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synthesis 2012
No 5
Vallée du Galeizon,
Cévennes, Gard
2
3
Les galopins (de Salzmann) et les enseignants-chercheurs de la cuvée ORPAL 2012
ORPAL - synthesis
Revue annuelle
de Paléoécologie
n°5 - Année 2012
Editeur en chef
Jean-Frédéric
T
ERRAL
1,3
Editeurs associés
Adam
A
LI
1,3
Giovanna
B
ATTIPAGLIA
1,4
Laurent
B
RÉMOND
1,4
Benoît
B
ROSSIER
1,5
Thomas
F
OURNIER
1
Vincent
G
IRARD
1,3
Serge
M
ULLER
2,3
France
O
RIS
1
1
CBAE,
2
ISEM,
3
UM2,
4
EPHE,
5
CNRS
Auteurs
Marine B
ASSOUL
, Jérôme
B
OURRET
, Mathilde
B
OYAVAL
,
Quentin
C
ARBOUE
, Delphine
C
ORNELLA
,
Aude C
OURGEON
,
Sofia
D
JEMAA
,
Cyril
M
AFFRE
,
Estelle M
INANA
, Amélie
M
ISTRAL
, Alice
M
URILLO
,
Marion P
ECOT
, Marjorie
P
EYRIC
, Anne-Hélène P
IERRE
,
Pauline
R
OCARPIN
,
Jérémy
S
ENGLAT
, Andréa T
HEIL
,
Thibaut V
ALLA
, Charlotte
V
ANDEN
B
ERGHE
Maquette
Serge
M
ULLER
Publication
1
e
trimestre 2013
Université Montpellier-2
ORPAL : Prospections cévenoles,
entre histoire et biodiversité
La vallée du Galeizon (Gard) a été le cadre de l’école de terrain
et des investigations de la cuvée 2012, menées tambour battant du 26
au 28 janvier 2012, grâce au soutien du Syndicat Mixte de la vallée
du Galeizon, du Parc National des Cévennes, de professionnels et de
passionnés de l’environnement de la région. Depuis les dernières
habitations du village de Cendras, le long des berges du Galeizon qui
hébergent une flore rare, en particulier des mousses et des fougères
qualifiées de patrimoniales, de part et d’autre de la faille de Soustelle
qui témoigne d’une histoire géologique tourmentée jusqu’aux
hauteurs du signal de la Lichère, contemplant nombre de vestiges
préhistoriques et du col d’Uglas abritant des peuplements de
l’endémique pin de Salzmann, étudiants, enseignants-chercheurs et
référents locaux se sont nourris de problématiques scientifiques et des
paysages cévenols structurés par l’emblématique châtaignier et que le
pin maritime vient inexorablement conquérir.
Les travaux dont la perfectibilité est intrinsèque à toute
construction d’ordre scientifique, s’efface devant le bilan de cette
école de terrain. La conduite d’ORPAL a su intégrer les multiples
facettes du processus de la recherche fondamentale sans en perdre de
vue la dimension humaine et tout en apportant une réelle plus-value
pédagogique.
Un grand merci à Stéphan Garnier (direction du Syndicat Mixte
du Galeizon), Yannick Louche (maire de Cendras), Christian Anton
(anthropologue, assistant de conservation du musée de Cendras),
Emeric Sulmont (garde-moniteur du Parc National des Cévennes et
éminent naturaliste), Jean-Louis Galéra (spéléologue), Florence
Choquet (chargée de mission Agenda 21) et Emilie Bres (assistante de
direction/technicienne Natura 2000) pour leur contribution dans la
réalisation de l’école de terrain.
Jean
-
Frédéric Terral
4
ORPAL : module d’enseignement-recherche
avec des vrais morceaux d’humain dedans
ORPAL en bref
ORPAL est une unité d’enseignement proposée en
3
ème
année de Licence Géosciences Biologie
Environnement (GBE), UFR Fac des Sciences,
Département d’enseignement Biologie-Ecologie,
Université Montpellier 2.
Contenu pédagogique
Sur la thématique de la reconstruction des
environnements passés, cette unité
d’enseignement (UE) est dévolue quasi-
exclusivement à la pratique et à l’expérimentation.
Toute la chaîne opératoire des recherches est
considérée : le questionnement, la problématique,
la recherche bibliographique, le terrain, le travail
en laboratoire, le traitement des résultats, leur
interprétation et la diffusion (écrite et orale) de
l’information scientifique.
Apport pour les étudiants
Cette unité d’enseignement est réellement
originale et novatrice. Elle répond du mieux
possible aux revendications des étudiants :
découvrir le monde secret de la recherche, se
former par la recherche à travers un stage
conventionné par un établissement de
l’enseignement supérieur, valider un acquis de
l’expérience, ajouter une ligne concrète dans leur
CV, découvrir la vie trépidante et tumultueuse
d’un laboratoire, etc.
Constitution de l’équipe
Les étudiants, répartis en trinômes, choisissent un
sujet sous la direction d’un enseignant-chercheur
ou d’un chercheur de l’équipe pédagogique. Ce
dernier sera leur référent chargé de suivre et
d’évaluer leur progression tout au long de leur
parcours.
Déroulement d’ORPAL
ORPAL 1/5 : Briefing méthodologique
La reconstruction des paléoenvironnements :
pourquoi et comment ? Présentation de l’UE, son
organisation, de ses objectifs pédagogiques, des
outils, des méthodes.
ORPAL 2/5 : Stage de terrain
Dans une zone bien circonscrite d’un point de vue
géographique et écologique, quelques exemples
de différentes approches utilisées : carottage
sédimentaire pour les milieux lacustres ou
palustres (pollen, rhizopodes, macrofossiles,
microcharbons) ; carottage dendrologique (étude
de la croissance et de la démographie des
peuplements d’arbres). Le volume de «terrain»
total est de 24 heures, réparties sur trois jours
consécutifs.
ORPAL 3/5 : Stage en laboratoire
Sous la responsabilité d’un encadrant, temps
d’analyse des données, de traitement statistique,
de réflexion et d’analyse bibliographique. Une
journée par semaine.
ORPAL 4/5 : Rédaction
Rédaction d’un mémoire synthétique relatif au
sujet développé sous la forme d’un article
scientifique. Présentation orale et intégration des
corrections faites par un rapporteur.
ORPAL 5/5 : Evaluation et publication
Evaluation des articles par le comité de
rédaction de la revue (note initiale réévaluée à
l’issue du processus de reviewing) et
publication des meilleures contributions
(critères portant à la fois sur le fond et sur la
forme).
NOTE : Les articles présentés dans cette revue, bien que corrigés par l’équipe pédagogique
du module, sont des travaux réalisés par des étudiants de 3
e
année. Ces exercices d’initiation à
la rédaction scientifique ne peuvent pas être considérés et cités comme de véritables articles.
ORPAL : n.m. 1. Acronyme d’ « Outils et méthodes de la Reconstruction
des PALéoenvironnements ». Unité d’enseignement de l’Université de
Montpellier-2, lancée en 2006-2007 ;
2. Revue annuelle de Paléoécologie du même nom.
5
ORPAL 2012
Vallée du Galeizon
Cévennes, Gard
Reconstitution partielle des paléoenvironnements de la vallée cévenole du Galeizon au travers
de relevés botaniques et géologiques .................................................................................................. 7
Analyse dendrochronologique comparée de trois espèces de pin de la station du col d’Uglas
(Cévennes, Gard) ...............................................................................................................................19
L’intérêt conservatoire des zones humides à travers l’étude de la flore cryptogamique de la
vallée du Galeizon (Cendras, Gard)...................................................................................................29
Caractérisation de la végétation pré-incendie par la pédoanthracologie ...........................................41
Assemblages des thécamoebiens des zones humides de la vallée du Galeizon.................................49
Etude anthracologique d'un Sondage de la Couverture sédimentaire du Tumulus du Signal de la
Lichère (Haute Vallée du Galeizon, Lozère, France) : Eléments de Comparaison entre Paysage
actuel et Végétation passée ...............................................................................................................63
1 manuscrit non retenu pour la publication
Cistus populifolius (Cistaceae), espèce rare des landes supra-méditerranéennes de Méditerranée occidentale
6
7
R
ECONSTITUTION PARTIELLE DES PALEOENVIRON-
NEMENTS DE LA VALLEE CEVENOLE DU GALEIZON AU
TRAVERS DE RELEVES BOTANIQUES ET GEOLOGIQUES
Mathilde Boyaval
1
, Alice Murillo
2
, Jérémy Senglat
3
, Charlotte Vanden Berghe
4
Centre de Bio-Archéologie et d’Ecologie
Institut de Botanique, 163 Rue Auguste Broussonet, 34090 Montpellier, France
1
mathilde.boyaval@etud.univ-montp2.fr,
2
alice.murillo@etud.univ-montp2.fr,
3
jeremy.senglat@etud.univ-montp2.fr,
4
charlotte.vanden-berghe@etud.univ-montp2.fr
Encadrement : Vincent Girard
Résumé : Dans le but de reconstituer les paléoenvironnements depuis le paléozoïque et de
comprendre la répartition actuelle de la végétation de la vallée du Galeizon, des relevés botaniques
et géologiques ont été effectués sur le terrain en différents points de la vallée. L’analyse au
laboratoire des échantillons prélevés a permis de retracer les grands événements géologiques et de
justifier les principaux types de sols (calcaire et micaschiste). Cette reconstitution partielle de
l’histoire de la vallée améliore notre compréhension du paysage actuel.
Mots clés : micaschiste, calcaire, fossiles, Carbonifère, Jurassique
Abstract : In order to reconstruct the palaeoenvironments since the Paleozoic era, and to understand the
modern distribution of the vegetation of the Galeizon valley, botanic and geologic surveys have been realized
at different sites of the valley. The laboratory analysis of the samples allowed to reconstruct the major
geologic events and to justify the main soil types (limestone and micaschist). Such a partial reconstruction of
the valley history improve our understanding of the present-day landscape.
Keywords : micaschist, limestone, fossils, Carboniferous, Jurassic
e Parc National des Cévennes est
reconnu pour la richesse de sa
biodiversité. Sa faune compte plus
de 2400 espèces, à la fois
représentatives d’un milieu méditerranéen,
continental et montagnard. Cette diversité
résulte d’une volonté humaine de préservation
des écosystèmes, de conservation de certaines
espèces menacées, mais également d’un
repeuplement spontané de la région. C’est le
cas par exemple du loup (Canis lupus),
naturellement de retour depuis la fin des
années 1990. On dénombre également
environ 2300 espèces végétales vasculaires
dont 24 endémiques, comme le ciste à feuilles
de peuplier (Cistus populifolius) ou la
gentiane de Coste (Gentiana clusii subsp.
costei). On retrouve également une grande
diversité au niveau de la flore non-vasculaire
(algues, champignons, mousses et lichens).
Cependant, la richesse végétale n’a pas encore
été totalement évaluée et de nombreuses
espèces restent à identifier dans la région.
Les Cévennes, déclarées ‘patrimoine mondial
de l’Unesco’ en 2011, n’ont pas toujours
bénéficié de statuts de protection comme
aujourd’hui. Elles ont notamment été
marquées par une activité minière importante.
L’exploitation principale a été celle du
charbon, mais on trouve aussi d’autres mines,
comme celles de cuivre. L’activité houillère a
débuté au 13
ème
siècle, de manière artisanale.
C’est seulement à partir du 19
ème
siècle, avec
la révolution industrielle, que se sont
L
8
implantées les principales exploitations
minières. La dernière mine de charbon a
fermé en 1985. D’un poids économique
certain pour la région, l’activité minière a
profondément modifié les écosystèmes des
Cévennes. La présence de mines a transformé
le paysage et le relief, ce qui a entraîné des
changements de la faune et de la flore. Par
exemple, afin de répondre à une demande
constante de bois, de nombreuses plantations
de pin maritime (Pinus pinaster) ont été
réalisées. Aujourd’hui, cette espèce est
considérée comme une espèce « invasive »,
qui se développe au détriment d’une partie de
la flore locale, dominée par le châtaignier
(Castanea sativa).
La vallée du Galeizon (Fig. 1) est située dans
la zone des Basses Cévennes, au nord-ouest
d’Alès. A l’instar du reste des Cévennes, cette
vallée présente une biodiversité remarquable
liée à la fois à une longue évolution de
plusieurs centaines de millions d’années et à
une volonté humaine de sauvegarde et de
valorisation de cet environnement particulier.
Sur la base de relevés à la fois géologiques et
botaniques, nous avons tenté ici de mettre en
relation les liens entre roches et types de
végétation. L’ensemble des données récoltées
a permis de reconstituer l’histoire géologique
de la vallée du Galeizon, afin de d’apporter un
éclairage historique pour comprendre sa
biodiversité actuelle.
M
ATERIEL ET
M
ETHODES
1- Zone d’étude
Le travail présenté a été réalisé dans la vallée
du Galeizon (Fig. 1), qui s’étend au nord-
ouest d’Alès (Gard, France) sur près de 8 800
hectares. Elle est délimitée au nord par la
vallée Longue et au sud par la vallée
Française. A cheval sur deux départements
(Gard et Lozère), la vallée du Galeizon est
une zone de basse à moyenne montagne avec
des altitudes variant entre 141 m et 924 m.
Figure 1 : Localisation géographique de la vallée cévenole du Galeizon et des prospections réalisées. La
ligne en pointillés indique le chemin suivi.
9
2- Travail de terrain et de laboratoire
Les données utilisées dans cette étude ont été
récoltées lors de la sortie de terrain effectuée
du 26 au 28 janvier 2012. Une vingtaine
d’arrêts ont été effectués afin de quadriller au
mieux le territoire de la vallée (Fig. 1). A
chaque arrêt, les coordonnés de localisation et
l’altitude ont été acquises grâce à un GPS
Trimble Juno SB. En parallèle, des relevés de
végétation, de roches et d’éventuels fossiles
ont été effectués. Le GPS a été utilisé à la
manière d’un carnet de terrain électronique.
Ceci a permis le rapatriement automatique de
l’ensemble des données géographiques
(localisation) et attributaires (relevés
botaniques et géologiques) afin de limiter le
temps de post-traitement. Les données GPS
ont été importées dans le logiciel de
cartographie ArcMap10 (ESRI France) afin de
réaliser la synthèse des données récoltées au
travers de cartes (Figs. 2 et 3).
Figure 2 : Relation entre végétation et nature des terrains géologiques de la vallée cévenole du Galeizon
Les relevés géologiques et botaniques ont
permis la réalisation d’un herbier
(identification des végétaux collectés et
séchage par mise sous presse) et d’une
collection de roches et fossiles (nettoyage,
identification, extraction/dégagement) au
Centre de Bio-Archéologie et d’Ecologie
(Montpellier). Une partie de la collection de
fossiles a été fournie par Christian Anton
(Ecomusée de la vallée du Galeizon,
Cendras). Les identifications des végétaux ont
été réalisées à l’aide de Jestin (1998) et Bayer
et al. (2009), et celles des fossiles à l’aide de
Galtier (1972), Walker & Ward (1994),
Magnan & Chaumeton (1999), Riou (1999),
Fisher (2000), Loyer & Roussel (2004) et
Garassino & Stoppato (2006).
R
ESULTATS
Les relevés botaniques et géologiques sont
présentés Table 1. Il s’agit d’un résumé des 23
arrêts effectués sur le terrain (Figs. 1, 2 et 3)
qui reprend les coordonnées GPS et l’altitude
de chaque site, l’ensemble des végétaux
10
récoltés, le type de roche (présent) et les
particularités éventuelles rencontrées.
Deux grands types de végétation ont été
identifiés. Le premier et le plus répandu
correspond à une végétation dominée par des
conifères (notamment le pin maritime) et,
dans une moindre mesure, le châtaignier.
Cette végétation se développe dans la partie
nord-ouest de la vallée. Le second type est
dominé par des angiospermes, principalement
les chênes (Quercus pubescens et Q. ilex) et le
buis (Buxus sempervirens). Cette végétation
se développe essentiellement dans les parties
est et sud de la vallée.
Figure 3 : Cadre géologique de la vallée cévenole de Galeizon
Le sous-sol de la vallée est majoritairement
constitué de micaschistes (roches métamor-
phiques présentes au nord-ouest de la vallée)
au sein desquels se trouvent, en plus faibles
quantités, d’autres roches métamorphiques
telles que des grès métamorphisés. Le sous-
sol des parties est et sud de la vallée est au
contraire constitué de calcaire (roche
sédimentaire biogène) contenant de nombreux
fossiles de bivalves (Grypheae, Pinna), de
céphalopodes (ammonites et bélemnites), de
gastéropodes, de corail, d’échinodermes
(crinoïdes et oursins) et de quelques figures
sédimentaires comme des traces de
bioturbations (terriers) ou des ripple-marks
(rides fossilisées). A noter que d’autres
fossiles ont été trouvés dans un type de roche
minoritaire de la vallée : des veines de
charbons insérées dans les micaschistes. Des
macrofossiles végétaux, parmi lesquels les
genres Annularia (Equisetales), Cordaites
(Gymnospermes), Neuropteris et Sphenop-
teris (Trachéophytes) ont été échantillonnés
dans la partie sud-est de la zone
d’affleurement des veines de charbon.
Les données botaniques et géologiques ont été
illustrées sur deux cartes (Figs. 2 et 3) qui
serviront de base à l’argumentation.
