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Article
«Conceptualisation multimodale de l’engagement professionnel et associations avec le bien-
être chez des enseignants du primaire»
Audrey Morin, Anne Brault-Labbé et Audrey Brassard
Revue des sciences de l'éducation
, vol. 39, n° 3, 2013, p. 571-595.
Pour citer cet article, utiliser l'information suivante :
URI: http://id.erudit.org/iderudit/1026313ar
DOI: 10.7202/1026313ar
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Volume 39, no 3, 2013 571 - 595
Conceptualisation multimodale de
l’engagement professionnel et associations
avec le bien-être chez des enseignants
du primaire1
Audrey Morin Anne Brault-Labbé
Diplômée en psychologie Professeure
Université de Sherbrooke Université de Sherbrooke
Audrey Brassard
Professeure
Université de Sherbrooke
résum é • Le présent article vise à étudier les liens entre l’engagement professionnel,
le surengagement, le sousrengagement et le bien-être personnel auprès d’un
échantillon de 223 enseignants québécois. Les participants ont rempli une série de
questionnaires autoadministrés incluant le Questionnaire multimodal d’engagement
professionnel et plusieurs échelles mesurant le bien-être. De façon générale, les
régressions standard et hiérarchiques ont démontré que l’engagement optimal et
ses composantes sont liés positivement au bien-être, alors que le surengagement
et le sousrengagement ainsi que leurs composantes sont liés négativement au
bien-être. Les limites et les pistes de recherches futures sont discutées.
mots clés • Engagement professionnel, surengagement, sousrengagement,
bien-être, enseignants.
1. Le présent manuscrit a été produit dans le cad re d’une recherche menée sous la responsabilité
de la deuxième auteure et ayant obtenu le soutien financier du Fonds québécois de recherche
sur la société et la culture (FQRSC) et du ministère de l’éducation, des loisirs et du sport du
Québec (MELS), dans le cadre du programme d’Actions concertées Persévérance et réussite
scolaire, phase II.
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1. Introduction et problématique
Au Québec, avec la modification des curriculums (par exemple, la réforme sco-
laire) et la professionnalisation de la pratique enseignante, les enseignants sont
amenés à développer de nouvelles compétences (Conseil supérieur de l’éducation,
2004) et à exercer une tâche qui se complexifie et s’alourdit sans cesse (Chartrand,
2006). Ce nouveau contexte accentue leur stress et est susceptible de mettre en
péril leur santé psychologique (Fernandes et Da Rocha, 2009). En effet, 60 % des
enseignants québécois ressentiraient des symptômes associés à l’épuisement
professionnel chaque mois, et 23 % d’entre eux auraient l’intention de quitter la
profession d’ici 2015 (Houlfort et Sauvé, 2010). Ainsi, une question se pose : par
quel moyen peuvent-ils préserver leur santé psychologique et maintenir leur
investissement au sein de leur profession en dépit des difficultés qu’ils ren-
contrent ? L’étude du lien entre leur mode d’engagement professionnel et leur
bien-être semble pouvoir apporter des éléments de réponse à cette problématique
préoccupante.
En effet, dans de nombreuses professions, les bénéfices de l’engagement pro-
fessionnel des employés sur le fonctionnement de l’organisation (Bakker et Leiter,
2010), mais aussi sur le bien-être psychologique des employés (Bakker et
Demerouti, 2008) ne se font plus démentir. Toutefois, dans le domaine de l’édu-
cation, aucune étude à ce jour ne s’est intéressée aux effets, sur le bien-être des
enseignants, d’un engagement au travail dit optimal, en considérant également
des modes d’engagement plus problématiques : excessif ou déficitaire. Dans la
présente étude, nous nous proposons d’utiliser le modèle multimodal d’engage-
ment psychologique de Brault-Labbé et Dubé (2009), afin de mieux modéliser de
quelle façon différents modes d ’engagement (engagement optimal, surengagement,
sousrengagement) sont associés au bien-être psychologique chez une population
d’enseignants québécois du primaire.
2. Contexte théorique
2.1 Définitions de l’engagement au travail
Bien que plusieurs définitions de l’engagement se retrouvent dans les écrits, il semble
que certaines composantes ressortent de façon récurrente. Ainsi, on a souvent défini
l’engagement : 1) par l’intérêt et l’attachement accordés par l’individu à l’objet
d’engagement (aspect affectif ) (Meyer et Allen, 1991) ; 2) par son intention à persister
dans son investissement (aspect cognitif) (Adams et Jones, 1997) ; 3) par ses efforts
comportementaux en vue de maintenir son investissement (Rusbult et Farrell,
1983) ; et 4) par la vigueur et l’énergie déployées (aspect motivationnel) (Novacek
et Lazarus, 1990). Depuis les dernières années, dans le domaine du travail, la notion
d’engagement a pris de l’ampleur dans les écrits scientifiques, menant ainsi au
développement de nombreux modèles et instruments de mesures (Simpson, 2009),
sans qu’il y ait toutefois de consensus quant à sa conceptualisation (Schaufeli et
Bakker, 2010). Par exemple, l’objet d’engagement diffère d’un auteur à l’autre, allant
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d’un engagement de l’individu vis-à-vis de son travail (Hakanen, Schaufeli et Aloha,
2008), vis-à-vis de à sa profession (Duchesne, Savoie-Zajc et St-Germain, 2005),
vis-à-vis de différentes cibles au travail (Morin, Madore, Morizot, Boudrias et
Tremblay, 2009) ou vis-à-vis de son organisation (Meyer et Allen, 1991). Cette
grande diversité de définitions concernant l’engagement au travail est également
présente dans le domaine de l’éducation. Certains auteurs réfèrent ainsi à l’enthou-
siasme ressenti (Rosenholtz et Simpson, 1990), à l’utilisation optimale des ressources
personnelles dans les activités professionnelles (Duchesne et al. 2005) et à l’intention
de quitter son poste (Singh et Billingsley, 1998) pour définir l ’engagement de l’ensei-
gnant. Bref, bien que les diverses opérationnalisations de l’engagement professionnel
enrichissent la compréhension du concept, elles rendent également difficile l’étude
du phénomène (Morin et Brault-Labbé, 2014).
La présente étude vise à utiliser le modèle multimodal d’engagement (Brault-
Labbé et Dubé, 2009) appliqué au domaine professionnel (Morin, Brault-Labbé
et Savaria, 2011). Celui-ci offre une conceptualisation multidimensionnelle et
intégrative de l’engagement, tout en y incluant ses contreparties déficitaire (sous-
rengagement) et excessive (surengagement). Ainsi, selon le modèle, l’engagement
professionnel optimal (EPO) se compose de trois dimensions psychologiques qui
interagissent pour permettre à l’individu d’initier et de maintenir un projet pro-
fessionnel (Brault-Labbé et Dubé, 2009 ; Jodoin, 2000). Tout d’abord, la force
affective, soit l’enthousiasme, comprend l’énergie et l’intérêt ressentis envers le
travail. La force comportementale, soit la persévérance, favorise la poursuite de
l’action et des efforts fournis pour maintenir l’implication au travail, et ce, malgré
les difficultés rencontrées. Finalement, la force cognitive, soit la réconciliation des
aspects négatifs et positifs du travail, fait référence à la capacité d’accepter les
bénéfices, mais aussi les coûts associés à l’engagement professionnel.
