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Analyse des attitudes et comportements des médecins et infirmiers en tant que levier
stratégique de la gestion des ressources hospitalières
Hermès Karemere1,&
1Université Catholique de Bukavu, Bukavu, République Démocratique du Congo
&Corresponding author: Hermès Karemere, Université Catholique de Bukavu, Bukavu, République Démocratique du Congo
Key words: Ressources humaines, hôpital de référence, qualité des soins
Received: 27/12/2014 - Accepted: 07/07/2015 - Published: 09/07/2015
Abstract
Introduction: L'étude vise à présenter les données relatives aux attitudes et comportements indésirables auprès des médecins et infirmiers qui,
dans un contexte des soins hospitaliers en milieu rural africain, peuvent négativement influencer la qualité des soins offerts aux patients.
Méthodes: L'étude est exploratoire. Elle identifie à l'aide d'un guide d'observation des attitudes et comportements inadéquats des médecins et
infirmiers à l'hôpital de Katana en RD Congo et analyse leurs causes au travers des entrevues de groupe. Résultats: Les attitudes et
comportement indésirables concernent 4 à 16 % des médecins et infirmiers. Ils relèvent essentiellement de la malhonnêteté, de l'incompétence,
du mauvais comportement relationnel, du faible rendement, de l'indiscipline et de la démotivation. Les causes sont multiples dont 75 % sont
associées au dysfonctionnement organisationnel de l'hôpital de Katana. Conclusion: Le présent article révèle d'une part que les fréquences les
plus élevées des attitudes et comportements inadéquats concernent le comportement relationnel et la discipline et d'autre part, que la majorité des
causes des attitudes et comportements inadéquats observés est associée au dysfonctionnement organisationnel de l'hôpital de Katana. L'étude
propose au gestionnaire des actions à envisager pour prévenir ou corriger ces attitudes et comportements indésirables.
Pan African Medical Journal. 2015; 21:193 doi:10.11604/pamj.2015.21.193.6026
This article is available online at: http://www.panafrican-med-journal.com/content/article/21/193/full/
© Hermès Karemere et al. The Pan African Medical Journal - ISSN 1937-8688. This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons
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Pan African Medical Journal – ISSN: 1937- 8688 (www.panafrican-med-journal.com)
Published in partnership with the African Field Epidemiology Network (AFENET). (www.afenet.net)
Research
Open Access
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2
Introduction
La qualité des services de santé est largement tributaire de la
disponibilité et de la performance des ressources humaines du fait
que ces dernières soient au coeur du fonctionnement des systèmes
des soins [1]. Le développement des ressources humaines dans le
secteur de la santé retient ainsi l'attention de plusieurs acteurs. En
effet, les planificateurs, les gestionnaires des établissements des
soins et les décideurs politiques s'aperçoivent que les objectifs du
millénium pour le développement ne seront pas atteints sans des
ressources humaines compétentes et motivées [2]. Aussi, force est
de constater que plus de trente ans après la Déclaration de Alma
Ata (1978) sur la stratégie des Soins de Santé Primaires , les pays
africains en général et la République Démocratique du Congo (RDC)
en particulier , se trouvent toujours très éloignés de l'atteinte de
l'objectif d'une meilleure santé pour tous. Parmi les facteurs
préjudiciables est épinglée l'insuffisance criante en personnel
compétent. Pour cela, le développement des ressources humaines
en santé a été retenu parmi les axes prioritaires de la stratégie de
renforcement du système de santé en RDC [3].
Nous nous intéressons à analyser un aspect relatif aux ressources
humaines à savoir les attitudes et comportements des médecins et
infirmiers en milieu hospitalier, étant donné qu'ils constituent le gros
lot des prestataires des soins. Les attitudes et les comportements
professionnels font partie d'un système de représentation de
qualités et d'agir qui devrait caractériser une personne ayant une
appartenance à une profession reconnue, en l'occurrence ici, celle
de médecin ou d'infirmier. Selon la définition classique d'Allport une
attitude est un état mental de préparation à l'action qui exerce une
influence dynamique sur nos comportements [4]. Le comportement
est pour l'humain, une manière de se conduire caractérisée par un
ensemble de réactions observables en réponse à une stimulation
intérieure ou extérieure. C'est une manière d'agir qui constitue la
partie observable de nos actions et réactions. Et donc une attitude
est une tendance de la personne à poser un jugement ou à faire
une action tandis qu'un comportement est une action ou une
réaction de la personne à un stimulus donné [5].
