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La violence et la déféminisation du discours politique, une conséquence de l’écart du pouvoir élevé dans la Roumanie postcommuniste

Authors:
LA VIOLENCE ET LA DÉFÉMINASATION
DU DISCOURS POLITIQUE ROUMAIN
POSTCOMMUNISTE,
COMME CONSÉQUENCE D’UNE VALEUR ÉLEVÉE
DE L’ÉCART DU POUVOIR
Sorina ȘERBĂNESCU
"La violence et la déféminisation du discours politique, une conséquence de l’écart du pouvoir élevé
dans la Roumanie postcommuniste", in Modern Approaches to…Linguistics, Littérature and Cultural
Studies, vol.2, Coll. Interdisciplinary Researches in the 21st Century, Sebastian Chirimbu, (coord. și ed.),
ECKO House Academic Publishing, Sandy, Utah, USA, 2012, ISBN 978-1-4276-5388-8, pp.414 - 438.
"Penser la barbarie, c'est déjà commencer à résister."
(Culture et barbarie européennes - Edgar Morin)
Résumé
Pendant la communication, la performance des deux attributs du signe, référentiel et
fonctionnel, a produit un "noyau métadiscoursif" à travers l'activité de "symbolisation
référentielle". (P.CHARAUDEAU: 1994). La polysémie apparaît lors de l'échange
communicatif, un acte de parole, qui est régi par certaines exigences de communication: les
interlocuteurs doivent être capables d’assumer et de conserver leur identité lors de la
communication et être capables de décoder toutes les inférences du contexte interlocutif,
générées par l'énonciateur. Les politiciens de la Roumanie post-communiste ont exercé leur
capacité - sans doute héritée du système communiste totalitaire de "méta communiquer",
pour gérer une certaine gamme de significations afin d’induire au public, au-delà du sens
explicite de la parole, leur domination. Cette affirmation de la puissance et de la langue de la
confrontation se manifeste sur la scène politique roumaine par une violence verbale, qui
devient "symbolique". (P.BOURDIEU: 1977). Le discours public des politiciens roumains les
plus représentatifs - placés au pouvoir (président ou premier ministre), dans l'opposition ou
les équidistants (analystes des politiques) - ont perpétré et perpétué des phrases mémorables.
Érigés en véritables maîtres des rituels de conversation, ils gèrent l'opinion publique
actuelle. La violence du discours politique sera étudiée à travers les actes de langage
(insultes, injures, grossièretés, menaces ...) ainsi que la sémiotique de leurs symbolisme.
Cette violence verbale, contextuelle ou extratextuelle, exprime la transgression de la
négociation communicative ayant pour but de devenir un outil opérationnel afin d’influencer
l'opinion publique, gagner la complicité et renforcer l’écart du pouvoir. (G. HOFSTEDE).
Mots clé: communication, le discours politique, actes de langage, sémiotique,
distance hiérarchique selon Hofstede
Introduction: démarche personnelle et prémisses de la démarche: culturelle,
linguistique-sémiologique et historique
Nous avons entrepris cette "enquête" d’auto/évaluation du comportement politique et
linguistique roumain sans aucun parti pris politique et avec tout l’optimisme d’un intellectuel
(qui ne trahit pas - sic !, excusez-moi monsieur Julien Benda), consciente de son
appartenance identitaire et nationale.
La raison et la finalité de cette démarche d’analyse linguistique et psychologique-
sociale de certaines tournures, devenues symptomatiques, du discours politique roumain
postcommuniste visent, tout d’abord, la réalisation d’une radiographie objective et lucide des
tendances dominantes dans la communication publique roumaine d’après décembre 1989.
L’étude se propose aussi une réflexion, nous dirions plutôt un questionnement, autour du
climat politique roumain, au niveau comportemental et discursif.
Sur le plan social, la réflexion autour du terme progrès commence vers la fin des
années 60 et marque l’épuisement du modèle fordiste de société de consommation basée sur
l’accumulation, sur la production de masse et l’élévation du niveau de vie. La société
postmoderne est basée sur la reproduction et correspond, sur le plan économique, au pouvoir
du capital financier. C’est pourquoi la société postmodernisme accorde la priorité à
l’information, une évolution du pouvoir si prophétiquement correct présentée par Alvin
Toffler ("Le choc du futur", "La troisième vague", "Les nouveaux pouvoirs").
Aujourd’hui le terme "postmoderne" est associé au relativisme, à la confusion des
genres, à la perte de l’essentiel et des repères esthétiques (dans le sens philosophique). Nous
allons prendre en compte, dans notre démarche, cette prémisse culturelle et historique. Notre
analyse du discours touchera, au-delà des aspects purement linguistiques, le complexe de la
vie politique et sociale roumaine, vu la position médiane des sciences du langage, "/…/au
carrefour pour l’ensemble des sciences humaines ou sociales, voire des « humanités ». On
peut en effet aborder les recherches sur le discours aussi bien en partant de la linguistique
qu’en partant de la psychologie, de la sociologie, de l’anthropologie, de la théorie littéraire,
etc." (MAINGUENEAU: 2005, p.64).
Nous considérons, en effet, que le signe linguistique n’existe que dans le discours,
ayant une double qualité référentielle: la valeur de désigner, par laquelle le signe
exprime”/…/une certaine portion du monde physique, y compris ce qui est appelé
conventionnellement mot abstrait”, et la fonctionnalité qui est la valeur d'utilisation du
signe”. Il s’agit, donc, d’une démarche “méta culturelle des signes” qui est liée à la pratique
sociale. (CHARAUDEAU: 1994; p. 26.) Nous avons retenu aussi de la théorie de Charaudeau
l'idée des “constantes de sens” et la validité conférée aux mots, en tant que signes
linguistiques, par l'usage pendant la communication - action sociale. L'exercice des deux
attributs du signe, référentiel et fonctionnel, dans un des domaines d'activité de l’humanité,
produit - selon Charaudeau - un “noyau méta discursif” et cette activité s’appelle
“symbolisation référentielle”. L'acte du langage est donc le résultat d'une double activité:
structurelle (la ”symbolisation” ayant le rôle de réunir une forme matérielle - graphique,
phonique -, et un contenu de sens, ce qui mènerait à une condensation sémantique - formelle)
et rielle (la “signification” qui tend à truire la condensation dans une multiplicité de
rapports - sens produisant une “disjonction sémantique - formelle”). (CHARAUDEAU: 1994;
p. 30).
L'existence d’un registre référentiel, né pendant l'acte communicationnel, est soutenue
surtout par Francis Jacques qui sépare la sémantique - une théorie du langage qui soutient que
le référent “se trouve au cœur du processus de signification” -, de la sémiotique dont l'intérêt
porte sur le déplacement de la “production du sens vers les structures élémentaires porteuses
de sens en immanence”. (JACQUES: 1985; p.51). Francis Jacques considère, tout comme
Charaudeau, que les théories, qui soutiennent la présence d'une réalité extra linguistique
comme étant à la base de la constitution du langage, commettent une erreur, et il essaie de
démontrer que le registre référentiel et celui interlocutif sont indissociables du point de vue
fonctionnel. “L'hétérogénéité sémantique” - c'est-à-dire la polysémie, n’apparaît, selon
Francis Jacques, que pendant l'échange communicationnel, acte qui est gouverné par
certaines exigences de la communication: les interlocuteurs doivent être, donc, capables
d'assurer et de conserver leur identité pendant la communication, être aptes à faire toutes les
connexions générées par le partenaire pendant le contexte interlocutif, manifester l'aptitude
de “méta - communiquer” (indépendamment du sens explicite, chacun des interlocuteurs est
capable de démontrer par sa réponse comment il a réussi à comprendre le message).
Les signes d’une "maladie de la culture", entrevus déjà par Freud constituent un sujet
de débat d’idées actuellement. Le philosophe et sociologue français Alain Finkielkraut
considère, par exemple, que nous assistons, à présent, à une "défaite de la pensée", c’est-à-
dire de la réflexivité et de la morale, voire à une crise de spiritualité, par la complète
libéralisation de la culture, comprise comme une rupture avec la tradition, avec l’héritage
culturel des prédécesseurs. L’attitude postmoderne se caractérise, au mieux, par la reprise de
certains modèles qui sont encore réinterprétés et, le plus souvent, dénaturés. C’est pourquoi
les analyses culturelles parlent d’une démarche postmoderniste quand elles se confrontent à la
fragmentation, à la complexité diffuse, à l’absence de système, au désordre poussé jusqu’à
l’anarchie et le chaos -, à la discontinuité, au pluralisme.