En contrepartie, le sousrengagement professionnel (SOEP) se définit par : 1)un
manque d’énergie pour réaliser les activités liées à la profession (force motivation-
nelle) ; 2) une perte ou un manque d’intérêt et d’importance accordés au travail
(force affective) ; et 3) un envahissement face aux aspects négatifs du travail, accom-
pagné d’une intention de quitter son emploi (force cognitive-comportementale)
(Morin et al. 2011). Le surengagement professionnel (SEP) se définit par : 1) un intérêt
et une énergie excessifs envers la profession, au détriment des autres activités (com-
posante motivo-affective) ; 2) la perception de faire des sacrifices excessifs et de
négliger des aspects importants de sa vie à cause du travail (force cognitive) ; et 3)
une persistance compulsive dans les tâches reliées au travail (force comportemen-
tale), aux dépens de la santé physique et de l’hygiène de vie.
Selon ce modèle, pour chaque mode d’engagement, les trois composantes ne
sont pas toujours présentes avec la même intensité chez l’individu durant le pro-
cessus d’engagement. Ainsi, des profils variés d’engagement, de surengagement
et de sousrengagement peuvent être distingués en fonction des composantes
prédominantes fluctuantes (par exemple, l’enthousiasme peut être plus présent
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au départ alors qu’ensuite, la persévérance prendrait la relève). Par ailleurs, les
mécanismes psychologiques spécifiques impliqués et leurs associations respectives
avec le bien-être (Morin, 2013) suggèrent l’indépendance des trois modes d’enga-
gement professionnel plutôt que de représenter un seul construit présent à divers
degrés sur un même continuum. En plus de s’appliquer au domaine du travail
(Jodoin, 2000 ; Morin et al. 2011), ce modèle présente l’avantage de pouvoir s’appli-
quer dans toute sphère d’activité, notamment dans le domaine scolaire (Brault-
Labbé et Dubé, 2008, 2010) et conjugal (Brassard, Brault-Labbé et Gasparetto,
2011) ainsi que celui d’examiner de manière nuancée les liens respectifs avec de
nombreux indicateurs positifs et négatifs du bien-être (Brassard et al. 2011 ; Brault-
Labbé et Dubé, 2008, 2010).
2.2 Le bien-être personnel
La notion de bien-être fait l’objet de nombreux travaux, notamment dans le cadre
du courant de la psychologie positive, en plein essor depuis les dernières décennies
(Seligman et Csikszentmihalyi, 2000). Ryan et Deci (2001) proposent l’utilisation
complémentaire des deux approches principales utilisées spécifiquement pour
définir ce concept : les approches hédoniste et eudaimoniste. Dans l’approche
hédoniste, le bien-être subjectif est défini par l’interaction d’une composante
affective (bonheur), qui inclut les affects positifs (expérience émotionnelle
agréable) fréquents et les affects négatifs (expérience émotionnelle désagréable)
peu fréquents, et d’une composante cognitive, où l’individu effectue une évalua-
tion subjective de sa vie, qui fait référence à la satisfaction de vie (Diener, 2009).
Par ailleurs, afin d’obtenir un portrait plus complet, Diener, Sandvik et Pavot
(2009) conseillent d’intégrer la satisfaction dans un domaine spécifique, tel que
la satisfaction professionnelle, à la notion du bien-être subjectif. Parfois comparé
à la satisfaction professionnelle en raison de sa valence émotionnelle positive, il
semble néanmoins que l’engagement professionnel se distingue par l’utilisation
de cette énergie en vue d’une activation cognitive ou comportementale (Macey
et Schneider, 2008). Pour sa part, l’approche eudaimoniste cherche à définir le
bien-être psychologique en identifiant les composantes d’une pleine actualisation
du potentiel humain (Ryff et Keyes, 1995). Le sens donné à la vie, c’est-à-dire la
capacité de l’individu à se sentir en accord avec les choix effectués et à percevoir
des buts qui lui sont importants (Dubé, Jodoin et Kairouz, 1997) fait partie inté-
grante de cette perspective. D’autres chercheurs ont proposé d’ajouter des éléments
reliés à la santé physique (Antonosky, 1987 ; Argyle, 2001) dans la définition du
concept, puisque la qualité de celle-ci serait également une composante essentielle
du bien-être (Seligman et Csikszentmihalyi, 2000).
2.3 Travaux portant sur l’étude des liens entre le bien-être et l’engagement
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professionnel optimal, déficitaire et excessif chez les enseignants
2.3.1 Engagement optimal
Certains auteurs suggèrent que l’engagement est une des voies à privilégier pour
atteindre le bien-être (Dubé et al. 1997 ; Seligman, 2002), puisqu’il permet à l’indi-
vidu d’exprimer son identité et de s’actualiser de façon congruente avec ses valeurs
et ses intérêts personnels (Brault-Labbé, 2011). Parmi les rares travaux qui ont
porté sur le lien entre l’engagement professionnel et le bien-être personnel auprès
d’une population enseignante au Québec, une étude qualitative (Duchesne et al.
2005), réalisée auprès de 12 enseignantes du primaire, a permis de mettre en
lumière les attitudes et comportements adoptés par les répondantes pour leur
permettre d’entretenir un engagement professionnel élevé et, ainsi, de donner un
sens à leur vie. Toutefois, ces dernières étaient sélectionnées en fonction de leur
niveau élevé d’engagement, ce qui ne permet pas de rendre compte de la diversité
d’expériences rencontrées à cet égard chez les enseignants du primaire. Par ail-
leurs, Houlfort et Sauvé (2010) ont étudié diverses variables reliées à la santé
psychologique, dont l’engagement professionnel, chez 1925 enseignants de plu-
sieurs niveaux scolaires. En s’appuyant sur le modèle de l’engagement organisa-
tionnel de Meyer et Allen (1991), les résultats ont révélé que les enseignants en
moins bonne santé psychologique et qui désirent quitter la profession ont un
engagement organisationnel plus faible que les enseignants en bonne santé men-
tale et désirant poursuivre au sein de la profession. D’autres études qui se sont
intéressées au lien unissant l’engagement professionnel et le bien-être psycholo-
gique ont également cherché à prédire l’engagement à partir des indicateurs du
bien-être, en montrant, entre autres, des associations positives entre la satisfaction
professionnelle des populations enseignantes (Anari, 2012) et leur engagement.
Certaines études ont plutôt adopté une approche selon laquelle l’engagement est
abordé comme variable prédictive. Par des analyses de profil latent, l’étude de
Klusmann, Kunter, Trautwein, Lüdtke et Baumert (2008), menée auprès de 1789
enseignants allemands, a révélé que les enseignants qui présentent un niveau d’enga-
gement et de résilience élevé rapportent un plus grand bien-être personnel que les
autres participants. En outre, dans une recherche longitudinale, Innstrand,
Langballe et Falkum (2012) ont étudié le lien réciproque entre l’engagement au
travail et les symptômes anxio-dépressifs chez 3475 professionnels, dont 504 ensei-
gnants. Les résultats montrent que l’engagement au travail au temps 1 diminuait
de manière importante les symptômes d’anxiété et de dépression ressentis deux ans
plus tard. Bien que cette étude ait démontré le caractère évolutif de l’association
entre engagement professionnel et bien-être, ses auteurs n’ont pas tenu compte des
déséquilibres de l’engagement (sousengagement ou surengagement).
