Content uploaded by Francoise Gerard
Author content
All content in this area was uploaded by Francoise Gerard on Oct 28, 2015
Content may be subject to copyright.
1
Libéralisation des échanges et bien-être des populations pauvres :
faiblesse des impacts et sensibilité des résultats aux hypothèses de fonctionnement des marchés
F.Gérard, M.G Piketty, J.M. Boussard
Publié en 2003 dans Notes et Etudes Economiques, n°19, octobre, Ministère de l’Agriculture, DAF
Résumé
Alors que les gains à attendre suite à la libéralisation des échanges, en particulier pour les PED, sont
généralement présentés comme essentiels aux progrès de la lutte contre la pauvreté, cette étude
souligne leur faiblesse lorsqu’ils sont exprimés en termes relatifs et leur sensibilité aux hypothèses
réalisées sur le fonctionnement des marchés. En effet, alors que l’imperfection de l’information est
largement admise, parmi les spécialistes, comme caractéristiques des marchés agricoles, sa prise en
compte dans le modèle transforme des gains extrêmement faibles en pertes parfois importantes,
soulignant ainsi l’utilité sociale des politiques agricoles.
Mots clés : modèle mondial, équilibre général, libéralisation, bien-être, sécurité alimentaire, pauvreté.
Introduction
L’accès de tous à une alimentation décente demeure un défi majeur pour l’humanité. En dépit de la
volonté collective et unanime en la matière, peu - ou pas – de progrès -selon que l’on considère les
statistiques en relatif ou en absolu- ont été réalisés au cours des 30 dernières années… Comme souvent
en économie politique, c’est sur les moyens pour y parvenir - libéralisation totale ou intervention
publique - et non sur l’objectif - éradiquer la pauvreté comme la malnutrition - que porte la
controverse.
De nombreux auteurs affirment que la libéralisation des échanges de produits agricoles, et en
particulier le retrait de la politique agricole européenne, serait à même d’améliorer considérablement
la situation des pays en voie de développement et en particulier des ménages les plus pauvres. En effet,
la pratique des subventions à l’exportation, en déprimant les prix agricoles, ne permet pas aux marchés
mondiaux de refléter la valeur réelle de la sécurité alimentaire. Cependant l’importance des
imperfections de marchés, au delà des distorsions créées par l’intervention des Etats, fait craindre que
la libéralisation ne se traduise pas par une amélioration notable de la situation des pays en voie de
développement.
Plusieurs études sur des pays d’Afrique subsaharienne, où la libéralisation mise en œuvre dans le
cadre des plans d’ajustement structurels, montrent que ceux ci n’ont généralement pas donné les
résultats escomptés. De multiples imperfections de marché se sont révélées comme autant d’obstacles
à la croissance économique (Kherallah et al., 2000). Par ailleurs, en se fondant sur l’expérience des
marchés financiers dans les années 90, on considère que des périodes de crise, caractérisées par de
fortes fluctuations seraient probables sur des marchés agricoles complètement libres. Une certaine
autosuffisance alimentaire semblerait alors préférable, du point de vue du bien-être des populations, à
la croissance des exportations agricoles.
Ainsi, certaines politiques de régulation sont peut-être nécessaires, même si toutes ne sont pas
efficaces .Il ne s’agit évidemment pas ici de défendre des politiques, comme les subventions aux
exportations, qui ne sont pas justifiables économiquement. Cependant, les mécanismes à l’œuvre dans
le maintien de la pauvreté et de la malnutrition sont complexes et il semble peu équitable d’attribuer
leur persistance à l’intervention des Etats sur les marchés. Tel sera le centre de notre propos.
Dans une première section, les arguments généralement avancés pour promouvoir la libéralisation,
tout comme leurs limites sont présentés, afin de rappeler les principaux éléments du débat. La
complexité du problème, tout comme l’importance des résultats des modèles mathématiques dans
2
l’argumentation développée pour ou contre un retrait total de l’intervention des Etats, justifient
l’utilisation de plusieurs variantes d’un modèle économétrique de l’économie mondiale pour explorer
cette question, méthodologie présentée en section 2. Les principaux résultats des simulations obtenues
à partir de scénarii de libéralisation progressive sont présentés et discutés en section 3. Enfin, en
conclusion, l’ensemble de l’argumentaire est rappelé.
1. La libéralisation des échanges permettra-t-elle vraiment de résoudre le problème du sous
développement et de la pauvreté ?
Dans le cadre des négociations internationales sur le commerce mondial, les politiques agricoles sont
souvent désignées comme responsables des difficultés économiques de nombreux pays en
développement. Deux éléments sous-tendent l’argumentation, l’un est général – les gains à attendre de
la libéralisation des échanges - et l’autre dirigé plus particulièrement contre l’Europe - les impacts
négatifs sur les marchés mondiaux et le développement de la politique agricole commune. Ils sont
discutés successivement dans cette section.
Les avantages de la libéralisation : enrichissement global grâce à l’échange
L’argument principal pour la libéralisation repose sur les gains de bien-être associés à une production
moins coûteuse et plus efficace dès lors que chaque région se spécialise dans la production où elle est
la plus performante, l’échange permettant ensuite d’acquérir n’importe quel bien provenant de
n’importe quelle région. L’ensemble des consommateurs profite alors de consommations moins
onéreuses. C’est ce que les économistes nomment une répartition des activités de production conforme
aux « avantages comparatifs ». De plus, alors que la production agricole est très dépendante des
phénomènes naturels, les échanges permettent la dilution des chocs et autorisent la compensation entre
mauvaises et bonnes récoltes touchant des régions différentes, mettant l’homme à l’abri des aléas
climatiques. Par ailleurs, on attend de l’intensification des échanges une diffusion des innovations et
ainsi des améliorations techniques et une hausse de la productivité dans les pays en développement.
Une telle évolution devrait engendrer une certaine dynamique de croissance en milieu rural dont on
attend qu’elle profite à l’ensemble de la population, même aux plus pauvres, par le développement des
opportunités d’emploi dans les secteurs formels et informels.
Enfin, il ne faut pas négliger l’importance des déboires de la régulation, ce que l’on nomme en
économie institutionnelle les « défaillances de l’Etat », dans l’engouement pour le retrait des Etats de
la vie économique. En effet, les exemples de politiques de stabilisation minées par la corruption et
l’inefficacité sont nombreux. La tentation est forte en effet de détourner les gains de la stabilisation
plutôt que de les consacrer à des investissements dans les infrastructures, pourtant nécessaires au
développement. De plus, la régulation suppose des institutions efficaces. Les contrôles sont coûteux,
objets de fraudes, captures de rente et détournements. Il est alors beaucoup plus commode de laisser le
marché coordonner des décisions individuelles motivées par l’intérêt personnel, « la main invisible »
chère aux économistes depuis Adam Smith (1776).
Les limites aux bienfaits de la libéralisation
La mise en place des cercles vertueux de développement décrits plus hauts suppose cependant que les
avantages comparatifs soient favorables aux agriculteurs des pays en développement. Etant donnée la
différence dans les techniques et dans les conditions de production, on peut craindre que nombre
d’agricultures des pays du Sud ne soient pas compétitives avec celles de régions des pays développés.
