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l’homme
Les divisions de la ville
|
Christian Topalov
Les divisions de
la ville à
Shanghai
(XIX
e
-XX
e
siècles)
Christian
Henriot
et
Zheng
Zu’an
p. 157-189
Texte intégral
Shanghai offre un cas d’espèce singulier pour l’étude
des « divisions de la ville ». Bien que toutes les villes
puissent revendiquer une spécificité, Shanghai compte
au nombre des cités qui se sont développées à l’époque
contemporaine sur la base d’une segmentation très
marquée de leur territoire. Nombre de cités d’Asie ont
fait l’expérience du colonialisme et d’une structuration
de leur espace fondée sur la ségrégation. Bien qu’une
telle ségrégation ne fût pas absolue dans la plupart des
cas, on distinguait bien souvent la « ville indigène » de
son pendant colonial, désigné par des termes différents
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De la ville fortifiée à la métropole
internationale : fragmentation,
expansion, intégration
selon les villes et les pays. L’absence de désignation
explicite ne préjugeait d’ailleurs nullement de la réalité
de la ségrégation spatiale (Delissen 2000). On retrouve
à Shanghai ce moule commun, porté à un haut degré
par l’existence pendant près d’un siècle de concessions
étrangères qui ont laissé une trace, encore perceptible
jusqu’à nos jours, dans l’espace et dans les esprits.
Ce chapitre examine la manière dont les « divisions de
l’urbain » ont été rendues en chinois, en prenant la
ville de Shanghai comme champ d’enquête. Notre
analyse n’aura donc pas une portée générale,
applicable à toutes les villes de Chine. Néanmoins, si
certains termes sont spécifiques à Shanghai, toutes les
expressions communes du vocabulaire de l’urbain se
rencontrent dans cette ville. Nous présenterons
d’abord un bref historique du développement de la
grande métropole du bas-Yangzi. Nous étudierons
ensuite les mots appliqués aux grandes divisions de
l’espace urbain au cours des deux derniers siècles.
Enfin, nous nous attacherons à cerner le vocabulaire
né de l’intervention du pouvoir, notamment à la suite
de mesures de réforme territoriale ou administrative,
et celui qui est issu de la langue vernaculaire, en
mettant en lumière les manières qu’ont ses habitants
de percevoir l’espace urbain.
À la veille de son ouverture forcée par les puissances
européennes en 1845, Shanghai est un centre
commercial prospère qui abrite entre 300 000 et
350 000 âmes. La ville tire sa richesse du commerce
du coton, que la région environnante produit en
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abondance, et de son rôle de plate-forme d’échanges et
de transbordement entre les provinces de l’intérieur et
les autres régions côtières. Elle se situe cependant
encore derrière Suzhou, le principal centre urbain de la
région du bas-Yangzi. Les effets conjugués des ravages
causés par la révolte des Taiping (1851-1864) – Suzhou
est rasée – et de l’ouverture du port au commerce avec
l’étranger renversent définitivement la hiérarchie
urbaine de la région. À l’arrivée des Occidentaux,
Shanghai est constituée de sa partie centrale, protégée
par une longue muraille circulaire, et de faubourgs
plus ou moins développés, essentiellement au sud et à
l’est, le long des rives du fleuve Huangpu (fig. 1). La
plus grande partie de la population vit à l’intérieur de
la ville fortifiée, parcourue de multiples canaux, où
sont concentrés tous les bâtiments officiels et les
principaux temples. Les faubourgs sont composés
d’habitat plus ou moins précaire, d’ateliers divers et
d’entrepôts.
Le destin urbain de Shanghai change avec
l’implantation successive à sa périphérie
septentrionale, des concessions anglaise (1846),
américaine (1848) et française (1849). Les deux
premières ont fusionné en 1863 pour donner naissance
à la concession internationale, tandis que la concession
française optait pour la préservation de son autonomie
politique et territoriale. Situées à l’origine sur des
terrains agricoles et des marécages, les concessions se
sont étendues à plusieurs reprises. Alors qu’elles ne
représentaient qu’une infime partie de la zone
urbanisée et de la population d’origine, les concessions
ont connu un développement soutenu au point de
surpasser les quartiers chinois en surface et en
population vers 1910, voire dès le tournant du siècle.
L’expansion urbaine de Shanghai ne s’est toutefois pas
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limitée aux concessions étrangères. Des quartiers
nouveaux sont apparus au nord et à l’ouest des
concessions, en territoire sous juridiction chinoise. Le
noyau de ces quartiers était les villages environnants,
progressivement assimilés, mais dont on retrouve
clairement la trace dans la trame urbaine (Ged 1997).
Pendant plusieurs décennies après l’implantation des
concessions étrangères, l’espace urbain de Shanghai a
ressemblé à une mosaïque en trois morceaux, qui
s’ignoraient mutuellement. Le rapprochement
inexorable de leurs frontières respectives, lié à
l’urbanisation de leurs territoires, a entraîné une
fusion progressive de cet espace urbain segmenté pour
donner naissance à la ville de Shanghai (Johnson
1995 ; Meyer 1985). Toutefois, pendant près d’un siècle
(1849-1943), les trois principales composantes de la
cité – concession française, concession internationale
et municipalité chinoise – ont été administrées de
manière indépendante, selon des règles différentes (ou
sans règles) et sans le moindre effort sérieux de
coordination. L’espace sous juridiction chinoise s’est
trouvé écartelé entre le pôle d’origine – la ville fortifiée
– et les nouveaux quartiers du nord (Zhabei, Hongkou)
et de l’ouest. Les concessions étrangères sont devenues
le véritable cœur de la ville, tandis que la ville fortifiée
– la muraille est rasée en 1912 – était marginalisée et
ravalée au rang de simple quartier.
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F
IG
. 1. Shanghai : la vieille ville fortifiée et ses
faubourgs vers 1870.
Shanghai a vécu sur ce mode d’administration
tripartite jusqu’à la fin de la guerre sino-japonaise en
août 1945, même si les concessions ont été
formellement rétrocédées au régime chinois de
collaboration en juillet 1943. Les années de guerre
civile qui ont suivi n’ont pas permis à la ville de
prendre un caractère marqué qui se distingue du
passé, bien que des plans ambitieux aient été dressés
par le pouvoir nationaliste victorieux (MacPherson
1995). L’année 1949 marque un second basculement
fondamental, mais à l’exact opposé de ce qui s’était
produit après 1842. Le régime communiste qui
s’installe adopte une politique délibérément
anti-urbaine, les villes étant perçues comme des lieux
de consommation et de dissipation des richesses
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matérielles produites par les masses laborieuses. Les
nouveaux dirigeants reprochent aussi à Shanghai,
outre cette tare fondamentale portée au plus haut
point, son péché originel, sa naissance issue d’une
union honnie avec les puissances impérialistes. La ville
est soumise à un régime drastique de reconversion en
citadelle industrielle révolutionnaire (Howe 1993).
Le régime communiste a repris de son prédécesseur
nationaliste la conception d’une municipalité à deux
niveaux, une zone urbaine restreinte et une large zone
rurale. A la différence de son prédécesseur, toutefois, il
en a fait des zones quasi étanches. La mise en place
d’un système rigoureux de contrôle de la population,
dûment enregistrée comme « urbaine » ou « rurale »,
se traduit par la disparition progressive de toute
mobilité résidentielle entre les deux parties de la ville,
et plus encore entre la ville et les zones rurales
extérieures à la municipalité. Avec la confiscation de la
quasi-totalité du parc immobilier et l’institution de
tickets de rationnement pour tous les biens essentiels,
la population perd toute liberté de mouvement.
L’emploi, le lieu de résidence, le rattachement au « pré
carré » urbain – un statut privilégié – relèvent
désormais du pouvoir politique et de sa bureaucratie.
Les mesures de contrôle des autorités n’empêchent
cependant pas un accroissement régulier de la
population, résultat d’une démographie vigoureuse
jusqu’au milieu des années 1970. Pendant les trente
premières années du régime, la configuration générale
de la ville a peu changé, sinon à ses marges, avec
l’érection en grappe de barres d’immeubles destinées
aux nouveaux prolétaires.
La fin de l’hibernation urbaine s’est amorcée au début
des années 1980 avec l’extension des réformes au
secteur moderne de l’économie et, par suite, aux villes.
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Dénominations et divisions de l’espace
à Shanghai
À Shanghai, le dégel a été particulièrement lent. La
métropole a manqué le premier train de réformes faute
d’une direction ambitieuse et visionnaire, faute aussi
d’une autonomie que lui a longtemps déniée le pouvoir
central (Henriot 1991a). Le véritable réveil s’est
produit après 1990 avec, sur le plan urbain, l’adoption
du vaste projet de développement de Pudong. En
l’absence de moyens de franchissement du fleuve, la
rive orientale du Huangpu était restée à l’état de
jachère urbaine, malgré l’existence d’installations
portuaires et de quelques cités ouvrières (Williams
1995). Dès lors, c’est toute la ville qui a été prise d’une
frénésie de démolition et de construction. Les
habitations anciennes disparaissent par quartiers
entiers. Des milliers de tours et de gratte-ciel
remodèlent non seulement la ligne d’horizon, mais
toute l’organisation de l’espace urbain. Les repères
passés s’effacent et font place à un univers physique et
symbolique inachevé, incertain et fluctuant. La
dernière décennie écoulée a davantage bouleversé la
donne urbaine que les quatre décennies de socialisme
triomphant, voire que les trente glorieuses du premier
décollage urbain (1919-1949)
1
.