La rupture déclarée avec la tradition est d’autant plus nécessaire en Roumanie,
comme dans les autres pays ex-communistes, qui s’efforce depuis plus de vingt années, à
apprendre et à fonder l’exercice démocratique. Dans leur pluralité hétérogène, les
comportements discursifs-langagiers, idéologiques, politiques, sociaux et économiques ont
adopté, après la Révolution de décembre 1989, qui a été violente et sanglante en Roumanie,
les apparences démocratiques occidentales. Malheureusement, cette pluralité n’a pu
démontrer ni le pouvoir de convergence vers un but unique, ni la constance des attitudes. Au
contraire, ces manifestations exotériques des idées politiques, de la démocratie, ont été
caractérisées par la fragmentation discursive et par la réversibilité. Et l’on peut penser,
concernant cette manière d’imiter les attitudes et les actions démocratiques, à la théorie des
formes sans fonds, formulée à la fin du XIX
e
siècle, par l’esthéticien littéraire Titu
Maiorescu. Il accusait, alors, la société roumaine de mimétisme, sans assimilation
substantielle, des valeurs et modes culturelles européennes.
1. "Si tout se vaut, le cannibalisme n’est qu’une question de goût culinaire" (Léo
Strauss) ou "en politique tout est permis"
En revenant au présent, il faut aussi préciser que les habitudes démocratiques des
Roumains manquent d’exercice et de tradition. Dans la brousse politique, où, sous les
parapluies des soi-disant hommes d’affaires qui gèrent de l’ombre les destins des grands
partis qui se succèdent au pouvoir, les politiciens changent en permanence de parti et
d’idéologies, de droite, de gauche ou de centre – la dernière presqu’inexistante car il n’y pas
pratiquement pas de voie moyenne –, les paroles restent sous le signe de l’éphémère et leurs
sémiologies contextuelles et extratextuelles sont inépuisables. De par son passé communiste,
en Roumanie, le discours politique doit convaincre, à tout prix, de la rupture avec le passé
totalitaire. Ainsi, le langage de bois – radical, mais témoignant d’une manière assez évidente
encore ses origines soviéto-marxistes –, et la démagogie anticommunistes sont-ils devenus
une arme maniée contre les adversaires politiques.
La transition démocratique, légitimée par le mouvement populaire décembriste, est
encore en train de se réaliser, parfois avec une violence exacerbée, comme dans le cas de la
"minériade" (les miniers appelés par le premier président intérim Iliescu pour venir et
soutenir le pouvoir, celui de son groupe, instauré en 1990, qui risquait d’être renversé sous la
pression des amples manifestations organisées au centre de Bucarest), par un long processus
de négociation entre les détenteurs du pouvoir et les protagonistes de l’opposition. Légitimée
ou contestée, instaurée, détrônée et encore restaurée, la démocratie roumaine a perdu la
confiance de ses électeurs non pas à cause d’une absence de libertés civiques mais parce
qu’endetté et appauvri par la récession, l’Etat ne peut plus/pas leur assurer ou, au moins leur
garantir, un niveau décent de vie. Et il perd toujours dans la comparaison avec les autres pays
occidentaux ou même avec d’autres pays de l’ex bloc communiste qui se débrouillent mieux.
"La polenta n’explose pas" dit un dicton populaire roumain. Sur cette toile de fond
socio-politique, les citoyens roumains, qui ont hérité d’une structure fataliste, inculquée par
l’histoire du pays – voire la période communiste infligée obligatoirement par une entente des
pouvoirs internationaux après la Deuxième Guerre sont de plus en plus déçus et enclins à
soutenir, par leurs votes, un candidat ou un autre au pouvoir, d’où l’absentéisme pendant les
élections. Ceci oblige les politiciens, d’un côté, à faire des promesses (Que vous viviez bien !
- c’était le slogan, un souhait mais qui renvoyait également à un engagement liminaire, du
candidat Băsescu aux présidentielles de 2004), d’autre côté, à attaquer l’opposition par des
accusations et des "dévoilements" publics – à l’intérieur et à l’extérieur du pays – prouvant la
corruption de leurs adversaires politiques.
Les électeurs roumains, qui ont également le goût des commentaires et des partis pris,
souvent animés, ont toujours fluctué, comme des bancs de sardines emportés par les courants
sous-marins, d’un parti vers l’autre, fascinés sous l’effet des discours politiques du jour.
D’autre part, le clivage conjoncturel des politiciens, satirisé si génialement par un des plus
grands auteurs de comédies de la littérature roumaine (I.L.Caragiale), est toujours d’actualité.
Serait-ce à cause des réminiscences orientales héritées de l’époque phanariote (pendant
l’Empire Ottoman) qui ont survécu dans l’esprit collectif du politicien roumain ? Serait-ce à
cause de l’immaturité de la démocratie roumaine ? Le fait c’est que les citoyens roumains
acceptent ce status quo en haussant les épaules et assistent désabusés aux combats fratricides
des gouvernements qui se relaient au pouvoir. "Chez nous, c’est comme ça. Ce sont les nôtres
qui partent, ce sont toujours les nôtres qui viennent" on conquit très souvent dans les
conversations courantes, familières.
La plupart des politiciens stratèges et/ou idéologues– ont été dé/formés pendant
l’époque totalitaire le discours, même si unique, émané et supervisé par un seul parti
communiste n’était pas couvert de sens réel. Mais, alors, dans le communisme, une
"proposition, orale ou écrite, avait un seul sens, et celui-là était obligatoire. Maintenant,
sans une expérience des des tricheries, avec des hommes parus du néant, dont on ne sait pas
grande chose, les énoncés peuvent être, également, des aberrations qui ont un effet positif, ou
des vérités simples, honnêtes, mais qui n’impressionnent personne. Dans une société qui
construit, à peine, ses repères, la communication refait tout le trajet de l’humanité, de la
signalisation des êtres primitifs jusqu’aux grandes manipulations de l’histoire. Et le
discernement ne naît qu’après les échecs, après les farces, après les manipulations./…/ Le
délire du langage est un piège pour l’opinion publique, mais aussi pour les politiciens. A la
fin, nous verrons qui c’est qui va se casser le cou: ceux qui sont visés ou ceux qui croient que
toute affirmation, prononcée ou écrite, a la valeur d’un jugement politique ?"
(NISTORESCU: 1999).
Le discours politique roumain actuel va de l’expression directe, sans équivoque quand
il s’agit de l’attaque de l’adversaire, jusqu’aux insinuations qui se prolongent au-delà de
l’énoncé – glissées dans les slogans ou les étiquettes menées plutôt à cacher les impuissances
de l’émetteur/groupe auquel appartient l’émetteur que les tares du référent; ou pire encore, les
accusations choc sont jetées sur l’arène médiatique pour motiver une future désertion d’un
migrant/opportuniste politique attiré par les perspectives gagnantes de l’autre camp.
L’ex président Emil Constantinescu (1996-2000), qui avait été élu entre les deux
administrations de Ion Iliescu (1992-1996; 2000-2004), soutenu par une coalition s’opposant
au parti de Iliescu (le Front de la Salvation Nationale), avait conclu son mandat en déclarant
son impuissance devant les groupes d’intérêt. Plus encore, il avait suggéré que "les
structures"/"services" occultes qui l’avaient empêché de démocratiser la vie politique
roumaine appartenaient à la "securitate" (l’ancienne police politique communiste devenue,
après 1989, le Service Roumain de Renseignements, dans lequel ont continué leur activité
certains cadres de l’ancienne police répressive; ces cadres faisaient maintenant le jeu de
certains personnages politiques, eux-mêmes anciens cadres du Parti Communiste à l’époque
de Ceaușescu, qui avaient accédé dans les structures législatives et la vie politique roumaine
d’après 1989). Dans des interviews passées dans les médias quelques années plus tard, Emil
Constantinescu a précisé le sens de ses allégations de 2000: "Le communisme n’est mort, ni
dans sa forme sinistre de dictature cruelle, comme il n’est mort ni dans les mentalités qui se
prolongent jusqu’à présent. On a répété un mensonge, car je n’avais pas dit que j’avais été
vaincu par la Securitate. C’est l’œuvre de la même manœuvre qui a manipulé Timișoara et la
Révolution. /…/ J’avais dit alors qu’au moment ils avaient quitté la Securitate et étaient
allés joindre les médias, ils ont utilisé les libertés [d’expression n.n.] pour manipuler."
(M.V.: 2009).
Dans un autre entretien, Emil Constantinescu reprend la citation de ses affirmations de
2000 – ayant été dénaturées par la presse – dans une expression qui est devenue célèbre et qui
a été perpétuée comme symbole de la faiblesse d’un dirigeant : "Je n’ai pas collaboré avec la
Securitate, je n’ai pas été surveillé [par ce service n.n.]], mais j’en suis, aujourd’hui, la
victime. Aujourd’hui, ils m’ont battu, m’ont vaincu. Ils peuvent répandre n’importe quelle
cochonnerie, qu’il peuvent utiliser comme ils le veulent." (PALEANU: 2010).