L’importance d’un secteur agricole dynamique dans le développement, du fait des effets
d’entraînement liés à la croissance du secteur, de la mise en place des infrastructures nécessaires, des
effets multiplicateurs associés à la croissance d’une demande solvable, est connue et demeure
cependant.
Par exemple, une agriculture efficace, développée à l’abri d’une protection originale - minimisant les
risques pour les producteurs-, est un des fondements de la réussite des dragons asiatiques où
3
l’intervention de l’Etat a été déterminante (Stiglitz 1996). L’instabilité des prix agricoles pose en effet
des problèmes incontournables aux producteurs et s’oppose d’autant plus aux investissements que les
paysans sont pauvres. Elle est d’ailleurs la raison pour laquelle de nombreux pays ont mis en place des
politiques visant à isoler leur marché domestique des fluctuations internationales Même lorsque
l’agriculture d’une nation n’a pas la performance des meilleurs producteurs mondiaux, le rôle clé de ce
secteur dans le développement comme dans la lutte contre la pauvreté plaide pour une certaine
protection de l’agriculture (Timmer 1989a, 1989b, 1996).
L’argument du libéralisme stabilisateur et ses insuffisances
Finalement, le principal argument, à la base de l’isolement des marchés domestiques par les politiques
commerciales, est lié à l’instabilité des prix des marchés mondiaux (figure 1°. Dans ce contexte, la
mise en évidence par Bale et Lutz (1979) d’un impact déstabilisant de certaines mesures de protection
sur les marchés mondiaux, apparaît comme une solution simple au problème : la libéralisation va
permettre, au delà des gains d’efficacité associés à des échanges permettant une spécialisation
conforme aux avantages comparatifs, de réduire l’instabilité des prix
1
. Plusieurs modèles appliqués en
équilibre partiel et général
2
permettent de chiffrer la réduction de l’instabilité tout comme d’en
désigner les responsables (Tyers et Anderson, p61) : « (…)les fluctuations des prix internationaux des
produits alimentaires sont imputables à concurrence de 25% environ aux aspects stabilisateurs de la
politique agricole commune de la CEE (…) Autrement dit, si les pays de l’OCDE et les pays en voie
de développement libéralisaient intégralement leurs marchés, les fluctuations des marchés
internationaux seraient réduites à un tiers de ce qu’elles sont actuellement. (…) ». Dans ces conditions
la question de l’instabilité semble au moins partiellement résolue par la libéralisation.
Cependant, comme le souligne Duncan (1990, p. 504) l’instabilité est aussi importante sur des
marchés en libre concurrence, comme le marché du cuivre. «(…) Le comportement des prix, tel qu’il
est actuellement modélisé, n’appréhende pas ce qui constitue l’essence de leur instabilité et qui tient, je
pense, au caractère non linéaire de leurs réactions aux niveaux des stocks spéculatifs et de
transaction(…) »
1
L’argument étant que les pays qui s’isolent des fluctuations des marchés internationaux transmettent leur
propre instabilité sur les marchés extérieurs.
2
Pour une vision détaillée de la pluspart de ces modèles voir Goldin et Knusen(1990) et (1994)
4
L'exception agricole:
Evolution comparées de deux produits agricoles et d'un produit industriel depuis 1967 aux USA
(Indices base 100 1 janvier 1967)
0
500
1000
1500
2000
2500
3000
3500
4000
1967
1968
1969
1971
1972
1973
1975
1976
1977
1979
1980
1981
1983
1984
1985
1987
1988
1989
1991
1992
1993
1995
1996
1997
1999
2000
Cars Tomatoes Sucre
Sugar #11 Chicago Spot
Price (globalfindata.com)
Retail Price in main US cities,
(economagic.com )
US CPI price index of new
automobiles (economagic.com)
Figure 1 : la volatilité des prix des produits agricoles
Instabilité endogène et défaillances de marché
En effet, la diminution de l’instabilité des prix par la libéralisation découle d’une conception
particulière du phénomène : elle est le résultat de chocs extérieurs au système, non corrélés entre eux
et ayant une distribution normale. Ces perturbations exogènes peuvent alors se compenser d’une
région à l’autre, elles sont « diluées » grâce à l’élargissement du marché. On suppose par ailleurs
qu’en dépit des fluctuations, les agents sont à même de décrypter correctement les signaux du marché,
ce qui se traduit par l’absence de prise en compte des anticipations dans les modèles.
D’autres conceptions de l’instabilité existent pourtant. Mandelbrot (1973a) distingue le hasard bénin,
gaussien, qui disparaît lorsque l’échelle d’observation est suffisamment grossière, du « hasard
sauvage ». Le hasard bénin est celui dont il a été question ci-dessus mais Mandelbrot souligne la
fréquence du « hasard sauvage » dans les séries économiques et en particulier dans les séries de prix,
« (…) la raison, à priori est que l’offre et la demande, qui en principe doivent déterminer un prix,
résultent toute deux à la fois de facteurs objectifs et d’anticipations. Même si on accepte pour les
premiers une approximation continue, les seconds peuvent changer du tout au tout à la suite d’un
signal physique dont la durée et l’énergie sont négligeables, tel le proverbial « trait de plume ». Du
coup la rationalité dans la détermination des prix risque fort de mener à des sauts, signifiant qu’elle est
déstabilisante » Mandelbrot (1973b, p330). Ce rôle central des anticipations et de leur exactitude est
déjà présent chez Keynes (1921), qui affirme leur caractère incertain, subjectif et fluctuant. Il est à
l’origine des politiques agricoles modernes, initiées par Franklin D. Roosevelt au milieu des années
30, et qui étaient justifiées par de telles considérations (Ezekiel, 1938).On le retrouve enfin dans
l’analyse des épisodes fébriles sur les marchés financiers (Kindleberger 1996, Orléans 1989).Rien que
la prise en compte de ce type de hasard – on ne peut plus compter sur la loi de grands nombre pour en
effacer les conséquences- justifierait l’intervention sur les marchés agricoles.
Mais il y a encore pire, ce sont les séries chaotiques. Celles là ne doivent rien au hasard (elles sont
« déterministes »). Cependant, elles sont extrêmement sensibles aux conditions initiales et ainsi
5
totalement imprévisibles, même lorsque le modèle de formation des prix est parfaitement connu.
Day(1994) et Boussard(1994), par exemple, établissent les conditions d’émergence d’une dynamique
chaotique dans les modèles économiques. Elles reposent sur une défaillance de marché fondamentale
qui est l’imperfection de l’information
3
. Les agents, incapables d’anticiper le prix d’équilibre, se
trompent dans leurs anticipations, leurs erreurs affectent les volumes d’équilibre, donc le prix, dont le
mouvement contribue à perpétuer les erreurs d’anticipation etc. Alors le prix ne tend plus vers un
équilibre stable de long terme, perturbé par les seuls chocs exogènes : il évolue selon une dynamique
chaotique se traduisant par des fluctuations endogènes contre lesquelles un élargissement du marché
sera sans effets. Dans ces modèles, ce sont les comportements économiques en présence de défaillance
de marché et non les politiques protectionnistes qui sont responsables de l’instabilité.
Quoique les séries puissent apparaître cycliques, ce ne sont pas de vrais cycles. Les points de
retournements sont impossibles à connaître à l’avance, ce qui complique considérablement les
décisions de stockage et explique les difficultés potentielles d’une stabilisation par le stockage privé.