11
Table 1 : Récapitulatif des relevés botaniques et géologiques
Arrêt Coordonnées Végétation Type de roche Autres observations
1 44°13’12.10" N
03°55’59.07" E Chêne vert, châtaignier, bruyère, genêt, callune,
pin maritime, genévrier, chêne pubescent Micaschiste avec insertions de quartzite –
2 44°13’13.15" N
03°55’53.34" E Châtaignier, bruyère, pin maritime, Filicophyte,
genévrier, ronce, chêne pubescent Micaschiste avec insertions de quartzite –
3 44°13’15.05" N
03°55’48.41" E Genêt, Filicophyte, genévrier, chêne pubescent Micaschiste –
4 44°11’16.80" N
04°00’40.99" E Chêne vert, genêt à balai, bruyère, pin maritime,
ronce, Crassulaceae Micaschiste et conglomérat –
5 44°12’54.99" N
03°56’07.80" E Châtaignier, bouleau, pin maritime Micaschiste avec insertions de quartzite Tourmaline (Quartzite)
6 44°12’55.39" N
03°56’15.43" E Châtaignier, genêt à balai, hellébore, genévrier,
ronce des bois, lierre, lamier, Filicophyte Micaschiste avec insertions de quartzite –
7 44°12’24.39" N
03°58’10.00" E Chêne vert, pin maritime, bruyère, thym,
Filicophyte, arbousier, genévrier, plante grasse,
euphorbe rigide
Micaschiste avec insertions de quartzite –
8 44°11’01.25" N
03°59’21.46" E Genêt à balai, bruyère, châtaignier, pin maritime,
pin à crochets, lierre, ronce, lamier, Filicophyte,
Bryophyte, houx, plante grasse
Micaschiste avec insertions de quartzite Léger boudinage
9 44°11’16.80" N
04°00’40.99" E Bruyère arborescente, bruyère commune,
Bryophyte, euphorbe rigide, asperge, laurier tin,
plante grasse, thym, arbousier
Micaschiste et conglomérat –
10 44°11’12.49" N
04°00’53.63" E Fragon, chêne vert, bruyère, châtaignier, lierre,
Filicophyte, tamier, Bryophyte, chêne pubescent Calcaire gréseux et filon de quartz –
11 44°09’33.60" N
04°01’39.41" E Fragon, chêne vert, hellébore, Filicophyte,
genévrier, lierre Calcaire Bélemnites, crinoïdes, ammonites,
pinnes, gryphées
12 44°09’54.48" N
04°01’57.01" E Fragon, thym, hellébore, myrtille, genévrier, chêne Calcaire et conglomérat Bélemnites, crinoïdes, ammonites,
pinnes, gryphées
12
Arrêt Coordonnées Végétation Type de roche Autres observations
13 44°09’56.38" N
04°01’57.68" E Chêne vert, bruyère, euphorbe rigide,
salsepareille, hellébore Calcaire –
14 44°09’53.01" N
04°02’00.88" E Chêne vert, genévrier, salsepareille Grès –
15 44°11’07.56" N
04°00’56.47" E Pin maritime, pin, bruyère, genévrier, laurier, ronce
Calcaire –
16 44°11’09.91" N
04°00’53.69" E Bruyère, pin maritime, laurier, Filicophyte Calcaire karstifié –
18 44°09’18.68" N
04°00’15.86" E Bruyère, pin maritime, laurier, Filicophyte Micaschiste, conglomérat, charbon Traces de végétation
19 44°08’39.79" N
03°55’23.76" E Chêne vert, pin maritime, châtaignier, bruyère,
chêne pubescent, ronce Micaschiste avec insertions de quartzite –
20 44°08’42.66" N
03°57’18.08" E Buis, chêne vert, genêt, Bryophyte, thym,
genévrier, Crasulaceae Calcaire Lamellibranches (dont gryphées),
gastéropodes, corail isolé, oursin,
galeries/terriers
21 44°08’45.60" N
03°57’21.60"E Buis, chêne vert, genêt à balai Calcaire Lamellibranches (dont gryphées),
gastéropodes, corail isolé, oursin,
galeries/terriers
22 44°08’40.60" N
03°57’16.24" E Hellébore, euphorbe rigide, ronce, chêne pubescent
Calcaire –
23 44°08’55.67" N
03°59’23.37" E Buis Alternance de grès et de marne Rides
13
D
ISCUSSION
1- Répartition de la végétation
La répartition des différents types de
végétation au sein de la vallée du Galeizon
semble principalement contrôlée par le
substrat sur lequel elles se développent
(Fig. 2). En effet, on remarque que la
végétation dominée par les conifères et les
châtaigniers pousse essentiellement sur les
micaschistes, tandis que la végétation
dominée par les angiospermes se retrouve sur
les calcaires. Les produits d’altération des
roches déterminent la chimie du sol, sa
texture, sa porosité ou encore sa perméabilité
et influencent la végétation qui va s’y
développer. Le pH de la roche, par exemple,
affecte également la solubilité de nombreux
composés phosphatés et azotés, ainsi que des
oligo-éléments. Ceux-ci sont présents dans le
sol et sont nécessaires au développement des
plantes. Les micaschistes contiennent
majoritairement de la silice (Si) et, par
conséquent, les plantes calcifuges (comme le
pin maritime ou le châtaignier) reflètent
l’acidité de ces terrains. A l’inverse, les
terrains calcaires contiennent du calcium
(Ca), élément basique. Sur ce substrat, pousse
une végétation calcicole (Egal & Nehlig,
2010).
La nature du terrain géologique a une
influence majeure sur la répartition de la
végétation. Les sites étudiés sur sol calcaire
sont dominés par des angiospermes comme
les chênes (Quercus pubescens et Q. ilex), le
buis Buxus sempervirens) et le fragon épineux
(Ruscus aculeatus). Ces espèces tolèrent des
taux importants de calcium, et une forte
sécheresse édaphique. En revanche, les zones
siliceuses sont couvertes de conifères comme
le pin maritime (Pinus pinaster), associé à des
angiospermes comme les bruyères (Erica spp.
et Calluna vulgaris) ou le bouleau (Betula
pendula).
2- Histoire géologique de la vallée du
Galeizon
Les relevés géologiques (Fig. 3, Tab. 1) per-
mettent de reconstruire l’histoire de la vallée
du Galeizon sur plusieurs centaines de
millions d’années. Les dépôts sédimentaires
révèlent la morphologie de la région à
différentes époques.
Les prospections sur les terrains sédimentaires
houillers ont révélé une flore d’âge Carboni-
fère comprenant des restes d’Annularia, de
Cordaites, de Sphenopteris et de Neuropteris.
Ces végétaux vivaient sous un climat chaud et
humide, à tendance tropicale et témoignent
d’un environnement marécageux situé au pied
d’une chaîne de montagne (Taylor et al.,
2009). Cette dernière devait être la chaîne
hercynienne, dont la formation remonte au
Carbonifère (Bernard, 2009). La présence de
cette chaîne dans la vallée du Galeizon est
attestée par les roches métamorphiques
(micaschistes et grès métamorphisés) qui
représentent l’évolution métamorphique de
roches sédimentaires marines (argiles pour le
micaschiste et sables pour le grès
métamorphisé). L’âge de la formation de ces
roches sédimentaires n’est pas connu
précisément, mais elles datent probablement
du Paléozoïque inférieur (Bernard, 2009).
Les prospections sur les terrains calcaires ont
révélé différents organismes fossiles datés du
Jurassique : des crinoïdes, des céphalopodes,
des lamellibranches (comme les Gryphées),
des échinodermes et des cnidaires. Ces
fossiles témoignent de l’existence d’une mer
chaude peu profonde, ce que confirme la
présence de rides de sable (ripple-marks). La
présence de terriers indique que le fond marin
était relativement meuble, ce qui est aussi
attesté par des fossiles de Pinna (bivalve
fouisseur).
L’histoire géologique présentée ci-dessous est
reconstituée d’après nos observations, et
étayée par la littérature (notamment Bousquet,
2006).
La vallée du Galeizon au Précambrien-
Paléozoïque inférieur
Au Paléozoïque inférieur, des dépôts marins,
essentiellement des boues calcaires et des
sables, se sont déposés au niveau de la vallée
du Galeizon, formant le fond d’une mer de
profondeur inconnue. L’âge précis de cette
14
mer reste inconnu.
La vallée du Galeizon au Carbonifère
Au Carbonifère, la chaîne hercynienne est
formée, ce qu’atteste la présence de
micaschistes et de grès métamorphisés issus
de la transformation des dépôts marins
précédemment décrits. L’orogenèse de la
chaîne a été accompagnée de volcanisme,
comme l’indique la présence de filons de
quartzite recoupant les schistes (Tab. 1). La
tourmaline, en inclusion dans le quartzite, est
un minéral commun des roches magmatiques,
et est donc par conséquent la preuve de
ce magmatisme régional. A cette période, les
monts Aigoual et Lozère se sont formés, avec
le creusement de bassins d’effondrement
comme celui d’Alès. En effet, on retrouve des
plissements dans les micaschistes qui attestent
l’existence de mouvements de compression.
A plusieurs reprises, la végétation arbores-
cente au pied de la chaîne hercynienne a été
détruite et rapidement enfouie. La fermen-
tation des végétaux et leur tassement les ont
transformés en houille, donnant les veines de
charbons échantillonnées sur le terrain. Les
bassins d’effondrement étaient alors
constitués de marécages et de lacs sous un
climat chaud et humide de type tropical
permettant la formation de charbon et la
fossilisation des végétaux trouvés.
La vallée du Galeizon au Mésozoïque
Au Permien, la chaîne hercynienne est érodée
ce que prouvent les roches détritiques de type
conglomérat que l’on retrouve à la base des
séries sédimentaires de la vallée du Galeizon
(Tab. 1). Cette érosion transforme le paysage
de montagne en pénéplaine. Les roches
métamorphiques et granitiques ont alors été
mises à jour, ce qui a permis à la mer de
recouvrir la région. Cette transgression du
Trias est marquée à la fois par le conglomérat,
mais aussi par des ripple-marks visibles
aujourd’hui dans une alternance de grés et de
marne au sud de la vallée du Galeizon.
Au Jurassique, une mer chaude et peu
profonde était permanente sur la vallée. En
témoignent les dépôts de marnes puis de
calcaires atteignant par endroits 650 à 1500 m
d’épaisseur (Michel, 2009). Ces couches
sédimentaires forment aujourd’hui le paysage
des Causses. L’existence d’une telle épaisseur
de dépôts dans une mer relativement peu
profonde n’est possible que si les fonds
marins s’enfonçaient progressivement avec le
temps par subsidence.
Au Crétacé, l’émersion de l’Isthme Durancien
(Séranne et al., 2002), suite à une phase de
mouvements de compression due à
l’orogénèse pyrénéo-provençale, a engendré
le retrait de la mer. Cette régression marine
est attestée par l’absence de dépôts marins
postérieurs aux dépôts jurassiques dans la
vallée du Galeizon.
La vallée du Galeizon au Cénozoïque
Le Cénozoïque reste la période la moins
connue de l’histoire géologique de la vallée.
Néanmoins, c’est à cette période que la faille
de Villefort a joué un rôle important dans la
mise en place des sous-sols observés
aujourd’hui dans la partie est de la vallée.
Cette faille a une direction nord-ouest / sud-
est et s’étend sur une centaine de kilomètres
(Figs. 2 et 3). Dans la vallée du Galeizon, elle
recoupe les terrains calcaires du Jurassique (à
l’est) et les terrains schisteux paléozoïques (à
l’ouest). Elle est donc postérieure à ces
dépôts. Il s’agit d’un décrochement sénestre
qui a été actif durant différentes phases et
daterait du Carbonifère inférieur (Moyen &
Villaros, 2011). Elle a surtout été active au
Cénozoïque où elle a remonté vers le nord
(plusieurs dizaines de kilomètres) les terrains
jurassiques de l’est de la vallée du Galeizon.
Le rejeu de la faille de Villefort est sans doute
dû à la surrection des Pyrénées et des Alpes
qui, à la même époque, est responsable de la
seconde formation des monts Lozère et
Aigoual et du soulèvement des Cévennes.
Au Pléistocène, les Cévennes sont marquées
par différentes glaciations, comme semble en
témoigner la topographie actuelle de la chaîne
et de la vallée du Galeizon. Des glaciers (en
périodes glaciaires) ont modelé les vallées en
forme de “U” ou “en auge”, caractéristiques
du passage des langues glaciaires. L’érosion
pléistocène a aussi décapé les terrains
calcaires au-dessus des schistes pour n’en
garder que des lambeaux témoins. Ils ont
contribué à creuser les réseaux karstiques
15
(sans doute dès le Mésozoïque) visibles dans
la partie est de la vallée (Tab. 1) Ces derniers
épisodes d’érosion ont enfin attaqué les
schistes et y ont façonné des centaines de
vallons et crêtes.
C
ONCLUSION
Le paysage actuel de la Vallée du Galeizon
résulte d’une histoire géologique longue de
plusieurs centaines de millions d’années.
Plusieurs épisodes de transgression/
régression marine, et différents événements
tectoniques ont modelé le sous-sol de la vallée
et ont ainsi contrôlé la distribution des
différentes roches observées dans cette étude
(micaschistes au nord ouest, calcaires à l’est
et au sud). Cette longue histoire impacte
grandement le paysage actuel en contrôlant la
distribution des végétations qui se
développent actuellement dans la vallée : les
chênaies se trouvent sur les calcaires, alors
que les pinèdes et les châtaigneraies occupent
les micaschistes.
La prise en compte de cette histoire
géologique pourrait permettre d’améliorer la
gestion environnementale de la vallée du
Galeizon actuelle.
R
EFERENCES
Bayer E., Buttler K.P., Finkenzeller X. &
Grau J. (2009). Guide de la flore
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distribution et particularités de 536 espèces.
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16
A
NNEXES
Annexe 1 : Corrélation entre la végétation et les grands types de sol dans la vallée du Galeizon, mai 2012
Annexe 1.1 : Affleurement de micaschistes
Annexe 1.2 : Végétation caractéristique des micaschistes
17
Annexe 1.3 : Affleurement de calcaires
Annexe 1.4 : Végétation caractéristique des calcaires
18
Annexe 2 : Fossiles collectés dans la vallée du Galeizon (Cévennes). Barre d’échelle = 2 cm
19
A
NALYSE DENDROCHRONOLOGIQUE COMPAREE DE TROIS
ESPECES DE PIN DE LA STATION DU COL D’UGLAS
(CEVENNES, GARD)
Jérôme Bourret
1
, Quentin Carboue
2
, Cyril Maffre
3
Centre de Bio-Archéologie et d’Ecologie
Institut de Botanique, 163 Rue Auguste Broussonet, 34090 Montpellier, France
1
jerome.bourret@etud.univ-montp2.fr,
2
cyril.maffre@etud.univ-montp2.fr,
3
quentin.carboue@etud.univ-montp2.fr
Encadrement : Giovanna Battipaglia
Résumé : Pinus nigra subsp. salzmannii, aujourd’hui en régression, constitue, avec P. sylvestris,
une part non négligeable des boisements cévenols. Ils sont associés à P. pinaster, introduit à partir
de la révolution industrielle. Cette espèce s’est avérée invasive et tend à coloniser les zones
forestières ouvertes, notamment consécutivement à des incendies. L’étude dendrométrique
présentée vise à mieux comprendre les dynamiques de ces trois populations. La croissance
comparée des trois espèces révèle que le pin de Salzmann est une espèce très vulnérable au feu,
tandis que le pin sylvestre semble être plus résistant. Le pin maritime utilise les incendies comme
moyen de dispersion des graines et de colonisation du milieu, ce qui lui donne un avantage
considérable dans une région sujette à des feux fréquents.
Mots clés : dendrochronologie, dynamique écologique, pin de Salzmann, pin sylvestre, pin
maritime
Abstract : Pinus nigra subsp. salzmannii constitutes with P. sylvestris most of the Cevennes woodlands.
They are associated with P. pinaster, a species introduced since the industrial revolution. This species
became invasive and colonizes open woodlands, especially after fires. The present dendrometrical study aims
to better understand the dynamics of these three populations. The compared growth patterns reveal that
Salzmann pine is highly sensitive to fire, while scot pine seems to be more resistant. Maritime pine uses fires
for disseminating its seeds and colonizing new zones, which gives to it a strong advantage in a region
submitted to frequent fires.
Keywords : dendrochronology, ecological dynamic, Salzmann pine, mountain pine, maritime pine
es Cévennes constituent une
chaîne montagneuse située dans le
massif central. Elles englobent
principalement les départements
du Gard et de la Lozère, et dans
une moindre mesure ceux de l’Ardèche et de
l’Hérault. Il s’agit d’une zone aux reliefs
importants, aux roches généralement
siliceuses et perméables à l’eau (Bauliq,
1957). Ces montagnes sont également
soumises à un climat méditerranéen très
marqué. Ce dernier est notamment caractérisé
par une longue période estivale à la fois
chaude et sèche avec des pluies rares
(Rameau et al., 2008). L’hiver est souvent
froid, ce qui entraîne de nombreuses gelées
(Estienne, 1957). Une autre caractéristique du
climat cévenol est la concentration des pluies
en quelques jours, généralement en automne.
Les précipitations annuelles sont couramment
supérieures à 1500 mm (Martin, 2006). Les
Cévennes furent marquées par de nombreuses
L
20
activités anthropiques, notamment lors de la
révolution industrielle qui conduisit au
développement et à l’exploitation de mines de
charbons ou de complexes industriels
(Anduse, 1984 ; Rivelaine, 2005). L’impact
de l’Homme peut ainsi se mesurer au niveau
des peuplements d’arbres. Par exemple, le
châtaignier, arbre symbole des Cévennes
siliceuses, aurait été introduit par les Romains
durant l’Antiquité dans le but de nourrir les
populations environnantes (Arnas, 1991). Les
Cévennes présentent néanmoins une faune et
une flore qui leur sont propres, composées de
nombreuses espèces endémiques.
Le pin de Salzmann (Pinus nigra subsp.
salzmannii), est aujourd’hui considéré comme
l’un des arbres les plus rares de France. Cette
sous-espèce fut mentionnée en 1810 à Saint-
Guilhem-le-Désert, puis décrite par Dunal
(1851). L’analyse de données fossiles a
montré que son aire de répartition était
auparavant beaucoup plus vaste qu’elle ne
l’est actuellement : elle était en particulier
plus abondante en Espagne orientale et sur le
versant méridional pyrénéen. Les différents
épisodes climatiques du Quaternaire l’au-
raient acculée sur de petites zones géogra-
phiques, à niche écologique précise, où elle
constitue des peuplements isolés (Vernet et
al., 2005). Au début de l’Holocène, les Pins
de Salzmann et les chênes verts étaient
dominants, mais l’activité humaine a privilé-
gié le développement des chênaies pour le
bois, ce qui a entraîné la régression et la
fragmentation des formations de pins (Ali et
al., 2008). Au cours des deux derniers siècles,
d’importants travaux de reboisement s’inscri-
vant dans le cadre de la loi de Restauration
des Terrains en Montagne (R.T.M.) ont été
entrepris et c’est ainsi que diverses espèces
exogènes, telles que le pin noir d’Autriche
(Pinus nigra subsp. nigra) et le pin laricio de
Corse (Pinus nigra subsp. laricio), ont été
utilisées à proximité voire parfois à l’intérieur
des massifs relictuels des pins de Salzmann
(Fady et al., 2010). Une autre espèce a
également été introduite dans les boisements :
il s’agit du pin maritime (Pinus pinaster) dont
l’implantation s’est faite sous l’impulsion des
compagnies houillères qui recherchaient un
approvisionnement en bois proche des mines.
Il s’avère que ce pin est une espèce invasive
dont l’expansion rapide a grandement modifié
le paysage des Basses Cévennes (Debazac,
1963). Actuellement, les trois facteurs qui
menacent le pin de Salzmann sont les
incendies, la pollution génétique (en
l’occurrence, l’hybridation avec les autres
sous-espèces de P. nigra introduites) et
l’isolement couplé à la petite taille de
certaines populations (Cambon, 2011).
La dendrochronologie et son application
dendroclimatologique sont les disciplines
couramment utilisées lorsqu’il s’agit d’étudier
des populations d’arbres longévives. Cette
discipline, initialement pensée par Leonardo
da Vinci au XVI
ème
siècle (Eckstein, 2004), a
été développée puis institutionnalisée par
Douglass au XX
ème
siècle (Douglass, 1941).
