techniques. Les travaux de Barry Wellman,du Centre for Urban and
Community Studies de l’Université de Toronto, ont l’intérêt de ne pas se cantonner
aux usages des ntic, mais de traiter la communauté dans son ensemble,et ce, dans le
contexte plus général de la vie en milieu urbain. Or, il propose de reconceptualiser la
notion de communauté en termes de réseaux sociaux plutôt qu’en termes de voisinage
spatial (Wellman et Gulia, 1999,p.169),ce qui l’amène à parler de «réseaux sociaux
assistés par ordinateur» (computer-supported social networks ou cssn) plutôt que de
«communautés virtuelles».
David Holmes (1997b) propose en quelque sorte d’unifier les notions de public et
de réseau social de communication au sein de la catégorie générale de «communauté
abstraite». Dans une vision relativement déterministe des techniques de communica-
tion, il croit discerner une «tendance sociétale générale» (ibid., p. 27) vers la
prédominance de cette figure du collectif,dont il distingue et dissèque deux formes : les
«communautés de diffusion» (communities of broadcast) que favoriseraient la pre-
mière vague de médias électroniques, et les «communautés d’interactivité»
(communities of interactivity), rendues possibles par des dispositifs comme Internet.
Ce que ces dernières propositions théoriques semblent indiquer,c’est un certain
brouillage des frontières entre ce que les sciences sociales considéraient naguère comme
des concepts clairement délimités. De ce point de vue, le recours à la notion de virtuel
apparaît comme une tentative pour décrire un nouveau mode d’être-ensemble induit
par le développement des formes de médiation technique au sein du champ social. À
l’ère des réseaux et du cyberespace, la communauté virtuelle serait-elle la figure post-
moderne du collectif vers laquelle les concepts de communauté, de public et de réseau
social convergeraient?
2.2 Le face-à-face comme idéal : un mythe à déconstruire
De toutes les figures du collectif rapidement esquissées ci-dessus, celle de la commu-
nauté est indéniablement la plus vivace et la plus fédératrice. Mais l’on observe que sa
définition est mouvante et se transforme avec les changements dans la société, les
penseurs du fait social ne pouvant se situer en retrait par rapport à leur objet, dans
114 sociologie et sociétés vol. xxxii.2
une position surplombante qui leur permettrait d’échapper aux paradigmes de leur
temps. Ainsi,Stone (1991) montre que l’évolution de la notion de communauté est
concomitante à celles du corps et de la technique,et que l’on ne peut donc pas con-
sidérer la communauté comme une forme sociale «canonique» de la sociologie, mais
au contraire comme une notion dynamique jouant un rôle central dans la manière
dont la société se conçoit elle-même.
Aussi raisonnable que puisse sembler cette idée,on retrouve néanmoins dans la lit-
térature de nombreuses conceptions «nostalgiques » — pour ne pas dire bucoliques!
de la communauté (Jones, 1997,p.27). Leurs auteurs s’érigent en gardiens de son au-
thenticité, celle-ci étant évaluée à l’aune du modèle — mythique, rappelons-le — de la
Gemeinschaft de Tönnies, considérée comme référence absolue et intouchable (Watson,
1997; Fernback, 1999). On rejoint ici la conception du virtuel comme imitation dé-
gradée du réel. En fait, il nous semble intéressant de noter qu’aussi bien les critiques les
plus acerbes que les discours utopiques sur les communautés virtuelles se rejoignent sur
un point : la référence implicite à cette autre communauté, qui aurait existé et ne serait
plus. Pourquoi en effet parler de communauté virtuelle si ce n’est par allusion à des
communautés «non virtuelles»? En effet, que ce soit pour en déplorer l’imposture,ou
louer leur ressemblance avec la communauté «originelle», ces deux extrêmes se re-
joignent dans une conception idéalisée d’une forme d’organisation sociale ou règnerait
la transparence et l’immédiateté des interactions humaines.
