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L'utilisation du cerveau: le mythe du "10%".

Authors:

Abstract

Ce texte examine la croyance largement répandue selon laquelle les humains n'utiliseraient que 10 % de leur cerveau. Le texte comprend quatre parties. Les deux premières parties évaluent l'ampleur du «mythe du 10 %» et en retracent les origines. La troisième partie montre que cette croyance n'est nullement justifiée en passant successivement en revue les connaissances concernant l'anatomie et la physiologie du cerveau, la plasticité cérébrale ainsi que des données sur l'évolution. La dernière partie évoque quelques raisons de la persistance du mythe du 10 %.
Controverse
S.
Larivée'
J.
Baribeau3
J.-F.
Pfliegero
2. École
de
psychoéducation,
Université de
Monréal
3.
École
de
psycholog
ie, U niversité
Laval
4. Département des
Sciences
biologiques,
Université de
Montréal
Correspondance
:
Serge
Larivée
École de
psychoéducation
Université de
Montréal
C.P
6128,
succ. Centre-ville
Montréal
(Québec)
Canada
H3C 3J7
serge.
larivee@u montreal.ca
jbaribeau2@videotron.ca
jf.
pfl
ieger@u montreal.ca
Revue de
psychoéducation
Volume 37, numéro
1,2008, 117-142
Qui
utilise
10
%
de son
cerveau ?1
Who uses 10% of his brain ?
Résumé
Ce
texte examine la croyance largement répandue
selon
laquelle les humains n'utiliseraient
que
10
%o
de leur
cerveau.
Le texte comprend
quatre parties.
Les deux
premières
parties
évaluent
l'ampleur
du
«mythe
du
10
%o» et en
retracent les origines. La troisième
pariie
montre
que
cette
croyance n'esf
nullement
justif
iée en
passanf
successivernent en
revue les
connaissances concernant
l'anatomie et la
physiologie
du
cerveau,
la
plasticité
cérébrale
ainsi
que
des données sur
lévolution.
La
dernière
pariie
évoque
quelques
raisons
de
la
persistance
du mythe du 10
o/
/o.
Mots clés : cerveau, mythe du 10
7o,
croyance,
plasticité
cérébrale.
Abstract
This
article discusses
in 4
sections a widely held belief that
humans use only 10
%
of their
brain.
Firstly
the
peruasiveness
of
fhis
belref
is
evaluated. Secondly the origins
of
the
so-called
«
10
%o
myth
»
are
assessed. Thirdly,
the
authors demonstrate how this myth is invalid
on the basls of
neurobiological knowledge, which is reviewed
according to
the neuroanatomy of the brain, its neurophysiology, cerebral
plasticity
and
evolution. The fourth secfion
triesto accountfor
the
persistence
of the
myth stilltoday.
Key words : brain, 10
%
myth, belief,
cerebral
plasticity.
1. Nous remercions C.
Barrette,
J.
Bouchard, T.
Cabana,
D.
Cousineau,
F. Filiatrault, E Lepore, N. Pettersen, A.
Quiviger,
l. Rouleau,
D.
St-Amour etA. Smith dont les
commentaires
judicieux
ont
permis
d'améliorer
sensiblement le texte.
118
Les idées dites
reçues
prennent
souvent
le
nom de
mythes. Considérant
les
effets
de
la culture
médiatique,
on
peut
penser
que
I'emprise de ceux-ci
sur
les
masses
persistera
encore
longtemps
(Cilliers,
1998).
Bien
que
nullement
fondés
empiriquement,
ils ont
néanmoins une
fonction sociale.
Comme
au cours
des
millénaires, les mythes
animistes expliquant
certains
phénomènes
naturels
(par
exemple
le tonnerre ou les éclipses) se sont
vus
contredits
par
I'observation
scientifique
la
pensée
rationnelle ayant
dissous
leur
caractère
fabuleux, le
même
travail s'impose
aujourd'hui
pour
ce
qui
est de vérifier le bien-fondé des croyances
populaires.
Cependant,
les défenseurs de certaines
idées reçues
prétendent
souvent se
baser sur des données empiriques clairement
établies. À
cet égard, un des mythes
modernes
de
la
«
pop
» psychologie
concerne le
«
fait
»,
preuves
à l'appui selon ses
promoteurs, que
nous n'utiliserions
que
10
%
de notre cerveau
(Myers,
1995). Tel un
iceberg dont une
infime
partie
se
laisse voir, 90
% de
nos
puissances
cérébrales
renfermeraient
des capacités
extraordinaires
qu'il
appartiendrait à I'individu
de
développer.
Dans
ce texte,
nous examinerons :
1) I'ampleurde
cette croyance; 2)ses
origines; 3)sa
validité et4)les
raisons
de sa
persistance.
1. Ampleur de la
croyance
Sauf
erreur,
aucune étude
n'a
évalué
la
prévalence
de la
croyance au mythe
du 10
%
dans
la
population
en
général.
Cependant, trois
données
permettent
de
penserque
le mythe seraittrès
répandu.
Premièrement, 17
des
19
citations
relatives
à cette croyance
présentées
dans
le
tableau
1,
proviennent
d'ouvrages de
«
pop
»
psychologie
reliés
au courant
du
paranormal
en
général
et à la
pensée positive
en
particulier
(Adetumbi,
1992;
Belliston
&
Mayfield, 1983; Buzan, 1984; Byrne, 2007;
Carnegie, 1944;
Clark,
1997;
Geller & Struthers,
1996; Hubbard, 1950i1988; Jalbert, 2003; Lewis, 1962;
Montgomery, 1979; Ostrander, Schroeder, & Ostrander 1979; Pawels
&
Bergier,
1966; Rose, 1987; Russell, 1979; Thomas, 1937; Winter& Winter, 1990;Witt,
1983).
ll
est évident
que
de tels ouvrages se
vendent
mieux
que
les
titres
de
vulgarisation
scientifique, comme en
fait foi l'étude
menée
par
I'un de nous
dans 56 librairies
québécoises
:
les ouvrages consacrés aux
pseudo-sciences
et au
paranormal
occupent 90
%
de I'espace, ne laissant
qu'un
maigre 10
o/o
aux ouvrages
de
vulgarisation
scientifique
(Larivée,
2002).
Par ailleurs, lorsqu'on consulte I'endos de la
jaquette
d'ouvrages
sur la
«
motivation
»
ou
le
«
managementgestion des ressources humaines
)),
etc., on
constate
que
ces livres, écrits
par
des motivateurs
professionnels,
en appellent
souvent à
la
pensée positive.
Celle-ci
prétend
que
pour
développer ses capacités au-
delà de
10
o/o,
il ne suffit
pas
de
les
exercer,
il faut se
persuader que
rien n'est
à
l'épreuve de
la volonté, consciente ou
inconsciente. lci, les motivateurs
n'invoquent
pas
seulement la discipline,
la force de caractère,
le travail acharné
et
les effets
pédagogiques
bien connus de
la
pratique
et de l'exercice
pour
développer
ses
capacités, mais en appellent explicitement au subconscient.
ll
s'agit en somme de se
119
Tableau
1.
Quelques
citations
concernant
!e mythe du
10
o/o
de 1929 à2007
ll n'y a
pas
de
limite à ce
que
le cerveau
humain
peut
accomplir.
Les scientifiques
et
les
psychologues
nous apprennent
qu'on
se sert
seulement
d'à
peu
près
10
% du
pouvoir
de
notre cerveau.
Le
cerveau
est comme
un muscle.
Plus on
s'en
sert,
plus
sa
puissance
augmente.
ll
s'affaiblit
et se détériore
si
on l'utilise
peu.
There is no limit to
what the human
brain can
accomplish.
Scientists
and
psychologists tell us
we
use
only about
ten
per
cent
of our
brain
power.
The
mind
is
like
a
muscle.
lt
grows
in
power
through exercise
and use.
lt weakens
and deteriorates
with idleness
(World
Almanac,
1929
in Beyerstein,
1999).
Le
professeur
William James
de
I'Université de
Harvard
avait
l'habitude de
dire
que
I'homme
moyen développe
seulement
10%de
son
potentiel
mental
latent.
En aidant
les hommes
et les
femmes d'affaires
à
développer
leurs
possibilités
latentes,
Dale
Carnegie
a
créé
un
des
plus
importants
mouvements
en éducation
des adultes.
Professor
William James
of Harvard
used
to say
that the average
man
develops
only ten
percent
of his latent
mental ability.
Dale
Carnegie,
by
helping business
men and
women to
develop their
latent
possibilities,
has
created
one
of the most signifÏcant
movements
in adult education
(Thomas, 1937,
p.
13).
Lorsqu'ila
déclaré
que
I'homme moyen
développe
seulement
10
%
de ses
capacités
mentales
latentes,
le
célèbre
William
James
faisait allusion
aux
hommes
qui
n'ont
jamais
trouvé
leur voie.
«
En comparaison
de ce
que
nous
devrions
être
»,
écrit-il,
«
nous
sommes
seulement
à demi
éveillés.
Nous
n'utilisons
qu'une petite
partie
de
nos
ressources
physiques
et mentales.
En
gros,
jusqu'à
maintenant,
I'homme
vit bien
en deçà de
ses
limites. ll
possède
divers
pouvoirs
qu'il
n'utilise habituellement
pas.
The renowned
William James
was
speaking
of men
who had never found
themselves
when he declared
that the
average
man develops only
ten
percent
of
his latent mental abilities.
"Compared
to
what we ought to be",
he wrote,
"we
are only
half awake.
We are making
use
of only a small
part
of our
physical
and mental
resources. Stating
the thing
broadly,
the human individual
thus
lives
far within
his limits. He
possesses
powers
of
various sorts which
he
habitually
fails to use
(Carnegie,1944,
p.123).
Les
processus
de
pensée
sont
perturbés
non seulement
par
ces
commandes
d'engrammation,
mais aussi
par
le
fait
que
l'esprit réagit en
régénérant
I'inconscience
et en
réduisant ainsi
la
capacité
de
penser.
De ce fait,
peu
d'individus
exercent
plus
de
10
%
de leur
conscience
potentielle.
Thought
processes
are
disturbed
not
only by these
engramic commands
but
also by the
fact that the
reactive mind
reduces, by
regenerating
unconsciousness,
the
actual
ability to
think.
Few
people
possess,
because of
this, more than
10
%
of their
potential
awareness
(Hubbard,
1950/1988,
p.
xilr))
Les experts
sont
d'avis
que
vous utilisez
seulement
une
fraction de
votre
pouvoir
mental.
Par exemple,
I'illustre
psychologue
de
Harvard,
William James,
soutient
qu'un
individu
moyen
n'utilise
habituellement
que
10 à
15
%
du
pouvoir
de son cerveau.
Experts agree
that
you
are using
only
a
fraction of
your
mental
power.
No less a
pundit
than
Harvard's'
great
psychologist,
William James, claims
the
average
person
habitually uses
10 to
15
percent
of his brain
power
(Lewis,
1962,
p.4).