Nous examinerons dans cette partie les registres de
termes employés pour désigner les parties
constitutives de la ville, qu’il s’agisse du langage
« informel » ou des dénominations qui ressortissent au
langage officiel de l’administration. Ces deux registres
se croisent sans s’interpénétrer totalement. Pour la
période antérieure à 1949, nous étudierons comment
les différents locuteurs – Chinois et Occidentaux –
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La ville fortifiée
désignaient les espaces où ils vivaient et où les
« autres » vivaient. Force est de constater que, bien
qu’il y eût des recoupements, liés au recours au
langage officiel, les termes utilisés respectivement par
chaque groupe renvoyaient à une conception différente
de la ville, de la même ville.
La ville fortifiée constitue le bloc urbain originel qui a
dominé Shanghai pendant des siècles. La muraille,
érigée au
XIII
e
siècle, n’avait pas seulement une
vocation politique et de défense, elle instituait de fait
l’espace urbain. Dans la Chine impériale, la muraille
symbolise l’élévation d’un centre urbain au rang de
« chef-lieu » d’un comté (
xian
). C’était un privilège
exclusif accordé par le pouvoir central. Les
monographies locales (
difangzhi
) du
XV
e
au
XVIII
e
siècle ne font mention que de
xiancheng
(chef-lieu
fortifié), qui désigne le centre administratif du comté
protégé par sa muraille (
cheng
). Les cartes ne font pas
encore mention de faubourgs. Au
XIX
e
siècle, le
vocabulaire qui désigne cet espace et ses autres parties
constituantes est issu du temps long et reflète la
manière dont les traits physiques majeurs de la ville
ont imprégné le langage. L’élément distinctif par
excellence reste la muraille qui enserre la ville, ou plus
exactement le « compartiment » (
chengxiang
) à
l’intérieur de la muraille. Celle-ci délimite l’intérieur et
le dehors, le « dans la ville » (
chengxiang nei
) et le
« hors la ville » (
chengxiang wai
), la « vraie » ville et
ses faubourgs. Il est difficile de dater l’apparition de
ces quartiers extérieurs car les cartes officielles
omettent délibérément les faubourgs (fig. 2). Aux yeux
des mandarins, la ville, c’est-à-dire le siège du pouvoir
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que sanctionne le privilège de la muraille, n’existe qu’à
l’intérieur de celle-ci. Dans les représentations
cartographiques produites par les élites locales, en
particulier les « gazettes locales », les faubourgs sont
en revanche bien pris en compte (fig. 1), mais leur
datation reste problématique.
Les témoignages sur la vie dans la ville fortifiée
opèrent toujours la distinction entre l’intérieur (
nei
) et
l’extérieur (
wai
) pour désigner un lieu particulier. Les
cartes chinoises produites à la fin du
XIX
e
siècle ont
progressivement fusionné les deux notions pour
désigner la ville dans son ensemble (Shanghai
chengxiang neiwai), à l’exclusion des concessions
étrangères
2
. Le terme est devenu une expression figée
qu’utilisent par exemple les notables locaux qui
mettent sur pied en 1905 la première administration
municipale chinoise. Celle-ci s’appelle Chengxiang
neiwai zong gongchengju (Bureau général de
construction des rues de la cité). Le terme est resté en
usage jusqu’à la destruction de la muraille en 1912.
Ensuite, la distinction entre « dedans » et « dehors »
n’ayant désormais plus lieu d’être, elle a disparu. En
outre, l’emprise croissante des concessions a miné le
statut même de cet espace.
La croissance de la métropole, en particulier celle des
concessions, entraîne une redistribution des rôles et
des appellations. Les termes nouveaux qui
apparaissent pour désigner des espaces spécifiques à
l’intérieur de la ville sont parfois liés à des évolutions
politiques ou institutionnelles. Dans les quartiers nord,
les notables tentent au tournant du siècle de prendre
en main l’administration urbaine que néglige la
bureaucratie impériale et que menacent les
concessions. Au sud de la rivière Suzhou, deux
hameaux, Laozhao (vieille écluse) et Xinzha (nouvelle
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écluse) ont donné naissance à un embryon de quartier
au début du
XIX
e
siècle. Ils ont été incorporés à la
concession internationale en 1899. Pour prévenir une
nouvelle extension, les notables locaux forment en
1900 un organe d’administration des quartiers « au
nord de l’écluse », donnant naissance à une nouvelle
division pérenne de l’espace urbain, « Zhabei ». Au sud
de la ville fortifiée, les faubourgs acquièrent une
identité distincte et sont de plus en plus souvent
appelés « Nanshi » (marché du sud), par opposition à
« Beishi » (marché du nord), qui désigne initialement
les concessions, puis Zhabei (
Shanghai zhinan
1914)
3
.
L’espace intermédiaire — les faubourgs de l’est, le long
de la rivière —, est désigné du nom de « Shiliupu » (les
seize boutiques). Progressivement, pourtant,
l’ensemble urbain méridional tend à se fondre en une
seule entité indistincte qui ne s’oppose plus qu’aux
concessions
4
. Ainsi, au début des années 1920,
« Nanshi » désigne toute la zone située au sud et à l’est
de la concession française, y compris l’ancienne partie
fortifiée
5
. « Shiliupu », bien que resté en usage, n’a
plus désigné qu’une partie de « Nanshi ».
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Fig. 2. Shanghai : la vieille ville fortifiée et ses
principaux édifices vers 1840.
Les différentes parties de l’espace urbain sous
juridiction chinoise étaient toutes désignées par un
toponyme dont la source était le nom du village
principal du lieu, noyau du nouveau quartier. Ainsi
Hongkou, Xujiahui, Xinzha sont autant de hameaux
qui ont été grignotés, puis absorbés. Hongkou, qui est
inclus dans la concession américaine, ou Xujiahui,
base des missionnaires jésuites, sont restés des
quartiers à part entière, alors que Xinzha a perdu toute
existence propre pour se fondre dans la trame urbaine.
On pourrait citer bien d’autres noms de villages encore
présents au milieu du
XIX
e
siècle qui n’ont laissé, au
mieux, qu’un nom repris plus tard par l’administration
municipale chinoise pour désigner un arrondissement
urbain. Au tournant du siècle, la ville sous juridiction
chinoise est constituée de deux entités urbaines
majeures, Nanshi, l’ancienne ville fortifiée et ses
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faubourgs, au sud et Zhabei au nord.
Certaines expressions ont connu des fortunes plus
diverses, sans toutefois réussir à pendre racine. Elles
sont nées spontanément, plutôt qu’à la suite d’une
intervention du pouvoir politique. On peut citer dans
cette catégorie les quatre expressions « Hudong »
(Shanghai-est), « Hubei » (Shanghai-nord), « Huxi »
(Shanghai-ouest) et « Hunan » (Shanghai-sud). Dans
ces termes,
hu
est un mot ancien qui désigne à l’origine
une sorte de piège à poissons et qui désigne le lieu où
s’est érigé Shanghai
6
. Seules les trois dernières
expressions ont reçu une onction officielle, mais à des
époques différentes : « Hunan » en 1927-1937, pour
désigner le grand arrondissement urbain du sud, et
« Huxi » en 1937-1945
7
. « Hubei », qui désignait à
l’origine les concessions, puis les quartiers au nord des
concessions, réapparaît brièvement pendant la guerre
pour désigner l’un des arrondissements du nord de la
ville. « Hudong » évoquait les quartiers nord-est de la
concession internationale. De fait, ces termes
désignaient des espaces trop vagues pour faire
vraiment sens, d’où leur caractère changeant et
éphémère.
La manière dont les Occidentaux désignent la ville
chinoise ne recèle pas la même variété de termes. Au
milieu du
XIX
e
siècle, lorsqu’ils s’établissent au nord de
la ville fortifiée, le terme le plus usuel est celui de
walled city
, dont le sens est tout à fait neutre. C’est
celui qui est utilisé sur la plupart des cartes de
l’époque. Un second terme est employé
concurremment, celui de
native city
, qui renvoie cette
fois à un distinguo plus net entre « nous » et « eux »,
entre Occidentaux et indigènes. L’expression est en
partie paradoxale car la population des concessions
était constituée à près de cent pour cent par des
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Les concessions étrangères
Chinois. Toutefois, dans l’imaginaire colonial, les uns
bénéficiaient des bienfaits d’une administration
moderne, tandis que les autres vivaient dans un espace
pour lequel le terme d’« indigène » se suffisait à
lui-même. Sur nombre de cartes produites par les
Occidentaux, la ville chinoise, avec ou sans ses
fortifications, n’est tout simplement pas représentée.
Un trait circulaire définit un espace blanc dénommé
native city
ou « ville chinoise » (fig. 3). Il va de soi que,
comme pour les Chinois, l’expression
walled city
a
perdu sa raison d’être après l’arasement de la muraille.
Les cartes, en revanche, continuent de représenter
Shanghai comme si les concessions en étaient la seule
partie pertinente.
On retrouve la même dichotomie dans les manières
dont les Occidentaux et les Chinois désignaient les
concessions étrangères, un terme lui-même connoté et
biaisé comme on le verra plus loin. Au début, le terme
conventionnel
zujie
(concession) n’est pas utilisé. Les
Chinois lui préfèrent l’expression
yichang
(espace des
barbares), tant dans la langue courante que dans les
documents officiels. Bien que le terme n’ait pas une
connotation méprisante dans la langue chinoise, les
Occidentaux se sont émus de ce qualificatif et ont
demandé son abandon. Après 1858, les documents
officiels n’en font plus mention, mais elle subsiste
encore longtemps dans le langage, avant d’être
supplantée par
yangchang
(espace des Occidentaux)
8
.