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2.3.2 Surengagement
Jusqu’à maintenant, l’engagement excessif a été abordé essentiellement à travers
la notion de workaholisme (Andreassen, Hetland, Molde et Pallesen, 2011 ; Spence
et Robbins, 1992), et peu d’études ont utilisé spécifiquement le concept de suren-
gagement. Les deux études qui l’ont fait auprès d’une population enseignante
(Bellingrath, Rohleder et Kudielka, 2010 ; Von Kanël, Bellingrath et Kudielka,
2009) ont utilisé le modèle Déséquilibre efforts-récompenses (Siegrist, 1996), qui
considère le surengagement comme un style personnel d’adaptation aux demandes
professionnelles qui amène l’individu à surestimer ses ressources et à sous-estimer
les coûts associés à la réponse à ces demandes, ce qui le rendrait plus à risque de
développer des maladies psychologiques et physiques (Siegrist, 1996). Ainsi, dans
les deux cas, les chercheurs ont observé des associations entre le surengagement
et des troubles de santé physique, tels qu’un fonctionnement immunitaire plus
faible (Bellingrath et al. 2010) et une vulnérabilité aux maladies infectieuses (Von
Känel et al. 2009). Une autre étude menée auprès de 235employés de banque
avaient également montré des associations entre un investissement excessif au
travail et divers troubles de santé physique (insomnie, trouble gastrointestinaux,
douleurs musculosquelettiques) (Andreassen et al., (2011).
Jodoin (2000) a été le premier à conceptualiser le surengagement professionnel
en s’appuyant sur le concept d’engagement optimal proposé par Dubé et ses col-
lègues (1997) et à l’étudier en lien avec le bien-être psychologique. Ainsi, dans
deux études menées auprès de 200 administrateurs scolaires et de 220 médecins
spécialistes, des analyses de régressions multiples ont montré que le surengage-
ment est associé négativement au bonheur et à la satisfaction de vie, tandis qu’il
est associé positivement à la fréquence des affects négatifs dans la vie courante.
De tels résultats mériteraient toutefois d’être vérifiés spécifiquement auprès d’un
échantillon d’enseignants, une population particulièrement à risque de vivre des
déséquilibres importants au niveau de son engagement professionnel (Klusmann
et al. 2008).
2.3.3 Sousrengagement
À notre connaissance, aucune recherche référant de manière spécifique au sous-
rengagement n’a été effectuée dans le domaine professionnel. Par certains, l’enga-
gement déficitaire est comparé à l’épuisement professionnel, les composantes de
ce concept étant souvent opposées à celles de l’engagement (Demerouti, Bakker,
Nachreiner et Schaufeli, 2001). Ainsi, les composantes de l’engagement seraient
une énergie, un engagement et une efficacité élevées, alors que l’épuisement
professionnel se définirait par l’épuisement émotionnel (faible énergie), le cynisme
(faible implication) et l’inefficacité (faible efficacité). À cet effet, l’étude de
Hakanen, Bakker et Schaufeli (2006) menée auprès de 2036 enseignants finlandais
a montré que les demandes reliées au travail étaient associées à une perception
plus négative de la santé physique, l’épuisement professionnel étant médiateur de
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cette association. Une autre étude menée auprès d’enseignants de 113 écoles pri-
maires et secondaires norvégiennes (n=2249) a montré, entre autres, que l’épui-
sement permettait de prédire une plus faible satisfaction professionnelle (Skaalvik
et Skaalvik, 2010).
Bien que l’opposition conceptuelle entre engagement et épuisement profes-
sionnel permette de supposer qu’un manque d’engagement soit inversement lié
au bien-être (Maslach et Leiter, 2008), cette vision est quelque peu réductrice. En
effet, elle ne permet pas de rendre compte spécifiquement des processus psycho-
logiques inhérents à un manque d’engagement, sans qu’il y ait nécessairement
présence d’épuisement professionnel (Schaufeli, Leiter et Maslach, 2009).
3. Objectifs et hypothèses
L’objectif général de cette étude est de mieux comprendre la nature des associa-
tions entre l’engagement professionnel et le bien-être chez des enseignants qué-
bécois. Ainsi, les hypothèses sont les suivantes : 1) l’engagement professionnel
optimal et ses composantes sont associés positivement aux indicateurs positifs
du bien-être et négativement aux indicateurs négatifs, et 2) le surengagement
professionnel, le sousrengagement professionnel et leurs composantes respectives
sont associés négativement aux indicateurs positifs du bien-être et positivement
aux indicateurs négatifs.
4. Méthode
4.1 Sujets
Initialement, 364 enseignants ont visité le site hébergeant le questionnaire, mais
141 d’entre eux ont été exclus, soit en raison d’un haut taux de réponses man-
quantes, de l’absence de leur consentement ou encore parce qu’ils n’enseignaient
pas au primaire ; ce qui nous a menées à un échantillon final de 223 participants,
avec une majorité de femmes (n= 207). Toutes les régions administratives du
Québec sont représentées par les participants, avec une prédominance dans la
région de Montréal (19,9 %). L’âge moyen des participants est de 38,59 ans
(s=9,47). Ils ont en moyenne 13,15 ans d’expérience en enseignement (s=8,56).
De plus, 80,6 % d’entre eux occupent un poste régulier, 11,2 % un poste suppléant
et 8,1 % ont un autre statut (statut précaire, contractuel, etc.).
4.2 Instrumentation
4.2.1 Variables sociodémographiques
L’âge, le sexe, la langue maternelle, le statut civil et familial des participants ainsi
que des informations relatives à la profession (nombre d’années d’expérience,
enseignement à temps plein ou partiel, poste permanent ou non, type de classe
enseignée) ont été recueillis.
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4.2.2 L’engagement professionnel
L’engagement professionnel a été mesuré à l’aide du Questionnaire multimodal
d’engagement professionnel (QMEP ; Morin et al. 2011) adapté du Questionnaire
d’engagement scolaire validé par Brault-Labbé et Dubé (2008). La structure fac-
torielle des trois modes d’engagement et de ses composantes a été vérifiée par des
analyses factorielles exploratoires (factorisation en axes principaux avec rotation
oblique) auprès du même échantillon (Morin et al. 2011). Ainsi, trois échelles
correspondent respectivement à l’engagement professionnel optimal (14 énoncés,
α=0,84), au SEP (18 énoncés, α=0,92) et au sousrengagement professionnel (15
énoncés, α=0,90) totalisant 47 énoncés auxquels répondre à partir d’une échelle
Likert de 9 points variant de 0 (ne me caractérise pas du tout) à 8 (me caractérise
tout à fait). Pour les trois échelles, la structure factorielle attendue en trois facteurs
a été obtenue, ce qui permettait d’expliquer respectivement 48,61 % (coefficient
de Kaiser-Meyer-Olkin-KMO = 0,84), 56,61 % (KMO= 0,89) et 51,55 %
(KMO=0,91) de la variance (pour plus de détails, se référer à Morin et al. 2011).
Notons que ce coefficient est un indice d’adéquation de la solution factorielle. Un
KMO élevé indique qu’il existe une solution factorielle statistiquement acceptable
qui représente les relations entre les variables.
Plus précisément, l’échelle d’engagement professionnel optimal comprend
l’enthousiasme envers le travail (6 items, par exemple, Je suis enthousiaste vis-à-vis
de mon travail, α=0,86), la persévérance (4 items, par exemple, Malgré les difficultés
que je rencontre, je suis persévérant(e) dans mon travail, α=0,69) et la réconciliation
des aspects positifs et négatifs (4 items, par ex., J’accepte le fait qu’un travail comme
le mien implique des aspects positifs, mais aussi des aspects négatifs, α =0,65).