La formule "j’ai été vaincu par les structures" a été plusieurs fois utilisée pour créer
des contrastes avec les politiciens durs, les "joueurs", une formule-choc créée par le candidat
aux présidentielles Traian Băsescu, qui, pendant sa campagne de 2004, suivant à la "défaite"
de Emil Constantinescu et le deuxième mandat présidentiel de Ion Iliescu, avait promis d’être
"un président-joueur, un président impliqué et non pas un simple spectateur." (BASESCU :
2007). Son message infère l’engagement de combattre la corruption qui avait "vaincu"
Constantinescu et qui avait été tolérée par le régime Iliescu. Ce message sous-liminaire,
renforcé par l’allure combattante de l’ancien commandant de navire, et, surtout, par
l’évidence des corrompus (les "barons" enrichis sous le régime d’Iliescu) avait valu à Traian
Băsescu le fauteuil présidentiel.
L’agressivité dans la sphère publique ne reste pas un niveau discursif mais elle reçoit
un caractère manifeste dans les actions entreprises envers les adversaires politiques: de
nombreuses personnalités politiques sont accusées de corruption et enquêtées même les
instances judiciaires à partir du moment leur parti n’est plus au gouvernement. Le cas le
plus disputé dans les médias a été celui de l’ancien premier ministre, Adrian Năstase,
condamné – au moment où son parti avait perdu le pouvoir – par la Haute Cour de Cassation
et de Justice à deux ans de prison, avec exécution, sous l’accusation d’avoir utilisé, d’une
manière camouflée, des fonds publics pour soutenir sa campagne présidentielle, en 2004,
contre Traian Băsescu. D’ailleurs, Adrian Năstase a été accusé plusieurs fois de corruption
par l’opposition, même au temps ou son gouvernement (PSD) détenait le pouvoir. On lui doit
une boutade, devenue célèbre pour deux présuppositions: celle de l’impuissance de la justice
et de l’intangibilité des politiciens qui font partie de la faction politique se trouvant au
pouvoir, doublée de l’immunité parlementaire. Cette intangibilité est garantie par le pouvoir
opératoire du parti de gouvernement qui gère avec une main de fer, soit par des
ordonnances gouvernementales qui éludent le débat et le consensus parlementaire soit par la
majorité des votes, assurée grâce aux alliances conclues en fonction des intérêts communs et
sans tenir compte des doctrines et des plateformes politiques. Après une motion de censure de
l’opposition rejetée par le Parlement, le premier Adrian Năstase, contre lequel avaient été
lancées des accusations concernant les sources de sa fortune croissante, avait répondu, de la
tribune parlementaire, par un jeu de mots triviaux: "Quelqu’un voulait, à un certain moment,
compter mes poules. Je lui avait suggéré de venir, plutôt, compter mes œufs."
(Ziaruldeiasi.ro: 2003). En roumain le mot ouă signifie: dans le langage standard œufs; en
argot populaire, il désigne les organes génitaux masculins (couilles).
L’expression, inférant la force, le courage mais aussi la discipline, la dureté et
l’intransigeance, a été utilisée très souvent par les analystes politiques (par exemple, Iosif
Boda, a utilisé l’expression mais dans version espagnole, "avoir des cojones", pendant
certaines de ses analyses dans le cadre des émissions télévisées, Agenda politique et la
Semaine politique diffusées sur la chaîne nationale TRV1 entre 2000-2004) ou même par des
parlementaires. Par exemple, le député PDL (le Parti Démocrate Libéral, parti qui soutient
Traian Băsescu) a publié sur son blog, le 19 octobre 2011, des accuses portées contre son
propre parti à l’intérieur duquel il y avaient des luttes internes, suites aux nombreux
remaniements gouvernementaux (le président du PDL était le premier ministre Emil Boc, un
collaborateur très fidèle et dévoué du président Băsescu, accusé souvent d’obéissance servile
et de faiblesse par l’opinion publique et l’opposition): "J’arrive du milieu privé et j’ai la
culture de la discipline au lieu de travail. Je n’admets pas, qu’ayant un emploi, j’y arrive
quand je veux, j’en parte quand je veux, comme il se passe au Sénat. Et tout cela c’est à
cause de la direction du parti qui est trop faible et sans cojones pour avoir le courage de
sanctionner ceux qui ne viennent pas au travail./…/ PDL se cannibalise, devient une jungle
entropique où il n’y a plus aucune discipline." (URBAN: 2011).
2. "L'homme n'est rien d'autre que ce qu'il se fait."(Jean-Paul Sartre) ou la parole
créatrice d’ir/réalité ...politique
Les confrontations politiques ont lieu avant tout au niveau des discours politiques,
prononcés en jouant sur les effets de la discursivité ou écrits, médiatisés par une presse de
plus en plus asservie aux intérêts de groupe. Car, les dernières années, la presse est devenue
un champ " /…/ de luttes pour transformer ou conserver ces champs de forces."
(BOURDIEU: 1982; p.46). Car il s’agit maintenant d’une "lutte symbolique", celle des
paroles, des attitudes, des gestes et comportements des politiciens, qui sont mis à l’œuvre
influencer l’opinion publique en leur faveur directement dans la sphère publique, ou des
auteurs de la "production symbolique", les idéologues, qui interviennent parfois
indirectement dans le discours public. Ces éminences grises, notamment, mais aussi les autres
intervenants politiques, construisent de vrais "instruments de connaissance et d’expression
(taxinomies) arbitraires (mais ignorés comme tels) de la réalité sociale" qu’ils imposent ou
inculquent d’une manière délibérément subtile à l’opinion publique. (BOURDIEU: 1977;
p.409). Par cette "violence symbolique" du langage ils cherchent à imposer leur propre
"hiérarchie des principes de hiérarchisation", dans leur intérêt ou dans celui de leur groupe.
Ils recréent, par leurs paroles, des réalités reconstruites selon des valeurs qu’ils présentent
comme étant les vraies, les seules conformes aux valeurs démocratiques occidentales. Par
cette "orthodoxie" symbolique, cette taxinomie politisée, ils veulent légitimer leur position
dominante qui ne repose pas, forcément, sur le suffrage de la majorité ou sur des succès dans
la gestion des affaires publiques.
Il faut également prendre en compte que dans les veines des Roumains coule du sang
latin et que leur tempérament a des accents méridionaux, c’est-à-dire qu’ils aiment bien parler
beaucoup et fort. Le dernier mot appartient souvent à celui qui a crié le plus et sur le ton le
plus haut. La violence du langage et, parfois même, de leurs gestes est tributaire, donc, à ces
penchées tempéramentales, mais tiennent également de la délivrance, mal comprise, des
"contraintes" du langage académique, perçu comme trop élitiste. La liberté d’expression a été,
donc, interprétée, comme l’adoption du langage familier, populaire, même vulgaire,
considéré comme touchant plus de vulgum pecus, de population.
Cette "démocratisation" du langage, par contraste avec la langue de bois, imposée, de
l’idéologie communiste, prolongée dans le discours de certains politiciens post-décembristes,
notamment chez le président Ion Iliescu, a été opérée et consacrée, comme un instrument
d’influencer l’opinion publique, par Traian Băsescu, candidat aux présidentielles contre Ion
Iliescu. Ses sorties tempéramentales et certaines de ses expressions et épithètes, puisées dans
le langage familier, ont été rendues notoires par les médias et ont fait école. L’effet a été celui
escompté, les publics l’ont perçu comme un insurgé contre le néo communisme, un
combattant en faveur des valeurs démocratiques.
Nous rappelons encore une fois que le but de cette étude est l’analyse – politiquement
équidistante du discours politique et des actes de langage. Nous nous y intéressons au
parcours de la "violence symbolique" dans certaines paroles, gestes et comportements, voire
des mécanismes utilisés par les aspirants au pouvoir (qu’il s’agisse de la conquête ou du
maintien de la position dominante). "Cet aspect peut être le mieux saisi dans la forme du
discours politique qui met le plus directement en contact avec les décideurs: le discours
électoral. Dans l’esprit d’un précepte utile mais immoral (offriront à l’auditoire ce qu’il veut
entendre), nous assistons souvent à des discours qui représentent des groupements de
pouvoir avec une doctrine de droite qui font des promesses populistes, des discours libéraux
qui mettent l’accent sur l’interventionnisme, etc. C’est une liberté que le discours politique
s’assume à l’intérieur de la doctrine, liberté qui est poussée parfois trop loin, mais qui est
imposée par l’accommodement du discours à la réaction et aux attentes de l’auditoire)."
(SALAVASTRU: 2009; p.144).
En effet, dans la lumière des projeteurs, le candidat Traian Băsescu a convaincu deux
fois (2004-2009; 2009 - 2014) l’électorat roumain qu’il était le mieux situé pour le diriger
comme président du pays. On lui doit des expressions, prononcées pendant ses catilinaires,
qui ont fait fortune.
"Băieții deștepți", littéralement les "mecs intelligents", désigne les hommes d’affaires
du domaine énergétique, regroupés dans une sorte de monopole tacite, qui fraudent l’Etat
roumain en lui achetant de l’énergie électrique à de bas prix et la revendant ensuite aux
consommateurs à des prix beaucoup plus élevés. Il s’agissait, évidemment, d’un groupe
occulte qui finançait le parti des adversaires politiques de Băsescu.