120
Selon
les
psychologues,
la
plupart
d'entre nous n'utilisent
pas
plus
de 10 %
de notre capacité mnémonique
(mémoire)
reçue
à
la naissance.
Most of us,
psychologists
say, don't
use more
than
10
percent
of our
native ability to
remember
(Montgomery,
1979,
p.
11).
ll
existe un
important
débat
chez
les
physiologistes
russes
à
I'effet
que
nous
n'utilisons tout au
plus
que
10
% des
capacités de notre cerveau,
mais
nous
pouvons
apprendre à découvrir
le 90 %
restant; nous
pouvons,
comme ils
le
disent, apprendre à utiliser
les réserves
de
I'esprit.
ln these accounts, writers
invariably
mentioned a basic
contention
of
Soviet
physiologists
: We use barely
ten
percent
of our brain capacity,
yet
we can
learn to
plug
in to the other
ninety
percent;
we can, as they
put
it,
learn to
tap the reserves of
the mind
(Ostrander,
Schroeder, &
Ostrander,1979,
p.
15).
On entend souvent
dire
qu'on
utilise 10
% de
tout notre
potentiel
mental. On
peut
maintenant considérer
que
ce
pourcentage
est
largement surestimé.
Nous n'utilisons
probablement
pas
même1
%,
plus probablement
0,1
%
ou
moins.
It is frequently stated that we use only
10
%
of our full mental
potential.
This,
it now appears,
is
rather an
overestimate.
We
probably
do
not use
even one
percent
more likely 0.1%
percent
or less
(Russell,
1979,
p.7).
Vous
avez
probablement
entendu dire
que
nous
utilisons
seulement
10
ou 20
%
de notre
pouvoir
mental. Comment
cela
est-il
possible
? Existet-il une
manière de débloquer
le
80 ou
90
%
restant
You've
probably
heard
that
we
use
only 10 or 20
percent
of our
mental
powers.
How can that be ? ls there
some secret to unlocking the other B0
or 90
percent
?
(Belliston
& Mayfield,
1983,
p.
10).
La
plupart
des
gens
utilisent 10
o/o
ou
moins de
leur
pouvoir
cérébral, laissant
ainsi un
vaste réservoir de capacités
mentales non utilisées.
Most
people
use ten
percent
or less of
their brainpower, leaving
a vast
reserye
of mental abilities
unused
(Witt,
1983,
p.4).
L'énoncé souvent entendu selon
lequel
on utilise
en moyenne 1
%
seulement de
notre
cerveau
peut
bien se
révéler
faux
parce
qu'il
semble désormais
que
nous
nous servons de moins de
1
o/o
de notre
cerveau
The
commonly hard statement that
on
the average we use
only
1
percent
of
our
brain may well
be
wrong,
because
it
now seems that we use even less
than 1
o/o
(Buzan,19Ba, p.
13).
Selon une statistique
souvent citée
nous
n'utilisons
que
10
%
du
potentiel
de
notre cerveau. Plus
les
psychologues
ont acquis des connaissances
au cours
des
10 dernières années,
moins ils
osent
essayer de
quantifier
notre
potentiel
cérébral. En
fait, la
seule
conclusion
valable à ce sujet
est
que
la
proportion
de
notre
potentiel
cérébral est
probablement
plus près
de
4
%
que
de
10
o/o.
It
used
to be an often
quoted
statistic
that we
only use
10
o/o
of our
potential
brain
power.
The more
psychologists
have
learned in
the
past
'10
years
however,
the
less likely they
are to
dare
to attempt to
quantify
our brain
potential.
The only
consistent
conclusion
is that the
proportion
of
our
potential
brain
power
that
we
use
is
probably
nearer
4
% than
10
%
(Rose,
'1987,
p.
4).
121
Vous
n'utilisez
qu'une portion
infime
des
capacités de
votre cerveau estimé à un
pourcentage
qui peut
varier entre 0,01 et
10
o/".
You use only a
fraction
of
your
brain's
capacity
an estimated .01 % to
10
%
(Winter
&
Winter, 1990,
p.
1).
On a estimé
qu'un
individu moyen
utilise
seulement une fraction
(moins
de 5
%)
du
potentiel
de
son cerveau.
Les
psychologues
et les neurobiologistes sont
d'avis
que
le cerveau humain a des
capacités d'apprentissage
presque
illimitées.
It has been estimated
that an average
person
uses only a fraction
(less
than
5
o/o)
of
his
or her brain
potential.
Psychologists
and
neurobiologists
alike agree
that
the human brain has
almost unlimited capacity
to
learn
(Adetumbi,
1992,
p.
1 1).
Notre
esprit est capable
de
remarquables
et incroyables exploits,
mais
nous ne
I'utilisons
pas
encore à sa
pleine
capacité.
En fait, la
plupart
d'entre nous utilisons à
peu
près
10
o/o
de notre cerveau. L'autre
90 % est
entièrement composé de
ressources inexploitées et de capacités
non découvertes, ce
qui
signifie
que
notre
esprit
fonctionne à
faible
plutôt
qu'à plein
régime. Je crois
que
notre esprit a déjà
fonctionné
à
sa
pleine
capacité. A
l'époque, cela était nécessaire
pour
survivre, mais comme
le
monde est
devenu
nettement
plus
complexe, nous
avons oublié
plusieurs
de ces capacités.
Our minds are capable
of
remarkable,
incredible
feats,
yet
we don't
use
them to
their full
capacity. ln fact,
most of us only use about 10
%
of
our
brains,
if
that.
The
other 90
%
is full of
untapped
potential
and
an
undiscovered ability, which means
our
minds are only
operating in a very
limited
way instead
of at full
stretch.
I
believe
that we
once
had full
power
over our minds. We had
to,
in
order to
survive, but as our world has
become
more sophisticated and
complex
we
have forgotten
many of the abilities
we
once
had
(Geller
& Struthers,
1ee6).
Nous
utilisons
normalement seulement 10
o/o
à 20 % de notre esprit.
lmaginez
ce
que
serait
votre vie
si
vous
pouviez
utiliser
l'autre
80
%
à 90 % appelé
esprit
subconscient.
We
normally
use
10
o/o
to 20
o/o
of our
minds.
Think
how different
your
life
would be if
you
could
utilize that other
B0 % to 90 % known as the
subconscious mind
(Clark,
1997,
p.56).
Dans l'état de veille
normal
de
la conscience, il
y
a un dixième du cerveau en
activité.
Que
se
passet-il
dans
les
neuf dixièmes silencieux ?
Et
n'existe-t-il
pas
un
état
la
totalité
du cerveau se trouverait en activité organisée ?
(Pauwels
&
Bergier, 1966,
p.506)...
Pourquoi
['homme]
ne
posséderait-il pas
une sorte
de
machine électronique analogique dans les
profondeurs
de son cerveau ? Nous
savons
aujourd'hui
que
les neuf
dixièmes du cerveau
humain
sont inutilisés dans
la
vie consciente normale
et le docteur Warren
Penfield'a
démontré l'existence, en
nous,
de
ce vaste domaine silencieux
(Pauwels
& Berger 1966,
p.513).
5. Une
recherche sur Pubmed avec
«
Penfield
Warren
»
ne donne aucun résultat;
«
Penfield W
»,
renvoie à un
nombre
élevé d'articles
(en
raison de
ceux
du célèbre
neurochirurgien
Wilder Penfield).
La
seule
référence Google
à
un
«
Warren Penfield
»
conduit à un
passage
du
livre de Pauwels et
Bergier, Le Matin des magiciens.
ll
est
possible
que
ce
«
docteur Warren
Penfield
»
soit une invention de
leur
pensée
«
réaliste fantastique
»
ou
qu'ils
confondent avec
Wilder Penfield. À
notre connaissance
Wilder Penfield n'a
jamais
démontré
I'existence en
nous d'un vaste domaine
silencieux.
122
[.
.] la
chiropratique
récupère les
percées
des
neurosciences afin d'aider
les
gens
à
utiliser beaucoup
plus que
le
10
o/o
du
potentiel
du
cerveau
que
I'on reconnaît
accessible
présentement
par
la majorité
d'entre
nous
(Jalbert,
2003,
p.21).
Je vois un avenir rempli de
potentiel
illimité, de
possibilités
infinies.
Rappelez-vous
que
l'être humain n'utilise tout au
plus que
5 % du
potentiel
de son
esprit. La totalité
du
potentiel
humain est le
produit
d'une éducation
adéquate.
Donc, imaginez
un
monde
les
gens
utiliseraient
pleinement
leur
potentiel
cérébral
et émotionnel.
Nous
pourrions
aller
n'importe
où.
Nous
pourrions
tout faire. Nous
pourrions
réaliser
n'importe
quoi
(Byrne,
2007,
p.
27 1).
convaincre, en dehors de toute rationnalité,
que
tout individu
est
non
seulement
capable du dépassement obtenu
par
la
simple discipline
personnelle,
mais
possède
un
potentiel
extraordinaire actualisable
par
la
seule
motivation
(voir,
par
exemple, La
force de votre inconscient,
par
Gaboury, 1980). ll ne s'agit
plus
seulement
d'arguments
pédagogiques
mais
bien d'autosuggestion
pardes
moyens
irrationnels.
Évidemment,
si ces livres
se vendent
bien, c'est
qu'une
large
part
de la
population
adhère à
leurs
contenus,
quel que
soit le niveau
d'instruction des lecteurs. Pourtant,
ces livres
relèvent
essentiellement
du divertissement, alors
que
leurs
énoncés
sont
tenus
pourdes
valeurs
sûres
(Larivée,
2004)
Deuxièmement,
une analyse sommaire du contenu du
tableau 1 confirme
en
quelque
sorte ce
qui précède.
Ce tableau
présente
essentiellement des extraits
d'ouvrages de
«
pop
»
psychologie,
publiés
entre 1929 et 2007
,
qui
font référence
au
mythe du 10
% dont on
peut
dégager
trois
aspects. D'abord, même
si c'est le
10
o/o
qui
revient le
plus
souvent, le
pourcentage
supposé
de
I'utilisation
de notre
cerveau
varie
de 0,01
o/o
à 20
%.
Ensuite,
au
plan
du vocabulaire, les
mots
«
cerveau
»
ou
«
mental
»
sont associés à la notion
de
puissance
:
pouvoirs
(n=5),
capacité
(n=4),
ressources
(n=2)
et
potentiel
(n=7).
Enfin,9
des
19
citations s'appuient
sur des
experts
plus
ou moins célèbres
(psychologues,
neurobiologistes,
physiologistes).
Dans les dix
autres cas,
les
auteurs se contentent
d'affirmations
présentées
comme
des évidences aux
yeux
de tous. La
phrase
type est
«
on entend souvent
dire
qu'on
utilise 10
%
de I'ensemble
de
notre
potentiel
mental
».
Qui
est
«
on
»
?
sont les
résultats
justifiant
une
telle affirmation ?
Qui
sont ces experts ?
Troisièmement,
on
devrait
s'attendre à ce
que
des
personnes
cultivées
en
matière de
psychologie
soient davantage
à I'abri
des croyances
populaires.