L’échelle du surengagement professionnel comprend une énergie et un intérêt
excessifs envers le travail (6 items, par exemple : C’est essentiellement par mon travail
que je trouve la force de fonctionner au quotidien, α=0,82), une persistance com-
pulsive (6 items, par exemple : J’ai de la difficulté à arrêter une tâche professionnelle
sans avoir complètement terminé ce que j’ai commencé, α=0,83) et la perception de
négliger des aspects importants de sa vie à cause du travail (6 items, par exemple :
Je néglige ma vie amoureuse à cause de mon travail, α=0,93). L’échelle du sousren-
gagement professionnel inclut le manque d’énergie pour les tâches professionnelles
(5 items, par exemple : J’ai l’impression que mon travail est épuisant, α=0,79), le
manque d’intérêt pour les tâches professionnelles (5 items, par exemple : Je ne vois
pas ce qu’il peut y avoir d’attirant dans mes tâches professionnelles, α=0,75) et l’enva-
hissement face aux difficultés rencontrées au travail (5 items, par exemple : Je pense
à quitter mon travail parce qu’il me demande trop d’efforts, α=0,89).
4.2.3 Bien-être personnel
Afin de présenter une perspective globale du bien-être, plusieurs indicateurs
positifs et négatifs du bien-être visant à se compléter ont été utilisés. Ces mesures
ont été validées et utilisées dans des études antérieures (Brault-Labbé et Dubé,
2008 ; Dube et al. 1997 ; Jodoin, 2000).
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Le bonheur
Cette variable a été mesurée avec une échelle de trois énoncés (par exemple, Je
suis heureux) proposés par Dubé et ses collaborateurs (1997 ; α=0,93) et se dis-
tribue sur une échelle de 0 (pas du tout) à 8 (totalement). Au sein du présent
échantillon, la cohérence interne est satisfaisante (α=0,94).
Le sens donné à la vie
Les trois énoncés de cette échelle, également créée par Dubé et al. (1997), (par
exemple, J’ai réussi à donner un sens à ma vie) se distribuent sur une échelle variant
de 0 (pas du tout) à 8 (totalement) (α=0,79). Dans la présence étude, l’alpha de
Cronbach (α) est de 0,74.
La satisfaction de vie
Cette variable a été mesurée par l’Échelle de satisfaction de vie (5 énoncés,
α= 0,88) élaborée en anglais par Diener, Emmons, Larsen et Griffin (1985) et
traduite en français par Blais, Vallerand, Pelletier et Brière (1989). Une échelle
initiale, une échelle de réponse initiale de type Likert, allant de 1 à 7 (α=0,84 ;
par exemple, Mes conditions de vie sont excellentes), a été modifiée (Dubé et al.
1997) afin de maintenir la même notation (1 à 8) que celle utilisée avec les deux
échelles précédentes. La cohérence interne, selon l’alpha de Cronbach, dans la
présente étude, atteint 0,88.
La satisfaction professionnelle
La satisfaction professionnelle est mesurée par l’Échelle de satisfaction au
travail (α= 0,80) élaborée par Vallerand et Bissonnette (1990). Prévoyant des
réponses sur une échelle de 1 (fortement en désaccord) à 7 (fortement en accord),
le questionnaire compte cinq énoncés (par exemple : Je suis satisfait de ma vie
professionnelle). Au sein du présent échantillon, l’alpha de Cronbach est de 0,91.
La fréquence des aects positifs et négatifs
L’échelle de fréquence des affects positifs (4 énoncés, α=0,81) et des affects
négatifs (10 énoncés, α=0,80) est tirée des travaux de Jodoin (2000). Le participant
indique la fréquence des affects ressentis au cours du dernier mois sur une échelle
en sept points allant de 0 (jamais) à 6 (toujours). La cohérence interne, selon l’alpha
de Cronbach, pour la fréquence des affects positifs dans cet échantillon est de
0,90, et de 0,84 pour la fréquence des affects négatifs. Des analyses factorielles
exploratoires révèlent que les affects négatifs se regroupent en trois sous-catégo-
ries : 1) les affects liés à l’humeur (irritation, colère, tristesse ; α=0,70), 2) les affects
anxieux (peur, inquiétude, anxiété ; α=0,78) et 3) les affects liés à l’image de soi
(honte, culpabilité, jalousie, regret ; α=0,70).
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Perception de l’état de santé physique
Utilisée par Brault-Labbé et Dubé (2008 ; α=0,69 ; 2010 : α= 0,79) et Jodoin
(2000), l’échelle des malaises physiques représente dix symptômes physiques
susceptibles d’être ressentis par les participants, regroupés en trois sous-catégo-
ries, dont les symptômes liés au stress (maux de dos, tension physique, maux
d’estomac, maux de tête, α=0,70), les symptômes liés à l’anxiété (palpitations
cardiaques, tremblements, difficultés à respirer, douleurs à la poitrine, α=0,80)
et les symptômes du rhume ou de la grippe (α=0,72). Les participants indiquent
la fréquence à laquelle ils ont ressenti de tels symptômes au cours du dernier mois
sur une échelle de sept points allant de 0 (jamais) à 6 (très fréquemment). Dans
la présente étude, la cohérence interne globale est de 0,80. La structure factorielle
est équivalente à celle obtenue auprès d’étudiants du collégial, de 17 à 19 ans
(Brault-Labbé et Dubé, 2008).
4.3 Déroulement
Les enseignants ont été recrutés à titre volontaire par le biais de listes d’envoi des
commissions scolaires de toutes les régions du Québec, de conseillères pédago-
giques et d’associations et regroupements comptant des enseignants du primaire
parmi leurs membres. Ils ont été invités à répondre à un questionnaire en ligne
(durée entre 30 et 45 minutes) hébergé sur le serveur sécurisé Survey Monkey. Vu
le nombre élevé de listes d’envoi utilisées, il demeure impossible d’évaluer le
nombre exact d’enseignants sollicités, mais celui-ci peut être estimé à plusieurs
milliers. Toutes les mesures ont été recueillies en même temps.
4.4 Considérations éthiques
La page d’accueil du site informait les participants des objectifs de l’étude, des
inconvénients et des avantages de leur participation, de leur liberté de se retirer
de l’étude à tout moment ainsi que des mesures de confidentialité. Une partie des
résultats a été communiquée à des publics ciblés par la recherche, incluant des
enseignants, mais pas directement aux participants eux-mêmes.
4.5 Méthode d’analyse
Toutes les analyses ont été effectuées à l’aide du logiciel SPSS 20.0. Des analyses
descriptives, comparatives (tests-t) et corrélationnelles ont permis d’effectuer
l’examen préliminaire des données. La vérification des hypothèses de recherche
a été réalisée au moyen d’analyses de régression multiple et hiérarchique.
5. Résultats
5.1 Analyses préliminaires
5.1.1 Analyses descriptives
Des analyses descriptives ont été conduites sur les variables à l’étude, soit les trois
modes d’engagement ainsi que leurs composantes et les indicateurs du bien-être
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Morin, A., Brault-Labbé, A. et Brassard, A. 5 81
personnel. Les indices d’asymétrie et d’aplatissement se sont situés entre 1 et – 1
pour la majorité des variables, appuyant ainsi la normalité de la distribution. Des
transformations non linéaires ont toutefois été requises pour corriger l’asymétrie
de certaines variables. En effet, un reflet et une racine carrée ont été appliqués
sur la persévérance et le bonheur, une racine carrée a été appliquée sur l’enthou-
siasme excessif et le manque d’intérêt, tandis qu’un logarithme a été appliqué sur
la perception de négligence et les symptômes anxieux pour atteindre la normalité
de la distribution.
5.1.2 Analyses corrélationnelles
Tout d’abord, en ce qui concerne le postulat de multicolinéarité, les corrélations
effectuées entre les trois sous-échelles de chaque mode d’engagement et entre les
trois modes d’engagement ont révélé que tous les coefficients étaient inférieurs
au seuil critique de 0,70, ce qui suggère que ces construits sont distincts. De plus,
des analyses de corrélations menées entre les indicateurs de bien-être révèlent que
ces variables partagent au plus 64 % de variance commune. Ainsi, il s’agit de
concepts liés, mais tout de même indépendants, ce qui justifie le choix de les
analyser séparément afin de conserver les nuances entre eux.