Le terme "mogulii" se réfère aux trusts des médias, "les médias moguls" qui s’étaient
réunis autour du parti adversaire (PSD) dans une campagne de diffamation de Băsescu, lors
de la suspension de sa position de chef de l’institution présidentielle, une action initiée par
(PSD), se trouvant en opposition à l’époque, et validée par le Parlement roumain. Le
président suspendu se référait, en fait, comme une ironie du destin mais, en même temps,
comme un témoignage de la vraisemblance, aux mêmes médias, accusés autrefois par Emil
Constantinescu, manœuvrés par un ex-collaborateur de la Securitate et devenu un magnat de
la presse d’après 1989. Celui-ci, manipulait l’opinion publique en fonction de ses sympathies
ou animosités politiques, voire ses intérêts personnels, à travers son trust médiatique
(journaux et télévisions).
Les accusations de Traian Băsescu ont porté les fruits attendus par leur auteur qui a
été, ainsi, validé trois fois à la présidence, suite à la volonté des électeurs désireux de justice
et confiants encore dans la capacité de Băsescu d’assainir moralement la société roumaine
(après sa première suspension il a été réinstallé dans son fauteuil présidentiel suite au
Référendum et il a été réélu encore une fois en 2009). Lors de sa première suspension,
convaincu de sa popularité et du soutien des électeurs, il avait exhorté les Roumains de
participer au Référendum. La présupposition de son discours c’était la victoire contre les
structures qui avaient vaincu son prédécesseur Constantinescu : "Je sais que mon annonce a
généré des regrets pour certains, de la déception pour d’autres, et pour ceux qui souhaitent
mon élimination de la vie politique, une grande peine. On se voit au vote !" (BASESCU :
2007).
Maintenant, en 2012, le président Băsescu vient d’être, pour la deuxième fois,
suspendu de sa fonction présidentielle, et le deuxième Référendum attend d’être validé. Cette
fois-ci, en fin de juillet 2012, quand le président était à mi chemin de son deuxième mandat
présidentiel, le message de Băsescu envers les Roumains a été de s’abstenir et de ne pas
exercer leur droit de vote pour ne pas valider "le putsch", "le coup d’Etat" de ses adversaires
politiques qu’il avait, d’ailleurs, de nouveau, aidé à accéder au pouvoir. En effet, dans le désir
d’apaiser les esprits des Roumains mécontents par les grandes réductions salariales dues à la
récession mondiale, annoncées par le président qui, confiant dans son pouvoir de conviction
et misant sur sa prise au public, s’était ainsi substitué à son premier ministre. Le président en
exercice a réitéré aussi son mauvais calcul, quand, après avoir remanié plusieurs fois son
gouvernement: il a surenchéri et a nommé un nouveau premier ministre : le président du parti
d’opposition. Par un renversement des rapports de forces politiques et suite aux nombreux
clivages des politiciens du parti de Băsescu (PDL) ayant perdu les dernières élections
locales de 2012– vers le parti gagnant (PSD) et son alliance (USL), le nouveau premier
ministre et ses adeptes (membres USL) ont réussi à faire voter par le Parlement, pour la
deuxième fois, la suspension de Traian Băsescu. Cette fois-ci, les accusations réciproques, les
complaintes près de différentes instances internationales et la violence symbolique exorcisée
dans les nombreuses réclamations, d’un côté et de l’autre, allant jusqu’aux actions en justice,
ont déstabilisé la confiance des Roumains qui regardent, impuissants, les combattants, en
attendant le gagnant. On se demande, "qui volera le plus", pour reprendre une expression de
l’actuel premier ministre qui avait motivé ainsi la défaite de son parti aux élections
présidentielles de 2009 : "Ils ont volé plus [de votes] que nous." C’est une phrase qu’on
pourrait juger comme définitoire pour la manière dont se déroulent les élections en
Roumanie, mais aussi pour la moralité de la classe politique en général.
Validé ou non, le Référendum a démontré que la situation économique, voire le
niveau de vie en baisse des Roumains, est plus importante que les discours qui accusent la
corruption sans punir les corrupteurs. Le denier mot n’a pas été encore dit, car les élections
législatives suivront, dans quelques mois, au Référendum. On verra bien si les électeurs
roumains amenderont également un gouvernement et un Parlement accusés de "blitzkrieg"
qui n’auront pas trouvé de solutions aux problèmes économiques, amplifiés par une attitude
internationale assez méfiante, aggravés par les effets de la récession européenne et les dégâts
causés par la sécheresse sévère etc. Tout l’échiquier politique roumain est atteint d’une crise
de plus en plus profonde de crédibilité.
3. "Crois et tu comprendras; la foi précède, l'intelligence suit" (Saint Augustin) ou
le désenchantement citoyen
Le discours politique roumain hérite, en fait, l’agressivité symbolique de la fonction
politique de tradition marxiste (BOURDIEU: 1977; p.409). En effet, le discours communiste
recréait une réalité idéale, clivée sur la alité concrète, dans l’effort d’aller au-delà de la
conviction – considérée comme allant de soi – et de forger un monde nouveau, plus moral et
plus équitable. Cette tromperie utopique, manœuvrée avec délibération discursive à travers
les paroles et les gestes, d’un symbolisme prolétaire, des figures politiques du moment, est
très familière aux Roumains qui l’ont connue avant 1989 ; ceux-ci constituent, encore,
presque la moitié des adultes actifs. C’est cette génération cinquantenaire qui peut reconnaître
encore ce hiatus entre la réalité fiction et la réalité concrète dans le discours des politiciens
du jour.
La violence symbolique du discours politique a fait école tant chez les politiciens, qui
ont été formés par les anciens cadres communistes, ayant fait la une des apparitions publiques
post-décembristes, que chez les jeunes qui ont commencé à la comprendre au fur est à mesure
où le désenchantement s’installait après l’instauration au pouvoir de leurs élus.
Les signifiants, au sens saussurien, de la violence symbolique sont les expressions
familières, les gros mots, les insinuations et les épithètes drôles et satiriques, les jurons aux
connotations sexuelles triviales, allant jusqu’aux gestes indécents.
Les signifiés symbolisés sont: l’acceptation et l’obéissance vis-à-vis d’un crédo
politique ou, plus encore, d’une personnalité politique accédée ou en cours d’accession au
pouvoir; l’appartenance et la représentativité de la majorité, c’est-à-dire de la grande masse
populaire – qui n’est pas, donc, éduquée à la démocratie et est, par cela même, très maniable–
; la capacité de bien ou mieux gérer les affaires publiques pour le bien-être commun de par le
fait qu’on connaît à fonds les besoins, en général modestes, des gens simples; une accession
au pouvoir fondée sur des mérites notamment bonnes qualités managériales mais aussi
sur la force combattante, suggérée par les apparences frustes, aux nuances de virilité, qui ne
prend pas au sérieux les intellectuels présentés comme des impuissants,des émasculés, dont
le symbole a été le président Constantinescu, symbolisme transféré sur le nouveau premier
Victor Ponta accusé par Băsescu de plagiat; d’ici la garantie qu’il s’agit d’un dirigeant
politiquement équidistant, d’un combattant contre la corruption et, finalement d’un défenseur
des valeurs et des institutions démocratiques; grâce à toutes ces qualités corroborées, la
meilleure représentativité des intérêts nationaux à l’extérieur du pays, dans les relations
internationales; la menace, "qui n’est pas avec nous est contre nous", d’être ranger parmi les
"traîtres du peuple" cette ancienne accusation communiste coûtait, autrefois, la vie même
de l’accusé est édulcorée dans "l’ennemi des valeurs démocratiques" et peut causer, tout au
plus, la perte de certaines privilèges si l’ancien adepte déserte dans le camp de l’opposition.
Les présuppositions les plus courantes du discours politique roumain sont l’ambigüité
délibérée et le caractère dissimulé. (SALAVASTRU: 2009; p.79).
Par exemple, le fameux slogan du président Băsescu ("Que vous viviez bien !"), qui
lui a valu la victoire en 2004 et une sympathie populaire qui l’a soutenu pendant sa première
suspension en 2007 et, bien qu’à la limite, l’a fait gagné encore une fois les présidentielles de
2009, a été désavoué par le président même, quand il s’est vu forcé d’annoncer les réductions
salariales dues à la récession : il ne s’était pas agi, forcément, d’un engagement mais tout
simplement d’un souhait (sic !). (Mediafax.ro: 30.06.2011).
Prenons un autre corpus sémantique: l’étiquette de masse populaire amorphe et sans
capacité de discernement démocratique, faute d’exercice et de tradition, habituée à obéir
d’une manière inconditionnée par l’autorité répressive communiste, collée au peuple roumain
par Silviu Brucan, politologue et dissident pendant la dernière période du règne de
Ceaușescu. Dans une interview publique, il avait appelé les Roumains "stupid people" un
équivalent anglais (le dissident avait vécu aussi aux Etats Unis comme ambassadeur auprès le
gouvernement des Etats Unis et l’ONU) du mot roumain "prostime". Cette appellation avait
vexé le peuple roumain, ayant, en fait, un autre sens que celui, offensant, qui a été perçu à
travers l’expression anglaise : le mot roumain "prostime" désigne les "braves gens", les
"gentils", le vulgum pecus.