À l’aide des cernes de croissance qui
marquent la vie d’un individu, il est possible
d’observer l’influence de paramètres
écologiques sur la biologie de l’arbre (par
exemple, l’influence des variations
climatiques sur la croissance radiale d’un
arbre). De ce fait, il est possible de
reconstituer les événements majeurs qui ont
marqué la vie d’un arbre, parmi lesquels des
événements paléoclimatiques. Cette étude a
pour objectif de déterminer les patrons de
croissance radiale de trois espèces de pin à
partir de leurs réponses aux événements
climatiques. De plus cette étude s’intéresse au
fonctionnement des facteurs pouvant impacter
le développement d’une population de pins de
Salzmann. Pour cela, des prélèvements
dendrologiques ont été effectués dans la
vallée du Galeizon lors d’un stage pratique du
26 au 28 janvier 2012.
M
ATERIEL ET METHODES
1- Site d’étude
Le bassin versant du Galeizon, d’orientation
nord-ouest/sud-est, constitue une entité
d’environ 8 800 hectares. Cette vallée est
située au nord-ouest de la ville d’Alès, au sein
des Basses Cévennes très fortement
colonisées par des pins maritimes. Elle est
délimitée au nord par la Vallée Longue et au
sud par la Vallée Française. Elle se compose
21
de 5 communes (Cendras, Soustelle, Saint
Paul La Coste, Lamelouze et St Martin de
Boubaux) réparties sur 2 départements (Gard
et Lozère). Située dans la partie gardoise
schisteuse de la vallée du Galeizon, sur la
partie occidentale du col d’Uglas (lat.
44°08’37.00"N, long. 03°55’16.24"E, alt. 550
m), la zone d’étude est une parcelle plane
d’environ 150 m
2
surplombant la vallée du
Gardon de St Jean-du-Gard. Cette zone est
caractérisée par la présence d’une population
de pins de Salzmann (Pinus nigra subsp.
salzmannii) et est ceinturée par une forêt
densément peuplée en pins maritimes (Pinus
pinaster) et sylvestres (Pinus sylvestris).
L’extérieur de cette ceinture est bordé par un
taillis de châtaigniers, vestige d’une zone
agricole aujourd’hui à l’abandon. La zone
d’étude est ouverte: les individus de pin de
Salzmann sont espacés et permettent le
développement d’individus arbustifs de chêne
vert (Quercus ilex) et de cistes à feuilles de
peuplier (Cistus populifolius).
2- Matériel biologique
Le matériel biologique de l’étude est composé
de trois espèces de pins:
Le pin de Salzmann (Pinus nigra subsp.
salzmannii, Pinaceae). Cet arbre à feuillage
persistant est une sous-espèce de pin noir qui
se rencontre sur dolomie et sur silice
(Collectif, 1998). Son tronc est droit ou un
peu flexueux, ses rameaux sont d’un orangé
brunâtre dont la base est souvent dénudée et
portent des aiguilles d’une couleur vert clair,
non piquantes et souples (Debazak, 1963).
Le pin maritime (Pinus pinaster, Pinaceae).
Ce conifère à cime irrégulière pousse
uniquement sur sol siliceux (il s’agit d’une
espèce silicicole ou calcifuge). C’est une
espèce pyrophile qui possède une très grande
capacité de régénération de ses peuplements
après passage d’un incendie (Rigolot &
Fernandes, 2005). Outre une bonne résistance
liée à la mise en place précoce d’un
rhytidome épais qui protège le cambium chez
les populations soumises à des incendies
fréquents (Ryan, 1998), il a été constaté une
apparition précoce des organes reproducteurs
(« floraison » dès 4 ans contre 8 ans pour les
individus peu soumis aux feux) et l’existence
de cônes sérotineux (dissémination des
graines favorisée par les hautes températures
liées au feu) (Tapias et al., 2004).
Le pin sylvestre (Pinus sylvestris, Pinaceae).
Cet arbre posséde des cimes coniques peu
denses et se reconnaît notamment à l’écorce
de son tronc et à ses apex de branches
orangés. Il s’agit d’une espèce calcifuge
installée de manière naturelle dans la région
cévenole (Médail, 2001). Le pin sylvestre,
présent en France dans les zones
montagneuses, est abondant dans les pays
nordiques (Lebreton et al., 1990). Il possède
une bonne résistance à la sécheresse, ainsi que
des caractéristiques pyrophiles, notamment la
présence de cônes très sérotineux. Il est
toutefois moins compétitif que le pin
maritime dans la régénération des zones
ouvertes par les incendies.
3- Travail de terrain
La station d’étude a été exploitée durant trois
jours. 15 pins de Salzmann, 5 pins sylvestres
et 5 pins maritimes ont été sélectionnés de
manière aléatoire dans la zone d’étude. Tous
ces arbres ont été carottés, mesurés et
numérotés. Pour réaliser les carottages, nous
nous sommes servis d’un carottier métallique
ou sonde de Pressler ayant une taille relative à
l’arbre sélectionné pour l’échantillonnage. A
l’aide de la sonde, deux carottes ont été
prélevées à 1.30 m de hauteur. Tout
prélèvement doit être effectué en restant
perpendiculaire à l’axe de l’arbre de manière
à éviter un maximum les frottements qui
risqueraient de coincer la sonde. Ces deux
carottes sont choisies sur différents côtés de
l’arbre afin d’atténuer les biais dus aux
irrégularités de largeurs de cernes autour du
tronc. Ces irrégularités peuvent être induites
par de multiples facteurs (climats, stress,...)
dont la présence et/ou l’intensité n’a pas été
homogène sur tout le tronc. Par la suite, les
carottes sont placées sur du carton ondulé, où
elles sont scotchées et annotées. La mesure
d’autres caractéristiques, telles que la hauteur
des arbres (mesurée à l’aide d’un
hypsomètre), leur diamètre ou la distance
entre deux arbres (mesurés à l’aide d’un
22
décamètre) est nécessaire pour compléter la
caractérisation du milieu. Certaines
particularités édaphiques et géomorpholo-
giques comme la composition végétale ou le
dénivelé peuvent être relevées dans le but de
parfaire l’interprétation des données acquises.
4- Travail de laboratoire
Le travail en laboratoire a d’abord consisté à
poncer les carottes échantillonnées, de
manière à rendre les cernes parfaitement
visibles, et donc mesurables précisément. La
mesure de la largeur des cernes se fait alors à
l’aide d’un scanner ou sur une station de
mesure de cernes. La carotte est placée à plat
sous une loupe binoculaire disposant d’un
viseur ; elle peut alors être déplacée
latéralement grâce à un mécanisme.
Lorsqu’une qu’un cerne passe sous la mire,
un départ de mesure est enclenché
manuellement. Il s’arrêtera au prochain
pointage de cerne qui redémarrera alors une
nouvelle mesure. L’ensemble de ces données
sont ensuite lues et mises en formes par des
programmes tels que Tsapwin ou Cdendro de
manière à obtenir une base de donnée claire.
A l’aide du logiciel TSAPWIN, il est
également possible d’interdater les
échantillons des différentes espèces de pin
étudiées (Cook & Kairiūkštis, 1990). Pour
cela, il est nécessaire de faire une moyenne de
tous les échantillons d’une espèce, puis de
comparer sa courbe de mesure à celles des
échantillons qui la composent. Des
corrections sur les courbes des échantillons
pourront alors être faites pour réviser les
valeurs aberrantes ainsi que les oublis de
cernes éventuels lors du comptage. Des
graphiques représentant la croissance de
l’arbre en fonction des années sont obtenus
via Tsapwin. Ces graphiques donnent une
tendance qui permet de relever entre autres
des années caractéristiques. Le logiciel
COFECHA permet de calculer le taux de
corrélation entre les différents échantillons
selon une souche de référence. Ce taux de
corrélation correspond à un coefficient allant
de 0 à 1 ; pour cette étude, nous considérons
qu’a partir d’une valeur de 0,5 deux
échantillons ont une bonne corrélation.
Les données sont ensuite traitées à l’aide des
outils statistiques suivants :
-Test F de Fisher (avec un risque α = 5%): ce
test a été utilisé sur le jeu de données
concernant la croissance des pins au fil des
années, pour vérifier l’homoscédasticité des
valeurs obtenues.
-Test t de Welch (unilatéral avec risque α =
5%): il s’agit d’un test t de Student permettant
de comparer deux variables dont les variances
sont significativement différentes.
-Test de corrélation de Pearson : ce test a pour
but de tester une corrélation entre la
croissance radiale des pins et les conditions
climatiques (températures et précipitations).
-Test de covariance de Pearson : l’objectif de
ce test est de calculer la covariance résultant
du test de corrélation de Pearson afin
d’évaluer le sens de variation de deux
variables (croissance et facteur climatique) et,
ainsi, de qualifier l’indépendance de ces
variables.
R
ESULTATS
La mesure des cernes annuels permet de
calculer la vitesse de croissance individuelle,
et donc la vitesse de croissance annuelle
moyenne des trois espèces de pin et leurs
écarts-type associés. Celles-ci sont de 85,66
mm.an
-1
(écart-type : 43,72 mm.an
-1
) pour les
pins de Salzmann, de 87,99 mm.an
-1
(écart-
type : 51,48 mm.an
-1
) pour les pins sylvestres
et de 433,85 mm.an
-1
(écart-type : 101,37
mm.an
-1
) pour les pins maritimes (Fig. 1).
Toutefois, l’âge des individus de ces trois
espèces n’est pas identique. Ainsi, la
chronologie des échantillons de pins
maritimes ne démarre qu’en 1977 alors que
celle des échantillons de pins de Salzmann
démarre en 1826. La chronologie des pins
sylvestres est la plus ancienne : l’individu le
plus âgé date de 1819. Il est important
d’insister sur le fait que le prélèvement a été
effectué à 1.30 m de hauteur. Par conséquent,
la chronologie qui en découle ne caractérise
pas l’âge exact de l’arbre (pour cela, il aurait
fallu prélever à la base des individus), mais
seulement une approximation de cet âge.
Les vitesses moyennes de la croissance
23
radiale annuelle sont une nouvelle fois testées,
mais cette fois-ci sur une période commune
aux trois espèces : il s’agit de la période
décrite par la chronologie du pin maritime,
allant de 1977 à 2011 (Fig. 2). Les nouvelles
valeurs de moyenne et d’écart-type sont de
81,73 mm.an
-1
avec un écart-type de 65,15
mm.an
-1
pour les pins sylvestres, et de 45,85
mm.an
-1
avec un écart-type de 17,56 mm.an
-1
pour les pins de Salzmann. Ces valeurs restent
inchangées pour le pin maritime. Les
variances de celles-ci sont comparées au
moyen d’un test F de Fisher qui montre que
les vitesses moyennes de la croissance radiale
annuelle de chacune des espèces sont
significativement différentes (H0 non rejetée
avec un risque α = 5%). Consécutivement à
cela, un test t de Welch est employé pour
comparer les moyennes des trois échantillons
avec pour résultat une différence significative
de ces dernières entre elles (H1 acceptée avec
un risque α = 5%).
Figure 1. Vitesses moyennes de croissance radiale annuelle des 3 populations de pin
Figure 2. Vitesses moyennes de croissance radiale annuelle des 3 populations de pin de 1977 à 2011
24
La croissance des pins a été mise en relation
avec la température annuelle moyenne
obtenue à partir des pluviométries (cumul des
précipitations) de la région à l’aide du test de
covariance de Pearson, appuyé par le calcul
des coefficients de corrélation. Les données
météorologiques ont été obtenues grâce aux
relevés de trois stations Météo-France situées
à proximité de notre zone d’étude : La Grande
Combe, Rians et St Jean du Gard
(www.meteofrance.com).
1- Température
La croissance des pins de Salzmann montre
une corrélation négative pour chaque mois de
l’année. La covariance de cette espèce est
positive durant les mois de Mars, Mai, Juillet
et Août et est négative le reste du temps.
La croissance annuelle des pins maritimes est
positivement corrélée avec les températures
des mois de Janvier à Septembre. Avec les
températures d’Octobre à Décembre, la
corrélation devient négative. Le test de
Pearson décrit néanmoins chez cette espèce
une covariance proche de zéro de façon
régulière tout au long de l’année.
Enfin, la croissance des pins sylvestres
possède une valeur de corrélation positive
avec la température durant chaque mois de
l’année, à l’exception des mois de Novembre
et Décembre. La covariance, quant à elle, est
largement négative toute l’année, avec des
valeurs extrêmes pour les mois de Juillet et
Août (Fig.3).
Figure 3. Taux de corrélation et covariance entre la croissance radiale annuelle
des 3 populations de pin et les températures moyennes annuelles
2- Cumul de précipitation (mm)
De la même manière que pour les
températures, les mesures de pluviométrie
mensuelles ont été mises en relation avec
l’accroissement annuel des trois espèces
végétales.
Les corrélations entre croissance des pins de
Salzmann et précipitations se montrent
positives pour les mois de Mars, Juin, Août,
Octobre, Novembre et Décembre, mais sont
négatives durant les mois de Mars, Juin, Août
et Septembre. Les corrélations de Septembre à
Décembre présentent des valeurs très proches
de zéro. Les valeurs de covariance entre
croissance des pins de Salzmann et cumul des
précipitations sont peu élevées et restent très
proche de zéro.
La croissance des pins maritimes est corrélée
de manière positive avec les précipitations des
mois de Janvier, Avril, Mai, Juin, Août et
Septembre. La corrélation devient négative le
reste de l’année. Les valeurs de covariance
25
stagnent néanmoins aux alentours de la valeur
de zéro pour cette espèce.
Enfin, les pins sylvestres présentent une
croissance corrélée positivement avec le
cumul des précipitations durant les mois de
Janvier et Mai mais également en Avril, Juin
et Septembre. Les corrélations sont
extrêmement négatives pour Février et Mars.
La covariance présente le même schéma avec
des valeurs positives en Janvier, Avril, Mai,
Juin et un pic en Septembre. Les mois de
Février, Mars, Juillet, Août, Octobre,
Novembre et Décembre sont associés à des
valeurs de covariance négatives (Fig. 4).
Figure 4. Taux de corrélation et covariance entre la croissance radiale annuelle
des 3 populations de pin et les précipitations moyennes annuelles
D
ISCUSSION
La vitesse de croissance chez les végétaux est
un facteur important dans la stratégie
d’occupation du milieu et permet de
s’imposer dans la compétition pour les
ressources, notamment la lumière. L’analyse
des résultats révèle qu’entre les différentes
espèces de pins, P. pinaster présente une
croissance nettement supérieure aux deux
autres espèces étudiées. Les vitesses annuelles
d’accroissement radial sont globalement
similaires sur l’ensemble de la chronologie
des pins sylvestres et de Salzmann. Toutefois,
si cette chronologie ne prend en compte que
les 35 dernières années (ce qui correspond à
l’apparition des individus de pin maritime
étudiés) cette vitesse diffère significative-
ment : P. sylvestris croît plus vite que P.
salzmannii. Cette différence peut être
expliquée par des phénomènes climatiques
également mis en évidence par l’interdatation
(observation d’années caractéristiques sur cet
intervalle de temps) couplée à la consultation
de bases de données. L’analyse de la
corrélation qui existe entre la croissance
radiale du pin sylvestre et la température
annuelle moyenne appuie cette idée: en effet,
ce dernier résiste mieux à certaines
températures extrêmes que le pin de
Salzmann. Il se trouve par ailleurs qu’un hiver
particulièrement rigoureux a eu lieu en 1985
(année identifiée comme caractéristique lors
de l’interdatation). Cela se manifeste en
l’occurrence par un net ralentissement de la
croissance chez les pins de Salzmann. Une
autre piste envisageable est l’action d’un
incendie, aléa fréquent dans la région, dont
l’effet néfaste se fait plus ressentir chez P.
nigra subsp. salzmannii. La base de données
Prométhée (http://www.promethee.com/prom/
basedoc/liste.do) appuie cette hypothèse
puisqu’elle révèle l’apparition de plusieurs
épisodes de feu de grande envergure au cours
de cette même année 1985.
Le pin maritime est, d’après les résultats de
covariance obtenus, peu sensible aux effets de
température et de sécheresse. En effet, ses
caractéristiques lui permettent de survivre
selon une large valence écologique,
26
notamment face au climat. Néanmoins, son
principal atout qui lui confère notamment un
caractère invasif est la grande capacité de
régénération de ses peuplements à la suite
d’un incendie lié à un paradoxe entre la survie
individuelle et la survie de l’espèce. En effet,
une étude récente (Rigolot & Fernandez,
2005) montre que les peuplements de pins
maritimes sont fortement combustibles, et
pourtant cette espèce possède des
caractéristiques qui assurent à ses organes une
certaine résistance au feu, et des modalités de
reproduction qui lui permettent de se
reconstituer rapidement après incendie. Les
individus sujets à des feux fréquents peuvent
voir leur croissance doubler. La base de
données Prométhée met en évidence que le
département a connu de forts incendies
répétés 4 ans avant l’apparition du plus vieil
échantillon de P. pinaster. Ainsi, la vitesse
moyenne de croissance élevée qui a été
mesurée pour cette espèce pourrait être une
image surestimée du développement standard
d’un pin maritime.
Les calculs effectués précédemment indiquent
que le pin de Salzmann possède une
corrélation négative tout au long de l’année
pour la température. Néanmoins, hormis le
facteur thermique, il est possible que d’autres
variables aient interféré avec les résultats.
Ainsi, l’âge moyen des pins de Salzmann tend
à ralentir leur croissance.
L’interprétation des résultats peut être biaisée
par le faible nombre de réplicats pour P.
pinaster et P. sylvestris et par le fait que ces
arbres n’aient pas été échantillonnés dans un
milieu homogène (zone étendue, dont le taux
de recouvrement végétal ainsi que la déclivité
du substrat étaient variables). En effet, un
nombre restreint d’échantillons ne permet pas
d’obtenir une moyenne représentative.
L’analyse des données interdatées via le
logiciel COFECHA renforce cette idée,
puisqu’elle révèle une faible corrélation entre
les différents pins sylvestres. De plus, les pins
maritimes, en raison de leur jeune âge, n’ont
pas pu être traités par ce programme.
L’échantillonnage a été effectué de manière
intensive sur un seul site, pouvant alors ne pas
être représentatif de l’ensemble du milieu.
Dans le cas du pin sylvestre, certains résultats
aberrants sont apparus lors de la création de la
covariance qui est fonction de la croissance
radiale et des températures annuelles. Ces
valeurs pourraient également être la
conséquence d’une mauvaise manipulation
(notamment lors de la mesure des cernes).
Il serait nécessaire, pour parfaire cette étude,
de compléter les résultats pour produire un
échantillonnage d’arbres plus conséquent et
mieux réparti. Une plus grande précision de
certaines données (climatiques et concernant
la géographie des incendies) aurait permis une
meilleure lecture et interprétation des
résultats.
C
ONCLUSION
La sauvegarde du pin de Salzmann est un
véritable enjeu écologique, car il possède une
forte valeur patrimoniale. La conservation de
cette sous-espèce de pin noir doit
obligatoirement passer par le ralentissement
de la colonisation du pin maritime. Ce dernier
alimente (et se développe à partir) des
incendies ; il est donc nécessaire de gérer les
populations en contrôlant au mieux les feux
(Trabaud et al., 1991). Le pin de Salzmann est
largement remplacé par le pin maritime alors
qu’il possède une fertilité aussi abondante.