Pourtant,
Higbee et
Clay
(1998)
ont vérifié
la
croyance au mythe
du 10
%
chez
38
étudiants inscrits
à un cours avancé de
psychologie
cognitive et chez
39 étudiants
inscrits
à un cours d'introduction à la
psychologie.
lls leur
ont
d'abord
demandé
«
dans
quel pourcentage,
selon vous, les individus
utilisent-ils le
potentiel
de
leur
cerveau ?
».
Les étudiants devaient choisir entre 0
%
et 100
%
(0
o/o,
5
o/o,
10
%...95
o/o,
100
%).
Aucune
différence
entre les
deux
groupes
a
été
observée. Les réponses
du
premier groupe
varient entre 5
%
et 90
%
et
celle
du deuxième
groupe,
entre 5
%
et 60 %.
La réponse
la
plus
courante
dans
les
deux
groupes
est 10
o/o'.
12 I 38 et 10 /
39
respectivement. De
toute évidence, I'acquisition de connaissances
n'a
pas
modifié la croyance au mythe du 10
chez ces étudiants. Lorsqu'on leur
demande
123
ensuite
dans
quel
pourcentage
les
gens
sont
capables d'utiliser le
potentiel
de leur
cerveau,
les sujets des deux
groupes
avancent un chiffre
plus
élevé. La réponse est
identique
dans
les
deux
groupes
quant
à
la variation
(entre
10
o/o
et
100
%).
ll
n'existe
aucune différence significative
entre
le
premier (moy.
:
61,5
o/oi
8.1. : 31,6
%)
et le
deuxième
groupe
(moy.
: 53,0
o/oi
E.T.: 30,5).
Quand
on
leur demande sur
quoi
ils
fondent leur
réponse, les étudiants des deux
groupes
répondent
qu'ils
en ont entendu
parler
ou
qu'ils
ont
lu cela
quelque part.
Aucun
n'a
pu
citer
une source de manière
suffisamment
spécifique
pourque
les
auteurs
de l'étude
puissent
la retrouver.
Par
ailleurs,
l'un de nous a aussi demandé à des étudiants universitaires, dans
le cadre d'un cours
de biologie, de se
prononcer
sur
la véracité
ou
la fausseté
de
l'énoncé suivant :
«
Nous n'utilisons
que
10
%
de
notre
cerveau
».
Résultat
'.79,1
o/o
des
soixante-sept sujets
interrogés
(étudiants
de 2e et 3e année du baccalauréat en
sciences biologiques) croient
qu'on
utilise seulement
10%de notre
cerveau.
Dans une autre
étude, Della Sala
(1999)
a demandé aux
visiteurs
d'une
séance
portes
ouvertes
du département de
psychologie
de l'Université
d'Aberdeen, à
l'occasion du centenaire
de sa fondation, de se
prononcer
sur la véracité ou la
fausseté de
16
énoncés
parmi
lesquels :
«
Les humains
n'utilisent habituellement
que
10
%
de leur cerveau
».
Résultat : 69
%
des visiteurs ont
répondu
que
cet énoncé
était
vrai. Même s'il s'agit d'un
échantillon non représentatif de
la
population,
on
peut
penser que
les visiteurs avaient
un
certain
niveau d'instruction. Notons en outre
que
ce
résultat est
légèrement
au-dessus
de celui obtenu
par
les étudiants de
psychologie
interviewés
par
Higbee et Clay
(1998).
Enfin, Higbee et Clay ont aussi cherché
dans
16 manuels
d'introduction
à la
psychologie publiés
entre
1994 et 1996, la
présence
éventuelle d'une dénonciation
du
mythe du 10
%
qui
aurait
pu,
d'une certaine
façon, contrer I'influence de
la
presse
populaire.
lls n'en ont repéré
que
deux
(Kalat,
1996; Myers, 1995). Nos
propres
recherches ont
permis
d'en
retrouver trois autres, Le miroir du monde
(Barrette,
2000),
Biological
Psychology
(Kalat,
2004) et Comprendre
le
cerueau
: naissance
d'une science
de
l'apprenfissage
(CERl,
2007).
2. Les origines
du mythe
Sauf erreur,
personne
ne
peut
affirmer avec certitude connaître
I'origine
du
mythe du
10
%
même s'il
circule allègrement depuis
plus
de
100
ans
(Jeannerod,
2007; Morton,
2001; Novella,
1999). Beyerstein
(1999)
confesse d'ailleurs sa
frustration
de n'avoir
pas pu
retracer sa
source. Voici la chronologie des attributions,
de la
plus
ancienne à
la
plus
récente.
La
phrénologie.
On
peut
attribuer I'origine
du mythe du 10
%
àla
phrénologie.
En fait, au
XlXe siècle,
l'enjeu entre
localistes
(pour
qui
les fonctions du cerveau sont
situées
apparaissent
des bosses
observables sur
le
crâne
-
voir Gould 1997
pour
un historique)
et holistes
(voir
Kohler,
1947 et Wertheimer,
1959) consiste à
localiser
les fonctions cérébrales
supérieures.
L'erreur
de
la
phrénologie
équivaut
à
la mésinterprétation
des données
de Lashley
(présentées
plus
bas)
:
on croit
que
124
seuls les neurones corticaux contiennent les
souvenirs et
que
les fonctions
cérébrales associées seraient voisines les
unes des autres.
Une
fois
identifiés, les
chaînons sous-corticaux et
les interneurones
responsables
des
fonctions
cognitives
corticales,
I'argument
phrénologique
a
disparu
(Luria,
1973: Miller,
Galanten
&
Pribram,1960).
William James.
Plusieurs
attribuent I'origine du mythe du 10
7o à James, un
important
psychologue
du XlXe siècle tenu
en outre
pour
un
partisan
du
paranormal
(Ferron,2003).
En fait,
deux écrits de James
(1890,
1907)
sont cités à I'appui
de
cette allégation. Dans le
premier
cas,
il
s'agit de
The Principles
of Psychology.
Vérification faite,
on n'y trouve aucune
allusion à
la
sous-utilisation
du cerveau
(Beyerstein,
1999). Le
deuxième écrit,
plus
problématique,
fait référence
à la citation
de Carnegie
(1944) (voir
tableau
'1
).
Celle-ci aurait été mentionnée
par
James lors
d'une conférence tenue
en 1906 àl'American Philosophical
Association
sous
le
titre
de Energies of Men. Une version
populaire
de cette
conférence a
par
la suite été
publiée
dans
I'Ame rican Magazine
(octobre
1907)
sous le titre
plus
évocateur de
The
Powers of Men. Selon Fellman et
Fellman
(1981),
il
est
peu
probable,
compte
tenu
de la formation scientifique de James,
que
celui-ci
ait fait
une telle affirmation
stricto
sensu. Par contre,
que
dans ses nombreux écrits de vulgarisation,
il ait utilisé
des
métaphores
quant
au caractère
perfectible
des humains en
général
et de leurs
capacités
mentales en
particulier,
cela demeure
possible.
Karl
Spencer
Lashley. Au
cours des années
1920
et 1930, cherchant
à
localiser
les
souvenirs dans le cerveau, Lashley entraîna
des
rats
à trouver leur voie
dans des
labyrinthes
en vue d'observer comment ils
y
parviennent
après I'ablation
d'une
partie
de leur
cerveau.
Les résultats montrent
que
les souvenirs
sont
emmagasinés
quelque part
dans
le
cortex
plutôt que
dans une
partie
spécifique.
Dans une de ses expériences,
Lashley
a
montré
que
même
après avoir
perdu
58
%
de leur
cortex cérébral,
les rats
pouvaient
encore
faire
des apprentissages simples
(Chudler,
2005;
Owen, 2000; Sweeney, 1998). Ce résultat
pouvait
laisser
entendre
que
de
grandes
régions du cerveau n'étaient
pas
utilisées.
L'absence
de réponse
du
tissu cortical chez un certain nombre d'espèces à la suite d'une
stimulation électrique
avait corroboré à
l'époque I'hypothèse
selon laquelle 90
% du cerveau reste
silencieux, ce
qui
n'est
pas
interprété
ainsi aujourd'hui. D'ailleurs, les
promoteurs
du
mythe négligent de signaler
que
d'après
Lashley,
que plus
on enlève
du tissu
cérébral,
plus
les
performances
diminuent, un fait
qui
contredit
le
mythe du 10
%.
Albeft Einstein. On
prétend que
Einstein lui-même
aurait
contribué à
conserver bien
vivant le mythe du 10
% en
déclarant
de
manière
sarcastique à
un
journaliste
que
son
génie
provenait
du faitqu'il utilisait
plus que
10
%
de son
cerveau.
Cette anecdote
n'a
jamais
pu
être confirmée
(Beyerstein,
1999;
Chuddler, 2005;
Vreeman
et
Carroll, 2007;Wanjek,
2003).
Magiciens et hypnotiseurs de spectacle. L'objectif des
professionnels
de
I'illusion est de mystifier
par
tous les moyens
psychologiques
et techniques
possibles
de
la
suggestion
et de
la
persuasion.
lls
savent
pertinemment
que
leurs
capacités
proviennent
d'heures d'exercices soutenus ou de
truquages
(Brown,
125
1972; Crawford & Gruzelier, 1992). Dans tout spectacle, le
rituel
de
scène
invite
à la
détente
et au divertissement
plutôt qu'à
exercer I'esprit critique. Alors
que
certains
illusionnistes,
comme Uri Geller,
quittent
I'arène
du divertissement
pour
soutenir le
mythe
du
10
7o, sans rendre
compte du temps
passé
à développer
leurs habiletés
manuelles, aucun musicien
ne
pourrait
se
permettre
de cacher
qu'il
lui
a fallu
des
milliers d'heures
pour
atteindre à
la virtuosité
(Baribeau,
2000;
Judd, 1988). En fait,
si
on
tient
compte
des conditions d'apprentissage
requises
pour
le
développement
cérébral et cognitif
de ces capacités, le mythe du 10
%
ne tient
plus.
En taisant
ces
explications sur la technique et la rapidité
perceptivo-motrice
requises, le
mythe
continue
à attribuer
les
capacités au seul
potentiel
cérébral
biologique de I'individu,
faussement identifié
en tant
que
talent, occultant du même
souffle la
plasticité
implicite
du cerveau dans le développement
de
ces
capacités.
C'est
la faute
aux cellules
gliales.
Selon Feldmeyer
(2006),
le mythe
serait
apparu dans I'entre-deux Guerres Mondiales.
On découvrit alors
que
le cerveau
comporte
plus
de cellules
gliales que
de
neurones
dans un rapport
de 4
pour
1. Les
journaux
ont immédiatement
titré :
«Nous
n'utilisons
que
20
% de notre cerveau
pour
penser!»,
ce
qui
est devenu
rapidement
:
«Nous
n'utilisons notre
cerveau
qu'à
20
%
de
sa capacité»
(p
98).
3.