Ce dernier terme a été décliné avec divers qualificatifs,
en particulier
shili yangchang
(espace des étrangers de
dix li)
9
qui est resté, jusqu’à aujourd’hui, une référence
obligée à Shanghai pour désigner les concessions
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étrangères du passé. Un autre terme,
yangjingbang
, a
aussi servi à désigner l’espace occupé par les
étrangers : c’était le nom du canal qui séparait les deux
concessions. Dans la seconde moitié du
XIX
e
siècle,
jusqu’au comblement du canal en 1916,
« Yangjingbang » constitue une métaphore courante
dans la presse et les livres pour nommer les
concessions étrangères (Wang 1870). Il convient
d’ajouter « Beishi » (marché du nord), évoqué plus
haut, ou « Beili » (espace du nord) et « Hubei »
(Shanghai-nord), termes éphémères qui disparaissent
pour ressurgir au
XX
e
siècle, désignant alors les
quartiers situés au nord… des concessions (Zheng
1999 : 78-80).
Le terme officiel,
zujie
, s’est toutefois imposé dans la
langue commune. Il faut relever d’emblée qu’il
véhicule un sens très différent de celui qu’ont adopté
les Occidentaux.
Zujie
signifie littéralement « territoire
cédé en location ». Il n’implique aucune cession de
territoire. Les résidents occidentaux étaient des
occupants
pro tempore
, même si les termes des traités
ne fixaient pas de limite au bail. Le terme
zujie
a
naturellement été décliné, selon l’époque, en fonction
du nom de l’occupant principal (Yingzujie ou Yingjie
pour Concession anglaise, Meizujie ou Meijie pour
Concession américaine, Fazujie ou Fajie pour
Concession française), avant de se fixer définitivement
vers 1899 sur la simple dicho tomie entre « Fazujie »
(Concession française) et « Gonggong zujie »
(Concession internationale)
10
. Le terme de concession
anglaise est toutefois resté en usage au début du
XX
e
siècle, de même que « Hongkou » (« Hongkew » en
anglais) pour désigner la concession américaine.
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F
IG
. 3. Plan de la Concession française de Changhai
[Shanghai] (1934).
Chez les Occidentaux, les termes employés expriment à
l’inverse leur volonté d’inscrire fermement leur
présence sur le sol chinois. Les Anglo-Saxons
emploient le mot
settlement
, tandis que les Français,
plus péremp-toires encore, parlent de
concession.
Or il
ne s’agit ni de l’un, ni de l’autre.
Settlement
renvoie
très clairement à une « installation humaine » – pour
prendre un terme du registre actuel – mais de type
colonial. Le
settlement
était le préalable à la
colonisation d’un territoire « libre de population ». La
concession
traduit de manière plus nette l’acquisition
de territoire « concédé » à l’occupant. Or les termes
formels inscrits dans les traités, «
leased territory
» ou
«
territoire à bail
», certes un peu lourds, sont relégués
dans le registre diplomatique et juridique. Au cours de
la phase initiale d’installation des concessions
étrangères, le domaine français s’est acquis une
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réputation sulfureuse en raison d’une concentration
d’établissements comme les maisons de jeux, les
fumeries d’opium et les maisons de tolérance. La
municipalité en a tiré une bonne part de ses revenus
pendant quelques années (Henriot 1997 : 311-313).
Cette notoriété peu glorieuse lui a valu le sobriquet de
« Frenchtown » dans la presse de langue anglaise et
même dans la correspondance diplomatique
britannique. Le terme désignait indéniablement un
espace mal policé. Il a rapidement disparu de la langue
écrite avec la réorganisation de la concession française
sur des bases moins contestables. Un dernier espace
s’est introduit dans la langue, tant en chinois qu’en
anglais ou en français, pour désigner les extensions
de
facto
des concessions au-delà de leurs limites
formelles, à l’ouest et au nord de la ville, dans les
années 1920. Toutefois, les
routes extérieures
ou
extra
-s
ettlement roads
(traduit littéralement
yuejie
zhulu quyu
en chinois) ne désignaient en fait que
l’extension occidentale, zone résidentielle par
excellence des riches marchands occidentaux.
L’extension nord, habitée par la communauté
japonaise, n’était pas incluse dans cet espace mental,
sauf pour les Chinois pour qui il y avait bien un double
empiètement sur leur territoire.
Les grands repères spatiaux qui viennent d’être
énoncés sont ceux qui structuraient la perception de
l’espace urbain à Shanghai, avec des registres parfois
communs, parce que issus d’un vocabulaire technique
ou politique, mais parfois aussi très divergents. Sur le
sens même des mots, la divergence de sens est tout
aussi remarquable. Le fait le plus notable est
cependant cette forme d’exclusion mutuelle qu’on
trouve de manière caricaturale dans l’expression
cartographique, mais aussi dans le binôme « indigènes
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Le nouveau Shanghai
/ Occidentaux » pour les étrangers ou «
hua
(chinois) /
yang
(étranger) » pour les Chinois. Bien que la
population chinoise fût dominante dans tous les
quartiers de la ville, ses habitants en avaient une carte
mentale articulée autour de l’opposition « entre nous /
entre eux ». Enfin, comme nous le verrons plus loin, on
note aussi une différence fondamentale entre
Occidentaux et Chinois dans la manière de se repérer
dans l’espace. Pour les premiers, les rues, avec leurs
noms propres et leurs numéros, constituent le point
d’ancrage essentiel. Pour les seconds, les édifices
publics, les parcs, et toutes sortes d’éléments distinctifs
– cela peut être un grand magasin – fournissent les
marqueurs qui guident les pas des citadins. Mais, pour
trouver un médecin en urgence ou une maison close,
mieux valait bien connaître sa géographie locale !
La richesse de vocabulaire qui caractérisait le Shanghai
prérévolutionnaire a fait place à un registre plus banal
et largement standardisé. De nombreux référents
spatiaux ont disparu, soit qu’ils aient été détruits
(temples, guildes), reconvertis (champ de courses,
temples) ou rebaptisés pour être plus conformes à
l’ordre nouveau. De fait, les divisions administratives
se sont progressivement imposées aux esprits et à la
langue. Les termes nouveaux qui sont apparus pour
désigner des espaces spécifiques à l’intérieur de la ville
sont liés le plus souvent à des évolutions politiques ou
institutionnelles. Ainsi l’ancienne ville fortifiée,
devenue « marché du Sud » (Nanshi) a perdu son aura
commerciale pour être rangée au registre de « vieille
ville » (
jiuchengqu
ou
laochengqu
), comme on dirait le
« Vieux Lyon », mais sans la connotation sympathique
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que véhicule l’expression en français (Huang 1995 ;
Jiang 1995 ; Chen 1995). La « vieille ville » évoque la
congestion des voies, un habitat insalubre, la
surpopulation. Elle est opposée à l’image des
xincun
(nouveaux villages), qui sont construits à partir des
années 1950 pour éliminer les taudis et les bidonvilles
ou pour absorber la croissance démographique
(
Shanghai shi penghuqu…
1965). Plus récemment, la
propagande officielle a promu haut et fort les
huayuan
jumin xiaoqu
(quartiers-jardins de résidents), symbole
de la nouvelle réno-vation urbaine, mais le terme n’a
pas fait florès dans le langage commun.
Après 1949, une expression est apparue spontanément
au sein de la population, reprise ensuite dans les écrits
universitaires, pour différencier deux grands espaces.
Cette expression oppose le « coin d’en haut » (
shang-
zhijiao
) au « coin d’en bas » (
xiazhijiao
), le nord-est et
le sud-ouest de la ville, sa zone industrielle et sa zone
résidentielle. Les deux coins ne sont pas égaux : au
premier les pollutions sonores et chimiques dans un
quartier densément peuplé, hérissé de barres
d’immeubles, sans espaces verts ; au second une
tranquillité relative, un habitat individuel (même s’il
est surpeuplé) et les espaces verts, les bonnes écoles et
les meilleurs hôpitaux. Le « coin d’en haut »
correspond au grand quartier industriel historique de
Shanghai, tandis que le « coin d’en bas » n’est autre
que l’ancienne concession française, dont l’héritage et
les avantages ont été en partie préservés au profit de la
nomenklatura
locale. Une autre dichotomie, opposant
cette fois les quartiers situés de part et d’autre du
fleuve Huangpu, a vu le jour avec le lancement du plan
d’aménagement de la nouvelle zone de Pudong
(Pudong xinqu) en 1990. Une nouvelle opposition, née
du génie de la bureaucratie, se situe désormais entre
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« Puxi » (À l’ouest du fleuve), qui désigne tout
l’ensemble urbain d’origine, et « Pudong » (À l’est du
fleuve), le nouveau Manhattan local en devenir Le
premier terme de ce nouveau binôme n’a pas pris dans
la langue vernaculaire, ni même dans la presse, et reste
l’apanage des documents officiels et d’articles
scientifiques. Sa faiblesse principale réside dans le fait
qu’il évoque un espace flou et indifférencié
arbitrairement opposé à une zone qui n’évoquait pas, il
y a peu encore, un espace urbanisé. Le second,
« Pudong », était au contraire une notion bien ancrée
11
– l’au-delà agricole du fleuve, la réserve verte de la ville
(fruits et légumes) – même si elle fut affublée du titre
de « nouvelle zone » (il serait plus correct de dire
« nouvel arrondissement » au regard de la hiérarchie
administrative chinoise, mais sa taille démesurée –
500 km
2
– appelle plus volontiers le terme de zone).