Toutefois, il n’est pas impossible qu’outre sa
croissance initiale plus forte, le pin maritime
possède un avantage biologique en raison de
l’époque de dispersion des graines : alors que
chez le pin de Salzmann, la dispersion des
graines se fait dès les premières journées
ensoleillées de mars, chez le pin maritime,
dont le cône est plus ou moins sérotineux, la
libération des graines est plus tardive et se
prolonge jusqu’au début de l’été, période
durant laquelle les incendies sont plus
fréquents (Debazac, 1963). S’agissant d’une
essence forestière très rare, la conservation du
pin de Salzmann constitue également un enjeu
du point de vue de la biodiversité. Des projets
de réintroduction de cette sous-espèce dans la
région sont en cours, Ainsi, l’ONF (Office
National des Forêts), en partenariat avec des
laboratoires, prélèvent des greffons sur des
pins de Salzmann centenaires purs qui seront
élevés en pépinières, à l’abri de toute autre
27
variété d’arbres. Au bout de quelques années,
les graines de Salzmann récoltées sur ces
nouveaux sujets permettront de reconstituer
des forêts dans les sites d’origine.
R
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29
L’
INTERET CONSERVATOIRE DES ZONES HUMIDES A
TRAVERS L’ETUDE DE LA FLORE CRYPTOGAMIQUE DE LA
VALLEE DU GALEIZON (CENDRAS, GARD)
Delphine Cornella
1
, Sofia Djemaa
2
, Pauline Rocarpin
3
Équipe Paléoenvironnements et Paléoclimats, Institut des Sciences de l’Evolution
Université Montpellier-2, Place Eugène Bataillon, 34095 Montpellier cedex 5
1
delphine.cornella@etud.univ-montp2.fr,
2
sofia.djemaa@etud.univ-montp2.fr,
3
pauline.rocarpin@etud.univ-montp2.fr
Encadrement : Serge Muller
Résumé : Une étude floristique a été réalisée dans les Cévennes dans le but d’évaluer l’importance
de la conservation des zones humides (mares temporaires, ruissellements, zones tourbeuses). Un
référentiel des espèces de cryptogames, mais aussi des spermaphytes environnants, a permis
d’effectuer des cladogrammes révélant la richesse spécifique de ces zones particulières. La
présence/absence des espèces, ainsi que plusieurs paramètres (nature du substrat, degré
d’hydrométrie, altitude...), ont montré que les assemblages cryptogamiques ne répondent pas aux
mêmes facteurs que les spermaphytes. La conservation des milieux humides et de la diversité
cryptogamique qui s’y rattache, représente donc un réel enjeu en paléoécologie.
Mots clés : paléoécologie, zones humides, vallée du Galeizon, espèces cryptogamiques,
conservation
Abstract : A floristic survey was performed in the Cevennes Range with the aim to evaluate the importance
of the preservation of wetlands (temporary ponds, run-offs, peaty areas). A reference table of Cryptogam
species, but also of the main surrounding spermatophytes, allowed making cladograms showing the specific
richness of those specific areas. The presence/absence of species, as well as various parameters (substratum,
hygrometry, height…), showed that cryptogamic assemblages do not respond to the same factors than
spermaphytes. The preservation of damp environments and the related cryptogam diversity show a real stake
as far as paleoecology is concerned.
Keywords : paleoecology, wetland, the valley of the Galeizon, preservation, cryptogam species
es zones humides sont des
écosystèmes caractérisés par une
grande diversité de cortèges
floristiques et faunistiques
spécifiques. Situées à l’interface
entre les écosystèmes aquatiques et terrestres,
elles constituent un écotone qui, en France
métropolitaine, selon le Ministère chargé de
l’agriculture (2001), regroupe environ 25 %
de la biodiversité. Paradoxalement, elles font
aussi partie des milieux qui ont le plus
régressé. Actuellement, en France comme sur
l’ensemble de la planète, plus de la moitié des
zones humides a disparu (Barnaud & Fustec,
2007). Les zones humides sont particuliè-
rement riches en espèces cryptogamiques.
Dans le règne végétal, les cryptogames
correspondent à l’ensemble des végétaux dont
les organes reproducteurs ne sont pas visibles.
Cet ensemble regroupe les Ptéridophytes, les
Bryophytes (mousses, sphaignes et
hépatiques), les Lichens et les algues. Les
zones humides, rares en Méditerranée, y sont
représentées par différents types (mares
L
30
temporaires, mares permanentes, rivières et
zones tourbeuses), et pour certains en limite
de répartition. C’est notamment le cas des
zones tourbeuses à sphaignes, qui y atteignent
leur limite méridionale en France, ou encore
des mares temporaires à isoètes, qui s’y
trouvent en limite septentrionale de
distribution. Les tourbières, quant à elles, sont
répandues depuis les hautes montagnes de
l’Europe méridionale (Pyrénées, Alpes,
Massif Central…) jusqu’en Scandinavie. Les
mares temporaires à isoètes, en revanche, sont
des écosystèmes exclusivement méditerra-
néens, qui sont plus abondants sur les îles
méditerranéennes (Corse, Sardaigne…) et en
Afrique du Nord. Ce travail s’est axé sur un
inventaire de la flore cryptogamique, souvent
mal connue, mais également sur la flore
spermaphytique, afin de comparer la richesse
spécifique et la structure des différentes zones
humides étudiées dans la Réserve de
Biosphère de la vallée du Galeizon, située
dans le Parc National des Cévennes. Il a pour
objectif de préciser la signification conserva-
toire des zones humides du Galeizon, à la fois
sur un plan biologique et sur un plan évolutif.
M
ATERIEL ET METHODES
1- Présentation des sites
La vallée du Galeizon est située au nord-ouest
de la ville d’Alès, dans la zone des Basses
Cévennes à pins maritimes. Elle est délimitée
au nord par la vallée Longue et au sud par la
vallée Française, et se trouve à cheval sur les
départements du Gard et de la Lozère. Cette
vallée comprend pour l’essentiel deux unités
géologiques: schisteuse à l’amont et calcaire à
l’aval. Ces deux unités constituent respecti-
vement 85 et 15 % du bassin versant d’une
superficie de 8 800 hectares. Séparées par la
faille géologique de la Soustelle, la bordure
cévenole calcaire repose en discordance sur le
massif schisteux. Sept zones humides ont été
étudiées (Boivin et al., 2008) Plusieurs
facteurs telles que l’altitude, les coordonnées
GPS ou encore la profondeur du sol, ont été
prises en compte sur place et ont permis de
définir les caractéristiques du milieux
(Tab. 1).
FAG (vallée de la Fage): vallon forestier
encaissé sur substrat siliceux. C’est un milieu
fermé, préservé de l’anthropisation, de type
ripisylve, comprenant des tapis de sphaignes,
de bryales et d’hépatiques sur des rochers
surplombant la rivière.
DRO (Drosera): petite source située dans un
fossé en bord de la route D 172 à l’est de
Terre rouge (commune de Saint-Paul-la-
Coste), milieu ouvert et siliceux où l’on
trouve Drosera rotundifolia, espèce
endémique typique des milieux à suintements.
BOU (Le Bourguet): station à sol siliceux
appartenant à la rive du Bourguet, qualifiée de
temporaire par la présence de l’un des deux
milieux spécifiques des zones humides, la
marre temporaire de type cupulaire.
MAR (à proximité de la commune de Le
Martinet): marre asséchée de type ripisylve à
sol siliceux, spécifique d’un milieu ouvert
sans trace notable d’anthropisation.
MOU (sources du Moulinas): située au sein
d’un milieu forestier fermé en pente abrupte,
sur un sol tourbeux et siliceux, illustrant
l’autre milieu caractéristique des zones
humides présentes dans la Vallée du
Galeizon.
THI (près du hameau du Thieure): site à sol
calcaire, d’une fontaine, d’une cascade
pétrifiante et d’un bassin anciennement utilisé
comme abreuvoir.
PLA (sur le petit plateau des Planas): milieu
ouvert et siliceux caractérisée par la présence
de Sphagnum auriculatum.
31
Tableau 1 : Caractéristiques des sites étudiés. Couvert végétal (Vgt) : fermé (0), ouvert (1) ; Type de sol
(Sol) : siliceux (0), calcaire (1) ; Hydrologie (Hyd) : absence d’eau (0), eau de pluie (1), eau temporaire (2),
eau permanente (3) ; Profondeur du sol (Prof) : absent (0), squelettique < 2cm (1), profond > 2cm (2).
Site Surf.(m
2
) Lat. N Long. E Type de milieu Alt.(m)
Vgt
Sol
Hyd
Prof
Date
FAG 1 4 44°12.412
03°55.302
Tapis de sphaignes 375 1 0 0 0,5 26/01
FAG 2 0,5 44°12.412
03°55.299
Tapis d’Hypnaceae 374 1 0 1,5 0 26/01
FAG 3 1,5 44°12.411
03°55.298
Surplomb rocheux 376 1 0 1,5 0 26/01
DRO 4 44°10.139
03°58.312
Suintement 286 0 0 2 2 26/01
BOU 1 4 44°09.114
04°00.820
Mare asséchée 157 0 0 2 2 27/01
BOU 2 4 44°09.103
04°00.812
Mare cupulaire 161 0 0 2 0,5 27/01
BOU 3 1 44°09.106
04°00.811
Ruissellement temporaire 159 0 0 1,5 1 27/01
MOU 1 4 44°09.502
03°57.770
Butte de sphaigne 268 1 0 0 1 27/01
THI 1-2 20 44°08.886
03°56.878
Fontaine calcaire 336 0,5 1 3 0,5 27/01
THI 4 40 44°08.864
03°56.821
Cascade pétrifiante / Bassin 350 1 1 2,5 1,5 27/01
THI 5 10 44°08.945
03°56.917
Bassin (ancien abreuvoir) 329 0 1 3 1 27/01
MAR 8 44°09.623
03°58.390
Ruissellement temporaire 206 0 0 1 1 27/01
PLA 1 4 44°08.199
03°54.998
Mare cupulaire 439 0,5 0 2 0,5 28/01
PLA 4 20 44°08.217
03°54.988
Tapis de sphaignes 441 0 0 0 0,5 28/01
2- Travail de terrain
Le travail de terrain a été réalisé entre le 26
janvier et le 28 janvier 2012. Dans chaque
zone humide, un recensement quasi-exhaustif
des espèces cryptogamiques a été réalisé,
ainsi qu’un inventaire des principaux
spermaphytes environnants afin de comparer
leur répartition et de préciser le couvert
végétal. Des prélèvements ont été
systématiquement réalisés, avec l’aide
d’Emeric Sulmont (Parc National des
Cévennes), pour permettre l’identification
ultérieure des échantillons. Les zones
humides ont parfois été subdivisées en
«stations», qui ont été nommées par la
juxtaposition d’un chiffre après l’affixe du
code de la station. Par exemple, THI 1 est la
station 1 de la zone humide THI. Cette
notation a permis de déterminer les
spécificités des milieux composant chaque
site. Les espèces cryptogamiques récoltées
ont été placées dans des sacs
d’échantillonnage sur lesquels ont été précisés
le jour de prélèvement et le code de la station.
Ces échantillons ont par la suite été conservés
au réfrigérateur. Pour les spermaphytes et les
ptéridophytes, après le prélèvement, les
échantillons ont été mis en herbier et
répertoriés avec les mêmes codages.
3- Travail en laboratoire
Les espèces cryptogamiques prélevées ont été
identifiées, à l’aide de clefs de détermination
et de flores (Jestin, 1998 ; Bailly et al., 2004 ;
Rameau et al., 2005, 2006, 2008 ;
Schumacker & Váňa, 2005 ; Frahm et al.,
2006 ; Muller, 2010). La seule espèce de
charophytes recensée a été identifiée avec
Riveline (1986), et avec l’aide d’Ingeborg
Soulié-Märsche (ISEM, UM2). Une loupe
binoculaire et un microscope optique ont été
nécessaires pour ce travail d’identification
(Annexe 2).
4- Traitement des résultats
Nous avons réalisé des classifications
ascendantes hiérarchiques (CAH) basées sur
la distance de Chord (Chi-2), à l’aide du
logiciel PAST (Hammer et al., 2001). Cette
distance, très utilisée en écologie (S. Muller,
comm. pers.), donne des résultats similaires à
la distance de Jaccard : elle permet de classer
les individus ayant un comportement similaire
sur un ensemble de variables. Dans cette
étude, elle favorise, sur un critère de
présence/absence, le regroupement des
différents sites. Plus la distance est petite, plus
les deux zones étudiées sont semblables. A
l’inverse, une distance de Chord importante
32
témoigne d’une grande dissemblance. Nous
avons réalisé deux cladogrammes, le premier
sur les assemblages des cryptogames et le
second sur les assemblages des spermaphytes.
Les seuils de similarité utilisés pour effectuer
les regroupements ont été définis comme les
valeurs les plus élevées permettant de
distinguer des groupes présentant des
significations écologiques différentes.
R
ESULTATS
Sur l’ensemble des zones humides étudiées,
un recensement de 137 espèces a été réalisé,
dont 44 espèces cryptogamiques (Fig. 1,
Annexe 1). L’inventaire non exhaustif de ces
espèces cryptogamiques à travers les sites,
permet de comparer les compositions des
différentes zones sur un critère de
présence/absence. On remarque que certaines
espèces se retrouvent dans plusieurs sites
différents, comme Polytrichum formosum, qui
est présent dans les sites MOU, FAG et PLA.
D’autre part, on ne retrouve que dans une
seule station la ptéridophyte Asplenium viride
(Fig. 1).
Figure 1 : Diagramme de présence/absence des assemblages cryptogamiques relevé dans différents sites.
La zonation respecte la classification ascendante hiérarchique (Figure 3)
33
Le cladogramme des cryptogames (Fig. 2)
permet de regrouper certains sites. Le
cladogramme met en évidence quatre
ensembles pour un seuil de similarité de -
1.28. Le premier est constitué des mares
temporaires (BOU, MAR), le second du site
sur substrat calcaire (THI), le troisième des
sites forestiers (MOU, FAG et PLA) et le
dernier de DRO, qui est un fossé humide de
bord de route ne présentant aucun cryptogame
hydrophytique. Le cladogramme confirme
que MOU et FAG d’une part, et BOU et
MAR d’une autre, sont les sites les plus
semblables.
Le cladogramme des spermaphytes est
présenté Figure 3. La zonation est différente
de celle donnée par la Figure 2. Un seuil de
similarité de -1.28 permet de distinguer trois
ensembles: le milieu calcaire (THI), les
milieux temporaires (BOU, MAR), et les
autres zones humides (MOU, PLA, DRO et
FAG). Au sein de ce dernier groupe, les
milieux à sphaignes se regroupent.
Figure 3 : Cladogramme des sites étudiés sur la bas
des assemblages cryptogamiques (distance de Chord).
D
ISCUSSION
1- Facteurs écologiques et distribution des
espèces
Les sites se distinguent sur la base de
plusieurs facteurs tels que le type de substrat,
le couvert végétal ou encore l’altitude. La
variabilité de ces facteurs est susceptible de
modifier la distribution des espèces. Il est
donc intéressant de les prendre en compte
pour cette étude.
Le cladogramme sépare en premier lieu la
flore spermaphytique de la station THI des
autres stations. Le site THI étant la seule
station sur sol calcaire, sa flore est
caractérisée par des espèces calcicolez,
comme par exemple le persil sauvage
(Anthriscus sylvestris), la scolopendre
(Phyllitis scolopendrium) (Rameau et al.,
2008) ou le buis (Buxus sempervirens) (Coste,
1937). Il semble que la flore spermaphytique
soit majoritairement influencée par le type de
substrat (Fig. 3). En second lieu, on remarque
la formation d’autres groupes basés sur
l’hydrologie des sites: les mares temporaires
(BOU, MAR) et les autres zones humides
(FAG, PLA, MOU, DRO).
BO U
M A R
T H I
M O U
FA G
PLA
D R O
34
Figure 4 : Cladogramme des sites étudiés sur la base
des assemblages de spermaphytes (distance de Chord)
Les espèces diffèrent non seulement par le
type de milieu qu’elles occupent, mais aussi
par le taux d’humidité qui y règne.D’autres
facteurs semblent influencer la répartition des
espèces cryptogamiques. L’hydrologie et le
couvert végétal auraient une influence
majeure sur leur distribution. Le site DRO,
peu humide et très ouvert, semble peu propice
au développement des cryptogames, qui n’y
sont représentés que par une espèce, la
fougère aigle (Pteridium aquilinum). Au vu
du degré d’ouverture très variable entre les
autres sites où se développent des flores
cryptogamiques diversifiées, le facteur
déterminant à DRO semble être l’humidité
édaphique insuffisante, et peut-être une
pollution du substrat liée à la proximité de la
route.
L’altitude semble ne pas avoir d’influence
dans la répartition des flores spermaphytiques
et cryptogamiques, à l’échelle de la vallée du
Galeizon. Par ailleurs, certaines espèces ont
été recensées dans plusieurs sites, alors que
d’autres n’ont été observées que dans un seul
en particulier. Les espèces tendent
effectivement à se généraliser (Polytrichum
formosum dans MOU, FAG, PLA, Asplenium
trichomanes dans BOU, FAG, PLA) ou à se
spécialiser (Asplenium viride dans BOU,
Anogramma leptophylla dans PLA et Chara
vulgaris dans THI), traduisant une plus ou
moins grande capacité d’adaptation aux
milieux. Les facteurs environnementaux, mais
aussi la capacité d’adaptation de l’espèce elle-
même, influencent donc leur répartition.
Toutefois, ces considérations peuvent être
biaisées par la difficulté de prendre en
considération tous les facteurs environne-
mentaux, mais également par la variabilité de
l’effort d’échantillonnage. De plus, la
classification ascendante hiérarchique ne
permet pas d’identifier précisément les
facteurs qui contrôlent la répartition des
espèces au sein des zones humides étudiées.
2- Signification écologique des
Cryptogames
En s’établissant préférentiellement dans des
endroits très peu ensoleillés et surtout à de
hauts degrés hygrométriques, les Crypto-
games mettent en évidence leur capacité
d’adaptation à des conditions plutôt rudes qui
limitent la compétition. En effet, peu
THI
BO U
MAR
DRO
M O U
PLA
FAG
35
d’espèces végétales se développent dans des
zones où le soleil (nécessaire à la
photosynthèse et donc source d’énergie) fait
défaut. De ce fait, la compétition y est très
faible, notamment avec les spermatophytes.