Connaissances neurobiologiques
et
le mythe
du
10
%
Dans
l'état
actuel des connaissances en neurosciencesu,
le mythe du 10
o/o
n'a
pas
de soutien empirique en ce
qui
a
trait
à
I'anatomie
du cerveau
et à son
fonctionnement.
On conviendra ici, d'entrée
de
jeu,
que
I'affirmation
«
on n'utilise
que
10
%
de
notre cerveau
»
implique
qu'on
sache, au moins
approximativement,
à
quoi
correspond
100
%
des capacités
de celui-ci.
Malheureusement,
comme
le
montrent
les citations du tableau l,
on
ne retrouve
aucune affirmation
claire à ce sujet
chez
les
tenants du
mythe, En fait, l'utilisation
de termes aussi flous
que
«
pouvoirs
mentaux
ou cérébraux)),
«
capacité mentale latente»
ou autres
«potentiels
du
cerveau>» ne
permettent
même
pas
d'appréhender ce
qui
est
réellement
désigné
par
«
cerveau
».
On
peut
donc s'interroger sur
les
caractéristiques anatomiques
à considérer.
L'acception la
plus
répandue est
que
le
cerveau est synonyme
d'encéphale
et
comprend
l'ensemble
du système nerveux central
situé à
I'intérieur
de la boîte
crânienne. On retrouve
une
définition
plus
stricte voulant
que
cerveau soit synonyme
de
prosencéphale
(Purves,
Augustine, Fitzpatrick,
Hall, LaMantia,
& McNamara,
2005), ce
qui
correspond
au diencéphale et au télencéphale.
Le terme semble
parfois
désigner uniquement les
hémisphères
cérébraux, sans doute
parce
que
ces derniers
sont très visibles
chez
I'humain au
point
de recouvrir la majorité
des autres structures
cérébrales. Nous désignerons
ici
par
cerveau la totalité de I'encéphale.
6. Pour un
panorama
exhaustif des connaissances en
neurosciences, le lecteur
consultera
avec
profit
les ouvrages conçus à cet effet
(par
exemple: Gazzaniga, lvry, & Mangun, 2001
;
Kandel, Schwartz, & Jessell, 2000;
Purves,
Augustine,
Fitzpatrick,
Hall, La Mantia, &
McNamara,2005).
126
En fait,
le
cerveau
montre une
grande
variation
de
masse
(entre
1
et
2 kg
chez
l'adulte normal) mais
pèse
en
moyenne
1
,4
kg chez
I'homme
et
1,2k9
chez
la
femme
(Jerison,
1991). Parmi
les
êtres
vivants, I'humain n'est
pas
doté du
plus gros
cerueau
en termes
absolus ou en termes
relatifs. En effet, si
la
masse du cerveau
représente
en moyenne
près
de2o/o de
la masse totale du corps chez I'humain et environ 0,0001
o/o
chez la baleine bleue, certains
petits
rongeurs et insectivores
ont des cerveaux
équivalant à
parfois
10
%
de leur masse corporelle
(Jerison,
'1991;
Roth,2000;
Striedter, 2005). Ce
qui
distingue
particulièrement
I'espèce humaine,
c'est
qu'elle
possède
un
plus gros
cerveau
qu'on
ne s'y attendrait chez un
mammifère
de taille ou
de masse comparables,
c'est-à-dire
que
son
quotient
d'encéphalisation
est
supérieur à celui
de
toutes
les autres espèces.
Le mythe du
10
% est
généralement
compris comme une sous-utilisation du
cerveau. Envisager celle-ci sous
I'angle de la masse signifie
que
pour
un cerveau
moyen de
1,4 kg,
seuls
'1409
seraient utilisés
(la
masse moyenne d'un ceryeau de
mouton).
Compte
tenu des connaissances actuelles, cette manière
d'envisager les
choses fait
problème
sous
au moins
quatre
angles
:
a) anatomique,
b)
physiologique,
c) de
la
plasticité
neurale,
d) de
l'évolution.
a)
Perspective anatomique
Si une
forte
proportion
du cerveau reste inutilisée, comme le
prétendent
les
tenants du mythe du
10
%,
l'ablation
d'une
grande quantité
de matière nerveuse ne
devrait
pas
entraîner d'effets notables. À cet égard, des cas de
patients
ayant subi
des
atteintes cérébrales
sévères sans complication apparente sont
souvent
utilisés
pour
appuyer
l'idée
qu'une
grande partie
de la masse cérébrale serait inutile. Le
caractère séduisant de
ces
cas est
habituellement attribuable
à
une description
incomplète ou exagérée de
la réalité.
Nous exposons ici deux cas célèbres souvent
cités
: le cas de Phineas Gage et un cas d'hydrocéphalie.
-
Le
cas de
Phineas Gage. J.C. Harlow
(1848)
rapporte
un accident de travail
dont
Gage
fut victime lors d'un dynamitage requis
pour
la construction
d'un chemin
de
fer. Au moment de
I'explosion, Gage a vu son
lobe
frontal transpercé
par
une
barre de
métal
qui
lui a traversé
le
crâne
au niveau frontal de
bas
en haut entre les
deux hémisphères.
Deux mois après la
guérison
de la blessure,
Harlow
(1848)
son
médecin
,
écrivait
que
Phineas
Gage
s'était remis
«
parfaitement
»
êt
miraculeusement, car il n'exhibait aucune des séquelles
habituellement
observées
dans de blessures
: ni amnésie
grave,
ni
paralysie,
ni
perte
notable de vision ou
d'audition. Sur
la
base
de cette apparente absence
de déficit, on
pourrait
conclure
qu'une grande
partie
du cerveau
n'a
pas
defonction
réelle.
Pourtant en 1868,
Harlow
signalait
des changements majeurs dans la
personnalité
de Gage.
Au cours du XX siècle, la mise au
jour
des fonctions dévolues
aux
lobes
frontaux ne
permet plus
de crier au
miracle. Au contraire,
selon
Damasio,
Grabowski,
Frank, Galaburda
et Damasio
(1994),
de
graves
séquelles cognitives
ont
affecté
le
jugement,
la capacité de
prendre
des décisions
chez Gage, et
plusieurs
analystes
ont
depuis critiqué
I'aveuglement des
premiers
rapports cliniques
127
(Bigelow,
1850; Harlow
1848). On sait
maintenant
que
les lobes
frontaux sont le
siège des
fonctions dites
supérieures
ou
«
exécutives
»
de
volonté, d'initiative
et
de
décision
(Hécaen
&
Dubois,
1969; Luria,
1973), mais
rien de cela n'apparaît
dans les
rapports médicaux de l'époque de
Harlow. En fait, Gage
n'a
plus
jamais
occupé
d'emploi
stable ni établit de
relation solide; il est devenu un cas de cirque au P.T.
Barnum Museum
et il est mort à 38 ans de troubles convulsifs
(séquelles
typiques de
ce
genre
de
lésion). Aujourd'hui, les
publications
documentent les dysfonctions
frontales de
Gage
et
les
mésinterprétations
passées
(Damasio
et al.,
1994;
Gazzaniga,
1987; McCormik & Lezak, 2005; Macmillan,
2000;
Ratiu, Tâlos, Haker,
Lieberman, & Everett, 2004; Stuss & Benson,
1986). Damasio
et al.
(1994)
illustrent
une
fois
pour
toutes, dans une
reconstruction infographique, les impacts
neurologiques de Gage
et comment ils
ont
profondément
transformé sa capacité
cognitive.
-
Un cas d'hydrocéphalie.
En 1981,
le neurologue
et
pédiatre
anglais,
John
Lorber
publie,
dans
Nursing Mirror
(un
journal
destiné à
un
public
d'infirmières
professionnelles),
un court article au titre
provocateur:
«
Est-ce
que
votre cerveau
est
vraiment
nécessaire?
».
L'auteur
propose
une approche
novatrice
dans
le
traitement
de
I'hydrocéphalie basée sur ses études
de
patients
hydrocéphales
(Lorber,
1984;
Lorber &
Pucholt, 1981), c'est-à-dire des
personnes
dont, on le sait, les ventricules
cérébraux
montrent une teneur anormalement élevée
en liquide cérébrorachidien
(LCR).
ll rappelle d'abord
les succès de
I'implantation de drains dans les ventricules,
opération
visant
la résorption du LCR. Ce
genre
d'implants,
qui
n'était
pas
sans
risque
-
lésions cérébrales
graves,
infections, etc.
-
nécessitait
parfois
un
grand
nombre d'interventions
subséquentes
surtout
quand
I'hydrocéphalie est détectée
précocement.
ll mentionne ensuite
quelques
découvertes
:
d'après des
scanographies certains
patients
atteints d'hydrocéphalie
montrent
un cortex
cérébral
très mince en
raison de
la
compression
que produit
le surplus du LCR ventriculaire
sur la
paroi
du crâne.
Or, malgré cette compression anormale, des
patien§
ne
présentent
aucune
atteinte cognitive ou
intellectuelle notable. Lorber
en
déduit
que
si
I'hydrocéphalie
s'installe
précocement
et
progressivement,
le
cerveau
peut
apparemment
continuer à se développer
normalement un
principe
déjà connu de
plasticité
et
d'adaptation
du cerveau. Si son article
plaide
clairement
pour que
l'implantation de drains
soit effectuée le
plus
tardivement
possible
afin de minimiser
les éventuels effets
néfastes afférents,
il ne conclut nullementà I'inutilité du cerveau.
Probablement à cause
de
son
caractère
provocateur,
le
travail de
Lorber
a
attiré
I'attention de Roger
Lewin
(1980),
éditeur de la
prestigieuse
revue Science
qui
publia
un
article sous
le même titre. Lewin
y
reprend essentiellement les
propos
de
Lorber et ajoute des
commentaires d'autres
chercheurs tout en insistant sur le
caractère
volontairement
provoquant
de la
question-titre
«
EsÈce
que
votre
cerveau
est
vraiment
nécessaire
?
».
À ce sujet,
Lewin admet
qu'il
n'est
qu'à
moitié
sérieux.
«
Vous devez
exagérer
si vous voulez
que
les
gens
vous écoutent
»,
concède-t-il'. En
fait, Bower
(cité
par
Lewin) ajoute :
«Même
si le travail de
Lorber ne
démontre
pas que
7. As to the
question
"
ls
your
brain
really necessary
?" Lorber admits that it
is half
serious.
"You
have to
be dramatic
in
order
to make
people
listen," concedes the tactician
(p.1234).
128
nous n'avons
pas
besoin d'un cerveau,
il met
en évidence
que
le
cerveau
peut
fonctionner dans des conditions
que
nous aurions cru
impossibles'».
Par ailleurs, Lewin
(1980)
rapporte
le
cas d'un
jeune
homme de 26 ans,
brillant étudiant universitaire
en
mathématiques dont les compétences
sociales
seraient également
bien établies.
Une
scanographie standard de son ceryeau
évalue à 0,1 cm l'épaisseur des
hémisphères
cérébraux au
lieu
des 4,5
cm
habituels.