On ne sait jamais combien de temps va durer une tendance à la hausse ou à la baisse et le
comportement des prix est très sensibles aux anticipations des opérateurs sur les marchés : bulles et
réajustement brutaux constituent une des caractéristique de ces marchés, ce qui explique leur volatilité.
Si la volatilité provient de phénomènes de ce type, et non d’aléas climatiques distribués
« normalement », alors il est vain d’espérer atténuer ou gommer les fluctuations par un élargissement
du marché : tout ce qu’on fera alors, ce sera de synchroniser les épisodes de prix trop élevés ou trop
bas, mais sans jamais les supprimer.
3
Laroque et Deaton (1992) montrent que même en cas d’information parfaite la non négativité des stocks suffit à
introduire, pour certaines valeurs des paramètres, une dynamique chaotique.
6
Défaillance de marché et régulation automatique : justification économique de l’intervention
D’autre part, la théorie économique nous enseigne que les marchés libres ne rempliront leur rôle de
régulation automatique optimale que si les conditions d’efficacité sont satisfaites – lorsque tel n’est
pas le cas, des « défaillances de marché » s’observent l’efficacité « automatique » n’est plus assurée et
l’intervention publique peut être justifiée. Les défaillances de marché les plus documentées dans
l’agriculture sont les suivantes :
- présence de biens publics - impossible à accaparer et dont l’usage par les uns ne réduit pas
l’agrément qu’en retirent les autres. L’air pur, la sécurité nationale, l’eau peuvent entrer dans cette
catégorie, mais également la stabilité des prix des denrées de base étant donné son importance
pour la paix sociale ;
- présence d’externalités, signalant le fait que certaines activités ont un impact sur d’autres activités
économiques sans que cet impact soit valorisé ou sanctionné par un prix de marché : la pollution
agricole à ce titre peut s’accroître ou décroître suite à des mesures de libéralisations ; elle ne sera
pas comptabilisée dans les gains et les pertes des riches comme des pauvres.
- Incomplétude des marchés : absence de certains marchés, comme tel est le cas du marché bancaire
ou de crédit dans de nombreux pays en développement, absence de marchés de l’assurance et du
risque, absence de marché pour les périodes futures pour la plupart des produits.
- Imperfection de l’information : l’information disponible n’est pas partagée de manière égale et
symétrique par tous les acteurs, et/ou elle n’est pas suffisante pour décider de son investissement,
de sa production ou de sa consommation
Enfin, pour que les avantages comparatifs puissent offrir le maximum de gains d’efficacité, une
certaine spécialisation est nécessaire. Cependant, en ce qui concerne les produits alimentaires, on peut
s’interroger sur la capacité du marché mondial à assurer un approvisionnement régulier et sûr, à un
coût stable de surcroît, pour les consommateurs des pays importateurs. Un gouvernement qui opterait
pour cette solution devrait être très attentif aux variations des taux de change qui affecteraient
directement sa facture alimentaire. Cela reviendrait, en quelque sorte, à mettre sa paix sociale entre les
mains des marchés mondiaux, agricoles et financiers. Or, les crises successives des marchés financiers
au cours des années 90 ont mis en évidence la nécessité de nouveaux mécanismes de régulation,
destinés à amortir les épisodes de krach, dans l’accompagnement des processus de libéralisation
financière (Stiglitz1999). En raison de l’instabilité des prix agricoles sur les marchés mondiaux et des
possibilités de fortes fluctuations dans la valeur relative des monnaies, il n’est pas assuré que le
marché mondial offre un approvisionnement suffisant et sûr au point que les nations – et les
gouvernements - basent leur sécurité alimentaire sur les seules importations.
2- Le modèle mondial ID3: philosophie, principales caractéristiques et originalités
4
Les conséquences de la libéralisation des échanges pour les pays en développement sont complexes.
L’argumentation, pour ou contre la libéralisation, met en scène une multitude de variables et
d’hypothèses de fonctionnement de l’économie. C’est exactement dans ce type de situation que le
recours à la modélisation économique est susceptible d’améliorer l’analyse. En effet, en cherchant à
reproduire le fonctionnement de l’économie mondiale, un modèle est susceptible d’évaluer, au delà de
la multitude des variables à prendre en compte et des effets venant se renforcer ou s’atténuer
5
, l’impact
global de la libéralisation sur les différents pays du monde.
4
ID3 : Modèle International Dynamique pour l’étude du développement Durable et de la Distribution des
revenus
5
Les impacts de sens contraires sont en effet courants en économie. Par exemple, la croissance des prix des
denrées de base est favorable aux revenus des producteurs agricoles ; cependant s’ils ne sont pas auto-suffisants,
un impact négatif apparaît du fait de l’accroissement des prix à la consommation.
7
Après la présentation des principales caractéristiques du modèle ID3 les résultats préliminaires de
scénarii de libéralisation progressive de l’économie sont analysés. Dans chaque cas, les conséquences
de la libéralisation, avec ou sans imperfection de l’information sont évaluées. On dispose ainsi de deux
éclairages de la question : dans le premier seul l’importance des gains associés au jeu des avantages
comparatifs est évalué tandis que dans le second les pertes qui découlent des périodes de fortes
fluctuations générées par l’imperfection de l’information sont également prises en compte.
2.1 - La philosophie du modèle ID3
Du point de vue méthodologique, ce modèle est fondé sur la philosophie des « modèles d’équilibre
général calculables ». Ce principe est appliqué au niveau mondial et dans un cadre multi-sectoriel, afin
de mesurer l’impact de différents scénarii non seulement sur l’agriculture mais aussi sur l’économie
européenne dans son ensemble et sur les différents pays du monde. Cette approche mondiale et multi-
sectorielle est rendue nécessaire du fait de l’intensification des relations entre pays (mondialisation) et
de l’importance des interdépendances entre les différents secteurs d’une économie. On connaît par
exemple le rôle clé de l’investissement dans la croissance économique : seule une approche multi-
sectorielle peut permettre de représenter la compétition entre les différents secteurs d’une nation pour
l’allocation des investissements ; seule une approche multi-pays reflète cette compétition entre
nations. Par ailleurs, l’importance d’une main d’œuvre à bas salaires, souvent présentée comme un
avantage comparatif majeur de nombreux PED, souligne les interdépendances entre secteurs agricoles
et non-agricoles. Seul un secteur agricole suffisamment dynamique pour offrir des denrées de bases à
un prix à la fois relativement stable et faible autorisera un tel avantage comparatif à se maintenir dans
la durée. En effet, toute augmentation des prix alimentaires non suivie d’augmentation des salaires
nominaux se traduira par une agitation sociale
6
remettant en cause la compétitivité liée à la faiblesse
des coûts en main d’œuvre. On comprend ainsi l’importance du secteur agricole dans les performances
macro-économiques (Timmer, 2000). La réciproque est également vrai : la crise financière en
Indonésie a fortement affecté le secteur agricole et en particulier les producteurs de cultures vivrières,
soulignant l’importance du bon fonctionnement de l’économie en général et des marchés agricoles en
particulier dans le développement agricole (Gérard, 2000)
Il faut préciser le sens de la notion d’équilibre général. Dans un tel modèle, les marchés doivent être
équilibrés à tout moment, les prix d’équilibre égalisent l’offre et la demande sur tous les marchés, tant
agricoles que non agricoles, qu’il s’agisse de marchés de produits ou de facteurs de production. En
outre, les revenus des facteurs de production sont répartis entre les individus qui en détiennent les
droits correspondants, de sorte que les ressources des ménages et des gouvernements, à l’origine des
demandes sur les marchés des biens, proviennent des activités de production et concourent à la
formation de l’offre. Une telle conception du circuit économique peut se décliner de nombreuses
façons.