Un degré hygrométrique élevé favorise en
outre la reproduction des Cryptogames. En
effet, lorsqu’il pleut ou que l’eau recouvre le
sol et les feuilles, les Cryptogames libèrent
des anthérozoïdes. D’après Hans (2003), ces
cellules ciliées et mobiles nagent rapidement
dans l’eau en faisant mouvoir leurs cils afin
d’atteindre les oosphères les plus proches et
permettent ainsi la formation d’un futur
zygote. Cette reproduction archaïque est sous
la dépendance directe de l’eau. Hans (2003)
montre également que l’épiderme de la face
supérieure des bryophytes ne possède qu’une
très mince cuticule protectrice. Sensibles à
l’ensoleillement et à la dessiccation, les
milieux fermés permettent leur survie. Les
bryophytes arrivent toutefois à vivre dans des
conditions défavorables. La reviviscence
permet à certains bryophytes de reprendre vie
après un assèchement du milieu, et même
après une longue période de vie latente
(Campbell & Reece, 2007). Ne possédant pas
de système racinaire développé, elles
compensent, selon Hans (2003), en absorbant
l’eau sur toute la surface des feuilles, des tiges
ou des thalles. Les milieux humides favorisent
ainsi leur reproduction, leur survie et leur
pérennité.
3- Implications évolutives et de
conservation
Certaines espèces protégées se retrouvent
fréquemment dans les milieux humides.
Isoetes duriei est un ptéridophyte rarement
observé en France, mais qui pourtant se
retrouve dans deux des sept zones humides
(BOU et MAR). De plus, le recensement de
près de 44 espèces de Cryptogames réparties
sur ces huit sites révèle aussi une réelle
richesse spécifique. Bien que la Vallée du
Galeizon fasse partie du Parc naturel des
Cévennes, les zones humides qu’elle abrite
ont régressé de 60 à 90% depuis le début du
siècle (Boivin et al., 2008). La conservation
des espèces cryptogamiques représente donc
un réel intérêt sur le plan évolutif. Les milieux
humides peu présents en méditerranée
constituent, si l’on considère la rareté des
espèces et des groupes taxonomiques qui les
composent, un véritable musée naturel. La
conservation de ces zones humides prend
alors tout son sens sur le plan biologique et
évolutif.
C
ONCLUSION
Les zones humides représentent un patrimoine
naturel exceptionnel. Par les conditions de vie
qu’elles imposent, elles représentent les seuls
milieux capables de développer et de
conserver des espèces semblables aux
premiers végétaux terrestres; s’adaptant au
milieu aérien après une sortie des eaux. Les
espèces cryptogames sont donc des espèces
pionnières en règle générale. Elles
entretiennent ainsi le paradoxe qui lie leur
simplicité morpho-anatomique et leur
capacité d’adaptation à des conditions
contraignantes. Effectivement, les caractères
archaïques qu’elles ont su garder au fil du
temps leur permettent de dominer ces zones
privées de compétition. La dépendance à l’eau
pour leur reproduction et leur capacité de
reviviscence se révèlent être de véritables
avantages sélectifs dans ce type de milieux.
Les zones humides sont donc des écosystèmes
majeurs pour la conservation des
Cryptogames. Elles ont également une grande
importance sur un plan paléobotanique, car
elles constituent des archives sédimentaires
permettant la conservation de micro- et
macrofossiles.
L’ensemble des influences, notamment
anthropiques, qui agissent sur un habitat
naturel ainsi que sur ses espèces, peut affecter
à long terme sa répartition naturelle, sa
structure, ses fonctions et sa survie. C’est ce
que l’inscription de la Vallée du Galeizon
comme biotope au réseau Natura 2000
démontre en fixant au sein de sa directive le
maintient, voire la restauration de ces habitats
naturels d’intérêts communautaires et
prioritaires; tels que les mares temporaires
méditerranéennes (Boivin et al., 2008). Si ces
zones humides n’étaient pas protégées au
travers de ces actions, nous pourrions nous
demander ce qu’il resterait de cette ressource
36
paléobotanique et des prévisions écologiques
induites par leurs études. Effectivement, si la
disparition des cryptogames était la preuve
d’une fin inexorable des zones humides,
qu’en serait-il des données fossiles et de la
richesse des analyses qui en découle, en
palynologie notamment ?
R
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37
A
NNEXES
38
39
40
41
C
ARACTERISATION DE LA VEGETATION PRE-INCENDIE
PAR LA PEDOANTHRACOLOGIE
Marine Bassoul
1
, Marion Pécot
2
, Marjorie Peyric
3
Centre de Bio-Archéologie et d’Ecologie
Institut de Botanique, 163 Rue Auguste Broussonet, 34090 Montpellier, France
1
marine.bassoul@etud.univ-montp2.fr,
2
marion.pecot@etud.univ-montp2.fr,
3
marjorie.peyric@etud.univ-montp2.fr
Encadrement : Adam Ali
Résumé : La pédoanthracologie permet de reconstituer la structure et la dynamique des formations
arborées avant et après un incendie. Pour tester la représentativité des assemblages de charbons
dans les sols par rapport à la végétation pré-incendie, une zone boisée de la commune de Cendras
(Gard), brûlée en 2006, a été étudiée. Les assemblages de charbons et la végétation post-incendie
ont été comparés. Basés sur l’hypothèse que la biomasse des individus est proportionnelle à la
biomasse de charbons produite, les résultats révèlent une végétation pré-incendie distribuée de
manière hétérogène dans l’espace. La végétation pré-incendie aurait été, comme elle l’est
aujourd’hui, dominée par le pin maritime Pinus pinaster.
Mots-clés : Pédoanthracologie, incendie, charbons, Pinus pinaster, Cendras
Abstract : The pedoanthracology allows reconstructing the structure and dynamics of woodlands before and
after a fire. In order to test the representativeness of charcoal assemblages in respect of pre-fire vegetation, a
woodland of Cendras (Gard), burnt in 2006, was studied. Charcoal assemblages and post-fire vegetation
were compared. Assuming that the biomass of trees is proportional to the produced anthracomass, the results
reveals a heterogeneous distribution of the pre-fire vegetation throughout the area studied. The pine Pinus
pinaster appears to be the dominant species before and after the fire.
Keywords : Pedoanthracology, fire, charcoal, Pinus pinaster, Cendras
es incendies laissent des traces
sous forme de charbons et
fournissent de ce fait des
informations permettant de
retracer l’histoire du paysage
(Touflan & Talon, 2008). Le bois carbonisé
peut avoir plusieurs origines. La première est
un processus naturel, en l’absence
d’exploitation du site. La seconde est due à la
présence de l’homme, à savoir l’exploitation
sylvopastorale. La combinaison d’événements
paléogéographiques, climatiques et écologi-
ques, ainsi que l’activité humaine ont façonné
les paysages forestiers et contribué à leur
grande diversité (Touflan & Talon, 2008).
L’étude des paléovégétations est indispen-
sable pour comprendre la dynamique des
forêts actuelles et caractériser leur devenir en
réponse aux changements globaux en cours
(Willis & Birks, 2006). Les incendies sont un
phénomène fréquent dans les zones qui,
comme la région méditerranéenne, sont
caractérisées par un climat estival chaud et
sec. Les charbons de bois, préservés dans les
sols ou d’autre types d’archives, sont des
preuves directes d’une destruction de la
biomasse par les feux. L’étude des charbons
subfossiles dans les sols, aussi appelée
pédoanthracologie, vise à reconstruire la
structuration et l’évolution de la biomasse au
cours du temps (Carcaillet, 1998). Le
développement de cette méthode est relative-
ment récent (Thinon, 1978) et des interroga-
tions persistent sur la représentativité des
L
42
assemblages de charbons de bois présents
dans les sols. Une des principales raisons
alimentant ces incertitudes est le manque
d’études faisant le lien entre la végétation pré-
incendie en termes de structure et biomasse,
et la résultante en assemblages de charbons de
bois dans le sol. Dans cet optique, notre
travail de recherche a eu pour principal
objectif d’étudier la dynamique de la
paléovégétation d’un site se trouvant sur la
commune de Cendras (Gard, Languedoc-
Roussillon) via l’étude de charbons de bois
contenus dans le sol d’un massif boisé dominé
par le pin maritime (Pinus pinaster) et ayant
brûlé en 2006. Nous avons émis comme
hypothèse qu’il existe une relation linéaire
entre la biomasse pré-incendie et les charbons
de bois contenus dans les sols après le feu de
forêt. En effet, nous sommes partis du
principe que les individus de forte masse
laissent une grande quantité de charbons, et
inversement. Notre étude a cherché à vérifier
le bien fondé de cette hypothèse.
M
ATERIELS ET METHODES
1- Site d’étude
Les échantillonnages ont été faits sur la
commune de Cendras (latitude : 44,15 ;
longitude : 4,06) (Fig. 1). Située à 160 m
d’altitude, la commune se situe à 6 km au
nord-ouest de la ville d’Alès, dans le
département du Gard (Languedoc-Roussillon,
France). Trois cours d’eaux principaux
traversent la commune de Cendras : le Gardon
d’Alès, le Galeizon et le ruisseau de Valmale.
La commune de Cendras, située à environ 10
km du Parc National des Cévennes, bénéficie
d’un climat méditerranéen avec une moyenne
de 275 jours d’ensoleillement par an. Les étés
sont chauds et secs, et prolongés par une
arrière-saison très douce, favorisant ainsi le
démarrage des feux dès le printemps. Les
pluies, violentes et brèves, tombent
principalement en automne et au printemps.
L’hiver, quant à lui, est froid mais en général
bien ensoleillé. Le vent dominant est le
mistral qui, bien qu’atténué par les reliefs
avoisinants, sévit parfois.
Figure 1. Positionnement du site d’étude (étoile) au sein de la commune de Cendras
2- Prélèvements sur le terrain
Les prélèvements ont été réalisés durant
l’hiver 2012 (26-28 janvier). Après un
repérage des lieux, trois sites (quadrats) de 3 x
3 m ont été choisis. Ces quadrats sont plus ou
moins alignés sur le même versant de la
colline et présentent une légère pente. Ils ont
chacun des couverts végétaux différents. Ces
sites ont été choisis car ils présentaient des
traces d’un incendie assez récent (2006). Les
différentes espèces végétales présentes ont été
classées en fonction de leur abondance
relative. Chaque quadrat a été subdivisé en
43
plusieurs sous-quadrats : le premier en 6, les
deux autres en 4. Du sédiment de surface
(quantité variant de 0,248 à 1,071 kg) a été
prélevé pour chaque sous-quadrat. Puisque
nous nous intéressons au feu le plus récent, il
n’était pas nécessaire de prélever le sédiment
en profondeur. Chaque quadrat présente des
vestiges d’individus carbonisés. Des
échantillons de ces souches carbonisées ont
été récupérés, ainsi que du sédiment de
surface présent autour des souches. Dans le
premier quadrat, la souche carbonisée se
situait dans le sous-quadrat 1, la masse de
sédiment et de charbon prélevé autour de la
souche a donc été ajoutée à celle prélevée
dans le sous-quadrat 1. Dans le deuxième
quadrat, la souche était située à l’intersection
des 4 sous-quadrats, nous avons donc choisi
de la considérer comme un sous-quadrat à
part entière. Dans le troisième quadrat, la
souche était située dans le sous-quadrat 2 ;
nous avons donc, ici aussi, ajouté les masses
de sédiment et de charbon prélevées autour de
la souche à celles prélevées dans le sous-
quadrat 2.
3- Extraction des charbons
Chaque échantillon de sédiment a été mis à
sécher à l’air libre pendant une semaine, puis
pesé afin d’estimer le poids total de sédiment
sec. Le sédiment a été ensuite tamisé avec un
tamis de 0,8 mm, puis le dépôt restant a été
trié par la méthode de flottaison, proposée par
Thinon (1992), puis reprise par Carcaillet &
Thinon (1996). Cette dernière méthode
permet d’extraire la fraction flottante du sol
(contenant la majorité des charbons) de la
fraction plus lourde contenant des cailloux,
des racines, etc. Le surnageant et la partie
lourde ont été récupérés avec un tamis de
mailles de 0,8 mm. Ces deux parties ont été
mises mis à sécher séparément pendant une
semaine à température ambiante. Après le
séchage, les échantillons ont été
minutieusement triés sous la loupe afin de ne
récupérer que les charbons de bois et
d’éliminer les cailloux et les racines. Les
charbons ont enfin été dénombrés et pesés
afin d’estimer la masse de charbons
(anthracomasse) de chaque sous-quadrat.
4- L’anthracomasse
Il s’agit de la proportion de charbon de bois
(exprimée par sa masse en mg) par rapport à
la masse totale de sédiment en kg (Thinon,
1992). Cette donnée a été utilisée pour
caractériser les différents assemblages
préservés dans les sols. Elle a été calculée de
la manière suivante:
Anthracomasse (AS, mg/kg) = masse des
charbons (mg) / masse de sédiment (kg)
L’anthracomasse a été calculée pour chaque
quadrat et pour chaque sous-quadrat. Un des
biais potentiel lié à la pédoanthracologie est le
processus de fragmentation. Une
fragmentation importante se traduirait par un
nombre très élevé de charbons pour une
masse faible de sédiment. Pour quantifier ce
phénomène, nous avons dénombré les
charbons de bois afin de déterminer s’il
existait une relation linéaire entre l’AS et le
nombre de charbons dans les assemblages de
charbons, ce qui traduit ainsi un faible poids
de la fragmentation (Carcaillet & Talon,
1996).
5- Identification des charbons
Nous avons posé l’hypothèse que plus un
individu pré-incendie a une masse importante,
plus il laisse une anthracomasse importante
après le passage de l’incendie. Dans chaque
quadrat, nous pouvons voir qu’il y a de la
variation en terme d’AS. Pour chaque
quadrat, deux sous-quadrats se démarquent:
celui avec l’AS la plus faible et celui avec
l’AS la plus forte. Afin de vérifier notre
hypothèse, nous avons choisi d’identifier un
charbon pour chacun de ces sous-quadrats, et
ce, pour les 3 quadrats échantillonnés. Nous
avons choisi en priorité les charbons les plus
gros, puisque la méthodologie que nous avons
choisi de suivre ne peut se faire sur des
charbons de trop petite taille. Six charbons
ont ainsi été identifiés (2 par quadrat). Des
observatiosn au microscope optique à
réflexion (grossissement *100, *200 et *500),
ainsi que l’utilisation de l’anthracothèque de
référence du Centre de BioArchéologie et
44
d’Ecologie (CBAE) et d’atlas xylologiques
(Jacquiot, 1955 ; Jacquiot et al., 1973), ont
permis de les identifier. Pour cela trois coupes
ont été réalisées :
- transversale : elle permet de voir si le bois
est homoxylé (présence de trachéides) ou
hétéroxylé (présence de vaisseaux).
- longitudinale tangentielle : elle permet de
voir si les rayons sont uni- ou multisériés,
ainsi que la présence de canaux résinifères.
- longitudinale radiale : elle permet de voir si
les rayons sont hétérogènes ou non, et de
préciser la nature des perforations dans les
bois hétéroxylés.
R
ESULTATS
1- Anthracomasse
Tous les quadrats contiennent des charbons
(Tab. 1). Sur l’ensemble des quadrats, l’AS
varie de 394 mg/kg au niveau de la souche 2 à
9708 mg/kg dans le sous-quadrat 3.3. Dans le
quadrat 1, l’AS va de 2615 à 5934 mg/kg ;
dans le quadrat 2, de 394 à 7151 mg/kg ; et
dans le quadrat 3, de 1660 à 9708 mg/kg. La
représentation graphique de l’AS permet de
visualiser la répartition spatiale des charbons,
dans les quadrats et sous-quadrats (Fig. 2).
Notons que le quadrat 1 est beaucoup plus
homogène entre ses sous-quadrats en terme
d’AS que les quadrats 2 et 3 (Fig. 2). Nous
remarquons de plus que le quadrat 3 est plus
riche en charbon que les deux autres quadrats,
avec une AS moyenne de 4848 mg/kg (écart-
type (ET) = 3616 mg/kg), alors que le quadrat
2 a une AS moyenne de 3219 mg/kg (ET =
3002 mg/kg), et le quadrat 1, une AS
moyenne de 3390 mg/kg (ET = 1260 mg/kg)
(Fig. 3).
Tableau 1. Tableau récapitulatif des résultats obtenus. MTS : Masse totale de sédiment ; MC : masse de
charbons ; AS : Anthracomasse ; Nb : Nombre de charbons.
Quadrat Sous-quadrat MTS (kg) MC (mg) AS (mg/kg) Nb Identification Espèces actuelles
1.1+souche 1.068 2875.8 5933.78 439 Pinus pinaster
1.2 1.071 3351.5 3129.32 204
1.3 0.8925 2333.7 2614.79 116
1.4 0.325 924.5 2844.62 228 Pinus pinaster
1.5 0.657 2001.3 3046.12 130
1
1.6 0.661 1831 2770.05 97
Pinus pinaster
2.1 0.4315 1208.4 2800.46 294
2.2 0.307 2195.5 7151.47 284 Pinus pinaster
2.3 0.509 2720.8 5345.38 308
2.4 0.768 311.7 405.86 159 Ericaceae
2
Souche 0.248 97.6 393.5 27
Pinus pinaster
Arbutus unedo
Erica sp.
3.1 0.368 610.9 1660.05 89 Arbutus unedo
3.2+souche 0.929 2793.3 5433.67 283
3.3 0.661 6417.2 9708.32 138 Pinus pinaster
3
3.4 0.605 1566.2 2588.76 299
Pinus pinaster
Arbutus unedo
45
Figure 2. Répartition graphique de l’anthraco-
masse (mg/kg) en fonction des quadrats et de
leurs sous-quadrats. (en rose, les sous-quadrats
avec une souche carbonisée)
Figure 3. Anthracomasse moyenne (mg/kg) en
fonction du quadrat.
2- Fragmentation
La figure 4 illustre la relation entre le nombre
de charbons collectés et l’AS. Le coefficient
de détermination entre le nombre et la masse
de charbons est très faible (R
2
= 0,0268 ;
statistique t = 0,64). Ainsi, pour une masse
très faible de charbon, nous en avons un
nombre très important.
Figure 4. Masse de charbons (g) en fonction du
nombre de charbons
3- Identification
Pour les sous-quadrats les plus riches en
charbons, les résultats sont assez homogènes :
dans les trois quadrats échantillonnés, nous
avons identifié des charbons de pin maritime
(Pinus pinaster). Pour les sous-quadrats les
moins riches en charbons, en revanche, il y a
plus de diversité spécifique. En effet, nous
avons identifié un charbon de P. pinaster dans
celui du quadrat 1, un charbon d’Erica sp.
dans celui du 2, et un charbon d’Arbutus
unedo dans celui du 3 (Tab. 1).
4- Abondance relative des espèces végétales
actuelles
Dans les trois quadrats, une nette dominance
de P. pinaster a été observée (Tab. 1).
L’arbousier A. unedo était également
abondant, sauf dans le quadrat 1 où il est
absent. Il y avait également, dans chaque
quadrat, une présence non négligeable
d’autres espèces de la famille des Ericaceae
(Erica cinerea et E. arborea), ainsi que de
filaire (Phillyrea angustifolia). D’autres
espèces végétales étaient présentes, telles que
Brachypodium retusum, Smilax aspera et
Pteridium aquilinum. Ces espèces ne sont pas
ligneuses et ne rentrent donc pas en compte
dans nos analyses.