L'hôpital de Katana, en autogestion et situé en milieu rural au Sud-
Kivu en RDC, a été notre terrain d'étude. Nous partons de
l'hypothèse que les causes des attitudes et comportements
indésirables de certains médecins et infirmiers sont majoritairement
liées à l'organisation interne d'un hôpital et que leur analyse offre
des perspectives d'amélioration de la qualité des soins.L'objectif de
cette étude est d'identifier les attitudes et comportements
inadéquats des médecins et infirmiers à l'hôpital de Katana, d'en
dégager les causes à la base en vue d'orienter les stratégies de la
gestion des ressources humaines.
Méthodes
Il s'agit d'une étude exploratoire qui s'est déroulée en trois étapes:
l'élaboration d'un guide d'observation participante, l'observation
proprement dite des attitudes du personnel et l'analyse causale des
attitudes et comportements inadéquats identifiés au travers des
entretiens de groupe.
Élaboration d'un guide d'observation des attitudes et
comportements des médecins et des infirmiers
La grille d'évaluation individuelle du personnel appliquée à l'hôpital
de Katana durant plusieurs années a inspiré l'élaboration du guide
d'observation participante. Au travers la grille d'évaluation, les
attitudes et comportements désirés chez le personnel sont traduits
en cinq dimensions à savoir l'intégrité de l'agent, sa compétence,
son sens d'initiative, son rendement et sa discipline. Pour chaque
dimension, des critères d'évaluation sont précisés.
L'évaluation de l'intégrité analyse l'honnêteté et le sens de
responsabilité de l'agent. Dans le volet relatif à l'honnêteté, les
évaluateurs désignés vérifient si le médecin ou l'infirmier ne
monnaye pas les soins auprès des malades, ne côte pas les élèves
en stage de manière subjective, reconnaît ses erreurs, rembourse à
temps les prêts qui lui sont accordés par l'hôpital ou privilégie ses
intérêts au détriment de ceux de l'hôpital. Dans le volet en lien avec
le sens de responsabilité on valide si le médecin ou l'infirmier donne
une appréciation objective au personnel sous sa responsabilité,
s'intéresse à la bonne marche des services, identifie les causes des
problèmes dans les services, fait de bonnes propositions
d'amélioration du fonctionnement de tous les services et veille à
l'application des solutions dans tous les services.
La connaissance du travail est évaluée sous deux aspects ; la
connaissance du travail et la capacité d'apprentissage. Les critères
varient selon qu'il s'agit du médecin ou de l'infirmier. C'est la
manière dont les tâches sont réalisées qui est évaluée à cette étape.
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3
Pour le médecin, on vérifie par exemple s'il fait correctement le tour
de salle, lit le rapport de garde, fait inscrire les instructions dans un
cahier ad hoc, vérifie l'exécution des instructions par les
collaborateurs, informe la direction des soins infirmiers en cas
d'absence d'amélioration. Pour l'infirmier, on évalue essentiellement
s'il exécute de manière satisfaisante les soins infirmiers, par
exemple administrer correctement la médication, transcrire les
signes vitaux et d'autres informations sur les fiches des patients ou
assurer la prévention contre les plaies de pression. On évalue
également la participation à la formation et à l'encadrement du
personnel et des élèves en stage, la participation à la coordination
des activités de l'hôpital et aux différentes réunions. La capacité
d'apprentissage est évaluée par le temps mis par l'agent pour
assurer l'application des protocoles arrêtés en commun, la bonne
exploitation des canevas de supervision des services, la capacité à
réaliser seul certains actes médicaux (ponction lombaire en cas de
méningite chez l'enfant ou césarienne par exemple) ou infirmiers
(administration correcte de la médication ou prévention des escarres
par exemple), la capacité de conduire seul une réunion ou une
séance de sensibilisation des patients et des membres de famille, la
lecture des revues scientifiques traduite par des interventions
pertinentes au cours des réunions des médecins ou des infirmiers.
L'appréciation du sens de l'initiative valide ou pas le fait que
l'agent contribue à régler les conflits du personnel de son service,
respecte son horaire de travail, se fait toujours remplacer en cas
d'absence (autorisée ou urgente à justifier le lendemain), livre à
temps le travail demandé et introduit des innovations approuvées.
Le rendement fait référence à la qualité et à la quantité du travail.