C’est aussi le sens, enrichi par les présuppositions d’honnêteté et non appartenance à
l’appareil d’État communiste, de l’expression "les hommes de bonne foi", une appellation qui
avait circulé pendant une période après la Révolution de 1989, avec une grande prise au
public, désignant les personnes qui s’étaient engagées dans la lutte contre le gime
totalitaire. Il s’agissait, justement de gens simples, ouvriers, fonctionnaires ou intellectuels,
membres du Parti Communiste ou non (c’était obligatoire, par exemple, d’être membre de
parti pour avoir droit à une promotion professionnelle ou à s’inscrire, par exemple, au
doctorat), des individus abrutis par un système qui leur interdisait la liberté de réflexion et
d’expression au nom d’une idéologie dominante à laquelle on obéissait ou l’on s’en mourait.
Le politologue Silviu Brucan avait, donc, estimé, juste après la Révolution, qu’il faudra au
moins une vingtaine d’années pour que les Roumains, les "stupid people" apprennent la
démocratie.
Des années plus tard, deux personnes d’une ville de la Moldavie roumaine, un officier
en réserve et un diplômé en droit, ont porté plainte en justice pour insulte et calomnie contre
Silviu Brucan qui avait répété, devant les médias, le syntagme "stupid people" en apprenant,
après les élections législatives et présidentielles de novembre 2000, que le parti de Ion
Iliescu, le Parti de la Démocratie Sociale de Roumanie (PDSR), héritier du premier parti
constitué après la Révolution de 1989, le FSN, (Front du Salut National) avait encore une fois
gagné, et que Ion Iliescu venait d’être réélu. (CODRIN: 2000). Cette fois-ci l’expression de
Silviu Brucan avait, en effet, changé de connotation, car maintenant le signifiant exprimait
littéralement le signifié, l’analyste sanctionnant le peuple roumain qui n’avait toujours pas
compris les "méandres" des manipulations et les mises cachées des jeux politiques. Les
Roumains étaient, donc, taxés, littéralement, de "stupides". Nous venons aussi de cité un mot
extrait d’une phrase de Ion Iliescu qui a fait histoire, comme un exemple générique du style
de langue de bois appris à l’école communiste soviétique (Ion Iliescu avait fait des études
supérieures à Moscou et avait détenu des fonctions dans l’appareil d’Etat communiste
roumain), une rhétorique de paroles dépourvues de sens, renvoyant au hiatus entre la réalité
idéale et la réalité concrète:
"Mis, ainsi, à jour, ancré dans la synergie des faits, le recours à l’universalité n’élude
pas les méandres du concret." (http://ro.wikiquote.org/wiki/Ion_Iliescu).
4. "La politique est plus dangereuse que la guerre... A la guerre vous ne pouvez
mourir qu'une seule fois. En politique, plusieurs fois" (Winston Churchill) ou le
gros mot qui tue…politiquement
Ion Iliescu est l’un des plus longévifs politiciens de la Roumanie post-décembriste. Il
a évolué de la figure de révolutionnaire et coagulateur des premières formes libres de gestion
du pays au statut de président intérim et de premier président élu librement après 1989 et
exerçant la fonction de président de la Roumanie pendant deux législatures présidentielles; il
a été aussi le fondateur et le président du FSN, et, ultérieurement, du Conseil du Front du
Salut National (CFSN). Par ailleurs, il faut rappeler que le Front du Salut National a changé
plusieurs fois sa dénomination en suivant les métamorphoses de sa structuration et position
doctrinale: FDSN (Front Démocrate de la Salvation Nationale), PDSR (Parti de la
Démocratie Sociale de Roumanie), finalement PSD (Parti Social Démocrate).
Le comportement de Ion Iliescu, l’idéologue et le stratège du PSD, qui lui a valu la
fonction – à vie – de président d’honneur de ce parti, est spécifique pour un pays qui a hérité
de son passé totalitaire une valeur très élevée de l’écart du pouvoir. Geert Hofstede estimait
pour la Roumanie un pourcentage de 90% concernant la valeur de la distance hiérarchique.
D’ici la tendance des cadres, détenteurs de pouvoir de décision, des décideurs en général, de
s’attendre à l’obéissance, de considérer qu’ils détiennent la vérité absolue, qu’ils sont
omniscients et que dans la démocratie "nous sommes tous égaux, mais que certains sont plus
égaux que les autres". C’est un dicton populaire, prononcé pendant la période communiste où
les cadres du parti unique jouissaient de privilèges, qui a été repris aujourd’hui pour
sanctionner, avec un humour amer digne du personnage de Chaplin, l’inégalité sociale qui
persiste toujours dans la jeune, encore, république démocratique roumaine. Ceux-ci sont
considérés comme capetele (les cerveaux) des partis, les éminences grises, les stratèges. De
par leur position, ils peuvent exprimer leurs opinions au nom du parti, approuver, désavouer
ou sanctionner les politiques, les politiciens, tant de l’opposition ou même de la sphère
internationale que de son propre parti: "Aucun ambassadeur de quelque pays que ce soit ne
peut venir nous donner, à nous, des leçons en matière de lutte contre la corruption."
(GALLAGHER: 2004).
On peut ainsi distinguer, dans la sphère politique et publique roumaine, deux
catégories de leaders: capetele (les cerveaux) - les idéologues/les stratèges et les analystes
politiques/les politologues – et capii (les têtes/les chefs) les personnalités se trouvant à la tête
des partis, de certaines institutions publiques, parlementaires. Il faut remarquer qu’en
roumain les deux formes différentes au pluriel – ont une homonymie parfaite au singulier :
cap (du latin caput). Le président Traian Băsescu fait une figure atypique parce qu’il est à la
fois idéologue, stratège, orateur et chef impliqué, combattant ; il appartient, donc, à la
catégorie des capete aussi bien qu’à celle des capi.
Paradoxalement, une enquête et une analyse menées en 2005 par une société de
sondage roumaine, Interact, sur la base des dimensions culturelles de Hofstede, avait constaté
une valeur beaucoup plus basse pour l’écart du pouvoir: "/…/ en conclusion, pendant que le
comportement de la population démontre une grande distance envers l’autorité, ses
préférences se dirigent vers un style de management participatif et coopérant. La différence
observable entre le niveau souhaité et le niveau démontré par le comportement, nous a
amené à la conclusion de l’existence d’un complexe d’autorité, ce qui peut expliquer le refus,
avec obstination, main non déclaré de la majorité des Roumains, de respecter les règles et
l’autorité, et, en même temps, la demande expresse de lois et de règles." (LUCA: 2005).
Ce paradoxe peut expliquer pourquoi des personnalités comme Ion Iliescu – qui s’est
formé à l’école soviétique, et a exercé, même, l’autorité totalitaire sous Ceaușescu, tout en se
situant, vers la fin du régime du côté de la dissidence –, voulant démontrer par la
démocratisation non seulement du discours politique opérée, par exemple, avec succès par
Traian Băsescu –, mais du langage même (phénomène manifesté également chez de
nombreuses figures publiques, écrivains, acteurs, cinéastes, commentateurs etc. après 1989)
qu’elles s’étaient détachées complètement de l’idéologie néo/communiste, ont utilisé pendant
leurs nombreuses apparitions publiques de gros mots, allant des expressions ou épithètes
catégorisantes, prises du langage familier, jusqu’aux jurons.
Pour mieux comprendre les présuppositions du corpus suivant, il faut aussi
mentionner que le parcours postcommuniste de Ion Iliescu a connu, parfois, des tournures
dramatiques qui sont encore controversées. Pendant les démonstrations de la Place de
l’Université de Bucarest, au printemps de 1990, initiées pour soutenir le point 8 de la
Proclamation de Timișoara concernant l’adoption de la loi de la lustration qui interdisait
l’accès à des fonctions publiques pendant 10 ans ou trois législatures successives aux
personnes ayant appartenu à la nomenclature du Parti Communiste ou de la Securitate avant
1989.
C’était, en fait, un mouvement anti néo communisme et anti Iliescu qui avait appelé
les manifestants golani (voyous) et huligani (hooligans). L’étiquette de golan a été toute
suite adoptée par les manifestants et leurs sympathisants, mais aussi par des intellectuels de
marque roumains (par exemple Alaxandru Paleologu, écrivain et ambassadeur roumain à
Paris, qui s’était auto intitulé "l’ambassadeur des golans") comme un blason (certains avaient
même arboré une cocarde avec cet appellatif) symbolisant le rejet du communisme, la
solidarité contre les formes de néo communisme promues par Ion Iliescu (accusé à l’époque
de l’intention de vouloir développer "un communisme à visage humain"). C’était l’époque où
Ion Iliescu et ses collègues de FSN négociaient la participation au avec les représentants des
autres partis, recréés sur les structures des partis historiques d’avant l’époque communiste.