Modèles standards et modèles avec instabilité
Dans les modèles « classiques », dont les résultats sont mis en avant par les organisations
internationales et certains pays pour justifier une libéralisation rapide, les prix de la période courante
forment simultanément les revenus et les productions, sans qu’il puisse y avoir d’erreur d’anticipation,
ni sous emplois de facteur de production. Une telle situation est très favorable aux thèses libre-
échangistes : elle évacue la question de comment l’équilibre « prix-quantité » est atteint et ainsi le
problème d’un éventuel dysfonctionnement, même temporaire, des marchés. Pourtant, l’importance de
l’instabilité des prix sur les marchés agricoles témoigne de tels déséquilibres et erreurs d’anticipation.
C’est pourquoi, dans la version du modèle avec imperfection de l’information, l’hypothèse de
simultanéité des décisions de productions et de mise sur le marché des produits est remplacée par un
décalage d’une période entre décision de production et commercialisation. La décision est alors basée
sur des prix anticipés, et c’est par rapport à ces derniers, et non par rapport au prix d’équilibre que les
6
Les émeutes de la faim qui ont souvent caractérisées les augmentations des prix alimentaires consécutives aux
plans d’ajustement structurels illustrent ce phénomène.
8
conditions d’optimalité des producteurs sont respectées. Le prix d’équilibre est alors calculé une
période après les décisions de productions et des profits positifs ou négatifs apparaissent du fait de la
différence entre prix d’équilibre et prix anticipés.
L’existence de profits positifs, négatifs ou nuls, entraîne celle de « risque de prix », contre lesquels les
producteurs se prémunissent en étant prudents et en diversifiant leur production, à l’encontre des
règles d’optimalité qui privilégient la spécialisation dans l’activité la plus compétitive. Ainsi, alors que
les modèles ne prenant pas en compte l’incertitude aboutissent à une spécialisation des exploitations
agricoles dans un nombre limitée de production, peu conforme à celle qu’on observe en réalité, la prise
en compte du risque permet une représentation plus proche du processus de décision observé
(Boussard 1987).
2
2.
.2
2.
.
P
Pr
ri
in
nc
ci
ip
pa
al
le
es
s
c
ca
ar
ra
ac
ct
té
ér
ri
is
st
ti
iq
qu
ue
es
s
17 secteurs sont considérés dont 10 concernent directement la production agricole et sylvicole et 4 les
activités de transformations associées à ces productions (encadré 2). Le degré de détail accordé au
secteur agricole est une originalité importante de ce modèle
Deux découpages géographiques du monde en 3 pays ou régions (Etats-Unis, Europe, Reste du
Monde) d’une part, et en 13 régions d’autre part (encadré 1) ont été réalisés. Le modèle à 3 régions
permet de réaliser de multiples simulations car les calculs sont rapides. De plus, de nombreuses
variantes peuvent être étudiées avec cette version et l’analyse est rendue plus aisée du fait du nombre
moins élevé de variables de sorties du modèle.
Encadré 1- 13 régions, 17 secteurs, 5 facteurs de production
Régions
Secteurs
Facteurs de production
Europe
Etats Unis
Australie-Nouvelle Zelande
PECO
Pays du Mercosur
Autres pays d’Amérique Latine
Pays de l’Asie Développée
Pays de l’Asie du Sud-Est
Pays de l’Asie du Sud
Chine
Afrique Sub-Saharienne
Afrique du Nord –Moyen Orient
Reste du Monde
Blé
Autres céréales
Elevage bovin
Autres productions animales
Lait
oléagineux
Sucre
Autres cultures
Sylviculture
IAA viande
IAA lait
IAA sucre
Autres IAA
Industries du bois
Autres Industries
Secteur énergétique
Services
Travail qualifié
Travail non qualifié
Terre
Ressources Naturelles
Capital
Deux types de ménages sont représentés. Ce sont en effet les populations à revenus faibles ou moyens
qui risquent d’être le plus touchées par les coûts de la libéralisation, si celle-ci se traduit par un
accroissement de l’instabilité des prix des produits alimentaires par exemple. Il s’agit d’une originalité
9
du modèle qui permet l’analyse des conséquences de la libéralisation des échanges sur la distribution
des revenus (et donc l’équité) au sein de chaque nation
7
.
Outre les consommations intermédiaires, la production requiert des « facteurs ». 5 types de facteurs
de production sont distingués, supposés partiellement substituables et différents par leur mode de
renouvellement/usure, leur mobilité et leurs prix. Ainsi le capital est-il immobile entre les secteurs,
afin de refléter la difficulté de détourner des équipements spécifiques à une activité vers une autre
activité, même si celle-ci s’avère plus rentable. Seuls la dépréciation et l'investissement modifient la
dotation initiale en capital de chaque secteur. La main d'œuvre non qualifiée ou qualifiée est commune
à l’ensemble des activités agricoles et peut ainsi être affectée librement à l’une ou l’autre de ces
activités de production en fonction de leur rentabilité relative. Pour les activités non agricoles, elle est
mobile à l’intérieur de secteurs agrégés (industrie, énergie, services). Une rigidité partielle des salariés
sur le marché du travail est ainsi prise en compte. L’offre de travail varie d’une année sur l’autre en
fonction des migrations. La terre n’est utilisée que pour les activités agricoles ; elle est allouée
librement entre activités
8
. Les ressources naturelles sont utilisées par la forêt et l’activité énergie-
ressources. Les matrices de compte sociaux, qui permettent la calibration initiale de l’ensemble des
relations socio-économiques représentées dans le modèle, sont directement issues de la base de
données GTAP
9
(version 5, année de base 1998).
Les fonctions de production sont des fonctions CES (Constant Elacticity of Substitution) emboitées.
Au premier niveau, la production est une fonction CES de la valeur ajoutée et d’un agrégat
« consommations intermédiaires ». Au second niveau, d’une part, la valeur ajoutée est une fonction
CES des différents facteurs de production (travail qualifié et non qualifié, capital, terre, ressources
naturelles) et, d’autre part, la demande intermédiaire pour chaque bien est une part fixe de l’agrégat
« consommations intermédiaires ». Les fonctions de demande sont des fonctions LES (Linear
Expenditure System), qui permettent de prendre en considération une élasticité revenu spécifique à
chaque type de bien : on sait par exemple que la demande alimentaire est moins sensible aux variations
de revenus que la demande en produits manufacturés. Les fonctions de demande LES sont composées
de deux éléments : la consommation minimum et une part constante de « revenu supplémentaire », qui
est le revenu restant une fois les demandes en consommation minimum satisfaites. Dans les deux cas
(fonctions de production et de demande), les données nécessaires au calibrage de départ sont issues de
la base de données GTAP 5.