Par rapport à la qualité, l'agent a une évaluation satisfaisante s'il
inscrit toutes les informations utiles sur la fiche de chaque
patient,cote objectivement le personnel, constate les accidents liés à
l'inattention, utilise rationnellement les médicaments et le matériel
mis à sa disposition, vérifie si les prestations et les médicaments ont
été facturés et payés. Concernant la quantité, l'agent devrait
essentiellement voir et régler les problèmes de tous les cas admis
pendant la journée, élaborer le rapport d'activités de service, couvrir
adéquatement les services en cas d'empêchement d'un collègue,
vérifier l'enregistrement de tous les malades hospitalisés dans les
registres ad hoc. Enfin la discipline évoque le sens de
collaboration, le dévouement, l'assiduité et le comportement. Sur la
grille d'évaluation, le sens de collaboration est traduit chez l'agent
par l'aide spontanée à un collègue submergé de travail, la bonne
entente avec les collègues, le respect de la hiérarchie, la
perméabilité aux remarques, la sollicitation d'une retro-information,
la correction après une retro-information, la bonne entente avec les
autres collaborateurs, la cotation des collaborateurs sur base des
critères objectifs, le signalement en cas d'empêchement et la mise à
disposition des collaborateurs de toutes les informations utiles. Les
critères d'évaluation de l'agent concernant son dévouement vérifient
si l'agent accepte de travailler même en dehors des heures
structurées, a une grande capacité d'écoute des plaintes des
malades, sert les malades sans distinction, effectue des passages
réguliers pour vérifier l'état d'un patient particulier en situation
critique, a le goût à la profession. L'assiduité est évaluée au travers
la ponctualité de l'agent à l'arrivée au travail, la promptitude à
réagir aux appels lors de la garde, et la ponctualité lors des réunions
ou des séances de formation du personnel. Concernant le
comportement, les évaluateurs se rassurent que l'agent ne divulgue
pas le secret de délibération, s'excuse en cas d'incompréhension, ne
blesse pas les malades par un langage déplacé ou un geste
maladroit, n'entretient pas de relations intimes avec les
collaborateurs et a un comportement social digne (pas d'ivresse ni
de scandale de tout genre).
En adaptant la grille d'évaluation individuelle de l'hôpital de Katana,
nous avons maintenu les dimensions compétence, rendement et
discipline. La dimension intégrité a été remplacée par honnêteté; de
même la dimension sens d'initiative par motivation, termes préférés
lors des entrevues de groupe.Nous avons ajouté une nouvelle
dimension; le comportement relationnel de l'agent avec les patients,
avec sa hiérarchie, avec les autres membres du personnel, avec ses
subalternes et avec lui-même. Nous avons ainsi observé les
attitudes et comportements des médecins et infirmiers de l'hôpital
de Katana sous six dimensions (honnêteté, compétence,
comportement relationnel, discipline dans le travail et niveau de
rendement). La Figure 1 en donne l'aperçu.
Observation participante des attitudes et comportements des
médecins et des infirmiers
L'observation participante avait été effectuée à l'hôpital de Katana
durant un an, entre juin 2000 et mai 2001. L'observation
participante fait partie des méthodes qualitatives. Elle permet
d´éviter le problème de la différence entre comportement réel et
comportement verbal, de mettre au jour des éléments souvent non
conscients chez l´observé lui-même (ou très difficiles à faire
ressortir seulement par l´intermédiaire de questions), d´identifier
des processus qui, si recherchés autrement, ne pourraient se
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4
dessiner qu´après une laborieuse et pénible chaîne d´entrevues
répétées, et enfin, d´éviter le problème de la capacité de
verbalisation de l´observé[6]. Au cours de cette observation
participante, chaque comportement anormal était noté dans un
registre constitué à cet effet, comprenant la catégorie de l'agent
observé, sa fonction, la date, son service et la nature du
comportement. Les observations étaient faites à l'insu de l'agent
pour minimiser le risque d'influence sur son comportement. Cette
technique a été conduite par le chercheur principal, alors médecin
directeur de l'hôpital de Katana. Toutes les observations faites ont
été confirmées ou rejetées progressivement lors des réunions
hebdomadaires de l'équipe de direction de l'hôpital après des
vérifications indépendantes par le médecin chef des activités
médicales, le directeur du département des soins infirmiers et
l'administrateur en charge de la gestion des ressources humaines.
Les comportements et attitudes identifiés ont été reliés à l'une des
dimensions du guide d'observation qui constituait ainsi le cadre de
référence de l'étude.