De plus, des corrélations de Pearson ont permis d’investiguer les liens initiaux
entre les trois modes d’engagement et les indicateurs du bien-être personnel.
Comme l’indique le tableau 1, l’engagement professionnel optimal et deux de ses
composantes sont reliés à tous les indicateurs positifs du bien-être, mais sont liés
négativement aux indicateurs négatifs du bien-être, sauf à la fréquence des symp-
tômes de la grippe. La composante persévérance n’est liée qu’à un seul indicateur
du bien-être, la satisfaction de vie. Pour le surengagement professionnel, le score
global et les composantes de persistance compulsive et de perception de négligence
sont négativement reliés à tous les indicateurs positifs du bien-être, mais reliés
positivement à tous les indicateurs négatifs du bien-être. Finalement, les échelles
du sousrengagement professionnel (score global et trois sous-composantes) sont
corrélées négativement à tous les indicateurs positifs du bien-être et positivement
à tous les indicateurs négatifs du bien-être. Seul le lien entre le manque d’intérêt
et la fréquence des symptômes physiques n’est pas significatif.
5.1.3 Examen des variables à contrôler
Des analyses corrélationnelles ont été menées entre, d’une part, l’âge, le nombre
d’enfants et le nombre d’années d’expérience et, d’autre part, les indicateurs de
bien-être. Aucune corrélation ne justifie la pertinence de contrôler pour ces
variables.
Des tests t ont permis d’examiner les différences sur les indicateurs du bien-
être en fonction de cinq variables sociodémographiques dichotomiques codifiées
0 ou 1 : sexe, en couple ou non, tâche à temps plein ou non, poste régulier ou non
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582 Revue des sciences de l’éducation, volume 39, no 3, 2 013
Tableau 1
Corrélations entre les trois modes d’engagement et les indicateurs du bien-être personnel (VD)
Variables
Bonheur Sens vie Satisfaction
vie
Satisfaction
profes-
sionnelle
Affects
positifs
Affects
anxieux
Affects
humeur
Affects
image soi
Sympt.
anxieux
Sympt.
stress
Sympt.
grippe
Enthousiasme 0,47** 0,48** 0,52** 0,63** 0,55** -0,26** -0,34** -0,35** -0,28** -0,30** -0,07
Persévérance 0,13 0,09 0,14* 0,09 0,09 0 ,10 0,09 0,02 -0,03 0 ,10 0,02
Réconciliation pos. et nég. 0,30** 0,31** 0,40** 0,47** 0,38** -0,20** -0,25** - 0,25** - 0,22** - 0,23** - 0 ,12
Engagement optimal 0,39** 0,39** 0,47** 0,54** 0,47** - 0 ,17 * -0,23** -0,27** -0,22** -0,21** - 0 ,1 0
Enthousiasme excessif -0,23** -0,21** -0,21** - 0,02 - 0 ,11 0,20** 0,17* 0,18** 0 ,12 0,02 0 ,12
Persistance compulsive -0,27** -0,33** -0,33** -0,32** -0,27** 0,45** 0,37** 0,38*** 0,31** 0,35** 0,25**
Perception négligence -0,32** -0,34** -0,33** -0,30** -0,29** 0,33** 0,35** 0,33*** 0,24** 0,26** 0,16*
Surengagement -0,35** -0,40** -0,38** -0,31** - 0,30** 0,42** 0,38** 0,38*** 0,29** 0,28** 0,21**
Manque d’énergie -0,39** -0,38** -0,42** -0,49** -0,45** 0,37** 0,47** 0,35*** 0,36** 0,39** 0,18**
Manque d’intérêt -0,30** -0,36** -0,40** -0,54** -0,33** 0,21** 0,29** 0,30*** 0,21** 0,16* 0,08
Envahissement négatif -0,45** -0,46** -0,55** -0,69** - 0,48** 0,45** 0,48** 0,43*** 0,38** 0,40** 0,16*
Sousengagement -0,45** -0,47** -0,54** - 0,68** -0,51** 0,43** 0,51** 0,43*** 0,39** 0,39** 0,15*
*p < 0,05 ** p < 0,01
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Morin, A., Brault-Labbé, A. et Brassard, A. 583
et classe régulière ou non. Seules les différences significatives sont rapportées. Les
résultats obtenus aux tests t ajustés pour les variances inégales indiquent que les
femmes ont rapporté une fréquence plus élevée d’affects liés à l’humeur (M=2 ,62 ;
t223=2,81, p=0,005, d=0,70) et de symptômes liés au stress (M=2,70 ; t223=3,05,
p=0,003, d=0,86) que les hommes (respectivement M=1,88 ; M=1,72). Quant
au statut conjugal, les participants qui sont en couple rapportent un bonheur (M=
6,60 ; t81,67=2,10, p= 0,02, d=0,37), une satisfaction de vie (M=6,00 ; t78,81=2,51,
p =0,01, d = 0,41) et un sens donné à la vie (M = 6,71 ; t76, 30=2,83,
p =0,006, d=0,48) plus élevés que ceux qui ne sont pas en couple (M= 5,95 ;
M=5,31 ; M=5,98).
Par ailleurs, les enseignants à temps plein mentionnent une satisfaction profes-
sionnelle plus élevée (M =4 ,67 ; t218=2,47, p=0,014, d=0,32) et une fréquence
d’affects anxieux moindre (M=2,46 ; t222=2,20, p=0,029, d=0,28) que les ensei-
gnants qui travaillent à temps plein (M=4,11 ; M=2,86). Les enseignants à poste
régulier (M = 4,64) sont également plus satisfaits professionnellement (t54,07=2,38,
p=0,021, d=0,44) que ceux qui n’ont pas un poste régulier (M=3,95). Enfin, les
enseignants qui travaillent dans une classe régulière (M = 2,74) rapportent une
fréquence plus élevée de symptômes de stress (t(221)=2,85, p=0,005, d=0,56) que
ceux qui le font dans une classe spéciale, mixte ou les deux (M=2,09).
Ainsi, les variables de contrôle comprennent le statut conjugal pour le bonheur ;
le type de classe, le nombre d’enfants et le statut conjugal pour le sens donné à la
vie ; le poste, le statut conjugal et le nombre d’enfants pour la satisfaction de vie ;
le poste et la tâche pour la satisfaction professionnelle, le type de classe et la tâche
pour les affects anxieux ; le sexe pour les affects liés à l’humeur ; le type de classe
et le sexe pour la fréquence des symptômes de stress ; le nombre d’enfants pour
la fréquence des symptômes de la grippe.
5.2 Analyses principales
Avant d’effectuer les analyses de régression multiple standard et les régressions
multiples hiérarchiques, tous les postulats de base ont été vérifiés et respectés
(taille de l’échantillon, homocédasticité, absence de multicolinéarité et de valeur
extrême).