Ce cas,
vaguement
décrit
en un court
paragraphe,
a de
quoi
frapper I'imaginaire
des
partisans
du mythe du 10
%
(un «
cerveau
»
réduit à5% de son épaisseur
«
normale
»,
mais des
capacités intellectuelles
supérieures à
la norme)
etfaire oublier, du coup,
les
précautions prises
par
Lewin
pour
éviter de décrire la situation
en termes
sensationnalistes.
Tout indique
que
l'état
de
plusieurs
fonctions frontales
a été
ignoré
dans
l'évaluation du
patient
de
Lorber
autant
que
dans celle
de Phineas
Gage. En
plus
du
jugement
et de la capacité décisionnelle, le lobe frontal a
pour
fonction d'arrimer
l'action
à son
motif
et d'assurer une
relative indépendance cognitive du sujet
par
rapport aux stimuli externes, ce
qui permet
à
I'individu de
se
fixer des
buts
réalistes
à
moyen ou à long terme et d'établir
les démarches appropriées au
contexte
pour
les
réaliser
(Fuster,
1980; Shallice, 1988; Suss &
Benson, 1986).
Les recherches
de
Damasio et al.
(1994)ont
montré
que
ces fonctions étaient déficientes
chez Gage, et
la même
analyse
eut
probablement permis
une
conclusion
similaire à
propos
du
patientde
Lorber.
De toute évidence,
la mésinterprétation
des
symptômes
de ces cas
soi-disant
exceptionnels a nourri le mythe du
10
%.
Selon
Lezak
(1996, p.72),
il
n'est
pas
rare
que
les déficits observés chez Gage
passent
inaperçus
à
I'examen
neurologique ne
sont
pas
rares :
«
Il faut mentionner
que
souvent
les
déficits cognitifs
importants
ne
sont
(quand
même)
pas
évidents. Car le malade n'a
souvent
pas
besoin d'utiliser
la
capacité atteinte, comme c'est le cas
pour
beaucoup de
personnes
âgées
qui
n'ont
pas
l'occasion
d'accomplir...
des activités
visuospatiales. Aussi
beaucoup de
malades
ont
tendance
à éviter les activités
qui
réclament I'utilisation
des capacités
atteintes.
De
plus
les atteintes
[...]
peuvent
diminuer le niveau...mais
pas
à un degré
tel
que
le
déficit
puisse
devenir évident à
I'observateur
naiï...
Par
exemple, une
personne
ayant des compétences
mathématiques supérieures
(pré
lésion)
peut
encore avoir des scores
dans la moyenne
(post
lésion). Dans de tels cas,
les
déficits
ne
peuvent
être diagnostiqués,
et les
plaintes
du
patient peuvent
être mal
interprétées
jusqu'au
moment
I'examinateur
pourra
évaluer
[
...] le
fonctionnement
pré
morbide
[...]
par
rapport au niveau actuel
plus
bas
[...]
».
8.
Although Lorber's work doesn't
demonstrate that we don't
need
a
brain. lt does
demonstrate
that the brain can work
in
conditions
that we would
have thought impossible
(p.
123a).
129
Dans leur
étude de trois cas de lésions
frontales
diffuses chez des sujets
de
Ql
élevé, comparables à Gage et
à
patient
de Lorber, Shallice
et
Burgess (1991)
ont mis
en évidence les limites des tests neurologiques standards
pour
ce
qui
est de capter
les difficultés réelles de tels
patients
dans des activités
quotidiennes.
Les
trois cas
manifestaient en effet
des difficultés d'organisation
notables
dans leurs activités
quotidiennes,
malgré un
Ql
supérieur à 120. Comme
pour
Gage et le cas de Lorber,
leurs compétences langagières,
perceptives
et
mnésiques
semblaient adéquates.
Également, dans deux de ces cas, les
performances
suivantes,
qui
auraient
pourtant
refléter une lésion
frontale,
étaient
normales : I'interprétation
de
proverbes,
la
catégorisation
de figures, le rappel autogéré, la
fluidité verbale,
le traçage de
pistes.
En
revanche,
ces sujets
présentaient plusieurs
difficultés d'organisation lorsqu'on
leur
demandait
d'accomplir
certaines
tâches
simples
dans leur environnement
(acheter
des
pastilles)
dont certaines demandaient
plus
d'organisation
(recueillir
quatre
informations à
écrire
sur une carte
postale
avant de
la
poster).
À ces
épreuves, alors
que
des
personnes
normales font en moyenne 4,6 erreurs, les
sujets
présentant
des
lésions frontales
en commettaient entre
12
et
23. ll
est donc fort
vraisemblable
que
Gage et le
patient
de Lorber n'ont
pas
été
évalués sous ces
angles,
d'où la minimisation des déficits cognitifs
rapportés.
En fait, rien n'est
surprenant
ici,
puisque
les
déficits deviennent évidents
lorsqu'aucun
cadre n'est
offert
au sujet. Comme
les tests standards sont très structurés, les déficits ne sont
pas
toujours
apparents.
De
nos
jours,
quand
des
lésions sont détectées chez
un
patient
à I'aide de
I'imagerie
par
résonance magnétique
(lRM),
on
procède
ensuite à
des examens
neuropsychologiques
plus poussés pouvant
mettre
en évidence des
déficits
inaperçus
dans
la
première
évaluation neurologique.
Enfin, si nous n'utilisions
que
10
%
de
notre
cerveau, on devrait s'attendre à
ce
qu'une
lésion ou un accident
qui
abîmerait
50
%
du
cerveau
ne
porte pas
à
conséquence. Ce
qu'on
observe, au contraire, c'est
que
des
lésions
minimes
peuvent
entraîner des
perturbations
majeures.
Cela se
vérifie
surtout dans
le
cas
de
lésions
aux
niveaux du tronc
cérébral,
du cervelet ou du diencéphale,
qui peuvent
provoquer
des
paralysies,
des ataxies, des
pertes
sensorielles, affaiblir la
capacité à
ressentir des émotions, etc.
De nombreuses
publications (Botez-Marquard
& Boller,
2005)
font état des dommages cérébraux causés
par
de tels accidents. Les
pertes
de
tissus
nerveux
consécutives
à des traumatismes crâniocérébraux
(commotions
cérébrales), à des accidents
vasculaires cérébraux
(AVC)
ou à des hémorragies
cérébrales affectent
les sphères cognitives et comportementales au
point
de laisser
la majorité des victimes
gravement
handicapées
(Baribeau,
Éthier, & Braun, 1989;
Damasio et al., 1994;
Luria, 1
973).
Les traumatismes
crâniocérébraux bénins,
invisibles
sur les
radiographies,
sont maintenant
détectés
par
les techniques
modernes
d'imagerie, offrant ainsi un
support anatomique
à des diagnostics
de troubles
psychologiques qui
étaient
auparavant
attribués
à I'exagération. On
reconnaît désormais
une étiologie
organique aux troubles
attentionnels et émotifs
qui peuvent
durer chez certains
sujets
jusqu'à
deux ans
après I'accident cérébral
(Baribeau
& Roth, 1996). Au
Québec,
le mythe
du
10
%
est sérieusement
discrédité
par
les
publicités
de la
Commission
de
la
Santé
et de
la Sécurité au Travail
(CSST)
et de la Société de
130
l'Assurance automobile du
Québec
(SAAO) qui
montrent des
jeunes
cérébrolésés
victimes d'accidents lourdement affectés dans les sphères cognitives
dont, entre
autres des
déficits
attentionnels sévères
(Baribeau
et a/., 1989). Leurs
proches,
d'ailleurs,
témoignent des impacts de ces séquelles dans leur vie
quotidienne
(Ben-
Yishay, Silver, Piasetsky, & Rattok,
1987).
Les études
se
basant sur des autopsies
(Debakan
&
Sadowsky,
1978;
Svennerholm,
Bostrôm, & Jungbjer,
1997)
montrent
que,
passé
l'âge de 20 ans, la
masse
du
cerveau diminue
graduellement
et faiblement, de I'ordre de 10
-
15
%
vers
l'âge de 90 ans.
Même
si
ce n'est
pas
le
seulfacteur
à considérer, cette diminution est
à
mettre en relation avec la sénescence des capacités cognitives
lors
du
vieillissement. Un tel constat
va tout simplement à l'encontre du mythe
du
10
%.
b)
Perspective
physiologique
Si à
peine
10% du cerveau étaient
utilisés, on devrait tenir
celui-ci
pour
un
organe métaboliquement
peu
actif. Or, bien
que
sa masse représente 2% de la
masse corporelle,
le
cerveau
d'un adulte consomme environ
16%
des ressources
énergétiques et 20% de
I'oxygène
basal
(Beyerstein,
1999; Striedter, 2005).
Chez
I'enfant, ces valeurs sont
beaucoup
plus
élevées. Dans
tous
les
cas,
les
techniques
d'imagerie
métabolique montrent
que
le
cerveau est un
organe énergivore.
Les électroencéphalogrammes
(EEG)ont
montré
que
les différentes régions
du cortex cérébral étaient sujettes à
de fortes oscillations d'activités,
plus
ou
moins
marquées selon la région et l'état cognitivo-perceptif du sujet.
Seule
la mort
cérébrale
s'accompagne d'un
arrêt
de
I'activité
électroencéphalographique, activité
neuroélectrique
quicontinue
même
pendant
le
coma
(Baribeau,
Clossey, & Bastien,
2004), et
I'anesthésie
(Plourde,
Baribeau, & Bonhomme, 1997;Thornton
& Sharpe,
1998). Par la méthode des
potentiels
évoqués, on
peut
extraire de I'EEG les signaux
associés à une opération cognitive
donnée et
les
dissocierde
l'activité
électrique non
pertinente
à cette
opération cérébrale spécifique, ce
qui permet
de
localiser les
mécanismes impliqués dans
les
activités cognitives supérieures
(Purdy,
Kelly, &
Ihorne,2001). La
terminologie
électroencéphalographique utilise
parfois
les
termes
«
dormantes
»
ou
«
négatif
»
pour
désigner des enregistrements de
I'activité
cérébrale, mais ces termes
n'ont
pas
la
connotation habituelle.
En
fait, il
s'agit d'ondes neuroélectriques mais d'amplitude
ou de fréquence
relativement
plus
basse selon
le niveau
de
vigilance. Un EEG dit
de basse amplitude
ou de basse
fréquence
ne
signifie
pas
une activité
inexistante
comme aiment
I'entendre
les tenants du mythe du 10%. Ces techniques n'ont
jamais
décrit des
cerveaux dont
90% des capacités
restaient inutilisés.
Seule
I'approche
de la mort
cérébrale
produirait
une baisse
de 90% d'activité
EEG. De
plus,
les
techniques
d'enregistrement
intracrâniens, chez des
patients
cérébrolésés et comme chez des
modèles animaux,
ont confirmé
l'activité neuroélectrique
dans les
cas
I'EEG
de
masse ou de surface
«
semblait
stagnant
».