Le modèle fonctionne sur un pas de temps annuel. Il est divisé en deux modules : le premier décrit le
processus de production physique de biens et services, l’utilisation des facteurs de production, la
distribution des revenus et la consommation ; le second, les opérations financières : flux de capitaux
entre nations, déterminés par l’épargne domestique et le solde commercial, ainsi que l’allocation des
investissements entre les différents secteurs d’activité, en fonction des rentabilités espérées du capital
et du risque associé dans les différentes branches de l’économie domestique. Il s’agit d’un modèle
récursif, c’est-à-dire que chaque année certains paramètres sont mis à jour en fonction des résultats de
la période précédente. C’est le cas de la disponibilité en facteurs de production, des anticipations de
rentabilité des investissements (espérance et variance) ainsi que de l’offre agricole domestique et des
anticipations de prix et de risque associées aux activités agricoles dans la version avec imperfection de
l’information.
Dans le premier module :
On calcule l'équilibre sur le marché domestique de deux façons différentes selon qu’il s’agit ou non
d’un produit agricole et que l’on souhaite inclure les imperfections de l’information. En effet, on
suppose, dans la version avec imperfection de l’information, que les décisions de production sont
prises un an avant la mise sur le marché pour les produits agricoles. Si bien que l’offre d’importation,
7
De nombreux modèles de ce type ne représente qu’un seul type de ménage dans chaque économie.
8
En principe, il aurait fallu distinguer les cultures annuelles, où cette hypothèse est justifiée, des cultures pérennes où la décision de planter
implique une utilisation de la terre pendant plusieurs années, la seule décision étant la récolte, comme tel est le cas dans RUNS (Van den
Mensbrughe, 1994). Cela fait partie des améliorations à apporter prochainement au modèle.
9
Voir Hertel (1997)
10
qui s’ajuste immédiatement aux prix par le biais de la demande, s’ajoute à une offre domestique fixée.
La production agricole est ainsi déterminée sur la base de prix anticipés, ce qui génère une demande
immédiate en consommation intermédiaire, un niveau d'utilisation des facteurs et un prix pour ceux-ci.
Dans ces conditions, tout l’ajustement du côté de l’offre doit se faire par les prix, la quantité demandée
étant déterminée par la quantité offerte la période précédente. Les fluctuations de prix sont alors très
importantes.
Au contraire, pour les biens non agricoles l’offre est vendue immédiatement, elle se détermine donc en
fonction des prix d’équilibre et il n’y a pas de possibilités d’erreur d’anticipation. Pour les deux types
de bien, agricole ou non agricole, les produits font face au même type de demande : demande finale
des différents ménages dont le revenus sont déterminés par la rémunération des facteurs de
production
10
; demande de biens d'investissement (déterminée par les résultats du second module,
l’année précédente) et la demande d'exportation. Le commerce international est représenté, de façon
classique, par une fonction Armington pour les importations, les exportations des uns étant définies
comme les importations des autres. On ne considère donc que des transactions bilatérales, chaque
produit étant supposé légèrement différent selon son lieu de production
11
. Le taux de change est
exogène à ce module.
Dans le second module :
On déduit du module 1 le niveau des investissements pour la période suivante, somme de l’épargne
domestique et étrangère. L’épargne étrangère est calculée afin de compenser le déficit commercial.
Les résultats économiques réels de chaque branche d’activité pour la période t-1 ne peuvent être
calculés qu’en fin de période t. Ce n’est donc qu’une période plus tard que la rémunération réelle du
capital peut être calculée. Cela est fait de façon résiduelle, en soustrayant l’ensemble des coûts de
production à la valeur de la production. La rentabilité du capital dans les différents secteurs de
l'économie et le risque associé, calculé comme la différence entre la rentabilité anticipée et la
rentabilité réelle, permet le calcul de l’allocation de l’investissement entre les différents secteurs, par
une maximisation du profit attendu des investisseurs, conformément à la formule de Markovitz
(1970)
12
.
On dispose ainsi d’un modèle d'équilibre général, en dynamique récursive, avec deux variantes : l’une
est très proche du modèle standard et l’autre prend en compte l’imperfection de l’information sur les
marchés agricoles et la réaction des producteurs agricoles au risque.
13
. Dans cette dernière version,
certains marchés sont en équilibre, pour les produits non agricoles, alors que d'autres sont
éventuellement contraints par les quantités conformément à la théorie du déséquilibre.
10
Chaque ménage (riche – pauvre) a une dotation particulière en facteurs de production (travail qualifié et non
qualifié, capital, terre et ressources naturelles) déterminée par les matrices de comptes sociaux initiales. Selon les
versions, la rémunération des facteurs de production, autre que le capital, est distribuée immédiatement aux
ménages ou avec une période de décalage. Dans le cas de la rémunération du capitaux, elle est toujours
distribuée avec une période de décalage.
11
Les fonctions Armington sont couramment utilisés dans ce type de modèle et reviennent à considérer que les
consommateurs savent différencier les produits selon leur origine. C’est une hypothèse tout à fait discutable
notamment dans le cas des produits agricoles. Afin de minimiser ses conséquences, l’élasticité de substitution
entre les produits agricoles d’origine différente a été augmentée par rapport aux paramètres issus de la base de
données GTAP.
12
les taux de change sont actuellement exogènes. Il est prévu de réaliser un module capital beaucoup plus élaboré
où, comme c’est le cas dans le modèle théorique, les taux de change et les taux d’intérêt sont endogènes,
fonction de l’offre et de la demande de monnaie.
13
Pour plus de détails sur les équations du modèle voir Gérard et al. (2002).
11
3- Résultats
De nombreuses simulations ont déjà été réalisées avec le modèle que nous venons de décrire
14
. Ici,
faute de place, on se propose d’étudier deux scénarii de libéralisation : dans le premier seules les taxes
et subventions à l’exportation des USA et de l’Europe sont supprimées (S1), dans le second toutes les
taxes et subventions au commerce extérieur pour ces deux nations, importations comme exportations
sont enlevées, tout comme les prix garantis en Europe (S2). Les graphiques présentés ici visent à
illustrer deux résultats obtenus à partir de ce modèle :
- la faiblesse des gains associés à la libéralisation pour les pays du Sud, dans l’hypothèse
d’information parfaite ;
- la sensibilité des résultats à l’hypothèse de perfection des marchés.
3.1 Résultats du modèle en information parfaite
Evolution de la valeur ajoutée agricole
en Afrique avec la libéralisation
Modèle Standard
-2.5
-2
-1.5
-1
-0.5
0
0.5
1
1.5
2
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
1999-2008
% de la situation de
référence
S1-afr-Subsah S2-afr-Subsah S1-AfrNord S2-AfrNord
Figure 2 : Des conséquences dérisoires sur la valeur ajoutée agricole en Afrique
Le scénario 1 correspond à la suppression des taxes et subventions à l’exportation en Europe et aux Etats-Unis,
le scénario 2 à la suppression de toute taxes et subventions sur le commerce extérieur pour ces deux pays et au
retrait des prix garantis par stockae public en Europe. AfrSubsah correspond à la région « Afrique Sub
Saharienne » ; AfrNord, à la région « Afrique du Nord et Moyen Orient »
Souvent présentés en valeur, les gains associés à la libéralisation des échanges agricoles peuvent
paraître en première lecture énormes. Cependant, en valeur relative, ils représentent, dans la plupart
des pays, entre 0.5% et 2% des revenus de la situation sans libéralisation et dépassent rarement 5%
pour les plus grands gagnants. En réalité si les différentes études sur la question convergent sur
l’impact qualitatif, les gains de la libéralisation, l’amplitude de ceux-ci varie largement
15
.