Afin d’évaluer la valeur prédictive des trois modes d’engagement et de leurs
composantes sur chaque indicateur du bien-être personnel, quatre séries d’analyses
de régression multiple ont été réalisées. La première série vise à évaluer la valeur
prédictive des trois modes d’engagement (échelles globales) sur tous les indicateurs
du bien-être personnel, tandis que les trois autres visent à évaluer la contribution
respective des composantes de l’engagement optimal, du surengagement et du
sousrengagement. Des analyses de régression multiple standard ont été effectuées
lorsqu’aucune variable contrôle n’a été introduite dans le modèle. Des analyses de
régression hiérarchiques ont été effectuées lorsqu’il s’avérait nécessaire de contrôler
l’apport des variables sociodémographiques. Les variables contrôles pertinentes ont
39.3.indd 583 2014-08-13 10:17
584 Revue des sciences de l’éducation, volume 39, no 3 , 2 013
été insérées en bloc dans la première étape des analyses, suivies des variables pré-
dictives d’engagement dans la deuxième étape. Seul le modèle de régression des
trois composantes de l’engagement optimal comme prédicteurs des symptômes de
la grippe n’est pas significatif (F4,212=2,400, p=0,051).
La première série d’analyses a montré que, lorsque les trois modes d’engage-
ment sont considérés simultanément, l’engagement professionnel optimal prédit
positivement tous les indicateurs positifs du bien-être personnel et prédit néga-
tivement la fréquence des affects négatifs liés à l’image de soi (voir tableau 2). Le
surengagement professionnel prédit négativement tous les indicateurs positifs du
bien-être sauf la satisfaction professionnelle et prédit positivement tous les indi-
cateurs négatifs du bien-être, sauf les symptômes physiques liés au stress. Le
sousrengagement professionnel prédit négativement la satisfaction de vie, la
satisfaction professionnelle et la fréquence des affects positifs et prédit positive-
ment tous les indicateurs négatifs, sauf les symptômes physiques liés à la grippe.
Étape 1 Étape 2 Engagement
optimal
Sur-
engagement
Sous-
engagement
N
∆R2∆R2
β β β
R2 total
R2 total
ajusté N
Bonheur 0,03** 0,29** 0,33** -0,28** - 0 ,14 0,31** 0,30** 209
Sens à la vie 0,07** 0,29** 0,33** -0,30** - 0 ,13 0,36** 0,34** 207
Satisfaction de
vie
0,06** 0,36** 0,35** -0,25** -0,22** 0,43** 0,41** 210
Satisfaction
professionnelle
0,05** 0,50** 0,28** - 0,07 -0,49** 0,55** 0,54** 205
Affects positifs 0,35** 0,34** -0,21** -0,24** 0,35** 0,34** 210
Affects négatifs
anxieux
0,02 0,26** - 0,0 4 0,30** 0,27** 0,28** 0,26** 209
Affects négatifs
liés à l’humeur
0,03** 0,27** - 0,05 0 ,17 * 0,40** 0,31** 0,30** 210
Affects négatifs
image de soi
0,24** -0,19* 0,27** 0,20* 0,24** 0,23** 210
Symptômes
anxieux
0,18** - 0,1 0 0,17 * 0,27** 0,18** 0,17** 210
Symptômes
stress
0,07** 0,15** -0,08 0 ,10 0,30** 0,23** 0,21** 210
Symptômes
grippe
0,02* 0,05* - 0 ,12 0,20* - 0,01 0,07** 0,05** 210
* p < 0,05 ** p < 0,01
Tableau 2
Analyses de régression multiple standard et hiérarchique prédisant le bien-être personnel à partir de
l’engagement optimal, du sur-engagement et du sous-engagement
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Morin, A., Brault-Labbé, A. et Brassard, A. 585
La deuxième série d’analyses, impliquant les trois composantes de l’engagement
professionnel optimal comme variables prédictives, montre que l’enthousiasme
prédit tous les indicateurs du bien-être, sauf les symptômes liés à la grippe (voir
tableau 3). De plus, cette composante est la seule à prédire significativement le
bonheur et la fréquence des affects négatifs liés à l’image de soi en expliquant
respectivement 12,3 % et 7,78 % de la variance unique de ces variables (corrélation
semi-partielle au carré-sr2). Notons que cette valeur n’est pas présente dans les
tableaux. Cependant, on peut l’obtenir en mettant au carré la colonne « Corrélation
part » dans SPSS. Le sens des relations observées pour la persévérance va à l’en-
contre des hypothèses prédites. Ainsi, cette composante prédit négativement la
satisfaction professionnelle (sr2=1,39 %) et positivement la fréquence des affects
anxieux (sr2= 4,12 %), des affects reliés à l’humeur (sr2= 2,89 %) ainsi que la
fréquence des symptômes physiques liés à l’anxiété (sr2=1,77 %) et des symptômes
liés au stress (sr2=2,92 %).
Étape 1 Étape 2 Enthousiasme Persévérance Réconciliation
des aspects
positifs et
négatifs
∆R2∆R2
β β β
R2 total
R2 total
ajusté N
Bonheur 0,03** 0,23** 0,42** -0,03 0 ,11 0,26** 0,24** 216
Sens à la vie 0,07** 0,25** 0,44** - 0 ,1 0 0,14* 0,31** 0,29** 213
Satisfaction de vie 0,06** 0,29** 0,41** - 0,05 0,23 0,35** 0,34** 216
Satisfaction
professionnelle
0,05** 0,40** 0,52** -0,12* 0,22** 0,45** 0,44** 212
Affects positifs 0,32** 0,50** -0,09 0,15* 0,32** 0,31** 217
Affects négatifs
anxieux
0,02 0,10** -0,23** 0,21** - 0 ,1 3 0,13** 0,11** 216
Affects négatifs
liés à l’humeur
0,04** 0,15** -0,32** -0,18** - 0 ,1 2 0,18** 0,17** 217
Affects négatifs
image de soi
0,13** -0,33** 0 ,10 -0,08 0,13** 0,12** 217
Symptômes
anxieux
0,10** -0,25** 0,14* - 0 ,13 0,10** 0,09** 217
Symptômes stress 0,08** 0,14** -0,29** 0,18** - 0 ,1 4 0,22** 0,20** 217
Symptômes grippe 0,02* 0,02 0,02 0 , 01 - 0 ,1 5 0,0 4 0,02 217
* p < 0,05 ** p < 0,01
Tableau 3
Analyses de régression multiple standard et hiérarchique prédisant le bien-être personnel à partir de
l’enthousiasme, de la persévérance, et de la réconciliation des aspects positifs et négatifs
39.3.indd 585 2014-08-13 10:17
586 Revue des sciences de l’éducation, volume 39, no 3 , 2 013
Le tableau 4 présente les résultats de la troisième série d’analyses menée sur
les trois composantes du surengagement comme variables prédictives. Ainsi,
l’enthousiasme excessif prédit uniquement la satisfaction professionnelle
(sr2=2,66 %). Toutefois, le sens positif de cette relation va à l’encontre de l’hypo-
thèse formulée. La persistance compulsive est la seule composante à prédire
positivement la fréquence des affects anxieux (sr2=9,18 %). Cette variable prédit
également positivement tous les indicateurs négatifs du bien-être. Finalement, la
perception de négligence est la seule composante à prédire négativement le bon-
heur (sr2=1,88 %) et la fréquence d’affects positifs (sr2=2,02 %).