Jan Fernback (1997,p.41) critique cette idéalisation naïve en rappelant d’une part
le potentiel d’oppression que comporte la vie au sein des petites communautés villa-
geoises (il évoque à ce propos le destin tragique du personnage de Gretchen dans le
Faust de Goethe), et en reprenant d’autre part l’argument de Richard Sennett (1977),qui
voit dans l’aspiration au retour aux petites communautés un désir individualiste de
repli sur soi et de désengagement pour la chose publique, signe inquiétant d’un effrite-
ment de la cohésion sociale, dans le monde occidental du moins.Sennett rappelle
notamment que «l’essence de l’urbanité, [c’est] que les hommes puissent agir ensem-
ble, sans la contrainte d’être semblables» (ibid.,p.255).
Or,à la lumière des voies théoriques explorées par Anderson, Radway,Holmes et
Wellman, rien ne permet a priori de considérer que parce quelles reposent largement
sur la médiation de la technique, les dynamiques sociales en ligne sont irréelles ou sans
conséquences. Si nombre d’auteurs s’entendent pour admettre que tous les agrégats
sociaux en ligne ne se valent pas en terme de pertinence sociale et politique, Etzioni et
Etzioni (1999,p.242) notent que « l’on ne devrait pas conclure que parce que les agré-
gats en ligne n’ont pas tous les attributs des communautés hors ligne, les communautés
virtuelles ne sont pas [...] “réelles”, autrement dit qu’elles ne répondent pas aux critères
nécessaires pour former des communautés à part entière». S’inscrivant dans le sillage
d’Anderson, Wellman et Gulia (1999,p.182) soulignent «[qu’]en fait, la plupart des
communautés contemporaines dans le monde développé ne ressemblent pas aux vil-
lages ruraux ou citadins où tout le monde connaissait tout le monde par de fréquents
contacts en face à face», et mettent en avant l’idée que ce n’est pas fondamentalement
115
La virtualité comme catégorie pour penser le social
le mode d’interaction qui importe : «C’est la relation qui est l’élément important, et non
pas le moyen de communication» (ibid.).
Ces auteurs, avec d’autres, attirent notre attention sur un présupposé sous-jacent
à la fétichisation de la Gemeinschaft, selon lequel le face à face constituerait un idéal et
serait donc forcément supérieur à toutes les autres situations ou modalités de com-
munication (Jones, 1995,p.27; Palmer,1995,p.282). Morse (1998,p.9-10) en situe l’un
des fondements épistémologiques dans la théorie de Berger et Luckmann sur la «cons-
truction sociale de la réalité», selon laquelle la «réalité suprême» (paramount reality)
serait construite via l’interaction en face à face8. Une conception qu’André Akoun
reprend à son compte quand il écrit : «Être c’est toujours être dans le regard de
quelqu’un» (Akoun, 1998,p.8). Pour sa part, Dominique Wolton (1999,p.90) nous
enjoint à «sortir de la communication médiatisée pour éprouver une communication
directe, humaine,sociale». Or John Thompson a raison de rappeler que, dans les so-
ciétés modernes, une part grandissante des interactions est médiatisée :
Un des éléments qui font que les sociétés modernes sont «modernes» est le fait que l’échange
de formes symboliques ne se limite plus principalement aux situations d’interactions en
face à face, mais se trouve de plus en plus largement et fréquemment médiatisé par les
institutions et les dispositifs de communication de masse (cité dans Crang et al,1999,p.10).
Si l’on admet que l’agora athénienne ne peut plus servir de modèle d’interactions
sociales, à moins de l’envisager sous la forme abstraite de «places publiques simulées»
ou «virtuelles» (Gumpert et Drucker, 1999),il semble pertinent d’envisager des col-
lectifs fondés sur une combinaison de modes multiples d’interactions sociales (Wellman
et Gulia, 1999,p.182).
En présentant plus haut les diverses facettes du collectif comme autant de figures
réfractées par différents prismes conceptuels, nous n’avons fait en partie que déplacer
la problématique en évitant de nous commettre sur un point essentiel : la définition
même de la notion de collectif; ce qu’il est et ce qu’il n’est pas. La raison en est qu’il est
pratiquement impossible de répondre à cette question sans ultimement tenir un dis-
cours normatif, ce qui contreviendrait à notre choix initial d’une posture agnostique
face à une pluralité de points de vue. Le collectif,pour être pertinent d’un point de
vue sociopolitique, doit-il nécessairement être une entité qui a conscience d’elle-même?