Et il s'agit alors du
résultat
de
I'annulation
des
polarités positives
et
négatives
de
I'EEG et non d'une absence de signal. De
131
plus,
les techniques d'imagerie
par
résonance magnétique et de tomographie
par
émission
de
positons
montrent
que
le cerveau fonctionne dans son intégralité. La
plupart
des
techniques d'imagerie
nécessitent la soustraction d'une activité basale
généralisée
afin de faire mieux ressortir
les régions
«
évoquées
>»,
c'est-à-dire
activées à la suite à une stimulation ou
lors
d'une tâche cognitive.
Les régions
dites
«
inactives
»
ne le sont
pas
selon le sens commun du terme, mais
sont simplement
moins
actives sur
les
plans
métabolique
ou
neurochimique,
ou neuroélectrique
(selon
la technique
utilisée)
que
les régions ou les cellules
«
évoquées
»
par
un
stimulus
perceptif,
et ce, relativement à I'activité basale. Les
tenants du
mythe ne
devraient en aucun cas utiliser cette terminologie technique en leur faveur.
Les techniques
mentionnées
ont
permis
de
«
cartographier
»
les
aires
corticales
primaires
et secondaires
selon leurs fonctions
auditives,
visuelles,
olfactives,
tactiles, somesthésiques, cognitives,
«
exécutives
»
et motrices. Les aires
associatives
opèrent de façon complexe, multisensorielle, et
en
interaction
avec
I'aire frontale et
les
autres
régions
impliquant
les
décisions et les
motivations
(Gazzaniga,
1987; Gazzaniga
et al.,
2001; Luria, 1973).
Ainsi, la
plus
simple
stimulation sensorielle entraîne, en moins de
100
ms, une activation
de
plusieurs
réseaux
neuronaux
du cerveau impliquant hiérarchiquement et en
parallèle
I'interaction corticale
et
sous-corticale d'un
plus
grand
nombre
encore de structures
cérébrales.
Par
exemple, une
stimulation visuelle simple
provoquera
une activation
du cortex occipital situé à
I'arrière
du cerveau en
moins
de 50 ms, et 30 ms
plus
tard,
elle
recrutera le
cortex
frontal
(Foxe
& Simpson
,2002).
Évidemment, toutes les
régions
du cerveau ne sont
pas
aussi actives en
même temps, comme
il en est
d'ailleurs des
muscles du corps. Si
certaines cellules
ne sont activées
que
dans des conditions spécifiques, elles
n'en
demeurent
pas
moins fonctionnelles. En résumé,
aucun
indice
d'EEG ou d'imagerie ne soutient le
mythedu 10%.
c)
La
plasticité
cérébrale
P. Gage, le cas de
Lorber
et
la
plupart
des cérébrolésés
peuvent
recouvrer
une
partie
de leurs capacités
perdues grâce
à
la
plasticité
cérébrale. Celle-ci inclut
plusieurs processus
compensatoires
grâce
auxquels
le
cerveau réorganise
et
réattribue les fonctions des cellules mortes à d'autres cellules déjà actives. Le
terme
«
déjà actives
»
est
important. ll ne
s'agit aucunement
ici
du 90%
prétendument
inutilisé du cerveau.
L'historique des découvertes de ces réorganisations
fonctionnelles des
processus
cognitifs
(résumées
par
Luria, 1973) démontre
que
la
réattribution se
fait
généralement
vers des cellules déjà actives. Les nombreux
mécanismes de
plasticité
cérébrale
vont du bourgeonnement collatéral dans
des
neurones
intacts,
par
exemple dans
les fibres catécholaminergiques et
sérotoninergiques du cerveau,
à la réafférentation de systèmes déconnectés
par
la
lésion.
On
rapporte aussi des changements
hypothétiques dans les systèmes
dopaminergiques
et
les systèmes connexes,
lesquels
pourraient
résulter du
rétablissement
post-traumatique.
ll n'y
a donc
rien de
magique
ou de
miraculeux
dans ce
genre
de
rétablissement.
Pour leur
part,
les tenants
du mythe évoquent une
'|.32
forme
vague de
plasticité
en
laissant sous-entendre
la
genèse
ou la
régénération
de
grandes
masses de
cellules corticales.
Or,
la neurogenèse de cellules dans
le
cerveau
humain est considérée
comme très
hypothétique et
rarissime.
Sauf erreur,
ce
phénomène
se
produirait
exclusivement dans
I'hippocampe chez
I'humain
(Chapouton,
Jagasia,
& Bally-Cuif
,2007;
Erikson, Perfilieva, Bjôrk-Ericson, Alborn,
Norborg, Petterson, & Gage,
1998;
Gould,
2007). Par
contre,
la
genèse
de nouveaux
axones
ou la régénération d'axones
lésés
serait
possible
dans le cerveau adulte
de
certains vertébrés dont
quelques
mammifères. À
première
vue, la neurogénèse
semble appuyer
le
mythe du
10%.
Ce
phénomène
est
toutefois
rare
et
n'implique
que
des systèmes spécifiques.
De
plus,
échappant
au
contrôle
volontaire,
la
neurogenèse
peut
difficilement
servir
d'appui
aux tenants du mythe. Autrement
dit,
ces
rares
processus
de
neurogenèse ne
peuvent
soutenir I'idée selon laquelle
90 %
du
cerveau
pourrait
se
régénérer.
L'ontogenèse du cerveau
inclut
des
processus
normaux
de
neurogenèse,
de
croissance
neuritique,
de
synaptogenèse mais des
phénomènes
régressifs
jouent
aussi
des rôles essentiels
(Roth,
2000).
Parmi
ces derniers,
la mort neuronale,
l'élimination de
neurites et
la restructuration
synaptique sont absolument
nécessaires
pour
le
bon
fonctionnement du cerveau et servent à ajuster le
substrat
nerveux
aux
tâches
qu'il
assume
(Jacobson,
1991
).
Ces
mécanismes
sont liés, entre
autres, aux
facteurs
trophiques
(Levi-Montalcini
&
Booker, 1960)
dont
les
neurotrophines
qui
comportent
le facteur
de croissance
neural
ou
neural
groüh
factor(Frade &
Barde, 1998; Hennigan, O'Callaghan, &
Kelly, 2007;
Jacobson,
1991)
et
qui permet, par
contre,
la
survie
neuronale. Sans lui, de nombreux neurones
dégénèrent.
De
plus,
I'activité
spontanée
et
sensorielle
au sein d'un réseau neuronal
visuel renforce ce
réseau et
permet
la survie de ses neurones
(Katz
& Shatz, 1996;
Zhang & Poo, 2001). Comme tout
indique
qu'il
s'agit d'un
phénomène
généralisé
dans
le cerveau, ilsemble
impossible
que
90% du cerveau reste inutilisé,
sans
qu'ily
ait
dégénération
notable
et
irréversible
d'une
telle masse
prétendue
inutile.
D'autres
processus
de
plasticité
contredisent
I'inactivité
prétendue
de la
masse cérébrale.
Par exemple, il est clairement
démontré,
chez de nombreuses
espèces de mammifères,
que
des
remaniements fonctionnels ont lieu dans les
«
cartographies
corticales
»
en
fonction
des
afférences reçues. Par
exemple, selon
les démonstrations
classiques de Rose
(1976),
une
surstimulation visuelle
particulière
entraîne
une hypertrophie des
cellules visuelles spécifiquement
apparentées au cortex
visuel. ll s'agiralt dans ce
cas
de
phénomènes
de
plasticité
synaptique
: une fonction corticale en
remplace une autre remplacement d'autant
plus
efficace
qu'il
se
produit
tôt
pendant
la maturation. Autre exemple
:
dans
le
cas de
la cécité, on
observe
que
le
cortex occipital,
normalement voué
à
I'analyse
de
I'information
visuelle, ne devient
pas
inactif mais se trouve activé
par
les autres
modalités
sensorielles dont
I'audition
(pour
une
recension des écrits, voir Saint-
Amour, Lepore, Guillemot,
&
Lassonde, 2006).
lnversement, dans le cas de la
surdité,
on observe
qu'une
représentation
provenant
des autres modalités
sensorielles
recrute les régions temporales
normalement dédiées à
I'audition. Des
recherches
récentes
(Bergeron,
Baribeau,
& Lepore,
2007; Bergeron, Doucet,
133
Forest-Gauthier, & Lepore 2OO4;
Doucet, Bergeron, Lassonde, Ferron,
& Lepore,
2006) illustrent des cas
précis
de
la limite
de
la
plasticité
cérébrale.
Ainsi, la
personne
sourde
dotée
d'un implant cochléaire en
retire
moins de bénéfice si les cellules
auditives
cérébrales, à la suite de la surdité, ont été
recrutées
par
le système visuel.
Les régions
visuelles,
quant
à elles, contribuent à la fonction auditive
quand
celle-ci
devient déficitaire
mais
seulement dans
le
contexte les deux modalités
sensorielles
peuvent
effectivement rester complémentaires.
Autrement
dit, ce
que
ces
processus
de
plasticité
indiquent,
c'est
que
les régions
cérébrales soi-disant
inutilisées seraient
précocement
annexées à des
systèmes
fonctionnels.
d) La
perspective
évolutionniste
Hormis certains
groupes
religieux fondamentalistes,
tout le monde
accepte
que
le cerveau humain soit le
produit
de
millions
d'années d'évolution. Étant
donnée
la
nature
plutôt
conservatrice du
phénomène
de
la
sélection naturelle, il
serait
pour
le
moins surprenant
que
l'évolution
ait abouti à un
organe
inutilisé
à 90
%.
Pourquoi
en
effet la sélection naturelle aurait-elle
débouché sur un triplement
du cerveau en 2,6
millions
d'années
pour que
finalement,
une
infime
partie
soit efficace?
Les
tenants du
mythe versent facilement
dans une interprétation
téléologique
de
l'évolution
à la Teilhard de Chardin
(1955).
lls
prétendent que
l'évolution
aurait
mené à un
tel triplement du cerveau comme s'il s'agissait d'un luxe
spirituel dont
l'âme aurait émergé. ll suffirait
d'un saut
pour
prétendre
à des
espaces spirituels
enfouis dans cette
masse
cérébrale
prétendûment
non inutilisée
par
les fonctions
prosaïques
de la cognition ordinaire. Un tel dérapage interprétatif
contredit les
données colligées
par
les
anthropologues et les archéologues
pour
qui
l'élargissement
graduel
du
cerveau a
permis
des sauts évolutifs
successifs vers
une
amalgamation des
fonctions
prosai'ques
et des fonctions
symbolique/linguistique
(Donald,
1991
).
Ceux-ci sont des avantages évolutifs
certains,
qui
ont déterminé
la
structuration de ce
qu'on
appelle aujourd'hui le
cerveau social
(Anokhin,
1974;
Donald, 1991; ïrân, 1984).
Ces sauts
qualitatifs
de structuration
cérébrale
ont
décuplé les capacités à refléter les relations
et
les
mouvements
complexes
du
réel
grâce
à la symbolisation
langagière
des relations
sociales, opérée de façon
naturelle
par
le cerveau
à travers
l'évolution,
ce
qui
n'a
rien à voir
avec de mystérieux
pouvoirs
supra
naturels
qui
appartiennent au monde de la foi
et de la religion.