Étape 1 Étape 2 Enthousiasme
excessif
Persistance
compulsive
Perception
de négligence
∆R2∆R2
β β β
R2 total
R2 total
ajusté N
Bonheur 0,02* 0,01** - 0,07 - 0 ,12 - 0 ,1 9 * 0,12** 0,11** 217
Sens à la vie 0,07* 0,12** -0,06 -0,18* - 0 ,1 7 * 0,19** 0,17** 215
Satisfaction
de vie
0,07* 0,12** - 0 ,01 -0,20* - 0 ,1 8 * 0,19** 0,16** 217
Satisfaction
professionnelle
0,05** 0,15** 0,18** -0,21* -0,26** 0,20** 0,18** 213
Affects positifs 0,09** 0,02 - 0 ,14 -0,19* 0,09** 0,08** 21 8
Affects négatifs
anxieux
0,02 0,21** 0,07 0,40** 0,04 0,23** 0,21** 217
Affects négatifs
liés à l’humeur
0,03** 0,13** 0,02 0,22* 0,19* 0,17** 0,15** 218
Affects négatifs
image de soi
0,15** 0,04 0,27** 0 ,14 0,15** 0,15** 218
Symptômes
anxieux
0,10** 0, 01 0,27** 0,07 0,10** 0,09** 218
Symptômes
stress
0,07** 0,10** 0,0 9 0,29** 0,0 8 0,17** 0,15** 218
Symptômes
grippe
0,03* 0,05* 0,03 0,22* -0,0 0 0,07** 0,06** 218
* p < 0,05 ** p < 0,01
Tableau 4
Analyses de régression multiple standard et hiérarchique prédisant le bien-être personnel à
partir de l’enthousiasme excessif, la persistance compulsive et la perception de négligence
39.3.indd 586 2014-08-13 10:17
Morin, A., Brault-Labbé, A. et Brassard, A. 587
La quatrième série d’analyses, qui vise à examiner la valeur prédictive des
composantes du sousrengagement, a montré que l’envahissement face aux aspects
négatifs est la composante qui prédit le plus d’indicateurs du bien-être (voir le
tableau 5). En considérant simultanément les autres composantes, elle permet de
prédire négativement tous les indicateurs positifs du bien-être et positivement
tous les indicateurs négatifs du bien-être, à l’exception des symptômes liés à la
grippe. Le manque d’énergie prédit négativement la fréquence des affects positifs
(sr2=2,40 %) et positivement la fréquence des affects liés à l’humeur (sr2=2, 79 %)
et des symptômes associés à l’anxiété (sr2=2,13 %) et au stress (sr2 = 3,03 %).
Finalement, le manque d’intérêt prédit uniquement la plus faible satisfaction
professionnelle (sr2=2,16 %).
Étape 1 Étape 2 Manque
d’énergie
Manque
d’intérêt
Envahissement
négatif
∆R2∆R2
β β β
R2 total
R2 total
ajusté N
Bonheur 0,03* 0,20** - 0 ,15 - 0,04 -0,30** 0,23** 0,22** 217
Sens à la vie 0,07** 0,21** - 0 ,11 - 0 ,1 5 -0,27** 0,28** 0,26** 215
Satisfaction de
vie
0,07** 0,29** -0,07 - 0 ,11 -0,42** 0,36** 0,34** 217
Satisfaction
professionnelle
0,05** 0,48** 0, 01 -0,19** -0,57** 0,53** 0,51** 213
Affects positifs 0,27** -0,22** -0,04 - 0,31** 0,27** 0,26** 218
Affects négatifs
anxieux
0,02 0,21** 0 ,12 - 0,1 0 -0,43** 0,23** 0,21** 217
Affects négatifs
liés à l’humeur
0,03** 0,27** 0,23** - 0 ,01 0,33** 0,30** 0,29** 218
Affects négatifs
image de soi
0,19** 0,1 0 0,06 0,32** 0,19** 0,18** 218
Symptômes
anxieux
0,17** 0,20* - 0,0 5 0,27** 0,17** 0,16** 218
Symptômes
stress
0,07** 0,18** 0,24** - 0 ,11 0,28** 0,25** 0,23** 218
Symptômes
grippe
0,02* 0,04* 0,14 - 0 ,15 0 ,13 0,07** 0,05** 218
* p < 0,05 ** p < 0,01
Tableau 5
Analyses de régression multiple standard et hiérarchique prédisant le bien-être personnel à partir
du manque d’énergie, du manque d’intérêt et de l’envahissement des aspects négatifs
39.3.indd 587 2014-08-13 10:17
588 Revue des sciences de l’éducation, volume 39, no 3 , 2 013
6. Discussion
Deux objectifs ont été ciblés au sein de la présente étude. Le premier visait à
évaluer la valeur prédictive des trois modes d’engagement professionnel (engage-
ment optimal, surengagement, sousrengagement) à l’égard des indicateurs positifs
et négatifs du bien-être personnel des enseignants du primaire. Le second objectif
avait comme but de vérifier comment les composantes des trois modes d’enga-
gement prédisaient ces mêmes indicateurs.
Premièrement, tel qu’attendu, la présente étude soutient l’idée que l’engagement
professionnel optimal est lié positivement au bien-être des enseignants du pri-
maire. Il serait même le seul mode d’engagement lié à tous les indicateurs positifs
du bien-être. Cela pourrait s’expliquer par le fait qu’en s’investissant délibérément
dans un domaine qu’il affectionne, l’enseignant serait en mesure d’exprimer son
identité et d’agir en harmonie avec ses valeurs personnelles (Brault-Labbé, 2011).
De plus, les résultats ont montré que même en considérant l’engagement profes-
sionnel optimal, l’engagement excessif (surengagement professionnel) et l’enga-
gement déficitaire (sousrengagement professionnel) sont associés négativement
au bien-être, ce qui, à notre connaissance, n’avait jamais été étudié auparavant.
Il est à noter que le surengagement professionnel est le seul mode d’engagement
à être associé significativement aux symptômes de la grippe, ce qui concorde avec
une étude antérieure ayant montré le rôle du surengagement dans le fonctionne-
ment immunitaire (Bellingrath et al. 2010). Ainsi, un enseignant qui présenterait
un engagement excessif au travail serait plus enclin à dépasser ses limites émo-
tionnelles et physiques et à négliger une hygiène de vie adéquate, ce qui rendrait
son système immunitaire plus vulnérable à vivre des infections telles que la grippe.
Deuxièmement, les résultats ont montré le rôle respectif de chacune des com-
posantes de l’engagement au travail sur le bien-être, en étant associées de manière
distincte aux indicateurs du bien-être, comme l’avait suggéré Jodoin (2000).
Certains résultats sont inattendus et méritent qu’on s’y attarde davantage. En effet,
contrairement aux hypothèses initiales, pour ce qui est de l’engagement profes-
sionnel optimal, il semble que la persévérance soit liée à une satisfaction profes-
sionnelle moindre et à une fréquence plus élevée d’affects anxieux, d’affects
négatifs reliés à l’humeur, de symptômes physiques liés à l’anxiété et au stress.
Ces résultats diffèrent de ceux obtenus auprès d’une population étudiante, où la
persévérance était associée au maintien de l’engagement, en plus de prédire posi-
tivement plusieurs indicateurs du bien-être (Brault-Labbé et Dubé, 2010). Ces
résultats suggèrent que la persévérance n’est pas un ingrédient suffisant pour que
l’engagement élevé soit lié à des répercussions positives chez l’enseignant, mais
que d’autres aspects tels que le plaisir et l’intérêt ressentis doivent également être
présents (Gorgievski, Bakker et Schaufeli, 2010). Étant donné l’ampleur des défis
que posent la complexité des responsabilités liées à cette profession, les efforts
considérables à fournir pour surmonter les difficultés qui en découlent (persévé-
rance) seraient donc associés à un vécu plus négatif.