D
ISCUSSION
1- Processus de fragmentation
Nous n’observons pas de corrélation linéaire
entre le nombre de charbons et l’anthraco-
masse (Fig. 4). Pour une AS faible, nous
observons un nombre très important de
46
charbons. Cela traduit un fort taux de
fragmentation. Il apparaît donc plus judicieux
d’utiliser la masse de charbons plutôt que le
nombre de charbons comme unité de mesure
afin de limiter les biais liés au phénomène de
fragmentation.
Des facteurs biotiques et abiotiques peuvent
être responsables de la fragmentation des
charbons à la surface des sols. Le climat
méditerranéen est un climat très perturbé,
avec des étés chauds et secs, et des hivers
froids. Les précipitations sont peu fréquentes,
mais très violentes. Les facteurs environ-
nementaux peuvent ainsi être une des causes
essentielles de la fragmentation sur notre site
d’étude. Compte tenu de la pente du terrain
étudié, le ruissellement peut aussi être un
important agents de fragmentation. Le vent
peut aussi participer à la fragmentation, car la
zone échantillonnée est fortement exposée au
mistral, vent souvent violent, orienté nord-
ouest à nord. Les causes biotiques sont
considérées comme un peu moins impor-
tantes, car elles sont moins régulières, mais le
passage des animaux (dont l’homme) favorise
la fragmentation. Les vers de terre enfouissent
et retournent les éléments du sol. De plus, ils
ingèrent des charbons qu’ils remontent à la
surface dans les turricules. D’autres espèces
d’invertébrés, tels que les coléoptères, et de
vertébrés, comme les sangliers, participent
aussi à ce phénomène de fragmentation des
charbons en les enfouissant et les remontant
vers la surface du sol (Carcaillet & Talon,
1996). Les charbons se fragmentent d’autant
plus qu’ils sont soumis aux aléas de la nature
(Carcaillet & Talon, 1996). Le fort taux de
fragmentation traduit donc ici une date de feu
ancienne (2006).
2- Structuration de la biomasse
La représentation graphique de l’anthraco-
masse montre des fluctuations spatiales des
charbons (Fig. 2). Nous avons posé
précédemment l’hypothèse d’une corrélation
positive entre la taille de l’individu et la
biomasse de charbons laissée par celui-ci
après un incendie. Nous nous attendons donc
à avoir des espèces de grande taille (arbres)
telles que P. pinaster aux endroits de forte
anthracomasse. Nos résultats sont conformes
à nos attentes, puisque dans les trois quadrats,
les charbons provenant du sous-quadrat ayant
l’AS la plus importante sont issus de P.
pinaster.
D’après Talon (1997) et Carcaillet & Talon
(2001), les trois quadrats échantillonnés
peuvent être considérés comme riches en
charbons, et plus particulièrement le quadrat
3. Dans ce dernier quadrat, nous observons
deux pics de concentration en charbons. Ces
pics peuvent être interprétés comme les
vestiges de plusieurs individus de forte masse,
impliquant une biomasse conséquente par
rapport aux autres quadrats. Cette
interprétation est en corrélation avec nos
observations concernant la végétation
actuelle. En effet, nous avons identifié P.
pinaster dans la zone d’AS la plus élevée, et
Arbutus unedo dans la zone d’AS la plus
faible. Ainsi, même dans la zone de plus
faible AS, il y aurait eu un individu de taille
moyenne, expliquant une anthracomasse
globale importante sur le quadrat 3.
Le quadrat 1 est quant à lui plutôt homogène
en ce qui concerne la biomasse
anthracologique, mais nous observons une
plus forte quantité de charbon au niveau de la
souche. La souche carbonisée était relative-
ment épaisse, elle peut donc être le vestige
d’une souche d’espèce ligneuse de taille
moyenne. De plus, nous pouvons observer
que le sous-quadrat 1.1 contenant la souche
est celle possédant la plus grande AS. Ceci
permet donc de confirmer notre hypothèse
initiale, à savoir qu’une forte masse de
charbon correspond à une biomasse élevée.
Le quadrat 2 est très hétérogène, ce qui
pourrait s’expliquer par une répartition moins
homogène de la végétation pré-incendie que
sur le quadrat 1. L’emplacement de la souche
carbonisée ne montre pas une forte AS, ce qui
peut s’expliquer par le fait que les charbons
issus de la souche ont pu se disperser dans les
sous-quadrats environnants. Une autre
hypothèse serait que la souche était une
espèce ligneuse de taille relativement plus
petite que celle du quadrat 1.
Malgré leur différence d’homogénéité, les
deux quadrats 1 et 2 ont une pédoanthra-
47
comasse moyenne assez similaire. Sur le
quadrat 1, nous avons identifié des charbons
de P. pinaster, alors que la pédoanthra-
comasse était faible. Nous pouvons donc
penser que l’individu présent à cet endroit
était un individu jeune, de taille moyenne, et
ne pouvant laisser que peu de charbons. Sur le
quadrat 2, nous avons identifié un charbon
provenant d’Erica sp., qui sont généralement
des arbustes de petite taille. Ces résultats
montrent que sur le quadrat 1, il y avait
vraisemblablement plusieurs individus de
taille moyenne, contrairement au quadrat 2,
où un unique individu de grande taille devait
dominer. Ainsi, nos résultats semblent
corroborer l’hypothèse qu’il existe un lien
étroit entre les zones de forte pédo-
anthracomasse et la présence pré-incendie
d’individus de grande taille de P. pinaster ou
Arbutus unedo.
Enfin, il y a également une corrélation entre
les espèces présentes avant et celles présentes
après l’incendie. Grâce à l’identification, nous
savons que l’espèce la plus abondante avant le
feu était le pin maritime. Or, cette espèce
domine le paysage actuellement. Ceci peut
être expliqué par le fait que le pin maritime
est une espèce dont les cônes nécessitent une
chaleur intense pour s’ouvrir. Il est de ce fait
naturel de retrouver cette espèce dans les
régions dont le climat est sec et chaud comme
la région méditerranéenne. Il n’est donc pas
étonnant de trouver de nombreux jeunes
individus sur les zones ayant vécu un incendie
récemment. Néanmoins, ces résultats concer-
nant la végétation pré-incendie sont à nuancer
à cause du faible nombre de charbons qui ont
pu être identifiés.
C
ONCLUSION
Les incendies sont une des causes de
perturbations majeures des écosystèmes
forestiers. Les traces qu’ils laissent (charbons)
permettent d’analyser la diversité de la
végétation pré-incendie. Notre étude semble
corroborer l’hypothèse d’une corrélation entre
la taille de l’individu présent avant l’incendie
et la biomasse laissée par celui-ci après
l’incendie. Ainsi, il semble non seulement
possible de déterminer la diversité de la
végétation incendiée, mais aussi d’estimer la
biomasse ligneuse brûlée à partir des
charbons. Notre attention s’est portée sur
l’analyse des charbons de bois présents en
surface nous donnant des indications sur
l’incendie le plus récent (2006). Il serait
intéressant d’étudier des charbons plus
anciens, afin de voir si notre hypothèse se
vérifie et comment le phénomène de
fragmentation biaise les jeux de données. Il
est également possible d’améliorer cette
expérience en considérant certains biais. Par
exemple, l’effet des souches carbonisées
proches des quadrats considérés pourrait
influencer les anthracomasses de nos
quadrats. Il faudrait alors les répertorier afin
d’évaluer leur impact sur les résultats. Nous
avons également noté un biais dans la
méthode de transport des charbons qui ne
garantit pas l’intégrité des charbons et
augmente leur fragmentation. Enfin, pour
effectuer une étude plus exhaustive, il serait
intéressant d’étudier une parcelle placée dans
les conditions qui nous voulons tester. Ceci
permettrait de réaliser un véritable suivi qui
renseignerait sur la dynamique d’un paysage
après incendie.
R
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49
A
SSEMBLAGES DES THECAMOEBIENS DES ZONES
HUMIDES DE LA VALLEE DU GALEIZON
Estelle Minana
1
, Amélie Mistral
2
, Thibaut Valla
3
Centre de Bio-Archéologie et d’Ecologie
Institut de Botanique, 163 Rue Auguste Broussonet, 34090 Montpellier, France
1
estelle.minana@etud.univ-montp2.fr,
2
amelie.mistral@etud.univ-montp2.fr,
3
thibaut.valla@etud.univ-montp2.fr
Encadrement : Laurent Brémond, France Oris
Résumé : Les thécamoebiens (Protozoa : Rhizopoda) constituent d’importants indicateurs
environnementaux et paléoécologiques. La vallée du Galeizon présente des milieux humides
qu’ils affectionnent particulièrement, permettant ainsi d’étudier leur distribution et de
constituer une base de référence en contexte cévenol. Cette étude tend à confirmer que ces
amibes forment des assemblages selon certains facteurs environnementaux, tels que
l’humidité, le pH et la présence de sphaignes. Les groupes d’espèces correspondent bien aux
différents types de milieux observés : milieux à sphaignes, mares temporaires, résurgences,
eau courante. Les distributions apparaissent en revanche très variables, avec des espèces
généralistes et spécialistes.
Mots-clés : Rhizopodes, milieux humides, distribution, variables environnementales,
Sphagnum
Abstract : Testate amoebae (Protozoa: Rhizopoda) are important environmental and palaeoecological
indicators. Galeizon valley presents wetlands likely to harbor some of them, and thus likely to allow
studying their distribution and constructing a reference database for Cevennes. This study seems to
confirm that testate amoebae form assemblages according to some environmental factors, such as
moisture, pH and presence of Sphagnum. Groups of species correspond well to the different types of
environments observed : Sphagnum community, temporary pools, resurgences and running waters.
Distributions are very variable, with generalist and specialist species.
Keywords : Testate amoebae, wetlands, distribution, environmental variables, Sphagnum
e Parc national des Cévennes,
réparti sur trois départements au
sud-est du Massif Central
(Lozère, Ardèche et Gard),
présente un patrimoine tant
historique que biologique remarquable. La
biodiversité, présente dans cette région,
s’explique principalement par le fait
qu’elle regroupe plusieurs zones
géographiques et botaniques, ayant des
caractéristiques distinctes. L’ensemble des
facteurs environnementaux permet la
création d’espaces naturels variables au
sein du Parc, qui impliquent la coexistence
d’habitats différents, chacun caractérisé par
une faune et une flore spécifique. Il faut
cependant noter que cette variabilité
remarquable est influencée par les activités
anthropiques, passées et actuelles, en plus
de ces facteurs environnementaux (Basset,
2010). Le classement des Cévennes, en
tant que Parc national, implique l’étude, la
protection et la valorisation de ce territoire.
Également désigné comme réserve de
biosphère par l’Unesco depuis 1985, le
Parc doit concilier, de manière réfléchie et
active, la conservation de la biodiversité,
avec le développement économique et
L
50
social, et le maintien des valeurs culturelles
(Jaffuel & Pin, 2006).
Afin de comprendre les dynamiques
écologiques actuelles et leurs évolutions, il
est nécessaire de comprendre les processus
écologiques à plus long terme. La
paléoécologie présente alors tout son
intérêt. L’étude des paléoenvironnements
permet de reconstituer un milieu et sa
biodiversité, à un moment relativement
précis de son histoire. Ce domaine
interdisciplinaire met en jeu un grand
nombre de ressources scientifiques dans le
but de comprendre les événements passés.
Au sein des zones humides, des
microorganismes unicellulaires, les
thécamoebiens (Protozoa : Rhizopoda),
représentent un outil intéressant en
paléoécologie pour reconstituer les
conditions hydrologiques passées dans les
tourbières (Lamarre, 2011). Ces amibes à
test, appelées plus communément
rhizopodes, se développent en effet en
milieux humides riches en matière
organique. Dragesco (1980) expose le fait
qu’elles sont également présentes dans les
eaux douces libres et dans les pellicules
d’eau à la surface des feuilles de
Bryophytes. Les thécamoebiens produisent
des tests relativement résistants, qui leur
servent à s’enkyster si la quantité d’eau du
milieu diminue. Dans des conditions
favorables, ils s’hydratent et reprennent
une activité normale (Dragesco, 1980). Ces
tests étant spécifiques à chaque espèce, les
distinctions taxonomiques sont basées sur
leurs caractéristiques morphologiques
(Booth & Sullivan, 2007).
Les travaux scientifiques portant sur ces
assemblages de thécamoebiens étant
encore peu développés, et à ce jour jamais
envisagés en contexte cévenol, ce travail
permettra d’apporter une référence en
termes de distribution géographique. Cette
étude vise à décrire les assemblages selon
les milieux en fonction des conditions
environnementales, notamment d’humidité
et de pH, dans la vallée du Galeizon, au
sein du Parc des Cévennes. Leur évolution
pourra ainsi être suivie si des nouveaux
projets sont envisagés dans les années à
venir.
M
ATERIEL ET METHODES
1- Présentation du site
La vallée du Galeizon correspond à un
grand domaine forestier dominé par le pin
maritime, le châtaignier et le chêne vert.
Cette vallée présente une grande diversité
de milieux, parmi lesquels se trouvent
quelques zones humides. La flore des
zones humides est particulièrement riche
en espèces végétales non vasculaires. En
l’absence d’inventaire exhaustif, les
estimations permettent d’avancer que le
Parc abrite jusqu’à 500 bryophytes –
mousses et hépatiques – 1000 lichens,
1500 macromycètes et 4000 micromycètes
(champignons) (Cevennes-parcnational.fr).
2- Échantillonnage
Sept milieux humides ont été
échantillonnés entre le 26 et le 28 janvier
2012. 19 échantillons ont été prélevés (Fig.
1), afin d’échantillonner plusieurs types de
milieux :
- des zones à sphaignes : les
Planasses (PLA), la Fage (FAG),
Moulinas (MOU) ;
- des mares temporaires : le Bourget
(BOU), le Martinet (MAR) ;
- un milieu d’eau vive : le Thieure
(THI) ;
- une résurgence : Drosera (DRO) ;
La présentation de chaque site est détaillée
en Annexe 1. Plusieurs points d’échantil-
lonnage ont été réalisés sur chaque site en
prélevant à la main, sans quantité pré-
définie, un assemblage de végétaux,
sédiments et eau.
51
Figure 1. Carte géologique de la vallée de Galeizon et milieux échantillonnés
3- Extraction et analyse des rhizopodes
Un seul échantillon par milieu a été
analysé. Il a été sélectionné en fonction de
la probabilité qu’il contienne des
thécamoebiens, sachant qu’ils affection-
nent particulièrement les sphaignes
(Mitchell et al., 2000). Les milieux n’en
contenant pas ont été choisis aléatoirement.
Le protocole d’extraction des thécamoe-
biens (Annexe 2) est basé sur celui de
Hendon & Charman (1997) et Charman et
al. (2000). Il n’a pas été ajouté les tablettes
de Lycopodium : par conséquent, les
concentrations de rhizopodes ne peuvent
être estimées.
Les thécamoebiens extraits ont été placés
entre lame et lamelle pour observation au
microscope (objectif x40). Ils ont été
identifiés à partir de la clé d’identification
des thécamoebiens de Booth & Sullivan
(2007). Le comptage s’est fait sur une base
de 150 individus par site, ce qui permet a
priori d’avoir une bonne représentation du
milieu tout en gardant une précision
statistique correcte (Payne & Mitchell,
2008).
4- Traitement des résultats
Les courbes de raréfaction du nombre de
taxons de chaque milieu ont été tracées
avec le logiciel Past. Elles permettent de
voir si le comptage de 150 individus atteint
un palier correspondant à une bonne
description spécifique du milieu.
Un diagramme des assemblages des
différents milieux a ensuite été réalisé à
l’aide du logiciel Tilia (Grimm, 1992). Il
permet de présenter la composition en
thécamoebiens, ici exprimée en pourcenta-
ges. Seules les espèces représentant au
moins 2 % de l’abondance totale y sont
représentées.
Enfin, une analyse canonique des
correspondances (ACC), effectuée à l’aide
du package ADE4 sur le logiciel statistique
R (Chessel et al., 1988), permet de vérifier
une corrélation entre les assemblages de
thécamoebiens et certaines variables envi-
ronnementales (Table 1). Pour cette étude,
les variables choisies sont le pH, mesuré en
laboratoire, le type de sol (calcaire, schiste,
argile), observé sur le terrain et confirmé
sur carte géologique, et l’ouverture du
milieu, classé selon trois catégories
(ouvert : zone herbacée ou rocheuse ;
52
fermé : zone arbustive ; semi-ouvert :
milieu intermédiaire).
Table 1. Variables environnementales pour les
milieux échantillonnés
Milieux pH Types de sol Milieu
PLA 4 6,53 Micaschiste semi-
ouvert
FAG 1 6,40 Micaschiste fermé
MOU 1 5,85 Micaschiste fermé
BOU 4 6,90 Micaschiste ouvert
THI 1 7,49 Calcaire fermé
DRO 1 6,17 Argile, schiste ouvert
MAR 1 6,66 Micaschiste ouvert
R
ESULTATS
Dans chaque milieu, 150 individus ont été
dénombrés, sauf pour l’échantillon PLA
pour lequel 164 thécamoebiens ont été
comptés. 45 espèces, réparties dans 18
genres, ont été identifiées (Annexe 3).
Le graphique des courbes de raréfaction
(Fig. 2) montre que les milieux
échantillonnés n’atteignent pas le palier
correspondant à une bonne description
spécifique du milieu. Ceci signifie que le
nombre de thécamoebiens compté n’est pas
suffisant pour observer la biodiversité
réelle des milieux.
MAR, PLA, MOU et FAG présentent
cependant des courbes relativement
satisfaisantes.
Figure 2. Courbes de raréfaction des différents milieux échantillonnés
Le diagramme d’abondance des
thécamoebiens (Fig. 3) présente les
assemblages des milieux échantillonnés. Ils
sont caractérisés par un nombre variable de
taxons, avec des abondances différentes.
Dans le cas de FAG 1, il y a plus de 20
taxons différents, qui présentent des
abondances relativement faibles. En
revanche, seuls 11 taxons ont été identifiés
dans MAR 1, avec Arcella discoïdes qui
représente plus de 40 %. Certains taxons
semblent être ubiquistes : c’est par
exemple le cas de Cyclopyxis arcelloïdes,
qui est présente dans tous les milieux à
plus de 5 %. D’autres semblent en
revanche être spécifiques d’un milieu :
c’est par exemple le cas de Difflugia pristis
retrouvée uniquement dans THI 1.
La Figure 4 présente les espèces de
thécamoebiens (a), les milieux projetés (b),
la position des variables environnemen-
tales de l’ACC (c) et les pourcentages
d’explication des axes (d). La Table 2
présente la participation des différentes
variables environnementales à la réali-
sation des axes 1 et 2. Le choix de deux
axes sur trois a été réalisé après étude des
trois appariements possibles, de manière à
choisir celui qui explique le mieux la
répartition des thécamoebiens. On peut
voir que l’axe 1 est corrélé avec la variable
Ouverture du milieu (0.86). L’axe 2 est,
quant à lui, corrélé aux variables Sol et pH
(respectivement 0.94 et 0.69).
53
Figure 3. Représentation (en %) des thécamoebiens dans les différents milieux. Les taxons dont
l’abondance ne dépasse pas 2 % sont réunis dans la catégorie « Autres ».