On a essayé ici de brosser un rapide état des lieux des
termes employés pour nommer les principaux espaces
qui structurent la ville et qui reflètent leur perception
par ses habitants. En un siècle et demi, l’éventail des
mots s’est élargi et diversifié, avant de s’étioler avec
l’endormissement de la ville après 1949. Les termes les
plus connotés, souvent en lien avec un caractère
physique (canaux, muraille) ou symbolique (lieux de
perdition), ont disparu avec ce qui leur avait donné
une raison d’être. De plus en plus, le vocabulaire
officiel s’est imposé à la langue de tous les jours, même
si toutes les greffes n’ont pas pris. Jusqu’en 1949, la
perception de l’espace urbain par la population
chinoise est resté profondément ancrée dans un
système de marqueurs physiques que le pouvoir
révolutionnaire a ensuite presque systématiquement
détruits. Seuls les parcs ont survécu à l’acharnement
iconoclaste qui a effacé temples, lieux de culte, guildes,
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Divisions administratives et
perceptions de l’espace
Territoire municipal et administration urbaine
maisons de thé, et autres lieux de la sociabilité
chinoise.
La Chine n’a pas de tradition historique
d’administration municipale, bien qu’elle ait été sans
conteste la première société urbanisée, et à un haut
degré, de la planète. Sous l’empire, le territoire était
découpé en
sheng
,
fu
,
dao
et
xian
, termes
traditionnellement rendus en français par
« provinces », « préfectures », « circuits » et
« comtés »
12
. Chacune de ces entités territoriales avait
à sa tête un représentant de l’Etat chargé d’administrer
la population, d’assurer la sécurité, de collecter l’impôt
et de dispenser la justice. Cette forme d’organisation
de l’espace ne faisait pas de distinctions entre villes et
campagnes. Il n’y avait pas de « municipalités » en tant
qu’entités administratives. Au contraire, le territoire
d’une même cité était bien souvent partagé entre deux
comtés. Ainsi le territoire de Shanghai avant la
révolution de 1911 était partagé entre le comté de
Shanghai et celui de Baoshan. La ville de Canton
relevait des comtés de Panyu et de Nanhai. Il n’y avait
aucune forme d’autorité municipale. À la fin du
XIX
e
siècle, un changement s’amorce avec le rôle croissant
de l’intendant de circuit (
daotai
) qui fait office,
notamment aux yeux des résidents étrangers, de
« maire ». D’autre part, cette période voit aussi
émerger des instances spontanées
d’autogouvernement à l’initiative des élites lettrées et
marchandes locales (Elvin 1969 et 1974). Néanmoins,
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avant le
XX
e
siècle, on ne peut pas parler
d’administration municipale en Chine.
Sous l’empire, il n’y avait pas de division
administrative formelle de la ville, hormis la
distinction, évoquée plus haut, entre territoire sous
juridiction chinoise et concessions. Au
XIX
e
siècle, il ne
semble pas davantage y avoir eu d’« arrondissements »
ou autres divisions spatiales. Toutefois, comme il
fallait bien lever l’impôt et enregistrer la population,
des cartes ont été dressées qui montrent une division
de l’espace en seize
pu
(boutique), dont quatorze à
l’intérieur de la muraille et deux à l’extérieur
13
. Il s’agit
d’une dénomination qui recouvre en fait le système
traditionnel du
baojia
dans les campagnes, qui avait
pour seul objet d’enregistrer et de compter les
habitants dans un territoire donné. Il existait aussi à
cette époque des notables locaux, appelés
dibao
(garants des terres), qui faisaient fonction de
« notaires » dans une zone délimitée. Les transactions
foncières étaient enregistrées auprès des ces
représentants informels de l’administration impériale,
choisis sur la base de leur notoriété comme relais entre
l’État et la population. Au sein de la seule cité murée de
Shanghai, il y avait plusieurs
dibao
, qui connaissaient
parfaitement leur portion de territoire dont la surface
était nécessairement limitée. Bien que ces personnages
eussent reçu l’onction des autorités, qui en
surveillaient l’activité, la zone qui se trouvait sous leur
juridiction informelle n’avait pas valeur de division
administrative. Ils ne détenaient eux-mêmes aucun
pouvoir officiel au-delà de la validation des titres de
propriété foncière. Les divisions – en
pu
ou
dibao
–
n’avaient donc pas de fonction d’administration
urbaine et ne constituaient pas une organisation
formelle de l’espace
14
.
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Il faut attendre le début du
XX
e
siècle pour
qu’apparaissent des formes officielles de division
administrative de la ville. Ces instances nouvelles, qui
découpent et définissent l’espace urbain, vont
engendrer aussi une recomposition du vocabulaire. Les
premières sont associées à l’installation d’instances
municipales plus ou moins formalisées dans les
concessions étrangères. À Shanghai, les concessions
internationale et française ont connu des extensions
successives en quatre ou cinq vagues entre 1849 et
1914. Pour administrer les questions d’ordre public,
d’hygiène et de construction, les autorités des
concessions ont divisé leur territoire en
districts
(concession internationale) ou
secteurs
(concession
française) qui portaient des noms indiquant soit leur
localisation dans l’espace (« Central », « Eastern »,
« Northern », « Western »), soit le nom des
commissariats de police qui leur étaient attachés
(concession française). En chinois, ces divisions étaient
rendues par un même caractère,
qu
, qui désigne une
« zone » délimitée, mais de taille indéterminée. Ces
« zones » constituent sans doute la première référence
explicite à une division administrative du territoire
urbain en Chine.
L’instauration d’un tel système est plus tardive dans le
reste de la ville. Après la formation du gouvernement
nationaliste en 1927, Nankin (la capitale) et Shanghai
ont été désignées « municipalités spéciales » (
tebieshi
)
(Henriot 1991
b
). Il n’y avait alors pas d’autres
municipalités. Un texte réglementait l’organisation
administrative et spatiale de ces deux cités
15
. Toutefois,
bien qu’il fût fait mention dans le chapitre II de ces
règlements du « territoire municipal » (
shi quyu
), il ne
s’agissait que de la délimitation de ses frontières
extérieures. Le règlement ne faisait pas mention de
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délimitation d’entités au sein de la ville. Trois ans plus
tard, le gouvernement national a promulgué deux
nouveaux textes : la Loi d’organisation des
municipalités spéciales (
tebie shi zuzhifa
) et la Loi
d’organisation municipale (
shi zuzhifa
)
16
. Du fait de
leur portée générale, aucune de ces deux lois ne
définissait de limites territoriales générales, mais elles
ne prévoyaient pas davantage de modalités de partage
des villes en arrondissements ou autres subdivisions
de l’espace.
Finalement, en 1932, le gouvernement central a repris
ces deux textes pour les fusionner en une Loi
d’organisation des municipalités (
shi zuzhifa
)
(
Zhonghua minguo…
1937 : 270-276). Ce nouveau
texte, au contraire des précédents, exposait de manière
très détaillée les modalités de division de l’espace
municipal et les organismes qui leur étaient attachés.
Ainsi une ville devait être divisée en
qu
(arrondissement), qui étaient eux-mêmes subdivisés
en
fang
(« quartier »). Ces derniers étaient à leur tour
partagés en
yu
(« section ») et en
ling
(îlot). Les
qu
et
les
fang
étaient dotés d’organismes administratifs
(
qugongsuo
et
fanggongsuo
) et d’organes
représentatifs en principe élus (assemblée
d’arrondissement et assemblée de quartier). Le terme
employé pour désigner les arrondissements
qu
’était le
même que celui utilisé dans les concessions étrangères
de Shanghai et dans les villes chinoises à l’heure
actuelle. Les
fang
devaient représenter un dixième
d’arrondissement.
En réalité, ce système n’était pas qu’une simple
division administrative de l’espace, il était aussi conçu
comme un système de contrôle et d’enregistrement de
la population (Henriot 1991
b
: chap. II). La
réglementation municipale du régime nationaliste
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intégrait la division du territoire urbain au système de
gestion de la sécurité publique. Les
ling
et les
yu
ne
constituaient pas tant des unités territoriales que des
groupements de population. Selon la loi, un
ling
comportait cinq foyers, soit vingt à trente personnes,
avec un chef de
ling.
Un
yu
comptait cinq
ling
, soit
cent à cent cinquante personnes, avec un chef de
yu.
Un
fang
comportait vingt
yu
, soit deux mille à trois
mille personnes. En réalité, ce système idéal n’a jamais
été mis en œuvre. Le gouvernement municipal de
l’époque rien avait pas les moyens sur le plan politique
et organisa-tionnel. En outre, il apparaît clairement
que ces « quartiers » n’étaient pas des entités
naturelles, mais bien des constructions administratives
sans fondement social. Le seul élément tangible que
l’on puisse retirer de cette analyse est le souci
récurrent des autorités chinoises d’instaurer dans les
villes des systèmes d’encadrement de la population
17
.
À défaut d’organiser le territoire municipal selon les
canons de la loi, le gouvernement municipal chinois de
Shanghai a découpé son espace en sept
arrondissements urbains (
qu
) et en dix comtés ruraux
(
xian
). Les arrondissements de Zhabei (Zhabei qu) et
Nanshi (Hunan qu) formaient les deux hémisphères de
cet espace urbain auquel on a adjoint les marges
urbaines qui grignotaient encore à peine les cinq
autres arrondissements classés en zone urbaine
(Pusong, Yangjing, Yinxiang, Fahua, Caojing).
Shanghai offre le premier exemple, en Chine, de
formation d’une municipalité (
shi
) dotée d’un cœur
urbain (la « vraie » ville) et d’une large périphérie
rurale, néanmoins administrée comme une partie
intégrante de la ville. La distinction
arrondissement/comté (
qu/ xian
) soulignait une
différence de statut du point de vue administratif, mais
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ne posait aucun obstacle à la mobilité de la population.