Analyse causale au cours de l'entretien de groupes
Les causes des attitudes et comportements relevés ont été analysés
au travers des entretiens des groupes. Un premier groupe a été
constitué par 5 médecins de l'hôpital, le second groupe comprenait
17 infirmiers de la maternité, le troisième groupe était constitué par
4 infirmiers des services de gynécologie et de médecine interne, le
quatrième groupe comprenait 16 infirmiers des services de chirurgie
et des soins intensifs et le dernier groupe était composé de 10
infirmiers du service de pédiatrie. Au total, 52 agents étaient
concernés. En se basant sur les règles et tâches d'animation [7], les
entretiens de groupe ont été successivement conduits par le
chercheur principal, portant sur les causes des attitudes et
comportements inadéquats initialement identifiées. La collecte de
l'information a été faite au travers des notes prises par deux
stagiaires tout au long de chaque entretien de groupe. L'information
a ensuite été transcrite par l'animateur (le chercheur principal) sous
forme de synthèses. Ces dernières ont été validées par chacun des
groupes. L'unité d'analyse a été constituée par tout paragraphe
expliquant l'attitude ou le comportement négatif observé [8].
L'analyse causale de chaque élément a été conduite en profondeur
afin d'identifier la cause ultime des attitudes et comportements
négatifs enregistrés. Les causes identifiées, justifiant les attitudes et
comportements négatifs sont théoriques, sous forme d'hypothèses
que des études ultérieures pourraient tester en respectant les
principes essentiels de la causalité, notamment la régularité des
relations entre variables, le contrôle des conditions ambiantes de
ces régularités et la construction d'une narration qui rende compte
de l'ensemble de régularités conditionnelles [9]. Le taux de
concordance entre groupes était important:82 % des causes ont été
identifiées séparément par les cinq groupes, 5 % des causes
retenues étaient citées par au moins trois groupes et seulement 13
% des causes retenues étaient citées par un ou deux groupes. Afin
de mieux définir les actions correctrices, les causes présumées ont
enfin été catégorisées en trois: causes institutionnelles, causes non
institutionnelles et causes mixtes.
Résultats
Attitudes et comportements inadéquats identifiés et proportion des
agents concernés
Au cours de la période d'étude, des attitudes et comportements
inadéquats ont apparu de manière variable et irrégulière auprès des
médecins et infirmiers. Ils sont présentés dans le Tableau 1.
Causes des attitudes et comportements inadéquats observés
L'analyse s'est intéressée aux causes des attitudes et
comportements inadéquats observés chez certains membres du
personnel en rapport avec l'honnêteté (8% des agents), la
compétence (4% des agents), le comportement relationnel (14%),
le rendement (7% des agents), la discipline (16% des agents) et la
motivation (12% des agents). La Figure 2 présente les principales
causes.
L'analyse des causes identifiées est renseignée dans le tableau2.
Parmi elles,37.5 % sont associées au dysfonctionnement interne de
l'hôpital (causes institutionnelles), 25 % sont en lien avec des
facteurs externes à l'organisation de l'hôpital (causes non
institutionnelles) et 37.5 % sont associés à la fois à des facteurs
externes et internes à l'organisation de l'hôpital (causes mixtes)
voir Tableau 2.
Discussion
La présente étude avait pour objectif d'identifier les attitudes et
comportements inadéquats des médecins et infirmiers à l'hôpital de
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Katana, d'en dégager les causes à la base en vue d'orienter les
stratégies de la gestion des ressources humaines. Les principales
limites méthodologiques sont la difficulté temporelle à vérifier les
causes évoquées comme étant à la base des attitudes et
comportements inadéquats et à décrire les caractéristiques des
agents ayant manifestés ces attitudes et comportements. La
validation par d'autres acteurs des attitudes et comportements
observés ainsi que le taux de concordance élevé entre les groupes
lors de l'analyse causale attestent de la robustesse au niveau de la
fiabilité et de la validité des méthodes utilisées.
En considérant les dimensions du cadre théorique de l'étude
(Tableau 1), les attitudes et comportements inadéquats sont
observés chez moins de 20 % des agents par dimension analysée (4
% à 16 %). Ces résultats suggèrent d'une part qu'au moins 84 %
des médecins et infirmiers de l'hôpital de Katana affichent des
attitudes et comportements satisfaisants par dimension étudiée et
que d'autre part, la qualité des soins pourrait être compromise par
les attitudes et comportements inadéquats observés chez moins de
16 % du personnel soignant par dimension analysée. Aussi, des
facteurs internes à l'hôpital sont mis en cause dans 75 % des cas,
même si dans 37.5 % des cas, des facteurs externes leur sont
associés. Des actions peuvent ainsi être entreprises au niveau de
l'hôpital sans attendre nécessairement des ressources externes.
Dans les paragraphes qui suivent, nous discutons essentiellement
les causes des attitudes et comportements indésirables identifiés et
proposons des actions susceptibles de les prévenir, voire de les
corriger.
Que retenir des principales causes des attitudes et comportements
indésirables auprès des médecins et infirmiers?