On distingue en outre plusieurs zones sur
la Figure 4 (b). Les milieux MOU 1,
FAG 1 et PLA 4 sont proches et associés
au pH et au type de sol. Les milieux BOU
4 et MAR 1, correspondant aux mares
temporaires, forment eux-aussi un groupe
associé à l’ouverture du milieu. Alors que
DRO 1 et THI 1, milieu de résurgence et
d’eau courante, sont très éloignés des
autres et l’un de l’autre.
A ces différents regroupements de milieux,
on peut associer des assemblages de
thécamoebiens :
- Dans les milieux MOU 1, FAG 1 et
PLA 4, contenant des sphaignes, on
trouve Assulina muscorum, Centropyxis
cassis-type, C. platystoma-type,
Difflugia globulosa, D. pulex, Euglypha
rotunda-type, E. strigosa-type,
Heleopera sylvatica, Nebela bohemica,
N. collaris-type, N. militaris-type,
N. parvula, N. tincta-type, N. vitreae-
type, N. wailesi-type et Phryganella
acropodia.
- Dans les milieux BOU 4 et MAR 1, on
trouve Arcella discoïdes-type,
Corythion-Trinema-type, Euglypha
tuberculata et Tracheleuglypha dentata.
- Dans THI 1, on trouve Difflugia lucida-
type, D. oblonga-type, D. pristis-type et
Pseudodifflugia fulva-type.
- Enfin, dans DRO 1, on trouve Arcella
hemispherica-type, Nebela tubulosa-
type et Quadrullela symetrica.
Par contre, Cyclopyxis arcelloides-type
n’est pas dans un regroupement et se situe
à l’intersection des axes de l’ACC. Elle
n’est donc pas caractéristique d’un type de
milieu et peut être considérée comme
ubiquiste.
54
Figure 4. Analyse Canonique des Correspondances des différents milieux. a) thécamoebiens ; b)
positionnement des sites ; c) variables environnementales ; d) pourcentages d’explication des axes.
Les taxons sont nommés comme suit : arcdis, Arcella discoïdes-type ; archem, Arcella hemispherica-
type ; assmus, Assulina muscorum ; cenacu, Centropyxis aculeata-type ; cencas, Centropyxis cassis-
type ; cenpla, Centropyxis platystoma-type ; cortri, Corythion-Trinema-type ; cycarc, Cyclopyxis
arcelloides-type ; difglo, Difflugia globulosa ; difluc, Difflugia lucida-type ; difobl, Difflugia oblonga-
type ; difpri, Difflugia pristis-type ; difpul, Difflugia pulex ; eugrot, Euglypha rotunda-type ; eugstri,
Euglypha strigosa-type ; eugtub, Euglypha tuberculata-type ; helsyl, Heleopera sylvatica ; nebboh,
Nebela bohemica ; nebcoll, Nebela collaris-yype ; nebmil, Nebela militaris-type ; nebpar, Nebela
parvula ; nebtin, Nebela tincta-type ; nebtub, Nebela tubulosa-type ; nebvit, Nebela vitreae-type ;
nebwai, Nebela wailesi-type ; phracr, Phryganella acropodia ; pseful, Pseudodifflugia fulva-type ;
quasym, Quadrulella symmetrica ; traden, Tracheleuglypha dentata ; trilin, Trinema lineare-type. Les
cercles, figure a), représentent des assemblages d’espèces.
Table 2. Contribution des variables environnementales à la formation des axes 1 et 2
Axe 1 Axe 2
Ouverture 0.8558670
-0.4464084
Sol 0.2914822
0.9434986
pH 0.1369579
0.6881991
55
D
ISCUSSION
Il faut tout d’abord noter que cette étude
présente certains biais à prendre en compte
lors des interprétations. En effet, les
comptages étant réalisés par trois
expérimentateurs, l’identification des
thécamoebiens a pu être biaisée. Pour
minimiser cet effet, les trois personnes ont
participé au dénombrement de chaque
milieu échantillonné. Des études récentes
montrent en outre que les facteurs
environnementaux abiotiques et biotiques
affectent la morphologie de la coquille
(Mitchell et al., 2008). D’autre part, les
thécamoebiens sont caractérisés par un
degré élevé de variabilité morphologique à
la fois entre et au sein des populations
(Bobrov & Mazei, 2004). Une telle
variabilité peut affecter les identifications.
1- Concentration en thécamoebiens et
richesse spécifique des milieux
Aucune tablette de Lycopodium permettant
d’estimer la concentration en thécamoe-
biens n’ayant été utilisée, la concentration
en thécamoebiens ne peut être estimée
qu’en fonction du nombre de lames
comptées pour atteindre 150 individus. Un
milieu nécessitant plus de lames qu’un
autre présente forcément une concentration
plus faible, mais l’écart réel ne peut être
calculé.
D’ailleurs, ce seuil de comptage fixé à 150
individus a été sous-estimé. Payne &
Mitchell (2008) avaient effectivement
expliqué que cette valeur suffisait pour
obtenir une représentation satisfaisante de
la diversité tout en gardant une précision
statistique correcte. Cependant, lors de
cette étude, il est apparu qu’il était
nécessaire d’augmenter ce seuil.
L’échantillon PLA 4, dans lequel 164
individus ont été dénombrés, fait d’ailleurs
partie de ceux présentant une courbe de
raréfaction correcte (Fig. 2), ce qui tend à
prouver qu’en augmentant le nombre de
comptage, la biodiversité de chaque milieu
est mieux représentée. De plus, Schönborn
(1962) explique que la température
provoque la réduction du temps de
génération. Etant donné que les
échantillons ont été prélevés au mois de
janvier, dans des conditions de faible
température, le nombre d’individus trouvés
dans les milieux est donc probablement
minimal.
2- Hydrologie et thécamoebiens
L’humidité constitue le facteur principal de
répartition des amibes, puisque la quantité
d’eau présente dans un milieu représente
l’espace de développement des individus.
D’après certaines études (par exemple,
Tolonen et al., 1992), les tests aplatis et de
petites tailles peuvent coloniser des
espaces plus petits, avec une faible
épaisseur d’eau : Arcella discoides,
essentiellement présente dans la mare de
MAR 1, est un disque circulaire aplati,
d’un diamètre inférieur à 100 µm. Ce
milieu, étant dépendant des précipitations,
peut fréquemment voir son taux d’humidité
diminuer. D’après sa taille et sa forme
relativement petites, cette espèce d’Arcella
serait donc adaptée à une humidité
variable. Par contre, Nebela tubulosa,
essentiellement observée dans la
résurgence DRO 1, correspond à une
amide de longueur supérieure à 175 µm.
Son développement nécessite donc une
forte humidité, que l’on retrouve bien dans
DRO 1.
Cependant, la morphologie des
thécamoebiens n’est pas toujours
forcement liée à l’humidité. En effet, dans
cette étude, une espèce comme Centropyxis
aculeata, proche de 75 µm, apparaît
principalement dans DRO 1 et THI 1. Ces
milieux contiennent théoriquement une
grande quantité d’eau, et donc une forte
humidité pour un thécamoebien de petite
taille. D’ailleurs, certaines études (Tolonen
et al., 1992), qui comparent les préférences
hydrologiques entre espèces, caractérisent
ce Centropyxis comme l’une des espèces
appréciant le plus les milieux humides.
Ainsi, les taux d’humidité distincts entre
les milieux est en partie à l’origine des
différents assemblages de thécamoebiens.
Sur la Figure 4b, les milieux apparaissent
relativement éloignés, sauf BOU 1 et MAR
56
1 très proches l’un de l’autre. Cette
proximité peut s’expliquer par le fait qu’ils
ont tout deux une quantité d’eau très
variable.
3- Végétation, pH et thécamoebiens
Meisterfeld (1977) a montré que dans les
communautés de sphaignes, la lumière et
l’oxygène sont des facteurs importants du
milieu de vie des thécamoebiens. En effet,
les tapis de sphaignes interceptent la
lumière arrivant à la surface. Les sphaignes
échantillonnées ne s’étant accumulées que
sur quelques centimètres d’épaisseur, les
assemblages représentent seulement la
couche superficielle des milieux, avec des
variations de lumière et d’oxygène
probablement faibles.
Les sphaignes constituent des milieux
riches en thécamoebiens (Mitchell et al.,
2000), ce que l’étude montre effectivement
à travers la Figure 4a. Par exemple,
l’espèce Nebela tincta, décrite par Chardez
(1965) comme très commune dans les
mousses et l’humus, est observée dans les
milieux MOU 1 et FAG 1 correspondant
aux milieux à sphaignes. D’après Van
Breemen (1995), les sphaignes se
développent préférentiellement dans les
milieux acides. Les milieux PLA 4, MOU
1 et FAG 1 sont effectivement parmi les
plus acides et sont composés de sphaignes.
Mieczan (2007) a étudié les préférences
d’habitat et a déterminé que certains taxons
comme Assulina et Euglypha présentent
des préférences pour un faible pH.
Assulina muscorum, seule espèce
représentée du genre Assulina, est
uniquement présente dans les milieux
ayant les pH les plus faibles. L’observation
est identique pour les espèces du taxon
Euglypha, présentes en plus faible
abondance dans les milieux à pH élevés.
On retrouve l’ensemble de ces espèces,
hormis Euglypha tuberculata, dans le
groupe associé aux milieux de sphaignes
(Fig. 4a).
Les axes des variables Sol et pH sont
orientés dans la même direction, ce qui est
cohérent car le sol régit le pH du milieu.
La composition des milieux en
thécamoebiens étant fonction du pH, qui
favorise directement ou indirectement la
présence de sphaignes, le sol va donc
influencer la diversité des thécamoebiens.
Finalement, même s’il a été démontré que
les thécamoebiens sont sensibles aux
microvariations au sein d’un habitat et aux
macrovariations entre différentes régions
géographiques (Mitchell et al., 1999), les
données de cette étude montrent une
capacité d’adaptation relativement élevée.
En effet, les dénombrements réalisés
présentent un nombre important d’espèces
identifiées, avec 45 espèces observées sur
près de 80 actuellement référencées. Cela
peut s’expliquer par le fait que certaines
soient cosmopolites, et d’autres spécifiques
à certaines caractéristiques de milieu.
Wilkinson (2001) suggère d’ailleurs que
les petites espèces peuvent être
passivement transportées sur de longues
distances, alors que ceci serait impossible
pour les plus grandes. De même, les
différences de répartition entre espèces
peuvent présenter un lien avec leurs
habitats : les espèces vivant plus en surface
sont susceptibles d’être transportées plus
facilement.
C
ONCLUSIONS
Afin d’améliorer cette étude, il serait
intéressant d’augmenter le nombre
d’échantillonnages des différents types de
milieu. Ajouter des milieux tourbeux, que
les thécamoebiens affectionnent particuliè-
rement, permettrait d’obtenir de nouveaux
types de milieux et d’avoir des milieux
plus représentatifs (Cubizolle & Sacca,
2004). D’autre part, les relations entre
assemblages et gradients environnemen-
taux étant aussi connues pour la végétation
(Glaser et al, 1990), il pourrait être
intéressant d’associer les relevées
botaniques des zones échantillonnées en
tant que variables supplémentaires.
Cette étude a permis de mettre en évidence
que l’humidité, le pH et la présence de
sphaignes dans un milieu vont impacter la
composition de celui-ci en termes de
richesse spécifique et d’abondance en
57
thécamoebiens. Cela est dû à l’affinité et
aux caractéristiques physiologiques qu’ont
les taxons ou les espèces avec les
différentes variables environnementales. Il
existe également d’autres facteurs, tels que
la quantité de carbone et d’azote, qui
affectent les thécamoebiens et seraient
donc à prendre en considération (Martini et
al., 2006). Ainsi, malgré ces préférences,
un grand nombre de taxons sont
cosmopolites et se retrouvent dans
l’ensemble des milieux.
D’autres études sur ces sites pourraient
ainsi permettent d’approfondir la question
de l’assemblage des thécamoebiens selon
les différentes variables environnemen-
tales. En suivant cette démarche sur
plusieurs années on pourrait suivre
l’évolution des sites au cours du temps et
ainsi reconstituer leur dynamique.
R
EFERENCES
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59
A
NNEXES
Annexe 1 : Présentation des sites. Le pH a été mesuré sur le terrain (pH
T
) et au laboratoire
(pH
L
).
Ruisseau de la Fage : FAG 1
Végétation : Arbutus unedo, Erica
arborea, Sphagnum auriculatum.
pH
T
: 5-6 ; pH
L
: 6,40
Surface du prélèvement : 4 m
2
Station Droséra : DRO 1
Végétation : Calluna vulgaris, Carex
flacca, Castanea sativa, Cistus spp., Erica
arborea, E. cinerea, E. scoparia,
Eupatorium cannabinum, Genista pilosa,
Juncus bulbosus, J. effusus, Molinia
caerulea, Pinus pinaster, Pteridium
aquilinum, Succisa pratensis.
pH
T
: 5 ; pH
L
: 6,17
Surface : 4 m
2
Particularité : eau trouble provenant de
suintements entre des couches perméable
et imperméable.
Le Bourget : BOU 4
Végétation : Cynodon dactylon, Cyperus
longus, Dactylis glomerata, Linum
angustifolium, Oenothera biennis,
Ranunculus sardous, Sedum rupestre.
pH
T
: 6 ; pH
L
: 6 ,90
Surface : 2 m²
Particularité : mare temporaire cupulaire
liée à la présence de roche affleurante.
Source de Moulinas : MOU 1
Végétation (versant nord d’une
châtaigneraie) : Agrostis capillaris,
Arbutus unedo, Calluna vulgaris, Erica
scoparia, Ilex aquifolium, Juniperus
communis, Lonicera peryclimenum, Pinus
pinaster, Polytrichastrum formosum,
Quercus ilex, Rubus sp., Sorbus aria,
Sphagnum subnitens, Teucrium
scorodonia.
pH
T
: 5 ; pH
L
: 5,85
Surface : 4 m²
Le Thieure : THI 1
Végétation : Alnus glutinosa, Fraxinus
excelsior, Rubus sp.
pH
T
: 7 ; pH
L
: 7,49
Surface :
0,2 m²
Particularité : prélèvement sur un muret
Le Martinet : MAR 1
Végétation : Alnus glutinosa, Bambusa sp.,
Castanea sativa, Celtis australis, Corylus
avellana, Populus nigra, Quercus ilex, Q.
pubescens, Robinia pseudoacacia, Salix sp.
pH
T
: 6 ; pH
L
: 6,66
Surface : 1,5 m² ; profondeur : 10 cm
Particularité : flaque, dans un lit de rivière
Les Planasses : PLA 4
Végétation : Calluna vulgaris, Centaurea
pectinata, Danthonia decumbens, Erica
scoparia, Juniperus communis, Nardus
stricta, Pinus nigra, P. pinaster, P.
sylvestris, Polytrichastrum formosum,
Sphagnum auriculatum
pH
T
: 5 ; pH
L
: 6,53
Surface : 0,5 m²
60
Annexe 2 : Protocole d’extraction des thécamoebiens
Ce protocole, inspiré de celui de Hendon & Charman (1997) et Charman et al. (2000), s’applique
pour des échantillons comprenant des sédiments ainsi que des végétaux.
1) Tamiser le mélange entre 250 et 10 µm afin de garder que les organismes ou les éléments
compris entre ces tailles ;
2) Centrifuger 5 mn à 3000 tours/mn ;
3) Enlever le surnageant ;
4) Rajouter deux gouttes de safranine afin de colorer l’échantillon ;
5) Le rincer à l’eau distillée, le centrifuger à nouveau et enlever le surnageant ;
6) Prendre une lame, mettre quelques gouttes de la préparation avec une goutte de glycérol ;
7) S’assurer que tout le matériel est bien rincé à l’eau distillée entre chaque échantillon afin
d’éviter une contamination entre ceux-ci.
61
A
NNEXE
3 – Photographies de certains thécamoebiens recensés dans l’étude
ARCELLA
A. catinus-type A. crenulata-type A. discoides-type A. hemispherica-type
ASSULINA
Assulina muscorum
CENTROPYXIS
C. aculeata-type C. platystoma-type
CORYTHION-TRINEMA
Trinema/Corythion
CYCLOPYXIS
Cyclopyxis arcelloides-type
DIFFLUGIA
Difflugia globulosa Difflugia pristis-type Difflugia lucida-type
62
EUGLYPHA
E. rotunda-type E. strigosa-type E. tuberculata-type E. cristata
LESQUEREUSIA
Lesquereusia spiralis
NEBELA
Nebela bohemica Nebela collaris Nebela militaris Nebela parvula
Nebela wailesi Nebela tubulosa Nebela vitraea Nebela tincta
QUADRULELLA
Quadrulella symmetrica
63
E
TUDE ANTHRACOLOGIQUE D'UN SONDAGE DE LA
COUVERTURE SEDIMENTAIRE DU TUMULUS DU SIGNAL DE
LA LICHERE (HAUTE VALLEE DU GALEIZON, LOZERE,
FRANCE) : ELEMENTS DE COMPARAISON ENTRE PAYSAGE
ACTUEL ET VEGETATION PASSEE
Aude Courgeon
1
, Anne-Hélène Pierre
2
, Andréa Theil
3
Centre de Bio-Archéologie et d’Ecologie
Institut de Botanique, 163 Rue Auguste Broussonet, 34090 Montpellier, France
1
aude.courgeon@etud.univ-montp2.fr,
2
annehelene.pierre@etud.univ-montp2.fr,
3
andrea.theil@etud.univ-montp2.fr
Encadrement : Jean-Frédéric Terral, Christian Anton – Lucie Chabal, Philippe Poirier
(anthracologie)
Résumé :
Parmi les approches paléoenvironnementales qui permettent de saisir les transformations du
couvert végétal, l’anthracologie tente de reconstituer une image (de locale à régionale) des végétations
passées à partir de l’identification taxonomique de restes carbonisés prélevés en contexte sédimentaire
naturel ou en contexte archéologique. La méthode de l’anthraco-analyse a été appliquée à des charbons de
bois mis au jour lors d’un sondage réalisé dans la couverture sédimentaire du Tumulus de la Lichère
(Cévennes, France) à différentes profondeurs. Bien que l’on ne puisse considérer le sondage comme une
séquence stratigraphique et l’étude comme une approche diachronique, les résultats font état sur la base de
faibles effectifs, des variations antagonistes des fréquences en chêne à feuillage caduc (Quercus f.c.) et en
bruyère (Erica type arborea). Ces variations pourraient traduire l’ouverture et la dégradation progressive
d’une chênaie méso-supraméditerranéenne et l’installation concomitante d’une lande à bruyères répondant à
une dynamique écologique régie essentiellement par des contraintes anthropiques (pastoralisme ou
incendies)
.