Chaque arrondissement avait un nom propre fondé sur
un toponyme (Zhabei, Nanshi et le principal village
dans chaque comté). En 1929, toutefois, la
municipalité met en œuvre un ambitieux plan
d’urbanisation avec la création
ex nihilo
d’un nouveau
« centre civique » (
shi zhongxin
: un terme
habituellement tendu pat « centre-ville » en chinois
contemporain) à la périphérie nord-est de la ville. Ce
shi zhongxin
est élevé au rang d’arrondissement sous
ce même nom (
ibid.
: ch. VII).
Cette structure a prévalu jusqu’en 1949 sans
modification majeure, sinon dans la taille des
arrondissements, redécoupés à chaque changement de
régime, et leur dénomination, cependant toujours
appuyée sur un toponyme
18
. Pendant l’occupation
japonaise (1937-1945), les puissances occidentales ont
dû rétrocéder leurs concessions aux autorités chinoises
de collaboration. Celles-ci, soucieuses d’effacer de la
langue toute référence à ce passé, rebaptisèrent la
concession internationale « arrondissement n° 1 »
(
diyiqu
) et la concession française « arrondissement
n° 8 » (
dibaqu
). L’expression avait été créée par la
municipalité précédente, mais n’avait jamais été
utilisée que dans ses documents internes. La ville
compte alors six autres arrondissements désignés par
des numéros ou de grand repères géographiques :
Centre (shi zhongxin), Nord (Hubei), Ouest (Huxi),
Pudong nord (Pudong bei), Pudong sud (Pudong nan)
et Nanshi.
Avant la République, l’administration impériale avait
instauré le système dit du
baojia
, qui était une forme
d’organisation de la population à des fins de contrôle
social. Néanmoins, son application était très inégale
même dans les campagnes et, dans les villes du sud du
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pays, notamment Shanghai, il ne semble pas qu’il ait
été sérieusement mis en œuvre
19
. Les études récentes
d’histoire urbaine n’en font pas mention. Ce système
n’a toutefois pas été oublié par les régimes
contemporains. Pendant l’occupation japonaise, les
autorités de collaboration ont, sous l’injonction de
l’armée japonaise, instauré ce système dans les villes
qu’elles contrôlaient. Il reprenait dans les grandes
lignes la trame des dispositions de la loi de 1932. Seuls
les noms ont changé (
jia
,
bao
,
lianbao
). À Shanghai,
l’ensemble du territoire municipal, concessions
étrangères comprises, a été soumis à ce régime destiné
à prévenir tout acte de résistance à l’occupant. Des
entités territoriales et humaines nouvelles ont ainsi été
créées à partir de blocs d’habitations (un îlot au centre
de quatre rues principales). Le système a été maintenu,
sans grande efficacité, par l’administration nationaliste
après 1945. Celle-ci a par ailleurs procédé à un
nouveau découpage des arrondissements qui rayait
définitivement de la carte les anciennes concessions.
Ces espaces « fonctionnels » n’ont jamais pris dans le
langage usuel de la population qui, hormis ses
référents spatiaux traditionnels, se définissait par
rapport aux arrondissements officiels.
De l’exposé qui précède, il apparaît que dans la
tradition administrative chinoise un même mot a été le
plus souvent employé pour désigner un espace
délimité au sein de la ville :
qu
(« zone »). Dans toutes
les grandes villes, ce terme désigne ce que nous
appelons en général « arrondissement » en France. Les
entités situées au niveau inférieur n’ont en général pas
eu de reconnaissance officielle. On a vu plus haut qu’il
s’agissait plutôt de petites communautés humaines
constituées artificiellement, par une opération
comptable, à des fins de contrôle social. Ces systèmes
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n’ont jamais vraiment bien fonctionné, hormis durant
la période 1942-1945. Après 1949, le terme
qu
a été
repris avec le même sens d’arrondissement, mais il a
connu une large extension de son champ d’utilisation.
Dans les années 1980, avec l’accélération de la
croissance urbaine, le retour à la planification urbaine
et l’augmentation des problèmes sociaux de tous
ordres, des formes variées de « zone » sont apparues
20
.
Elles relèvent toutes du registre de la langue
administrative et ne sont pas utilisées, sauf s’il s’agit
d’une zone bien identifiée (zone de développement
scientifique et technique, équivalent approximatif de
nos zones industrielles).
L’organisation administrative de l’espace urbain dans
les villes chinoises depuis 1949 n’a pas connu de
grands changements. Les grandes villes comportent
des arrondissements urbains (
shiqu
) et des
arrondissements ruraux (
xianqu
) : on retrouve le
même terme
qu
, auquel est accolé tantôt « ville » (
shi
),
tantôt « comté » (
xian
), la division territoriale de base
en Chine, en dehors des villes, pratiquement depuis les
origines. Les grandes municipalités sont donc restées
divisées en arrondissements (
qu
) dont le nombre, au
sein d’une même ville, a pu varier dans le temps. Pékin
comptait vingt arrondissements dans les années 1950
contre dix à l’heure actuelle (et huit arrondissements
ruraux). Au début, les noms propres ont été abolis et
remplacés par des numéros, comme dans les villes
françaises. Très vite, toutefois, chaque arrondissement
a retrouvé un nom propre (
Beijing shiyong…
1992 :
8-9). À Shanghai, les arrondissements ont été
fusionnés après 1954. La ville n’en compte plus que
vingt-deux contre trente en 1949, avec toujours la
distinction entre arrondissements ruraux (
jiaoqu
) et
arrondissement urbains (
shiqu
)
21
. Ce dernier terme
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désigne aussi la zone urbaine dans son ensemble. Les
changements principaux opérés par le pouvoir ont
consisté en reclassements successifs de rural en urbain
et inversement. La tendance générale a cependant été
l’inclusion de patries croissantes de l’espace rural dans
le territoire « urbain », même si les zones concernées
n’avaient aucun caractère urbain (le dernier exemple
en date est la « nouvelle zone de Pudong »,
massivement rurale).
Au niveau inférieur, chaque arrondissement est divisé
en
jiedao
, terme qui signifie « voirie, rue » dans la
langue commune. Depuis 1949, il désigne un espace
défini par ses rues, d’où le choix du terme de « circuit
de rues » pour le rendre en français
22
. Selon la taille
des villes, la taille des
qu
varie, tandis que celle des
jiedao
varie non seulement en fonction de ce même
critère, mais aussi au sein d’un même
qu
. Il semble que
plus la densité de population est élevée, plus la surface
du circuit est petite. En général, il y a cinq à six
jiedao
par
qu
. Les
qu
comme les
jiedao
sont dotés d’organes
administratifs, gouvernement d’arrondissement
(
quzhengfu
) et bureau de circuit (
jiedao banshichu
)
.
Pour l’administration municipale, le partage
administratif du territoite se limite à ces deux niveaux.
En dessous de ceux-ci, il existe une dernière
subdivision qui, dans les villes du nord, s’appelle
pian
(lot). Un lot est un territoire avec des limites définies,
correspondant à une unité du cadastre, mais il n’est
pas doté d’organe administratif. Dans les documents
officiels (manuels, guides, annuaires statistiques,
encyclopédies urbaines, etc.), le « lot » n’est presque
jamais mentionné
23
.
Cela étant, la Chine a une particularité : en dehors des
services admnistratifs, le pouvoir est représenté par
des organes à caractère politique. Au niveau de
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L’espace dans la vox populi
l’arrondissement comme à celui du circuit de rues
correspond un comité du parti qui double l’appareil
municipal. Au-dessous du niveau des circuits, les
résidents sont regroupés en
jumin weiyuanhui
(comité
de résidents) qui correspondent à une unité territoriale
bien définie. Cet espace n’est pas une instance
administrative, mais son rôle est considérable, aussi
bien pour les questions de gestion des services de
proximité que pour encadrer – surveiller – la
population (Guo 1992). Ce sont des entités de taille
relativement homogène en termes de population, mais
très variables en termes de surface
24
.
Quelle que soit la culture – chinoise ou occidentale –,
les habitants d’une ville ne s’inscrivent pas dans un
espace vide. Une ville représente pour tout individu un
vaste domaine d’opération. L’identité d’un individu est
liée à son lieu de résidence (famille, voisins, services de
proximité, etc.), mais au sein de la ville, il est amené à
fréquenter d’autres espaces (emploi, achats, loisirs,
etc.). Il se peut qu’il se rende aussi dans certains
magasins, restaurants, installations sportives, lieux de
loisirs, maisons de thé, cinémas, temples, etc., qui lui
sont particulièrement familiers. De tous les lieux, celui
qui lui est sans doute le plus familier est son
« quartier ». La question qui se pose est donc double :
quels référents spatiaux les Chinois utilisaient-ils à
Shanghai ? Quelle conception ou appréhension
concrète du « quartier » possédaient-ils ? Comment le
langage a-t-il exprimé ces notions au cours du temps ?
Du point de vue officiel, la notion de « quartier »
n’existe pas en Chine, à la différence des villes
françaises où le terme de quartier fait partie intégrante
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du lexique officiel des municipalités. Selon l’époque, la
ville se divise en arrondissements (
qu
), en circuits
(
jiedao
), etc., mais la notion générique de quartier
n’apparaît pas. Du point de vue de l’analyse
sociologique, le contenu social concret respectif des
arrondissements ou d’autres entités est difficile à
mesurer. Les divisions administratives ou politiques ne
nous disent pas grand-chose sur la perception concrète
de l’espace et de l’environnement urbains par les
habitants eux-mêmes. La principale difficulté d’une
telle recherche réside dans le manque de matériaux
historiques. La voix du peuple laisse souvent peu de
traces dans les archives. Nous avons approché
l’identité territoriale des habitants au sein de la ville à
travers la presse, les guides, des textes littéraires ou
encore les mémoires de résidents célèbres. Ces sources
se recoupent incontestablement sur la manière
d’exprimer les « repères » et le « quartier ».