Les estimations des bénéfices à attendre de la libéralisation pour les pays en voie de développement
sont particulièrement faibles d’après ce modèle. Le cas de la valeur ajoutée agricole de l’Afrique du
Nord (afrNord) et de l’Afrique Subsaharienne (Afr-Subsah) dans les deux scénarii de libéralisation est
présenté en figure 1. Dans le cas de la suppression des subventions aux exportations de la part des
pays du Nord, l’impact est positif, dans cette version du modèle où l’information est parfaite mais ne
dépasse pas 1%. Au contraire dans le cas de la libéralisation totale (scénario 2) la valeur ajoutée
14
Voir Gérard et al. 2002b) pour plus de détail sur les résultats
15
plusieurs études offrent une comparaison de résultats , voir par exemple François et al. (1995) ou Van Meiji et
Van Tongeren (2001)
12
agricole est globalement moins importante que dans la référence mais de nouveau le pourcentage de
variation est si faible qu’il dépasse sans doute de peu la marge d’erreur de ce type de modèle. Une si
faible variation de la valeur ajoutée s’explique par la faiblesse des impacts sur le niveau de production
(figure 3)
Evolution des quantités produites des autres céréales
en Afrique avec la libéralisation
Modèle Standard
0
0.5
1
1.5
2
2.5
3
3.5
4
1999-2008
% de la situation référence
S1-afr-Subsah S2-afr-Subsah S1-AfrNord S2-AfrNord
Figure 3: Faiblesse des impacts sur la production agricole en Afrique
Le scénario 1 correspond à la suppression des taxes et subventions à l’exportation en Europe et aux Etats-Unis,
le scénario 2 à la suppression de toute taxes et subventions sur le commerce extérieur pour ces deux pays et au
retrait des prix garantis par stockae public en Europe. AfrSubsah correspond à la région « Afrique Sub
Saharienne » ; AfrNord, à la région « Afrique du Nord et Moyen Orient »
De même, la croissance des prix agricoles, censée induire une dynamique de développement durable
dans de nombreux PED est généralement estimée à moins de 5%. Il faut aussi souligner que le niveau
de croissance des prix agricoles dépend beaucoup de paramètres particulièrement incertains : les
élasticités de la demande par rapport au prix, dont les valeurs choisies dans les modèles mondiaux ont
tendance à surévaluer les gains de la libéralisation des échanges
16
, par exemple .
On comprend ainsi la faiblesse de la croissance de la valeur ajoutée : une si faible hausse de prix ne
peut augmenter de façon substantielle les revenus des agriculteurs. Au contraire, parmi les ménages
les plus pauvres, nombreux sont ceux qui ne sont pas autosuffisants, même en zone rurale, et qui
souffriront donc de la hausse des prix. Pour ceux-là une hausse de 5% n’est pas négligeable et peut se
traduire par le basculement dans la malnutrition.
Finalement, les gains d’efficacité à attendre d’une répartition de la production conforme aux
avantages comparatifs sont réels mais ils sont extrêmement limités pour les PED
17
. On voit mal en
effet comment des variations de l’ordre de 2% des revenus dans le meilleur des cas, pourraient
permettre aux pays les plus pauvres d’enclencher un processus de développement.
En revanche, les conséquences sur l’agriculture européenne sont loin d’être négligeables : dans le
scénario de libéralisation totale (S2), la baisse de la production des céréales hors blé dépasse 40% et la
valeur ajoutée agricole perd plus de 10% (Figures 4 et 5). Les Etats-Unis sont beaucoup moins affectés
16
Voir en particulier McDougall (1993) qui souligne la faiblesse des élasticités de la demande dans la base de
données GTAP
17
L’impact , entre 0.5 de 3% du PIB, est du même ordre de grandeur dans la plupart des modèles. Il
est souvent présenté comme important, ce qui est le cas en si on le compare à l’aide publique pour le
développement , par exemple. Cependant, on conçoit bien que ce n’est pas de passer de 100 à 101$
mensuel qui résoudra le problème des plus pauvres.
13
par ce retrait des politiques agricoles que l’Union Européenne. Ce sont les pays développés du groupe
de Cairns (en particulier l’Australie et la Nouvelle-Zélande et non les pays en développement qui
bénéficient du retrait de la protection européenne. Ce résultat est conforme à Hertel et Martin (2000).
Quantités produites des autres céréales
en Europe et aux Etats-Unis
-60
-50
-40
-30
-20
-10
0
10
12345678910 11
1999-2008
% de la situation référence
S1-UE S2-UE S1-USA S2-USA
Figure 4 : Des impacts contrastés sur l'UE et les USA
Le scénario 1 correspond à la suppression des taxes et subventions à l’exportation en Europe et aux Etats -Unis,
le scénario 2 à la suppression de toute taxe et subvention sur le commerce extérieur pour ces deux pays et au
retrait des prix garantis par stockage public en Europe. AfrSubsah correspond à la région « Afrique Sub
Saharienne » ; AfrNord, à la région « Afrique du Nord et Moyen Orient »
Evolution de la valeur ajoutée agricole
en Europe et aux Etats-Unis avec la libéralisation
Modèle Standard
-20
-15
-10
-5
0
5
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
1999-2008
% de la situation de
référence
S1-UE S2-UE S1-USA S2-USA
Figure 5 : l'UE est beaucoup plus affectée que les USA
Ainsi peut s’énoncer notre conclusion N° 1 : Les gains associées au retrait des taxes et subventions
sur le commerce extérieur des pays développés sont faibles et sensibles aux hypothèses réalisées sur
des paramètres particulièrement incertains (les élasticités de la demande, par exemple). Ce sont les
pays développés du groupe de Cairns et non les pays du Sud qui bénéficient du retrait partiel de la
PAC. L’agriculture européenne est profondément affectée.
14
3.2 Résultats du modèle en information imparfaite
Par construction, les résultats du modèle dans sa version en information parfaite, présentés ci-dessus
ignorent la volatilité des prix et l’incertitude
18
: ils génèrent des prix stables, parfaitement connus par
les agents économiques lorsqu’ils prennent leurs décisions, et ce, quelques soient les délais de
production. Ils surestiment ainsi considérablement les capacités de régulation automatique des
marchés libres, pouvant conduire à une surestimation des gains associés à la libéralisation. En
particulier l’hypothèse d’information parfaite permet des gains d’efficacité maximums dans le secteur
agricole et évite l’apparition de déséquilibres cumulatifs, susceptibles d’engendrer des flambées de
prix et ainsi des pertes.
Pourtant l’apparition de crise dans des marchés de produits agricoles totalement dérégulés ne peut être
qualifiée de tout à fait improbable. On sait que les marchés libres, à coté de périodes de
fonctionnement satisfaisant, sont parfois le théâtre de brusques envolées de prix, de paniques, de
crises. La volatilité est une caractéristique des marchés de matières premières agricoles (figure 1).