Mots-clés :
Anthracologie, action anthropique, tumulus, vallée du Galeizon, végétations
Abstract : Among palaeoenvironmental approaches allowing to apprehend changes in vegetation cover,
anthracology (or charcoal analysis) attempts to reconstruct ancient vegetations (from local to regional) on the
basis of the identification of charred wood remains recovered from natural sedimentary or archaeological
contexts. Anthracological method was applied to charred wood remains excavated at different depths from
the survey of the sediment mound of a Tumulus (Signal de la Lichère, Cévennes region, France). Although
we cannot consider the survey as a stratigraphic sequence and the study as a diachronic approach, the results
based on a small number of samples show antagonist variations in frequency of deciduous oak and heather
(Erica type arborea). These variations may reflect the opening and the gradual degradation of a meso-
supramediterranean oak woodland and concomitantly, the installation of a heath matching to an ecological
dynamic governed mostly by anthropogenic factors (grazing or fire).
Keywords : Anthracology (charcoal analysis), human influence, palaeoenvironment, tumulus, Galeizon
valley
64
es études paléoenvironnemen-tales
permettent de reconstituer
l’histoire des
écosystèmes passés
et de cibler les facteurs écologi-
ques, abiotiques et/ou biotiques,
responsables des changements de végétation.
Pour ce faire, plusieurs stratégies méthodo-
logiques propres à différents domaines
disciplinaires peuvent être mises en
application (Bourquin-Mignot et al., 1999).
L’une d’entre d’elles, l’anthracologie ou
anthraco-analyse (Chabal, 1997) a été mise en
œuvre à partir d’un corpus de charbons de
bois mis au jour lors d’un sondage
préliminaire réalisé en janvier 2012 dans la
couverture sédimentaire d’un tumulus situé
près du Signal de la Lichère, au nord de la
vallée du Galeizon (Gard, France) (Fig. 1).
Figure 1. Localisation du site d’étude dans le contexte géologique et phytogéographique de la vallée du
Galeizon
Le Bassin versant du Galeizon, d’orientation
Nord-ouest / Sud-est, couvre une surface
d’environ 8800 ha. Cette vallée est située au
Nord-Ouest de la ville d’Alès (Gard). Elle
correspond au territoire partagé entre les
communes de Cendras, Soustelle, Saint Paul
La Coste, Lamelouze et St Martin-de-
Boubaux réparties sur deux départements : le
Gard et la Lozère. La vallée du Galeizon est
composée pour l’essentiel de deux unités dont
la géologie structure la végétation (Fig. 1 ;
Boyaval et al., 2013) : une unité schisteuse en
amont, caractérisée à basse altitude par le
chêne vert (Quercus ilex), des boisements à
pins (pin maritime, Pinus pinaster,
majoritairement) et le châtaignier (Castanea
sativa) dans les zones plus élevées de la
vallée (étage bioclimatique méso-supramé-
diterranéen) et une unité cévenole calcaire en
aval, dominée par un matorral à chêne vert et
ponctuellement une chênaie mixte (chêne
vert / chêne pubescent, Quercus pubescens).
Ces unités, séparées par la faille géologique
de Soustelle (ou de la Croix des Vents)
orientée Nord - Nord-ouest / Sud - Sud-est,
constituent respectivement 85 % et 15 % du
bassin versant. Outre le contexte géologique,
d’autres facteurs sont responsables de
l’appauvrissement et de l’homogénéisation
des ceintures végétales.
A partir de données récoltées sur le terrain et
du travail bibliographique réalisé, cet article
tente d’aborder les grandes lignes de la
modification du paysage dans la vallée du
L
65
Galeizon. Ce territoire est occupé par
l’Homme depuis près de 6000 ans, comme en
témoignent le grand nombre de vestiges
archéologiques recensés dans la région (Dedet
& Gauthey, 1994 ; Anton, 2010), notamment
des sites funéraires et des roches gravées
(Fig. 2).
Un sondage a été réalisé dans une butte
recouvrant entièrement le Tumulus de la
Lichère dont la fouille archéologique n’a pas
encore été réalisée (Fig. 3). Les charbons de
bois recueillis à différentes profondeurs ont
été étudiés à l’aide de la méthode de
l’anthraco-analyse dans le but de fournir des
éléments préliminaires concernant les
changements de végétation intervenus au
cours du temps. Les résultats sont discutés à
la lumière du boisement actuel et de données
paléoécologiques régionales, tout en gardant à
l’esprit que l’échantillonnage réalisé à
différentes profondeurs ne peut être considéré
comme une séquence stratigraphique, les
charbons de bois n’ayant pu être datés.
M
ATERIEL ET METHODES
1- Localisation et présentations des
éléments phytoécologiques du site d’étude
Le site d’étude (766 m d’altitude - 44° 12’
55.97" N / 03° 56’ 10.17" E), localisé à
l’ouest du signal de Lichère dans la haute
Vallée du Galeizon (Fig. 2), inclut un tumulus
datant approximativement du second
millénaire avant notre ère (C. Anton, com.
pers.).
Figure 2. Cupules (réseau de cavités) creusées
durant la Préhistoire sur une dalle de micaschiste
(Photo. J.-F. Terral).
Figure 3. Coupe longitudinale théorique du Tumulus de la Lichère sur laquelle le sondage a été réalisé.
C’est une sépulture surplombée de dalles
schisteuses, elles-mêmes recouvertes par des
sédiments sur lesquels des végétaux
(herbacées et petits ligneux) se sont installés.
Le Tumulus est situé sur un replat dans une
pente orientée vers l’ouest, au sein d’un
milieu ouvert où l’on retrouve majoritaire-
ment des individus de chêne vert de petite
taille, Quercus ilex (Fagacées) et des
Ericacées (bruyère cendrée : Erica cinerea ;
bruyère arborescente : Erica arborea ;
callune : Calluna vulgaris). La callune est une
espèce héliophile pionnière qui supporte bien
les incendies grâce à sa forte capacité de
66
régénération. On remarque également la
présence de genêt à balai (Cytisus scoparius,
Fabacées), de cade (Juniperus oxycedrus,
Cupressacées) et de filaire à feuilles étroites
(Phillyrea angustifolia, Oléacées). La zone est
environnée par des zones forestières dominées
par plusieurs espèces de Pinacées : le pin
maritime (Pinus pinaster), le pin laricio de
Corse (Pinus nigra subsp laricio), le pin
sylvestre (Pinus sylvestris) et probablement
quelques rares individus de pins de Salzmann
(Pinus nigra subsp. salzmannii), dont la
distinction avec le pin laricio est difficile. On
retrouve plus en altitude, préférentiellement
au niveau de faibles résurgences des petits
bosquets de bouleau (Betula pendula,
Bétulacées). Partout aux alentours du site, des
taillis de châtaignier sont présents.
2- Sondage sédimentaire et collecte de
charbons de bois
Les sédiments recouvrant la partie la plus
profonde de la sépulture ont été prélevés à
différentes profondeurs sur un carré de 50 cm
de côté, jusque la progression en profondeur
ne soit plus possible : 10, 20, 30, 40 et 50 cm.
Le sédiment est préalablement trié afin de
récupérer les charbons de bois de plus grosses
tailles, bien visibles. Un second tri est réalisé
en laboratoire avec un tamis à maille de 4 mm
afin de collecter les charbons de petite taille
pouvant être analysés.
3. Méthode de l’anthraco-analyse
La méthode de l’anthraco-analyse consiste en
l’identification taxonomique des charbons de
bois dont les caractères anatomiques sont
observés à partir de 3 plans de coupe réalisés
manuellement (sections transversale, longitu-
dinale radiale et longitudinale tangentielle) à
l’aide d’un microscope à réflexion. L’identifi-
cation des charbons de bois a été faite à l’aide
de l’anthracothèque de référence du CBAE et
d’ouvrages spécialisés (Schweingruber, 1990 ;
Vernet, 2001 ; http://www.woodanatomy.ch/).
R
ESULTATS
50 fragments de charbons de bois ont été
collectés et observés en microscopie à
réflexion (Tab. 1). Deux fragments de trop
petite taille n’ont pu être analysés. 48 d’entre
eux ont pu être identifiés, le plus souvent au
niveau du genre. Toutefois, les caractéris-
tiques anatomiques de certains charbons
plaident en la faveur de certaines espèces ou
groupes d’espèces.
Table 1. Résultats bruts (charbons de bois étudiés, taxons déterminés et fréquences absolues) de l’analyse
anthracologique.
Taxons reconnus
Profondeur du
prélèvement (cm)
Nombre de
charbons
étudiés
Nombre de
charbons
indéterminables Erica type
arborea Quercus à
feuillage caduc Pinus
10 11 0 9 2 0
20 15 1 12 2 0
30 9 0 4 4 1
40 8 1 1 6 0
50 7 0 0 7 0
Total 50 2 26 21 1
Les taxons identifiés sont Erica type arborea,
Quercus à feuillage caduc et Pinus (Tab. 1).
Le châtaignier pourtant très présent dans la
végétation environnante du site n’a pas été
relevé dans l’assemblage anthracologique.
L’espèce la plus abondante dans l’assemblage
est Erica arborea, tout particulièrement dans
la partie supérieure du sondage. Il est
d’ailleurs intéressant de noter que depuis la
base (50 cm) jusqu’au somment du sondage
67
(10 cm), les fréquences absolues d’Erica type
arborea et de Quercus à f.c. varient de
manière diamétralement opposée (Fig. 4). Les
niveaux inférieurs sont caractérisés par la
présence de charbons de chêne alors que les
niveaux supérieurs sont dominés par la
bruyère. Seul un charbon attribué au genre
Pinus a pu être mis en évidence, mais son
identification au niveau spécifique n’a pas été
possible.
Figure 4. Variations des fréquences en charbons
de bois de Quercus f.c. (chêne à feuillage caduc)
et d’Erica type arborea (Bruyère type b.
arborescente) en fonction de la profondeur des
prélèvements.
D
ISCUSSION
1- Relations entre les indices
anthracologiques et la végétation actuelle
Outre l’unique et anecdotique échantillon de
pin mis en évidence par l’analyse
anthracologique, la bruyère arborescente
(Erica type arborea) identifiée dans
l’assemblage anthracologique est omni-
présente dans la végétation actuelle des
environs du tumulus du Signal de la Lichère.
Par contre, malgré un examen attentif des
végétaux ligneux se développant dans la zone
d’étude, aucun chêne blanc (Quercus
pubescens) n’a été recensé. D’après nos
observations, le chêne blanc se cantonne
actuellement plus au sud dans la vallée et sur
l’autre versant de la vallée du Galeizon, zones
caractérisées par un substrat calcaire où il
forme des chênaies mixtes, en association
avec le chêne vert (Quercus ilex) (Fig. 1).
2- Signification écologique de la présence
dans l’assemblage anthracologique de la
bruyère arborescente et du chêne
pubescent
La mise en évidence de charbons de bois
appartenant à Erica type arborea témoigne de
l’existence d’une formation végétale ouverte
spécifique de substrats acides tels que les
schistes. Aujourd’hui, elle est omniprésente et
constitue dans la vallée du Galeizon, des
landes où elle côtoie la bruyère cendrée
(Erica cinerea), la bruyère à balais (E.
scoparia) et la callune (Calluna vulgaris).
Elle peut également être observée en
association avec des espèces sclérophylles
(filaires, Phillyrea angustifolia et P. latifolia ;
arbousier, Arbutus unedo) dans des matorrals
silicicoles à chêne vert. Dans les deux cas,
elle semble constituer un bon marqueur de
formations perturbées (végétation post-
incendie) ou de formations plus directement
aux prises avec l’anthropisation (zones où la
pression pastorale est récurrente).
Aussi, compte tenu de la présence actuelle de
la bruyère arborescente autour du site d’étude,
nous sommes en droit de nous demander si les
charbons de bois extraits de nos échantillons
ne seraient pas issus de végétaux récemment
incendiés. Après le feu, des processus post-
dépositionnels ou érosifs auraient pu
contribuer à faire migrer les charbons vers la
butte du Tumulus et certains fragments
auraient pu être entrainés au sein des
sédiments lors de la croissance de racines de
végétaux (un chêne vert de 50 cm de hauteur
environ est enraciné sur la couverture du
Tumulus). Pourtant, les variations des
fréquences en bruyère arborescente n’est pas
homogène sur notre séquence ; plus encore,
elles sont en constante progression depuis la
base de la séquence où elle est absente
jusqu’au niveau sommital. De manière
concomitante, les fréquences en chêne à
feuillage caduc diminuent.
68
Compte tenu du faible nombre de charbons de
bois étudiés, du faible nombre d’espèces
identifiées et du fait que nous ne disposons
d’aucun élément tangible pour considérer que
nos échantillons sont stratifiés de manière
diachronique, il nous est difficile d’interpréter
l’antagonisme observé des variations de
fréquence de bruyère arborescente et de chêne
de type pubescent. Toutefois, dans
l’hypothèse selon laquelle les charbons de
bois seraient stratifiés chronologiquement, le
spectre anthracologique obtenu traduirait
l’ouverture et la dégradation progressive de la
chênaie supraméditerranéenne reconquise par
une lande à bruyères, dynamique de
végétation régie probablement par des
pressions anthropiques ou de perturbations
récurrente et brutales telles que des incendies.
3- Le chêne et la bruyère dans l’histoire
holocène régionale de la végétation
Les études palynologiques réalisées sur le
Mont Lozère (De Beaulieu & Gilot, 1972 ;
Reille, 1988) montrent que la végétation des
Cévennes était dominée au Préboréal (premier
étage de l’Holocène, de 11 000 à 10 000
cal. BP) par des pins (végétation composée de
plus de 45% de Pinus type sylvestris). Ces
auteurs ont également noté la présence
précoce du noisetier (Corylus), qui a joué un
rôle pionnier important au Boréal (10 000-
9000 cal. BP). Au début de l’Atlantique, aux
alentours de 9000 cal. BP, Quercus s’est
imposé dans les paysages, parallèlement à la
régression des pinèdes. Jusqu’à la fin de
l’Atlantique (5500 cal. BP), avant que les
pratiques humaines ne commencent à avoir
une influence significative sur le milieu, la
chênaie mixte dominait entièrement les
paysages. Les pelouses d’altitude n’étaient en
particulier pas encore utilisées pour le
pastoralisme. Le développement des
populations néolithiques entraîne à partir du
Subboréal (5500-2800 cal. BP) une régression
des chênaies caducifoliées au profit du hêtre
(Fagus sylvatica) et du sapin (Abies alba).
Largement favorisée par l’homme, l hêtraie
s’est développée au cours des derniers 5
derniers millénaires depuis les montagnes
méditerranéennes jusqu’au rebord cévenol
(Vernet, 2006).
Les fluctuations de végétation, peut-être en
partie dues aux variations climatiques du
Néolithique, peuvent surtout être expliquées
par la présence de l’Homme dont les indices
d’occupation de la vallée sont nombreux
(Fig. 2). Lors de l’installation, au Néolithique
moyen (vers 5000 cal. BP), des populations
chasséennes dans les Cévennes, les paysages
étaient dominés sans partage par la chênaie
caducifoliée atlantique (Reille, 1988). Ces
populations semblent avoir largement utilisé
le débroussaillement par le feu (écobuage) qui
aurait eu pour conséquence d’ouvrir le milieu
et de favoriser les bruyères, notamment la
bruyère arborescente. Bien que non datés, les
charbons récoltés le plus profondément dans
le sondage pratiqué du tumulus de la Lichère
trouvent peut être leur origine dans cette
technique.
Le développement de l’agriculture et du
pastoralisme, entraînant l’ouverture du milieu,
ont provoqué la régression des chênes
caducifoliés entre 6000 et 4000 cal. BP. La
métallurgie, grande consommatrice de
combustible, a également été l’un des facteurs
prédominant dans l’intensification de
l’exploitation des forêts. Enfin, les chênes
caducifoliés ont été exploités en tant que bois
de construction ou bois de chauffage (Durand,
2000). Dans ces nouvelles conditions, la
chênaie, concurrencée en altitude par la
hêtraie, s’est maintenue à basse altitude
jusqu’à l’époque romaine (second âge du
Fer), où elle a été supplantée dans les zones
siliceuses des Cévennes. Le développement
des châtaigneraies a constitué une nouvelle
manne commerciale pour la région, d’abord
au Moyen-âge puis à l’époque moderne. A
partir de l’an 1000 et durant plusieurs siècles,
l’Homme a procédé à des aménagements
colossaux dans la vallée du Galeizon
(terrasses, calades), qui lui ont permis de créer
des terrains plats cultivables et d’optimiser
l’utilisation de l’eau. Sur ces terrasses, la
culture du châtaignier recouvrait près de 70%
de la surface totale de la vallée au milieu du
XIXe siècle. Au cours du XXe siècle,
accentuée par les grandes guerres et la
recrudescence de maladies sur le châtaignier,
l’exode rural a entraîné l’abandon progressif
de ce territoire. Manquant de moyens humains
69
pour entretenir leurs vergers, les propriétaires
se sont orientés vers des exploitations plus
simples. La châtaigneraie a donc souvent été
exploitée pour son tanin, son bois pour la
construction de piquets. Elle a été ensuite
colonisée par le pin maritime, introduit dans
la région pour l’étayage des galeries de mines
à charbon. En moins de 150 ans, les paysages
dominés par les feuillus se sont transformés
en forêts de résineux, entraînant la fermeture
des milieux et l’érosion des sols, et
augmentant considérablement le risque
d’incendie. Les plus récents ont d’ailleurs été
datés à partir d’études dendrochronologiques.
Trois grands feux ont eu lieu ces dernières
années dans la vallée : 1950, 1982 et 2006-
2007 (C. Karasinski, J. Roy & C. Sabadel,
données non publiées).
C
ONCLUSION
Dans les Cévennes méditerranéennes,
l’agriculture, le pastoralisme puis la
métallurgie ont entraîné, à partir de la fin du
Néolithique, la régression de la chênaie
caducifoliée au profit de l’extension des
landes à bruyères. Dès l’âge du Fer et à
l’Antiquité, l’introduction du châtaignier a
encore aggravé la régression de la chênaie.
Après deux millénaires d’exploitation, la
châtaigneraie est depuis 50 à 100 ans laissée à
l’abandon : elle est colonisée par les espèces
pionnières comme les bruyères ou les pins
introduits.
Bien que les données récoltées sur le terrain
concordent bien avec les informations tirées
de la bibliographie, l’interprétation de nos
résultats reste très spéculative. Ceci ne nous
permet pas de répondre pleinement à la
problématique de départ. En effet, l’étude
comporte certaines limites. Tout d’abord, les
charbons récoltés sur le Tumulus étaient pour
la plupart de très petite taille, et n’ont pas
permis de réaliser des coupes assez précises
pour pouvoir identifier l’intégralité du
matériel, entraînant un manque de robustesse
concernant l’analyse des résultats. De plus, il
aurait été nécessaire de réaliser des
prélèvements dans des couches plus profon-
des afin d’avoir une vision plus large de l’état
de la végétation passée. Enfin, la datation des
charbons au Carbone 14 aurait permis de
donner la dimension chronologique nécessaire
à cette étude.
Ce travail est une introduction aux fouilles
prévues, mais non encore programmées. Les
moyens de datation qui y seront mis en œuvre
et des recherches plus approfondies permet-
tront de préciser les aspects post-
dépositionnels et les changements de
végétations.
R
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