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Morin, A., Brault-Labbé, A. et Brassard, A. 589
Pour ce qui est du surengagement professionnel, il semble que seul l’enthou-
siasme excessif soit lié à une meilleure satisfaction professionnelle. Bien que le
sens de ce lien soit contraire aux hypothèses, ce résultat rejoint les résultats d’une
étude portant sur le workaholisme, menée auprès de 661 employés de divers
domaines, qui a montré que l’individu était protégé des effets négatifs d’un enga-
gement excessif sur son bien-être, tant et aussi longtemps que le plaisir ressenti
au travail était élevé (Andreassen et al. 2011). Or, dans la présente étude, contrai-
rement à l’enthousiasme ressenti au sein de l’engagement professionnel optimal
qui était lié à plusieurs indicateurs du bien-être global et professionnel, l’enthou-
siasme excessif n’est associé qu’à un aspect du travail. Cela laisse suggèrer que
l’enseignant aurait avantage à répartir son investissement et ses intérêts de façon
plus équilibrée dans les autres sphères de sa vie afin de tendre vers un bien-être
global et non exclusivement professionnel. De plus, la composante de persistance
compulsive est liée négativement à plusieurs indicateurs du bien-être et positive-
ment à tous les indicateurs négatifs du bien-être. Ces résultats appuient d’autres
études soulignant l’effet négatif de la notion de compulsion au travail (Brady,
Vodanovich et Rotunda, 2008). Enfin, cela rejoint l’idée que l’individu qui s’in-
vestit en raison de pressions internes incontrôlables ou d’obligations extérieures
serait moins susceptible d’en retirer des bénéfices, notamment parce que le travail
n’aurait pas été intégré à son identité en fonction de choix pleinement libres et
assumés (Houlfort et Vallerand, 2006).
Quant au sousrengagement professionnel, l’envahissement face aux aspects
négatifs est la composante qui ressort comme systématiquement liée à un moindre
bien-être, et ce, pour tous les indicateurs, sauf les symptômes liés à la grippe.
Puisque l’enseignant sous-engagé se sent envahi par les difficultés au travail vécues
comme insurmontables, il n’est plus en mesure de trouver un sens aux sacrifices
effectués, cependant nécessaires pour maintenir son investissement. Par ailleurs,
ce résultat converge avec les résultats obtenus quant à la persévérance, ce qui met
une seconde fois de l’avant l’ampleur des difficultés rencontrées au sein de la
profession et leur impact potentiel sur le bien-être des enseignants. C’est d’autant
plus important qu’il s’agit de la composante du sousrengagement qui se définit
en partie par l’intention de quitter la profession. Ce résultat témoigne donc par-
ticulièrement de la pertinence de mettre en place des mesures qui viseraient à
mieux cibler et intervenir sur les aspects négatifs de la profession qui deviennent
envahissants pour les enseignants, aux dépens de leur persévérance dans le métier
et, donc, des élèves et du système scolaire en entier.
En dépit de ces résultats révélateurs, la présente étude comporte certaines
limites. Tout d’abord, elle utilise un devis corrélationnel qui ne permet pas de
s’assurer de la causalité des relations trouvées. Des recherches longitudinales
futures permettraient de mieux comprendre l’évolution des trois modes d’enga-
gement et du bien-être personnel chez des enseignants. De plus, la généralisation
des résultats est limitée, puisque les enseignants qui ont accepté volontairement
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590 Revue des sciences de l’éducation, volume 39, no 3 , 2 013
de participer à l’étude présentaient en général des niveaux relativement élevés
d’engagement, ce qui ne reflète pas nécessairement l’expérience subjective vécue
par la majorité des enseignants.
7. Conclusion
Cette recherche empirique a permis de mieux comprendre les associations entre
les trois modes d’engagement au travail et leurs composantes respectives, d’une
part, et le bien-être personnel de 223 enseignants québécois, d’autre part.
À notre avis, l’approche intégrée présentée dans cette étude est susceptible de
faciliter l’identification de cibles d’intervention prioritaires en vue de favoriser
le bien-être des enseignants. Ainsi, les résultats soulignent l’importance de sou-
tenir l’enthousiasme des enseignants, notamment par le biais d’un milieu de
travail stimulant (Agarwal, Datta, Blake-Beard et Bhargava, 2012) où ils peuvent
déployer leur autonomie (Rosenholtz et Simpson, 1990) et entretenir des rapports
positifs avec leurs collègues et la direction (Duchesne et al. 2005). De plus, les
résultats suggèrent la pertinence de mettre en place des mesures afin de limiter
un engagement excessif au travail, compte tenu des associations négatives avec le
bien-être personnel ; par exemple, en limitant le nombre d’heures supplémentaires
et en favorisant un climat propice à la conciliation travail-famille (Burke, 2001).
Finalement, afin de limiter l’envahissement négatif ressenti par certains ensei-
gnants face à leurs tâches, il serait bénéfique de diminuer les demandes profes-
sionnelles excessives (par exemple : surcharge, changements dans les tâches) et
d’augmenter les ressources personnelles (par exemple : le sentiment d’efficacité
professionnelle) et organisationnelles (par exemple : soutien des pairs, de la direc-
tion) disponibles (Demerouti, Mostert, et Bakker, 2010). Si l’on considère qu’un
bien-être élevé chez l’enseignant est associé à des effets positifs, tant sur l’élève
que sur l’école (Soini, Pyhältö et Pietarinen, 2010) et que ce bien-être est suscep-
tible d’être affecté par le mode d’engagement professionnel, lui-même caractérisé
par une intensité et des processus psychologiques distincts, des recherches futures
pourraient tenter d’aller plus loin en s’intéressant également aux facteurs suscep-
tibles de contribuer ou de prévenir les déséquilibres de cet engagement.
english title • Multimodal conceptualization of professional engagement and associa-
tions with well-being among elementary school teachers
summary • This article explores the associations between professional commitment, over-com-
mitment and under-commitment and personal well-being in a sample of 223 teachers from the
province of Québec. The participants completed a battery of self-reported questionnaires, inclu-
ding the Questionnaire multimodal d’engagement professionnel and several scales assessing
well-being. Overall, standard and hierarchical regression analyses showed that optimal commit-
ment and its components are positively associated with well-being while over-commitment and
under-commitment and their respective components are negatively associated with well-being.
Limitations and future research directions are discussed.
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Morin, A., Brault-Labbé, A. et Brassard, A. 5 91
key wo rds • Professional commitment, over-commitment, under-commitment, well-being,
teachers.
titu lo • Conceptualización multimodal de la implicación profesional y asociaciones con
el bienestar de los maestros de primaria
resumen • Este artículo se propone estudiar las relaciones entre la implicación profesional, el
exceso de impl ica ción, el defecto de implicación y el bienestar personal en una muestra de 223
maestros de Québec. Los participantes rellenaron una serie de cuestionarios autoadministrados,
incluyendo el Cuestionario multimodal de implicación profesional, así como varias escalas de
medida del bienestar. De manera general, las regresiones estándar y jerárquicas muestran que
una implicación óptima y sus componentes están relacionadas positivamente con el bienestar,
mientras que el exceso de implicación y el defecto de implicación, así como sus componentes,
están relacionados negativamente al bienestar. Se discuten también los límites de esta investi-
gación, así como las futuras pistas de investigación.
palabras clave • Implicación profesional, exceso de implicación, defecto de implicación,
bienestar, maestros.
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Mesdames Anne Brault-Labbé et Audrey Brassard détiennent toutes deux un doctorat.
Correspondance
Audrey.M.Morin@USherbrooke.ca
Anne.Brault-Labbé@USherbrooke.ca
Audrey.Brassard2@USherbrooke.ca
Contribution des auteurs
Audrey Morin :50 %
Anne Brault-Labbé : 30 %
Audrey Brass ard : 20 %
Ce texte a été révisé par Sandra Najac
Texte reçu le : 18 avril 2013
Version finale reçue le : 4 mai 2014
Accepté le : 21 mai 2014
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