Les agents humains qui le constituent doivent-ils éprouver un sentiment d’apparte-
nance, d’affiliation et/ou d’allégeance à cette entité? Cette dernière doit-elle être
reconnue socialement par d’autres acteurs,d’autres entités du champ social pour exis-
ter comme collectif? Pour mériter l’appellation de collectif, un ensemble d’acteurs
doit-il posséder des propriétés telle que la cohérence, la permanence dans le temps,
116 sociologie et sociétés vol. xxxii.2
8. Il est à noter que cette idéalisation du face à face se retrouve paradoxalement dans nombre d’études
sur la communication médiatisée par ordinateur (cmo). Ainsi, Joseph Walther (1992) critique les théories dites
de la «présence sociale» (social presence) et de la «richesse du média» (media richness), qui partent du
présupposé que dès lors qu’il y a médiation technique, il y a déperdition dans la communication, une
conception qui renvoie à la théorie mathématique de la communication de Shannon et Weaver. Parks et
Floyd (1996) suivent une démarche similaire en dénonçant le simplisme de l’opposition entre cmo et
communication en face à face.
une mémoire, des rituels, des institutions,un pouvoir d’intervention dans le reste du
champ social? Ces questions sont au cœur des débats vigoureux qu’a suscités et con-
tinue de susciter l’emploi de l’expression «communauté virtuelle».
Quand on observe de près ce qui se passe sur et autour d’Internet, il est difficile de
nier que de nouvelles formes de collectifs sont en train d’être inventées.Dans les nou-
velles communautés, la ressource commune n’est pas seulement l’information mais la
«présence» même des autres, quand bien même cette présence serait abstraite, mentale,
paradoxalement distanciée, pour reprendre le titre du livre de Weissberg (1999). Le lieu
virtuel de ces communautés pourrait être évoqué par le recours à la métaphore du
point d’eau dans le désert, c’est-à-dire un «point de passage», dans les termes de Stone
(1991), un pôle d’attraction précaire où des individus de provenances diverses se «ren-
contrent», de sorte que peuvent naître les «interactions non focalisées» propices au
développement de dynamiques collectives.
À la différence des communautés classiques comportant la contrainte d’être en-
semble dans une promiscuité sans alternative, l’engagement dans les collectifs
électroniques est (généralement) beaucoup plus fluide. Les contours sont flous, et
donc, dans un certain sens, leur réalité peut être considérée comme virtuelle. Mais ne
nous y méprenons pas : la virtualité ne doit pas être ici comprise comme une déna-
turation du social, mais plutôt comme un aspect, un effet d’optique de sa
complexification croissante, amplifiée par ses propres artefacts techniques. C’est du
moins l’une des idées que nous espérons avoir dégagée de cet examen forcément trop
rapide et partiel des divers usages du virtuel comme catégorie pour penser la société
contemporaine. Î
résumé
Ces dernières années, universitaires et journalistes ont fréquemment recours à l’adjectif «virtuel»
pour qualifier des entités et phénomènes sociaux. L’emploi de l’expression « communauté
virtuelle», aujourd’hui naturalisée dans la langue courante, est particulièrement représentatif
de cette tendance. Cependant, son usage en sciences sociales soulève plusieurs questions :
étant donné la polysémie des mots virtuel et communauté, que signifie exactement l’expression
« communauté virtuelle » ? Quel nouveau type de collectif est-elle censée décrire et éclairer ?
N’implique-t-elle pas paradoxalement la nostalgie d’une forme mythique de communauté, ainsi
que l’idéalisation du face à face comme situation de communication? Cet article tente d’apporter
des éléments de réponse à ces questions à travers un examen critique de textes récents en
sciences sociales. Dans un premier temps, nous distinguons trois conceptions principales de la
relation entre le réel et le virtuel — représentation, résolution et hybridation — puis nous
recourons à cette typologie pour catégoriser les principaux discours sur les « communautés
virtuelles». Dans un deuxième temps, nous passons en revue diverses approches de la notion
de communauté, en relation avec celles de public et de réseau social. En conclusion, nous discutons
brièvement de l’évolution des rôles respectifs de la communication en face à face et de la
communication médiatisée dans la formation des collectifs. À l’ère d’Internet, les frontières
entre tous ces concepts semblent s’estomper ; cela explique peut-être l’attrait croissant de la
virtualité comme catégorie pour penser le social.