Sa résistance aux insistances de Corneliu Coposu, le leader du Parti National Paysan
Chrétien et Démocrate (PNTCD), qui avait été persécuté et emprisonné par l’ancien régime
communiste, a été rendue mythologique par l’exclamation qu’il avait poussée pednant une
rencontre télévisée de 1990:
"Doomnu' Copoiu, doooomnuu' Copoiu, nu mai imi da dom'le cu sula-n coaste!"
( = M’sieu’ Copoi, Mmm’sieu’ Copoiu, ne m’enfoncez plus, M’sieu’, le pointeau dans
les côtes!). (http://ro.wikiquote.org/wiki/Ion_Iliescu).
Les présuppositions de cette phrases sont multiples: la résistance à la réforme; le
message aux connotations menaçantes de l’autorité qui n’accepte pas d’être mise en question;
la contorsion du nom de l’interlocuteur qui témoigne la négation de l’autorité du partenaire,
lui-aussi leader d’un parti bien que d’opposition ; la non reconnaissance délibérée de la
qualité de combattant anti-communiste de son interlocuteur qui faisait pâlir son propre image
d’ancien dissident; finalement, le rejet de la "prétention" du nouveau PNTCD qui se réclamait
de l’ancien Parti National Paysan, parti historique entre les deux guerres, supprimé et interdit
par les communistes, parti qui risquait maintenant d’accumuler un capital politique plus
important que celui créé par Iliescu lui-même et, d’obtenir ainsi plus de popularité et de
suffrages de la part du public roumain.
Le président Iliescu ne s’est pas trompé, la menace flottait en l’air, mais c’était son
pouvoir, cette fois-ci, qui était contesté. Le phénomène Place de l’Université lui a confirmé
ses appréhensions quant à son impopularité croissante, ce qui ne l’a pas empêché de recourir
à des méthodes digne du régime communiste: pour étouffer les manifestants, devenus, en
effet, agressifs et quelques uns, paraît-il armés, à un moment la police et l’armée étaient
timorées et rendues inertes par les procès intentés aux cadres qui avaient ordonné les
fusillades pendant la Révolution de 1989, Ion Iliescu avait appelé au secours les groupes de
miniers du bassin de Valea Jiului en vue de rétablir l’ordre dans la capitale. Ceux-ci ont
dévalisé les sièges des partis d’opposition (parmi lesquels celui du PNTCD) et ont assommé à
coups de matraque les manifestants. Le bilan du "secours" accordé par les bandes de miniers
à "l’Etat de droit" a été: six morts, plus de 1000 personnes blessées, des centaines de
personnes arrêtées et d’importants dégâts matériels.
Le discours du président adressé aux miniers, après la restauration de "l’ordre" est
resté également historique, comme un exemple symbolique de langage néo communiste,
témoignant, au fond, de la légitimité des protestes sanctionnés par le pouvoir: "Je vous
remercie pour tout ce que vous avez fait pendant ces jours, en général, pour toute votre
attitude de haute conscience civique. Donc, je vous remercie encore une fois, à tous, pour ce
que vous avez démontré pendant ces jours: que vous êtes une force puissante, avec une haute
discipline civique, ouvrière, des hommes de base pour le bien et, surtout, pour le pire. Vous
avez démontré, encore une fois, combien est importante la solidarité ouvrière." (Zalau
Online: 2010).
Par ailleurs, la loi de la lustration a été adoptée par la Chambre des Députes du
Parlement roumain le 28.02.2012, quand elle n’a presque plus d’effet, vu l’âge avancé des
personnes qui auraient pu être concernées.
On doit aussi à Ion Iliescu une étiquette, celle de "prostănac" ("nigaud"), collée à un
illustre collègue de parti pendant les élections présidentielles de 2004 (Ziare.com:2009).
L’épithète a suivi, apparemment, la carrière de Mircea Geoană qui, en 2009, suite à d’autres
gaffes, a raté de près le poste de président du pays en faveur de Traian Băsescu, en février
2010 a perdu celui de président du PSD et en 2011 celui de président du Sénat.
De la hauteur de son autorité, Iliescu a un ton tutélaire quand il interpelle les
journalistes trop insistants - "măi, animalule !" ("hé, toi-là, l’animal!") ou "măgari de presă"
("baudets de la presse") (Infonews: 2005) -, ou quand il congratule ses collègues de parti
avec l’appellation de "neghiobi" ("niais") (Infonews: 2006), renvoyant encore au "prostănac"
Mircea Geoană ( lequel, devenu en 2005 le président du PSD, aller se venger contre son
ancien mentor en lui interdisant de venir au siège du parti). En répétant l’épithète de
"neghiobi" ("niais"), de la même sphère notionnelle désignant la stupidité, Ion Iliescu a
rappelé à ses collègues les gaucheries politiques de Geoană en les rangeant, de par leur
soutien, dans la même lignée de nigauds politiques, une prophétie qui est devenue
apothéotique en 2009, par la perte, pour la deuxième fois, des présidentielles, à cause des
gaffes de Geoană.
Dans une autre occasion, Ion Iliescu, revenu à son rôle de conseiller stratégique au
sein du PSD, a laissé échapper un juron pendant une déclaration de presse, au moment où son
parti (PSD) avait fait une alliance avec le PDL pour assurer le gouvernement/la gouvernance
de la Roumanie, sous la présidence de Traian Băsescu. A la demande d’une journaliste
concernant l’éventuelle rupture de l’alliance au gouvernement à cause des dissensions au
sujet d’un projet de la loi de l’éducation nationale, Iliescu avait exclamé: "Dă-o-n mă-sa de
guvernare!/…/ Ar fi o prostie să condiţionezi soarta unei guvernări de o lege sau de o dispută
pe un domeniu" ("Qu’elle aille se faire foutre, la gouvernance! /…/ Ce serait une bêtise de
conditionner le sort d’un gouvernement par une loi ou une dispute dans le domaine.").
(Ziare.com: 2009).
5. Quand la mauvaise langue prend la parole, ou la femme politique qui
oublie sa grâce…féminine
La violence verbale transgresse sa "valeur symbolique" et laisse la place au concret, se
muant en pure et triviale insulte. Il ne s’agit plus de l’intention de faire un tour de force et
humilier son adversaire mais d’insulter purement et simplement, "au bord de la crise de
nerfs", pendant les confrontations politiques. L’argument cède la place aux échanges verbaux
à connotations offensantes explicites et même aux gestes violents.
Les femmes publiques, quelles soient analystes politiques, réalisatrices d’émissions
politiques télévisées ou politiciens, se fondent dans ce courant, presque général, de violence,
laquelle, même discursive, a été perpétuée comme un attribut de la force masculine, dès l’âge
de pierre jusqu’à nos jours. Même dans les sphères politiques et gouvernementales
internationales, les femmes politiques, ayant exercé des fonctions dans l’appareil d’État, ont
été reconnues comme des exceptions quant à leur féminité. D’habitude, l’apparence de ces
femmes témoigne d’un sexe incertain, en dépit des habits féminins (par exemple Madeleine
Albright ou Angela Merkel). D’autres, qui ont gardé l’élégance de l’allure typiquement
féminine, ont reçu, de la part de la communauté internationale, des surnoms avec des
épithètes qui infèrent sur leur force, de type masculin : par exemple, Margaret Thatcher, qui
fut surnommée "la dame de fer". Cette expression catégorisant la femme masculinisée a fait
fortune et est utilisée depuis lors pour toute manifestation de force dans la sphère publique
féminine. Pourtant, dans ces exemples, il s’agit de femmes politiques qui ont démontré la
force de leur caractère et de leur manière d’aborder les problèmes de politiques publiques
mais qui ne sont pas expirmé, poru autant, leur pouvoir à travers une violence verbale
discursive.
En Roumanie, les femmes publiques sont le plus souvent manœuvrées de l’ombre par
les hommes détenant le pouvoir. Par exemple Elena Udrea, ancienne conseillère du président
Băsescu pendant son premier mandat présidentiel et ancien ministre du développement et du
tourisme sous son deuxième mandat, ou Roberta Anastase, ex présidente de la Chambre des
Députés du Parlement roumain – de la part de PDL, le parti de Traian Băsescu et celui qui a
gouverné de novembre 2009 jusqu’au juin 2012 –, ancienne miss Roumanie en 1996. Il s’agit
de deux femmes réputées pour leur beauté et leur servilisme politique. Les deux qualités ont
fait fortune comme deux images emblématiques désastreuses pour la marque de PDL.
