Que connaît le bébé francophone de son biberon ? Quelles informations attache-t-il aux représentations de ses mots familiers ou nouvellement acquis dans son lexique débutant ? En reconnaît-il les consonnes et les voyelles, et favorise-t-il leur position ? Se montre-t-il subtil dans cette identification, et presque aussi rapide que l'adulte ? L'ensemble de ces questionnements alimentent ce travail examinant la nature, le degré de détail, la mise en place, ou encore la vitesse d'accès des représentations phonologiques précoces en français. À des fins d'exploration plus systématique, cette recherche s'insère dans un cadre presque qualifiable de « contexte sous contrôle ». Sans prétendre évidemment maîtriser chaque facteur ä potentiel d'influence, elle contribue cependant à grandement clarifier le poids respectif de plusieurs variables déterminantes, comme la complexité de la tâche, la familiarité du stimulus, l'âge, la langue, la procédure facilitatrice, ou la mesure employée. Au travers de cinq études, elle présente les résultats d'enfants âgés de 14 à 22 mois. En examinant les mots familiers au moyen du paradigme de regard préférentiel intermodal, les trois premières recherches ont révélé que dès 14 mois les bébés francophones possèdent des représentations détaillées des mots connus, avec d'une part une attention particulière sur la dernière syllabe de ceux-ci, et d'autre part un robuste biais en faveur de leurs consonnes, leur permettant même de subtilement détecter des modifications graduelles de ces dernières lorsqu'on leur facilite l'accès aux mots. Cette spécificité et ce biais ne s'arrêtent pas lä, ils apparaissent rapidement dans l'acquisition de nouveaux mots ä 18 mois comme l'a démontré la quatrième étude usant du même paradigme après familiarisation. Enfin, la dernière investigua ces compétences à 14 mois et ä l'âge adulte au moyen cette fois de l'enregistrement des potentiels évoqués. Ses résultats indiquèrent une détection précoce de modifications subtiles des mots familiers attendus, ainsi qu'une asymétrie dans les processus phonologiques dépendante de la direction du changement opéré (ici voisement ou dévoisement), partagée par les enfants et les adultes. Les données de cette thèse sont discutées par chapitre respectif, avant d'être intégrées dans un chapitre final de synthèse et de remise en contexte plus globale suggérant le rôle manifeste de ce dernier dans le développement et l'expression des aptitudes phonologiques chez le tout jeune enfant.
Mots-clés : spécificité phonologique, acquisition lexicale, biais consonantique, contexte, regard préférentiel intermodal, potentiels évoqués
What does the French-learning baby know about his biberon? What kind of information does he store about his familiar or brand new words in his emerging lexicon? Does he recognise their consonants and their vowels, and does he favour their position within the word? Does he subtly identify them, and process them quite as fast as adults do? This dissertation addresses these questions by examining the nature, the accuracy, the development, or the processing speed of early phonological representations in French. In order to explore these issues with a greater systematic validity, this work is integrated into a more global framework attempting what we could qualify as some kind of “context control”. Without pretending to handle all potential influent factors, it contributes nevertheless to clarify the respective weight of several important variables, such as the complexity of the task, the stimulus familiarity, the age, the language, the facilitating procedure, or the measurement used. Through five studies, it presents data from infants aged 14 to 22 months. The first three concerned familiar words and used the intermodal preferential looking paradigm. They showed that as early as 14-month-olds, French-learning babies possess detailed representations of their known words, and privilege their last syllable. Moreover they display a strong bias in favor of consonants, and when engaged in a facilitating context-based task, detect with even more subtlety some gradual consonantal changes. The fourth study confirmed the fast emergence of this bias when acquiring new words. After only a short familiarization phase, 18-month-olds demonstrate fine-grained phonological representations of their newly learned forms only in regards to their consonants. Finally, the last study investigated these abilities with 14-month-old infants and adults by means of event-related potentials recordings. The results showed an early detection of subtle changes from expected familiar words, as well as an asymmetry in phonological processing depending on the direction of the change (voicing or devoicing) that is shared by infants and adults. Each data are discussed in their respective chapter, before being combined into a final chapter which summarizes and brings into perspective the prominent-appearing role of the context in phonological developing skills.
Key-words: phonological specificity, lexical acquisition, consonantal bias, context, intermodal preferential looking, event-related potentials