117
La virtualité comme catégorie pour penser le social
summary
In recent years, academics and journalists have frequently made use of the adjective “virtual”
to qualify entities and social phenomena. The use of the expression “virtual community” now
naturalised in everyday language is particularly representative of this tendency. However, its
use in the social sciences raises a number of questions: given the polysemy of the words virtual
and community, what exactly does the expression “virtual community” mean? What new type
of community is it supposed to describe or explicit? Paradoxically, does it not imply a nostalgic
mythical type of community, as well as an idealisation of face-to-face communication? This
paper attempts to offer some elements of solution to these questions by means of a critical
examination of recent social science texts. First, we make a distinction between the three main
conceptions of the link between the real and the virtual - representation, resolution and
hybridisation, then refer back to this typology in categorising the main types of discourse on
“virtual communities”. Second, we review various approaches to the notion of community, in
relation with those of public and social network. In conclusion, we discuss briefly the evolution
in the respective roles of face-to-face communication and mediated communication in the
formation of communities. In the age of the Internet, the borders between all theses concepts
seem to break down, which perhaps explains the increasing attraction of virtuality as a category
in social thought.
resumen
En estos últimos años, universitarios y periodistas han utilizado frecuentemente el adjetivo
«virtual» para calificar entidades y fenómenos sociales. El empleo de la expresión «comunidad
virtual », hoy naturalizada en la lengua corriente, es particularmente representativo de esta
tendencia. Sin embargo, su uso en ciencias sociales plantea varias cuestiones : teniendo en
cuenta la polisemia de las palabras virtual y comunidad, qué significa exactamente la expresión
«comunidad virtual»? Qué nuevo tipo de colectivo pretende describir y esclarecer? Esa expresión,
no implica paradójicamente la nostalgia de una forma mítica de comunidad, como también la
idealización del frente a frente como situación de comunicación? Este artículo intenta aportar
elementos de respuesta a estas preguntas a través de un examen crítico de los textos recientes
en ciencias sociales. En la primera parte, nosotros distinguimos tres concepciones principales
de la relación entre lo real y lo virtual – representación, resolución y hibridación – después
nosotros recurrimos a esta tipología para categorizar los principales discursos sobre las
«comunidades virtuales». En la segunda parte, nosotros revisamos diversas perspectivas de la
noción de comunidad, en relación con las de público y la de red social. En la conclusión, nosotros
discutimos brevemente la evolución de los roles respectivos de la comunicación frente a frente
y de la comunicación mediatizada en la formación de colectivos. En la era de Internet, las fronteras
entre todos estos conceptos parecen desaparecer; esto explica tal vez la atracción creciente de
la virtualidad como categoría para pensar lo social.
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... Management sciences often study online communities' various forms of governance and organisation, both external and internal and knowledge management (Amine & Sitz, 2007;Cohendet, Créplet, & Dupouët, 2003;Faraj, Jarvenpaa, & Majchrzak, 2011). The field of sociology has conducted extensive research into the interactions between community members and the relationship(s) between the individual and the online community (Amin & Roberts, 2008;Proulx & Latzko-Toth, 2000). This literature review is therefore anchored in a broad scientific and social science context in which numerous studies across a wide variety of fields have explored the phenomenon of online communities. ...
... In 1887, he defined a community as a collective based on geographical and emotional proximity, involving direct, concrete, authentic interactions between members (Tönnies, 2010). Over the last two centuries, the concept has evolved further and been adapted to reflect subsequent changes in society (Proulx & Latzko-Toth, 2000). The notions of collective emotional closeness and authentic interactions amongst members have endured within contemporary definitions of community, but the importance of geographic proximity and direct communication has gradually declined (Dahlander & Frederiksen, 2012;Wellman & Leighton, 1979). ...