Dans sa version avec imperfection de l’information, le modèle ID3 reproduit cette volatilité. Celle-ci ,
du fait des erreurs de prévisions qu’elle engendre, réduit à néant les gains de la libéralisation : des
périodes de gains et de pertes se succèdent, leur somme sur la période fait apparaître un résultat
globalement négatif (Figure 6 et 7).
Evolution de la valeur ajoutée agricole
en Europe et aux USA avec la libéralisation
Information imparfaite
-12
-10
-8
-6
-4
-2
0
2
4
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
1999-2008
% de la situation de
référence
S1-UE
S2-UE
S1-USA
S2-USA
Figure 6 : La valeur ajoutée agricole en Europe et aux Etats-Unis, dans deux hypothèses de
libéralisation, avec des marchés imparfaits
Le scénario 1 correspond à la suppression des taxes et subventions à l’exportation en Europe et aux Etats-Unis,
le scénario 2 à la suppression de toute taxes et subventions sur le commerce extérieur pour ces deux pays et au
retrait des prix garantis par stockae public en Europe. AfrSubsah correspond à la région « Afrique Sub
Saharienne » ; AfrNord, à la région « Afrique du Nord et Moyen Orient »
)
18
Même lorsque l’instabilité des prix est prise en compte, elle n’est pas générée par le fonctionnement du
marché mais par des chocs extérieurs, ce qui implique des conclusions opposées, l’instabilité diminuant du fait
de l’élargissement du marché permis par la libéralisation, cf Hertel et al
15
Evolution de la valeur ajoutée agricole
en Afrique avec la libéralisation
Information imparfaite
-6
-4
-2
0
2
4
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
1999-2008
% de la situation de
référence
S1-afrSS
S2-afrSS
S1-Nafr
S2-Nafr
Figure 7 : Les effets de la libéralisation en Afrique dans les modèles avec des marchés
Le scénario 1 correspond à la suppression des taxes et subventions à l’exportation en Europe et aux Etats-Unis,
le scénario 2 à la suppression de toute taxes et subventions sur le commerce extérieur pour ces deux pays et au
retrait des prix garantis par stockae public en Europe. AfrSubsah correspond à la région « Afrique Sub
Saharienne » ; AfrNord, à la région « Afrique du Nord et Moyen Orient »
Les fluctuations de prix sont inexistantes dans la pluspart des modèles d’équilibre général, comme
dans la version « standard » de ID3(figures8 ). Au contraire elles sont importantes dans la version avec
imperfection de l’information (figures9 )
.
Dans la version avec imperfection de l’information, les ajustements de l’offre suite à une croissance
(diminution) des prix n’étant pas instantanés, l’obtention d’un nouvel équilibre passe uniquement par
les variations de prix. Elles sont ainsi forcément beaucoup plus importantes que si la modification des
quantités échangées participait à l’ajustement.
Prix du sucre dans la situation de référence
Information parfaite
0
0.5
1
1.5
2
2.5
1 2 3 4 5 6 7 8 9
1999-2007
indices
Am.lat Asie SE chine Mercosur UE-15
Figure 8 : les prix sont parfaitement stables dans la version standard du modèle
16
Prix du sucre dans la situation de référence
Information imparfaite
0.00
0.50
1.00
1.50
2.00
2.50
1999-2007
indices
Am.lat Asie SE chine Mercosur UE-15
Figure 9 : Les prix présentent des fluctuations, parfois importantes
De même les conséquences des scénarii de libéralisation sont plus accentuées dans la version avec
information imparfaite (figures 6 et 7 à comparer aux figures 2 et 5). Aucun scénario de régulation
dans les pays du Sud n’a encore été testé avec ce modèle. il est cependant probable que des politiques
de régulation, réduisant les fluctuations de prix auraient un impact positif sur le développement des
pays du Sud.
Afin d’évaluer les différents scénarii de libéralisation, il est préférable d’analyser l’évolution
globale du PIB, les pertes du secteur agricole pourraient en effet être compensées par des
gains des autres branches de l’économie. C’est ce qui a été fait figure 8 pour le scénario 1. On
constate ainsi que cette fois des impacts positifs significatifs apparaissent pour la plupart des
pays du Sud.
Ceci nous conduit à notre conclusion N° 2 : L’hypothèse d’information parfaite, qui revient à nier les
délais de production, les difficultés de stockage et de transport pourtant caractéristiques des produits
agricoles, surestime considérablement les capacités de régulation automatique de l’économie par le
marché et ainsi les gains à attendre de la libéralisation.
D’une façon générale, les figures 8 et 9 ci dessous montrent l’ampleur des changements induits par la
prise en compte de l’imperfection de l’information sur les marchés de produits agricoles.
17
-5
0
5
10
15
20
1357911 13 15 17 19 21 23 25 27 29 31 33 35 37 39 41 43 45 47
EU
USA
RDM
Gains en PIB
associés à la libéralisation des échanges:
modèle standard
1995-2050
%
d
u
P
I
B
d
e
r
é
f
é
r
e
n
c
e
b
Figure 10 (présentée au XXIV congrès de l'IAAE
19
) : la libéralisatrion dans une hypothèse de
fonctionnement « normal » des marchés
Gains(+) et Pertes (-) de PIB associés à la
libéralisation des échanges:
modèle de déséquilibre
-50
-40
-30
-20
-10
0
10
20
30
40
1357911 13 15 17 19 21 23 25 27 29 31 33 35 37 39 41 43 45 47 49
Périodes
%du PIB de reférence
RDM
USA
EU
Figure 11( présentée au XXIV congrès de l'IAAE) : les gains associés à la libéralisation avec des
marchés « réels ».
19
A noter que les figures 8 et 9 ne proviennent pas de la même version du modèle que les autres. Le modèle qui
a été utilisé pour ces figures était fondé sur les données GTAP 1995 (au lieu des données GTAP 1998), et
surtout, les hypothèses sur le comportement des agents étaient «moins réalistes et plus « stables » , du fait que les
anticipations étaient constantes. Cela permettait de faire fonctionner le modèle sur de longues périodes de temps.
Au contraire, avec le modèle utilisé pour les autres figures, qui comporte des anticipations variables, et d’autres
variantes qui en augmentent le caractère réaliste, l’expérience prouve que les équations cessent d’être
compatibles entre elles au bout d’une quinzaine d’années. De fait, au cours des deux derniers siècles, aucune
politique agricole n’a pu se poursuivre sans changement pendant plus d’une dizaine d’année …
18
Conclusion
Dans cet article, plusieurs versions d’un modèle mondial sont utilisées pour évaluer (i)l’impact sur les
pays en développement de la libéralisation des échanges, (ii) la sensibilité des résultats à de petites
variations des paramètres et (iii) à l’hypothèse de perfection de l’information. Deux principaux
résultats
20
sont obtenus :
- si le retrait des subventions à l’exportation est plutôt positif pour les pays en voie de
développement, la libéralisation totale a un impact globalement négatif. Dans les deux cas
les conséquences sont si faibles qu’on peut s’interroger sur leur degré de significativité.
- Dans la version avec information imparfaite, l’instabilité des prix en générant des erreurs
de prévisions s’oppose partiellement aux gains d’efficacité. Les conséquences de la
libéralisation apparaissent beaucoup plus accentuées, alors que les paramètres du modèle
sont inchangés, mais aussi beaucoup plus instables. Périodes de gains et de pertes se
succèdent, mettant en évidence l’intérêt des politiques agricoles.