Salaires faibles: le salaire peut paraître faible si les dépenses de
l'agent dépassent son revenu mais le salaire peut effectivement être
faible lorsqu'il ne couvre pas les besoins prioritaires de l'agent
comme c'est le cas dans la majorité des hôpitaux en RDC. Cette
dernière situation a été aggravée avec les guerres dites de libération
qu' a connu la RD Congo [10]. Pour faire face à leurs obligations
financières certains membres du personnel, faiblement rémunérés,
s'adonnent au détournement de l'argent payé par les malades ou au
vol des médicaments ou de l'équipement médical. La faiblesse des
salaires résulte également et de façon importante de la participation
insignifiante de l'État dans le budget de l'hôpital, des recettes faibles
à la suite des tarifs bas, d'un faible recouvrement des coûts lorsque
certaines prestations ne sont pas signalées sur les fiches des
malades et ne sont donc pas facturées ou lorsque les dettes ne sont
pas payées par les patients.La faiblesse des salaires pourrait être
due à des dépenses exagérées car non planifiées ou non prioritaires
et joue un rôle défavorable sur la performance des prestataires des
soins [11]. Dans tous les cas, l'absence d'outils de gestion
rigoureuse d'une part et la pauvreté de la population jouent en
amont un rôle considérable.
Consignes imprécises: des recommandations mal formulées,
floues, laissent au personnel des interprétations variées pouvant
conduire à des pratiques ou des attitudes subversives[12]. En
dehors de certains règlements, des consignes imprécises peuvent
être formulées au cours d'une supervision inefficace des services,
soit irrégulière soit n'exploitant pas le canevas de supervision. Il est
évident que la supervision irrégulière des services est causée par
une organisation inefficiente du travail au sein de l'hôpital.
Impunité et injustice: elles dénotent une administration
inefficace due soit au fait que les responsables ne sont pas
supervisés et se croient tout permis (y compris l'injustice et
l'impunité) soit que la formation continue des administrateurs n'est
pas assurée pour leur permettre de garder frais à l'esprit les
procédures relatives à la gestion du personnel. L'inexistence de la
formation continue peut être expliquée par une organisation
inefficiente du travail (qui ne prévoit pas cette formation) ou par des
ressources financières limitées ne donnant pas accès à la formation.
Non prise en compte des doléances du personnel: à la suite
des représentants du personnel inefficaces ( syndicat) qui
n'expriment pas objectivement les doléances ou à cause d'un
manque de transparence des autorités qui n'avouent pas clairement
les raisons motivant certaines décisions qu'elles prennent par peur
de blesser des susceptibilités ou par inexistence d'un plan de
carrière. L'inefficacité du syndicat dans ce cas peut se justifier par
un mauvais recrutement des syndicalistes, la faible collaboration du
personnel ou le fait que le syndicat ne joue pas le rôle d'interface
entre la direction de l'hôpital et le personnel.
Mauvais recrutement: en n'appliquant pas la procédure officielle
de recrutement (par favoritisme ou à la suite d'une pression des
autorités politiques), l'hôpital engage une personne mal formée au
départ. Un comité de gestion complaisant ne pourrait que
difficilement prévenir le favoritisme qu'afficheraient les responsables
de l'hôpital alors conscients de ne pas être supervisés. Aussi, une
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administration inefficace ne veillera que par hasard à l'application
des procédures, y compris celles relatives au recrutement.
Absence de formation continue de qualité: par indisponibilité
des formateurs (surchargés de travail), par absences justifiées ou
non des sujets à former (maladie, deuil, mariage, congé ordinaire
ou de maternité), par insuffisance de ressources (documentation
inaccessible ou inadaptée, budget insuffisant pour organiser la
formation) ou simplement parce que les thèmes de formation ne
correspondent pas aux déficiences à corriger et cela soit à cause
d'une supervision inefficace des services soit à cause d'une
mauvaise analyse des données épidémiologiques, financières et
autres (par manque de formation initiale sur l'analyse des données ,
par mauvaise collecte des données).
Désintérêt pour la formation continue: il est expliqué par le
mauvais choix des thèmes de formation évoquée plus haut, la non
valorisation du travail de certains membres du personnel, la fin de
carrière pour certains ou le plafonnement dans la carrière conférant
le sentiment de n'avoir plus rien à apprendre. Il est évident que les
professionnels de la santé ne se rendent pas compte de leurs
lacunes aussi longtemps qu'ils n'ont pas d'occasion de se comparer
à d'autres exerçant les mêmes tâches qu'eux dans d'autres
institutions.