... The writer Howard Rheingold posited the notion of a virtual community for the first time in 1993, defining it as "cultural aggregations that emerge when enough people bump into each other often enough in cyberspace" (Rheingold, 1993, p. 57). Since then, a rapid and widespread proliferation of virtual communities has taken place (Iriberri & Leroy, 2009), with the phrase "online community" taking its placea neologism that is now anchored in the common vocabulary (Proulx & Latzko-Toth, 2000). ...
Article
The health crisis has highlighted online communities' interest and effectiveness in connecting isolated people in response to urgent problems or to recreate social links. However, despite much research over the last 30 years, there is no global vision regarding the conditions and processes that act on such communities’ dynamism and allow them to reach their objectives. In other words, the conditions for online community performance have not been fully investigated. Online community performance relies on the presence of mechanisms such as socialisation, structuring, participation, commitment and common motivations. Those mechanisms are favoured by a multitude of drivers identified in the literature. This paper is aimed at presenting the current state of research on the conditions that affect online community performance. We conducted a systematic literature review of 529 sources and identified, through a selection of 178 articles, the dimensions where the understanding of performance is rarer, such as drivers related to contributions and those affecting the common motivation mechanism.
Article
Full-text available
En la era del Antropoceno y en el contexto de la Cuarta Revolución Industrial, la inteligencia artificial representa un elemento que profundiza los problemas relacionados con la degradación ambiental. En este sentido, figuras destacadas como Aimee van Wynsberghe y Mark Coeckelbergh han comenzado a plantear el concepto de inteligencia artificial sostenible (IAS). Sin embargo, es importante conectar esta propuesta conceptual con un modelo de innovación que permita su realización en aras de la sostenibilidad. La quíntuple hélice constituye una oportunidad para el impulso de la IAS a través de una innovación comprometida con la participación social y el cuidado ambiental.
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Este artículo presenta un análisis sobre la relevancia de lo virtual en la realidad contemporánea, pero también sobre su impacto en la producción de identidades digitales, y a su vez sobre cómo éstas se desarrollan en esos mundos que podemos llamar “paralelos” o metaversos. El texto se presenta en tres partes: primero se aborda la cuestión de la identidad, luego una diferenciación entre lo real y lo virtual, y finalmente los mundos paralelos. El enfoque utilizado para la reflexión se enraíza en el pensamiento complejo, no lineal y rizomático. La principal conclusión a la cual se llega es que se requiere una posición ética, incluyente y responsable ante estas demandas. Cuando ella se haya construido, se podrá pensar en una realidad-mundo aumentado cuya interfaz sería la base de navegación.
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El presente artículo es el resultado de un estudio de revisión, sustentado en la hermenéutica y la técnica de análisis de contenido, tiene como objetivo analizar, desde consideraciones éticas, la relevancia de lo virtual en la realidad contemporánea y su impacto en la producción de identidades digitales, que se desarrollan en mundos “paralelos”. El enfoque utilizado para la reflexión se enraíza en el pensamiento complejo, no-lineal y rizomático. La principal conclusión a la que se llega es que se requiere una posición ética, incluyente y responsable ante el fenómeno de la virtualidad; cuando ella se haya construido, se podrá pensar en una realidad-mundo aumentado cuya interfaz sería la base de navegación.