Au
XIX
e
siècle, à l’intérieur même de la ville fortifiée, il
ne semble pas que les habitants distinguaient des
entités particulières ou quartiers. Les références à un
espace donné étaient exprimées par la mention d’une
construction, le plus souvent un bâtiment, mais aussi
un pont ou une porte. On a indiqué plus haut que les
lieux du pouvoir étaient concentrés à l’intérieur de la
muraille, de même que les principaux temples et
nombre de guildes professionnelles. Ces constructions
étaient autant de repères qui désignaient en général un
espace plus large que la construction elle-même. Ainsi
« Chenghuangmiao » désigne tout autant le temple du
dieu protecteur de la ville, que le parc formé par ses
jardins, ou tout le quartier alentour. On pourrait aussi
citer « Jiumudi » ou « Kongzimiao » (temple de
Confucius). En l’absence de marquage des rues et des
canaux, les ponts constituent aussi un élément
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essentiel du repérage spatial. Enfin, les portes qui
permettent le franchissement de la muraille aux quatre
points cardinaux sont aussi utilisées comme un
référent spatial essentiel car elles valent pour
l’intérieur et l’extérieur de la muraille
25
. Au début du
XX
e
siècle, avec le comblement croissant des canaux,
les ponts ont perdu toute signification. Les portes, en
revanche, bien qu’elles aient disparu, ont continué de
servir de référent spatial jusqu’en 1949.
Cette logique s’est appliquée à tout l’espace urbain à
mesure qu’il s’est développé. Sous la République, il se
décline toujours en entités topony-miques qui ont
d’ailleurs perduré bien après l’établissement de
municipalités modernes et n’ont véritablement disparu
qu’après 1949. La ville chinoise a donc des
« quartiers » que la
vox populi
définit et désigne à
partir d’un « haut lieu » qui en constitue le centre. La
notion neutre ou commune de « quartier » n’existe
pas ; il n’existe que des « lieux ». L’objet de référence
peut être extrêmement varié dans sa nature et son
étendue : hôpital (
renji yiyuan
), imprimerie (
mohai
shuguan
), parc, temple (
jing’ansi
), champ de courses
(
paomachang
), centre d’amusement (
da shijie
), quais
(
nan matou
,
caojiadu
), etc. Ces référents spatiaux ne
sont pas constants dans le temps. Ils peuvent
disparaître, à la suite d’une restructuration urbaine,
avec l’entité qui lui a donné naissance ou au contraire
lui survivre bien après sa disparition (par exemple les
« portes » de la muraille disparue, divers ponts comme
Baxianqiao, Nichengqiao, Xieqiao, Tilanqiao).
Il y a un renouvellement régulier des divisions de
l’espace dans la carte mentale qui guide les habitants
de Shanghai. Certains termes se sont enracinés. Le
plus célèbre est « Waitan » ou « Bund » pour les
étrangers. Ces termes, encore en usage aujourd’hui,
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42
désignent la longue promenade, autrefois dotée d’un
parc, le long du fleuve Huangpu. Jusqu’en 1949,
Jing’ansi (temple de Jing’an), Beizhan (gare du Nord),
Baxianqiao (pont des Huit Immortels), Laoximen
(vieille porte de l’Ouest), Xujiahui, Shiliupu sont
autant d’espaces clairement définis, quoique sans
existence formelle et, pour certains (Baxianqiao,
Laoximen), sans la moindre trace d’existence physique.
Le processus est partout le même : la formation d’un
espace construit autour d’un lieu, parfois en relation
avec l’émergence d’un marché (
shi
), à mesure que la
nappe urbaine s’étend vers l’extérieur ou qu’une
excroissance surgit spontanément et se fond ensuite
dans le tissu urbain. Xujiahui était un village éloigné
des marges urbaines lorsque les jésuites s’y installent
en 1851 et contribuent à un développement urbain
local. Le village est devenu ensuite un quartier de
Shanghai
26
.
À l’époque contemporaine, dans la presse ordinaire
comme dans les revues académiques, on ne trouve
guère de trace de la langue populaire, ni même souvent
de reflet de la vie ordinaire des citoyens. De ce fait, il
n’est pas très facile de rencontrer les termes employés
par les citadins eux-mêmes, sinon par une enquête
orale directe qui était hors de notre portée. Sur la base
d’une approche limitée aux sources écrites, il semble
que trois termes soient principalement utilisés pour
définir l’espace dans lequel les individus s’inscrivent :
arrondissement (
qu
), rue (
lu
) et ruelle (
lilong
). Selon la
personne à laquelle on s’adresse et son degré, supposé
ou réel, de familiarité avec la ville concernée, on aura
recours à l’un ou l’autre terme.
L’arrondissement est toutefois une unité plutôt vaste
avec laquelle un résident ne peut guère s’identifier
pleinement. Son univers de référence se situe à un
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niveau plus réduit. Dans le cas de la Chine, le
« circuit » pourrait apparaître sans doute comme un
espace de référence, un « quartier ». En réalité, la
population ne considère pas le « circuit » comme un
« quartier ». Le
jiedao
a des fonctions administratives
(enregistrement de la population, formalités
administratives diverses, contrôle de la natalité, etc.).
Il a aussi une dimension économique puisqu’il existe
des entreprises de circuit (
jiedao qiye
). Certains
auteurs soulignent l’importance de cette dimension
économique, notamment les multiples stands de
proximité qui servent la population résidente (Li
1994). De fait, un
jiedao
n’est pas très grand : à Pékin,
il compte en moyenne six mille résidents (
Beijing
shiyong…
1992 : 15-18), à Shanghai, il en compte dix
fois plus. On concédera que, à ce niveau élevé, on ne
peut guère parler de « quartier », même s’il s’agit
d’entités de petite taille (2,1 km
2
en moyenne). Les
citadins ont aussi parfois recours au terme de
pian
(lot), qui correspond à un espace nettement plus réduit
que le circuit. Son utilisation dans le langage courant
est avérée dans le nord de la Chine seulement. Il n’est
jamais utilisé de façon générique, mais en association
avec un toponyme : « J’habite le lot Untel ». Un
« quartier » a toujours un nom propre, un
« identifiant » qui souligne le lien d’appartenance de la
population à une zone donnée.
Si l’on se penche maintenant sur un échelon plus petit
encore, on trouve un espace qui représente à notre
sens le véritable point focal de l’identité urbaine. Pékin
est célèbre pour ses
hutong
, Shanghai l’est pour ses
lilong
(appelés aussi
longtang
avant 1949)
27
. Il est
incontestable que ces ruelles, qui désignent non pas
une simple allée mais un ensemble de venelles
unissant plusieurs blocs d’habitations, représentent le
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lieu premier d’identification des citadins à la ville.
Même si cette unité est de taille plus réduite, c’est celle
qui s’approche le plus du « quartier » au sens français
du terme. En effet, un
lilong
n’est pas qu’un simple
espace dans la ville, c’est aussi une communauté. Il y a
une culture du
lilong
, une architecture propre à cette
forme d’habitat, un mode de vie qui amène les
résidents à des formes variées d’interaction. Enfin,
chaque
lilong
porte un nom qui lui est propre, choisi
par le promoteur ou par les habitants, qui est censé le
placer sous de bons auspices : ruelle du bonheur, de la
félicité, du bonheur du peuple, etc. Le choix est infini
28
.
Lorsqu’on se plonge dans la littérature populaire, du
moins celle d’avant 1949, les adresses sont toujours
formulées par référence à un
lilong
. Qu’il s’agisse de
désigner le domicile, des lieux de plaisirs, les
coordonnées d’un médecin, de décrire la vie d’une
famille, c’est le
lilong
ou ses déclinaisons locales qui
ressort toujours. Un
lilong
constitue un espace réduit
où vivent quelques dizaines de familles. Bien que cette
unité spatiale soit testée essentielle après 1949, elle n’a
jamais acquis un véritable statut aux yeux des
autorités. On peut y voir le reflet de leur désintérêt
pendant longtemps pour la « vie de quartier », sinon à
des fins de surveillance. Dans la Chine contemporaine,
l’organisation sociale qui a prévalu jusqu’à présent est
plutôt l’unité de travail (
danwei
), devenue l’instance de
référence pour la vie quotidienne grâce aux services
divers qu’elle apportait à ses membres (logement,
soins médicaux, produits alimentaires, etc.). Cette
structure est en passe de disparaître et entraînera
certainement une modification des habitudes des
citadins. Toutefois, les
lilong
sont en train de
disparaître eux aussi, sous les coups des pelleteuses.
Dans les revues académiques et la presse officielle
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actuelle est apparue une nouvelle notion, celle de
« petite zone résidentielle » (
zhuzhai xiaoqu
,
juzhu
xiaoqu
), pour désigner de nouveaux espaces urbains.
C’est un terme qui semble avoir été emprunté au russe
lorsque, dans les années 1950, par suite de l’influence
soviétique sur la planification urbaine et l’architecture,
la Chine a adopté ce concept de « petite zone »
(
xiaoqu
). À cette époque, il faisait référence à des cités
ouvrières ou à de petits ensembles résidentiels. Plus
tard, cette expression s’est diffusée dans les documents
officiels. Dans les années 1960 et 1970, en revanche,
avec le ralentissement de la croissance économique et
le gel de la planification urbaine, la notion de « petite
zone » est tombée en désuétude. Avec les années 1980,
elle est réapparue avec force et s’est imposée
rapidement dans la littérature spécialisée et officielle
(Wang 1994). Ce nouvel engouement pour les « petites
zones » a pris sa source dans les politiques de réforme
urbaine des années 1980, quand des « zones
résidentielles » ont été sélectionnées par le ministère
de la Construction pour servir de points d’appui à une
nouvelle politique de réhabilitation
29
. Celle-ci a suscité
l’intérêt et la curiosité des chercheurs
30
et toutes les
revues d’urbanisme ou d’études urbaines y ont
consacré de nombreux articles
31
.