Même si ces femmes publiques n’ont pas eu de sorties publiques verbales violentes, leurs
comportements et actions publiques dépourvues de scrupules ont renvoyé également à la
violence masculine, pour laquelle "la fin excuse les moyens", un dicton dont la création fut
attribuée à un homme politique. Car, même si l’auteur de ce dicton n’est pas certain, on
l’attribue soit à Nicolas Machiavel (1469-1527) qui l'avait appliqué principalement à la
politique, soit à Philippe van den Clyte (1445-1509), seigneur de Commynes, l'homme qui a
trahi Charles le Téméraire pour se mettre au service de Louis XI.
Pour d’autres femmes publiques roumaines, la violence du discours n’est qu’un
instrument, emprunté au monde politique masculin, qu’elles utilisent pour démontrer
"l’égalité de l’homme et de la femme", comme un signe, donc, d’émancipation et de
démonstration de la capacité d’agir sur l’arène publique et politique à côté des hommes.
On dit que la roue politique ou autre tourne toujours. Dans le corpus suivant,
l’analyste politique Zoe Petre, ancien conseiller de l’ex-président Emil Constantinescu, taxe,
en 2012, le président Băsescu de "sociopathe". Elle venge ainsi "son président", Emil
Constantinescu, qui avait eu de forts mécontentements vis-à-vis l’intégrité et l’honnêteté de
Traian Băsescu, ministre des transports pendant son mandat et président du Parti Démocrate,
et qui avait été éliminé de la vie politique par les manœuvres de ce dernier. Notons aussi
qu’en 2012, Emil Constantinescu, rattaché maintenant aux valeurs libérales, sympathisait,
dans des prises de position internes et internationales, avec l’alliance USL (Union Sociale
Libérale, formée notamment par le Parti Social Démocrate-PSD et le Parti National Libéral-
PNL), s’opposant au régime du président Băsescu.
Dans la présentation explicite du profil moral et comportemental du "sociopathe", Zoe
Petre reprend, sous un ton de pamphlet, les accusations apportées au président Băsescu par
USL et acceptées par le Parlement (dans lequel USL a obtenu la majorité grâces aux
désertions de certains parlementaires) lequel a voté la suspension du président, en début de
juillet 2012: "Les traits communs à tous ceux qui ont des troubles de personnalité antisociale
sont : /…/ ils mentent et volent d’une manière persévérante /…/ se caractérisent par
l’agressivité, par un comportement violent, provoquent des conflits sans aucun regret
d’avoir fait du mal aux autres ont souvent du charme superficiel sont impulsifs
considèrent qu’ont toujours plus de droits que les autres ont l’inhabilité de se faire ou de
conserver ses amis. Est-ce que cela vous semble familier ?", demande Zoe Petre.
1
La description progressive, sans avoir mentionné dès le début le nom de l’incriminé,
renvoie, par un subtil effet discursif, aux accusations portées à Traian Băsescu par USL, et le
procédé est celui que j’avais, par exemple, reconnu dans le sermon d’un prêtre batiste aux
États Unis. (Mon intelligence en était sortie extrêmement vexée par la dialectique sophiste de
son discours qui me donnait, juste après la question puérile par surcroît la réponse). La
réponse de Zoe Petre est donnée, également, avant la lettre, par la caricature du président
Traian Băsescu appliquée à côté du texte. (GHEORGHE: 2012).
Un autre corpus discursif, très médiatisé, peut être considéré comme édifiant et
édificateur pour la tension du climat public et l’inépuisable agressivité du discours télévisé.
Le parlementaire (PDL) Cristian Boureanu et Gabriela Vrânceanu Firea, ancien porte parole
de l’administration présidentielle et modératrice d’une émission de débats politiques diffusée
sur une chaîne de télévision privée (dont le patron avait été traité autrefois par Traian Băsescu
de "mogul"), ont fait une démonstration en direct de la mise en marche du mécanisme verbal
de l’agressivité. Enervé parce que la modératrice lui avait coupé la parole plusieurs fois, le
député- invité a accusé la modératrice d’être l’amante du premier ministre et d’être payée par
de l’argent volé (en insinuant ainsi le partisanat et les manipulations exercés par son patron à
travers ses chaînes de télévision). La modératrice lui a rétorqué en lui demandant s’il avait
mangé quelque chose de pourri avant d’entrer dans son émission, ce qui lui a valu une
réponse sur mesure:
"Oui, j’ai mangé quelque de pourri ici, chez vous."
"Aux toilettes?", avait demandé la modératrice.
"Ce que vous mangez ici, tous les soirs" fut la réponse du parlementaire –contenant
des allusions scatologiques et l’intention visible d’offenser son interlocutrice le plus possible.
(Liberatea.ro: 2010). Par ailleurs, notons que la modératrice, après avoir donné naissance à un
bébé, a quitté le monde de la télévision pour s’enrôler dans le parti PSD (redevenu parti de
1
Zoe Petre: Traian Băsescu este un sociopat ; in Cotidianul.ro, 14 februarue 2012 :
http://www.cotidianul.ro/zoe-petre-traian-basescu-este-un-sociopat-172799/.
gouvernement après la perte des élections locales par PDL, en juin 2012). Elle a également
obtenu, par la suite, la position de sénateur dans le Parlment roumain.
La courtoisie et l’élégance du discours, aussi bien que des comportements, semblent
être bannies dans la sphère publique.
La discursivité agressive devient même opératoire, toujours en direct, comme si les
élus du peuple s’acharnaient à parfaire l’éducation de leurs électeurs et les convaincre qu’ils
sont très véhéments quand il s’agit de défendre leurs points de vue; leur représentativité est
ainsi exercée pendant des controverses idéologiques télévisées, comme une preuve de
combativité, voire, de l’efficacité de leurs démarches dans le Parlement.
Nous citons un autre exemple de deux parlementaires, invités à un talk show
politique. Il s’agit de deux candidats, se trouvant en pleine campagne électorale, Anca
Constantinescu (PDL) et Marius Marinescu (PC), qui ont fini leurs "discours électoraux",
voire leur controverse, en se jetant aux yeux les verres d’eaux se trouvant devant eux, sur la
table.
Quand la popularité des élus est basse et qu’ils se confrontent aux électeurs
mécontents à causes des mesures entreprises pour résoudre leurs graves problèmes
existentiels, les hauts dignitaires n’hésitent pas à montrer leur irritation, allant jusqu’au
mépris manifeste, en oubliant que leur mission, celle de gérants des affaires publiques, leur
avait été confiée par ces gens mêmes qu’ils venaient d’agresser et d’invectiver.
D’ailleurs, Anca Constantinescu était déjà devenue proverbiale par la manière dont
elle avait réduit au silence un parlementaire de l’opposition :
"La ferme ! Maintenant c’est nous qui sommes au pouvoir !"
("Ciocu’ mic ! Acum noi suntem la putere !"
Les présuppositions de cette injonction portent sur la suprématie – voire une distance
hiérarchique très élevée inconditionnée du pouvoir et, d’ici, pour l’opposition, l’obligation
à une obéissance totale, et sur l’appartenance, par la déféminisation, de l’auteur de cette
phrase au monde masculin de la force.
En guise de conclusion : "Que faire d'une âme s'il n'y a ni Dieu ni Christ ?" (La
Condition Humaine – André Malraux) ou le rôle de la morale dans la Genèse de la
parole… publique
Nous avons tenté d’interpréter certaines expressions idiomatiques et mots vulgaires,
parfois même triviaux, du roumain, tout en sachant que c’était la tâche la plus difficile pour
un traducteur, car les registres et les présuppositions des expressions idiomatiques vont au-
delà de l’agression verbale, dans une anamnèse de la morale et du niveau de culture, voire
d’éducation, d’un peuple.
Nous avons assisté, en effet, à une extension et une généralisation de la violence
symbolique du discours politique au langage et aux comportements publics. L’agressivité,
poussée jusqu’à l’indécence et l’obscène, est devenue non seulement un langage
instrumentalisé pour s’adjuger la suprématie, voire la déculpabilisation ou la
sympathie/empathie des publics, mais un mode de vie et d’expression adopté à tous les
niveaux sociaux.
Quelques uns des capi (chefs), membres de l’administration centrale, du Parlement et
de la sphère médiatique, se jettent les uns sur les autres, en échangeant sous les yeux
consternés de la nation, des invectives et des jurons. Il ne s’agit plus d’impulsions
incontrôlables mais d’un maniement de l’agressivité et du langage vulgaire promus jusqu’à
l’art de l’argumentation et de la conversation. Par exemple, le président Traian Băsescu – qui
a toujours misé sur son charme personnel, s’étant construit une image de force, un peu fruste
mais par cela même efficace et honnête, celle d’un homme versé dans l’art de la gestion,
grâce à son métier de co/ordonnateur/ancien commandant de navire –, se permet, pendant une
conversation et en présence de la presse, d’appeler un journaliste "găozar" ("trou du cul").
L’épithète a été assumée par le journaliste qui l’a utilisée pour le taxer de signe
symptomatologique pour le caractère et la moralité du président lors de sa deuxième
suspension, en juillet 2012 (VOICU: 2012).