Mauvaise éducation de base: des écoles désorganisées,
l'absence des manuels scolaires, l'insuffisance de l'évaluation et du
suivi pédagogique des enseignants [13] et les mauvaises conditions
de vie de l'agent durant son enfance sont autant de facteurs
pouvant influencer négativement son éducation de base et
engendrer chez lui un mauvais comportement ultérieur.
Chefs non exemplaires: par le fait qu'ils ne respectent pas le
règlement, qu'ils appliquent un favoritisme ou qu'ils abusent du
pouvoir. Ils y arrivent lorsque l'appareil administratif néglige le suivi
des procédures, lorsqu'au départ ils n'ont pas été initiés au poste de
responsabilité, ne sont pas évalués ni supervisés régulièrement,
ignorent le canevas de supervision ou subissent la pression sociale
(parents, amis, membres de famille qui sollicitent souvent des
faveurs et largesses à l'encontre des règlements).
Absence des règles connues qui régissent les relations entre
les travailleurs: par négligence administrative (qui ne publie pas
et encore moins n'explique pas au personnel le code de conduite au
travail, n'assure pas le suivi des relations entre les personnes et
finalement ne sanctionne pas les manquements).
Non prise en compte des contraintes par le personnel et/ou
par les responsables: un manque de dialogue entre employeur et
employés peut entretenir des malentendus sur certaines questions,
notamment des difficultés à payer à temps ou en totalité des
salaires, la suppression de certains avantages du personnel sans
aucune explication préalable. Ces faits peuvent générer des
comportements inadéquats chez le personnel. Cela survient souvent
lorsqu'on néglige la tenue des assemblées générales (un des cadres
de concertation avec le personnel) et qu'on applique des décisions
où le personnel n'a pas participé. Toutes fois , quoique consulté, le
personnel ou très rarement la direction de l'hôpital peut afficher une
mauvaise volonté devant certaines situations.( ex : sanctionner un
sujet pour retard quand il a d'abord conduit son enfant malade au
centre de santé et n'ayant pas eu la possibilité de prévenir ; faire la
grève pour payement partiel des salaires en situation de
recouvrement difficile ou encore réclamer une majoration salariale
pendant que l'hôpital n'arrive pas à payer correctement des salaires
ordinaires).
Mauvaise gestion de temps: par absence d'horaire de travail
(des tâches sont exécutées à tout hasard avec risque de ne pas
accomplir parfois celles essentielles), par bavardage aux heures de
service entretenu par l'absence de sanction (impunité), un suivi
déficient du personnel et donc une négligence administrative.
Matériel en panne: ce facteur est à la base d'un faible rendement
dans le secteur où il est utilisé (ex : un échographe ou un aspirateur
en panne). La panne peut résulter d'un manque de maintenance
des équipements, de leur mauvais usage ou de la non maîtrise par
les utilisateurs des différents modes d'emploi qu'ils négligent de lire
ou qu'ils ne possèdent pas. Naturellement, un plan de maintenance
du matériel médical et informatique complet et bien expliqué aux
utilisateurs préviendrait à juste titre le mauvais usage de ce
matériel.
Prescriptions médicales inadaptées: parfois observées, ces
prescriptions soit fantaisistes, soit exagérées peuvent être à l'origine
d'un faible rendement du médecin car le malade qui devait être bien
traité dès la première consultation risque de revenir plusieurs fois,
faisant perdre le temps et les ressources.
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Organisation inefficiente du travail: l'affectation par exemple
de 10 infirmiers en médecine interne pour 10 malades pendant
toute une journée dénote un gaspillage des ressources.
Surcharge du travail: ce facteur constitue bien souvent une cause
d'un faible rendement qualitatif du personnel.
Matériel non utilisé: par ignorance des modes d'emploi ou par
manque d'intérêt à l'innovation technologique.
Impunité: un travailleur indiscipliné persévèrera dans sa conduite
dès lors qu'il reste impuni et risque d'influencer les autres au
détriment de l'institution. L'impunité relève d'une défaillance
administrative notamment l'absence de suivi ou d'instructions
précises.
Chefs non exemplaires: en entretenant le favoritisme, en
abusant du pouvoir, en ne respectant pas le règlement, les chefs
peuvent freiner le zèle chez certains membres du personnel et les
pousser à l'indiscipline. Devenir exemplaire passe par
l'apprentissage, l'initiation à l'exercice des responsabilités et de la
gestion des pressions sociales évoquées plus haut.
Absence d'esprit d'équipe: elle peut être consécutive à une crise
de confiance à l'égard des collaborateurs indiscrets, à
l'incompétence(de peur d'être découvert incompétent), à l'orgueil (
on se surestime et on se croit meilleur que les autres) ,à la non
collaboration des autres (parce que leur avis n'est pas pris en
compte ou ils ne participent pas à la prise de décision), à la jalousie
( manque de transparence, nominations arbitraires, partialité dans
les récompenses).