Comme
les
progrès
évolutifs
ont
impliqué
tous les
modules du
cerveau,
ils
n'ont
pas pu
laisser stagner 90
%
de la masse
cérébrale
(Gazzaniga,
1987;
Gazzaniga et a|.,2001).
À elle seule, l'évolution
du
langage a
permis
de décupler les
capacités mentales
(Donald,
1991). Or, comme I'aptitude
au
langage
est
héréditairement
présente
chez tout être humain, aucun
indice
ne
permet
de croire
que
Ie
langage
comporterait un
potentiel
de capacité mentale
qui
stagnerait
à
10
Yo
arrivé
à l'état de maturité.
Qui
plus
est,
contrairement aux
prémisses
du mythe du
10o/o,l'apprentissage des langues chez les adultes, malgré des avantages
adaptatifs
évidents,
n'est
pas
lié au
génie
de
I'individu
polyglotte
dans des sphères autres
que
linguistiques, ni à des capacités cérébrales extraordinaires
dans les sports, les
mathématiques,
la musique ou d'autres domaines. L'explosion des talents au cours
134
d'un développement individuel
s'explique bien
par
les
processus
connus de
maturation et
d'apprentissage sans
qu'il
soit
nécessaire
de faire appel
à une réserve
inexploitée
du cerveau. Au
total, devant
les
preuves
d'une
constante utilisation
intégrale
du cerveau, I'encadré 1
présente
trois conséquences absurdes
auxquelles
on aboutirait si on considère
que
le
ceryeau actuel
pourrait
s'accroître
de 90 %.
Encadré 1. Trois
conséquences
absurdes
Si
I'on
suppose
que
la
masse moyenne du
cerveau
-disons
1,4 kg
pour
un individu d'environ 70 kg
-
représente
le 10
%
dont il est
question,
la masse
potentielle
(le
100
%)de
son cerveau
pourrait
atteindre approximativement
14
Kg. En
considérant une augmentation
nécessaire
des autres tissus
de la tête
(os,
muscles,
vaisseaux
sanguins, etc.), le résultat serait approximativement
un
individu
possédant
une tête de
près
de 20 kilos
pour
une
masse
corporelle totale
avoisinant les 85-90 kilos. À notre connaissance,
aucun cas tératologique
de ce
genre
n'a été rapporté.
On
peut
aussi
envisager le
problème
en termes nombre
de cellules
nerveuses. On estime
que
le
cerveau contient environ 100 milliards
de
neurones
auxquels
s'ajoutent
entre
10
et 50
fois
plus
de cellules de soutien
(gliales,
endothéliales, etc.). Comme les neurones ne
constituent
pas plus
de 10
7o de
I'ensemble
des cellules du cerveau, certains
ont
pu
avoir I'impression
que
90
%
du cerveau reste inutile.
Quoi
qu'il
en soit, I'accroissement
par
un facteur
10 du nombre
de
neurones
entraînerait une augmentation
concomitante
et,
pour
des raisons
physiques
et
physiologiques,
très certainement
supérieure, du
nombre de cellules
de soutien.
Les
chiffres auxquels on arrive
(mille
milliards de
neurones
s'ajoutant à
10-50
mille milliards de cellules
de soutien) rendent
impensable une
telle
augmentation,
sans
parler
qu'elle
rejoint
Ies
problèmes
de
masse
déjà évoqués.
Enfin,
les
neurones établissent
des connexions
entre eux
par
I'intermédiaire des synapses. De manière
générale,
un neurone ne
contacte
qu'un
nombre limité
d'autres
neurones, le
plus
souvent situés à de courtes
distances. Les
défenseurs du
mythe
du
10
%
estiment
peut-être
que
100
%
du
cerveau
représente
l'établissement
de connexions entre
tous
les
neurones ?
Toutefois,
on
peut
estimer
grossièrement que
si I'on
placait
100
milliards
de
neurones
sur une sphère et
qu'on
les mettait
en contact
grâce
à des axones
de
0,1 um de
rayon,
cette
sphère devrait avoir
plus
de 20 kilomètres
de diamètre
pour pouvoir
contenir toutes
les
connexions
(Nelson
&
Bower, 1990).
La surface
d'une telle sphère
serait supérieure à
1200
km'.
Par
comparaison, la surface
dépliée du cortex
cérébral
des deux hémisphères fait à
peu près
1,5
m2.
encore, l'énormité de tels chiffres, dont le calcul demeure
pourtant
conseryateur,
puisqu'ils
excluent les corps cellulaires et
les
cellules de soutien, montre
à
quel
point
le mythe du
10
% est
farfelu.
135
4.
Quelques
raisons
de
la
persistance
du mythe du 10
%
La
persistance
du
mythe
du 10 7o en
I'absence
de tout fondement
scientifique
ne manque
pas
de
surprendre.
Au moins trois raisons
expliquent
partiellement
son
succès: I'utilisation
du
nom
de scientifiques
célèbres, les filières du
«
NouvelÂge
»
et
de la
«
pop
»
psychologie,
et
les individus
affligés du
«
syndrome savant
»rn.
L'évocation du nom
de scientifiques célêbres
En faisant
appel à des
propos
tenus
parW.
James et A.
Einstein, le fondateur
de
l'église
de scientologie, L.R. Hubbard, affirme
sans ambages dans son ouvrage
de
1950, Dianetics : Modern
science of
mental health
(1988,
p.
Xlll)'o :
«
Les
processus
de
pensée
sont
perturbés
non seulement
par
ces
instructions
neurales
(«engrammiques»),
mais également
par
ceci
que
I'esprit réactif réduit,
en
régénérant
l'inconscience, la capacité
réelle
de
penser.
De ce fait,
peu
d'individus
disposent de
plus
de 10
%
de leur conscience
potentielle
».
En
dépit du démenti
apporté
par
les
travaux
scientifiques du XX" siècle,
grâce
notamment
aux nouvelles techniques
d'imagerie cérébrale,
l'église
de scientologie continue de
perpétuer
le
mythe du 10
%
pour
attirer de
nouveaux adeptes à
qui
elle vend à fort
prix
le faux
espoir de décupler
les
pouvoirs
de leur cerveau.
Les
filières
du
<<
Nouvet Âge
»
et de ta
«
pop
»
psychologie
Les
tenants du
paranormal
utilisent à
qui
mieux mieux le mythe
du
10
%
pour
expliquer les
pouvoirs
inexplorés de notre
psychisme".
Ainsi,
les
g0
%
restants
seraient une sorte de réserve inactive et inexploitée disponible
pour
le
développement
de toutes sortes de capacités comme la télépathie, la
clairvoyance
ou
la
télékinésie. Certains vont même
jusqu'à
affirmer, sans le
moindre appui
empirique,
que
si
les
scientifiques ne
savent
pas
à
quoi
sert
le
90
% du cerveau non
utilisé,
c'est
qu'il
doit servir aux
pouvoirs psychiques
(Radford,
1999). On oublie ici
que
même si
le
mythe du
1
0
"/o
étaitvrai, cela n'impliquerait
pas
rpso facfo
que
le 90
%
non utilisé relève
de
pouvoirs
paranormaux.
En
fait,
le mythe du 10
%
fait
partie
de
ce
que
Samuelson
(1994)
appelle un
«
psycho-fait
»,
c'est-à-dire une croyance
qui,
en dehors de tout support
empirique,
est considérée comme
vraie
à force
d'être
répétée. ll
suffit dès lors
de
répéter
ad
nauseam
«
comme tout
le monde le
sait
»
ou
«
comme on I'a
bien démontré, on
n'utilise
que
10
%
de notre cerveau
».
La
perpétuation
de
cette idée reçue
permet
alors aux
défenseurs du
paranormal
d'exploiter la
crédulité de certains individus
et de
maintenir leur
ascendant.
9. Winner
(1996)
suggère d'abandonner le terme
«
idiot savant
»
à
cause du caractère
cruel
et non scientifique du terme
«
idiot
».
10. Thought
processes
are disturbed
not
only
by these engramic commands
but also by the
fact that the reactive mind
reduces,
by regenerating unconsciousness, the actual ability
to
think.
Few
people
possess,
because of this, more than
10
% of
their
potential
awareness"
(Dianetics:
Modern science of mental health, 1988,
p.
Xlll).
11. Le secref
(Byrne,
2007),
qui
s'est vendu à
des
millions d'exemplaires, a
poussé
à son
maximum cette
idée
sans aucun
fondement.
136
Dans
la
foulée
de
I'occultisme
et des
pseudosciences véhiculés
par
le
mouvement
Nouvel
Âge,
on
peut
penser
que
le chiffre
10 a
quelque
pouvoir
attractif.
En
effet, selon
les
principes
de
la numérologie,
les chiffres
ont un
pouvoir
magique et
le chiffre
10 a, de
toute évidence,
une signification
particulière.
N'a-t-on
pas
dix doigts,
dix
orteils
? L'importance
accordée
aux
multiples
de dix
dans
l'évolution de
la société
est
patente:
pour qualifier
une
époque
donnée,
on
parle
des années
1920,
1930,
1940,
1950,
1960,
1970...
comme
si certains
comportements
étaient
typiques
desdites
années.
On a aussi
les dix commandements,
le
«
top 10
»
des
meilleures
chansons,
des
meilleurs
films,
des livres
les
plus
vendus,
des femmes
les mieux
habillées,
etc.
On a
de la
peine
à s'imaginerque
le mythe du
10
o/oâurait
une
telle
longévité
si on
avait au
point
de
départ
prétendu
que
les humains
n'utilisent
que
I %
ou
17
%
de
leur cerveau.
Pourtant,
cela aurait
pu
donner
I'impression d'une
mesure
exacte.
Les enfants
atteints
du
«
syndrome
savant
»
Quelques
cas
célèbres
d'<< autistes
savants
»,
popularisés
par
les médias,
particulièrement
au cinéma
et
à la télévision,
ont
pu
contribuer
au maintien
du mythe
du
10
o/o.
Onse
souviendra
par
exemple
de
la
performance
de Dustin
Hoffman
dans
le
rôle d'un autiste
dans
le
film
Rain Man.
Ces
autistes
savants,
déficients
intellectuels
pour
la
plupart,
ainsi
que
les
personnes
affligées
du
syndrome
d'Asperger,
présentent
des
aptitudes
exceptionnelles
et sont
capables
de
performances
éblouissantes
mais uniquement
dans
un
domaine
particulier
comme
le calcul
mental,
la musique,
le dessin
ou
les
capacités
mnémoniques.
Leurs
performances
exceptionnelles
n'ont cependant
rien à
voir avec
une utilisation
maximale
de
leur
intelligence.
ll
s'agit
même
plutôt
du
contraire.
Les
performances de ces autistes
savants
ne se
manifestent
en effet
que
«
dans
des domaines
régis
par
des
règles
strictes,
bien
définies
(réalisme
visuel,
piano
tonal,
calcul éclair
et
calcul calendaire)
» (Winner,
1996,
p.
155).