Deux autres exemples sont restés définitoires, selon notre opinion, pour la déviation
morale des élus la rupture er de l’absence d’empathie vis-à-vis des citoyens dont ils
représentent les intérêts.
Pendant une visite officielle, irrité par les demandes d’aide des sinistrés, victimes des
inondations dans la région de sud-ouest de la Roumanie, le premier ministre Călin Popescu
Tăriceanu a brusqué une femme désespérée et mécontente des solutions trouvées par
l’administration locale:
"Que vous voulez que j’en fasse? /…/ Vous faire édifier un hôtel?"(Evenimentul
zilei.ro: 2005).
Dans des circonstances dramatiques similaires, le président Traian Băsescu, se
trouvant en visite officielle chez des citoyens affectés par les inondations, cette fois-ci dans le
nord-est de la Roumanie, avait été interpellé par une femme dont la maison avait été détruite
par les eaux. Comme le président essayait de la culpabiliser parce qu’elle n’avait pas conclu
d’assurance pour sa maison, la femme avait commencé à lui expliquer, sur un ton vif, qu’elle
était enseignante et que, dans les conditions l’administration centrale avait coupé les
salaires des budgétaires de 25% (et majoré la TVA à 24% - n.n.), elle n’avait pas eu les
moyens financiers nécessaires. A son tour, le président, en remarquant l’air un peu avili de
l’enseignante et agacé par l’animosité de l’enseignante, a riposté par une remarque
désobligeante: "C’est gênant!". Et la femme, sur un ton mi-vexé mi-désespéré, avait
continué: "Oui, c’est gênant, qu’après avoir appris tant d’années, je me retrouve
profondément abaissée." Le président, loin de comprendre la détresse de la femme, restant
sur ses positions accusatrices, a commenté sur la qualité précaire de l’enseignement roumain,
en insinuant ainsi, que les enseignants roumains ne méritaient pas des salaires plus importants
à cause de la mauvaise qualité de leurs services, reflétée dans le mauvais pourcentage de
promouvabilité de leurs élèves, appréciations qu’il avait d’ailleurs, prononcées également
dans certains de ces discours publics antérieurs. Cette nouvelle offense indirecte lui avait valu
l’amendement prompt de l’enseignante: "On la voit bien [cette qualité précaire de
l’enseignement – n.n.], elle a donné des hommes comme vous!". Le président a insisté et a eu
le dernier mot en concluant: "Nous devons renoncer aux commérages", en statuant ainsi le
positionnement modeste de la femme et en manifestant son mépris non seulement pour
l’aspect un peu villageois de la femme, mais pour toute une catégorie socio-professionnelle,
celle des enseignants.
Le symbolisme agressif et l’auto flagellation ayant comme présupposition le
proteste amer contre l’humiliation des intellectuels et des artistes réduits à des inquiétudes
liées aux besoins strictement existentiels, contre le marasme moral de la société roumaine et
la précarité de l’acte intellectuel et artistique dans une Roumanie désenchantée, après les
illusions post-décembristes et post-intégration européenne –, a été exacerbé dans le geste
d’un acteur roumain. Claudiu Bleonț, un très connu acteur roumain, a baissé ses pantalons en
dévoilant aux journalistes la nudité de la partie inférieure de son corps, pendant une
conférence de presse occasionnée par un spectacle de théâtre (A la recherche de Richard
III !!!). L’acteur a expliqué lui-même la signification de son geste choquant :" /…/ Nous nous
transformons dans un pays de Pharisiens. /…/ C’est parce que je vis ma condition jusqu’au
bout../…/ Et nous, les Roumains, nous sommes engloutis dans le confort, dans la complainte,
dans le trouble parce que nous traversons une crise. Mais la crise a commencé au moment où
nous sommes nés. Nous mourrons et nous nous voulons accepter cette chose, et nous ne
voulons pas avoir une attitude digne." (Realitatea.net: 2011).
Ne serait-ce qu’un cri muet, pareil à celui de Munch, la signification du geste de
l’Acteur, un passeur entre les mondes, réel et idéal, entre le ridendo castigat mores, le hybris
de l’esprit humain qui s’insurge contre le déterminisme et le fatalisme et l’état de katharsis
(la purification après l’expiation), le geste de Claudiu Bleonț, si choquant qu’il fût, nous
avertit et nous exhorte à la réflexion.
L’inertie de l’attitude et de l’option laisse la place à la Barbarie.
Après tout, cette violence, qui transparaît même dans le discours politique roumain,
témoigne, de manière générale, des carences d’éducation, et, restrictivement à la sphère
politique, de maturité démocratique au sens du dêmos antique grec qui maîtrisait l’art de
l’argumentation et du respect de la parole assumée au moment elle venait d’être
prononcée.
Nous concluons sur les paroles prononcées par un prestigieux réalisateur roumain, lors
du gala de son film Jacob, à Timișoara, en 1988. Devant la réaction hystérique et
inappropriée d’un public incapable de bien comprendre la profondeur psychologique du film,
Mircea Daneliuc avait finit la présentation de son film par cette phrase:
"Je suis convaincu que la barbarie ne s’en sortira jamais victorieuse!"
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24.02.2011; http://www.realitatea.net/claudiu-bleont-le-a-aratat-penisul-jurnalistilor-intr-o-conferinta-
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Article
Né de l'effort pour présenter le bilan d'un ensemble de recherches sur le symbolisme dans une situation scolaire d'un type particulier, celle de la conférence dans une université étrangère (Chicago, avril 1973), ce texte ne doit pas être lu comme une histoire, même scolaire, des théories du symbolisme, ni surtout comme une sorte de reconstruction pseudo-hégélienne de la démarche qui aurait conduit, par dépassements successifs, vers la « théorie finale ». Si « l'immigration des idées », comme dit Marx, se fait rarement sans dommage, c'est qu'elle sépare les productions culturelles du système de repères théoriques par rapport auxquels elles se sont définies, consciemment ou inconsciemment, c'est-à-dire du champ de production balisé par des noms propres ou des concepts en -isme qu'elles contribuent toujours moins à définir qu'il ne les définit.
  • Codrin Doi Băcăuani L-Au Dat În Judecată Pe Silviu Brucan
CRISTEA, Codrin, Doi băcăuani l-au dat în judecată pe Silviu Brucan, in Evenimentul.ro, 13.12.2000; http://www.evenimentul.ro/articol/doi-bacauani-l-au-dat.html, consulté le 23.04.2012.
Da-o-n ma-sa de guvernare" (Video), in Ziare
  • Ion Iliescu
ILIESCU, Ion, "Da-o-n ma-sa de guvernare" (Video), in Ziare.com, 17.08.2009 ; http://www.ziare.com/ioniliescu/presedinte/ion-iliescu-da-o-n-ma-sa-de-guvernare-856374, consulté le 10.05.2012.
Video șocant: Claudiu Bleonţ le-a arătat penisul jurnaliştilor într-o conferinţă de presă
  • Bleonţ
Bleonţ, despre gestul şocant: Îmi trăiesc condiţia până la capăt, in in Realitatea.net, 24.02.2011; http://www.realitatea.net/bleont-despre-gestul-socant-imi-traiesc-conditia-pana-lacapat_807568.html#ixzz231Xbu0IB, consulté le le 16.05.2012. Video șocant: Claudiu Bleonţ le-a arătat penisul jurnaliştilor într-o conferinţă de presă, in Realitatea.net, 24.02.2011; http://www.realitatea.net/claudiu-bleont-le-a-aratat-penisul-jurnalistilor-intr-o-conferintade-presa_807555.html#ixzz231WjixMz,consulté le le 16.05.2012.
Valorile și comportamentul românesc
  • Adina Luca
LUCA, Adina (2005), Valorile și comportamentul românesc; http://www.cariereonline.ro/articol/valorile-sicomportamentul-romanesc, consulté le 20.05.2012;
Bunul ucenic sau Cum devine un interviu cu presedintele o candidatura pentru o functie publica
  • Tom Gallagher
GALLAGHER,Tom, Bunul ucenic sau Cum devine un interviu cu presedintele o candidatura pentru o functie publica, in Observator cultural, 05.05.2004;http://www.observatorcultural.ro/Bunulucenic*articleID_10914-articles_details.html, consulté le 20.05.2012.
Traian Basescu este un sociopat
  • R Gheorghe
  • Zoe Petre
GHEORGHE, R. (2012), Zoe Petre: "Traian Basescu este un sociopat", in Inpolitics.ro ;
Les délires et les pièges du langage, 23.08.1999, in Evenimentul zilei
  • Cornel Nistorescu
NISTORESCU, Cornel, Les délires et les pièges du langage, 23.08.1999, in Evenimentul zilei, édition en ligne: http://www.evz.ro/article.php?artid=119794; consulté le 10.06.2007.
PDL arata ca o caruta in care fiecare trage in directia lui
  • Iulian Urban
URBAN, Iulian, PDL arata ca o caruta in care fiecare trage in directia lui, 19.10.2011;