Gestion insuffisante du personnel: elle survient lorsque le
gestionnaire néglige le travail, lorsqu'il est démotivé à son tour,
lorsqu'il n'est pas supervisé ni évalué, ou lorsqu'il n'est pas recyclé.
Non avancement dans la carrière: l'avancement du personnel
est souvent reporté à plus tard car les moyens d'accompagnement
ne sont pas disponibles. Le non avancement dans d'autres situations
serait dû à l'évaluation irrégulière du personnel ou simplement à
l'inexistence d'un plan de carrière.
Salaires supérieurs ailleurs pour le même travail ou la
même compétence: ce facteur est démotivant et est dû au fait
qu'il n'y a pas de réglementation en matière de salaires ; aussi des
organisations suffisamment financées essayent de tenir compte du
panier de la ménagère pour fixer des barèmes salariaux, ce que ne
peuvent pas faire d'autres institutions et notamment l'hôpital de
Katana qui réalise de faibles recettes.
Les connaissances, attitudes et pratiques observées chez certains
membres du personnel ont donc plusieurs causes dont certaines
sont vulnérables. Ceci nous amène à des propositions des actions
correctrices.
Quelques actions susceptibles d'améliorer les attitudes et
comportements des médecins et infirmiers à l'hôpital de Katana
.
Dans le contexte de l'hôpital de Katana,
la prévention de la
malhonnêteté
auprès des médecins et infirmiers qui y travaillent
passent par l'amélioration des salaires (en maximisant les recettes
et en réduisant les dépenses); des supervisions efficaces des
services hospitaliers (à l'aide d'un processus et des ressources
adéquats); la prise en compte des doléances du personnel
(exprimées de manière ouvertes lors des réunions avec le personnel
ou de manière informelle au travers par exemple les boîtes à
suggestions); une gestion transparente des ressources (impliquant
entre autres la présentation régulière au personnel de la situation
relative aux finances, au personnel, aux médicaments et
consommables) et la supervision des superviseurs.
L'amélioration de
la compétence
des médecins et des infirmiers nécessite que le
processus de recrutement respecte les critères définis dans les
procédures (dont une certaine expérience); que la formation
continue de qualité soit assurée pour le maintien des connaissances
théoriques; que le personnel soit motivé; que des opportunités de
développement soient offertes et que l'environnement soit propice
pour la valorisation du travail réalisé et la prise de conscience par
l'agent de ses lacunes [14]. Pour y parvenir, certaines actions
pourraient être envisagées, par exemple l’élaboration d'un
programme de stage et d'encadrement pour les nouveaux médecins
et infirmiers; la mise en place d'une bibliothèque médicale avec des
revues papiers et électroniques récents; l'instauration d'un caractère
obligatoire de consultation des revues scientifiques; l'abonnement à
des revues de santé publique, de médecine générale et des soins
infirmiers; l'organisation des ateliers et séminaires, l'octroi des
bourses aux plus méritants pour des stages de perfectionnement ou
des formations modulaires. Concernant
le comportement relationnel
,
il sera amélioré en affichant de la promptitude et de la gentillesse à
l'égard des patients lors de leur accueil; en vulgarisant le code de
bonne conduite au travail; en mettant en place des boîtes à
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suggestions et d'autres cadres de dialogue avec le personnel en vue
de partager les contraintes et d'identifier les doléances des
agents.
L'amélioration du rendement
passe par le suivi de
l'exécution des tâches du personnel [15], l'affichage des horaires de
travail des cadres, l'application des consignes, la surveillance de la
consommation des médicaments, l'élaboration d'un plan de
maintenance des équipements, l'élaboration et l'exécution d'un
calendrier des réunions, le respect de l'horaire de travail et la
supervision efficace des services cliniques et para cliniques. Une
administration efficace et la promotion d'un travail en équipe
favoriseraient de
la discipline
et du zèle auprès du personnel. Des
actions à mener sont notamment la vulgarisation des différents
règlements relatifs à la gestion du personnel (barème des sanctions,
codes du travail et de bonne conduite); l'élaboration des outils d'une
meilleure gestion des ressources; l'application des procédures avec
justice et équité; l'évaluation des équipes et l'application des
sanctions (réprimander ou féliciter les agents). Enfin, en plus de
gérer correctement le personnel, de valoriser son travail et d'assurer
son avancement dans la carrière, toutes les actions précédentes
contribueront à
motiver
le personnel afin d'espérer des attitudes et
comportements adéquats.