Ces « zones » pourraient s’apparenter aux
« quartiers » français, mais un examen de leur
structure et de leur contenu social révèle cependant
très vite que ces entités ne sont pas des communautés
spontanées. On a bien là un terme qui relève du
langage des chercheurs et des praticiens de
l’urbanisme. D’autre part, d’après la documentation
examinée, ces « zones résidentielles » ne sont pas des
« quartiers » pris au hasard. Leurs limites sont définies
par les autorités : en général il s’agit d’un groupe
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d’immeubles sur un espace délimité par quatre rues
principales, un «
block
» au sens américain du terme.
La plupart sont en fait des grappes de grands
ensembles et d’immeubles de taille diverse qui
correspondent aux cités ouvrières construites à la
périphérie
32
. À Shanghai, le terme de « zone
résidentielle » a aussi été introduit par les techniciens
de l’urbanisme, mais le terme le plus usuel pour les
cités ouvrières reste l’appellation
xincun
(nouveau
village) adoptée à partir des années 1950.
Ces « zones résidentielles » n’ont pas de limites
précises, ni de surface de référence
33
. Leur population
se situe autour de cinq cents à un millier de foyers
(1 500-2 800 personnes) (Liu 1994, Wang 1994, « Ba
xiaoqu… » 1995)
34
. On peut imaginer que dans un tel
espace circonscrit, les résidents ont des relations
sociales et des intérêts communs. Dans certaines cités,
les habitants ont été impliqués dans le processus de
conception de la rénovation de leur « zone
résidentielle ». À travers des enquêtes et des courriers,
les résidents ont exprimé des avis et des suggestions.
En même temps, les « zones résidentielles » sont des
unités définies arbitrairement par le pouvoir politique
et bureaucratique, dont l’objectif est d’améliorer les
conditions de vie de la population concernée et de faire
de ces quartiers des zones modèles en y impliquant les
meilleures entreprises de construction et en y utilisant
les meilleurs matériaux (Zhu & Shi Guozhen 1995). Les
« zones résidentielles » sont donc avant tout une
composante de chaque municipalité dans son effort de
rénovation urbaine, mais elles ne constituent pas de
véritables quartiers.
La tendance la plus récente en matière de catégories de
l’urbain est le développement de quartiers de villas
(
bieshu
), un terme apparu dans les années 1920-1930
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pour désigner un habitat individuel bourgeois. Dans
les années 1990, c’est un phénomène nouveau qui
révèle l’enrichissement croissant de la société urbaine
chinoise et un désir d’échapper à l’habitat collectif de
piètre qualité. Ces espaces sont bâtis principalement à
la périphérie où les terrains sont moins chers et où la
congestion est moindre. Ils prennent la forme de
lotissements dans lesquels les maisons sont construites
à l’identique, pratiquement sans espace extérieur
privatif. Ce qui les distingue des lotissements français,
c’est cet entassement des habitations et leur isolement
du reste de la ville. Les villas sont situées dans un
espace protégé par un mur et gardé jour et nuit.
Résider dans un tel ensemble constitue une marque de
distinction sociale qui n’est accessible qu’à une
minorité. Le terme
bieshu
(villa), qui désignait une
habitation unique, évoque désormais une enclave
huppée, au regard des conditions normales d’habitat
en Chine. Le phénomène est encore trop récent pour
avoir marqué fortement le langage. De manière
intéressante, il est peu présent dans la presse officielle,
alors que tout résident urbain identifie immédiatement
le statut social de celui qui indique qu’il réside dans
une
bieshu
. Ces lotissements de villas portent aussi
toujours un nom qui renforce leur identité.
L’étude des catégories urbaines à Shanghai révèle
finalement deux strates bien distinctes, le vocabulaire
officiel et le langage populaire. Le premier s’est imposé
au second avec la mise en place d’institutions
municipales au
XX
e
siècle et des interventions
croissantes dans la gestion de l’espace urbain. La
langue vernaculaire a subi un processus paradoxal
d’enrichissement à travers l’assimilation d’une partie
du registre officiel et d’appauvrissement par
l’effacement progressif des référents spatiaux
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51
traditionnels. Alors qu’il y a eu une cohabitation des
deux registres de langue longtemps après l’installation
d’administrations municipales, l’instauration du
régime communiste entraîne la disparition totale des
termes et des modes de nomination des divisions de
l’espace urbain. Ce phénomène résulte de choix
politiques, mais aussi d’un processus de modernisation
qui appelle un recours à des repères mieux
standardisés (rues, numéros).
Le langage des chercheurs ou des bureaucrates
véhicule de nombreux termes qui se réfèrent à des
unités spatiales, mais il s’agit d’entités administratives.
Ils soulignent l’implication constante et croissante des
autorités dans des tentatives récurrentes pour établir
des systèmes de surveillance et de contrôle de la
population. La terminologie officielle ne reflète que
rarement la dimension sociale des quartiers, en
particulier après 1949. Les termes auxquels ont
recours les citadins dans le langage de tous les jours
pour exprimer comment ils appréhendent eux-mêmes
leur environnement proche ne se laissent pas
facilement saisir. Au niveau le plus élémentaire, il y a
une certaine continuité. Les citadins chinois ont un
sens du « quartier », mais ce sens est lié à un espace
relativement restreint, le quartier de ruelles (
lilong
)
.
Cette forme urbaine est condamnée à Shanghai. Pour
ceux qui habitent dans une zone de grands ensembles,
l’expérience est singulièrement différente, bien qu’elle
n’exclue pas une perception et une expression de cet
environnement.
Un trait marquant de la culture urbaine chinoise, dans
la dénomination des parties de l’espace urbain, est le
large usage qui est fait de la toponymie. Les
« quartiers », les divisions de l’espace n’existent
véritablement qu’à travers des noms de lieux dont la
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Bibliographie
Références bibliographiques
pérennité tranche avec les découpages successifs
imposés par le pouvoir municipal. Le quartier de
Wangfujing à Pékin n’a aucune réalité administrative,
ni de frontières bien délimitées, mais tout Pékinois sait
à quoi ce nom renvoie. À Shanghai, Waitan (le Bund)
évoque depuis plus d’un siècle et demi cet espace
vibrionnant adossé au fleuve, où bat le cœur
économique de la ville. Il n’a jamais été
institutionnalisé, mais aucune autre « division de la
ville » ne possède une telle puissance évocatrice.
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Notes
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2
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Chengshi
kaifa
[Développement urbain], 7 : 10-13.
Z
HENG
Zu’an. 1988.
Shanghai diming xiaozhi
[Petite
monographie des toponymes de Shanghai]. Shanghai,
Shanghai shehui kexueyuan chubanshe.
— 1999.
Bainian shanghai cheng
[Cent ans de la ville
de Shanghai]. Shanghai, Shanghai xuelin chubanshe.
Zhonghua minguo xianxing fagui
[Encyclopédie des
lois et règlements en vigueur en République de Chine].
1937.Shanghai, Shangwu yinshuguan.
Z
HU
Jianhong & S
HI
Guozhen. 1995. « Shidian xiaoqu
shi shenmen ? »
[Qu’expérimentent les quartiers
expérimentaux ?],
Chengshi kaifa
[Développement
urbain], 5 : 23-24.
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neiwai zujie beishi lüetu », qui figure dans Ge 1876, éd. 1989.
3
.
Le nom « Zhabei » a été remplacé en 1906 par « Beishi »
(marché du nord), qui désignait anciennement, on l’a vu, les
concessions étrangères. « Beishi » n’a pas pris racine et dès 1911,
« Zhabei » s’impose définitivement.
4
.
On notera que l’institution qui a précédé le Chengxiang neiwai
zong gongchengju (Bureau général de construction des rues de la
cité) établi en 1905 s’appelait Nanshi malu shan-hou gongchengju
(Bureau de construction et d’entretien de la route de Nanshi). Ce
bureau n’était concerné que par le faubourg à l’extérieur de la
muraille, où a été construite une route dans le prolongement du
Bund (fronton de la rivière) aménagé par les concessions le long
du Huangpu. Nanshi ne désigne bien alors que cette partie
extérieure de la ville.
5
.
Le terme est resté dans la langue, puisqu’il désigne un
arrondissement urbain de la municipalité actuelle.
6
.
« Hu » désigne toujours Shanghai aussi bien dans des
expressions littéraires que dans les documents administratifs,
tout comme chaque province chinoise peut être nommée par un
seul caractère qui diffère le plus souvent des deux caractères
composant leur nom. La ligne de chemin de fer Pékin-Shanghai
est ainsi nommée « jing-hu » (
jing
pour capitale,
hu
pour
Shanghai).
7
.
« Huxi » (Shanghai-ouest) a été utilisé au milieu des années
1930, mais il désignait la partie occidentale de la ville extérieure
aux concessions étrangères, soit la zone dite « des routes
extérieures ». Le terme a été employé par l’administration
municipale chinoise pour désigner certaines de ses installations
dans cette zone. Il a connu son heure de gloire après l’occupation
japonaise lorsque cette partie du territoire chinois est devenue
une sorte de
no man’s land
juridictionnel où ont fleuri casinos,
fumeries d’opium et maisons de prostitution. La presse s’en est
largement emparée. L’administration municipale de collaboration
a ensuite intégré ce territoire comme l’un de ses arrondissements
sous le même nom. Après la guerre, une nouvelle division
administrative, assortie de renominations, a évacué le terme.