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Le cyberpunk est mort en 1995, ont jadis affirmé Arthur et Marilouise Kroker, soit le jour où le film Johnny Mnemonic est sorti au cinéma. Pour eux, l’échec de cette œuvre s’explique moins par des raisons esthétiques que par l’avènement de changements culturels rapides, alors que les métaphores cyberpunk des années 1980 ne fonctionnent plus dans les années 1990. Il est vrai qu’à partir de cette époque, le numérique a pénétré toutes les facettes de notre quotidien et le fait de naviguer dans les espaces numériques est devenu une activité banale. Toutefois, la culture contemporaine n’en a pas terminé avec le cyberpunk. En la matière, les fictions produites au cours de la décennie 2010 témoignent d’un intérêt renouvelé pour ses considérations sur l’avènement d’une posthumanité, sur l’intelligence artificielle, sur le caractère vertigineux de la vie au sein de mégapoles hyper-trophiées et sur les espaces numériques. Elles témoignent également d’un bougé dans la représentation de la société contemporaine, et plus particulièrement, car c’est le sujet de cet ouvrage, dans la représentation et la simulation du milieu urbain contemporain et de son habiter. Ce sont là des signes suggérant qu’au cours de ses quatre décennies d’existence, le cyberpunk a enregistré et continue d’enregistrer en la matière des mutations dignes d’être étudiées. Cela implique la mise en texte d’une expérience du milieu urbain contemporain et de son habiter propre, qu’il s’agit de mettre au jour et que le cyberpunk, en prise sur notre époque, exacerbe pour en montrer les aspects délétères et les potentialités — désirables ou souhaitables — non exploitées. En sus d’une verticalisation et d’un étalement croissants, les villes telles que les fictions cyberpunk nous les donnent à voir, à lire ou à jouer sont devenues, avec le passage du temps, « intelligentes ». Les technologies assurant à leurs habitants confort et sécurité se sont multipliées pour donner lieu à des « technococons », pour reprendre un néologisme d’Alain Damasio. Mais ces mêmes villes, à travers le filtre de la fiction et en fonction d’une demande croissante de prévisibilité et d’une tolérance toujours plus faible de la société face à l’incertitude, ont vu se multiplier en leur sein des dispositifs de surveillance et de prédiction emblématisés aujourd’hui davantage par les drones, les capteurs biométriques, les Big data et les traceurs que par les tours panoptiques, les caméras et les microphones miniaturisés d’autrefois, donnant lieu, dans l’exercice, à des formes de ségrégation sociospatiale et à un morcellement de l’espace public au profit d’une architecture de forteresse physique et numérique. À cette ségrégation, fruit d’une obsession sécuritaire, répond en contrepartie une autre obsession pour la vitesse et la libre circulation des biens, des personnes et de l’information, cette fois, que la ville — nœud dans un réseau économique tissé à l’échelle mondiale —, délaissant la logique des lieux en faveur d’une logique des flux, surveille et régule à l’aide d’outils nés de la cybernétique. C’est à ces mutations du milieu et de l’habiter urbains vues au prisme du cyberpunk de la décennie 2010 que se consacre cet ouvrage dans une perspective mésocritique. Il s’agit de brosser le portrait de Cybernanthropolis, ce pendant science-fictionnel de nos villes contemporaines.
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El texto explora los discursos de estudiantes universitarios en torno a las formas de comunicación digital, que cada vez tienen mayor presencia en sus vidas cotidianas. Las reflexiones parten de considerar las tradiciones teóricas propuestas por Robert T. Craig (1999) como matriz para pensar qué se comunica acerca de la comunicación. Interesan, entonces, los discursos ordinarios sobre el comunicar cotidiano. El artículo se inserta en una investigación de mayor alcance, en la que se pretendió abordar, por un lado, los discursos en torno a la comunicación –en general, no sólo sobre la comunicación digital-, y por el otro, las formas de hablar acerca de las dimensiones culturales propuestas por Hofstede (1980) acerca de la distancia del poder, la individualidad, la aversión a la incertidumbre y la masculinidad; todo ello se realizó de modo comparativo, tomando en cuenta las voces de estudiantes estadounidenses, españoles y mexicanos. En este texto, sin embargo, se abordan únicamente los discursos de jóvenes estudiantes mexicanos en torno a, específicamente, las formas de comunicación digital. Además de ofrecer algunos de los resultados empíricos obtenidos de las entrevistas en profundidad aplicadas a los estudiantes, se plantean algunas ideas de corte teórico-conceptual para seguir alimentando el debate en torno a estas formas de comunicación digital que, sin duda alguna, generan muchos discursos encontrados, incluso contradictorios.