La
description
populaire
des
cas d'autistes
savants
rappelle
celle de
P. Gage ou
du
patient
de Lorber
en ce
qu'elle
simplifie
la réalité
des choses.
Le fait
qu'ils
soient
gravement
handicapés
dans
presque
tous
les domaines
hormis
leur domaine
de
prédilection
montre
clairement
que
leur
performance
n'a
rien à
voir avec
une
intelligence
qui
fonctionnerait
à
100 %
au
lieu de
10o/o,20%
ou
30 %.
Qui
plus
est,
les autistes
savants
ne
peuvent
exploiter
aucune
forme
d'intelligence
en
dehors de
leur talent
particulier.
Les autistes
savants
dessinent,
pour
la
plupart,
de
façon réaliste;
les
musiciens
savants
s'en
tiennent au
piano;
et
les mathématiciens
savants
ne
peuvent
que
calculer.
S'ils
avaient
un
Ql
global
normal,
ces autistes
savants seraient
peut-être
capables
de
dessiner
et
de
peindre
dans
une
grande
variété
de styles
et de
glisser
plus
de
significations
et
d'émotions
dans
leurs æuvres.
Les musiciens
savants
seraient
peut-être
capables
de
jouer
du
violon ou d'un
autre
instrument
qui
ne
présente
pas
de
correspondance
linéaire entre
la
position
spatiale
de
la note et
le son
produit.
Les calculateurs
savants
pourraient
peulêtre
expliquer
et démontrer
la
manière
dont
ils
parviennent
à tel
ou tel
résultat.
Bref,
le syndrome
«
autiste
savant
»
n'a rien à
voiravec
le
génie, ni
avec
I'utilisation
maximale
du cerveau.
ll
s'agit
plutôt
du
surdéveloppement
d'une
capacité
isolée
au détriment
des
autres
(Feldmeyer,2007).
137
Selon
Treffert
(2007),environ
un
dixième
des
autistes
déploient
des capacités
spéciales,
qu'elles
soient
«
éclatées
» (splinter skills)
ou
carrément
prodigieuses.
Environ
une
personne
sur
1
400 atteintes
d'incapacités
développementales
ou
de
retard
mental
montre
des
compétences
spéciales
de cet
ordre.
La
prévalence
de
telles
compétences
concerne
I'autisme
: environ
50 %
des
personnes
possédant un
syndrome
savant
sont
autistes
et 50 %
appartiennent
à
la catégorie
des
incapacités
développementales,
du
retard
mentalou
sont
atteintes
d'un
trouble ou
d'une
maladie
du
système
nerveux
central.
En somme,
le
syndrome
«
autiste
savant
»,
tout
spectaculaire
qu'il
soit,
est
une
tyrannie
mentale
que
le sujet
ne
peut
pas
fuir. Ce
n'est
pas
un
accomplissement
supérieur
de
l'intelligence,
mais
un dérèglement
de
celle-ci.
Les capacités
exceptionnelles
de
ces
individus
relèvent
d'une
fracture de
la structure
de
I'intelligence
et
non de
son
surdéveloppement.
Chance
(1989)
a d'ailleurs
déjà
évoqué
la servitude
et
la misère
morale
auxquelles
les
mémoires
phénoménales
assujettissent
ceux
qui
en
sont
affligés.
Conclusion
Dans
cet
article,
nous avons
cherché
à cerner
l'ampleur
de
la
croyance
au
mythe
du
10 %
et surtout
à montrer
que
les connaissances
actuelles
en
psychologie
et
en
neurobiologie
ne
soutiennent
en aucun
cas
I'idée
que
nous
n'utiliserions
que
10 %
de
notre
cerveau.
Rappelons
ici
que
les différentes
techniques
d'enregis-
trement
de
I'activité
cérébrale
(EEG,
lRM,
etc.)
montrent
que
notre cerveau
fonctionne
dans
son
intégralité,
que
tous
nos neurones
sont
bien
utilisés,
même
sice
n'est
pas
en
même
temps
heureusement:
car
plusieurs
neurones
ont des
fonctions
inhibitrices
aussi
essentielles
que
les fonctions
excitatrices.
Nous
pouvons
certes
toujours
apprendre
davantage
et
mieux
fonctionner
au
plan
cognitif,
mais
aucune
région
cérébrale
ne reste
stagnante;
chacune
contribue
au
fonctionnement
et à
I'adaptation
de
l'individu.
En
fait, la matière
cérébrale
inutilisée
s'éteint
d'elle-même,
d'où
la
maxime
américaine
use
if or looseif,
c'est-à-dire
«
utilisez
vos neurones
ou
vous les
perdrez ».
Les dix-neuf
citations
du
tableau
1 relatives
au
mythe
du
10
%
et
extraits
d'ouvrages
de
«
pop
»psychologie
ou
traitant
de thèmes
paranormaux,
montrent
à
quel
point
leurs
auteurs
contribuent,
consciemment
ou
pas,
à maintenir
l'idée
que
tout
est
possible.
lls se croient
dès
lors
justifiés
de
proposer
au commun
des
mortels
des
méthodes
pour
augmenter
leur
potentiel
mental,
dynamiser
leur cerveau
ou
tout
simplement
le
reprogrammer
et
même
le
rajeunir.
Autrement
dit,
nous
serions
plus
intelligents
si
nous
utilisions
notre
cerveau
à
sa
pleine
capacité.
Pour
sa
part,
I'industrie
pharmaceutique et
des
produits
dits
naturels
destinés
à améliorer
les
pedormances du
cerveau
en
général
ou
de
la
mémoire
en
particulier,
n'est
pas
en
reste,
mais
leur efficacité,
sauf
erreur,
n'aurait
pas
encore
été
démontrée.
Se
pose
enfin
Ia
question
éthique
des
impacts
négatifs
que
la croyance
au
mythe
du
10 %
peut
avoir
chez
des
individus
victimes
d'un
traumatisme
cranio-
cérébral,
particulièrement
lorsqu'il
y
a des
séquelles
neurophysiologiques
et
138
fonctionnelles
importantes.
Dans ce cas,
les
patients
convaincus
qu'ils
utilisaient
seulement
10
%
de leur cerveau
avant
I'accident
peuvent
croire
que
le 90
%
inutilisé
permettra
un
rétablissement
rapide.
Ils
seront
alors confrontés
à la
pénible
réalité
d'une longue
réadaptation,
la
lenteur de
leurs
progrès
risquant en outre de
miner la
relation de confiance
avec leur thérapeute".
En bref,
I'idée reçue du 10
%, défendue
sans
relâche
par
le
courant de
la
pensée
positive
et
par
les
tenants
de
la
parapsychologie,
se
présente
en réalité
comme
une allégorie du désir
universel des humains d'être
plus
talentueux,
plus
prospères
et
plus
puissants.
L'affirmation
qui
veutqu'on utilise
que
10
%
de
notre
cerveau
a
beau
être
vide
de sens,
elle
perdure
en
partie parce
«
quelle
a une
fausse
saveur
mathématique
qui
fait croire
que
nous
avons effectivement
mesuré
quelque
chose avec
soin
» (Barrette,
2000,
p.
303
-
304). On
pourrait
croire également
que
cette
idée reçue
«
persiste
parce qu'elle
nourrit I'espoir,
légitime
et
probablement
fondé,
que
nous
pouvons
nous améliorer
[...],
mais la voie
pour y
arriver ne
passe pas
par
les mythes
que
nous
prenons pour
des
vérités, mais
par
la
qualité
du
milieu
dans
lequel I'organe sensible
qu'est
le cerveau
humain,
particulièrement
celui d'un enfant,
non seulement se
remplit
d'informations,
mais se
forme
»
(p.
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Book
Developmental Neurobiology provides an up-to-date survey of the cellular events and the molecular contributors that contribute to the assembly of the vertebrate nervous system. The text will serve as a readily tractable source for advanced undergraduate neuroscience majors and beginning graduate students who will benefit from a single source to begin their study of a more detailed understanding of neural development. Each chapter is peppered with a sound mixture of historical context and descriptions from both the vertebrate and invertebrate literature that best illustrate specific aspects of development. The liberal use of simple diagrams and tables, which readily illustrate complex issues, is a welcome addition for instructor and student alike. While classic topics of neural development, including axial patterning, cell proliferation, migration, cell death and synapse formation are covered, of particular interest are subjects that oftentimes received superficial coverage in texts, including separate, detailed chapters on oligodendrocyte and astrocyte development, and developmental mechanisms that relate to the process of aging. Multi-authored texts are often tricky to assemble for consistency, but Developmental Neurobiology succeeds in providing a sound introduction to the most exciting questions that neuroscientists will address experimentally for years to come. Pat Levitt, Ph.D., Director, Vanderbilt Kennedy Center for Research on Human Development, Professor of Pharmacology, Vanderbilt University, Nashville, TN When the inaugural edition of Developmental Neurobiology appeared in 1970, it was the first attempt to comprehensively assess our understanding of neuronal development since the publication of S.R. Detwiler’s book Neuroembryology in 1936. Although progress had been made in the intervening 34 years, the author, Marcus Jacobson, was correct in noting that in 1970 "most aspects of neural ontogeny could be surveyed at a glance". In contrast, by the time the 3rd edition appeared in 1991, the size of the book had increased by 40% and the number of references cited went from around 2,000 to over 8,000. Since 1991, however, the field has grown at an even more rapid rate and has now reached a point that makes it virtually impossible for a single individual to comprehensively and authoritatively assess the entire gamut of neural ontogeny. Before his death in 2001, Jacobson together with the co-editor of the present edition, M. Rao, conceived the plan for a 4th edition that would be multiauthored with each chapter being written by experts in a sub-field. Although one of the joys of reading the previous three editions was the consistency of Jacobson’s inimitable prose style, in the present book there remains a smoothness and consistency of style that is unusual and refreshing in a multiauthored text. In 14 chapters that begins with neural induction and ends with developmental mechanisms of aging, virtually all of the major topics of neural development are discussed in a clear and coherent fashion and with the aid of ample illustrations. The inclusion of historical antecedents , past and present controversies, technical and conceptual advances together with a comprehensive discussion of each topic all add up to an excellent assessment of the field as it enters the 21st century. Although one misses the Jacobsonian idiosyncrasies of previous editions, the 4th edition is a fitting legacy of Marcus Jacobson’s four decades of empirical and pedagogical contributions to developmental neurobiology. Ronald W. Oppenheim, Ph.D., Neuroscience Program, Wake Forest University School of Medicine, Winston-Salem, NC
Article
Article
Vision is critical for the functional and structural maturation of connections in the mammalian visual system. Visual experience, however, is a subset of a more general requirement for neural activity in transforming immature circuits into the organized connections that subserve adult brain function. Early in development, internally generated spontaneous activity sculpts circuits on the basis of the brain's "best guess" at the initial configuration of connections necessary for function and survival. With maturation of the sense organs, the developing brain relies less on spontaneous activity and increasingly on sensory experience. The sequential combination of spontaneously generated and experience-dependent neural activity endows the brain with an ongoing ability to accommodate to dynamically changing inputs during development and throughout life.