Conclusion
Des attitudes et comportements indésirables peuvent être observés
chez des médecins et des infirmiers au sein des établissements des
soins et compromettre la réputation de l'établissement, voire la
qualité des soins qui y sont offerts. L'identification de ces attitudes
et comportements au travers une observation participante et leur
analyse causale au travers des entrevues de groupe est ici proposée
comme une approche de renforcer la gestion des ressources
humaines dans le but sublime d'améliorer la qualité des soins. Le
présent article révèle d'une part que les fréquences les plus élevées
des attitudes et comportements inadéquats concernent le
comportement relationnel et la discipline et d'autre part, que la
majorité des causes des attitudes et comportements inadéquats
observés est associée au dysfonctionnement organisationnel de
l'hôpital de Katana. L'étude propose au gestionnaire des actions à
envisager pour prévenir ou corriger ces attitudes et comportements
indésirables.
Conflits d’intérêts
L'auteur déclare ne pas avoir de conflit d'intérêt.
Contributions des auteurs
L'auteur déclare avoir lu la version finale du manuscrit.
Tableaux et figures
Tableau 1: Attitudes et comportements indésirables chez des
médecins et infirmiers en milieu hospitalier
Tableau 2: Nature des causes des attitudes et comportements
indésirables chez les médecins et infirmiers
Figure 1: Aperçu du guide d’observation des attitudes et
comportements des médecins et infirmiers en milieu hospitalier
Figure 2: Principales causes des attitudes et comportements
inadéquats
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10
Tableau 1: Attitudes et comportements indésirables chez des médecins et infirmiers en milieu hospitalier
Dimensions
Attitudes et comportements indésirables
Fréquence+
(n= 52)
Honnêteté
Cotation non objective des stagiaires, non reconnaissance de ses erreurs, privilège accordé à
ses intérêts au détriment de ceux de l’institution, non-respect des consignes, divulgation des
secrets de délibération, démission sans préavis, non-respect du contrat de travail,
détournement de l’argent payé par les malades.
8 %
Compétence
Travail mal fait (visites médicales, soins infirmiers), non-participation aux réunions de
services, absence de lecture de revues scientifiques, participation passive aux réunions
d’équipe (médicale ou infirmière).
4 %
Comportement
relationnel
Avec les malades (mauvais accueil, manque d’attention, langage déplacé, gestes indignes,
manque de discrétion), Avec la hiérarchie (refus des remarques, insubordination, contestation
de l’évaluation), Avec soi-même (ivresse aux heures de travail, malpropreté), Avec les autres
membres du personnel (attitudes non collégiales, calomnie, médisance, attitudes
conflictuelles), Avec ses subalternes (chefs non exemplaires, non prise en compte des
contraintes)
14 %
Rendement
Non inscription d’informations utiles dans les registres ou sur les fiches des malades (données
administratives, signes vitaux, examens paracliniques, actes médicaux pratiqués), Gaspillage
des médicaments et mauvais usage du matériel mis à la disposition du personnel pour le
travail, non élaboration du rapport des activités de service, non vérification de la facturation
ou du paiement des prestations.
7 %
Indiscipline
Retard au travail, refus d’introduction des innovations approuvées, absentéisme, lenteur
d’exécution des tâches, cacher des informations utiles aux collaborateurs, ne pas s’excuser en
cas d’incompréhension, absence d’esprit d’équipe.
16 %
Démotivation
Travail bâclé, absence d’initiatives, Non-respect de son horaire de travail, non introduction
des innovations approuvées, livraison en retard du travail attendu.
12 %
+Pourcentage des médecins et infirmiers concernés par les comportements et attitudes indésirables
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11
Tableau 2: Nature des causes des attitudes et comportements indésirables chez les médecins et infirmiers
Nature
Causes
Fréquence
Institutionnelles
Consignes imprécises
Impunité
Non prise en compte des doléances
Chefs non exemplaires
Absence d’un code de conduite du personnel
Organisation inefficiente du travail
Surcharge du travail
Matériel non utilisé ou en panne
Gestion déficiente du personnel
37.5 %
Non institutionnelles
Désintérêt pour la formation continue
Mauvaise éducation de base
Démotivation
Paresse innée
Salaires supérieurs ailleurs pour le même travail
Salaire supérieur ailleurs pour la même compétence
25 %
Mixtes
Salaires faibles
Injustice
Mauvais recrutement
Absence de formation continue de qualité
Non prise en compte des contraintes du personnel
Mauvaise gestion du temps
Prescriptions médicales inadaptées
Absence d’esprit d’équipe
Non avancement dans la carrière
37.5 %