Dans la version standard, l’information étant parfaite les politiques économiques apparaissent toujours
comme des contraintes qui réduisent l’efficacité des comportements des agents économiques : elles
aboutissent ainsi forcément à des pertes globales. Au contraire, la version avec imperfection de
l’information souligne l’intérêt des politiques agricoles. En réduisant les incertitudes auxquelles les
agriculteurs sont soumis les politiques publiques encouragent l’investissement, le développement de la
production et minimisent les inefficiences liées aux erreurs de prévisions
Si le jeu des avantages comparatifs est susceptible de permettre des gains d’efficacité, ceux-ci ne
dépassent pas quelques pour cents des revenus distribués. Il ne faut donc pas attendre un
bouleversement majeur de la « donne » mondiale en faveur des pays les plus pauvres, suite au retrait
des politiques agricoles. Si l’on cherche réellement à améliorer la situation des pays les plus pauvres, il
est exact qu’il semble essentiel d’agir sur le secteur agricole étant donné son importance dans les effets
d’entraînement dans toutes l’économie dont on peut attendre une véritable croissance économique.
Cependant, une intervention sur les marchés, permettant une stabilisation partielle des prix, lissant les
fluctuations autour du prix mondial et réduisant ainsi les risques, serait peut-être plus efficace que la
simple libéralisation des échanges qui, du fait des fortes fluctuations de prix qui risquent de
l’accompagner, pourrait ne pas être favorable à l’investissement et ce d’autant plus que les populations
sont pauvres. Ceci ne signifie absolument pas, comme le scénario de retrait des subventions à
l’exportation le souligne, qu’il n’est pas nécessaire de réformer la PAC. Simplement qu’une
dérégulation totale et brutale des marchés entraînerait sans doute des pertes qui ne sont pas prise en
compte dans la plupart des modèles mondiaux.
20
Les résultats présentés ici sont encore préliminaires.
19
Bibliographie
Bale M. Lutz E. 1979. The effect of trade intervention on international price instability. American
Journal of Agricultural Economics, 61 (3) : 512-516
Boussard J.M., 1987. Economie de l’agriculture. Paris, Economica, 310 p.
Boussard J.M., 1994. Revenus, marchés et anticipations : la dynamique de l’offre agricole ,
Economie Rurale, 220-221 : 61-68
Boussard J.M., 1996. When risk generates chaos. Journal of economic behaviour and organization, 29
: 433-446
Day R.H. 1994. Complex economic dynamics, vol 1. the MIT Press, Cambridge, Massachusetts.
Deaton, A et G. Larocque (1992) : On the behaviour of commodity prices, Review of Economic Studies 59 :
1-23.
Duncan R.C., 1990. Les conséquences des modèles pour les politiques économiques, in Goldin I. et
Knudsen O., Libéralisation des échanges agricoles, OCDE, PARIS
Ezekiel, M., 1938. The Cobweb Theorem. Quaterly Journal of Economics, 53 : 225-280.
François J.F, Mac Donald B., Nordström H.(1995) Assessing the Uruguay Round in Martin and
Winters, The Uruguay Round and the developing economies, : 117-214, The World Bank, Washington
D.C.
Gérard F., Piketty M.G, Boussard J.M.. (2002). Modèle macro-économique à dominante agricole pour
l’analyse de l’impact du chnagement climatique et des effets des politiques en terme d’efficacité et
d’équité. Rapport de fin d’étude GICC n° 10/2002, CIRAD, Nogent sur Marne.
Gérard F. (2000) De la crise financière à la crise alimentaire : l’Indonésie en 1997-1999, Revue
Tiers-Monde, t.XLI, n°162, avril-juin Paris
Gérard F., Piketty M.G, Boussard J.M et al.. (2002). Elaboration d’un argumentaire chiffré en vue des
négociations agricoles à l’OMC, Rapport de fin d’étude au Ministère de l’Agriculture n° 70/2002,
CIRAD, Nogent sur Marne
Goldin I., Knusen O. 1990. Agricultural trade liberalization. OCDE, Paris.
Goldin I., Knusen O. 1994. Modélisation des échanges agricoles. OCDE, Paris
Hertel T.W (1997). Global trade analysis, Cambridge University press, Cambridge.
Hertel T.W., Martin W. (2000). Liberalising Agriculture and Manufactures in a Millenium Round :
Implications for developping countries. The World Economy, vol 23, n°4 : 455-469
20
Hertel T.W, Preckel P.V., Reimer J.J. (2001). Trade Policy, stapple food price variability, and the
vulnerability of low income households. Paper presented at the Fourth Annual Conference on Global
Economic Analysis, Purdue, June 27-29
Keynes J.M.,1921. A treatise of probability, Macmillan.
Kherallah M., Delgado C. , Gabre-Madin E, Minot N ., Johnson M., 2000. The road half travelled :
agricultural market reform in Subsaharan Africa, IFPRI, Food policy report, Washington D.C.
Kindleberger C.K., 1996. Manias, Panics and Crashes. MacMillan : Londres.
Mandelbrot, 1973a. Formes nouvelles du hasard dans les sciences. Economie Appliquée, 26 (1) :307-
319
Mandelbrot, 1973b. Le syndrome de la variance infinie et ses rapports avec la discontinuité des prix.
Economie Appliquée, 26 (1) : 321-348
Markowitz,1970. Portfolio analysis : efficient diversification of investments. Yale University Press,
Yale.
Mc Dougall R.A. (1993) Uses and Abuses of AGE Models, Presentation to the Short Course in Global
Trade Analysis, Purdue University, 25-31 July 1993
Orléans A., 1989. Comportements mimétiques et diversité des opinions sur les marchés financiers, in
Bourguinat H . et P. Artus, Théorie économique et crises des marchés financiers, Economica, Paris.
Stiglitz J.E., 1996. Some lessons from the East Asian Miracle. The world Bank research observer, 11
(2): 151-77
Stiglitz J.E., 1999. Lessons from East Asia. Journal of Policy Modelling. 21 (3) : 311-380
Timmer C.P. 1989a. Indonesia : Transition from food importer to exporter. In : Food price policy in
Asia, a comparative study (ed.) T. Secular, Cornel University Press.
Timmer C.P. 1989b. Indonesia’s experience with rice market interventions. Indonesian Food Journal :
12 - 26
Timmer,C.P.,1996. Does Bulog stabilize rice price in Indonesia ? Should it try ?. Bulletin of
Indonesian Economic Studies, 32 (2) : 45-74
Timmer C.P., 2000. The macro dimensions of food security : economic growth, equitable distribution,
and food price stability. Food Policy, 25 : 283-295
Tyers K., Anderson J.K. 1992. Disarray in Worl Food Markets : a quantitative assessment. Cambridge
University Press, Cambridge
Van den Mensbrughe D. 1994. Green : The reference manual. Working paper n° 143. Economic
Department OCDE.
21
Van Meiji H. et Van Tongeren F.(2001) Multilateral trade liberalization and developing countries : A
North South perspective on agriculture and processing sectors, 77th EAAE seminar, August 17-18,
2001, Helsinski