8
.
Très exactement, le mot
yang
désigne la mer, soit en
l’occurrence les « gens venus de la mer ».
9
.
« 10 li » renvoie à l’extension (10 li = 5 km) que représentent
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les concessions au nord de la ville fortifiée.
10
.
Les concessions anglaise et américaine ont fusionné
officiellement en 1863, mais elles ont conservé leurs appellations
respectives jusqu’en 1899.
11
.
Le terme « Pudong » est répertorié dans les
Shanghai xianzhi
(monographies locales de Shanghai, préparées sous l’égide des
élites ou autorités locales) depuis le début du
XVI
e
siècle, même si
la zone se trouve de fait partagée entre deux comtés, celui de
Shanghai et celui de Baoshan.
12
.
Bien que les désignations de ces divisions aient évolué dans le
temps, de même que leur surface, la structure établie sous la
dynastie des Han (
III
e
siècle avant J-C), en particulier l’unité de
base qu’est le
xian
, s’est perpétuée jusqu’à nos jours.
13
.
Carte « chengxiang fenputu » dans
Shanghgai xian xuzhi
1919. Curieusement, sous la République, ces divisions ont disparu,
mais l’expression
shiliupu
(16 pu) est restée pour désigner le
faubourg oriental, entre la concession française er les faubourgs
du sud.
14
.
Cette dimension reste difficile, sinon impossible à explorer
dans la mesure où les archives impériales n’ont pas survécu au
soulèvement de la Société du petit couteau en 1854 et aux
destructions ultérieures qui ont affecté la ville fortifiée.
15
.
« Shanghai tebieshi zanxing tiaoli » [Règlement provisoire de
la municipalité spéciale de Shanghai],
Dongfang zazhi
(La Revue
de l’Orient), 24, 9 : 101-103.
16
.
« Tebieshi zuzhifa » [Loi d’organisation des municipalités
spéciales] et « Shi zuzhifa » [Loi d’organisation des
municipalités],
Dongfang zazhi
(La Revue de l’Orient), 25, 19 :
101-103.
17
.
Voir plus bas, le
baojia.
18
.
Entre 1945 et 1949, la municipalité compte 16
arrondissements urbains et 16 arrondissements ruraux (
Shanghai
shi nianjian
1946).
19
.
Voir sur ce sujet Rowe 1979.
20
.
Naturellement, le terme
qu
désigne toujours l’échelon
administratif de référence qu’est l’arrondissement. Toutefois,
toutes sortes de « zones » coexistent au sein de la ville : zone
industrielle (
gongyequ
), zone commerciale (
sbangyequ
), zone
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touristique (
lüyouqu
), etc. Lorsqu’il faut créer un néologisme à
caractère technique, c’est encore le mot
qu
qui est mis à
contribution. Ainsi en va-t-il des zones standard de nuisances
sonores (
zaosheng dabiaoqu
). Le terme de
qu
s’applique
également à des espaces sans limites territoriales bien définies.
On l’utilise ainsi pour parler de « vieille ville » (
jiuchengqu
ou
chengshi jiuqu
) et de « ville nouvelle » (
xinchengqu
) au sein d’une
même cité, sans que cela renvoie nécessairement à des espaces
nettement délimités.
21
.
Le terme
jiao
signifie « à l’extérieur de la ville ». Dans le cadre
des municipalités, il s’est substitué à
xian
qui désigne uniquement
les comtés ruraux. Dans le langage courant,
jiaoqu
signifie aussi
« banlieue », « périphérie », sans connotation autre que
géographique.
22
.
Nous nous sommes inspirés du terme qui désignait, sous
l’empire, l’entité qui regroupait plusieurs préfectures (
dao
) et qui
est rendue par convention en français par « circuit ».
23
.
Le
Guide pratique de la ville de Pékin
(
Beijing shiqing shouce
1994 : 36) ne mentionne les lots qu’en relation avec la rénovation
des quartiers délabrés, qui représentent 202 lots.
24
.
Voir les cas de Jing’an et de Yangpu dans Henriot & Zheng
1999 : 115-117.
25
.
Il y avait à l’origine six portes (au sud et à l’est, elles étaient
doublées). Entre 1849 et 1911, quatre autres portes ont été
percées. Alors qu’elles portaient chacune à l’origine un nom
propre, celui-ci a été remplacé par l’indication de la direction
(nord, sud, est, ouest), déclinée en « grandes » (
da
), « petites »
(
xiao
) et « nouvelles » (
xin
) pour les distinguer (Zheng 1988 : 7).
26
.
Ces processus sont très bien décrits dans Zheng 1988, ch. VII.
27
.
Bien que le terme générique le plus courant soit
li
, les
lilong
de Shanghai sont baptisés d’une foule de termes très variés :
fang
(quartier),
long
(ruelle),
cun
(village),
lu
(hutte),
yuan
(jardin),
zhuang
(hameau),
zhai
(résidence),
xiang
(ruelle),
xincun
(nouveau village),
huayuan
(cour-jardin),
bieshu
(villa). Cette
variété renvoie aussi aux évolutions de l’habitat, notamment
l’émergence de types plus bourgeois.
28
.
À titre d’illustration, on notera qu’il y avait à Shanghgai 365
lilong
dont le nom commençait par le caractère
yong
(éternel).
Celui-ci était combiné à 64 caractères différents pour donner
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autant d’appellations de
lilong.
Néanmoins, les homonymies
étaient inévitables : il y avait ainsi 56 « yong’an » (paix éternelle),
29 « yongqing » (bénédiction éternelle), 23 « yongxing »
(prospérité éternelle) et 21 « yongji » (félicité éternelle). On
comprend mieux l’importance de situer le « quartier » de
référence de chaque
lilong
pour éviter de se perdre (Zheng 1988 :
74).
29
.
Ces quartiers ont été érigés en zones expérimentales où les
autorités tant centrales que locales ont mis en œuvre des mesures
de planification et d’amélioration de l’habitat. Depuis le début de
cette réforme, le ministère de la Construction a publié deux listes
de sites expérimentaux. Il y en a environ 4 000 à travers le pays
(Tan Qinglian 1995).
30
.
Voir Chang 1993 ; Shu 1993 ; Cai 1994 ; Huang 1994 ; Mei
1995
a
et 1995
b
; Yang 1995 ; Hong 1995 et les expériences en
divers points de Chine rapportées par
Chengshi kaifa
[Développement urbain], 5, 1995 : 25-28.
31
.
En 1995, l’Académie des sciences sociales de Pékin a établi un
groupe de recherche chargé d’étudier « la gestion moderne des
zones résidentielles des villes chinoises » (
Zhongguo chenghsi
juzhu xiaoqu xiandai guanli yanjiu
). Les activités de ce groupe
ont été rapportées régulièrement dans la revue
Chengshi wenti
[Problèmes urbains] et la revue
Chengshi kaifa
[Développement
urbain] a créé une rubrique « Brèves des petites zones
expérimentales » (
xiaoqu shidian jianbao
) : voir par exemple 5,
1995, p. 44 et 1, 1995, pp. 32-33.
32
.
Dans quelques villes, les autorités ont inclus des quartiers
anciens de
lilong
dans leurs projets expérimentaux de rénovation
urbaine. Mais ce sont bien des exceptions (Zhang, Yang & Tao
1995).
33
.
À Chengdu, un « quartier résidentiel » couvre une surface de
52
mu
(3,4 ha). Dans une autre ville, la surface atteignait 1,5 km
2
.
Dans la plupart des articles, les auteurs ne donnent que très peu
d’indications statistiques. D’autre part, il semble que les quartiers
dont ils traitent n’ont pas de contenu social, ni d’environnement
géographique (« Ba xiaoqu… » 1995 ; Rong 1995 ; Qin 1995 ; « Zai
zhuzhai… » 1995).
34
.
Naturellement, il y a aussi de grandes « zones résidentielles ».
La zone expérimentale de Zhongshan beili à Tianjin ne compte
pas moins de 25 bâtiments et 30 000 résidents. Le quartier de
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Wuyancun à Canton regroupe 200 bâtiments et une population de
6 445 foyers (environ 22 000 personnes). Dans ces conditions, il
devient difficile de parler de quartier, bien que les grands
ensembles puissent aussi former des entités sociales spécifiques
(Chang 1993 ; He 1994).
Auteurs
Christian Henriot
CHRISTIAN HENRIOT
, historien, Institut d'Asie orientale, Lyon
Zheng Zu’an
ZHENG ZU'AN
, historien, Académie des sciences sociales de
Shanghai
© Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2002
Conditions d’utilisation :
http://www.openedition.org/6540
Référence électronique du chapitre
HENRIOT, Christian ; ZHENG ZU’AN.
Les divisions de la ville à
Shanghai (XIX
e
-XX
e
siècles)
In :
Les divisions de la ville
[en
ligne]. Paris : Éditions de la Maison des sciences de l’homme,
2002 (généré le 01 décembre 2015). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/editionsmsh/1245>. ISBN :
9782735116652.
Référence électronique du livre
TOPALOV, Christian (dir.).
Les divisions de la ville.
Nouvelle
édition [en ligne]. Paris : Éditions de la Maison des sciences de
l’homme, 2002 (généré le 01 décembre 2015). Disponible sur
Internet : <http://books.openedition.org/editionsmsh/1233>.
ISBN : 9782735116652.
Compatible avec Zotero
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