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Objective Drawing on the theory of polymedia and on the role of information and communications technology (ICT) in (re)defining the articulation between the private and the public, this introduction reflects on what ICT does to and for families around the world. Background Through the development of networking platforms, video call applications, personal sites, and collaborative information platforms, ICT has changed the way people live, love, and interact. It has also afforded new ways to “do family.” Method By featuring studies from a variety of national and regional contexts (Canada, Chile, Ghana, Greece, Moldova, South Korea, Ukraine, the Netherlands, United States, and Turkey), it establishes a dialogue between disciplines and a fruitful cross‐fertilization of research topics, methodologies, analyses, and theoretical perspectives. Results This special issue explores (a) the nexus among family life, relationships, and ICT and (b) the relation between the everyday lived experiences of family members and the broader social structures that circumscribe the width and breadth of those experiences. Conclusion The contributions show the porosity of the boundary between public and private spaces. Alternative forms of expertise and parenting norms are emerging online. ICTs are integrated into parents' information‐seeking and sharing practices, and emotional support. They sustain relationships between family members across distance. However, inequalities regarding access to the Internet and computer literacy still jeopardize digital citizenship and democratization. Implication The contributions in this special issue highlight the need for better structuring of interventions and policies to support families by using up‐to‐date ICT systems and creating mentorship programs and digital mediation for family professionals and beneficiaries.
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Analysis of territorial communicational activities: the use of technical devices in order to promote the model of “open government” The term of “open government” has been definite in the media as a collaborative and transparent model inspired by the open source movement. Our paper observes that territorial institutions use that model to make a transformation of their management. These structures in a disordered movement use digital tools to achieve the objective of collective intelligence. The analysis of the platform « Influents » will study the socio-technical configuration of the device and conduct a detailed analysis of uses and representations that it raises.
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Introducción El término apropiación tiene una amplia aceptación en nues-tros tiempos, ya que se ocupa del análisis y de la implementación de políticas de ciencia y tecnología. El uso de las expresiones apropiación social del documento electrónico, apropiación social de la ciencia, o bien la conjunción de ambos "objetos" de apro-piación, suele darse en el contexto del trabajo académico sobre la cultura tecnológica, los procesos de participación pública de la ciudadanía, los nuevos modelos de concebir la relación entre sociedad, política científica y tecnología. La amplitud de sentidos que se detecta en los usos del término y sus expresiones asociadas indicaría que, antes que un significado estable en el marco de una teoría se trata de un abanico de significados con mayor o menor asociación, que opera como un campo de problematización sobre las dimensiones políticas, culturales y sociales de la presencia del conocimiento tecnológico en la sociedad. La apelación a fortalecer los procesos de apropiación social del documento electrónico se hace presente en los fundamentos
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Computers have dramatically altered life in the late 20th century. Today we can draw on worldwide computer links, speeding up communications for radio, newspapers, and television. Ideas fly back and forth and circle the globe at the speed of electricity. And just around the corner lurks full-blown virtual reality, in which we will be able to immerse ourselves in a computer simulation not only of the actual physical world, but of any imagined world. As we begin to move in and out of a computer-generated world, this book asks, how will the way we perceive our world change? This book considers this and other philosophical issues of the Information Age. With an eye for the dark as well as the bright side of computer technology, it explores the logical and historical origins of our computer-generated world and speculates about the future direction of our computerized lives. The book discusses such topics as the effect of word-processing on the English language. The book also looks into the new kind of literacy promised by Hypertext. And it also probes the notion of virtual reality, "cyberspace" the computer-simulated environments that have captured the popular imagination and may ultimately change the way we define reality itself. Just as the definition of interface itself has evolved from the actual adaptor plug used to connect electronic circuits into human entry into a self-contained cyberspace, so too will the notion of reality change with the current technological drive. Like the introduction of the automobile, the advent of virtual reality will change the whole context in which our knowledge and awareness of life are rooted. And along the way, the book covers such intriguing topics as how computers have altered our thought habits, how we will be able to distinguish virtual from real reality, and the appearance of virtual reality in popular culture (as in Star Trek's holodeck, William Gibson's Neuromancer, and Stephen King's Lawnmower Man).
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The importance of computer-mediated communication (CMC) for comparing the group that communicates face-to-face (FtF) in cyberspace is discussed. In online relationship, network convergence would imply not only that participants were introduced one another's online contacts, but also to people in their real-life social network. The growth of CMC poses new challenges for understanding of social relationships both in cyberspace and in general. The goal of such understanding is to provide an empirical reference point for evaluating conflicting visions of social life in cyberspace by exploring the prevalence and development of personal relationships.